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1882_Histoire_moderne___Gallica_bpt6k9799524x_texte_brut.txt
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[ COURS COMPLET D'ÉTUDES A. L'USAGE DES MAISONS D'ÉDUCATION PAR UNE COMMUNAUTÉ RELIGIEUSE S), . &. HISTOIRE MODERNE PARIS LIBRAIRIE RÉGIS RUFFET & Ci-Bourguet-Calas et C% successeurs RUE JAINT-SCLPICE, LYON LIBRAIRIE BRIDAY S, AVENUE DE L'ABCBUÈCB£ (Droits de traduction et de reproduction réservés). HISTOIRE MODERNE PROPRIÉTÉ. COURS COMPLET D'ÉTUDES A L'USAGE DES MAISONS D'ÉDUCATION PAR UNE COMMUNAUTÉ RELIGIEUSE £D. !f, ffl. HISTOIRE MODERNE PARIS LIBRAIRIE RÉGIS RUFFET & C < Bourguet-Calas et C% successeurs RUE SAINT-SULPICE, LYON LIBRAIRIE BRIDAY , AVENUE DE L'ARCHEVÊCHÉ (Droits de traduction et dgu-ïeproduction réservés). AVERTISSEMENT Le moyen âge nous a fait. assister à l'établissement des Barbares sur les ruines de l'ancien monde, à leur-transformation morale par l'Eglise qui les a élevée. constitués en peuples nouveaux, puis unis dans son sein en une seule grande famille appelée chrétienté. enfin, leur a procuré une jeunesse si glorieuse dans les croisades ; en un mot, le moyen âge, le xure siècle surtout, amis sous nos yeux l'admirable spectacle de l'humanité régénérée par le christianisme. L'histoire moderne devrait nous montrer cette humanité s'avançant sous la protection de l'Eglise catholique, sa mère, vers l'humanité parfaite personnifiée en Jésus-Christ, mais il en sera, hélas ! tout autrement. Déjà l'affaiblissement de la foi au déclin du moyen âge, le soulèvement des passions humaines, non moins que les épreuves de la Papauté elle-même lors du Giand schisme, avaient empêché l'Eglise d'achever son œuvre d'unité européenne ; l'âge moderne brise cette unité religieuse et la remplace par le système d',équilibre ; il repousse l'action de l'Eglise de l'ordre temporel, l'attaque même en plusieurs Etats dans l'ordre spirituel et, remontant dans ses attaques, de l'Eglise à l'Evangile, et de l'Evangile jusqu'à Dieu,il arrive finalement à la négation complète de la vérité religieuse si ma- gnifiquement affirmée par le moyen âge : telle est en substance l'attitude de l'âge moderne. Cependant l'Eglise répudiée n'en reste pas moins le tond de l'histoire ; chargée par le Christ rédempteur de régénérer toutes les nations, de les diriger vers leurs éternelles destinées, elle ne cesse jamais, directement ou indirectement, d'exercer son action divine sur ces nations, encore qu'elles ne s'en doutent pas, qu'elles opposent même de la résistance. L'âge moderne qui, tout infatué de lui-même, prend à tâche de dénigrer les œuvres accomplies dans les âges de foi, recueille, à son insu, tout ce que l'Eglise avait semé, préparé, édifié, pendant l'enfance et la jeunesse du moyen âge ; ou encore tout ce que sa perpétuelle et divine influence répand incessamment de bienfaits sur les peuples ; du christianisme dont elle est la dépositaire, découle comme d'une source mystérieuse tout ce qu'il y a de vrai, de juste, de moral, d'élevé, de beau dans le monde. La résistance plus ou moins grande de l'âge moderne à cette action bienfaisante du christianisme, aura pour résultat d'amener des divisions, des perturbations violentes, des guerres interminables qui rendent'l'histoire de cet âge fort compliquée,et ne permettent pas de l'embrasser d'un seul regard ; mais à l'aide d'un coup d'œil en forme d'introduction sur ses trois principales phases, on arrivera à une appréciation générale. Au point de vue politique, les peuples modernes s'affermissent de plus en plus dans leur nationalité respective; l'équilibre européen se constitue et se maintient à travers les luttes continuelles entre les souverains. Peut-être entrait-il dans les desseins de la Providence d'amener la conversion de l'univers entier par un moyen tout contraire à celui qui réunit le monde ancien au pied de la croix: à l'unité de pouvoir, Elle substitue les nations nombreuses et rivales de puissance, de gloire, d'intelligence, d'industrie, de commerce ; les unes vont conquérir les mondes, avec Christophe Colomb, c'est pour les gagner à Jésus-Christ ; d'autres vont chercher l'or qu'ils recèlent ; une activité dévorante, souvent même une ambition démesurée, pousse des milliers d'hommes sous un autre ciel ; mais toujours le missionnaire marche à a suite de ces conquérants quand il ne les précède pas ; la science lui trace des routes nouvelles, pour Dieu tout est moyen ; c'est ainsi que le perfectionnement de la boussole, au xve siècle, amena, au début de l'âge moderne, la découverte, puis la conversion de l'Amérique, de l'Asie orientale, etc. Au point de vue moral, la situation de l'Europe au commencement de cet âge était fort affligeante ; l'indifférence religieuse, l'indépendance de l'orgueilleuse raison, l'altération des mœurs, l'intérêt matériel, enfin une politique égoïste, avaient pris la place de cette foi héroïque de nos pères qui avait été le mobile de tous leurs actes, de leurs sublimes dévouements ; l'Eglise elle-même atteinte dans son côté humain, par suite du Grand schisme et des défaillances de la société chrétienne, gémissait du relâchement de sa discipline, et partant, des nombreux abus qui s'étaient introduits dans le sanctuaire ; on pouvait donc pressentir les grandes calamités qui vont signaler tout d'abord les temps modernes. Le Croissant, enhardi par la coupable inaction de l'Europe, y mul- tiplie ses conquêtes, la Papauté seule les arrête ; mais tandis qu'elle sauve, comme malgré elle, la société chrétienne de la barbarie musulmane, le monde païen ressuscité par la prétendue Renaissance des lettres et des arts, déverse dans les intelligences et dans les cœurs, le poison de ses doctrines mensongères, de sa morale sensuelle et corruptrice. Alors éclate la Réforme ou le Protestantisme, c'est-à-dire : « la plus terrible insurrection de l'esprit humain contre l'autorité divine, la révolution elle-même dans son expression la plus dangereuse ». Le Protestantisme fut la source de tous les maux qui, dans l'ordre social, non moins que religieux, ont accablé les peuples depuis quatre siècles ; dès son apparition, il brise l'unité catholique de l'Europe en entraînant dans l'apostasie la plupart des royaumes du nord, bouleverse les autres par de sanglantes guerres de religion, pousse les souverains à l'absolutisme, les sujets à l'indépendance, à la rébellion, et inaugure, en Europe une politique qui cesse d'être subordonnée à la foi et à l'Eglise. Le xvie siècle fut le plus désastreux de l'histoire moderne, car si les calamités du XVIIie dépassèrent encore les siennes, elles eurent leur cause première dans les maux accumulés au XVie siècle par la Réforme. Mais l'Eglise qui, une première fois avait sauvé le monde en l'arrachant à l'empire de la force par la transformation des Barbares, le sauve encore en arrêtant dans sa course le torrent dévastateur de l'hérésie protestante : elle raffermit la foi de la chrétienté dans l'immortel concile de Trente, la régénère par les plus sages réformes et, en dépit de la politique moderne, y maintient l'empire de la religion, de la morale et de la justice. En même temps, Dieu toujours riche en puissance et en miséricorde, répand sur ce xvr siècle où le péché abondait, une surabondance éclatante de grâce ; il suscite de nouveaux Ordres religieux pour répondre aux nouveaux besoins de la société chrétienne, et avec eux, les Ignace de Loyola, les Xavier, les Borromée, les Pie V, les François de Sales,etc.; ces saints admirables, et en si grand nombre, aident puissamment l'Eglise dans la grande oeuvre de régénération catholique qui marqua la fin du xvie siècle et le xvn'',la première partie surtout,et qui fut le principe de la grandeur de ce siècle. On l'a appelé le Siècle de Louis XIV parce que la France fortement retrempée par une lutte héroïque, même contre le sceptre royal pour la conservation de sa foi, acquiert une grandeur morale, une puis -sance, une gloire politique et intellectuelle qui font prédominer son influence en Europe et dans le monde entier. La brillante prospérité du religieux dix-seplième siècle, contrasta hautement avec les désastres de celui de la Réforme qui l'avait précédé, et plus encore avec ceux du siècle philosophique qui devait .suivre. Toutefois vers la fin du xvne siècle on eut à reprochrr à la France d'en ternir la gloire par sa politique gallicane; ces écarts ne furent, il est vrai, que momentanés, mais ils serviront d'appui dans la suite aux nombreux ennemis de l'Eglise. L'histoire moderne aura des phases pleines d'intérêt : les luttes entre les souverains, et bien au-dessus à nos yeux, celles qui auront pour objet la défense de la foi contre l'Islamisme ou l'hérésie, exciteront dans les coeurs un invincible dévouement, un vifsentiment patriotique, produiront de hauts faits d'armes et feront surgir les d'Aubusson, les l'Isle-Adam, les Jean de Lavalette, les François de Guise, les Tilly, les Turenne, les Condé, etc., etc. -, la marche de la civilisation mettra au jour des génies de toutes sortes : Copernic, Keppler, Galilée, Newton, etc., déroberont au ciel ses secrets; Descartes, Pascal, Leibnitz, etc., surpendront ceux de la science; les littératures modernes achèveront de se former,chacune aura son âge d'or, toutes compteront des chefs-d'œuvre, surtout quand elles en auront demandé l'inspiration à la foi et à la vertu; il en sera de même des arts lorsque, soustraits à l'influence païenne de la Renaissance, ils iront puiser à la source si pure et si féconde de la religion ; le génie d'un Michel-Ange, d'un Raphaël, d'un Palestrina, d'un Mozart, etc., fait encore la juste admiration de notre époque; enfin le commerce et l'industrie suivront les progrès toujours croissants de la puissance coloniale de l'Europe dans le Nouveau-Monde, en Asie, etc. Cependant les funestes principes du protestantisme qui ont germé plus ou moins en Europe, reçoivent au XVlILe siècle leur complet développement dans lt) philosophisme, c'est-à-dire dans l'incrédulité systématique la plus audacieuse. En considérant ce malheureux siècle, le regard superficiel s'étonne d'y voir les nations catholiques marcher à la dêradenœ, à la désorganisation sociale, tandis que ]< •« nations hérétiques acquièrent une prospérité extérieure, une puissance matérielle qui leur assure l'empire de la force en Europe ; c'est que l'ingratitude des premières méritait un châtiment spécial qu'elles trouvèrent dans les conséquences, mêmes de cette ingratitude. Dieu, par une faveur insigne, leur avait conservé le précieux don de la foi, alors que le protestantisme l'avait ravi à la moitié de l'Europe; au lieu de lui vouer en retour une fidélité inviolable, ces nations privilégiées n'étaient plus, au XVIIIe siècle, catholiques qu'à leur manière : tout en voulant rester unies à l'Eglise, elles rejetaient son contrôle, sa divine sanction dans leur vie politique; bien plus, leurs gouvernements prétendaient asservir la puissance spirituelle à la puissance temporelle, tant était amoindri à leurs yeux le pouvoir divin qui réside au sommet de la monarchie ecclésiastique. Ces regrettables notions des hommes d'Etat se répandirent sous des formes diverses dans l'esprit d'un grand nombre de catholiques; elles y affaiblirent le respect, la confiance, la soumission envers le Souverain-Pontife, relâchèrent les liens qui unissaient la société chrétienne au Saint-Siège et la livrèrent ainsi sans défense à la pernicieuse action du philosophisme et du Jansénisme, son hypocrite allié. Le philosophisme dont la France eut le malheur de devenir alors le foyer, consomma l'œuvre du protestantisme : il poussa l'homme à se servir de toutes ses ressources intellectuelles, de toutes les passions de son cœur, de tous ses moyens extérieurs d'action pour s'insurger contre l'Eglise, contre le Christianisme, contre Dieu, et bientôt le dix-huitième siècle fit retentir de toutes parts ce cri aussi vieux que le monde : « Non serviam », je ne servirai pas! La science enorgueillie de ses nombreuses découvertes, refuse d'en rendre hommage à Celui qui est l'auteur de toute science, elle rejette l'assistance de la foi qu'il lui avait donnée pour guide ; la littérature, sous la plume de Voltaire, de Jean-Jacques Rousseau et de leurs adeptes, répand dans toute l'Europe les doctrines les plus impies et les plus corruptrices; les hommes d'Etat favorisent publiquement ou en secret, tout ce qui est propre à amener le triomphe de l'incrédulité; les souverains eux-mêmes, frappés eu quelque sorte d'aveuglement,viennent en aide aux philosophes dans leur œuvre de démolition catholique; enfin les peuples, séduits par le prestige de ce qu'on leur présente comme la liberté, mais qui n'est en réalité que la licence la plus effrénée, les peuples n'aspirent plus qu'à l'indépendance et à la rébellion. Fort de tous ces auxiliaires, le philosophisme,de concert avec la Franc-Maçonnerie, livre un assaut général au Christianisme et, sur ses ruines, fait surgir le déisme, l'athéisme, le materialisme le plus abject ; il sape en même temps toutes les bases de l'ordre social, et amène à un moment donné l'effondrement de la vieille Europe chrétienne. En vain le xviii* siècle s'efforce-t-il de cacher sous les dehors d'une civilisation brillante, le vide des âmes d'où l'impiété et la corruption des mœurs ont banni le Christ et sa divine morale; la sanglante Révolution française qui,après avoir renversé sur notre sol l'autel et le trône, débordera ensuite en Europe, et fera le tour de l'univers, marquant son passage par des ruines de toutes sortes, apprendra au monde ce que deviennent les peuples qui rejettent Dieu et son Eglise : c'est à cette terrible catastrophe qui intéresse essentiellement l'Europe . et l'Europe est tout dans les temps modernes, que se termine l'histoire de ces temps. Un coup d'œil en forme de Sommaire sur l'histoire contemporaine indiquera les principaux événements de la révolution française, et montrera les peuples roulant pour la plupart depuis un siècle dans l'abîme de l'anarchie, élevant et renversant sans cesse leurs gouvernements et leurs souverains, pa)'cf? qu'ils persistent à chercher hors de l'Eglise, les véritables éléments de paix et de stabilité. Mais Dieu reste toujours le maître : tandis que le pouvoir humain échappe à tout moment aux mains qui s'efforcent de le retenir, le pouvoir divin de l'Eglise va remontant dans les intelligences et les cœurs catholiques, jusqu'au jour où le concile du Vatican rétablit sur une base inébranlable la notion vraie de la monarchie ecclésiastique; il en pose la clé de voûte par la définition dogmatique de la pleine puissance disciplinaire et de l'infaillibilité doctrinale du Souverain-Pontife, en attendant que l'avenir, s'il plaît à Dieu, rende à la Papauté son influence sur les vacillantes sociétés humaines; alors peuples et souverains retrouveront la paix et le bonheur en reprenant la devise des âges de foi : Christus vincit; Christus régnât-, Chrislus imperal ! Le Christ commande, Il règne, Il est vainqueur ! Le plan de ce cours étant le même que celui de l'histoire du moyen âge, nous n'indiquerons que les quelques modifications qu'on a dû y apporter. Les temps modernes requéraient nécessairement un peu plus de développement, si ce n'est pour la France qui a son histoire à part; nous nous sommes surtout étendu sur le fait culminant de chaque peuple, que ce soit l'apogée de sa gloire ou l'extrémité de ses désastres ; et, pour rendre le plus rares possible, les répétitions inévitables d'après notre plan qui assigne à chaque peuple son histoire, nous avons réservé les détails d'un fait pour le royaume où ce fait a prédominé : ainsi ceux de la rivalité de François Ier et de Charles-Quint pour la France, les détails de la guerre de Trente ans pour l'Allemagne, etc. De même que nous donnons place dans chaque époque aux nations nouvelles comme à la Hollande par exemple,qui, à la troisième époque seulement, prend rang parmi les puissances, de même nous retranchons celles dont l'existence politique s'étant amoindrie, sont devenues sans importance à notre point de vue: ainsi la Turquie, la Suisse ne paraîtront plus à partir de la troisième époque, etc. Les institutions qui avaient constitué la société du moyen âge, devaient être dans son histoire l'objet d'une étude spéciale, et d'autant plus facile, que, sous une variété apparente, elles offraient un caractère d'unité qui ne se retrouve pas dans l'âge moderne: la religion, base essentielle de la constitution de l'Europe jusqu'au xvie siècle, est alors abandonnée par une partie des nations qui embrassent la Réforme ; les grandes institutions de la féodalité et de la chevalerie, communes à tous les peuples de la grande famille chrétienne, disparaissent insensiblement de l'âge moderne; la politique et la royauté souvent absolue, y font subir aux institutions des modifications que l'histoire respective de chaque peuple fera nécessairement connaître; une étude spéciale de ces institutions ne serait donc qu'une redite. — II en serait de même du commerce et de l'industrie qui, développés, bien qu'à divers degrés, chez tous les peuples par suite des grandes découvertes, rentrent aussi dans leur histoire, ainsi que l'extension de leur puissance coloniale. — Mais les lettres, les sciences et les arts ayant eu une influence générale sur l'âge moderne, aussi bien par leurs écarts que par leurs progrès, on en trouvera un aperçu, non après chacune des quatre époques comme dans l'histoire du moyen âge, mais seulement après les deux premières et les deux dernières, vu la courte durée de l'âge moderne. — Pour la même raison, l'esquisse de l'histoire de l'Eglise ne se retrouvera aussi que deux fois ; c'est là surtout que, dans l'intérêt chrétien, nous avons cru nécessaire de donner un plus grand développement. Enfin l'histoire moderne devantcompléter les études historiques des jeunes personnes, nous nous sommes attaché à former leur jugement, soit en empruntant aux meilleurs auteurs l'appréciation morale des faits, soit en la laissant ressortir de la simple exposition du fait lui-même. Et parce que plusieurs de ces faits, surtout dans l'histoire de l'Eglise, touchent à la foi ou à la divine constitution de l'Eglise, nous avons senti le besoin d'une appréciation supérieure : Ce cours, ainsi que celui de l'histoire du moyen âge, a donc été soumis à l'autorité ecclésiastique, et nous ne les livrons au public qu'après nous être religieusement conformé aux observations faites et aux corrections indiquées par les personnes qu'elle a bien voulu charger d'en faire l'examen. Puissent les jeunes personnes recueillir de l'étude de ce cours, l'habitude constante de baser leurs jugements sur la loi de Dieu et de son Eglise, atin de subordonner en toutes choses les intérêts de la terre à ceux du ciel ! HISTOIRE MODERNE Divisions.. L'histoire moderne que l'on est convenu de faire commencer à la prise de Constantinople par les Turcs Ottomans (), se termine à la terrible catastrophe qu'on a appelée la révolution française () ; elle comprend trois cent trente-six ans. Nous la diviserons en quatre époques ou périodes que nous caractériserons, avec les auteurs les plus recommandables, principalement d'après les vicissitudes religieuses des peuples, la religion restant toujours le fondement essentiel de la société chrétienne : Première époque : Transition ; depuis la prise de Constantinople par les Turcs jusqu'à l'apparition du Protestantisme (-) ; Deuxième époque : Rupture de l'unité chrétienne de l Europe; depuis l apparition du Protestantisme jusqu'à la paix de Westphalie (-) ; Troisième époque : Equilibre Européen ou substitution de l'intérêt politique à l'intérêt religieux qui avait prévalu jusqu'alors en Europe ; depuis la paix de Westphalie jusqu'à la mort de Louis XIV (-) ; Quatrième époque : Philosophisme ou dernière période de l'indépendance religieuse ; il amène la décadence, la décomposition de l'Europe chrétienne ; depuis la mort de LouisXIV jusqu'à la révolution française (-) PREMIÈRE ÉPOQUE DEPUIS LA PUISE DE CONSTANTiNOPLE PAR LES TURCS JUSQU'A L'APPARITION DU PROTESTANTISME (H-t). APERÇU GÉNÉRAL Cette époque voit s'opérer la transition du Moyen âge à l'âge Moderne proprement dit. La féodalité qui existe encore, va disparaître chez la plupart des peuples sous le pouvoir toujours croissant de la royauté ou plutôt elle se transformera et deviendra sous le nom de noblesse l'appui du trône contre lequel elle a lutté quatre cents ans. Mais, à l'exception de la Péninsule Hispanique qui ne cesse de combattre pour la foi, les princes chrétiens méconnaissent l'usage qu'ils doivent faire de leur puissance, quand ils n'en abusent pas. La France, l'Allemagne, l 'Angleterre, autrefois unies sous l'étendard de la Croix pour aller refouler l'Islamisme en Orient, restent indifférentes lorsqu'il ravage le sol européen ; les puissantes sollicitations des Souverains Pontifes ne peuvent les arracher aux dissensions, aux guerres civiles, aux rivalités ambitieuses dont l'Italie sera si longtemps le théâtre, et l'Europe fût devenue la proie des farouches vainqueurs de Constantinople, sans la Papauté, sans l 'Eglise. Son maternel dévouement veille sans cesse sur la grande famille chrétienne formée dans son sein et dont elle a protégé l'enfance et les heureux développements avec tant d'amour; elle la sauve au quinzième siècle de l'oppression des Turcs Ottomans comme elle l'avait sauvée au onzième des Turcs Seldjoucides en les arrêtant par les Croisades. Mais, ce n'est pas seulement en présence du Croissant que se révèle l'affaiblissement de la foi : les sciences et les arts, sous l'influence de l'antiquité païenne, commencent à rompre avec les traditions du Moyen âge qui s'était inspiré généralement aux sources de la religion et de la vertu; le génie du quinzième siècle s'annonce avec des tendances de liberté, d'indépendance qui, jointes à la décadence morale des peuples et au relâchement de la discipline ecclésiastique, font pressentir le terrible coup que portera Luther à l'unité catholique dans l'époque suivante. Cependant Dieu ménage dans celle-ci une consolation immense à son Eglise: l'Amérique et l'Asie Orientale sont enfin livrées à son zèle ; et, à la faveur des nouvelles relations commerciales, la foi et la civilisation chrétiennes se répandront jusque dans les contrées les plus éloignées et les plus barbares. Dès le début de cette première époque, la monarchie de FRANCE qui avait failli s'ensevelir dans la guerre de Cent ans, reparaît glorieuse à la tête de toutes les autres; cependant, menacée à l'intérieur par les grand(vassaux qui l'ont sauvée naguère, elle engage contre eux une lutte victorieuse ; et, ce triomphe, que ses institutions avaient préparé, elle le consolide par les acquisitions territoriales les plus importantes. Sur les ruines de la féodalité, s'élève une brillante noblesse qui conserve du moins pour apanage, l'esprit chevaleresque, l'amour de la gloire, le dévouement à son roi et à sa patrie ; elle s'élance en Italie à la suite de Charles VIII, de Louis XII, de Francois Ier qui, pendant soixante ans, vont chercher au delà des Alpes, quelques brillants succès, mais aussi de terribles revers. La"pauvre ITALIE n'a plus, pour ainsi dire, d'histoire à elle : cernée de près par l'Islamisme, tourmentée par des révolutions politiques qui ne l'empêchent pas, toutefois, d'inaugurer le siècle des Médicis, elle voit encore ses fertiles vallées, son beau ciel convoités par ses puissants voisins. Envahie d'abord par les Français, elle se livre à eux espérant qu'ils l'arracheront à l'anarchie ; mais, trop morcelée pour accepter une même domination et instruite bientôt par l'expérience du prix de sa nationalité, elle lutle avec le secours de l'Espagne, de l'Empire, de la Suisse contre l'invasion française qui menace si fort son indépendance et même, un moment, celle du Saint-Siège; les Souverains Pontifes sauvent l'une et l'autre ; cependant cette première époque ne verra point la fin des guerres d'Italie. L'EMPIRE D'ALLEMAGNE, livré à de faibles souverains, laisse aux Slaves la gloire de repousser les invasions incessantes des Turcs; il ne peut même retenir ses sujets sous son sceptre et voit la SUISSE s'y soustraire et se constituer en république militaire. Mais il reçoit, à la fin de cette période, une constitution nouvelle, et les empereurs, par leur sollicitude pour leurs états héréditaires d'Autriche, accumulent dans leur Maison, une puissance qui replacera l'Allemagne à la tête de l'Europe dans l'époque suivante. L'ANGLETERRE, dont l'injuste agression avait fait couler si longtemps le plus noble sang de France, voit à son tour, son antique féodalité que la guerre de Cent ans avait laissée intacte, s'abîmer dans la guerre civile des Deux-Roses; les hauts barons, les plus illustres lords y périssent ; et, avec eux, toute la dynastie trois fois séculaire des Plantagenets ; la royauté des Tudors sort toute puissante, de ces ruines sanglantes; en présence d'une nation épuisée, elle ne tardera pas à faire peser sur l'Angleterre le plus odieux despotisme. L'ECOSSE, livrée jusqu'ici à une anarchie presque continuelle, résultat de la barbarie de ses populations et de la puissance de sa turbulente noblesse, ne peut y être complètement soustraite par les énergiques efforts des princes Stuarts ; aussi ne jouera-t-elle en Europe, que le rôle secondaire d'alliée de la France contre l'Angleterre, du moins jusqu'à la royauté des Tudors. Cette période est celle de la gloire pour la catholique ESPAGNE : huit cents ans de lutte héroïque pour la défense de sa foi et de sa nationalité, sont enfin couronnés par l'expulsion définitive des Maures ; à cet éclatant triomphe qui assure l'unité et la grandeur de la monar- chie, s'ajoute la gloire de donner à Jésus-Christ un monde nouveau et d'acquérir un vaste empire au delà des mers ; l'avènement de la Maison d'Autriche, à la fin de cette époque, amènera l'Espagne à partager avec l'Allemagne, la domination de l'Europe au seizième siècle. Le PORTUGAL voit aussi son âge d'or : l'esprit des croisades qui, depuis longtemps, l'a rendu victorieux sur son territoire, l'anime encore lorsqu'il explore l'Océan ; ses grandes découvertes sont avant tout des conquêtes pour la foi, et il reçoit en récompense d'immenses possessions dans les Indes Orientales. Les états SLAVES, du moins la HONGRIE () et la POLOGNE figurent avec gloire pendant cette période ; la première sauve l'Europe par ses luttes héroïques contre les Turcs; la Pologne, devenue puissante par l'avènement des Jagellons, subjugue une partie de la PRUSSE, et ne laisse l'autre à l'Ordre Teutonique, qu'à titre de fief ; rivale de l'Autriche pour la Bohême et la Hongrie, elle l'emporte et donne des souverains à ces deux royaumes. A l'interieur, sa constitution s'organise ; malheureusement elle conserve des éléments d'anarchie qui ne permettront pas à la prospérité de la Pologne de s'affermir. La RUSSIE, courbée depuis si longtemps sous le joug des Tartares, se voit enfin rendue à l'indépendance par les Grands-ducs de Moscovie qui rétablissent l'unité de sa monarchie et jettent les fondements de sa puissance future. Quant aux états SCANDINAVES, l'Union de Calmar qui devait être pour eux un gage assuré de paix, ne leur apporte en réalité que discorde et guerre ; l'ambitieux DANEMARK y voit l'autorisation d'asservir la SUÈDE, et, celle-ci, jalouse de conserver son indépendance ne cesse de lutter jusqu'à ce qu'elle l'ait définitivement re- () Bien que les Hongrois soient d'origine scythique, comme ils s'implantèrent au milieu des Slaves, la Hongrie, ainsi que nous l'avons dit, à l'histoire du moyen âge, est ordinairement rargée parmi les Etats Slaves. conquise. La NORWBGE accepte paisiblement le joug du Danemark. Le Croissant qui a fondé la TURQUIE EUROPÉENNE poursuit ses conquêtes, car les débris de l'empire Grec rebelle à l'unité catholique, doivent disparaître sous ce sceptre de fer ; mais c'est' en vain que quelques triomphes passagers sur les chrétiens lâches ou indi ferents, lui font espérer la domination de l'Europe : le zèle de la Papauté, la valeur des peuples Slaves, la foi et la bravoure des chevaliers de Rhodes, des Hunyade, desScanderbeg lui font éprouver d'humiliants revers. Néanmoins les Ottomans figureront désormais parmi les nations Européennes; semblables à ces peuples infidèles laisse-; au milieu de la Terre Promise pour le châtiment des juifs, les Turcs sont destinés par la Providepce, * punir Grecs d'un endurcissement que quatre siècles du plus iiumiliant asservissement n'ont pu vaincre encore aujourd'hui ). CHAPITRE I. FRANCE ET ITALIE (-). § . - FRA.NCE jusqu'aux guerres d'Italie : Louis XI. - Première partie du règne de Charles (-). Etat de la. féodalité. — Charles VII, vainqueur dès Anglais, avait replacé la France au premier rang en () Lorsque, par le concours généreux des nations occidentales, le petit royaume de Grèce fut arraché en à la domination du Croissant, le premier usage qu il fit de sa liberté fut de déclarer qu'il appartenait au schisme moscovite et qu défendait toute tentative de retour à l'Eglise Latine. C es jours la même obstination entretenue par la politique de la Russie. Europe; à l'intérieur, il avait préparé le triomphe de la royauté sur les grands vassaux par l'établissement d'un subside annuel et de troupes permanentes; ce triomphe était bien désirable, car la féodalité qui avait été d'abord le salut de la monarchie, était devenue, au xvc siècle, une entrave à son développement. Décimée à Crécy, Poitiers, Azincourt, elle avait regagné en puissance ce qu'elle avait perdu en nombre; trois grandes vassalités, celles de Bretagne, d'Anjou et de Bourgogne, issues, la première des Capétiens directs, les autres des Valois, étaient rivales du trône. La maison de Bretagne, alors représentée par François II qui s'intitulait due, par la grâce de Dieu, formait, dans sa presqu'île, un état presque indépendant et toujours disposé à servir d'appui aux ennemis du roi. Le riche comté de Provence, héritage de la maison d'Anjou qui ceignit même, par intervalles, la couronne de Naples, appartenait depuis , au bon roi René; il y ajouta le duché de Bar que lui laissa son oncle maternel et celui de Lorraine () par son mariage avec l'héritière de ce duché, Isabelle, fille du duc Charles /, mort en ; les possessions des princes d'Anjou cernaient donc de tous côtés le domaine royal, et la cour de Provence était une espèce de centre pour les populations du midi, comme celle de Flandre ou de Bourgogne, pour le Nord; mais si le bon roi René possédait les anciennes vertus chevaleresques que nous retrouverons dans ses enfants, Jean de Calabre (), Marguerite d'Anjou, reine d'Angleterre, et Yolande, duchesse de Lorraine, il se laissait souvent cape () La Lorraine lui fut disputée, comme fief masculin, pai Antoine de Vaudemont, neveu, par son père, du duc Charles, une alliance entre les enfants des deux compétiteurs, termina enfin leur querelle : Ferry de Vaudemont épousa sa cousine Yolande d'Anjou, et René de Vaudemont, issu de ce mariage, sera appelé en à gouverner la Lorraine. () Jean de Calabre ou d'Anjou fut appelé successivement à régner sur Naples, sur la Navarre, sur le duché de Lorraine et ne put retenir une seule de ces couronnes. Il mourut prématurément. tiver par l'amour de la poésie et des arts; ce vassal était donc peu redoutable. Il n'en était pas ainsi de Philippe le Bon, duc de Bourgogne : plus riche qu'aucun roi de l'Occident, il réunissait sous sa domination des provinces entières, Bourgogne, Picardie, Flandre, etc., une foule de fiefs, une noblesse innombrable, et les villes les plus commerçantes de l'Europe; c'était le véritable chef de la féodalité, il l'avait bien prouvé dans la guerre de Cent ans. Après ces trois grandes vassalités, venaient les comtes d'Albret, de Foix. d'Armagnac, le comte de Saint-Pol, issu de la Maison impériale de Luxembourg, les Montmorency, les Laval, etc; la plupart de ces seigneurs, fiers du glorieux concours qu'ils avaient prêté à Charles VII, se laissèrent entraîner par un esprit d'indépendance, de révolte même que le monarque dut réprimer par les plus sévères exemples : le comte d'Armagnac fut exilé, le duc d'Alençon mis en prison, le duc de Bourbon exécuté, etc; la lutte entre la royauté et la féodalité était engagée, Louis XI allait la rendre décisive. Louis XI (-). — Sa politique. — Ce prince avait à peine dix-sept ans, lorsque la Praguerie révéla son odieuse ambition; aussi Charles VU l'avait-il envoyé à l'empereur Frédéric , alors en guerre avec les Suisses. Vainqueur à Saint-Jacques (), près de Bâle, des intrépides montagnards, (seize cents se firent tuer plutôt que de reculer devant , hommes), le dauphin, devenu Louis XI, se souviendra de leur héroïsme, et la garde Suisse remplacera (U) la garde Ecossaise auprès de nos rois ; dans les guerres d'Italie, les Suisses composeront la principale infanterie de la France. Exilé dans son gouvernement du Dauphiné pour une seconde rébellion (), le prince dénaturé s'enfuit en chez le duc de Bourgogne qui lui donna Genep pour résidence, nourrissant, suivant la prédiction de Charles VII, le renard qui devait manger ses poules. Dès qu'il apprit la mort de son père (), Louis XI s'empressa de venir saisir son sceptre, qu'il convoitait depuis vingt ans ; c'était la première fois que ce sceptre auguste allait se trouver aux mains d'un monarque sans cœur, ni loyauté, dévoré d'ambition et dont la politique rusée, perfide, cruelle, devait avoir encore pour auxiliaires des vengeances personnelles, ainsi que l'attestèrent ses premiers actes : Dunois quitte la cour; Chabannes, comte de Dammartin, est mis à la Bastille, l'illustre chancelier Juvénal des Ursins, laissé sans honneur; le nouveau duc de Bourbon exilé de son gouvernement, etc. Tous les serviteurs dévoués de Charles VII disparaissent. Louis XI distribue ses faveurs aux compagnons de sa révolte et de son exil; il met en liberté le duc d'Alençon, investit Charles, comte de Charolais et fils de Philippe lé Bon, de nouveaux fiefs, mais avec la pensée de l'en dépouiller bientôt; car, s'il ménage d'abord ce vassal redoutable, il prétend montrer un jour qu'un duc de Bourgogne n était pas, d'une autre nature, ni d'un autre métal que les autres princes du royaume, dont il a résolu la ruine. Aussi s entoure-t-il de gens de petite condition, dit Comines, n ayant besoin que de créatures serviles pour exécuter ses perfides desseins. Il prend son tailleur pour héraut d 'ai,nies, un barbier pour gentilhomme de la chambre, et pour ami et compère, le prévôt Tristan. Ligue du Bien-Publie ().- L'or devait être un des pius puissants ressorts de la politique de Louis XI; aussi prélève-t-il de nouveaux impôts qui mécontentent fort le peuple, tandis qu'il irrite les grands par les actes les plus arbitraires. Ii enlève au duc de Bretagne les droits régaliens; au comte de Charolais, le gouvernement de la Normandie, arrachant en même temps à la faiblesse du vieux duc de Bourgogne, les villes de la Somme, cédées par le traité d'Arras; enfin, il dépouille la noblesse de son droit de chasse, le plus cher de tous, pour se le réserver exclusivement. Alors, avec une prodigieuse rapidité et un impénétrable secret, Jean d'Anjou, duc de Calabre, Charles, duc de Berry, frère du roi, les ducs de Nemours, d'Alençon, le comte d'Armagnac, Dunois, le sire d'Albret, Oammartin, qui s'est échappede la Bastille, et une foule d'autres seigneurs, forment, avec le comte de Charolais et François , duc de Bretagne, une ligue soi-disant pour le Bien public (le nom lui en resta) (). Les apparences étaient formidables; Louis XI n'a qu'une armée de quatorze mille hommes, et pour unique allié, le duc de Milan, François Sforze, qui, en retour de la cession de Gênes, lui envoie son fils, Marie Galéas, avec quelques renforts. Mais il y a peu d'ensemble dans l'attaque des confédérés et, après en avoir dispersé une partie dans le Berry, le roi revient attaquer le comte de Charolais à Montlhéry (UGo), avant que le duc de Bretagne l'ait rejoint; après une bataille indécisp, chaque armée, dit domines, s'enfuit de son côté. Néanmoins, les portes de Paris s'ouvrent à Louis XI, tandis que ses habiles flatteries gagnent à sa cause les Parisiens, ses intrigues divisent d'abord les confédérés, puis les désarment par les traités de Conflans et de Saint-Maur (t f ) ; le premier, conclu avec le comte de Charolais, le second, avec les autres princes. Les seigneuries, les places fortes, les pensions, sont prodiguées, bref, chacun emporta sa pièce, et pour ne pas oublier le peuple, on convint que trente-six notables seraient chargés de ses intérêts. r . Le roi s'était montré d'autant plus libéral, qu'il était bien résolu à ne point tenir ses engagements ; en effet, il ne tarda pas à les rompre; mais apprenant le nouveau mécontentement des princes, il espéra, dans l'entrevue de Péronne (), apaiser le comte de Charolais, ce fameux Charles le Téméraire, qui venait de succéder à son père, Philippe le Bon (.); il faillit y être victime de sa perfidie et n'obtint sa liberté qu'à de dures conditions : il dut ratifier les traités de Conflans et de Saint-Maur, et suivre le duc de Bourgogne contre ces mêmes Liégeois, dont il avait provoqué secrètement la révolte. L'assemblée des notables de Tours eut mission de casser le traité de Péronne comme les précédents; le roi ressaisit les villes de la Somme, qu'il avait rendues à Charles le Téméraire, et, pour éloigner de ce redoutable vaîsal son frère Charles, il lui donna la Guienne, en échange de la Champagne, qu'il lui avait promise; les princes n'en resteront pas moins les alliés du duc de Guienne. Seconde ligne contre Leuis XI (Î-Ï). — Charles le Téméraire, furieux de la rupture du traité de Péronne, forme contre Louis XI une seconde ligue où entrent d'abord les ducs de Guienne, de Bretagne, de Bourbon, etc., et plus tard deux princes étrangers : Jean II, roi d'Aragon, qui reprend le Roussillon et la Cerdagne, engagés à Louis XI en , pour , écus d'or, et Edouard IV, roi d'Angleterre, d'autant plus disposé à se faire l'allié du duc de Bourgogne, son beau-frère (I), que ses ennemis, les Lancastriens, étaient soutenus par la France. La mort du duc de Guienne, sous le nom duquel les princes s'étaient ligués, servit si bien les intérêts du roi, que tous l'accusèrent, à tort ou à raison, de n'y être point étranger. Charles le Téméraire se jette aussitôt sur la Picardie et la met à feu et à sang, brûle Nesle, et va venger sur le pays de Caux, l'échec que Jeanne Hachette lui a fait essuyer sous les murs de Beauvais (). Cependant, affaibli par tant de ravages et préoccupé de rêves ambitieux, il accepte une trêve avec Louis XI, qui le laisse volontiers s'aller heurter contre t'Allemagne. Débarrassé de son plus redoutable ennemi, l'habile monarque s'assure des autres par des moyens divers. Le duc d'Alençon est emprisonné; le bon roi René, coupable d'avoir aspiré à la main de l'héritière de Bourgogne pour son petit-fils, Nicolas (), duc de Lorraine, est dépouillé momentanément de l'Anjou ; le duc de Bourbon est nommé lieutenant général du royaume, et son frère, Pierre, sire de Beaujeu, épouse Anne de France, fille du monarque ; enfin, leconnétabîa de Saint-Pol convaincu d'avoir () Charles le Téméraire avait épousé Marguerite d'York, sœur du monarque anglais. () Il était fils de Jean de Calabre à qui René avait d'abord donné la Lorraine en ;, trahi la France et la Bourgogne, le comte d'Armagnac et le duc de Nemours, sont mis à mort. Louis XI triomphe également des princes étrangers : ses armes enlèvent à Jean d'Aragon le Roussillon et la Cerdagne, et son or'achète, par la trêve de Pecquigny (), la retraite d'Edouard IV, qui avait débarqué à Calais avec seize mille hommes, comptant, mais en vain, sur le concours du duc de Bourgogne. Expéditions et mort dè Charles le Téméraire (-). — Si l'ambitieux duc avait laissé languir la lutte avec Louis XI, c'était afin de poursuivre ses vastes projets : il voulait réunir à ses Etats la Lorraine, la Provence, la Suisse et le Dauphiné, en un mot, rétablir, mais en l'agrandissant, l'ancien royaume de Bourgogne. Il commence par solliciter de l'empereur Frédéric , le titre de roi, et se venge du refus impérial en s'opiniâtrant dix mois devant Nuits ou Neuss (Prusse rhénane), ne recueillant de ce fatal siège que le trop juste surnom de Téméraire. Après avoir signé une nouvelle trêve avec Louis XI, il enlève la Lorraine au jeune duc René de Vaudemont, qui avait succédé, en , à son cousin Nicolas d'Anjou, mort sans postérité ; les Suisses allaient venger le prince dépossédé. Attaqués par Charles le Téméraire le Grand duc de l'Occident, qui avait d'anciens ressentiments contre eux, les montagnards essaient d'abord de le fléchir : « Il y a plus d'or, lui disent-ils, dans les éperons de vos chevaliers que vous n'en trouverez dans tous nos cantons. » Le duc reste inflexible; il s'empare de Granson et fait massacrer la garnison qui s'est rendue sur sa parole. L'armée des Suisses fond alors sur la sienne, aux cris de Granson ! Granson ! En même temps retentissent dans toute la vallée le Taureau d'Uri et la Vache d'Unterwalden, c'est à dire deux trompes d'une monstrueuse grandeur, que les vaillants montagnards disaient avoir reçues de Charlemagne. La déroute des Bourguignons fut complète (), et le butin des vainqueurs, immense; mais,dans leur heureuse simplicité, ils en ignoraient la valeur : la vaisselle d'argent prise pour de l'étain, fut donnée à vil prix, et le plus beau diamant de Charles le Téméraire vendu un écu (). Ce désastre ne modéra point sa fougueuse ambition ; trois mois après, il laissait sur le champ de bataille de Morat, huit à dix mille des siens, dont les ossements servirent à l'érection d'une chapelle ; les Suisses y firent graver cette inscription, d'une ironie cruelle : Souvenir laissé par le très vaillant duc de Bourgogne (). Après ce terrible échec, Charles le Téméraire, plus furieux que jamais, tourna ses armes contre René deVaudemont, remis en possession de la Lorraine par les Suisses, mais il trouva la mort au siège de Nancy (). René lui fit faire de magnitiques funérailles. Origine de la rivalité des maisons de France et d'Autriche. — Charles le Téméraire ne laissait qu'une fille, Marie de Bourgogne, au grand contentement de Louis XI, qui s'empara aussitôt du duché de Bourgogne, fief masculin, et de la Picardie; il eût voulu recueillir tout l'héritage en unissant la jeune duchesse au dauphin ; mais elle donna sa main à Maximilien d'Autriche, lui apportant pour dot la Franche-Comté () Ce diamant, gros comme la moitié d'une noix, finit par tomber entre les mains de Louis le More, ou selon d'autres, des Bernois qui le cédèrent à Jules Il pour , ducats; il resplendit aujourd'hui sur la tiare. Un second, acheté plus lard par Henri VIII, roi d'Angleterre, passa de la reine Marie, sa fille, femme de Philippe Il roi d'Espagne, dans la maison d'Autriche qui le conserve encore à Vienne. Enfin un troisième diamant du duc de Bourgogne retint le nom d'un de ses nombreux propriétaires, le baron de Sancy et figure aujourd'hui au second rang parmi les diamants de la couronne de France; dans le siècle dernier, le Sancy était évalué ,, livres tournois. (Le plus beau diamant de la couronne est le Régent ou le Pitt, ainsi appelé parce qu'il fut acheté de l'anglais Pitt par Philippe d'Orléans, régent sous Louis XV. Ce diamant est estimé cinq millions). () Les Français détruisirent l'Ossuaire de Morat. , croyant y voir un outrage à la gloire de la France. ou comté de Bourgogne, la Flandre, tous les Pays-Bas et l'Artois (). La longue et sanglante rivalité des maisons de France et d'Autriche, qui devait résulter de cette alliance, éclate aussitôt, quoique sans importance, et Maximilien, vainqueur à Guinegate () ou du moins maître du champ de bataille, ne sait pas profiter de cet avantage. La mort prématurée de Marie de Bourgogne, qui lui laisse deux enfants, Philippe le Beau et Marguerite, âgée de trois ans, le place en quelque sorte sous la tutelle des Gantois ; ils l'obligent à conclure le traité d'Arras () avec Louis XI, qui se fait abandonner la Franche-Comté et l'Artois, comme dot de la petite Marguerite, destinée au dauphin et amenée en France pour y être élevée; cependant elle n'y devait pas régner. Résultats du règne de Louis XI. — Les événements, plus encore que la politique, concoururent, sous ce règne, à l'accroissement de la puissance royale. Louis XI avait eu sa part dans la vaste succession de Charles le Téméraire ; en vertu du testament de Charles, comte du Maine, neveu et héritier du bon roi René, il recueillit () toute cellé de la maison d'Anjou avec ses droits contestés au trône de Naples ; plus tard, le mariage de son fils Charles VIII () avec l'héritière de Bretagne, préparait la réunion définitive de cette belle province à la couronne : ainsi le défaut de postérité masculine fit disparaître ces trois grandes vassalités qui prétendaient marcher de pair avec la royauté. Sans parler des acquisitions secondaires, LouisXI avait donc ajouté au domaine royal, le duché de Bourgogne, la Picardie, la Provence, le Maine, l'Anjou, qui y furent annexés pour toujours, et le Roussillon, la Cerdagne, l'Artois, la Franche-Comté, dont la possession ne devait être que précaire ; il faudra le sceptre de Louis XIV pour les assurer définitivement à la France. Mais le triomphe de Louis XI sur la féodalité était complet ; le duc de Bretagne, la seule grande vassalité qui subsistât à, sa mort, était réduit à l'impuissance: Il avait mis les roys hors de pages, disait François Ier, car avant lui, les roys n'étaient que des demys roys. Cependant Louis XI n'était pas heureux ; torturé par une conscience inexorable qui lui reprochait ses perfidies et ses cruautés, il ne se dissimulait pas que son peuple gémissait de ses subsides, que la noblesse dont il se vantait d'avoir fauché les hautes tiges, était blessée au cœur, que la nation entière désapprouvait son odieuse politique; de là cette défiance, ces remords, ces affreuses terreurs qui l'assaillirent dans sa formidable retraite de Plessis-lès-Tours ; il fallut toute la puissance du saint ermite de Calabre, François de Paule, pour le résigner à la mort (). On doit à Louis XI l'établissement des postes (), l'institution de l'Ordre de Saint Michel (), l'introduction de l'imprimerie (), la création des parlements de Grenoble, de Bordeaux et de Dijon, des universités de Valence, Besançon, Bourges, enfin l'extension du commerce et l'exploitation des mines. Un de ses premiers actes avait été de renvoyer au pape Pie II le seing royal de la Pragmatique Sanction qu'il regardait avec raison comme un instrument d'anarchie dans l'Eglise et dans l'Etat; néanmoins elle continua à avoir force de loi, dans ses dispositions les plus importantes, jusqu'à François Ier. Charles VIII (IS ) — le partie de son règne (-) — Louis XI laissait le trône à son fils Charles VIII, sous la régence d'Anne de Beaujeu, « princesse fine et déliée s'il en fut oncques » qui déploie la même fermeté que son père envers les grands vassaux. Ils croient le moment propice pour recouvrer leur indépendance; mais Anne de Beaujeu tait confirmer son autorité par les Etats de Tours et déjoue les projets de Louis d'Orléans, () beau-frère du roi et premier prince du sang, qui lui dispute la régence par les armes. Cette tentative justement nommée la guerre folle (-) à laquelle prennent encore part les ducs de Bretagne et de () Louis XI l'avait contraint à ans, et par trois mois de prison, à épouser sa seconde fille, Jeanne de France ou de Valois. Bourbon, Dunois, Maximilien d'Autriche et même Richard III, roi d'Angleterre, ne sert qu'à affermir l'autorité de la dame de Beaujeu : Louis d'Orléans est fait prisonnier à Saint-Aubin du Cormier, par la Trémouille ; le vieux duc de Bretagne, François II, est réduit à accepter la paix humiliante de Sablé, il en meurt de chagrin trois semaines après (). Anne, sa fille et son unique héritière, promise à Maximilien, mais pressée par les armes de la France et gagnée par le duc d'Orléans dont le roi a brisé lui-même les fers, donne sa main à Charles VIII (). () Par cette alliance. Maximilien perd, avec sa fiancée, le trône de France pour sa fille Marguerite, destinée à Charles VIII et qui lui est renvoyée ; il venge ce double affront par les armes. Henri VII, roi d'Angleterre, et Ferdinand le Catholique, roi d'Espagne se joignent à lui. Charles VIII, appelé en ce moment en Italie comme pacificateur, et de plus, brûlant du désir de faire valoir les droits de la maison d'Anjou au trône de Naples légués à Louis XI, désarme aussitôt ses ennemis : le traité d'Etaples (.) achète chèrement la retraite du cupide Henri VII qui était déjà sur le continent; celui de Senlis ( i) rend à Maximilien l'Artois et la Franche-Comté enfin par le traité de Barcelone (), Ferdinand le Catholique est remis en possession du Roussillon et de la Cerdagne sans restituer les sommes prêtées par Louis XI. C'était au prix de tels sacrifices que Charles VIII allait ouvrir à la France une vaste carrière de gloire et de malheurs. § . — ITALIE avant l'invasion des Français (.-). État général de la Péninsule. — L'Italie, pacifiée à Lodi par le Pape Nicolas V et affranchie de toute influence étrangère, était au milieu du xve siècle, la plus florissante () La réunion de la Bretagne à la couronne, amenée par cette alliance, ne sera cependant définitive qu'en . contrée de l'Europe par son commerce, ses richesses, ses petites cours somptueuses et brillantes où la culture assidue de la savante antiquité inaugurait le Siècle des Médicis. Mais cette prospérité matérielle, cette civilisation éclatante cachait des vices, précurseurs de la décadence des nations, la mollesse, la lâcheté, la perfidie, la corruption des mœurs; aussi la paix de l'Italie fut-elle de très courte durée. Les princes, insensibles aux pressantes sollicitations des Souverains Pontifes, laissent les Turcs entamer leurs possessions maritimes, ravager leurs côtes et surprendre même Otrante (); douze mille chrétiens y sont égorgés ou emmenés en esclavage, et le gouverneur de la ville, scié en deux. Et pendant ce temps, des dissensions intestines, des rivalités jalouses déchirent cette multitude de principautés ou de républiques qui divisent la Péninsule; une politique astucieuse et perfide, érigée en principe par Machiavel () et stigmatisée de son nom, se fait l'auxiliaire de l'ambition et conduit souvent à de grands crimes ; l'Italie se prépare ainsi à devenir le champ de bataille des Français, des Espagnols, des Suisses et des Impériaux. NAPLES (-). Ferdinand Ier ( (-t ), fils et successeur d'Alphonse V le Magnanime, premier prince de la maison d'Aragon à Naples, fit peser sur ses sujets le joug le plus odieux ; aussi se souvenant du testament de la reine Jeanne II en faveur de la Maison d'Anjou, ils invitèrent Jean d'Anjou à venir reconquérir un trône que son père le bon roi René avait honoré par ses vertus ; mais la victoire de Troya () y replace Ferdinand Ier qui a su se ménager le secours de François Sforze et de Scanderbeg, et après deux ans d'inutiles efforts, Jean d'Anjou abandonne la couronne de Naples à son tyrannique vainqueur. Jamais, dit Comines, Ferdinand n'eut compassion de son pauvre () Dans son livre des Principautés ou du Prince qu'il dédia à Laurent de Médicis. peuple quant aux deniers, il eût pu ajouter : quant à la vie, car des seigneurs qui avaient favorisé son rival, furent perfidement rassemblés dans une fête, puis arrêtés et envoyés au supplice. Ceux qui n'avaient pas voulu se fier à la clémence royale, allèrent demander vengeance à la France; leurs sollicitations venaient seconder fort à propos les desseins ambitieux de Charles VIII. FLORENCE (-). Florence, véritable monarchie, moins le nom, sous l'administration des Médicis, avait vu succéder à Cosme Ic,' Père des lettres, son fils Pierre Ier (-), puis, ses petits-fils Laurent et Julien (). Ces derniers furent en butte à la terrible conjuration des Pazzi, famille florentine res puissante qui aspirait à la souveraineté; les conjurés osèrent attaquer les deux frères jusque dans l'église, au moment même de la célébration des Saints-Mystères ( avril ); Laurent légèrement blessé, s'échappa, mais Julien tomba percé de coups. Le peuple qui aimait les Médicis, vengea ce crime par la mort de tous les conspirateurs, sans même épargner l'archevêque de Pise qui s'était déclaré pour les Pazzi. En punition de ce meurtre sacrilège, Florence fut mise en interdit par Sixte IV et Laurent de Médicis, excommunié. Les Florentins, soutenus par plusieurs princes, osèrent prendre les armes contre le Pape dont Ferdinand Ier se fit l'allié; mais après quelques échecs, ils firent leur soumission à Sixte IV qui leur imposa d'équiper quinze galères contre les infidèles. Laurent de Médicis gouverna alors paisiblement ; il réunit une partie de la Toscane sous sa domination et, grâce à son commerce avec toutes les parties du monde connu, il déploya la magnificence d'un souverain. Florence lui dut des palais qui rivalisèrent de splendeur avec ceux de Gênes, des jardins remplis de marbres antiques découverts en Italie ou rapportés de Grèce, une bibliothèque enrichie de manuscrits en toutes langues,un musée doté de chefs-d'œuvre, tous païens, les seuls qu'on estimât alors, une académie où l'on expliquait Platon, etc.; Laurent était entouré des savants et des artistes les plus célèbres, Marsile Ficin, Ange Politien, le Pérugin, le Bramante, JJlichel Ange, qui lui donnaient le titre de Père des Muses, tandis qu'il recevait de Florence, celui de Magnifique. Sa puissance était respectée au dehors; des hommages lui arrivaient de toutes parts ; l'empereur Frédéric III le consultait, Jean Il, roi de Portugal, lui envoyait des ambas- sades, et son ascendant fut tel en Italie, qu'il y maintint l'équilibre entre tous les princes, jusqu'à sa mort. Mais, ébloui par une si grande prospérité, il laissa passer dans ses affections et dans ses mœurs, le culte qu'il avait pour l'antiquité et communiqua ces inspirations païennes aux lettres et aux arts; sa magnificence dégénéra en prodigalité, ce qui amena la banqueroute de la république (), et la corruption du peuple contre laquelle s'élevait avec force le prieur des Dominicains de Saint-Marc, Jérôme Savonarole dont nous verrons plus loin la triste fin. Laurent le Magnifique, enlevé à ans (-), laissa trois fils: Pierre II qui lui succéda, mais que son incapacité et ses vices firent bannir de Florence avec toute sa famille; le cardinal Jean qui deviendra le pape Léon X, et julien que nous verrons rétabli dans sa patrie en , par les Espagnols alliés de Jules Il. VENISE (-). Venise avait cru assurer sa puissance commerciale par un traité de bon voisinage () avec Mahomet , traité justement réprouvé par l'Italie; mais ses possessions en Grèce et dans l'Archipel l'engagent bientôt dans une lutte de beizeans (U-H), () avec les Turcs ; Négrepont lui est enlevée, et toute la population vénitienne massacrée () ; après des alternatives de succès et de revers, la tière république se voit contrainte de payer un tribut à la Porte et de lui céder avec Scutari qui s'était défendue pourtant avec héroïsme, plusieurs autres places en Morée. ( ) Voir à la Turquie. Elle se dédommage de ces pertes par l'injuste acquisition de Chypre () (U) qu'elle gouverne d'abord au nom d'une riche vénitienne, Catherine Cornaro, que Jacques, l'usurpateur du trône des Lusignan, avait épousée; Catherine, déclarée à son mariage fille de Saint-Marc, étant devenue veuve, abdique de gré ou de force en faveur de sa mère () et, l'année suivante, Venise n'a pas honte d'aler demander au Sultan d'Egypte, l'investiture de Chypre. En même temps elle se voit aux prises avec toute l'Italie par suite de sa lutte contre la maison d'Esté qui veut lui ravir le monopole exclusif du sel; non seulement elle triomphe, mais elle acquiert dans cette guerre de nouveaux territoires qui lui permettent de s'appeler plus que jamais la dominante Venise. En effet son or attirait sous ses drapeaux les meilleurs soldats; trois ou quatre mille vaisseaux sortaient chaque année de ses ports, trois mille matelots naviguaient sous ses pavillons ; les côtes de l'Italie et de la Grèce pouvaient, selon l'expression d'un vieil historien, être regardées comme ses faubourgs, et la possession de Candie et de Chypre étendait la domination du Lion de saint Marc jusqu'à l'extrémité occidentale de la Méditerranée. De plus l'Europe entière était tributaire de Venise pour le commerce : seule, elle allait chercher à Alexandrie, les productions de l'Orient qu'elle revendait fort cher à l'Occident. Puissante à l'intérieur par la sagesse et la prudence de son sénat, redoutable par le pouvoir tyrannique () Cette île était restée depuis Gui de Lusignan () à ses Jesceudants qui y régnèrent jusqu'en avec les titres de rois de Chypre, de Jérusalem et d'Arménie. Charlotte (), fille et légitime héritière du dernier duc Jean III et belle-sœur du Bienheureux Amédée IX, duc de Savoie, fut détrônée après deux ans de règne par l'usurpateur Jacques, fils non reconnu de Jean III. Elle mourut sans postérité en et légua à son neveu Charles le Guerrier, duc de Savoie, ses droits à la triple royauté de ses ancêtres, mais en réalité elle ne léguait à la maison de Savoie que des titres qu'elle conserve encore aujourd'hui. des Dix et des Inquisiteurs d'Etat, elle avait une population nombreuse, des finances bien administrées ; la première elle avait fait un emprunt public, non par nécessité, mais par politique, attachant ainsi les riches au gouvernement; les étrangers venaient lui acheter des vaisseaux; ses fabriques de soie, de glaces, d'orfèvrerie étaient les plus renommées, et l'ambitieuse jalousie de la République allait jusqu'à taire poignarder l'habile ouvrier qui transportait une utile invention, hors de son territoire. Mais la décadence de la Seigneurie de Venise approchait ; cette fière république « qui croyait toujours avoir, le vent en poupe, » s'était agrandie aux dépens de tous, aussi tous la haïssaient et méditaient une vengeance pour laquelle lès Français parurent de précieux auxiliaires ; en abaissant la puissance de Venise, ils allaient encore lui ravir les secrets de son industrie, et un peu plus tard, les Portugais et les Espagnols, maîtres de l'Inde et du nouveau monde, lui enlevaient le monopole du commerce en Europe. MILAN. — GÊNES. — SAVOIE. — ETATS DE L'EGLISE. Milan.— Marie Galéas (), fils et successeur de François Sforze, avait épousé Bonne de Savoie, bellesœur de Louis XI ; ses vices odieux que ne purent racheter quelques brillantes qualités, exaspérèrent ses sujets qui finirent malheureusement par l'assassiner (). Son fils, Jean Galéas, âgé de huit ans, lui succéda sous la tutelle de sa mère ; mais l'oncle du jeune prince, Ludovic Sforze, plus connu sous le nom dè Ludovic le More, à cause de son teint basané, s'empara quatre ans après du gouvernement, et finit par enfermer son neveu au château de Pavie, avec sa jeune épouse Isabelle, petite-fille de Ferdinand Ier roi de Naples. Aux menaces de ce monarque et de son fils Alphonse, duc de Calabre, père de la jeune duchesse, Ludovic oppose la trahison envers son pays: il se joint aux seigneurs napolitains qui appellent Charles VIII, se flattant de consommer impunément son crime dans un bouleversement général. Gênes, qui s'est donnée de nouveau à la France en et que Louis XI a cédée aussitôt à François Sforze, secoue le joug du Milanais à la mort de Marie Galéas; mais elle retombe peu après sous celui de Ludovic le More qui déclare la tenir en fief de la couronne de France. Les Ottomans tarirent la source de l'opulence des Génois en leur enlevant Caffa (), entrepôt de toutes les productions de l'Orient. Savoie. — Au règne prospère du Bienheureux Amédée IX (-), fils de Louis Ier, succèdent des minorités fort orageuses jusqu'au moment où la Savoie, cette porte de l'Italie, se trouve à la merci perpétuelle des invasions françaises ; alors elle retombe pour quelque temps dans l'obscurité, ses ducs passent comme des ombres ; nous nommerons seulement Philippe , père de Louise de Savoie qui donna le jour à François Ior. Enfin les Etats de l'Eglise se ressentaient aussi de l'anarchie de la Péninsule: une partie de ce Patrimoine sacré était devenue la proie des seigneurs feudataires, et le théâtre de leur tyrannie ; de plus, Florence, Venise, Naples, méconnaissaient les droits du Saint-Siège; enfin ce Siège auguste était alors occupé par Alexandre VI Borgia (-) au nom duquel se sont rattachées si longtemps les plus douloureuses flétrissures. Cependant hâtons-nous de dire que, grâce à dès travaux récents, l'histoire est moins sévère à l'égard de ce pontife; jusqu'où la lumière se fera-t-elle ? Quoi qu'il en soit, on ne peut que déplorer la manière dont il favorisa les intérêts temporels de ses proches, surtout de César Borgia, personnification vivante de l'infâme politique de Machiavel; les crimes atroces de ce prince retombèrent sur Alexandre VI qui les laissait impunis. Mais, quels qu'aient été les torts de ce pontife comme homme, il est péremptoire que, comme Pape, enseignant et gouvernant l'univers catholique, il a été irréprochable ; il déploya même un zèle éclairé et persévérant pour les intérêts de l'Eglise : Dieu montrait une fois de plus que la « conservation de cette Eglise ne dépend pas comme celle des empires temporels de la prudence et de la vertu de ceux qui la gouvernent, mais de l'efficacité de la promesse qu'il a faite de ne l'abandonner jamais. » (< ) ÉTATS SECONDAIRES. Nous n'avons nommé que les Etats les plus importants de l'Italie, mais il ,y avait encore une multitude de petites principautés : la maison d'Este, devenue ducale depuis , régnait à Ferrare, Modène et Reggio % les Gonzague dominaient à Ilantoue, les Pic à la IIIrandole, les JI alatesta à Riniini, les Grimaldi à Montée, etc. ; les marquisats de Montferrat et de Salaces n'étaient point encore réunis à la Savoie; Parme et Plaisance faisaient momentanément partie du Milanais ; Sienne et Lucques restaient républiques ; tous ces petits Etats étaient entraînés dans les affaires générales de la Péninsule, mais tous étaient las de leur gouvernement et « commençaient à prendre cœur et à désirer nouvelletés, » dit Comines. Telle était la situation de l'Italie, lorsque Charles VIII l'envahit pour aller conquérir Naples. . Charles-Quint enhardi par ses succès, suscite contre son rival, une ligue formidable où il fait entrer le nouveau Pape Adrien VI, son ancien précepteur, Henri VIII, ioute l'Italie et la plus grande partie de l'Allemagne. Menacé par tant d'ennemis, François ^ se voit encore trahi par son connétable, Charles de Bourbon, le plus grand homme de guerre de son siècle; dépouillé de ses biens par un jugement inique qu'a provoqué la vindicative Louise de Savoie, le traître passe au service de l'empereur et stipule avec lui le démembrement de sa patrie () ; mais, au lieu d'un allié, il trouve un maître qui se borne à l'associer au commandement des armées d'Italie. La France, envahie aussitôt par les confédérés leur oppose de vaillants défenseurs : Claude de Guise () chef de l'illustre maison de ce nom,fait évacuer la Champagne aux Impériaux; le vieux La Trémouille, gouverneur de la Picardie, et Bourbon-Vendôme repoussent les Anglais qui n'étaient plus qu'à douze lieues de Paris/enfin Lautrec contraint les Espagnols à lever le siège de Bayonne. Malheureusement l'incapable Bonnivet commande l'armée d'Ita- () Cinquième fils de René de Vaudemont, duc de Lorraine, venu en France, vers la fin du règne de Louis XII. lie, la plus belle qu'eût alors François lPr (, hommcs); il se laisse accabler par Lannoy, Pescaire et Bourbon près de Biagrasso ; blessé au passage de la Sésia, il remet mais trop tard, le commandement à Bayard qu'il avait déjà compromis à Rebec en lui confiant un poste impossible à défendre; un fatal coup d'arquebuse enlève à la France, le chevalier Sans peur et sans reproche; les débris de son armée repassent les Alpes (). Défaite de Pavie ().— Traité de Madrid (). — En vain Clément VII, successeur d'Adrien VI, fait-il entendre des paroles de paix ; Charles-Quint envoie Pescaire et Bourbon envahir la Provence ; mais ils échouent devant Marseille et sont contraints de se retirer à l'approche de François er qui les poursuit jusqu'en Italie. Après avoir assiégé Pavie pendant quatre mois, ce qui permet à ses ennemis de rassembler de nouvelles forces, le monarque français leur livre imprudemment, sous les murs de cette ville, une des plus désastreuses batailles de notre histoire. Louis Il de la Trémouille, Jacques de Chabannes, seigneur de la Palice, ces vieux héros des guerres d'Italie, le maréchal de Sainte-Foix, Bonnivet et dix mille braves périssent : François Ier qui s'est défendu en héros, est atteint de quatre blessures et fait prisonnier avec Henri d'Albret, grand-père de Henri IV, Anne de Montmorency et une foule de chevaliers illustres ( février ). La défaite de Pavie fut complète et pourtant pleine de gloire ; aussi le royal captif put-il écrire à sa mère, le soir même : « Jladame, de toutes choses ne m'est demouré que 'l'honneur et la vie sauve. x () Louise de Savoie qui, jusque-là, avait eu une si grande part aux malheurs de la France, la sauve par sa pruden. ce et son activité. Elle solde des troupes, en lève de nouvelles, rachète les prisonniers, pourvoit à la sûreté des () C'est l'expression même de François Ier que l'histoire a consacrée par ces mois: Madame, tout est perdu, fors l'honneur. frontières, détache Henri VIII de l'alliance de Charles-Quint en gagnant Wolsey et obtient une trêve pour négocier la rançon du roi qui avait été emmené à Madrid. Ce ne fut qu'après un an, et aux plus dures conditions, que l'impitoyable vainqueur brisa les fers de son auguste captif: il exigea la cession de la Bourgogne, l'abandon de toute suzeraineté sur la Flandre et l'Artois, de tout droit sur l'Italie ; de plus, François er devait réintégrer le traître Bourbon dans ses biens, payer les cinq cent mille écus d'or dus par Charles-Quint à Henri VIII, livrer ses deux fils en otages, enfin épouser Eléonore, reine douairière de Portugal et sœur de l'Empereur ; la reine Claude de France était morte depuis deux ans. En présence de telles conditions, l'abdication en faveur du dauphin était l'unique moyen de sauvegarder l'honneur du monarque français et les intérêts de son royaume: François Ier le comprit et abdiqua ; mais il n'eut pas le courage de persister dans cette généreuse résolution et, reprenant son acte d'abdication confié à la duchesse d'Alençon, sa sœur, il s'arrête à une détermination regrettable, quelles qu'en soient les circonstances atténuantes : il protesta secrètement, par-devant notaire, contre les engagements que lui arrachait son implacable ennemi et signa le traité de Madrid ( avril ), prévoyant bien d'ailleurs que Charles-Quint ne le garderait pas. En effet, après la signature du traité, le roi reçut des affronts pires que des infidélités; on le fiança à Eléonore, dans un cérémonial qui ressemblait à une insulte; on exigea une pension de vingt mille livres pour le duc de Bourbon, qui l'avait trahi ; on continua [de le garder à vue dans Madrid ; enfin on le conduisit après tant d'injures jusqu'à la frontière de France où il fut échangé contre ses deux fils qu'on ne lui permit même pas d'embrasser. Nous donnons à dessein ces détails fournis par les contemporains, et trop négligés de nos jours ; ils excusent, s'ils ne justifient pas François er d'avoir opposé aux affronts et à la mauvaise foi de son vainqueur, le droit qu'avait la France d'annuler le démembrement de sa monarchie. Deuxième guerre. (iC) — Sae de Rome (la;'). — Les Etats de Bourgogne ayant refusé la cession de leur province, la guerre se ralluma entre les deux rivaux. Le pape Clément VII, Henri VIII, les Suisses, les Vénitiens, les Florentins, François Sforze à qui Charles-Quint voulait reprendre le Milanais, embrassèrent la cause de François er, dans l'espoir de délivrer avec son secours, la malheureuse Italie, pressurée par les troupes Impériales. Mais cette nouvelle ligue n'agit pas avec assez d'ensemble, ce qui permet à Bourbon de fondre sur le Milanais avec , hommes, la plupart luthériens forcenés ; après avoir obligé Sforze à capituler dans Milan, il conduit ses bandes indisciplinées sur Rome, leur promettant le pillage pour solde, malgré la trêve de huit mois que Clément VII venait de conclure avec Launoy, vice-roi de Naples. Bourbon ordonne l'assaut de la ville sainte et y monte le premier ; c'était là que la divine Justice attendait le traître : frappé d'un coup mortel d'arquebuse, il expire à trente-huit ans, sans avoir le temps de donner le moindre signe de repentir ( mai ); Rome n'en fut pas moins enlevée de vive force et saccagée pendant dix mois, avec une fureur digne des Goths ou des Vandales : huit mille Romains furent massacrés en un seul jour; basiliques, monastères, demeures privées ou publiques, tout fut pillé, profané ; les reliques et les ornements sacrés jonchèrent les places et les rues ; la bibliothèque Vaticane où la Papauté avait amassé tant de trésors littéraires fut dévastée; les Luthériens mirent leurs chevaux dans la chapelle Pontificale et leur donnèrent pour litière les bulles et les décrétales des Papes. Il fallut qu'une affreuse peste décimât cette armée de bandits pour l'obliger à quitter Rome (). Clément VII, réfugié dans le château St-Ange, y avait été constitué prisonnier jusqu'à ce qu'il eût payé , ducats, et sous la garde du féroce Alarçon, le geôlier de François Ier à Madrid ! Charles-Quint montra une feinte douleur de cette victoire que l'Europe chrétienne qualifiait d attentat sacrilège; il prit le deuil avec toute sa cour ht faire des prières publiques pour la délivrance du Souverain Pontife, tandis qu'il maintenait, par ses plénipotentiaires, les dures conditions qui lui avaient été imposées ; il ne lui fit rendre la liberté qu'à l'approche des Français, et moyennant les , ducats qui devaient compléter sa rançon. Lautrec, nommé généralissime, passe enfin les Alpes avec trente mille hommes ; puissamment secondé par le génois André Doria, le plus grand marin de son siècle il avait soumis une partie du Milanais et s'était avancé victorieux vers Naples qu'il assiégeait par terre, tandis que Doria la bloquait par mer ( ). Mais la défection de cet amiral qui, mécontent de François I<"-, passe au service de Charles-Quint, sauve Naples; Lautrec succombe à une maladie pestilentielle avec la plus grande parie de son armée, et l'échec de Landriano, l'année suivante, met fin aux hostilités. Paix de Cambrai () - Epuisé par tant de guerres, malgré ses victoires, et non moins alarmé des progrès du Protestantisme en Allemagne que des succès de Soliman II le Magnifique qui campait devant. Vienne avec , Ottomans, Charles-Quint désirait la paix rqU,e son rival. Elle fut conclue à Cambrai () par l'entremise de Louise de Savoie et de Marguerite d Autriche, tante de l'Empereur; delà son surnom de Paix des Dames : le traité de Madrid était ratifié, sauf la cession de la Bourgogne; deux millions d'écus d'or étaient donnés pour la rançon des fils de François I« ; ce monarque célébrait enfin son union avec Eléonore de Portugal; le Milanais restait à Sforze moyennant neuf cent mille ducats et sous la suzeraineté de l'Empire. à . Depuis la paix de Cambrai jusqu'à la fin des guerres d'Italie. Dernière partie du règne de François Ier. — Henri II (-). Funestes alliances. — François Ier profita de cette paix pour s'occuper de l'administration de son royaume ; la charte de réunit définitivement !a Bretagne à la couronne ; une marine fut créée et abritée dans le nouveau port du Havre, et une infanterie nationale (i) remplaça les mercenaires Suisses et Allemands. Cependant le monarque pressentant une nouvelle lutte s'y prépare, mais par des alliances trop justement blâmées : Henri VIII qui venait de répudier Catherine d'Aragon, sa légitime épouse, la ligue luthérienne de Smalcalde, Soliman II qui avait versé à flots le sang chrétien, tels sont les auxiliaires dont il réclame l'appui, donnant à ses successeurs le funeste exemple qu'Ïlsn'imitcront que trop, de mettre la politique en dehors de la religion ; enfin il regagne Clément VII à sa cause, et unit son second fils Henri qui par la mort du Dauphin sera appelé à lui succéder, à Catherine de Médicis, parente du Pontife ; cette union mit le sceau à l'élévation de l'illustre famille Florentine. Troisième guerre (), — Trève de Mlce (&). — Au moment où une armée française dirigée contre le perfide Sforze, enlevait la Savoie et le Piémont au duc Charles III qui lui avait refusé passage, Sforze meurt tout à coup sans postérité. François ler au lieu de s'emparer de son duché, se borne à faire valoir des droits que Charles-Quint paraît d'abord reconnaître ; mais tandis que les négociations traînent en longueur, les troupes impériales prennent pied dans le Milanais, et l'Empereur, jetant le masque, prélude à la guerre par d'insolentes menaces contre son rival. Malgré les remontrances de Paul III, successeur de Clément VII, il franchit les Alpes () Henri la divisera en régiments; mais l'organisation en était si difficile qu'elle ne sera complétée que sous Louis XIV. avec une armée formidable et, ne doutant pas du succès, il distribue à l'avance à ses officiers, les charges et les domaines du royaume de France (). Cependant Anne de Montmorency qui l'attendait en Provence, avait impitoyablement transformé le pays en désert ; la sage immobilité du Fabius français, retranché dans un camp inexpugnable près d'Avignon, ruine, sans batailles, l'entreprise aventureuse de Charles-Quint ; un double échec devant Arles et Marseille, la perte de , hommes en. levés par la disette et les maladies, enfin l'arrivée de François Ier, l'obligent à une prompte retraite ; il reparaît en Italie sans presque avoir vu l'ennemi. La guerre continua l'année suivante en Piémont, en Picardie et en Artois, sans événements remarquables ; en Italie, Barberousse, l'amiral de Soliman, dévasta les côtes du royaume de Naples. Enfin, par la médiation de Paul , les deux antagonistes signèrent à Nice (), une trêve de dix ans qui maintenait leurs conquêtes respectives depuis la paix de Cambrai : Charles-Quint sacrifiait ainsi son allié, le duc de Savoie, dont les États restaient à la France. Quelques jours après, l'entrevue d'Aigues-Mortes entre les deux souverains put faire croire à la réconciliation complète, elle ne fut pas de longue durée. Quatrième guerre (). — Victoire de Ccrisoles. — Paix de Crespy (&.) — Charles-Quint autorisé par François t"' à traverser la France pour aller combattre les Gantois, promit, en retour, l'investiture du Milanais pour l'un des fils du roi ; mais, arrivé en Flandre, il nie sa promesse et, peu après, met le comble à sa perfidie en faisant massacrer à Milan, deux ambassadeurs français qui se rendaient à Venise et à Constantinople : c'était une déclaration de guerre. François Ier met cinq armées sur pied, resserre ses anciennes alliances et en contracte de nouvelles, non moins répréhensibles, avec Chnstian III, roi de Danemark, et Gustave HTasa, roi de Suède, introducteurs du protestantisme dans leurs États. De son côté, Charles-Quint regagne à sa cause Henri VIII mécontent delà France qui entravait les projets de mariage du Prince de Galles avec la jeune héritière d'Écosse, Marie Stuart. Les hostilités éclatent sur plusieurs points : tandis que, dans le Nord, François Ier oblige l'empereur à abandonner le siège de Landrecies,sa flotte, rejointe par celle de Barberousse, bombarde Nice, dernier refuge du duc de Savoie ; l'Europe chrétienne fut douloureusement émue de voir le Croissant uni aux Lys, et le roi de France ne retira pas de cette alliance fâcheuse le fruit qu'il en avait espéré ; Barberousse peu soucieux de l'issue de la guerre, retourna à Constantinople. La brillante victoire de Cérisoles (Piémont) remportée en par le jeune duc d'Enghien, permet à la France d'ajouter le Montferrat au Piémont, mais la Picardie et la Champagne sont envahies par les Anglais et les Impériaux : Henri VIII assiège Boulogne, et Charles-Quint, après s'être rendu maître de Saint-Dizier et, par trahison, d'Epernay et de Château-Thierry, n'est plus qu'à deux journées de Paris. Cependant son armée était décimée par la disette et par ses victoires mêmes ; ne pouvant obtenir que Henri VIII, toujours arrêté devant Boulogne, vînt le rejoindre, il signa avec François Ier la paix de Crespy en Valois () qui confirmait la trêve de Nice : Charles-Quint gardait le Milanais, toutefois avec promesse d'en investir le duc d'Orléans ; la Bourgogne restait à la France avec la plus grande partie de la Savoie et du Piémont. Henri VIII, enhardi par la prise de Boulogne, prolongea encore deux ans les hostilités ; enfin, par un traité signé dans cette ville (), il promit de la rendre moyennant ,,, payables en huit ans; mais Henri II la reprendra par les armes en . Mort de François Ier (»).— Ainsi,après vingt-quatre années de luttes, ce vaillant monarque, admiré par Charles-Quint lui-même, laissait la France intacte, S'il l'avait défendue avec tant de courage, il l'avait gouvernée avec non moins d'habileté: de sages réformes ans l'administration de la justice qui fut rendue en fran- çais, à partir de (), une éclatante impulsion donnée à la Renaissance des lettres et des arts (), une vigoureuse opposition aux progrès du Protestantisme qui, ainsi que nous le dirons plus loin, s'était introduit en France, attestèrent l'intelligente sollicitude de François er pour son peuple. Mais ce prince, véritablement grand à tant de titres, ne le fut pas dans sa vie privée; l'amour du luxe et du plaisir l'entraînèrent loin du devoir, et la licence de sa cour contrasta douloureusement avec la cour si simple, si vertueuse de Louis XII et d'Anne de Bretagne. Toutefois avant de mourir ( mai ) il déplora sincèrement ses fautes et pria Dieu de lui pardonner les mauvais exemples qu'il avait donnés à son peuple. Ce fut sous son règne que la France commença à paraître dans le Nouveau Monde; le florentin Verozzani prit en son nom, possession de Terre-Neuve, et Jacques Cartier lui ouvrit le Canada (.) Henri II (t? &&). - Ce prince, héritier à ans, du trône de son père François Ier et de sa rivalité avec la maison d'Autriche, le fut aussi de sa triste politique ; sous prétexte de cette rivalité, il empêche les évêques français de se rendre au concile de Trente, et, tandis qu'il sévit avec vigueur contre les protestants de son royaume, il s unit à ceux d'Allemagne, armés par la trahison de Maurice de Saxe contre Charles-Quint. Cinquième guerre de la rivalité de Franee et d'Autriche (). — Victoire de Itenty (). — Trêve de Vaueelles (:»). — Pendant que Maurice, son allié, lutte victorieusement en Allemagne, Henri II fond sur la Lorraine,s'empare, sans coup férir, des villes impériales de Metz, Toul et Verdun, dites les Trois Êvêchés,et s'avance vers l'Alsace. Charles-Quint désarme aussitôt les luthériens par les déplorables tran- ( ) Voir aux lettres et aux arts à la fin de cette seconde époque. sactions dePassaw () et vient à la tête de , hommes tenter la reprise de Metz. Mais François de Guise, fils de Claude de Guise, lui oppose une résistance invincible ; après trois mois de furieuse attaque (-), l'empereur est contraint de se retirer, ayant perdu le tiers de son armée; il venge cet échec par la ruine inhumaine deTérouanneet d'Hesdin. Henri II, après lui avoir rendu ravage pour ravage dans le Hainaut et le Brabant, lui fait essuyer une sanglante défaite à Renty (), Pendant ce temps, le valeureux Brissac défendait le Piémont avec une rare habileté ; de Thermes enlevait une partie de la Corse aux Génois; mais nos armes étaient vaincues à Marciano et le brave Montluc se voyait forcé de capituler dans Sienne, après avoir soutenu en héros un siège de dix mois (). L'abdication de Charles-Quint amena entre son fils Philippe II roi d'Espagne et Henri II, la trêve de Vaucelles () qui devait durer cinq ans et ne dura pas cinq mois. Sixième guerre (). — Défaite de St$nentim (i?) — Reprise de Calais (). — Cette trêve fut mal gardée de part et d'autre, et la guerre éclata de nouveau en Italie et dans le nord de la France. Philippe Il ayant épousé Marie, reine d'Angleterre, elle joignit , Anglais aux , Espagnols qui vinrent assiéger St-Quentin, sous la conduite d'Emmanuel Philibert, duc dépossédé de Savoie, l'un des plus grands capitaines de son siècle. Le connétable Anne de Montmorency qui s'avance pour délivrer la place, avec des forces bien inférieures, engage le combat sous ses murs (); il est vaincu et fait prisonnier avec trois cents gentilshommes, le maréchal de Saint-André et le duc d'Enghien, le vainqueur de Cérisoles, qui succombe à ses blessures dans le camp ennemi. L'amiral de Coligny, renfermé dans St-Quentin, se défendit encore dix-sept jours, ce qui laissa à la France, le temps de prévenir les conséquences ( t) Voir à l'Allemagne. de cette terrible défaite. Le roi est-il à Paris ? demanda Charles-Quint en apprenant au fond de son monastère de St-Just, la victoire de son fils. Mais Philippe Il qui était en Picardie, s'arrête à des sièges sans importance, ce qui permet à Henri II, de rassembler de nouvelles troupes ; il rappelle François de Guise d'Italie, où il se mesurait avec le fameux ducd'Albe, et l'héroïque défenseur de Metz fut encore le libérateur de Calais: en huit jours, il remet a la France cette place que l'Angleterre avait possédée deux cent dix ans, effaçant ainsi glorieusement le dernier souvenir de nos malheurs pendant la guerre de Cent ans ( janvier ). Le vainqueur prit encore Thionville à l'Espagne ; mais de Thermes fut battu à Gravelines et fait prisonnier par le comte d'Egmont. Paix de Cateau-Cambrésis ( ). — Cependant la gloire du duc de Guise, rehaussée par son titre d'oncle du dauphin que sa nièce, Marie Stuart, venait d'épouser, effraya Henri II qu i, à la sollicitation des ennemis du grand homme, arrêta ses exploits en signant la paix de Cateau-Cambrésis () avec l'Angleterre et l'Espagne. La première renonçait à Calais, moyennant , écus, payables dans huit ans ; heureusement qu'avant ce délai, la reine Elisabeth, qui avait succédé à Marie, enfreignit une des conditions du traité, et la France garda, sans indemnité, ce qui lui appartenait à si bon droit. A l'exception des Trois Évêchés qui relevaient de l'Empire, la France et l'Espagne se firent une restitution réciproque des conquêtes faites pendant la guerre, toutefois, la France parut sacrifiée dans ces échanges ; car, si elle gardait Toul, Metz et Verdun qui l'acheminaient vers l'Alsace, sa frontière naturelle, elle rendait en Italie, avec cent quatre-vingt-neuf villes ou forteresses, la Corse, le Montferrat et les états ( ) d'Emmanuel-Philibert, fils de () A l'exception de quelques places que Charles IX () et Henri III (; lui remettront,et du marquisat de Saluces que le duc Charles-Emmanuel-le-Grand reprendra en , à la faveur des guerres de religion qui désoleront la France. Charles , c'est-à-dire la Savoie, le Piémont, le Bugey et la Bresse (partie du département de l'Ain). Aussi Brissac qui avait commandé neuf ans dans la Péninsule, Guise, Montluc et tous les vieux héros des guerres d'Italie flétrirent-ils la paix de Cateau-Cambrésis du surnom de paix malheureuse. Résultats des guerres d'Italie. — En effet, après une lutte de soixante-cinq ans, la maison d'Autriche continuait à dominer l'Italie et l'Europe ; elle allait accroître encore sa prépondérance à la faveur des tristes règnes des derniers Valois. Mais les Bourbons reprendront la lutte,et la poursuivant jusqu'en ,ils briseront, souvent à leur avantage, cette union de tant de sceptres qui avait fait la puissance de Charles-Quint et de ses successeurs : c'est ainsi qu'ils occuperont à leur détriment, les trônes d'Espagne (), de Naples (), de Parme et de Plaisance (). Toutefois, les guerres d'Italie servirent à protéger les petits états contre les grands ; elles sauvegardèrent l'indépendance de l'Europe contre la maison d'Autriche ; mais, par suite des funestes alliances de nos rois, la puissance mahométane s'affermit,et le protestantisme, encouragé à se regarder comme un parti politique, se fit l'auxiliaire de l'anarchie, d'abord en Allemagne, puis en France et dans toute l'Europe. Au point de vue intellectuel, la France dut à ses rapports avec la Péninsule, le siècle littéraire et artistique de François Ier; les autres peuples sentirent aussi l'influence de la Renaissance dont jouissait alors l'Italie. Mort de Henri Il (). — La paix de Cateau-Cambrésis fut cimentée par des mariages : Henri Il unit sa fille Elisabeth, à Philippe II, veuf de Marie d'Angleterre, et sa sœur, Marguerite de Valois, à Emmanuel-Philibert ; mais il trouva la mort () dans un tournoi donné à l'occasion de ces alliances. Il laissait quatre fils et trois filles ; trois de ses fils, François II, Charles IX et Henri III, règneront successivement après lui; le quatrième, Fî,ançois, duc d'Alençon, et plus tard duc d'Anjou précéda Henri III dans la tombe ; les trois princesses furent Elisabeth, reine d'Espagne, Claude, duchesse de Lorraine, et Marguerite, qui sera contrainte d'épouser Henri IV. ° LUTTES RELIGIEUSES (-). La France, à peine délivrée de la guerre étrangère, se vit entraînée par l'hérésie, dans tous les malheurs de la guerre civile ; mais, avant d'aborder cette douloureuse époque, il est bon de jeter un coup d'œil général sur l'introduction du protestantisme dans notre pauvre patrie où il forma un parti politique si puissant. g . — Introduction du Protestantisme. Le simple récit de l'histoire, depuis deux siècles, nous a montré comment la France, aussi bien que les autres nations, était malheureusement prédisposée à subir la funeste influence du Luthéranisme qui désolait l'Allemagne, au début du seizième siècle. La foi de Clovis, de Charlemagne et de saint Louis, qui avait été l'âme de sa vie sociale et intellectuelle, aussi bien que de sa vie morale, s était considérablement affaiblie, et l'indépendance d^e la raison se faisait vivement sentir ; la soumission à l'Eglise, le respect envers son auguste chef, étaient amoindris depuis les tentatives schismatiques de Bâle et. de Pise ; la politique, placée pour la première fois par Philippe le Bel en dehors de la foi, faisait trop souvent prévaloir l'intérêt politique sur l'intérêt religieux; les mœurs étaient altérées par le luxe qui avait remplacé la simplicité du moyen âge ; enfin sous l'influence toute païenne de la Renaissance, les lettres et les arts, au lieu de reproduire des œuvres chrétiennes, devenaient corrupteurs. Mais si la France ne fut que trop accessible à l 'erreur, elle dut au christianisme profondément enraciné sur son sol, de n'y être point complètement entraînée comme l'Allemagne, l'Angleterre et les états du Nord. Répression du protestantisme par François Ier. — Dès l'année , cette déplorable hérésie s'introduisit en France ; la Captivité de Babylone de Luther, traduite d'abord dans les écoles, fut bientôt accueillie, quoique secrètement, à la cour, alors très licencieuse, et où les ouvrages d'Erasme (), étaient lus avee une extrême avidité ; deux princesses accordèrent leur protection aux innovations religieuses, Renée de France, fille de Louis XII, plus tard duchesse de Ferrare, et Marguerite de Valois, sœur de François Ier, mariée successivement au duc d'Alençon, puis au roi de Navarre et auteur de contes qui déshonoreront à jamais sa plume. Quant à François Ier, s'il avait eu le tort de s'allier aux protestants d'Allemagne, sa foi repoussait avec horreur leurs doctrines, et, secondé parle clergé, le Parlement et le peuple, il mit tout en œuvre pour en empêcher l'irruption dans son royaume. La Sorbonne, sentinelle vigilante, condamna, dès , les erreurs de Luther ; les ouvrages qu'elle censura furent recherchés, confisqués par arrêt du parlement et brûlés en place publique ; défense fut faite aux libraires d'imprimer des livres religieux sans son approbation. La France n'avait pas, il est vrai, comme l'Espagne, l'Inquisition royale ; mais, depuis , elle possédait l'Inquisition ecclésiastique confiée aux Dominicains ; ce tribunal redoubla de vigilance, les évêques tinrent des conciles provinciaux et établirent des commissions pour dévoiler et confondre les novateurs ; néanmoins ils se multipliaient chaque jour et, jetant le masque, arrivaient à des blasphèmes, à des profanations sacrilèges qui faisaient frémir les cœurs catholiques et provoquaient d'admirables réparations (). Ils eurent bientôt un chef () Mordantes satires des moines et du clergé, d'autant plus déplorables qu'Erasme était prêtre et chanoine régulier. () Celle-ci fut des plus touchantes: Dans la nuit du mai (), une statue de la Très Sainte Vierge avec son divin Enfant, placée dans un mur de la rue des Rosiers, au faubourg Saint-Antoine, ayant été horriblement mutilée par les Luthé- qui fut le Luther de notre pauvre patrie, ce fut le fils d'un tonnelier de Noyon, Jean Cauvin ou Calvin. Calvin fut malheureusement tiré de son obscure origine par la noble famille des Mommor et destiné à l'Église (); il fit ses études dans les universités de Paris, d'Orléans et de Bourges où l'on put pressentir ce qu'il serait un jour; son orgueil naturel, alimenté par ses succès, ses mœurs licencieuses, son mauvais caractère, son lâche penchant pour la délation, le firent détester de ses condisciples; il n'eut d'autre ami que Théodore de Bèze, l'émule de ses vices, plus tard, de ses erreurs et qui, à ce double titre, se fit son biographe dévoué. Initié au luthéranisme par Wolmar, Sun professeur de grec, Calvin s'en fit l'apôtre à Paris; condamné par la Sorbonne (), il erra quelque temps dans la Saintonge et l'Angoumois, distillant le poison de sa doctrine qu'il répandit bientôt dans toute l'Europe par son livre de l' Institution chré- riens, tout Paris s'émut. L'Université et les corps ecclésiastiques allèrent tour à tour, faire amende honorable au lieu profané; François Ier promit une somme considérable à qui lui découvrirait les coupables; puis il fit faire une nouvelle et magnifique statue d'argent qu'il voulut inaugurer lui-même. Le il juin, cinq évêques, tous les religieux et Chapitres de Paris, le Parlement, la Chambre des Comptes, les Corps de ville, les ambassadeurs, les princes du sang, se dirigèrent processionnellement vers la rue des Rosiers; l'évêque de Lisieux portait la statue; le Roi suivait, un cierge à la main, priant avec grande ferveur et même avec effusion de larmes. Arrivé au lieu désigné, l'imposant cortège tombe à genoux devant la statue déposée sur un autel; les musiciens du Roi entonnent l'Ave Regina cœïorum; l'oremus achevé, François Ier replace de ses royales mains l'image vénérée de Marie, après l'avoir baisée respectueusement; puis il ferme le treillis de fer dont il l'avait fait entourer pour la préserver d'une nouvelle profanation et continue de prier quelque temps agenouillé à ses pieds. () Heureusement il ne fut jamais prêtre, bien qu'il fût pourvu, pour le temporel, de deux bénéfices, la Chapellenie de Noyon et la cure de Pont-l'Êvêque. tienne. Cet ouvrage, publié à Bâle en , le plaça à la tête des protestants de France, auxquels il communiqua son esprit astucieux et tranchant, sa rigueur fanatique, sa froide cruauté. Comme il s'éloignait encore plus que Luther de la foi catholique, les deux hérésiarques se firent une guerre d'anathèmes et d'injures, et leurs disciples continuèrent à former deux camps : les Luthériens furent appelés protestants, et les Calvinistes, réformés ou huguenots. () Mais les catholiques leur ont donné indifféremment ces deux noms et avec raison : tous ont protesté de fait contre l'autorité infaillible de l'Église de Jésus-Christ; tous ont déshonoré le nom de Réforme en appelant ainsi la ruine de toute règle dans la foi, comme dans les mœurs. Calvin et Théodore de Bèze se rendirent à Genève qui avait déjà apostasié; nous les y retrouverons exerçant une dictature tyrannique jusqu'à leur mort. Edlt de Fontainebleau (»»;. — De Genève, Calvin couvrit la France de pamphlets incendiaires que ses partisans affichèrent sur les portes des couvents, des églises, de la Sorbonne, même du Louvre; le roi en trouva jusque sur sa table par la connivence d'un de ses valets de chambre. Dans les lieux où les calvinistes se sentirent en force, ils dépouillèrent les églises, profanèrent nos Saints Mystères, brisèrent les statues, insultèrent les prêtres, etc. François Ier commença par ordonner une procession solennelle pour expier tant de forfaits: l'évêque () de Paris portait le très Saint Sacrement que le monarque, tête nue, une torche à la main, accompagnait avec toute sa cour et son peuple. Arrivé à l'êvêché, le roi monta dans une des salles et rappela à l'assistance que la force et la gloire de la monarchie française reposent sur la foi catholique; qu'attaquer cette foi antique, c'est attaquer la () Par corruption d'eidgnots, c'est-à-dire confédérés, nom par lequel furent désignés les factieux de Genève qui y inaugurèrent la Réforme. () Paris ne fut érigé en archevêché qu'en . monarchie même et en préparer la ruine. En conséquence, il conjurait son peuple de s'affermir dans la religion de ses pères et de signaler à la justice tous les novateurs, protestant qu'il n'épargnerait pas même sa propre chair s'il la savait infectée d'hérésie. Puis il publia contre les sectaires, l'édit de Fontainebleau (), et la peine du feu, alors en vigueur contre les hérétiques, fut infligée aux plus coupables; dix ans auparavant, le Parlement l'avait déjà fait subir à Louis Berquin, traducteur de la Captivité de Babylone et qui, au jugement de Théodore de Bèze lui-même, eût été le Luther de la France, s'il eût trouvé dans François Ier, un Frédéric duc de Saxe (). Cette vigoureuse répression de l'hérésie ne saurait surprendre: l'hérésie était une altération violente de la constitution de la France, basée sur le catholicisme, ainsi que le rappelait François Ier à son peuple, et partant, un crime public au premier chef, que la justice de l'État pouvait et devait saisir comme un attentat; déplus elle ravissait aux peuples leur foi et par suite leurs espérances éternelles, crime bien plus grand assurément que d'attenter à leur vie temporelle par le poison ou le meurtre. Quant au massacre des Vaudois par les troupes royales, connu dans l'histoire sous le nom d'Exécution de Mérindol et de Cabrières, bien que en réalité, ces sectaires fussent des rebelles, armés au nombre de seize mille par les Calvinistes, pour profaner, piller les églises, briser les autels, etc., on sait que les ordres de François Ier furent outrepassés; aussi, avantde mourir, recommanda-t-il à Henri II de punir les auteurs de cette cruelle exécution : l'avocat général Guérin, un des plus ardents, subit une condamnation juridique et périt sur l'échafaud. Progrès du Protestantisme sons Henri Il.-Ce prince en plaçant derechef les sectaires sous la rigueur des lois par l'Edit de Chateaubriant (), leur fit comprendre qu'ils n'avaient rien à espérer d'un changement () Ce prince se fit le protecteur de Luther contre Charles- Quint. de règne. Il se rendit en personne au Parlement pour activer la répression du calvinisme et fit arrêter sur-le-champ cinq conseillers qui s'y montraient favorables; Anne Dubourg, l'un d'eux, expia dans les flammes, et son crime d'hérésie et l'assassinat du président Minard, auquel il avait incité les Calvinistes. Cependant des mouvements séditieux éclataient de toutes parts; le midi se remplissait de crimes atroces; à Paris même, cinq à six mille Huguenots rassemblés au Pré-aux-Clercs pendant les soirées du printemps de , traversèrent processionnellement la ville, chantant les psaumes traduits en français par le calviniste Marot; ces réunions ne tardèrent pas à devenir des foyers de révolte et de sédition, il fallut les interdire sous peine de mort. Malheureusement des seigneurs et des princes avaient embrassé le Protestantisme pour en faire le prétexte, l'auxiliaire de leur ambition ; l'appui que l'hérésie trouva en eux, fut la véritable cause de son extension en France et de sa durée, car la masse de la nation resta profondément attachée à la foi ; elle la défendit au prix de son sang, pendant soixante-sept ans, et, si ses représailles parfois cruelles, ne se justifient pas, elles s'expliquent du moins, tant par la violence des sectaires, que par la nécessité de repousser leurs affreuses doctrines du sol national. Les guerres de religion allaient éclater au moment où mourut Henri II. § . — Depuis les premiers troubles religieux jusqu'à la Ligue. — François II. - Charles IX.— Commencement du règne de Henri III (-). François II (:»-"'). — A l'avènement de ce prince, âgé de seize ans seulement, trois partis se disputaient le pouvoir : les Guise et les Montmorency, déjà rivaux sous Henri II, et les Bourbons, premiers princes du sang (). Le chef de cette famille, le timide Antoine de () l!s étaient issus en ligne directe et masculine de Robert Bourbon-Vendôme, devenu roi de Navarre par son mariage avec Jeanne d'Albret, était peu redoutable ; mais son frère, l ardent et ambitieux Louis de Bourbon, prince de Condé, était capable de tout entreprendre. La reine-mère, la trop fameuse Catherine de Médicis, tenue jusqu alors à l 'écart, voulait aussi sa part de. domination et régna en effet pour son fils. Sous son inspiration et par le crédit de la jeune reine de France et d'Ecosse, Marie Stuart, François II abandonne le pouvoir au duc de Guise et au cardinal de Lorraine, son frère, tandis qu'il accable df. disgrâces le connétable de Montmorency et les princes de Bourbon : c'était leur ménager des partisans. Conjuration d'Amboise (leco). — Des seigneurs mécontents de l'élévation de la maison de Lorraine, s allièrent aux protestants qui, déjà, formaient un parti considérable, dominé par l'amiral de Coligny et son frère Dandelot ; les princes de Bourbon eux-mêmes, reniant la foi de saint Louis, leur plus glorieux héritage, embrassèrent la réforme : Antoine de Bourbon, par complaisance pour sa femme, ardente huguenote, car, attaché de cœur au catholicisme, il y revint plus tard ; le prince de Condé, en haine des Guise, zélés défenseurs de la vieille foi nationale. Alors s'organise entre les sectaires, un vaste complot, dirigé en apparence par La Renaudie, gentilhomme calviniste, mais, en réalité, par Condé, Coligny et Dandelot. Leur but est d'enlever François Il à Blois, de massacrer les Guise qu'ils accusent publiquement d aspirer au trône, de s'emparer du pouvoir et d'obtenir pour les Calvinistes, la prétendue liberté de conscience. Mais François de Guise, averti de tout, transfère la cour à Amboise et attend de pied ferme les conjurés ; tous sont exterminés ou pris par des troupes en embuscade ; La Renaudie périt dans la mêlée. Protestantisme plonge le royaume dans l'anarchie. — En vain le cardinal de Lorraine voulut- de France, comte de Clermont et seigneur de Bourbon, cinquième fils de saint Louis. il établir l'Inquisition royale comme en Espagne pour arrêter les progrès de l'erreur, Michel de l'Hôpital, homme d'une foi douteuse, et malheureusement Chancelier du roi, s'y opposa ; il crut tout concilier par l'édit de Romorantin qui ne fit que mécontenter les deux partis ; Condé, enhardi par l'appui secret d'Elisabeth, reine d'Angleterre, souleva les provinces et tenta de s'emparer de Lyon, pour en faire sa place d'armes. Une assemblée des Notables, réunie à Fontainebleau, se sentant impuissante dans un tel état de choses, réclama et obtint la convocation des États généraux qui s'ouvrirent à Orléans ; le prince de Condé qui s'y rend avec son frère, par ordre du roi, est arrêté, jugé et condamné comme rebelle à la peine capitale ; mais il est sauvé par la mort mystérieuse de François Il qui arrive le décembre GO, cinq jours avant son exécution. Le monarque ne laissait pas d'enfants ; sa jeune veuve, Marie Stuart, pressée par ses oncles et par Catherine de Médicis, repartit, peu après, pour aller régner sur la sauvage Ecosse. En la voyant s'éloigner avec tant de larmes de ce doux pays de France qu'elle aimait comme une patrie, on eût dit qu'elle pressentait la destinée pleine d'angoisses et la mort cruelle que lui réservait sa cousine, l'odieuse ÉLisabeth. Charles I\(-ïl). — Perfide politique de Catherine de ltlédlels. — Charles IX, frère et successeur de François II, n'ayant que dix ans, Catherine de Médicis, sa mère, s'empara du pouvoir et, tout en paraissant maintenir le crédit des Guise, elle relève les partis disgraciés sous le règne précédent. Antoine de Bourbon devient lieutenant-général du royaume, Montmorency, généralissime des armées ; Condé, déclaré innocent, est entouré d'honneurs, les Coligny sont rappelés à la cour. Mais l'unique but de la Régente est d'opposer ces puissants rivaux les uns aux autres et, peu soucieuse du péril que courait alors la foi en France, elle va s'appuyer tour à tour sur les catholiques ou sur les protestants , selon que le réclamera sa politique tortueuse et dissimulée ; aussi est-ce sur sa mémoire et non sur celle de Charles IX, que doivent peser les malheurs de ce règne. Triumvirat catholique (). — Funeste édit de Janvier (t MX). —La guerre civile devenait chaque jour plus imminente ; les Etats d'Orléans soulevèrent des discussions si violentes qu'il fallut promptement les dissoudre ; et les Calvinistes voyant Condé et Coligny ne respirer que vengeance contre les Guise, n'attendaient que leur signal pour se révolter. Alors le connétable de Montmorency se souvenant de son titre héréditaire de premier baron chrétien () sacrifia ses ressentiments personnels, à sa foi et à sa patrie : le jour de Pâques , il se réconcilia à la Table Sainte, avec François de ,Guise et tous deux, unis au maréchal de Saint-André, formèrent le Triumvirat catholique pour la répression de l'hérésie et des attentats dont elle couvrait déjà la France. La reine, inquiète, se jeta du côté des Calvinistes et leur concéda le Colloque de Poissy que « Michel de l'Hôpital ouvrit par un discours moitié catholique, moitié huguenot », disent les Mémoires de Condé. Ces conférences, au moins inutiles avec les dissidents, puisque l'Église, seule juge de la foi, était assemblée à Trente, ne servirent qu'à aigrir davantage les esprits ; () Les Montmorency descendent, selon quelques-uns, de Lisoie, un des plus puissants seigneurs francs qui reçurent le baptême avec Clovis; selon d'autres, ils auraient pour chef Lisbéius ou Libius qui offrit l'hospitalité à saint Denys et reçut en retour le don de la foi et la palme du martyre qu'il partagea avec l'Apôtre. Quoi qu'il en soit, il est certain que la famille de Montmorency est une des plus anciennes et des plus illustres de l'Europe : l'exercice des charges les plus importantes, d'éminents services rendus aux rois et à la patrie, de brillantes alliances, de grands talents, des vertus éclatantes, tels sont, pendant une longue série de siècles, les titres de cette famille à la véritable grandeur. Aussi Henri IV disait-il que si la famille des Bourbons venait à manquer, nulle ne serait plus digne de la remplacer que celle des Montmorency. cependant Antoine de Bourbon y tut si frappé des contradictions de l'erreur, qu'il revint à la foi de ses aïeux et se joignit au Triumvirat catholique. La Régente, pressée par Michel de l'Hôpital de contrebalancer les partis, accorda aux Calvinistes l'Édit de Janvier qui, pour la première fois, autorisait le libre exercice de leur culte dans les faubourgs et les campagnes. Cet édit causa une profonde douleur à la nation ; les Parlements ne l'enregistrèrent que par contrainte : Non possumus, nec debemus, disait celui de Paris ; le Parlement de Dijon ne céda jamais. Première guerre de religion (t). — Paix d'Amboise (). — Un incident mit les deux partis aux prises : le duc de Guise se trouvant un dimanche au bourg de Vassy, en Champagne, des chants calvinistes vinrent troubler à dessein, l'office divin auquel il assistait; ses gens envoyés pour les faire cesser, sont insultés ; une rixe s'engage, le duc accourt et reçoit au visage une blessure que ses serviteurs vengent parla mort d'une trentaine de huguenots. La France retentit aussitôt du prétendu Massacre de Vassy et les Calvinistes s'arment de toutes parts. Condé se jette dans Orléans où Dandelot lui a ménagé un parti puissant ; Blois, Tours, Poitiers, Angers, Bourges, Rouen, Mâcon, La Rochelle, Lyon, Grenoble, Montauban, etc., sont enlevées par les Réformés qui y exercent d'affreux massacres, d'horribles profanations. Sommés de poser les armes dans huit jours, il ne répondent qu'en proclamant Condé leur généralissime ; ce malheureux prince, traître à sa patrie aussi bien qu'à son Dieu, livre le Havre à Elisabeth pour obtenir le secours de , Anglais et réclame aussi celui des Luthériens allemands. Mais le Triumvirat catholique, à la tête de l'armée royale, reprend avec la plupart des villes de la Loire, celle de Rouen dont le siège coûte la vie à Antoine de Navarre, et remporte la sanglante victoire de Dreux () ; Condé et Montmorency y tombent au pouvoir de leurs ennemis respectifs, et le maréchal de Saint-André, victime d'une vengeance personnelle, est tué à bout portant sur le champ de bataille. Dans le midi, la guerre était atroce; le baron des Adrets, devenu calviniste par ambition, exerçait à Lyon d'affreuses cruautés ; Montluc qui commandait l'armée royale en Languedoc et en Guyenne, usait de sanglantes représailles, ne voyant dans les huguenots que des rebelles au roi. Telle n'était point cependant la conduite du vainqueur de Dreux, du généreux François de Guise ; il consola le prince de Condé, tombé entre ses mains, le fit asseoir à sa table et partager son lit. Malheureusement ce grand homme, constant et héroïque défenseur de la foi et du trône, fut assassiné en assiégeant Orléans () par Poltrot, fanatique huguenot dont Coligny avait armé le bras. Sa mort fortifiait le parti opposé, ce qui engagea la reine à signer la paix d'Amboise () : l'édit de janvier était confirmé, à peu de choses près, Condé et Montmorency mis en liberté. Les deux partis s'unirent un moment pour reprendre le Havre aux Anglais : Elisabeth, en violant la paix de Cateau-Cambrésis, avait perdu tout droit au recouvrement de Calais. Deuxième guerre de religion. ( ). — Paix de Longjumean (mes). — Quoique Charles IX eût atteint sa majorité, Catherine de Médicis conserva l'autorité ; elle conduisit le jeune roi visiter les provinces du midi et eut à Bayonne, avec sa fille Elisabeth, reine d'Espagne, et le duc d'Albe, général de Philippe II, une entrevue qui servit de prétexte aux huguenots pour reprendre les armes. Ils faillirent s'emparer à Monceaux de la personne de Charles IX et le poursuivirent jusqu'à Paris ; mais ils furent défaits dans les plaines de St-Denis () par le connétable de Montmorency qui paya la victoire de sa vie. Renversé de cheval et couvert de blessures, ce héros de soixante-quinze ans criait aux siens qui venaient le secourir : « Poursuivez l'ennemi, ne perdez point de temps près de moi, je veux mourir au champ d'honneur », lorsqu'un lâche Ecossais, courant à lui, l'atteignit mortellement par un coup de pistolet ; il succomba trois jours après et fut honoré de la sépulture royale et des larmes de toute la France. Peu après les deux partis étaient désarmés par la paix de Longjumeau dite petite paix parce qu'elle ne dura que six mois (). Troisième guerre de religion ( ). — Paix de St-Germaln (©). — La reine, fatiguée des nouvelles plaintes et menaces des Calvinistes, résolut de faire arrêter leurs chefs. Prévenus, dit-on, par Michel de l'Hôpital qui, en conséquence de cette trahison, dut résigner les sceaux, Condé et Coligny s'enfuient jusqu'à La Rochelle,devenue leur boulevard; secourus par les Anglais, les Allemands et , Navarrais que leur amène Jeanne d'Albret avec son fils, le jeune Henri de Bourbon (I), (depuis Henri IV), ils lèvent de nouveau l'étendard de la révolte. Catherine de Médicis envoie contre eux son second fils Henri, duc d'Anjou, qui les défait à Jarnac () sur les bords de la Charente; le prince de Condé y périt, assassiné lâchement après le combat, fin déplorable provoquée par sa criminelle vie. Coligny s'efforce de rallier les Calvinistes; Jeanne d'Albret leur présente son fils et. Henri, fils aîné du prince de Condé : « Mes amis, leur dit-elle, voilà de nouveaux chefs que je vous donne et deux orphelins que je vous confie. » Henri de Bourbon est proclamé généralissime à seize ans et Coligny dirige son jeune courage. Tandis que le Pape saint Pie V et Philippe Il envoient des secours aux catholiques, , Allemands viennent aider les calvinistes à reprendre l'offensive ; vainqueurs à La Roche-Abeille où ils commettent d'affreux massacres, ils sont défaits par le duc d'Anjou à la sanglante journée de Moncontour (). Mais, comme rien ne pouvait désarmer Coligny, Catherine de Médicis termine encore une fois la lutte par la paix de Saint-Germain () qui dut aux circonstances, plus encore () Ce prince fait enfant de l'Église à sa naissance par saint baptême, fut malheureusement élevé par sa mère dans Calvinisme. qu'aux plénipotentiaires, le surnom de Malassise. Cette pdix autorisait les protestants à élever leurs temples dans des lieux désignés, à aspirer aux charges de l'État et à posséder quatre places de sûreté : La Rochelle, La Charité, Montauban et Cognac. La reine, par de telles concessions qui indignèrent justement les catholiques, cachait-elle le dessein d'abattre les huguenots par un coup décisif? La perfidie de son caractère a pu le faire croire; mais il est plus probable que l'audace toujours croissante des réformés l'amena seule au crime qui a rendu sa mémoire odieuse à tous les partis. Massacre de la Saint-Barthélemy (). — Malgré les réclamations des catholiques et du Pape, Catherine de Médicis négocie le mariage de sa fille Marguerite, avec Henri de Béarn, et attire à la cour Jeanne d'Albret (), Coligny et tous les chefs Calvinistes, tant pour célébrer cette union forcée ( août ) car on usa de contrainte pour obtenir le consentement de la jeune princesse, que sous prétexte de faire la guerre à l'Espagne dans les Pays Bas. Mais, persuadant bientôt à Charles IX, peut-être, non sans raison, que les huit mille huguenots, alors à Paris, ont formé le plus odieux complot contre sa royale personne, elle obtient contre eux un arrêt d'extermination qui, dans la nuit du août , fête de la Saint-Barthélemy, fait tomber sous le glaive, , huguenots, d'autres disent ,; le martyrologe huguenot n'en élève le nombre qu'à . Henri de Guise qui n'avait pas la noble générosité de son père, accepta de diriger cet odieux massacre dont Coligny fut la première victime ; le roi de Navarre et le prince de Condé n'ont la vie sauve qu'en abjurant l'erreur ou plutôt en feignant d'abjurer. La Saint-Barthélemy qui s'étendit aussi dans quelques provinces, fut un crime purement politique, suscité par la haine des deux partis; la question religieuse n'en fut que le prétexte ; elle en resta si pleine- () Cette princesse mourut ( juin) deux mois avant le mariage de son fils qui prit alors le titre de roi de Navarre. ment dégagée que grand nombre de huguenots trouvèrent un refuge dans le palais des évêques, dans les monastères ou'les familles catholiques, même à Paris ( ). Quatrième guerre de religion () — Paix de La Rochelle(v &y:<) —Les Calvinistes qu'on s'était flatté d'abattre, se relevèrent plus menaçants que jamais. Henri, duc d'Anjou, alla les assiéger dans La Rochelle; mais, apprenant tout à coup son élection au trône de Pologne, il signe avec eux un édit de pacification, non moins fragile que les précédents, et va saisir son sceptre qu'il échange, après quelques mois, pour celui de France: son frère, l'infortuné Charles IX, accablé de remords de la Saint-Barthélemy, mourut à vingt-quatre ans ( mai ), d'une maladie étrange, sans laisser d'enfant de son mariage avec Elisabeth d'Autriche fille de l'empereur Maximilien II. Henri III (i?l-t). — Ce prince quitta furtivement la Pologne qui voulait le retenir à tout prix et, après avoir traversé l'Allemagne et l'Italie au milieu des fêtes les plus dispendieuses (), il vint recevoir à Lyon, des mains de sa mère, ce sceptre qu'il avait si vaillamment défendu à Jarnac et à Moncontour. Mais le brillant duc d'Anjou, doué de tout ce qu'il fallait pour dominer les hommes, ne sut pas se vaincre lui-même et, partant, ne fut qu'un souverain inhabile, léger et corrompu ; honteusement entouré de mignons, il se rendit méprisable à tous et conduisit la royauté au bord de l'abîme. () La cour de France écrivit aux souverains étrangers que le roi avait échappé à une conspiration tramée contre son auguste personne, et ce fut là le vrai sujet de la procession que le pape Grégoire XIII fit à Rome en actions de grâces après la Saint-Barthélemy. () Il reconnut la brillante hospitalité de Philibert Emmanuel duc de Savoie, en lui rendant Pérouse, Pignerol et Savigliano qui, avec le marquisat de Saluces, étaient les derniers souvenirs des exploits de la France en Italie; et, vers la fin de son règne, il se laissa enlever le marquisat (). Cinquième guerre de religion (:»). — Paix de Beaulieu (). —Les Politiques ou Malcontents formaient depuis la fin du dernier règne, un troisième parti ; François, duc d'Alençon, frère du roi, qui en était le chef, ne craignit pas de s'unir aux Calvinistes soulevés de nouveau par Condé et renforcés de , reîtres (cavalerie allemande); mais Henri de Guise battit huguenots et Malcontents à Dormans (), près Château-Thierry (), ce qui n'empêcha point l'astucieuse Catherine de Médicis qui gouvernait toujours, de leur accorder par la paix de Loches ou de Beaulieu () les concessions les plus inouïes: tous les actes politiques ou juridiques dirigés depuis Henri II contre les réformés, furent cassés ; on leur donna pleine liberté de conscience, l'entrée au Parlement et de nouvelles places de sûreté. Les Malcontents catholiques aussi bien que les huguenots séditieux, se firent donner des charges, des pensions, des apanages, le duc d'Alençon devint duc d'Anjou. Formation de la Ligue (). — La paix de Beaulieu consterna les catholiques : ceux de Péronne et bientôt de la France entière, formèrent sous le nom de Ligue ou de Sainte-Union, une association où ils s'engagèrent au nom de la Sainte Trinité, à donner leurs biens, leur personne et leur vie pour rétablir et retenir dans son entier, la religion de Jésus-Christ. Si l'ambition des grands et l'esprit de sédition du peuple, déshonorèrent par fois la Ligue, elle n'en resta pas moins pour la masse de la nation, une association sainte, une véritable croisade poursuivie avec le plus héroïque dévouement ; elle eut la gloire, à jamais mémorable, de conserver à la France et sa foi et sa royauté catholique. ) Une blessure qu'il reçut dans cette bataille lui valut le urnom de Balafré. ) On l'appelle quelquefois paix de Monsieur, parce qu'elle n our médiateur le duc d'Alençon. § . — Depuis la ligue jusqu'à l'édit de Nantes : Fin du règne de Henri III, — Prernière partie de celui de Henri IV (-). Sixième (?) et septième guerre de religion ( so-i$i). — Cependant Henri III, alarmé de la puissance de la Ligue et surtout de celle de son chef, Henri-le-Balafré, que son génie, sa valeur, ses brillantes qualités, rendaient l'espoir et l'amour du peuple, fit casser la paix de Beaulieu par les États généraux de Blois (); mais, tergiversant toujours sous l'inspiration de sa mère et de sa propre faiblesse, il accorde bientôt aux Calvinistes révoltés une sixième, puis une septième fois, les édits de Bergerac ( ) et de Fleix (), plus avantageux encore que les précédents. La mort du duc d'Anjou, son frère, vint encore aggraver ses difficultés: marié depuis vingt ans à Louise de Vaudemont, princesse de Lorraine, il n'avait point d'enfant. Henri de Navarre, chef de la branche de Bourbon-Vendôme et premier prince du sang ( ) devenait son héritier ; mais comme il était retourné au Calvinisme, après laSaint-Barthélemy, la France catholique, d'après son antique constitution, ne pouvait l'accepter pour roi: la Ligue en fait le serment, et les Guise, soutenus par Philippe II roi d'Espagne, désignent le Cardinal de Bourbon, oncle du roi de Navarre, mais de la branche cadette, pour l'héritier présomptif. Le Pape Grégoire XIII sanctionne ce choix; Sixte-Quint, son successeur, excommunie Henri de Navarre et le déclare inhabile à régner, tant qu'il serait hérétique. Henri III lui-même sort un moment de son apathie et se déclare chef de la Ligue par le traité de Nemours () qui rend à la religion catholique ses droits, interdit tout autre culte et enlève aux huguenots leurs () Il était fils d'Antoine de Bourbon et dixième descendant de saint Louis. places de sûreté; mais, incapable de soutenir cet acte énergique qui eût sauvé la France de l'anarchie, il se replonge dans la mollesse et les plaisirs. Huitième guerre de religion (). — Le roi de Navarre, au contraire, se montre plein de courage : divers manifestes vont attester jusque sous les murs du Vatican, et son intention de s'éclairer sur la religion catholique et sa résolution de défendre ses droits par les armes. En effet, avec le secours de la reine Elisabeth et des protestants d'Allemagne, il commence la huitième guerre de religion qui devait être la plus sanglante et la plus longue de toutes (-) et qu'on appela au début la guerre des Trois Henri à cause des trois chefs qui la dirigèrent. Les hostilités activées par la cruelle mort de l'infortunée Marie Stuart qu'Elisabeth fit périr sur l'échafaud, eurent des succès divers : le génie et la valeur de Henri de Navarre triomphèrent à Coutras () du duc de Joyeuse, qui resta sur le champ de bataille avec , catholiques ; mais les huguenots furent vaincus par Henri III sur les bords de la Loire, et leurs coreligionnaires allemands battus à Vimori et à Auneau par Henri le Balafré, durent évacuer le royaume. Journée des barricades. — Meurtre des Guise (). — Ces victoires mirent le comble, à l'enthousiasme des Parisiens pour le duc de Guise, surtout des Seize, fanatiques ligueurs qui. dominaient les seize quartiers de la ville ; aussi lorsqu'il vint à Paris, malgré la défense du roi, il y fut accueilli comme le fléau de l'hérésie, le Machabée de la France ( mars ). Les reproches qu'il reçoit au Louvre, exaspèrent le peuple ; l'émeute s'organise, des barricades s'élèvent de toutes parts ( mai) ; le roi prend la fuite et Guise resté seul maître, s'empare de la Bastille, de l'Arsenal, distribue les charges, mais ne peut toutefois faire légaliser cette usurpation de pouvoir; Achille de Harlay, premier président du Parlement, lui en fait un sublime refus. Cependant le faible monarque retiré à Chartres, né- gocie avec son sujet rebelle, le nomme lieutenant-général du royaume et accorde la convocation des Etats-généraux qui s'ouvrent une seconde fois à lïlois ( octobre). Mais, dans l'opposition que lui font les députés, il croit, à tort ou à raison, retrouver l'influence des Guise et, rejetant tout conseil contraire, il conçoit l'odieux dessein de s'en défaire par le meurtre. Le décembre, Henri le Balafré est percé de coups comme il entrait chez le roi ; le cardinal de Guise est assassiné le lendemain; leur frère, le duc df" Mayenne, parvient à s'échapper ; le cardinal de Bourbon, l'archevêque de Lyon et une foule de ligueurs sont emprisonnés. Telle fut la fin lamentable des brillants princes de Lorraine qui, de l'aveu même des huguenots, furent sincèment dévoués à la cause catholique : placés entre un monarque dégradé qui pactisait avec l'hérésie, et un peuple qui les chérissait comme les plus sûrs défenseurs de sa foi, ils ne surent peut-être pas, dans cette position délicate, se sauvegarder toujours de l'ambition, du moins Henri de Guise dont la conduite a pu faire croire qu'il songeait au trône, Catherine de Médicis restée étrangère au meurtre de ces princes, mourut quelques jours après( janvier ). Mort de Henri (). — Ce prince perdit complètement l'autorité qu'il avait cru ressaisir. La Ligue exaspérée, surtout à Paris, où la duchesse de Montpensier, sœur des Guise, soufflait le feu de la vengeance, obtient de la Sorbonne, un décret qui délie les Français du serment de fidélité envers le roi ; les Seize, après avoir éliminé du Parlement les membres qui lui résistent, font enregistrer ce décret, et le duc de Mayenne appelé par la Ligue, en reçoit le pouvoir souverain, avec le titre de lieutenant-général du royaume ; enfin un dernier coup frappe Henri III : Sixte-Quint l'excommunie pour le meurtre et l'emprisonnement des princes de l'Eglise. Ainsi humilié, flétri et abandonné de tous, le malheureux monarque se rapproche du roi de Navarre ; leurs forces réunies viennent assiéger Paris; mais, à la veille de livrer l'assaut, Henri III qui campait à Saint-Cloud, est assassiné par Jacques Clément; son repentir lui obtient l'absolution des censures de Rome et les derniers sacrements ; il expire le lendemain à l'âge de trente-huit ans, après avoir fait reconnaître pour son successeur Henri de Bourbon, qu'il exhorte fortement à rentrer dans le sein de l'Eglise. Il avait institué l'Ordre du Saint-Esprit (). Avec lui s'éteignit la branche des Valois qui avait régné ans. Henri IV le Grand (ldS-). — Opposition de la Franee à son avènement. — La Maison de Bourbon, destinée à une si grande gloire, mais aussi aux plus cruelles épreuves, arrivait donc légitimement au trône dans la personne de Henri,roi de Navarre ( ) et fils d'Antoine de Bourbon-Vendôme et de Jeanne d'Albret. Cependant, malgré les droits incontestables de ce prince, malgré sa promesse solennelle de conserver au royaume la religion catholique et de s'en faire instruire dans un court délai, il voit les cinq sixièmes de la nation protester contre son avènement : « Plutôt mourir que d'obéir à un roi huguenot , tel est le cri magnanime qui s'échappe de tous les cœurs, et la Ligue, soutenue par les cours de Rome et d'Espagne, proclame, sous le nom de Charles X, le vieux cardinal de Bourbon, oncle de Henri IV et son prisonnier ; toutefois, sous ce fantôme de roi, Mayenne retient l'autorité comme chef des Ligueurs. Outre la résistance de la conscience nationale personnifiée dans la Ligue, le nouveau monarque rencontrait encore l'ambition de puissants rivaux : les ducs de Savoie, de Lorraine, Philippe II roi d'Espagne, au mépris de la loi salique, mettaient en avant de prétendus droits apportés dans leurs maisons, par des filles ou sœurs des Valois ; heureusement une double victoire sur ses ennemis et sur lui-même, rendra enfin Henri IV, maître absolu de son royaume. () Dès lors ce petit royaume et ses dépendances furent réunis à la couronne de France. Victoires d'Arques et d'Ivry («-). — Siège de Paris (). — La désertion avait tellement affaibli son armée après la mort de Henri II f, qu'il fut contraint de lever le siège de Paris et se dirigea vers la Normandie. Poursuivi par Mayenne qui promet aux Parisiens de leur ramener le Béarnais lie et garrotté, il le défait à la journée d'Arqués (septembre ) et, quelques mois après, remporte sur lui et sur les Espagnols venus à son secours, une victoire encore plus éclatante dans les plaines d'ivry (). a Plus d'ennemis, plus de gloire », telle était la devise de ce prince, si bien appelé le roi des braves. Ces succès ayant grossi considérablement son armée, il revint bloquer Paris. La ville entière s'arma pour garder sa foi, résolue à s'abîmer, s'il le fallait, dans ses ruines ; elle n'avait de vivres que pour cinq semaines, et résista quatre mois, supportant avec un héroïsme admirable, la plus horrible famine et la perte de trente mille de ses habitants ! Le cœur paternel de Henri IV s'émut, et sa généreuse compassion pour les assiégés, donnant le temps au duc de Parme, Alexandre Farnèse, lieutenant de Philippe II dans les Pays-Bas, de venir au secours de Paris, il fut obligé d'en lever le siège. Il échoua encore l'année suivante à la journée des farines où il avait espéré surprendre les Parisiens, en introduisant dans leurs murs, des convois de grains; la prise de Chartres () le dédommagea de cet échec ; mais le duc de Parme arrêta une seconde fois sa fortune devant Rouen, non sans avoir. été témoin de sa téméraire valeur au combat d'Aumale. Abjuration du roi (). — Son éntrée à Paris (). — Ce prince différait toujours de se faire instruire et, cependant, la mort du cardinal de Bourbon () avait singulièrement aggravé ses difficultés et donné une nouvelle et juste ardeur à ses opposants. La Sorbonne, le Parlement, appuyés par la Ligue, avaient réitéré contre lui leur sentence d'exclusion ; le pape Grégoire XIV l'excommunia de nouveau () et défendit à l'Europe catholique de le reconnaître, Venise seule osa enfreindre cette défense ; enfin l'ambition profitant de ce triste état de choses, menaçait l'intégrité du royaume et de la monarchie. Le duc de Mercœur, gouverneur de la Bretagne, cherchait, avec l'appui de l'Espagne, à s'assurer la possession indépendante de cette province, au nom de sa femme, héritière des Penthièvre ; le duc de Savoie envahissait le Dauphiné heureusement défendu par Lesdiguières et songeait à conquérir la Provence ; enfin les Etats généraux, convoqués à Paris,par Mayenne,pour l'élection d'un roi catholique, entendaient l'ambassadeur espagnol réclamer la couronne pour la fille de Philippe II, l'Infante Isabelle-Claire-Eugénie qu'on unirait au jeune duc de Guise. Mais le Parlement, quoique captif et estropié (les membres qui avaient reconnu Henri IV siégeaient à Tours, momentanément la ville royale), décrète le maintien des lois héréditaires de la monarchie, et Mayenne, alarmé des prétentions de l'Espagne, consent aux conférences de Suresnes demandées par le roi ; elles s'ouvrent sous la protection d'une trêve de trois mois et amènent le dénouement si désiré ! Henri IV comprend enfin qu'il ne dépend pas de sa volonté de changer la religion du royaume, et que si la loi de l'hérédité du trône était sacrée, elle devait s'incliner devant l'antique foi de la France de Charlemagne et de saint Louis : il se fit donc instruire ; la politique, il est vrai, ne fut pas étrangère à ces premières démarches, mais la conviction en fut le fruit. Le juillet , il fit son abjuration à Saint-Denis entre les mains de l'archevêque de Bourges qui, dans une circonstance si pressante, se crut autorisé à l'absoudre des censures de Rome, réservant toutefois l'absolution définitive au Pape à qui seul elle appartenait (). Peu après, Reims () Cependant Clément VIII songeant aux pertes récentes de l'Eglise, à l'Allemagne, à l'Angleterre entraînée par son roi dans l'erreur, différa, par une profonde sagesse, de ratifier l'acte de St-Denis jusqu'à ce que les doutes élevés sur la sincérité de la conversion de Henri IV, eussent été pleinement dissipés. Enfin, après des prières multipliées et publiques, et sur l'avis des cardinaux, pris d'aberd en particulier, puis en consistoire, il accé- étant au pouvoir des Ligueurs, Henri IV se faisait sacrer à Chartres (février ), donnant ainsi à son peuple une nouvelle preuve de sa foi, et, à son droit, une sanction religieuse ; enfin le mars, grâce aux habiles manèges de Brissac, chargé, en l'absence de Mayenne, de la défense de Paris, il fait son entrée dans la capitale, au grand déplaisir des Ligueurs et des Espagnols, mais au milieu d'un peuple ivre de joie de voir enfin ce souverain légitime que la France, par une lutte à jamais mémorable, avait reconquis à son antique foi. Une amnistie générale, qui s'étendit jusqu'aux Espagnols, révéla la clémence du monarque. Fin de la Ligue (-§). — Édit de Nantes. — Paix de Vervins (»). — La soumission de Paris entraîna successivement celle des provinces ; mais la Ligue, que l'abjuration du roi aurait dû dissoudre, ce semble, se maintenait encore en Bourgogne avec Mayenne et les Espagnols, bien qu'elle ne battît da au désir du roi de France qui ne cessait de solliciter son absolution. Une estrade fort élevée avait été construite sous le portique de St-Pierre ; le septembre , Clément VIII y prit place avec ses cardinaux et, lorsque les évêques français d'Ossat et Duperron agenouillés à ses pieds, en habits de simples prêtres, eurent abjuré l'hérésie, au nom de leur maître, accepté pour lui, la pénitence canonique et juré sur les Saints Evangiles qu'il persévèrerait jusqu'à la mort dans la religion catholique, apostolique et Romaine, le pape prononça l'absolution solennelle, puis, bénissant les deux prélats : « Vous manderez au roi, votre maître, leur dit-il, que nous lui avons ouvert les portes de l'Eglise militante sur la terre, c'est à lui de se rendre digne par une foi vive et les œuvres d'une piété sincère, d'entrer un jour dans l'Eglise triomphante. » Aussitôt les portes de la Basilique s'ouvrent : d'Ossat et Duperron, revêtus de leurs habits pontificaux vont occuper enfin h place des ambassadeurs français pour y entendre la messe. Les cloches de la ville Sainte, les trompettes, les décharges d'artillerie apprennent à tous la précieuse conquête que vient de faire l'Eglise. plus que d'une aîle et ressemblât proprement à une corneille déplumée; cependant l'ambition ne fut pas, comme on J'a dit, l'unique cause de sa persistance : des hommes sincèrement catholiques restèrent dans ses rangs jusqu'à ce que Clément VIII se fût prononcé; ce motif n'était pas étranger même à Mayenne. Mais l'échec que Henri IV lui fit essuyer à Fontaine-Française ( juin ) et la voix de l'Eglise qui, trois mois après, recevait enfin dans son sein le grand monarque, désarmèrent la Ligue. Mayenne vint faire sa soumission (janvier ) et reconnut la royale clémence de son vainqueur par la fidélité la plus dévouée. L'ambitieux duc de Mercœur se rendit (). La Ligue, malgré ses intrigues et ses cabales, avait atteint son légitime but ; malheureusement, Henri IV l'atténua par le déplorable édit de Nantes ( avril ) qui accordait aux protestants le libre exercice de leur culte, leur donnait le droit d'arriver à toutes les charges, de s'assembler, de se taxer, de conserver des places de sûreté, en un mot de jouir de tous les droits politiques réservés jusqu'ici aux seuls catholiques, et de plus de former un État dans l'État. Le roi ne comprit pas, sans doute, les conséquences de telles concessions qui rompaient l'unité religieuse et politique du royaume ; Louis XIII l'expérimentera. Le clergé, la Sorbonne, le Parlement protestèrent contre l'édit de Nantes ; le sentiment catholique fut profondément blessé, mais le roi qui croyait cette funeste concession nécessaire pour rendre un peu de paix à la France, maintint son édit et il fut enregistré. Enfin la paix de Vervins ( mai ) signée avec Philippe II délivrait la France de l'étranger : les Espagnols auxquels Henri IV avait repris Amiens () durent, aussi bien que le duc de Savoie, Charles-Emmanuel le Grand, leur allié, restituer toutes leurs conquêtes. Ici finissent les guerres de religion proprement dites, c'est-à-dire cette période anarchique et sanglante qui, pendant trente-huit ans (-), plongea la France dans un abîme de maux ; mais comme ces guerres civiles laissèrent pendant longtemps des traces déplorables et qu'elles se rallumèrent une dernière fois sous Louis XIII, nous prolongerons cette période jusqu'à la paix d'Alais qui termina définitivement les luttes religieuses. § . — Depuis l'édit de Nantes jusqu'à la paix d'Alais : Fin du règne de Henri IV.— Commencement de Louis XIII. Prospérité de la France. — Dans l'assemblée des Notables tenue à Rouen en , Henri IV avait montré combien il avait à cœur d'être le restaurateur de la France, si ruinée par les guerres civiles ; devenu enfin paisible possesseur de son royaume, il se met à l'œuvre ; sa rare intelligence fut merveilleusement secondée par Sully qui a gardé plus de renommée, et par Villeroi qui en méritait peut-être davantage pour son habileté dans les négociations. A l'intérieur, les réformes dans les finances ramenèrent la prospérité pour tous : en douze ans l'Etat put remettre au peuple millions d'impôts arriérés, acquitter millions de dettes, racheter millions de domaines, fortifier les places, remplir les arsenaux, assurer la solde des troupes, réparer les grandes routes, etc., et mettre millions d'épargne dans le trésor. L'agriculture fut favorisée par les plus sages ordonnances, l'industrie prit un essor inconnu jusqu'alors, malgré les réclamations de Sully ; le ministre redoutait, non sans raison, le luxe qui en résulta ; le commerce fut étendu au dehors par l'exportation des grainsi et par des traités avantageux, et, pour le faciliter au dedans, le roi projeta de sillonner la France de canaux ; mais il n'eut que le temps de creuser celui de Briare ; enfin les arts ne furent point négligés : Paris fut agrandi ; le Louvre continué ; la galerie qui le joint aux Tuileries commencée ; le Pont-Neuf construit ; les châteaux de Saint-Germain, de Monceaux, de Fontainebleau, embellis ou achevés ; l'hôpital Saint-Louis, le collège de la Flèche furentifondés, etc. Aussi l'ambassadeur du nouveau roi d'Espagne, [Phi- lippe III, ne pouvait-il plus reconnaître Paris qu'il avait vu dans un si triste état, quelques années auparavant : « C'est qu'alors le Père de famille n'y était pas, lui dit le roi ; aujourd'hui qu'il a soin de ses enfants tout pros -père. » La colonisation du Canada où la France avait pris pied sous François Ier, fut aussi l'objet de sa royale sollicitude il y fit bâtir plusieurs villes, entre autres Québec (). Richelieu poursuivra son œuvre, mais le développement et la prospérité de nos colonies seront dus à Colbert. Henri IV relevait en même temps la France à l'extérieur ,* ses armes victorieuses imposaient au duc de Savoie, Charles-Emmanuel, le traité de Lyon () qui lui laissait le marquisat de Saluces () inutile à la France, et le contraignait à lui restituer en échange cette portion de. son territoire que lui avait enlevée la paix de Cateau. Cambrésis, c'est-à-dire la Bresse, le Bugey, le Valromey et le pays de Gex ; il renouvelait la vieille alliance avec la Suisse, traitait avec Jacques er, roi d'Angleterre, réconciliait Venise avec le Saint-Siège, ménageait une trêve entre les Provinces-Unies de Hollande et l'Espagne ; enfin, poursuivant la déplorable politique de François Ier, il s'alliait aux protestants d'Allemagne pour abaisser la Maison d'Autriche ; mais il n'eut pas le temps de réaliser ce dessein. llort de Henri IV (). — Ce prince n'expérimenta que trop ce que les guerres de religion avaient laissé de germes de haine et d'ambition dans tous les rangs : dix-sept conspirations ou tentatives d'assassinat furent dirigées contre lui avant le coup fatal qui le ravit à l'amour de la France. L'ambitieux maréchal de Biron (), excité par le duc de Savoie mécontent du traité de Lyon, le comte d'Entragues (), le duc de Bouillon (), menacèrent par les plus odieux complots, et l'intégrité du royaume et la vie du monarque ; les deux derniers implorèrent et obtinrent leur pardon ; mais l'orgueilleux () Le duc l'avait repris à Henri HI en . Biron, ayant repoussé jusqu'à quatre fois les tentatives de la clémence royale, fut jugé et décapité. Cependant ni la bonté, ni la fermeté de Henri IV ne purent désarmer ses ennemis, et le mai , ce bon prince, chéri des vrais Français comme un père, expirait sous le fer de l'infâme Ravaillac, n'étant que dans sa cinquante-huitième année. Henri IV, surnommé le Grand pour ses qualités vraiment royales, eût pleinement justifié ce titre, s'il eût su régner sur lui-même comme il savait régner sur son peuple ; mais, élevé dans le Calvinisme et la licence des camps, il se laissa entraîner par ses passions, et, sur le trône même, ne sut pas les réprimer ; aussi sa vie fut-elle un mélange de nobles actions et de funestes exemples qu'il déplora tout le premier. C'est encore à ses anciennes erreurs qu'il faut attribuer les deux fautes de sa politique, c'est-à-dire ses alliances protestantes et l'édit de Nantes; mais il se montra si sincèrement catholique depuis sa conversion, et si zélé défenseur de la religion, que le pape Paul V, en apprenant sa mort, dit au cardinal d'Ossat, ambassadeur de France à Rome : « Vous avez perdu un bon maître et moi mon bras droit. » Son union forcée avec Marguerite de Valois, ayant été-déclarée nulle parle Saint-Siège, Henri IV avait épousé en Marie de Médicis, qui lui donna trois fils et trois tilles : Louis XIII, Monsieur qui mourut un an après son père et Gaston, duc d'Orléans ; les trois princesses Elisabeth, Christine et Henriette seront appelées à partager les couronnes d'Espagne, de Savoie et d'Angleterre. Louis XIII le Juste (-). — Révoltes des grands (IG-). — Quatorze années de troubles et de guerres civiles précédèrent la gloire que le concours du génie de Richelieu devait attacher à la seconde partie de ce règne. Louis XIII n'ayant que neuf ans lorsqu'il fut appelé au trône, sa mère, l'incapable Marie de Médicis, se fit donner la régence par le Parlement; écartant aussitôt les sages conseillers de Henri IV, même le fidèle Sully, elle investit de sa confiance, un italien obscur, Concini, qui devient marquis d'Ancre, maréchal de France, etc., et gouverne avec le despotisme le plus absolu. En vain cherche-t-il à apaiser le mécontentement des grands en partageant avec eux l'or de la France ; ils se soulèvent et, ayant à leur tête Henri II de Condé, premier prince du sang (), ils imposent à la Régente le traité de Sainte-Menehould et la convocation des Etats généraux qui sont tenus à Paris ( '- ). Le clergé seul accomplit un acte important dans cette assemblée, en publiant solennellement le concile de Trente () ; un esprit de rivalité divisa la noblesse et le tiers-état, et les députés se séparèrent sans avoir remédié aux maux de la France. La guerre civile se ralluma presque aussitôt : malgré la vive opposition des grands, Marie de Médicis conclut le mariage du roi et celui de sa sœur Elisabeth, avec l'infante et l'infant d'Espagne, depuis Philippe IV ; les princes s'armèrent et il fallut une escorte à Louis XIII pour aller épouser à Bordeaux la jeune Anne d'Autriche. Au lieu de réprimer les séditieux, la-reine acheta leur soumission par la honteuse paix de Loudun qui coûta ,, à la France (). Condé triomphait; mais Concini craignant un rival le fit enfermer à Vincennes ; () Aussi l'appelait-on : Monsieur le Prince j il fut père du Grand Condé. () Les rois de France ou plutôt les Parlements avaient opposé les plus grands obstacles à l'admission des décrets disciplinaires de Trente, s'appuyant sur les prétendues libertés Gallicanes qui recevaient, de ces décrets, il est vrai, un coup mortel. A douze reprises différentes, l'Episcopat en avait sollicité la promulgation sans pouvoir l'obtenir. En présence de cette obstination, les évêques ne prenant conseil que des inspirations de leur conscience, en firent solennellement la promulgation dans l'assemblée de ; ensuite ils la répétèrent, chacun dans son diocèse. Les maximes d'Etat de cette époque, conservées avec soin jusqu'à nos jours, n'avaient d'autre but que d'amoindrir et même de supprimer la liberté de l'Eglise et l'autorité du Pape en France. Les auteurs qui approuvent cette résistance contre les décrets du concile de Trente, ne font que se conformer à ces traditions ce coup d'état hâta la chute du ministre ; il devint odieux à tous, surtout à Louis XIII qui, cédant aux criminelles insinuations de l'un de ses favoris, Albert de Luynes, fit assassiner l'infortuné maréchal d'Ancre sur le pont du Louvre ; Éléonore Galigaï, sa femme, périt comme sorcière en place de grève. Marie de Médicis enveloppée dans leur disgrâce, fut reléguée à Blois, et son aumônier, Armand du Plessis-Richelieu, évêque de Luçon, qu'elle avait fait secrétaire d'Etat, dut retourner dans son diocèse (). Le jeune roi, auquel la flatterie cacha l'odieux de son forfait, ne fit que changer de maître ; Luynes, plus doux et plus modéré que Concini, mais non moins ambitieux, hérita de son pouvoir, de ses richesses et aussi de la haine des grands. Marie de Médicis qui s'était échappée de Blois, se joignit à eux ; la guerre allait éclater entre elle et le roi lorsque, du fond de sa retraite, Richelieu ménage un accommodement (), suivi presque aussitôt d'une rupture et d'une réconciliation nouvelle ) ; la reine-mère lui obtient en récompense le chapeau de cardinal et deux ans après, l'entrée au Conseil ( ). Le duc de Luynes sentant qu'il avait besoin d'appui contre les grands, fit sortir de Vincennes le prince de Condé qui fut dès lors tout dévoué à son roi. gouvernementales; ce n'est pas sans raison, que les Parlements défendirent en cette occasion les libertés Gallicanes; c'est qu'elles étaient entre leurs mains des instruments de servitude et d'oppression à l'égard de l'Eglise ; tel sera l'usage qu'en fera malheureusement Louis XIV. Nous verrons en son lieu qu'au point de vue théologique, ces mêmes libertés étaient une atteinte portée à la constitution divine de l'Eglise et à la tradition universelle ; les définitions du concile du Vatican en font foi. D'ailleurs on conviendra sans peine que les évêques qui ont si souvent sollicité du roi et à l'unanimité, la publication des décrets du concile de Trente, connaissaient mieux que les Parlements et les légistes ce que réclamait l'intérêt de la religion; cela doit suffire à tout esprit sage et non prévenu. Neuvième et dernière guerre de religion (). — Aux guerres civiles suscitées par les intrigues de cour, se mêlèrent les révoltes beaucoup plus dangereuses des protestants. Enhardis par les concessions de l'édit de Nantes, la faiblesse du gouvernement et l'exemple de leurs coréligionnaires d'Allemagne qui étaient engagés dans la guerre de Trente ans (-) contre l'empereur Ferdinand Il, ils protestèrent contre l'édit de Louis XIII, rétablissant la religion catholique dans le Béarn (); après s'être érigés en république par leur fameuse déclaration d'indépendance de la Rochelle ( mai ), les réformés commencèrent une neuvième guerre où les représailles des deux partis rappelèrent parfois les horreurs des guerres précédentes ; elle fut interrompue et reprise trois fois : (-) (-) (-). Le duc de Rohan, son frère le duc de Soubise, les ducs de la Force, de Bouillon, etc., commandaient les rebelles ; Louis XIII les fit attaquer sur tous les points et marcha en personne contre ceux du midi avec le duc de Luynes qui « sans savoir ce que pèse une épée », reçut celle de connétable; elle ne tarda pas heureusement à passer entre les. mains du vaillant Lesdiguières, converti par saint François de Sales à la foi catholique, car Luynes mourut de chagrin d'avoir échoué devant Montauban (). Le roi, non moins intrépide que Henri IV sur le champ de bataille, poursuivit la guerre avec succès ; aussi les réformés implorèrent et obtinrent la paix de Montpellier () qui modifiait à leur désavantage l'édit de Nantes. Ministère de Richelieu (-: - :S). — Louis XIII, qui appréciait justement les vastes desseins de son père, trouvant dans Richelieu un génie capable de les réaliser, l'investit d'une confiance illimitée et sut en supporter les conséquences pour le bien de son royaume; c'est donc ce génie audacieux et inflexible qui, pendant () C'était un des articles de la pénitence imposée à Henri IV par Clément VIII ; mais l'opposition des protestants l'avait fait différer de l'accomplir. dix-huit ans, va régler à son grêles destinées de la France. Ruiner la puissance des Calvinistes et celle des grands afin de rendre à la monarchie sa force, son unité souveraine à l'intérieur; à l'extérieur, lui restituer sa prépondérance et sa gloire en abaissant la maison d'Autriche, tels furent les trois desseins poursuivis en même temps par le grand ministre ; il se montra, il est vrai, peu scrupuleux sur le choix des moyens. Pour plus de clarté cependant nous les étudierons successivement. Prise de la Rochelle (S). — Paix d'Alais ). — Les protestants soulevés de nouveau () par Rohan et Soubise occupèrent d'abord Richelieu; toutefois n'étant pas encore en mesure de les écraser, il leur accorda une paix facile qui scandalisa les catholiques (), mais qui lui permit de réorganiser l'armée, de créer une nouvelle marine, etc., enfin de hâter ses préparatifs pour attaquer La Rochelle, dernier boulevard de l'hérésie. Instruite de ce dessein et secourue par Buckingham qui montait une flotte anglaise de cinq cents voiles, la cité calviniste lève l'étendard de la révolte. Le roi ou plutôt Richelieu va l'assiéger en personne ( août ) ; tout plie devant ce génie dominateur ; ses habiles dispositions, ses immenses travaux (), sa fermeté inébranlable triom.phent de l'opiniâtre résistance des Rochellois, et le er novembre , Louis XIII faisait son entrée dans leur ville et y rétablissait solennellement la religion catholique. Sur trente mille habitants, cinq mille restaient à peine, . et à demi morts de faim ; les fortifications de La Rochelle furent rasées en punition de sa longue rébellion, et tous ses privilèges anéantis. Le duc de Rohan tenta vainement de résister encore quelques mois dans le Languedoc; poursuivi par Louis XIII, il dut subir la loi du vainqueur et accepta au nom de ses coréligionnaires, l'édit de grâce ou paix d'Alais qui ter- ( ) ferma le canal qui va de la pleine mer au port par une immense digue de toises de longueur. minait enfin les guerres de religion (). Les protestants. conservaient le libre exercice de leur culte, mais ils perdaient toutes leurs places fortes et cessaient pour toujours de former une puissance dans l'Etat : la France avait du moins recouvré son unité politique. ° FORCE ET GLOIRE DE LA MONARCHIE. § . Dernière partie du règne de Louis XIII. — Commencement de celui de Louis XIV. (-r ), Répression de la noblesse. — L'esprit d'indépendance de la noblesse, réprimé par l'habile fermeté de Henri IV, s'était ravivé sous la faible Marie de Médicis qui n'avait su que récompenser la rébellion ; il n'en fut pas ainsi de Richelieu : aux intrigues et aux cabales incessantes du frivole Gaston d'Orléans resté l'héritier présomptif pendant vingt-deux ans (ce ne fut qu'en qu'Anne d'Autriche donna enfin à la France un dauphin), aux révoltes et aux séditions des grands appuyés par la reine-mère et, quelquefois, par le roi lui-même, il oppose la justice la plus implacable. Il fait enfermer à Vincennes le maréchal d'Ornano qui, poussé par Gaston dont il était gouverneur, a conspiré contre sa vie ; le jeune comte de Chalais, de la famille des Talleyrand-Périgord, principal auteur de la conspiration, est décapité à Nantes (). Le comte de Chapelles et le comte de Boutteville, père du fameux Luxembourg, périssent à leur tour sur l'échataud pour avoir bravé l'édit de Henri IV et de Louis XIII coutre les duels. Les grands irrités font de nouveaux efforts pour renverser le tout-puissant ministre; l'ambitieuse Marie de Médicis, éloignée du gouvernement contre son attente, se joint à eux et, profitant d'une maladie du Toi, lui arrache une promesse de disgrâce contre le cardinal. Mais l'entrevue de Richelieu et de Louis XIII suffit pour l'investir plus que jamais de la confiance royale, et cette journée des dupes ( octobre ) fait de nouvelles victimes : MariUae, le garde des sceaux est condamné à l'exil; son frère, maréchal de France périt sur l'échafaud après quarante ans defidèlesservices;lema- réchal de Bassompierre est enfermé à la Bastille où il reste douze ans; Marie de Médicis qui continue ses intrigues, est reléguée à Compiègne d'où elle s'enfuit d'abord à Bruxelles, puis à Cologne; elle y mourut dans un état voisin de la misère (). Louis XIII, sur le point de paraître devant Dieu, se reprocha amèrement le dénuement où il l avait laissée et voulut qu'on fît connaître à l'Europe son filial repentir. Gaston d'Orléans, réfugié en Lorraine auprès du duc Charles IV dont il avait épousé la sœur en secondes noces, en ayant obtenu quelques secours, revint souffler en Languedoc, le feu de la guerre civile et, malheureusement entraîna dans sa révolte, le duc de Montmorency gouverneur de cette province : leur défaite à Castelnaudary () les livra à l'implacable Richelieu. Gaston en fut quitte pour jurer d'aimer monsieur le Cardinal et se retira à Bruxelles ; mais l'infortuné duc de Montmorency jugé et condamné à mort par le Parlement de Toulouse, fut exécuté malgré les supplications et les larmes de toute la France ; du moins il honora son supplice par le plus humble repentir, et le subit en chrétien. En punition du secours qu'il continuait de donner à la rébellion, Charles IV se vit enlever Nancy, et la pauvre Lorraine' occupée militairement par nos troupes de à , fut ruinée par la guerre, la peste et la famine. Richelieu fit encore périr sur l'échafaud le jeune Cinq-Mars fils du marquis d'Effiat qui avait conspiré contre lui sous la double inspiration du comte-duc Olivarès, ministre de Philippe IV, et sous celle de Louis XIII lui-même qui supportait avec peine le joug du cardinal ; le jeune et vertueux de Thou, ami et confident de Cinq-Mars, partagea son supplice pour avoir fidèlement gardé son fatal secret (). Nous ne pouvons nommer tous les emprisonnements-exils, confiscations, etc., qui frappèrent la noblesse. En même temps, Richelieu la dépouillait d'une partie de sa puissance; il lui retira les charges les plus importantes, notamment celles de connétable et de grand amiral qui donnaient une autorité presque royale sur la flotte et sur l'armée; il abolit la première à la mort de Lesdiguières () et supprima la seconde, donnant au seigneur qu'il en dépouillait, une forte indemnité. Pour contrebalancer l'autorité des gouverneurs qui appartenaient tous à la haute noblesse et qui, à la faveur des guerres de religion, s'étaient rendus presque indépendants, il créa les Intendants () ou plutôt régularisa et étendit leurs fonctions () qui consistaient à veiller au nom du roi, dans les provinces, sur les finances, la justice, etc.; nous verrons Louis XIV porter à son comble la puissance des Intendants. Abaissement de la Maison d'Autriche. — Tout en ruinant la puissance des Calvinistes et de la noblesse, Richelieu n'avait pas laissé de poursuivre l'abaissement de la Maison d'Autriche dont les deux branches régnant sur l'Espagne et l'Allemagne enlaçaient l'Europe. Par Naples et le Milanais, l'Espagne dominait l'Italie ; et par les Pays-Bas, l'Artois, la Franche-Comté et le Roussillon, elle enveloppait de trois côtés la France amoindrie encore par l'Allemagne qui possédait l'Alsace et la suzeraineté de la Lorraine. Richelieu commence par l'Espagne; il soutient la Hollande insurgée contre elle et lui enlève l'alliance de l'Angleterre en négociant le mariage d'Henriette de France avec le prince de Galles (ce fat Charles Ier) qui avait recherché d'abord une princesse espagnole (); puis, poussant l'indépendance de ses vues politiques jusqu'à oser, lui, cardinal, faire la guerre au Pape, il envoie une al' mée s'emparer de la Valteline que des garnisons pontificales gardaient au nom de l'Es. pagne, et rend cette province catholique aux Grisons qui promettent de n'y point introduire la Réforme ( ). Deux ans après, les Espagnols sanctionnent cet acte () Les Intendants de finances remontent à Henri II. par un traité; mais ils se retrouvèrent bientôt aux prises en Italie avec Richelieu. Charles de Gonzague, duc de Nevers, hérilier du duc de Mantoue Vincent de Gonzague, mort sans entant, se vit disputer son héritage par les Maisons d'Autriche Allemande et Espagnole, par les ducs de Savoie et de Guasialla. Louis XIII passe deux fois les Alpes pour le secourir, accompagné dans sa seconde expédition de Richelieu qui portait le titre de lieutenant-général; les traités de Suze et de Chérasco assurent à Charles de Gonzague la tranquille possession du Mantouan et du Montferrat, et le duc de Savoie, Victor-Amédée est contraint de livrer à la France, Pignerol, la clef des Alpes (-). France prend part à la guerre de Trente ans (). — Enfin Richelieu porta le grand coup à la Maison d'Autriche : après avoir favorisé secrètement par ses négociations et ses subsides, les Luthériens d'Allemagne dans la guerre de Trente ans, il intervient directement et donne ainsi un caractère tout politique à cette guerre d'abord religieuse. Cependant quand on vit un cardinal s'unir, et au nom de la France, aux protestants contre Ferdinand II, prince si catholique, le pape Urbain VIII, le célèbre Père Joseph (), bras droit du () Son nom a été attaché à celui de Richelieu et, parce que l'histoire commence à reconnaître qu'elle lui a fait partager à tort, les écarts politiques du ministre, donnons sur ce saint religieux quelques vraies notions fournies par ses contemporains. François Leclerc du Tremblay, baron de lUafée échangea à vingt-deux ans l'épée pour la bure de saint François et devint bientôt sous le nom de Père Joseph un capucin parfait, selon le témoignage de ses frères. Apôtre, missionnaire, fondateur d'un ordre religieux (le Calvaire) et enfin confesseur et conseiller suprême de Richelieu qui le retint dès lors à la cour, le P. Joseph fut par la hauteur de ses vues, l'infatigable activité de son zèle, l'invincible énergie de son âme, la personnification de l'esprit catholique dans la première partie du xvue siècle. La préoccupation suprême de sa vie fut l'extension de la foi, d'abord en France où il seconda de tout son pouvoir Richelieu pour y ramener puissant ministre et tous les hommes sincèrement attachés à la foi s'en plaignirent hautement; Richelieu passa outre, non qu'il voulût au fond protéger le protestantisme, mais parce qu'il mettait la politique complètement en dehors de la religion ; exemple doublement funeste en sa personne et dont nous verrons les terribles conséquences. On retrouvera à l'Allemagne l'esquisse de la période française (-) de la guerre de Trente ans. Bornons-nous à dire ici que dans cette lutte terrible engagée à la fois contre l'Empire et l'Espagne, la France eut jusqu'à sept armées sur pied et dut faire peser sur le peuple de lourds impôts. Ses premiers succès furent suivis de si grands revers, que Richelieu lui-même trembla pour sa nationalité ; mais,à partir de , elle eut l'avantage presque partout et, à la mort du grand ministre ( décembre ), elle était maîtresse de l'Alsace, de la Lorraine (du moins elle l'avait contrainte à devenir son l'unité religieuse par l'unité politique, puis en Orient où il raviva le catholicisme par ses missions; il entreprit même avec l'approbation du St-Siège de croiser les princes chrétiens pour la délivrance des Lieux-Saints; mais son généreux dessein fut entravé par ceux de Richelieu contre la Maison d'Autriche. Bien que le P. Joseph ne vît pas sans déplaisir la puissance menaçante de cette Maison, il désapprouva les alliances protestantes de Richelieu dans la guerre de Trente ans et voulut même se retirer; le Pape Urbain VIII s'y opposa formellement et il obéit. Du reste le fervent capucin vivait à la cour avec la même austérité que dans son monastère; il refusa le siège de la Rochelle et toutes les dignités ecclésiastiques qui lui furent offertes; si le cardinalat lui arriva sur le bord de sa tombe (ce qui le fit appeler par ses envieux l'Eminence grise), il ne l'avait ni demandé ni même désiré. Mais, dans le rang secondaire où son humilité parvint à le maintenir presque jusqu'à sa mort, le P. Joseph exerça en France et hors de France, une influence du premier ordre sur le mouvement religieux de son époque, influence due bien plus encore à sa sainteté et à ses vertus qu'à sa haute position politique et à son rare génie, supérieur peut-être à celui de Richelieu. alliée), de l'Artois, du passage des Alpes, du Roussillon, et triomphait encore en Italie, en Flandre et en Catalogne. Richelieu laissait donc la royauté forte au dedans, respectée et glorieuse au dehors ; et cependant malgré ses immenses services, il fut haï de tous à cause de l'inflexibilité de son âme. Louis XIII lui-même, au contact de son dur ministre, déploya une justice inexorable, et bannit de son cœur la clémence qui est la vertu des rois; peut-être la sacrifia-t-il à la raison d'Etat, mais lorsqu'il suivit le cardinal dans la tombe ( mai ), il n'emporta aucun regret, bien que son peuple estimât sa droiture et sa grande piété. Il laissait deux fils : Louis XIV et Philippe d'Orléans qui fut le chef de la troisième maison de ce nom. Richelieu avait protégé les lettres et les arts, fondé l'Académie (), créé le Jardin des Plantes, élevé le Palais-Royal, etc. Louis XIV le firand (-). — Commencement de son règne (-S). — La France, au début de ce règne qui devait être si glorieux, eut encore à subir les orages d'une minorité : Louis XIV n'avait que cinq ans ; sa mère, Anne d'Autriche, suivant le fâcheux exemple de Marie de Médicis, recourut au Parlement pour se faire donner la régence avec une autorité absolue, tandis que le testament de Louis XIII lui avait adjoint un Conseil ayant pour chef le prince de Condé. Les ambitieux que Richelieu avait tenus en bride, accoururent aussitôt près de la Régente ; ils se croyaient déjà maîtres de l'État et affectèrent des airs de supériorité qui leur valurent le surnom d'Importants ; mais Anne d'Autriche, bien supérieure à Marie de Médicis, leur opposa un homme qui, par la constance et la flexibilité de son génie, sut déjouer [leurs cabales ; ce fut un italien, le cardinal Mazarin, protégé de Richelieu et dépositaire de ses grands desseins : il fut nommé premier ministre (). « Paix de Westplialle (). — La lutte engagée sous le règne précédent contre la Maison d'Autriche, est donc poursuivie avec la même vigueur ; l'épée de Turenne et de Condé l'achève glorieusement dans les journées de Rocroy, de Fribourg, de Nordlingue et de Lens ; l'empereur Ferdinand III, épuisé, signe enfin la paix de Westphalie qui enlevait à sa Maison la prépondérance en Europe et préparait celle de la Maison de Bourbon. Par cette paix, la France gardait les Trois-Évêchés en toute souveraineté, l'Alsace sauf Strasbourg, Pignerol, Philippsbourg et temporairement la Lorraine ; la Suède obtenait la Poméranie, etc. ; la Suisse et les Provinces-Unies de Hollande, la sanction de leur indépendance ; et les protestants, des concessions déplorables qui brisaient l'unité catholique de l'Europe : tel fut le triste résultat de la politique de Richelieu (). L'Espagne seule refusa d'adhérer à la paix et continua la guerre avec la France jusqu'en . CHAPITRE II. EMPIRE D'ALLEMAGNE (-). § . Depuis l'origine du Protestantisme jusqu'à la diète catholique d'Augsbourg. — Commencement du règne de Charles-Quint. (-). Origine du Protestantisme.—Luther (). — Le pape Léon X ayant accordé des indulgences aux fidèles qui contribueraient parileurs aumônes à l'achèvement de la basilique de Saint-Pierre, le dominicain Jean Tetzel fut chargé par l'archevêque de Mayence, de les publier en Allemagne. Les Augustins revendiquaient cet () Voir à l'Allemagne les clauses détaillées de cette paix. honneur ; l'un d'eux, Martin Luther, né à Eisleben, en Saxe (), et alors professeur à l'université de vVittemberg, esprit fougueux, d'une opiniâtreté iuvincible et d'un orgueil démesuré, se fait l'organe des mécontents: il commence par couvrir Tetzel de ses sarcasmes, puis il attaque la doctrine de l'Eglise sur les indulgences, l'efficacité des' bonnes œuvres, etc. ; et, la veille de la Toussaint, affiche ses propositions impies sur les piliers de la cathédrale de Wittemberg (). Les Dominicains, plusieurs savants théologiens, enfin Léon X lui-même, par ses légats dont l'un était le fameux cardinal Cajétan, essaient, mais en vain, de ramener Luther par la persuasion et la douceur; il en arrive à une révolte ouverte contre l'Église qu'il ose appeler une autre Babylone, et contre le Pape qu'il traite d'antechrist ; il fait brûler publiquement la bulle qui foudroyait ses erreurs, tout en épargnant encore sa per-" sonne et, comme tous les hérésiarques, en appelle à un concile général. Frappé alors d'excommunication nominale par Léon X, il rompt tout frein et se pose ouvertement comme le Réfoimateur de l'Eglise ; Frédéric, Elec-, teur de Saxe, lui prête un criminel appui. C'est dans ces., tristes conjonctures que Charles-Quint ceignait la couronne impériale. Charles-Quint (I-). — Ce prince, un des plus célèbres des temps modernes et qui pouvait se vanter que le soleil ne se couchait jamais sur ses vastes États, eut à soutenir, pendant 'tout le cours de son règne, une triple lutte: contre la France, le protestantisme et les Musulmans. La première nous a fait connaître son génie et admirer en lui le grand capitaine, aussi bien que l'homme d'Etat, plus habile toutefois que loyal ; nous n'y reviendrons pas. La lutte qu'il devait engager contre le Protestantisme, comme chef du saint Empire Romain, allait le mettre à même d'acquérir une gloire plus vraie et plus pure, la gloire même de Charlemagne ; mais qu'il sera loin de pouvoir se dire comme cet illustre empereur : l'humble, défenseur de l'Église Romaine et le dévot auxiliaire du Saint-Siège en toutes choses ! Lutte contre le Protestantisme. — Diète de Worms (la). — Léon X en excommuniant Luther, l'avait retranché de la société chrétienne ; le bras séculier, selon la législation alors toute catholique de l'Europe, devait exécuter la sentence de l'Église en emprisonnant le novateur ; c 'était, en effet, le seul moyen d'empêcher la propagation de l'erreur. Mais, sur les instances de l'Électeur de Saxe et de plusieurs autres princes dont il veut se ménager l'appui contre François Ier, Charles-Quint tire malheureusement l'hérésiarque de son obscurité et le fait comparaître, muni d'un sauf-conduit, à la diète de Worms (); outre que cette assemblée de princes ne pouvait se faire arbitre de la foi, nul n'avait le droit de revenir sur une cause examinée et jugée par le Saint-Siège. Luther ayant refusé de se rétracter, Charles-Quint le mit au ban de l'empire après l'expiration du sauf-conduit (vingt-un jours) (), sentence illusoire que nul prince ne se mit en peine d'exécuter. Frédéric de Saxe fit même enlever l'hérésiarque par des cavaliers masqués et le cacha, pendant un an, dans son château de la Wartbourg ; ce manoir féodal sanctifié par les héroïques vertus de sainte Elisabeth de Thuringe, voit consommer l'apostasie du moine de Wittemberg. Du fond de sa so!i-. tude, il lance des pamphlets impies contre le Pape, contre l'Université de Paris qui a condamné ses erreurs, contre Henri VIII, roi d'Angleterre qui a réfuté son livre de la Captivité de Babylone ; il y supprimait d'un trait de plume, les sacrements d'Ordre, d'Extrême-Onction, de Pénitence, les Indulgences, lIe Purgatoire, l'autorité de () A la fin de sa vie, Charles-Quint témoin des maux si grands que la réforme causait à l'Allemagne (et il n'en vit que le commencement), se reprocha amèremement de n'avoir point fait mourir Luther comme perturbateur du repos public, au sortir de la diète de Worms. S'il se fût déshonoré aux yeux des hommes en violant ainsi sa parole, ce n'eût jamais été qu'aux yeux de ceux qui ne comprennent pas que, dans la conscience des rois aussi bien que dans celle des peuples, la gloire de Dieu et les intérêts éternels des âmes, doivent l'emporter sur tout. l'Église, en un mot la plus grande partie des dogmes catholiques etc'est ce qu'il ose appeler la Réformel () il reparaît à Worms, bravant le Pape et même l'Empereur ; et, au moyen de l'imprimerie récemment découverte, il répand ses erreurs dans toute l'Europe. Causes de l'extension de la Réforme. — Cette extension rapide de la prétendue Réforme ne saurait surprendre: elle répondait à tous les nouveaux instincts de l'Europe du seizième siècle () et, en particulier, de la société Germanique; la question religieuse ne fut qu'un prétexte dont se servit Luther pour flatter les passions de tous. Il séduisit les peuples, avides de liberté, en les affranchissant de toute autorité ; il flatta les princes en les engageant à dépouiller l'Église de sa puissance et même de ses biens ; un grand nombre se les approprièrent et appelèrent ces vols manifestes, Sécularisation ; enfin la réforme affranchissait à la fois de tout joug la raison et le cœur de l'homme : la raison, en proclamant le libre examen deS croyances, par chacun ; le cœur, en enseignant que la foi seule justifie sans les œuvres, ce qui enlevait tout frein aux passions. Aussi Luther autorisa-t-il les plus grands désordres parmi ses partisans ; lui-même contracta une union deux fois sacrilège avec une religieuse, Catherine Bora, que ses erreurs avaient arrachée au cloître. Et c'est à un tel homme, c'est à ses doctrines impies et révolutionnaires que la diète de Nuremberg () accorda sa protection! Le Pape Adrien VI en mourut de douleur; mais que ce lâche abandon de son antique foi allait coûter cher à l'Allemagne! Anarehle. — Première guerre des Anabaptistes (). — Le Libre examen donnait à Luther de nombreux disciples, mais aussi des rivaux qui prétendirent réformer le réformateur. Carlostadt se sépara de lui pour briser les statues et les images; Thomas Muncer, pour () Voir à l'histoire de l'Elise. () Voir la situation religieuse et morale de l'Europe au début de l'Eglise. imposer uu second baptême, de là le nom d'anabaptistes c'est-à-dire rebaptisants donné à ses partisans; Zwingle, OEcolampadeet les Sacramentaires leurs disciples, nièrent la présence réelle que Luther conservait encore, bien qu'en y altérant le dogme catholique. Tous ces novateurs s'anathématisèrent les uns les autres ; quelques-uns prétendirent faire prévaloir leurs croyances par la force : Muncer arma les paysans pour établir, disait-il, la liberté Évangélique ; ces soldats improvisés, ces anabaptistes conquérants secouent 'le joug des princes, démolissent leurs forteresses abattent leurs remparts, égorgent leurs soldats, pillent et livrent aux flammes châteaux, églises, monastères, objets d'arts de toutes sortes et proclament la déchéance de toutes les souverainetés du monde : le carnage et l'incendie s'étendent en Souabe, en Thuringe, en Franconie, en Alsace, sur les bords du Rhin et jusqu'en Lorraine. D'après le conseil de Luther lui-même, les princes réformés s'unissent aux princes catholiques contre ces brigands et les exterminent enfin au nombre de , près de Frankiusen (). Muncer pris et jugé est condamné à périr sur l'échafaud; en présence de l'éternité, la foi catholique qu'il avait doublement trahie (il était curé de Mulhausen), se réveilla dans son âme; il abjura ses erreurs et mourut repentant de ses crimes dans le sein tout miséricordieux de la Sainte Église. Diète catholique d'Augsbourg. (). — Tandis que Charles-Quint, malgré les instances du Pape Clément VII, négligeait la répression du Luthéranisme pour épuiser son génie et ses ressources contre François er, les princes catholiques allemands s'unissaient à Ratisbonne et tenaient des diètes successives pour soustraire leurs états aux nouvelles doctrines. Les princes réformés leur opposèrent la Ligue de' Torgau, et lorsque la diète de Spire (), tout en leur.laissant la liberté de conscience, leur défendit d'enseigner leurs erreurs, ils publièrent une protestation collective qui leur valut le nom de protestants ; le nouvel Électeur de Saxe, Jean le Constant, Philippe, landgrave de Hesse, les ducs de Bran- debourg, de Lunebourg, le prince d'Anhalt et les députés d'un grand nombre de villes, signèrent cette protestation. Après la paix de Cambrai conclue avec son rival (), Charles-Quint parcourt l'Italie en arbitre, et en maitre : Milan, Venise, Mantoue, Florence, reçoivent ses lois; puis il va se faire sacrer empereur (f) et roi de Naples, à Bologne par Clément VII (février ). De retour en Allemagne, il préside lui-même la diète solennelle d'Augsbourg (Juin) où les protestants, contraints d'exposer leur croyance,, présentent, par l'organe de Mélanchton, disciple zélé de Luther, un formulaire de foi qui retint le nom de Confession d'A ugsbourg; ; quoique souvent modifiée, elle servira désormais de base à la religion protestante. L'empereur, après avoir fait réfuter par des théologiens orthodoxes, cet insidieux formulaire, le condamna et décréta qu'il maintiendrait de tout son pouvoir, la religion catholique qui était la loi fondamentale de l'Empire, il ordonna aux Luthériens d'abjurer leurs erreurs dans un délai de six mois, après lequel ils seraient traités comme, ennemis publics; mais ce décret qui pouvait encore sauver la foi de l'Allemagne, ne devait pas avoir plus d'exécution que celui de Worms. § - Depuis la diète catholique d'Augsbourg jusqu'à l'abdication de Charles-Quint (.-.). Lutte eontre les Musulmans. — Les protestants répondirent au décret d'Augsbourg par la ligue armée de Smalkalde (décembre ), forte de , hommes et malheureusement appuyée par la France. La guerre civile allait éclater lorsque l'invasion des pays Autrichiens par , Turcs et leur terrible chef, Soliman II, réconcilia un moment les partis à la nouvelle diète de Nllremberg () ; Charles-Quint y suspendait l'exécution des décrets de Worms et d'Augsbourg et laissait toutes choses dans le statu quo jusqu'au prochain concile, l'hérésie () Ce fut le dernier empereur d'Allemagne qui se fit sacrer. triomphait; deux ans plus tard, la paix de Cadan devait confirmer celle de Nuremberg. Moyennant ces déplorables concessions, l'Empereur put marcher contre les infidèles, à la tête de toutes les forces de l'Allemagne ; Soliman le Magnifique n'osant se mesurer avec lui, se retira à son approche (), quoique cette expédition lui eût coûté trois ans de préparatifs. Charles-Quint laissant alors le soin de défendre l'Empire à son frère Ferdinand, qu'il avait fait élire Roi des Romains en et qui régnait déjà sur l'Autriche, la Bohême et la Hongrie, alla poursuivre en Espagne, la lutte contre les Musulmans. Khair-Eddin Barbernusse, grand amiral de Soliman, infestait les mers avec ses pirates Barbaresques et jetait l'effroi sur les côtes d'Italie et d'Espagne. Charles-Quint, après avoir armé vaisseaux et équipé , hommes sous les ordre de l'habile amiral Santa-Cruz, cingle vers Tunis, devenu le repaire de ces indomptables brigands; la prise de cette ville et la délivrance de , chrétiens, furent la récompense de cette noble entreprise (). Quelques années après, une autre expédition contre Alger tombé au pouvoir de Barberousse, fut moins heureuse ; une tempête effroyable dispersa la flotte et Charles-Quint revint presque seul en Espagne (). Sa longue rivalité avec François er et les troubles religieux de l'Allemagne furent de puissants auxiliaires pour les musulmans : nous les verrons porter à la chrétienté les coups les plus terribles. Deuxième guerre des Anabaptistes ( a:-&). — Mort de Luther (). — La paix de Cadan avait eu pour objet de réunir encore les catholiques et les protestants contre les Anabaptistes: leur secte, ranimée par Jean, tailleur de Leyde et le boulanger Jean Mathias de Harlem se livrait en Westphalie, surtout il Munster, aux plus monstrueux excès: Soyez rebaptisés ou mourez, tel était le cri de guerre de ces forcenés auxquels vinrent se joindre les Anabaptistes de Suisse et des Pays-Bas. Les princes en triomphèrent, et l'assemblée luthérienne [de Hambourg décréta leur extermination partout où ils se trouveraient, arrêt qui fut exécuté avec beaucoup de rigueur. Cependant ces brigandages n'arrêtèrent point les progrès de l'erreur; l'apostasie de l'Électeur-Archevêque de Cologne, Hermann de Wied, si sensible à l'Eglise, assura au protestantisme la majorité dans le collège électoral et, comme un torrent dévastateur, cette formidable hérésie se répandit rapidement en Suisse, en Pologne, en Silésie, en Prusse, en France, dans les Etats du nord, etc. En vain la Papauté s'opposa-t-elle de tout son pouvoir à cet envahissement ; ses efforts furent entravés par la mauvaise foi et la violence des sectaires: ils avaient réclamé un concile général, et lorsque Paul III, au milieu de difficultés inouïes, parvint enfin à le réunir à Trente (&-) ; non seulement Luther empêcha ses disciples de s'y rendre, mais il pressa la ligue de Smalkalde de chercher à le disperser; il fallut que Charles-Quint levât des troupes pour protéger cette auguste assemblée. Le fougueux hérésiarque, plus furieux que jamais contre l'Eglise Romaine, en vint, dit Bossuet, à vomir des impiétés et des blasphèmes qu'on n'entendrait peut-être pas dans l'Enfer même. C'est en proférant ces imprécations sataniques au milieu d'un festin où son intempérance ne connut plus de bornes, qu'une indicible tristesse le saisit tout-à-coup; elle se changea bientôt en mortelles angoisses, et deux jours après, il expirait à Eisleben, sa ville natale, dans son orgueil et son impiété ( février ), au moment où la guerre civile qu'il avait allumée en Allemagne, allait éclater. Lutte contre les princes protestants ().— Victoire de llulhbcrg (?). — En effet, la ligue de Smalkalde, ayant à sa tête l'Electeur de Saxe, Jean-Frédéric, fils de Jean le Constant, le landgrave de Hesse et le malheureux Electeur de Cologne, engagent la lutte avec Charles-Quint (). Mais celui-ci secouru par , hommes que lui envoie le Pape Paul , et puissamment secondé par le protestant Maurice de Saxe, qu'il a détaché de la ligue, accable les confédérés l'un après l'autre: un acte de soumission est arraché au duc de Wurtemberg, et l'Électeur de Cologne est contraint d'abdiquer; Ulm, Augsbourg, Strasbourg, Francfort et toutes les villes luthériennes de la Haute Allemagne, sont écrasées de contributions; enfin tombant avec toutes ses forces que commande le fameux duc d'Albe, sur la Saxe déjà entamée par Maurice, l'Empereur remporte à Mûlhberg (), une victoire aussi prompte que décisive «Je suis venu, écrivit-il, j ai vu, Dieu a vaincu. » L'Électeur Jean-Frédéric^ obligé de se rendre, estcondamné à une prison perpétuelle et à la perte de ses états qui sont transférés à Maurice de Saxe () avec la dignité Electorale. Le landgrave de Hesse Philippe, battu à son tour, implore son pardon à genoux et n'en est pas moins dépouillé de son landgraviat et de sa liberté : la ruine de la ligue de Smalkalde était complète. Empiétements de Charles-Quint sur les droits de l'Eglise. — Mais l'Empereur, au lieu de se borner lU rôle de défenseur armé de l'Eglise, prétendit diriger le concile ; et, sur le refus des Pères, il rappela ses ambassadeurs, ordonna aux évêques espagnols de rester à Trente, lorsque la peste fit transférer le concile à Bologne, par ordre du Pape, et suscita de telles tracasseries à cette sainte assemblée, qu'elle dut suspendre ses travaux (). Il ne s'en tint pas là : comme autrefois les empereurs de Bysance, il se fit l'arbitre des questions religieuses et publia, sous forme de décret, un formulaire de foi d&ns lequel il concédait aux protestants, entre autres choses, la communion sous les deux espèces et le mariage des prêtres, en attendant les décisions du concile ; cette dernière clause fit donner au décret impérial le nom d'Interim. Les catholiques et les protestants le rejetèrent, la cour de Rome le condamna ; Charles-Quint () Il devint ainsi le chef de la branche Alberline ou branche cadette de la maison de Saxe qui fut élevée à la dignité royale en . passa outre et l'imposa par force à toute l'Allemagne, traitant avec rigueur les villes qui opposèrent de la résistance. Nouvelle guerre (*).—Paix d'Au,,"sIJourc ou première tolérance du Protestantisme (). — Le châtiment ne se fit pas attendre et vint du côté le plus sensible : Maurice, le nouvel Electeur de Saxe que Charles-Quint avait comblé de faveurs et qui ne cessait de lui faire des protestations de fidélité, s'allie secrètement contre lui avec les rois de France et de Danemark; et, armant les Luthériens, sous prétexte de défendre les libertés Germaniques, il fond sur le Tyrol avec le double espoir de disperser le concile qui s'était rouvert à Trente () et d'enlever l'Empereur, alors fort malade de la goutte à Inspruck. Mais le Pape Jules III, averti de sa marche, se hâte de suspendre pour la seconde fois le concile ( avril ). Charles-Quint qui n'a pu croire à la trahison de son favori, apprend tout-à-coup son approche dans la nuit du mai ; perclus des pieds et des mains, sans armée, sans argent, il se fait transporter en litière à travers les montagnes, jusqu'en Carinthie suivi seulement de quelques serviteurs qui portent des flambeaux de paille, et assailli par un orage effroyableet une pluie torrentielle. Le lendemain matin, Maurice entre dans Inspruck et se venge de la fuite de l'empereur, en livrant son palais et la ville entière au pillage du soldat. Pendant ce temps, Henri Il roi de France, son allié, enlevait à l'Empire, Toul, Metz, Verdun, et menaçait l'Alsace. Dans cette extrémité, Charles-Quint, abandonné de tous, recourt aux négociations et signe avec Maurice de Saxe et les Luthériens, les Transactions de Passaw ( Août ), malgré les réclamations énergiques de Jules . En effet l'empereur s'engageait à convoquer dans six mois une diète pour aviser au moyen de terminer les querelles religieuses, soit par un concile national ou général, ne tenant ainsi aucun compte de celui de Trente convoqué par l'Eglise qui seule a le droit d'assembler un concile, soit par des conférences ou diètes ordinaires; jusque là, les deux religions, c'est-à-dire la vérité et l'erreur devaient jouir des mêmes droits, de la même liberté! La diète promise, réunie seulement en à Augsbourg, changea en paix définitive, les Transactions de Passaw; les Luthériens y obtinrent de plus la paisible jouissance des biens ecclésiastiques usurpés et leur entrée dans la chambre Impériale : ainsi fut brisée l'unité religieuse du Saint Empire Romain ; le Protestantisme acquérait une complète indépendance. Abdication de Charles-Quint (). — Sa mort (). — Ce prince dont les torts envers l'Eglise provenaient de l'ambition et de l'orgueil, et non d'un défaut de foi, /ie signa, dit-on, la paix d'Augsbourg qu'avec une profonde douleur; mais quelle coupable faiblesse de sacrifier ainsi les intérêts religieux de l'Allemagne et ceux de sa propre conscience ! Dès lors, les déceptions et les revers se multiplièrent sous ses pas : l'humiliant échec que le duc de Guise lui fit essuyer devant Metz (), fut suivi de la défaite de Renti (); la fortune trahit aussi ses armes en Italie; et, en Allemagne, il vit échouer à jamais son rêve de monarchie universelle : son frère Ferdinand lui refusa énergiquement de se désister de son titre de Roi des Romains, et il dut renoncer à léguer à son fils Philippe Il la couronne impériale avec toutes les autres. Ainsi le vainqueur de François er, le destructeur des pirates musulmans, le glorieux empereur qui, pendant un demi-siècle, avait rempli l'Europe du bruit de sa renommée et de ses exploits, n'était plus qu'un monarque vieilli, infirme et malheureux. Ses nié-comptes achevèrent de le désabuser des grandeurs de ce monde; il mit à exécution le projet d'abdication qu'il avait conçu au sein même de sa prospérité () : le octobre , il investit à Bruxelles, son fils Philippe II, de la souveraineté des Pays-Bas, et au mois de janvier , () En , il s'en était ouvert à François de Borgia, ainsi que l'atteste ce graud saint. il lui remit l'Espagne, Naples, Milan et ses vastes possessions d'Amérique; enfin le août de la même année, il abandonnait la couronne impériale à son frère Ferdinand Ier. Ces deux princes devinrent les chefs de la double branche de la Maison d'Autriche qui par l'Espagne et l'Allemagne enlaça l'Europe pendant plus d'un siècle. Charles-Quint se retira ensuite en Espagne, au monastère de Saint-Just, situé dans la délicieuse vallée de l'Estramadure; sans prendre l'habit religieux, il y consacra le reste de ses jours à la prière, au silence et au travail des mains, s'occupant d'horlogerie et de la culture d'un petit jardin. Il fut visité plusieurs fois dans cette douce retraite, par l'un de ses plus illustres sujets Castillans, qu'il honorait d'une confiance spéciale, et dont le généreux exemple, ainsi qu'il l'avouait hautement, avait puissamment contribué à son abdication ; c'était François de Borgia qui avait renoncé au duché de Gandie et à la vice-royauté de Catalogne pour devenir l'humble fils d'Ignace de Loyola. Charles-Quint se prévalut des conseils du saint religieux pour se disposer à sa fin prochaine que de cruelles attaques de goutte lui faisaient justement pressentir; voulant se pénétrer intimement des enseignements de la mort, il eut la singulière idée de faire célébrer à l'avance ses funérailles, dans la chapelle du monastère ; il y assista, couché dans son cercueil, et passa ensuite la nuit dans sa cellule, en profonde méditation. On attribue à l'impression de cette lugubre cérémonie, la fièvre qui l'emporta quelques jours après ( septembre ), dans sa cinquante-neuvième année, il était né à Gand avec le siècle. g . Depuis l'abdication de Charles-Quint jusqu'à la guerre de Trente Ans. - Ferdinand I.— Maximilien II.- Rodolphe II.— Mathias (-). Ferdinand Lei (t tC) — M&xtmtMen II (.t-i&?e). — Ferdinand Ier n'avait ni le génie, ni la foi de son frère Charles-Quint ; non seulement il ne son- gea pas à se faire sacrer, mais oubliant que c'était la Papauté qui, pour le secours de l'Eglise, avait rétabli dans la personne d'Otton le Grand, l'Empire dont il était le chef, il refusa, malgré les instances du pape Paul IV, de réclamer du Saint-Siège, la confirmation de son élection et finit même par rappeler de Rome son ambassadeur. Cette conduite fut imitée par la plupart de ses successeurs, et le Saint Empire Romain, bien qu'il en retînt encore le nom, ne fut plus, en réalité, que l'empire séculier d'Allemagne. Le seul événement remarquable du règne de Ferdinand Ier fut la clôture de l'immortel concile de Trente (), qui opéra la vraie réforme dans l'Eglise, et montra à l'univers la foi catholique dégagée de toutes les erreurs dont le protestantisme avait voulu l'enlacer. Cette déplorable hérésie tolérée par Ferdinand er et plus encore par son fils Maximilien II (-) jusque dans leurs états héréditaires d'Autriche, de Hongrie, etc., préparait à l'Allemagne de nouveaux orages. Rodolphe II ( &'-), fils de Maximilien prouva son attachement sincère à l'Eglise Romaine, en lui demandant de sanctionner son élection; mais, épris malencontreusement de l'amour des sciences, il oublia les affaires de l'Empire pour deviser avec des alchimistes ou calculer le retour des astres avec Képler et Tycho-Brahé. Pendant ce temps, les Turcs battaient ses armées, son frère Mathias lui enlevait successivement l'Autriche, la Hongrie, la Moravie, et, tandis que les protestants de Bohême lui extorquaient par une lettre dite de Majesté, les libertés religieuses les plus lâcheuses, ceux du nord de l'Allemagne multipliaient leurs usurpations. Les traités de Passaw et d'Augsbourg, en leur abandonnant les biens ecclésiastiques qu'ils s'étaient appropriés, avaient expressément stipulé par la réserve ecclésiastique, qu'il n'en serait plus sécularisé à l'avenir, et que la disposition des bénéfices dont les titulaires viendraient à embrasser la réforme, appartiendrait à l'Eglise. Mais plusieurs évêques ou abbés qui apostasièrent depuis , retinrent comme possessions héréditaires, les bénéfices dont ils n'avaient été que les administrateurs temporaires; plus de quinze sièges épiscopaux, Magdebourg, Brême, Lubeck, etc., furent ainsi sécularisés. Cependant à Cologne, à Aix-la-Chapelle, à Strasbourg et dans plusieurs autres villes, l'opposition catholique fut plus forte, et la fermeté de l'Eglise secondée parle zèle apostolique de la Compagnie de Jésus, commença avec succès la restauration religieuse de l'Allemagne. Préliminaires de la guerre de Trente Ans. — Les protestants, alarmés des coups qui les frappaient, et résolus à obtenir par la force l'abolition de la réserve ecclésiastique, formèrent une ligue qu'ils osèrent appeler l'Union Evangélique (). En face de cette menace, les fidèles organisèrent la Ligue catholique, sous la direction du duc de Bavière, Maximilien le Grand (I). La lutte faillit s'engager aussitôt : le duc de Clèves et de Juliers étant mort sans enfants, des princes catholiques et des princes protestants prétendirent à sa succession; Henri IV roi de France, qui voulait à tout prix abaisser la Maison d'Autriche, allait intervenir en faveur des compétiteurs protestants, quand il fut assassiné; la guerre n'était que différée. Mathias (-), élu empereur à la mort de son frère Rodolphe qu'il avait dépouillé d'une partie de ses états, fut impuissant à réprimer l'esprit de révolte que lui-même avait excité. Comme il n'avait pas d'enfant, il désigna pour son héritier, l'archiduc de Styrie, Ferdinand, petit-fils de Ferdinand er et le fit couronner roi de Bohême. Ce jeune prince, l'émule des vertus et du zèle religieux de son cousin, Maximilien de Bavière et, comme lui, élève des Jésuites, avait complètement banni l'hérésie de ses états héréditaires d'Autriche, sans () Le zèle religieux de ce prince qui avait été élevé par les Jésuites, sa piété, ses vertus et la sagesse de son gouvernement, le firent surnommer le Grand et le Salomon de VAllemagne; il fonda la grandeur et la puissance de sa maison. verser une goutte de sang, tant ses mesures étaient sages et fermes. Le choix d'un tel prince alarma les réformés; ils résolurent de prendre l'offensive à la première occasion, elle ne se fit pas attendre. Défénestration de Pragne(ieiS). — Les protestants dé Bohême ayant eu l'audace d'élever deux temples sur des terres ecclésiastiques, l'un de ces temples fut fermé et l'autre, démoli. Irrités de cette mesure, ils s'autorisent de la lettre de Majesté, arrachée à la faiblesse de Rodolphe II, pour assembler leurs États à Prague, malgré la défense de Mathias et de Ferdinand. L'ambitieux comte de Thorn, qui est à leur tête, s'empare du château et fait jeter les gouverneurs par les fenêtres; la révolte s'organise; trente directeurs sont chargés d'administrer la Bohême,et des troupes sont levées pour résister à l'empereur. Cet acte barbare qu'on a appelé la défénestration de Prague () est le signal de la guerre de Trente ans qui va couvrir l'Allemagne de sang et de ruines. § . Depuis le commencement de la guerre de Trente Ans jusqu'à la mort de Ferdinand III. — Ferdinand II. — Ferdinand III (-). GUERRE DE TRENTE ANS (-). La guerre de Trente ans commencée sous un prétexte religieux s'alimenta ensuite de toutes les animosités et rivalités, non seulement de l'Empire, mais encore de l'Europe; aussi finit-elle par revêtir ouvertement un caractère purement politique. L'Electeur Palatin, le Danemark, la Suède et la France y jouèrent successivement le principal rôle, ce qui l'a fait diviser en quatre périodes : Palatine, Danoise, Suédoise et Française. ° PÉRIODE PALATINE (-). Ferdinand Il (ieta-tcs?). — Les Bohémiens, toujours insurgés, refusent à la mort de Mathias (), de reconnaître Ferdinand Il pour son successeur et pro- clament Frédéric F, Électeur du Palatinat, gendre de Jacques er, roi d'Angleterre () et neveu du Stathouder de Hollande ; il ralliait autour de lui tous les protestants d'Allemagne. Le comte de Thorn qui commande ces rebelles, va soulever la Silésie, la Moravie, la Hongrie, l'Autriche et assiéger dans Vienne, l'empereur lui-même. Ferdinand , retiré dans la citadelle avec une faible garnison qui manquait de pain, et entouré d'ennemis déclarés ou secrets, se voit pressé par quelques amis, de sauvegarder en fuyant, sa vie, celle de l'impératrice et de ses enfants. Dans cette extrémité, il se jette aux pieds de son crucifix et, bientôt se relève résolu à mourir, s'il le faut, pour défendre le catholicisme et l'empire. Le bruit courut, parmi le peuple, que le prince avait entendu pendant sa prière, le crucifix lui adresser ces paroles: « Ferdinand, je ne t'abandonnerai jamais. » Quoi qu'il en soit, au moment même où seize barons autrichiens qui avaient pénétré dans sa chambre, l'accablaient d'outrages parce qu'il refusait de sanctionner leur rébellion, le son des trompettes guerrières se fait entendre tout à coup dans la cour du château et met en fuite les audacieux barons. C'était l'arrivée subite de cavaliers du régiment de Lorraine que Dampierre commandait; ignorant ce qui se passait dans la citadelle, il avait trompé la vigilance des assiégeants pour venir prendre les ordres de l'empereur; de nouveaux renforts arrivent presque aussitôt, et les Bohémiens sont contraints de lever le siège pour aller défendre leurs propres foyers. Rendu à la liberté, Ferdinand Il court se faire couronner à Francfort ( avril ) et, tandis que son rival Frédéric V ne songe qu'aux fêtes, il obtient des secours ou des subsides du Pape, de Philippe , roi d'Espagne, chef de sa maison, de Sigismond III roi de Pologne, son beau-frère et surtout de la Ligue catholique d'Allemagne; Maximilien de Bavière en avait confié le commandement à Jean de Tilly qui joignait à la valeur d'un héros, la piété () Il avait épousé Elisabeth Stuart. d'un religieux. Enfin, mettant à profit la haine qui existait entre les deux principales sectes protestantes, l'empereur détache l'Union Luthérienne de Saxe, de Frédéric V qui avait rallié autour de lui les Calvinistes, et, après avoir ainsi réduit son ennemi à ses propres forces, il prend l'offensive. Victoire de Prague {). — Tandis que les Espagnols attaquent le Palatinat, et les Saxons, la Lusace, Maximilien de Bavière et Tilly joignant l'armée de la Ligue à celle de l'empereur, entrent en Bohême et remportent en moins d'une heure, la victoire de Prague ou de la Montagne blanche (). Frédéric V qui, du haut des remparts de la ville, assiste à la défaite de ses troupes, prend la fuite et, implorant vainement le secours du roi d'Angleterre, son beau-père, il va finir ses jours en Hollande dans l'obscurité. Les rebelles Bohémiens sont punis avec une juste rigueur: leurs principaux chefs sont mis à mort; Ferdinand Il déchire de ses propres mains la Lettre de Majesté qui avait servi de prétexte à la révolte; il rétablit le catholicisme en Bohême et en bannit l'erreur; enfin il transfère à Maximilien de Bavière, ladignité Electorale et le Haut Palatinat qu'il a enlevés à Frédéric V, acte qui fut confirmé par la diète de Ratisbonne (). Trois princes ou chefs d'aventuriers qui avaient servi dans l'armée rebelle, Ernest, comte de Mamfeld, Georges, Margrave de Bade-Dourlach et Christian de Brunswick essayèrent avec des troupes mercenaires de relever la cause de Frédéric V ; ils exercèrent dans le Palatinat des brigandages et des atrocités qui provoquèrent malheureusement les catholiques à user de représailles ; vaincus enfin par les Espagnols et Tilly dans divers combats, notamment à celui de Wimpfen, ces princes aventuriers contraints de quitter l'Allemagne, allèrent ravager les frontières de France et de Hollande. L'Union Évangélique était dissoute; le collège électoral ne comptait plus que deux voix protestantes, ce qui assurait désormais l'Empire aux mains si catholiques de la Maison d'Autriche; le triomphe de Ferdinand II était complet; mais l'ambition de Christian IV, roi de Danemark, t'alluma la guerre. ° PÉRIODE DANOISE (-). Tilly et Wallenstel n opposés à Christian IV. — Les protestants de la Basse-Saxe alarmés des projets de Ferdinand II, touchant la restitution des biens ecclésiastiques qu'ils avaient sécularisés, nonobstant les clauses de la paix d'Augsbourg, se soulevèrent en réclamant l'appui des princes du nord, leurs coréligionnaires. Gustave-Adolphe, roi de Suède, alors en guerre avec la Pologne, diffère son secours ; mais Christian IV paraît aussitôt à la tête d'une armée danoise, espérant conquérir pour ses fils de riches bénéfices dans le nord de l'Allemagne. Il a pour auxiliaires Mansfeld et Christian de Brunswick qui lui ont enrôlé des troupes avec les subsides de l'Angleterre, die la Hollande, mêmede la France, car Richelieu, dès son entrée au ministère, se déclare l'ennemi implacable de la Maison d'Autriche. Ferdinand II, confie la défense de l'Empire au brave Tilly, lieutenant-général de la Ligue Catholique et à Waldstein, duc de Friedland, sous les ordres duquel venait de se rassembler une armée impériale de , hommes. Albert de Waldstein, plus connu sous le nom de Wallenstein, était né pour le commandement; malheureusement son ambition égalait son génie, et, pour s'attacher ses soldats, il les laissa reproduire les brigandages de Mansfeld et de Brunswick. Victoire de Dessan et de Lutter (). — Paix de Lubeck (). — Les exploits de Wallenstein et de Tilly donnèrent encore la victoire à l'Empereur ; tandis que le premier anéantissait l'armée de Mansfeld p rèsde Dessau CI ) et, s'attachant à ses pas, souvent victorieux, parvenait enfin à le repousser jusqu'en Hongrie et à le chasser même de l'Empire, Tilly remportait à Lutter, dans le Hanovre (<), une éclatante victoire sur le roi de Danemark. La mort de Mansfeld et de Brunswick ar- rivée la même année, enlevait aux protestants leurs meilleurs généraux et permettait en même temps à ceux de Ferdinand Il de se réunir contre les Danois qui tenaient encore dans le nord de l'Allemagne. Malgré l'échec de Wallenstein devant la puissante ville hanséatique de Stralsund, Christian IV fut repoussé jusqu'aux frontières de ses états et s'estima heureux d'obtenir la paix de Lubeck () par laquelle il renonçait à toute intervention dans les affaires de l'Empire. Edit de restitution (). — Disgrâce de Wallenstein (i«).— Le triomphe de Ferdinand lui permit de publier enfin l'édit de restitution des biens ecclésiastiques usurpés par les protestants depuis , édit conforme à la justice, mais dont l'exécution, offrant déjà par elle-même de grandes difficultés, fut malheureureusement confiée à Wallenstein. Cet ambitieux général qui, sous les titres de duc de Mecklembourg et de Grand Amiral de l'Empire dans la Baltique, commandait alors à , hommes, leur laissa exercer tant de rapines et de cruautés que la diète de Ratisbonne () se fit l'organe du mécontentement de l'Allemagne : après avoir refusé à Ferdinand II le titre de Roi des Romains pour son fils, elle exigea la destitution de Wallenstein et le licenciement de ses troupes. Mais pendant que Richelieu qui fut, dit-on, l'âme de la diète, privait l'Empereur de son meilleur général, il déterminait par un subside de , écus, Gustave-Adolphe à fondre sur l'Allemagne. ° PÉRIODE SUÉDOISE (-). Revers de l'Empire. — Mort de Tilly (). — Gustave-Adolphe doué du génie, mais aussi de l'ambition des conquérants, avait déjà triomphé du Danemark, de la Russie et de la Pologne quand il vint débarquer à l'embouchure de l'Oder avec , Suédois. Ferdinand Il ne s'alarma pas d'abord de cette Majesté de neige qui allait fondre, disait-il, au Soleil impérial-, mais à l'armée allemande qui comptait surtout alors des mercenaires et des aventuriers, Gustave-Adolphe venait opposer des troupes aguerries et bien disciplinées, aussi s'empare-t-il rapidement de la Poméranie et du Mecklembourg. Tilly envoyé contre lui, prend d'assaut la ville importante de Magdebourg qui, la première, s'est déclarée contre l'empereur; malheureusement les habitants la livrent eux-mêmes aux flammes, la cathédrale seule fut sauvée par les mains des vainqueurs. Tilly se dirigeait vers la Saxe dont l'Électeur, ainsi que celui du Brandebourg, lui étaient justement suspects, lorsque, rejoint par le monarque Suédois dans la plaine de Breitenfeld, près de Leipsick (de là les deux noms donnés à cette bataille), il hésite en présence de la tactique nouvelle de son adversaire et, vaincu pour la première fois, il se retire couvert de blessures (). L'Allemagne protestante salue le vainqueur de Leipsick comme son libérateur; lui-même aspirait au titre d'Empereur et, s'en arrogeant déjà l'autorité, il disperse la diète de Francfort, expulse les Espagnols du Bas-Palatinat, s'empare de Mayence, de Trêves, pénètre jusqu'en Alsace et revient traverser la Bavière pour se diriger sur Vienne. Tilly qui veut l'arrêter, est blessé mortellement au passage du Lech () et expire quelques jours après, à l'âge de soixante-treize ans : ce fut une perte irréparable pour l'Empire qu'il avait si vaillamment défendu et grandement édifié par ses vertus. — En conséquence de son alliance avec l'Autriche, la France dut poursuivre deux guerres à la fois et, au lieu de réserver ses forces pour la défense de ses colonies, elle en aventura la plus grande partie en Allemagne, sous la conduite de généraux inhabiles. Frédéric II, avec sa célérité accoutumée, prévient ses ennemis ; il bat les Autricbiens à Lowositz, puis, enveloppe les Saxons dans leur camp de Pirna (); cependant il est vaincu à son tour par les Impériaux à Kollin; les Anglais, ses alliés, défaits par les Français à Hastembeck, dans le Hanovre, sont obligés de capituler à Closterseven avec promesse de garder la neutralité. Resté seul au milieu d'un cercle d'ennemis qui se resserre chaque jour davantage, le monarque prussien se résout à vaincre ou à mourir et marche à la rencontre de l'armée franco-allemande commandée par le prince de Soubise; ses habiles manœuvres lui font remporter une victoire complète à Rosbach (); enhardi par ce succès, il attaque séparément les confédérés et presque toujours avec avantage. Bientôt les Anglais se rejoignent à lui sous l'inspiration de leur nouveau ministre, William Pitt, plus tard lord Chatam, qui désavoue la capitulation de Closterseven ; Frédéric leur envoie un de ses plus habiles lieutenants Ferdinand de Brunswick, qui fait essuyer de nouveaux échecs aux Français, à Crevelt () et à Minden (); mais le dévouement du chevalier d'Assas, capitaine au régiment d'Auvergne, sauve notre armée à Clostercamp contre , Prussiens (.) La guerre se poursuivit deux années encore en Allemagne, avec quelques succès et de nombreux revers, dus surtout à l'indiscipline de nos soldats, à l'incapacité des généraux et à la folle présomption de Madame de Pompadour qui traçait les plans de campagne sur la carte. Tandis qu'au nord et à l'est, les Français et. les Suédois combattaient les Anglais et les Prussiens, au sud et à l'ouest, les Autrichiens, les Saxons et les Russes luttaient contre Frédéric; nous reviendrons sur cette dernière lutie à l'histoire d'Allemagne. l'erte de nos colonies. — Pacte de famille ( ci). — Dans la guerre maritime, les Anglais obtenaient une invincible supériorité ; la France, absorbée par la guerre continentale, laissait ses colonies sans troupes et sans argent; aussi, pendant que tout notre littoral, depuis Dunkerque jusqu'à Bayonne, se trouvait comme assiégé par les vaisseaux de la Grande Bretagne, cette dominatrice des mers nous enlevait la plupart des petites Antilles et le Canada, malgré l'héroïqne résistance de Vaudreuil etde Montcalm; ce dernier périt en défendant Québec (). Nos désastres ne furent pas moindres aux Indes Orientales; après la paix d'Aix-la-Chapelle, Dupleix y avait commencé par son habileté et ses conquêtes, à convertir en puissance territoriale, notre puissance commerciale, il avait établi la domination française sur deux cents lieues de côtes; mais l'Angleterre avait imposé son rappel () au faible Louis XV (). Lally-Tollendal, gouverneur des Indes, au début de la guerre de Sept ans, défendit avec hommes seulement et pendant neuf mois, Pondichéry assiégé par -, Anglais; il dut enfin se rendre (); les fortifications de cette ville, centre de notre puissance dans l'Inde, furent rasées (). Nos établissements du Sénégal tombèrent aussi au pouvoir des ennemis qui anéantirent encore notre commerce et notre marine. Cependant le duc de Choiseul, un des vingt-cinq ministres qui se succédèrent au pouvoir de à , voulut relever la France par le Pacte de famille (), ou traité d'union intime, signé par les chefs des quatre branches régnantes de la Maison de Bourbon, Louis XV, Charles III roi d'Espagne, Ferdinand Ier roi de Naples et Don Philippe duc de Parme. Mais ce fut l'occasion d'un nouveau triomphe pour l'Angleterre ; elle tomba sur les colonies de l'Espagne, lui enleva Cuba, La Havane, Manille, les Philippines et lui captura un grand nombre de vaisseaux ; en même temps elle faisait entrer le Portugal dans son alliance. Traites de Paris et d'Hubertsbourg (l'G). — La Russie s'était retirée de la lutte après la mort () de la czarine Élisabeth; la Suède fit aussi défection et toutes les puissances belligérantes, lassées d'une guerre qui les ruinait toutes et qui avait fait périr plus d'un million d'hommes, demandèrent la paix : elle fut signée à Paris entre la France, l'Espagne et l'Angleterre ; et à Hubertsbourg, entre Marie-Thérèse et Frédéric Il qui garda définitivement la Silésie. Par le traité de Paris, un des plus honteux que la France eût jamais signés et pour- (t) Les Anglais ont dit de lui que s'il avait été soutenu par son gouvernement, l'Inde serait à la France. () A son retouren France, Lally-Tollendal fut jeté à la Bastille et condamné à mort sans qu'il lui fût permis de se défendre. Son fils obtint tardivement sous Louis XVI la réhabilitation de son innocence. tant l'un des plus nécessaires, elle rendait à l'Angleterre Minorque, lui abandonnait la plus grande partie de ce qu'elle nous avait enlevé, c'est-à-dire l'immense et si utile colonie du Canada, nommée à juste titre la Nouvelle-France, l'Acadie, l'île Royale ou du Cap breton, la Grenade et les Grenadilles, Saint-Vincent, la Dominiqut: et Tabago : la France ne conservait en Amérique que la Louisiane, quelques îles parmi les petites Antilles, le droit de pêche sur les côtes de Terre-Neuve et dans le golfe de Saint-Laurent, avec les îlots de Saint-Pierre et de Miquelon ; en Afrique, elle perdait le Sénégal, sauf l'île de Gorée; aux Indes orientales, elle ne gardait que trois petits comptoirs avec Mahé et Pondichéry dont elle ne put relever les fortifications, et dut encore une fois subir l'humiliante clause de démolir celles de Dunkerque du côté de la mer. L'Espagne recouvra Cuba et Manille, mais elle dut céder à l'Angleterre la Floride et la baie de Pensacola ; la France l'en dédommagea quelque temps après par la cession de la Louisiane (). Cette guerre valut à l'Angleterre lieues de terrain et l'empire définitif de l'Océan ; la France, au contraire, avait perdu outre ses colonies, sa plus florissantejeunesse, sa marine, son commerce, son ascendant suprême et sa gloire : c'était, au jugement du pape Clément XIII, le chàtiment de tous les désordres religieux et moraux dont elle était le théâtre. g . Décadence morale et religieuse. Phllosopblsme. — Quelque inouïes que fussent les humiliations de la France au dehors, elles étaient loin d'égaler celles que l'impiété et la corruption lui faisaient subir au dedans. A la foi profonde, à la puissante et souveraine influence du Catholicisme, causes premières de () Retrocédée à la France en , elle fut vendue millions aux États-Unis par Bonaparte. l'élévation morale du XVlle siècle, à la ferment intelligente autorité de Louis XIV qui avait imprimé tant de grandeur, de dignité à la monarchie de France, succédèrent l 'impiété et l'audacieuse licence de la Régence, l'insubordination ouverte des Jansénistes et des Parlements, la faiblesse et l'incapacité du pouvoir confié depuis la mort de Fleury à des mains indignes, enfin les scandales de Louis XV et de sa cour qui rejaillissaient sur la nation entière. La corruption des mœurs se montrait sans frein, s'affectait même, le sens moral était gâté, le mal ne s'arrêta pas là; il produisit l'aveuglement de l'esprit; la lumière de la foi s'obscurcit, s'éteignit même chez un grand i. nombre, et l'incrédulité la plus monstrueuse, sous le nom abusif de philosophisme, marqua d opprobre la France du xvnie siècle. Elle prodigua ses hommages et son admiration à l'ennemi juré du Christianisme, à l infâme Voltaire qui parvint à lui ravir son antique foi, son respect pour les choses saintes; il ébranla ses institutions, flétrit ses gloires les plus pures et fit même disparaître ses vertus naturelles et nationales d 'hotineur, de patriotisme, de dévouement. Au nom de Voltaire se rattache celui de Jean-Jacques Rousseau, moins méchant, mais non moins corrupteur ; il prétendit substituer partout l'homme à Dieu ; autour d'eux se groupèrent des incrédules de toutes sortes : Montesquieu fort dangereux, mais moins impie que d'Alembert, Diderot, LaMeltrie, d Holbach, etc., qui, par leurs écrits, firent revivre les doctrines athées et matérialistes du Paganisme; leur Encyclopédie fut un véritable manifeste de la guerre déclarée à Dieu et à la Religion sur le sol français. Le philosophisme pénétra dans toutes les classes, poussa ses adeptes dans les collèges, les académies, les cours de justice, les Conseils du souverain ; secondé par la Franc-Maçonnerie, son principal agent, il finira par engloutir dans un abîme de sang, l'antique monarchie de Clovis, de Charlemagne et de saint Louis avec toutes ses chrétiennes et sociales institutions, œuvre lente et admirable de douze siècles, et qui avaient tait sa propérité et sa gloire. Nous allons re- tracer à la hâte cette douloureuse phase de notre histoire. Persécutions des Parlements contre l'Église. — La magistrature continuait à mettre au service des ennemis de la religion et de l'Etat, une autorité qu'elle n'avait reçue que pour protéger la religion et l'Etat; son engouement pour le Jansénisme la porta aux plus sacrilèges empiétements. Il était avéré que les prêtres de la secte parcouraient secrètement la France pour absoudrè les malades ; les évêques, voulant éviter la profanation des sacrements, ordonnèrent de ne les administrer aux mourants que sur la présentation d'un billet de confession, faite à un prêtre orthodoxe; à défaut de cette garantie, on devait les refuser; c'est ce qui arriva à la mort du poète Coffin, ancien Recteur de l'université de Paris, et l'un des Appelants les plus obstinés contre la bulle Unigenitus. L'affaire eut de l'éclat; le Parlement de Paris s'ingéra de faire une enquête et, dès lors, prit hautement la défense de tous les Jansénistes mourants. La magistrature de province suivit ce funeste exemple, et de criminels arrêts condamnèrent à la confiscation, à l'emprisonnement, à l'exil, les évêques et les prêtres qui refusaient les sacrements aux obstinés sectaires. L'illustre archevêque de Paris, Mgr Christophe de Beaumont, fut exilé trois fois de son diocèse (-) ; le Parlement resté maître confirma par arrêt le droit d'enfoncer les tabernacles, et d'enlever le Saint des Saints sous escorte d'huissiers, pour le porter aux Jansénistes impénitents. Puis, se posant comme juge de la foi, il décrète que la bulle Unigenitus ne doit point en être regardée comme règle infaillible, fait brûler en place de Grève, l'admirable mandement de Mgr de Beaumont qui protestait contre cette nouvelle audace, et supprime les bulles et brefs du Saint-Siège qui condamnaient ses sacrilèges usurpations. Louis XV, pressé par les vives réclamations de l'épis-pat, cassa plusieurs fois les arrêts des Parlements; après avoir puni celui de Paris par l'exil (-), il le contraignit dans un lit de justice ;(l décembre ), à enregistrer un édit qui mettait fin à ses persécutions et exigeait sa soumission à la bulle Unigenitus. La plupart des magistrats furent si irrités qu'ils donnèrent leur démission. Quelques jours après ( Janvier ), la tentative de Pierre Damiens dont le couteau régicide blessa Louis XV, atterra la France et parut ramener la magistrature à son devoir; mais elle ne tarda pas à recommencer la lutte: vaincue dans la cause jansénienne, elle se fit l'organe des nombreux ennemis de la Compagnie de Jésus. Suppression des Jésuites (lîôS-lïfil). —* L'Institut des JésuiLes vénéré dans toute la chrétienté pour ses vertus, sa science, son dévouement à Dieu, avait toujours pour ennemis ceux de la religion ; aussi le désarmer et le proscrire afin d'arriver plus sûrement à anéantir l'Eglise (), tel lut le vaste complot formé au milieu du dix-huitième siècle, par les Jansénistes, les Parlements et les philosophes; ils eurent pour agent la politique ami-chrétienne des hommes d'Etat de toute l'Europe. Le Portugal donna le signal de l'attaque; la France ou plutôt le Jansénisme et le Philosophisme, par l'entremise de Choiseul et du parlement, saisirent un fait isolé pour s'en faire une arme puissante contre la Compagnie de Jésus. Le père Lavalette, supérieur des missions dans les Antilles, espérant suppléer par des entreprises commerciales, aux ressources qui lui manquaient, avait mis en mer plusieurs vaisseaux chargés que les Anglais capturèrent pendant la guerre de Sept ans. Ces pertes imprévues le mirent hors d'état de payer ses dettes, et il déclara une faillite de plus de deux millions. Les créanciers s'attaquant alors à la Compagnie de Jésus comme solidaire, eurent gain de cause devant les tribunaux inférieurs. Mais le Père Lavaiette avait, de son propre () Une l'ois que nous aurons détruit l'ordre des Jésuites, écrivait Voltaire à Helvétius, nous aurons beau jeu pour écraser l'Infâme. aveu, agi à l'insu de ses supérieurs et contre les prescriptions les plus formelles de ses règles qui interdisaient tout trafic; aussi la Compagnie le rejeta-t-elle de son sein comme un membre indigne et repoussa toute solidarité. Le Parlement de Paris fut saisi de l'affaire; les Jésuites se défendirent au nom de leurs constitutions violées; mais ils trouvèrent dans cette assemblée dominée par les Jansénistes, les Philosophes et l'ambitieux ministre Choiseul, des ennemis et non des juges. Après avoir confirmé contre eux la sentence des tribunaux inférieurs (), les audacieux magistrats, usurpant les droits sacrés de l'Eglise, exigèrent qu'on leur livrât les constitutions de la Compagnie pour les examiner. Alors toutes les passions s'émurent; les Parlements de province vinrent en aide à celui de Paris pour découvrir le secret de la puissance des Jésuites, secret impénétrable pour;tous ceux qui ne croyaient plus à l'empire du dévouement et de la vertu. Le triste abbé Chauvelin, conseiller au Parlement de Paris, ilontclar et La Châlotaia procureurs généraux des Parlements d'Aix et de Rennes, firent paraître des comptes rendus inexacts et passionnés qui égarèrent l'opinion publique, et furent bientôt suivis d'une foule de libelles impies et diffamatoires contre lesJésuites. En vain l'épiscopat et notamment les cinquante-un prélats appelés à Paris par Louis XV et présidés par Mgr de Beaumont, firent-ils entendre les plus vives réclamations contre l'injustice des poursuites et l'illégalité des procédures ; en vain la famille royale et Louis XV lui-même tentèrent-ils de conjurer l'orage, aucune voix ne fut écoutée: un arrêt ( Août ) du Parlement de Paris, confirmé mais seulement après la sanction arrachée au roi, par ceux de province, supprima en France l'Ordre des Jésuites comme incompatible avec les lois divines et humaines, ordonna de fermer leurs collèges et, au mépris des immunités ecclésiastiques, de vendre leurs biens. Louis XV qui, au milieu des scandales par lesquels il déshonorait sa royauté, avait conservé la foi, refusa pendant deux années de sanctionner l'iniquité du Parlement; mais, harcelé par Choiseul, ennemi juré des religieux persécutés, il signa l'édit de suppression d'un Ordre qu'il aimait et estimait avec raison, comme l'un des plus solides remparts qu'on pût opposer au débordement de l'incrédulité (novembre ). Fort de la faiblesse du monarque, le Parlement accumula les rigueurs sur ses victimes par des arrêts successifs dont le dernier (mai ) expulsait sans pitié les Jésuites, de ce sol français où était né leur Institut, et qu'ils avaient arrosé de tant de sueurs, sanctifié par tant de vertus; ni l'âge, ni les infirmités ne purent les exempter d'aller mendier leur pain à l'étranger. LouisXV poussa la faiblesse jusqu'à se laisser arracher le pieux et savant Père Berthier, qu'il avait fait p!acer auprès des Enfants de France, fils du Dauphin. Mais, ainsi que l'a dit un écrivain philosophe du temps, la plus grande et la plus saine partie du royaume déplora l'expulsion des Jésuites. Protestation de l'Église. - - Cependant de à , Clément XIII n'avait cessé de lutter avec autant de modération que de fermeté contre les actes inouis du Parlement de Paris, déclarant nuls ses arrêis en simple Consistoire, et flétrissant « la coupable témérité avec laquelle ces magistrats s'arrogeaient la puissance qui n'appartient qu'au Vicaire de Jésus-Christ sur la terre, de rompre les liens d'une société religieuse. » Le Pontife espérait que la foi de Louis XV lui ferait prendre en main la cause de l'Eglise ; mais quand il vit le monarque apposer le sceau royal à l'iniquité du Parlement, du haut de la Chaire apostolique, il fit retentir sa voix suprême : le Janvier , sa bulle A postolicum atlrma devant l'univers catholique, les droits méconnus du Saint-Siège, flétrit les actes prévaricateurs de l'autorité civile et donna une nouvelle et solennelle approbation à la Compagnie de Jésus « qui avait obtenu des Pontifes Romains et du saint concile de Trente, des louanges impérissables. » L'épiscopat et les vrais enfants de l'Eglise furent consolés et fortifiés par cette grande manifestation de l'auto- rilé du Saint-Sièrse ; mais les pouvoirs humains protestèrent. La plupart des princes de l'Europe, qui n'étaient plus chrétiens qu'à leur façon, osèrent juger, condamner, prohiber même dans leurs états, la publication de la bulle Apostolicum, et avec les termes les plus outrageants; telle fut surtout la conduite de la France et du Portugal. Les incrédules applaudirent à leur triomphe et s'appliquèrent à en recueillir les fruits : Choiseul poursuivit les Jésuites hors de France et, invoquant le Pacte de famille, il parvint, par ses odieuses menées, à les Mre bannir d'Espagne, de Naples et de Parme; de concert avec ces divers états, il sollicita du Saint-Siège la suppression totale de la Compagnie, ce qui eut lieu quelques années plus tard (). Ce coupable ministre poussa l'audace sacrilège jusqu'à enlever Avignon à Clément XIII, pour le punir d'avoir défendu les droits sacrés de l'Eglise, indignement violés par Ferdinand de Bourbon, duc de Parme. | . Dernières années de Louis XV. — Louis XVI. jusqu'à la guerre d'Amérique (-). Mort du Dauphin ( ). — L'histoire ne saurait reproduire tout ce que l'abaissement de Louis XV, plongé toujours davantage dans la plus déplorable dégradation, accumulait autour de lui de lâchetés, d'intrigues, de pillages, de désordres de toutes sortes dans les finances et les diverses branches de l'administration. Son fils unique, le Dauphin Louis, doué de toutes les vertus royales, protestait par la gravité de sa vie, contre ces flétrissures; mais le chagrin qu'il en ressentit abrégea son existence ; comme son aïeul le duc de Bourgogne, il ne fut que montré à la France; il mourut à ans (). Aussi a-t-on dit que Louis XV, placé entre deux princes qui ont donné et n'ont pu réaliser tant d'espérances, « était fils d'un père qui eût prévenu ses fautes et père d'un fils qui les eût réparées. » Le Dauphin avait eu la (i) Voir à l'Eglise. douleur de perdre son fils aîné; il en laissait trois autres et deux filles; le prince qui héritait de son titre n'avait que onze ans, ce fut Louis XVI : « Pauvre France, dit Louis XV en le serrant dans ses bras, un roi de cinquante-cinq ans et un Dauphin de onze ans ! Pauvre France ! répéta-t-il plusieurs fois. On eut dit un pressentiment sinistre. Les autres fils du Dauphin furent les comtes de Provence et d'Artois destinés à porter un jour la couronne; ses filles furent Madame Clotilde qui épousa le roi de Sardaigne et mourut en odeur de sainteté; et l'angélique Madame Elisabeth qui partagera toutes les infortunes de Louis XVI et de Marie-Antoinette. La mort frappa de nouveaux coups autour de Louis XV : Marie de Saxe, la vertueuse veuve du Dauphin, la reine Marie Leczinska, touchante victime de la cour dépravée de son royal époux, descendirent aussi dans la tombe (). Toutes ces épreuves ne purent rappeler le monarque à ses devoirs de chrétien et de roi. Suppression des parlements ( ) — Mort de Louis XV ( ?-t). — Un coup d'Etat marqua la fin du règne de Louis XV : le parlement de Paris ayant poursuivi, magré sa défense, un procès intenté au duc d'Aiguillon, gouverneur de Bretagne, le roi arrêta cette procédure; les magistrats, irrités, refusèrent alors de rendre la justice, ce qui était pourtant leur seule légitime attribution. Choiseul, appui secret de cette rébellion, fut exilé () et remplacé parle duc d'Aiguillon ; puis sous l'inspiration de son chancelier, Maupeou, Louis XV supprime tous les parlements de France et fait administrer la justice par six conseils supérieurs que le peuple surnomme ironiquement le Parlement Maupeou. Louis XIV, dans toute sa puissance, n'eût pas osé dissoudre ce grand corps de magistrature traditionnelle; mais la faiblesse autorisant les abus, oblige enfin à des actes extrêmes. Sur l'avis de Maupeou et du duc d'Aiguillon, le roi confia les finances à l'abbé Terray qui, pour en combler le déficit, fit gémir le peuple sous de nouveaux impôts; aussi fut-il accusé, mais à tort d'être l'auteur du Pacte de famine, surnom par lequel on flétrit une société secrète qui accaparait les grains et les farines. De son côté, d'Aiguillon encourut l'indignation générale pour avoir laissé la France spectatrice indifférente du partage de la Pologne par la Russie, la Prusse et l'Autriche (). Eu apprenant cette iniquité, Louis XV ne put s'empêcher de dire: « Si Choiseul eût été ici ce partage n'aurai t pas eu. lieu. » Ce ministre fut loin de mériter tous les éloges que lui ont donnés les philosophes dont il servit la haine contre les Jésuites; mais il avait su du moins conserver à la France unecertaine influence en Europe ; Louis XV qui ne pouvait s'empêcher de constater son abaissement extérieur, non moins que sa décadence intérieure, disait dans son coupable égoïsme : « Cela diirera bien autant que moi ; » et il se replongeait dans un état de morne stupeur. Il mourut de la petite vérole ( mai ) entouré des soins les plus touchants de ses trois filles, Mesdames Adélaïde, Sophie et Victoire. Il dut sans doute à l'héroïque sacrifice de la quatrième, Madame Louise devenue Carmélite, la grâce de déplorer devant Dieu et devant sa Cour, ses longs égarements et de recevoir les sacrements de l'Eglise dans de vifs sentiments de piété et de repentir. Son règne avait été marqué par l'acquisition de la Lorraine à la mort de Stanislas ( (») et par celle de la Corse () que les Génois nous cédèrent, mais que nos armes durent conquérir. Ce fut Louis XV qui fonda l'école militaire. Louis XVI ('-). — Ce prince était uni depuis quatre ans à l'archiduchesse Marie-Antoinette qui devait se montrer par sa grandeur d'âme et ses héroïques vertus, si digne de sa mère, l'Impératrice Marie-Thérèse. A l'occasion des fêtes de leur mariage, près de mille personnes furent étouffées dans la foule; ce terrible accident avait révélé la bonté compatissante du Dauphin et de la jeune Dauphine,âgée de quinze ans seulement.; aussi leur avènement fut-il salué avec espérance et bonheur. Les vertus de Louis XVI offraient un heureux contraste avec les vices de son aïeul et Ifs mœurs publiques : s 'n-brement pieux, d'un esprit droit, sérieux et cultivé, il avait le cœur tout rempli d'amour vrai pour son peuple; mais d'un caractère timide et trop méfiant de lui-même, il manquait de cette décision, de cette volonté ferme nécessaires à un roi. « Mon Dieu, quel malheur pour moi! s'était-il écrié en apprenantque la mort de Louis X V l'appelait au trône. Sa tâche, en elfet était écrasante : outre les maux déjà signalés, le Philosophisme avait encore banni des intelligences les grands principes chrétiens de soumission et de dépendance; des aspirations violentes vers une liberté effrénée travaillaient tous les esprits sous le nom de réformes. Si quelques-unes étaient -tn effet rendues nécessaires par les abus du dernier règne, comme par la dilférence des temps, il fallait les diriger et, pour cela, enchaîner à la fois la résistance ,de ceux qui les repoussaient, et la fougue de ceux qui voulaient tout précipiter, mission qu'un jeune roi de vingt ans, faible et sans expérience, ne put accomplir; impuissant à triompher de la révolution qui s'avançait, il ne sut qu'en être le martyr. naplJel des Parlements (). Turgot et llaleslicrlies f-]< G), — Le ministère de Louis XV devenu l'objet de la haine universelle, fut remplacé, mais d'une manière fâcheuse: le comte de ilaurepas, vieillard frivole et insouciant, fut nommé premier ministre; il s'adjoignit deux partisans du Phllosophisme et des réformes, Turgot, intendant général de Limoges, qui fut chargé des finances, et Lamoigr.on de Malesherbes qui devint ministre de l'intérieur; un peu plus tard le comte de Saint-Germain fut appelé au ministère de la guerre. Pressé par Maurepas, Louis XVI commit la faute de rétablir les Parlements; leur destruction par Maupeou, avait été un acte illégal; mais ce fait accompli devenait une conjoncture heureuse pour un nouveau règne; rappelés sans conditions, ils redevinrent plus que jamais les antagonistes de la royauté et furent les premiers agents immédiats de la révolution. Louis XVI qui s'était fait sacrer à Reims le l Juin , avait iuauguré son règne par la suppression de l'impôt de Joyeux avènement; il le poursuivit dans des efforts constants pour le bien de son peuple : un édit royal pourvut à la libre circulation des grains et des farines, mais il fallut employer la force pour réprimer les accapareurs ; le Mont-de-piété fut créé, le nombre des aveugles admis aux Quinze-vingts, doublé; le sort des prisonniers, adouci, etc. Le bon prince chercha encore à décharger l'Etat par des sacrifices personnels; malheureusement le comte de Saint-Germain, esprit aventureux qui poursuivait aussi des rêves de nouveautés, lui persuada de supprimer en partie sa maison militaire formée de huit mille hommes appartenant aux premières familles de France; privé de ces héroïques serviteurs dont le dévouement et la valeur étaient à toute épreuve, le trop généreux monarque sera livré sans défense à la fureur des révolutionnaires. Il se laissa éblouir par les plans de Turgot et de Malesherbes et rendit deux édits prématurés, que le Parlement refusa d'enregistrer : l'un remplaçait la corvée qui n'atteignait que le peuple, par un impôt territorial commun à toutes les classes; l'autre favorisait la liberté du commerce et de l'industrie. En vain contraignit-il le Parlement par un lit de justice à enregistrer ses édits; le mécontentement fut général : en théorie, tout le monde voulait des réformes ; en pratique, personne ne voulait faire de sacrifices. Les ministres réformateurs le comprirent; Malesherbes donna sa démission ; Turgot, véritable chef deces sectes Economistes qui ne voyaient dans l'Etat qu'une machine dont tous les rouages devaient être mis en mouvement pour des intérêts matériels,Turgot s'applaudit de son triomphe, bien décidé à ne faire aucune concession; mais il fut bientôt congédié, et le faible Louis XVI consacra l'opposition du Parlement en retirant ses édits. Il est certain toutefois que la plupart des réformes de ces ministres étaient inopportunes ou d'une utilité contestable; on peut en croire Malesherbes lui-même qui, ins- truit par l'expérience, écrivait plus tard: « Nous avons « mal administré, ne connaissant les hommes que par les « livres, manquant d'habileté pour les affaires, et, sans « le vouloir ni le savoir, nous avons contribué à la révo« lution. » Turgot fut remplacé par le protestant Necker (),. banquier genevois, dont la tâche fut rendue bien plus difficile encore par la guerre d'Amérique qui allait achever la ruine de nos finances. I . Depuis la guerre d'Amérique jusqu'à la révolution (-). Guerre d'Amérique (l*»). — Les colonies anglaises du continent américain venaient de se révolter contre leur métropole, et s'étaient constituées en république des États-Unis sous la présidence de Washington (i ) (). Incapables de maintenir par elles-mêmes leur indépendance, elles cherchèrent des alliés en Europe, notamment en France où elles envoyèrent une députation ayant à sa tête Benjamin Franklin. Reconnaître la nouvelle république, c'était nous engager dans une guerre injuste avec la Grande-Bretagne, aggraver encore le mauvais état de nos finances et familiariser la France avec les idées de liberté, d'indépendance, de révolte, déjà éveillées dans son sein par le Philosophisme. Aussi le sage Louis XVI refusa-t-il d'abord de s'allier aux insurgés d'Amérique ; mais la nation accueillit la, proposition de Franklin avec un enthousiasme que porta à son comble la nouvelle de l'éclatante victoire des Américains à Saratoga (l'armée anglaise avait été réduite à capituler); pour obtenir du roi l'alliance américaine, on allégua un motif politique fort spécieux, l'espoir d'abaisser par là l'Angleterre (qui de fait n'en a guère souffert) ; Louis XVI céda comme toujours et signa un traité d'alliance offensive et défen- () Voir à l'Angleterre. sive avec les Etats-Unis (). La Grande-Bretagne rappela aussitôt son ambassadeur. L'exaltation pour la cause américaine fut telle, que le marquis de La Fayette, âgé de vingt ans, et une foule de jeunes officiers n'avaient pas même attendu la décision royale, pour aller se ranger sous le drapeau de Washington. Succès maritimes (-). — Le ministère de Choiseul, odieux à plus d'un titre, avait du moins relevé notre marine : deux belles flottes sortirent de Toulon et de Brest ; la première sous les ordres du comte d'Estaing, se dirigea vers l'Amérique ; la seconde commandée par d'Orvilliers, ouvrit les hostilités en Europe par le brillant combat d'Ouessant () contre l'amiral anglais Keppel; après une lutte de savantes manœuvres, la fortune resta 'indécise, les deux flottes se séparèrent; celle de Brest, glorieuse ; celle de Plymouth, humiliée de n'avoir point saisi la victoire; c'était pour l'Angleterre avoir été vaincue; elle traduisit son amiral devant un conseil de guerre. Le duc de Chartres, arrière-petit-fils du Régent, qui commandait une frégate, fut accusé d'avoir refusé par lâcheté de couper la ligne anglaise, ce qui eût assuré à la France un triomphe complet ; aussi fut-il forcé de quitter la marine ; il s'en prit au roi et à la reine et leur voua une haine implacable qui lui fit jouer un si triste rôle dans la révolution. L'année suivante, l'Espagne qui, à notre sollicitation, avait embrassé la cause des insurgés américains, joignit sa flotte à la nôtre, et l'Angleterre fut menacée de voir débarquer sur ses côtes, soixante-dix vaisseaux de ligne et une multitude de frégates et de petits navires; mais une furieuse tempête dispersa tout ce formidable armement. Les hostilités commencées en Europe, se poursuivaient activement aux Etats-Unis, aux Antilles et dans les Indes-Orientales, où nous perdîmes d'abord Chandernagor, Karikalet Poiviichéry. L'escadre du comte d'Estaing, après avoir secondé Washington dans la délivrance de Philadelphie, s'était dirigée vers les Antilles; notre gouverneur de la Martinique, le marquis de Bouillé venait d'y enlever la Dominique aux Anglais; ceux-ci, à leur tour, nous prirent Sainte-Lucie qu'ils conservèrent malgré les efforts du comte d'Estaing pour les en chasser. Mais cet intrépide marin leur fit chèrement payer son échec par la prise de Saint-Vincent, puis de la Grenade défendue pourtant par des fortifications redoutables; d'Estaing sauta le premier dans les retranchements, et les vaincus furent obligés de se rendre à discrétion. Ces succès eurent un immense retentissement à Paris. L'amiral Anglais Rodney, qui s'y trouvait alors retenu pour dettes, les attribuait à l'absence d'un chef dans sa patrie et se plaignait de ne pouvoir la servir. « Allez, lui dit le maréchal de Biron, allez, monsieur, les Français ne veulent pas se prévaloir de l'obstacle qui vous empêche de les combattre; c'est par leur bravoure qu'ils mettent leurs ennemis hors de combat. » Et, par une chevalerie outrée, il paya les dettes de l'Anglais. Rodney faillit nous tenir parole. Il parut aussitôt à la tête des vaisseaux anglais, ravitailla Gibraltar assiégé par les Espagnols, et de là courut aux Antilles; mais il y fut vaincu d'abord dans trois combats () par le comte de Guichen, qu'une maladie contagieuse obligea malheureusement à ramener sa flotte en Europe. Aux Etats-Unis, les Américains, lassés de la guerre, semblaient se reposer sur la France et sur l'Espagne du soin de les sauver; Washington était contraint à l'inaction par la misère de son armée, et les généraux anglais Clinton et Cornwallis triomphaient. Neutralité armée de l'Europe (lïSOj. — Un échec du comte d'Estaing devant Savannah (Géorgie) compromit un moment la cause américaine; mais elle se releva par la vaste coalition qui se forma alors contre le despotisme de l'Angleterre. Pour empêcher la France et l'Espagne de recevoir des régions du nord les munitions •navales nécessaires à leurs arsenaux, les Anglais arrêtaient et visitaient les bâtiments neutres ; de là mille vexations, mille dommages commerciaux. L'impératrice de Russie, Catherine , proclama la franchise des pavillons -européens, à la condition qu'ils ne recevraient point de contrebande de guerre, poudre, boulets, canons, etc. ; et, pour soutenir cette franchise, elle proposa une neutralité armée qui fut successivement adoptée par toutes les puissance. Menacée par cette ligue des neutres, l'Angleterre déclare d'abord la guerre aux Hollandais, les plus faibles et les plus vulnérables de la ligue, et attaque victorieusement leurs colonies dans l'Hindoustan et aux Antilles, où elle leur enlève Saint-Eustache. L'année fut marquée par les succès multipliés des alliés : tandis que les Espagnols s'emparent de Pensacola, dans la Floride, La Mothe-Plquet et les comtes de Guichen et de Grasse triomphent avec éclat dans les Antilles. Le premier faisait radouber ses vaisseaux dans la rade de Port-Royal, à la Martinique, lorsqu'une escadre anglaise attaque, tout près de lui, un convoi français nécessaire au succès de la guerre. La Mothe-Piquet met aussitôt à la voile le seul de ses vaisseaux en état de tenir la mer, vole au-devant de l'escadre ennemie, et ne rentre dans la rade qu'après avoir mis en sûreté tous les bâtiments du convoi. Quant au comte de Grasse « qui avait six pieds, disaient nos marins, el six pieds un puuce les jours de bataille », il désola les Antilles anglaises par une suite de victoires qui contribuèrent à celles des Américains : Washington, secouru par une armée française que commandaient La Fayette et Rochambeau, força le général anglais Cornwallis à capituler dans York-Town avec sept mille des siens, six vaisseaux de guerre et cinquante bâtiments marchands (octobre ). Ce glorieux fait d'armes, qui rappelait celui de Saratoga, fut décisif pour l'indépendance des Etats-Unis; les Anglais se bornèrent à lutter contre la fortune qui les trahissait de toutes parts. Aux Antilles, le marquis de Bouillé leur reprenait Saint-Eustache; en Europe, le duc de Grillon leur enlevait Minorque et, dans l'Hindoustan, le bailli de Suffren, un de nos plus grands hommes de guerre, remportait sur eux quatre victoires navales qui nous rendaient ou sauvegardaient nos colonies et celles de la Hollande ; allié au sultan de lUysore, Haïder-Ali. et à son fils Tippobo-Saï, il menaçait de ruiner la puissance anglaise dans l'Inde, mais la paix arrêta ses succès. Revers ( S). — Paix de Versailles (lï§). — Cependant deux revers furent infligés aux armes de la France jusqu'alors si heureuses : l'intrépide de Grasse qui entreprenait une expédition contre la Jamaïque, la seule île importante qui restât aux Anglais dans les Antilles, fut attaqué par Rodney près de Saintes (), au sud de la Martinique, avec des forces supérieures ; il succomba après une lutte héroïque de plus de dix heures et fut fait prisonnier; il n'y avait à son bord que trois hommes qui ne fussent pas blessés. Les Anglais conservèrent la Jamaïque, ce fut le seul résultat de leur première victoire navale. L'autre échec eut lieu sous les murs de Gibraltar. L'Espagne, qui tenait depuis trois ans cette ville assiégée, vit la flotte française se réunir à la sienne pour tenter un effort suprême : quarante vaisseaux bloquèrent Gibraltar; deux cents bouches à feu du côté de la terre et dix batteries flottantes ouvrirent, le septembre , un feu épouvantable contre ce rocher, que défendaient sa redoutable position et l'habile gouverneur anglais Elliot. La place, aux abois, avait vainement lancé six mille boulets rouges contre les batteries flottantes, lorsqu'un de ces derniers projectiles entra, sans qu'on s'en aperçut, dans le bordage de l'un des vaisseaux des assiégeants, où toutes les précautions n'avaient pas été prises; il y chemina silencieusement, arriva aux poudres et fit sauter le vaisseau; l'incendie gagna les batteries voisines; douze mille hommes périrent à ce siège fameux, et Gibraltar resta aux Anglais. Cependant, l'Angleterre comprenant enfin qu'elle s'épuisait en vains efforts pour replacer les Anglo-Américains sous son sceptre, profita d'un changement de ministère pour demander la paix. Elle fut signée à Versailles () : l'indépendance des Etats-Unis fut reconnue par la Grande-Bretagne; la France obtint, pour l'Espagne, Minorque et, pour elle-même, des restitutions ou des ces- sions nouvelles : Pondiehéry, Chandernagor, Karikal, Mahé et Surate aux Indes; Tabago et Sainte-Lucie aux Antilles; les îlots de Saint-Pierre et de Miquelon avec le droit de pêche à Terre-Neuve; enfin Gorée et le Sénégal en Afrique; de plus, elle faisait effacer des traités précédents, la clause humiliante touchant les fortifications de Dunkerque : elle redevenait puissance maritime et coloniale. Mais la France pya chèrement cette gloire : outre la ruine complète de ses finances, la guerre d'Amérique popularisa au sein de sa vieille monarchie les principes républicains proclamés par le congrès de Philadelphie; le marquis de La Fayette, un des plus ardents champions de l'indépendance des Etats-Unis, sera aussi celui de l'insurrection parisienne armée contre Louis XVI au début de la Révolution. Embarras financiers. — Heckcr. — Appelé à gérer les finances au commencement de la guerre d'Amérique, qui coûta près d'un milliard, Necker, habile banquier, mais non grand ministre comme Sully et Colbert, voila l'immense déficit du trésor par de nouveaux; emprunts : c'était reculer la difficulté au lieu de la résoudre. Pour gagner la confiance publique, il s'avisa de mettre sous les yeux de la nation un compte rendu de sa gestion, qu'il ne devait qu'au roi et qui, de plus, était incomplet et inexact. Cette innovation dangereuse, empruntée à l'Angleterre, flatta le peuple, souleva toutes les passions révolutionnaires et créa au ministre des partisans enthousiastes et des ennemis acharnés. le sentit trop lard et donna sa démission (), laissant l'Etat chargé de millions de nouvelles dettes, dont plus des deux tiers étaient son ouvrage. Trois ministres se succédèrent rapidement après lui aux finances; Calonne, le dernier, après avoir épuisé le trésor par ses prodigalités, et le crédit public par de nouveaux emprunts, fut renversé par l'assemblée des Notables qu'il avait fait convoquer () pour en obtenir l'égale répartition des impôts. Sous l'influence de son incapable successeur Loménie de Brienne, archevêque de Toulouse, les Notables votèrent la subvention territoriale qui devait atteindre toutes les propriétés foncières, et l'impôt du timbre qui devait peser sur tous les négociants. Mais le Parlement refusa d'enregistrer les édits établissant ces nouveaux impôts, et réclama la convocation des Etats généraux; Louis XVI le contraignit à la soumission par un lit de justice, puis l'exila. Préliminaires de la révolution.-Convoeation des Etats généraMx (). — Cependant l'esprit d'insubordination, de révolte même, commençant à éclater de toutes parts, le faible monarque cherche à y remédier par des concessions : il révoque l'œuvre du grand roi et rend aux protestants tous les privilèges qu'ils avaient arrachés à Henri IV par l'édit de Nantes; puis il consent au retour du Parlement dont la nouvelle opposition le contraint bientôt à confier le droit d'enregistrement à une Cour plénière; enfin cédant aux vœux publics, il accorde la convocation des Etats-généraux et rappelle Necker. D'après l'antique constitution de la France, les trois ordres de la nation envoyaient chacun trois cents députés aux Etats-généraux; le Tiers-état demanda d'avoir à lui seul autant de députés que le clergé et la noblesse réunis. Une seconde assemblée de Nolables ( ) appelée par le roi à trancher la question de cette double représentation, se prononça contre; mais Louis XVI mal conseillé par Necker l'accorda; le Tiers-état allait en faire un terrible usage. Alors on procéda dans toute la France à l'élection des députés avec une effervescence extrême; des séditions éclatèrent en Bretagne et sur plusieurs points; Paris fut le théâtre d'une émeute qui coûta la vie à plusieurs centaines de personnes. Par incapacité politique, ou perfidie, Necker refusa obstinément d'exercer une légitime influence sur les élections; aus^i furent-elles faites généralement par les partisans des réformes et de la liberté la plus audacieuse. Le duc de Chartres devenu duc d'Orléans, qui avait sa place aux Etats comme prince du-sang, voulut y siéger comme député par voie d'élection. Le Tiers-état dont il était le chef réel, quoique non avoué, était animé des intentions les plus hostiles aux deux autres ordres ; il choisit pour son orateur le marquis de lJirabeau rejeté par la noblesse à cause de ses vices qui l'avaient même fait enfermer à Vincennes; sous la direction d'un tel homme, le Tiers-état ne pouvait qu'employer des moyens extrêmes. ' Les Etats-généraux s'ouvrirent à Versailles le mai : ce fut le signal de la terrible révolution antireligieuse et anti-sociale où s'arrête l'histoire moderne. CHAPITRE II. EMPIRE D'ALLEMAGNE (-). g . Depuis la paix de Passarow-itz jusqu'à celle d'Hubertsbourg (-). Fin du règne de Charles " ( IS- -). — On a vu ce prince signer avec la France, l'Angleterre et la Hollande, la quadruple alliance{ ) contre l'Espagne et son ministre Albéroni ; puis intervenir pour son malheur, comme allié de la Russie, dans la guerre de la succession de Pologne (-) qui lui coûta le royaume des Deux-Siciles et la Lorraine, abandonnés l'un à l'Espagne, l'autre à Stanislas Leczinski, mais pour revenir après lui à la France. Il fut encore entraîné par la czarine Anne dans une guerre désastreuse contre les Turcs qui, n'ayant plus à redouter le prince Eugène mort en , reprirent tout ce que le héros leur avait enlevé, même Belgrade; l'humiliant traité conclu dans cette ville (), sous la médiation de la France, ne laissait à l'empire que le bannat de Témeswar. ê Charles VI iS protégea les lettres et les arts, fonda une bibliothèque publique, commença le superbe cabinet de médailles de Vienne, développa le commerce, l'industrie, etc. ; mais il négligea de réorganiser ses finances et son armée tombées dans le plus affreux désordre par suite de ses nombreuses guerres ; cette négligence devait singulièrement aggraver les difficultés de sa succession. Comme la postérité masculine des Habsbourg-d'Autriche a lait s etemdre en sa personne (il avait perdu son unique fils), Charles VI, ' par une Pratml"me sanction publiée V dès , avait assuré son vaste héritage à sa fille aînée Joseph l« p" préférablement aux filles de son frère Joseph I e,. Pendant vingt ans, il travailla à faire approuver cet acte par ses états héréditaires, par la diète de empïre, par ses nièces et leurs époux les électeurs de Saxe et de Bavière, enfin par les grandes puissances de urope, ne reculant pour cela devant aucun sacrifice. A ceux qu'il avait faits à la paix de Vienne () pour gagner la France et l'Espagne, il ajouta celui de la compagniegagner commerciale d 'Ostende pour complaire à l'Angleterre et a la Hollande qui ne voulaient point de rivale aux Indes. Mais, ainsi que le lui disait le prince Eugène, « mieux eut valu laisser à sa fille une armée de cent mille hommes que de faire garantir la pragmatique sanction par cent mille traités. » En effet, depuis que la politique des princes n avait plus pour bases la justice et la loyauté, leurs engagements les plus sacrés disparaissaient devant la raison d'Etat; la fille de Charles VI allait en faire une dure expérience. Harle-Thérèse souveraine des Etats d'Autriche (I-- S), - Elevée pour le trône par une mère admirable à tous égards (), Marie-Thérè.se avait reçu du ciel un esprit supérieur, une âme forte et magnanime, un cœur bienfaisant et généreux, et enfin une remarquable beauté, rehaussée par une majesté pleine d éclat et de douce modestie qui inspirait autant de con- () La vertueuse Elisabeth de BrumwÍck. fiance que de respect. Sa jeunesse avait révélé ce qu'elle serait pour ses peuples ; comme elle ne cessait de solliciter des grâces auprès de Charles VI: «Je vois bien, lui dit un jour l'empereur, que vous- ne voudriez être reine que pour faire le -bien. — » Il n'y a que cela, répondit-elle, qui puisse faire supporter te poids d'une couronne. » C'était à vingt-trois ans que la jeune archiduchesse, mariée depuis à François de Lorraine, grand-duc de Toscane, héritait des immenses possessions de sa Maison (Autriche, Souabe, Bohême, Hongrie, Styrie, Carinthie, Silésie, Moravie, Pays-Bas, Frioul, Brisgau, Milanais, Mantoue, Parme et Plaisance). Aussitôt la mort de son père () elle fut proclamée à Vienne, reine de Bohême et de Hongrie et archiduchesse d'Autriche; placée sous un dais magnifique, le bonnet archiducal sur la tête, elle reçut dans tout l'appareil de la majesté royale, les hommages de la Basse et de la Haute-Autriche ; l'année suivante, elle alla ceindre solennellement à Presbourg la couronne et l'épée de Saint-Etienne. Le premier acte de son autorité fut de déclarer son époux co-régent avec dessein de le faire porter au trône impérial; mais il n'en fut pas d'abord ainsi. Guerre de la succession d'Autriclie CI ). — Charles VII empereur (IÏ-IÎ). — A peine Charles VI fut-il descendu dans la tombe, que les puissances voyant son auguste fille sans trésors ni armées s'unirent, au mépris de la foi jurée, pour la dépouiller en tout ou en partie; cinq prétendants se présentèrent: les électeurs de B.ivière et de S.ixe, unis aux archiduchesses cousines de Marie Thérèse, et les rois d'Espagne, de Sardaigne et de Prusse. Ce dernier qui était Frédéric , se jette sans déclaration de guerre sur la Silésie et s'en rend maître par la victoire chèrement achetée de Molwitz (). La Fiance n'élevait aucune prétention pour elle-même; mais elle crut le moment propice pour ruiner la Maison d'Autriche, son ancienne rivale, ou du moins lui arracher l'hérédité du titre impérial; aussi sous ses auspices et par ses armes, l'électeur de Bavière, Charles- Albert, se fait déclarer archiduc d'Autriche à Linz, roi de Bohême à Prague, et élire empereur à Francfort; ce fantôme d'un moment prit le nom de Charles VII [ ( H-). En présence de tant d'ennemis, Marie-Thérèse, pleine de confiance en Dieu et en l'équité de sa cause, prononce ce serment : « Je jure de ne repose?' les armes qu'après « avoir vaincu tous mes ennemis et placé la couronne « impériale sur la tête de mon époux. » Elle fit signifier cette résolution aux souverains agresseurs, après leur avoir vainement rappelé par écrit la justice de ses droits et leur solennelle garantie. Cependant l'infortune de cette -jeune reine, seule aux prises avec l'Europe et dépourvue de ressources, émeut les âmes généreuses; la duchesse de Marlborough, la veuve de Churchill, lui olfre au nom des dames de Londres, un don de , livres sterling; Marie-Thérèse le refuse ne voulant que les subsides votés par le parlement anglais; digne fille de quinze empereurs (), elle relève sa cause à force d'héroïsme. Dévoilement (Icn liongrois. — Obligée de quitter Vienne qu'elle croit menacée d'une armée franco bavaroise, Marie-Ttlérèse se réfugie avec son fils Joseph âgé de six mois, au milieu des Hongrois qui, n'ayant cessé depuis deux cents ans de lutter comre la domination de la Maison d'Autriche, hésitaient à se déclarer pour ~a cause. Elle assemble les Etats à Presbourg () et s'y présente revêtue d'habits de deuil à la Hongroise, avec la couronne sur la tête, ceinte de l'épée royale et tenant son fils dans ses bras. « Abandonnée de mes amis, leur dit-elle en langue latine, persécutée par mes ennemis, attaquée par mes plus proches parents, je n'ai de ressources que dans votre fidélité, dans voire courage et dans votre constance. Je remets entre vos mains la fille et le fils de vos rois. » A l'aspect de cette reine plus forte que le malheur, () Aux treize empereurs héréditaires qui régnèrent à partir de , il faut joindre en remontant jusqu'en , Albert er d'Autriche et Rodolphe de Habsbourg. de cette mère héroïque qui les implore pour son enfant, les magnats se lèvent comme un seul homme et, tirant leurs sabres, s'écrient d'une voie unanime : « Moriamur pro rege nostro Maria-Theresa. » (Mourons pour notre roi Marie-Thérèse). Dès ce jour, ils lui donnèrent le titre de roi, jamais femme ne s'en montra plus digne. Alors , Hongrois, des nuées de Croates, de Pandours, de Talpaches () etc., accoururent sous son étendard; des subsides sont votés avec enthousiasme; le dévouement de la Hongrie entraîne celui de l'Autriche, et Marie-Thérèse se voit entourée d'une armée formidable; elle en confie le 'commandement général à son beau-frère Charles de Lorraine avec le titre de feld-maréchal; il relève aussitôt sa fortune et lui permet d'aller se faire couronner reine de Bohême à Prague (). Ces premiers succès lui valent l'alliance de l'Angleterre d'abord, puis de la Hollande, de la Sardaigne et de la Russie. Paix d'Aix-la-Chapelle (l .). — Les détails de la guerre de la Succession d'Autriche, ayant été déjà donnés à la France, il suffit de rappeler que, malgré les victoires éclatantes de Louis XV et de Frédéric Il presque toujours son allié, Marie-Thérèse parvint à maintenir en Allemagne la prépondérance de sa Maison et à faire élire empereur son époux, après la mort de l'électeur de Bavière; la famille de Lorraine investie en la personne de François r,r de la dignité impériale, s'établit enfin d'un commun accord, sur le trône autrichien par la paix d'Aix-la-Chapelle () ; mais, sous la pression de l'Angleterre, Marie-Thérèse dut laisser la Silésie à Frédéric , céder Parme, Plaisance et Guastalla à l'Infant Don Philippe, troisième fi-ls de Philippe V roi d'Espagne, et quelques places du Milanais, au roi de Sardaigne. Aussi lorsque l'ambassadeur britannique sollicita de la jeune súuveraine une audience pour la féliciter du rétablissement de la paix, elle lui fit dire que des compliments de condo- () Troupes légères d'une singulière bravoure et d'une allure effrayante. léance seraient moins déplacés, et refusa un entretien qui ne pourrait être que fort désagréable et pour eile et pour lui. MAISON D'A UT RICHE-LORRAINE (*). Franeol#* er (IÏ-Ï) — Gouvernement de Marie-Thérèse. — François de Lorraine qui avait été élu empereur à Francfort le septembre , y fut couronné en grande pompe le octobre; Marie-Thérèse, présente à la cérémonie dans une tribune de l'église, voulut être la première à acclamer son époux, et le cri de : Vive l'empereur François Ier fut répété par uné foule immense au milieu des plus vifs transports. La bonté et la générosité de ce prince le rendaient cher à tous, mais il n'avait pas les qualités supérieures de Marie-Thérèse, aussi continua-t-elle de gouverner ses états héréditaires et même l'Empire sous le nom d'Impératrice-reine. Elle profita de la paix pour fermer les plaies que la guerre avait faites à ses peuples; ses réformes furent si sages dans l'armée, les finances, l'administration de la justice, qu'avec moins de provinces que son père, elle eut plus de soldats et de revenus. Elle fit refleurir l'agriculture, le commerce, favorisa les sciences et les lettres, fonda des universités, des collèges pour les enfants des diverses classes de la société; le collège Thérésien dont elle confia la direction aux Jésuites, devint célèbre dans toute l'Europe ; elle établit aussi des maisons d'éducation pour les jeunes filles nobles dont les pères étaient morts au service de l'Etat ; elle créa des hôpitaux pour les soldats intirmes ou blessés, fit réparer les grandes routes, creuser des canaux pour faciliter le commerce, agrandir et embellir Vienne, etc; jamais la monarchie autrichienne n'avait vu luire de si beaux jours. Cependant Marie-Thérèse regrettait si amèrement la belle province détachée de son patrimoine par la paix d'Aix-la-Chapelle, qu'elle ne pouvait, dit-on, voir un Silésien sans verser des larmes. Replacer ce beau fleuron à sa couronne et arrêter l'accroissement si rapide de la Prusse, devint le but unique de sa politique et de celle de son ministre, le prince dekaitnitz. Mais, ne voulant pas se mesurer seule avec Frédéric II, elle oublia les vieilles rivalités de ses aïeux, et sollicita l'alliance du cabinet de Versailles qui goûtait peu le monarque prussien. La guerre était alors imminente entre la France et l'Angleterre, par suite de leurs différends dans leurs colonies d'Amérique; de part et d'autre on chercha des alliés : la France, l'Autriche, Auguste roi de Pologne et électeur de Saxe, l'impératrice de Russie Elisabeth, la Suède, s'unirent contre Frédéric II et Georges Il roi d'Angleterre qui se trouvèrent seuls en face de toute l'Europe dans la guerre de Sept ans. Guerre de Sept ans (l^S©). — Cette double guerre a déjà été retracée; il serait hors de propos de revenir sur la lutte de la France et de l'Angleterre aux colonies; mais il est utile de rappeler ici celle qui fut engagée en Allemagne entre l'Autriche et la Prusse. Encouragée par ses nombreuses alliances, et surtout par celle de la France qui débutait si glorieusement contre les Anglais dans l'île de Minorque, Marie-Thérèse espère d'autant plus le succès pour elle-même, qu'elle oppose à Frédéric Il un adversaire digne de lui, le comte de Daun, surnommé pour sa froide prudence le Temporiseur; il est nomme généralissime des troupes impériales. Cependant Frédéric prévient comme toujours les confédérés; il enveloppe les Saxons dans leur camp de Pirna, bat les Autrichiens à l.owositz et à Prague (). Mais l'armée d'exécution levée par le corps germanique pour soutenir Marie-Thérèse, est promptement secondée par les alliés: les Suédois envahissent la Poméranie ; les Russes, le Brandebourg; les Hongrois surprennent Berlin, et le maréchal Daun inflige à Frédéric II la sanglante défaite de Kollin; vingt-deux étendards, quarante-cinq pièces de canon, quantité de munitions furent les glorieux trophées de cette victoire qui coûta à la Prusse f,U hommes (.). Bataille de Rosbaeb (':;'). - Pendant ce temps les Anglais, ses alliés, réduits par les Français à capituler près de Closterseven, se voyaient imposer la neutralité. Livré ainsi à ses seules ressources, enveloppé par un cercle d'ennemis qui se resserrait chaque jour davantage et, de plus, mis au ban de l'Empire, Frédéric II saisi d'un violent désespoir, songe au suicide; la crainte, non de Dieu, car ce monarque athée ne croyait même ,pas à son existence, mais la puérile crainte des railleries des philosophes le retint, ainsi qu'il l'écrivit à sa sœur; du moins il se résout à mourir en roi, et marche à la rencontre de l'armée franco-allemande commandée par le prince de Soubise, qui se dirigeait vers la Saxe. Il s'établit dans une position avantageuse sur les hauteurs environnant le village de Rosbach, cache sa cavalerie dans un repli du terrain et dissimule son artillerie sous les tentes de son camp. Les alliés s'avancent témérairement, trompés par ses habiles manœuvres; tout à coup les tentes s'abaissent et laissent voir l'armée de Frédéric rangée en bataille ; deux batteries formidables placées aux côtés du camp sur deux collines voisines, vomissent .en même temps un feu terrible; la cavalerie pru>sienne se précipite des hauteurs et fond sur les assaillants. Les troupes germaniques saisies d'une terreur panique, se débandent et s'enfuient; les Français résistent avec un courage sans ég;tl ; mais ils sont contraints entin de quitter le champ de bataille où ils avaient perdu , hommes dont , prisonniers ; leur retraite fut une véritable déroute, la nuit seule les fit échapper à la poursuite des vainqueurs. Frédéric Il se retourne aussitôt contre les Autrichiens de Daun qu'il défait à Lissa; un mouvement dans le cabinet de Saint-James (') achève de relever sa fortune : ,Pitt, plus tal d lord ClJatam, qui devient ministre, désavoue la capitulation de Closterseven, et les Anglais au mépris de leur parole, rentrent en lice dans le Hanovre. () Nom du palais des souverains d'Angleterre. Un des plus habiles lieutenants de Prusse, Ferdinand de Brullswick, est mis à leur tête, il bat les Français à Crevelt () puis à Minden () et dirige contre eux et contre les Suédois, les opérations de l'armée du nord et de l'est, tandis que Frédéric lutte dans le sud et l'ouest contre les Russes et les Autrichiens. Traité d'Ilubertsbourg (lïC). —La guerre s& poursuit de part et d'autre jusqu'en avec des alternatives de succès et de revers, n'ayant d'autre résultat que d'épuiser les puissances belligérantes; les Russes vaincus à Zorndorff () furent vengés par l'éclatante victoire des Autrichiens à Hochkirchen et par leur propre triomphe à Kunnersdorff () : Fi édéric Il y perdit , hommes, il eut deux chevaux tués sous lui, ses habits percés de balles, et sans le courageux dévouement de ses hussards, it serait tombé au pouvoir des Russes. Les succès de Leignitz et de Torgau () réparent ces désastres; néanmoins, réduit par une guerre si longue et si sanglante, à recruter des troupes mercenaires que ses trésors vides ne pouvaient solder, et privé par la retraite de lord Chatam, de l'appui même des subsides de l'Angleterre, il allait inévitablement succomber sous le triple effort de l'Autriche, de la Russie et de la Suède; la mort de la czarine Elisabeth son ennemie jurée le sauva. Le nouveau czar Pierre déclara aussitôt la neutralité de la Russie et offrit même son alliance à Frédéric II dont il était grand admirateur; la Suède se retira aussi de la lutte. Marie-Thérèse voyant la France, sa seule alliée, amenée par une suite de désastres, à. signer avec l'Angleterre le traité' de Paris, conclut de son côté celui d'Hubertsbourg avec Frédéric Il auquel elle confirmait, à son grand regret, la possession de la Silésie (). §. Depuis le traité d'Hubertsbourg jusqu'à la mort de Joseph II (-). Marie-Thérèse, rendue une fois encore aux loisirs de la paix, en profita pour faire élire son fils aîné Joseph Roi des Romains ; elle était heureuse et fière de placer sur la tête d'un rejeton de la maison d'Autriche qui avait paru prête à s'éteindre, cette couronne impériale que tant d'ennemis conjurés avaient tenté de lui ravir (). L'année suivante, la mort inopinée de François er mit Joseph II en possession du titre d'Empereur, son frère Léopold hérita du grand-duché de Toscane. L'impératrice-reine sentit profondément la perte de son vertueux époux ; elle ne quitta plus le deuil le reste de ses jours, et elle fonda à Insprurk, où François Ier était mort, un chapitre de chanoinesses qui reçurent la mission de prier à perpétuité pour le repos de son âme. Joseph Il (- ). Accession Impériale à la suppression des Jésuites ( ). Joseph était affable, bienfaisant, généreux; mais il avait un caractère emporté et opiniâtre, un esprit étroit, mesquin, bizarre, imbu de toutes les innovations religieuses et sociales de son temps; heureusement l'impératrice sa mère ne lui laissa guère que le soin de l'armée, retenant les rênes de l'empire jusqu'à sa mort. Cependant Marie-Thérèse qui s'était montrée jusqu'ici l'une des plus grandes reines qui aient porté le sceptre, va ternir pour jamais sa gloire, sinon par manque de vertu, du moins par imprévoyance et faiblesse. Sa foi profonde, sa piété sincère, l'avaient d'abord tenue ei». dehors du mouvement antireligieux qui se faisait sentir dans toute l'Europe au xvme siècle; mais en , elle avait eu le malheur de prendre pour ministre le prince de Kaunitz, ardent partisan du Philosophisme, et de s'entourer, sans le savoir, de conseillers jansénistes affidés à l'Eglise schismatique d'Ùtrecht; ils la poussèrent à des réformes qui portèrent atteinte à la divine autorité du Saint-Siège, infectèrent son empire de leurs doctrines et les inculquèrent même à ses fils. Aussi parmi ces princes, Joseph Il et Léopold Il seront les fléaux de l'Eglise. un troisième, Maximilien, archevêque de Cologne sera l'un des quatre prélats auteurs des articles schismatiques du congrès d'Ems (), plus hostiles à l'Eglise que ne le furent les Quatre Articles gallicans. Nicolas de Ilontheim, évêque suffragant de Trèves, leur ouvrit la voie ; il publia sous le pseudonyme de Febronius, un traité dont la doctrine désignée sous le nom de F ébi,onianisme contenait en substance les principes du Gallicanisme, du Jansénisme et du Philosophisme. Le pape Clément XIII condamna l'ouvrage de llontheim () comme hérétique et schisma- -tique, néanmoins le Fébronianisme fit de nombreux partisans en Allemagne ; à leur tête, se trouvèrent Joseph ! et Kaunitz qui, pour le propager plus facilement dans les universités, en éloignèrent les Jésuites en attendant qu'ils pussent les expulser de l'empire. Sous la perfide influence du ministre, l'empereur pressa Marie-Thérèse de s'unir à la France, au Portugal, à l'Espagne, à Naples pour obtenir du Saint-Siège, la suppression de la Compagnie de Jésus. La princesse, témoin de tout le bien que cette sainte société opérait dans l'empire, surtout près de la jeunesse, s'y refusa d'abord énergiquement. Ce refus, der nier appui du Pape Clément XIV, lui servait de rempart contre les impérieuses exigences des cours bourbonniennes ; mais l'héroïque Marie-Thérèse ne sut pas triompher de la faiblesse maternelle : elle céda enfin aux instances de Joseph Il qui convoitait les biens des Jésuites, à c Iles de jsa fille Marie-Caroline reine de Naples, (; enfin aux avis calculés de certains théologiens placés dans ce but auprès d'elle. et donna son accession à la criminelle () Marie Caroline avoua elle-même ceci lorsque le roi Ferdinand son époux eût rappelé les Jésuites à Naples, voulant réparer par cetaveu le tort qu'elle avait eu de contribuer à leur suppression. demande des cours catholiques au Saint-Siège pour la destruction de la Compagnie de Jésus (). L'année suivante, le bref de Clément XIV privait l'empire et toute la chrétienté des immenses services rendus à l'Eglise et aux âmes par ce saint Institut. Participation de l'Autriche an démembrement de la Pologne (). — Marie-Thérèse, toujours sous la pression de Joseph II et de Katlnitz, imprima à sa mémoire une seconde tache ineffaçable r elle s unit à la Prusse et à la Russie pour démembrer les états de celui qui, un siècle auparavant, avait sauvé son empire de l'invasion ottomane; la Galicie lui fut-adjugée dans cette inique spoliation du royaume de Sobieski (). On déplore d'autant plus ce nouvel acte de faiblesse que l'impératrice-reine en comprit tout l'odieux. « Dans cette affaire, écrivait-elle à Kaunitz, non seule-or ment le droit manifeste crie vengeance au ciel contre « nous, mais toute équité et la saine raison nous con« damnent; je dois confesser que, de ma vie, je ne me « suis trouvée dans une telle angoisse, et que je rougis de « me laisser voir. Le Prince doit considérer quel exemple « nous donnons à tout l'univers lorsque, pour un misé« rable lambeau de la Pologne, nous risquons n'otre « honneur et notre réputation. Je vois bien que je suis «seule et non plus en vigueur, c'est pourquoi je laisse « aller l'affaire son chemin, mais non sans le plus vif « regret de ma part. » Et sur le projet de démembrement, elle écrivit : « Placet, puisque tant de grands et de savants « personnages le veulent; mais lorsque je serai déjà « morte depuis longtemps, on saura par expérience ce « qui résultera de cette violation de tout ce qui a été « jusqu'alors saint et juste. » L'histoire a ratifié le jugement et les paroles prophétiques de Marie-Thérèse: la Pologne démembrée, mutilée vit néanmoins au cœur de l'Autriche, de la Prusse, de la Russie , comme un immense remords, et y demeure une cause incessante de troubles et d'insurrections. Joseph , malgré l'avis de sa mère, voulut traiter la Bavière comme la Pologne: il tenta de s'en emparer par les armes à la mort du dernier électeur Maximilien Joseph, qui ne laissait point d'héritier direct; mais l'intervention de la Prusse, de la Russie et de la France fit échouer son injuste entreprise : le congrès de Trschen () assura la Bavière à l'électeur Palatin Charles de Deux Ponts, le plus proche parent de l\laximilien.Joseph. Mort de Marie-Thérèse II SO). — Les quarante années de règne de cette grande princesse, avaient été marquées par une bienfaisance inépuisable dont le souvenir est encore vivant en Autriche, et qui lui valut de ses peuples le glorieux surnom de Mère de la patrie. Elle mourut le novembre dans les sentiments de piété et de force chrétienne qui l'avaient toujours animée, emportant dans la tombe non seulement les regrets de l'empire, mais encore ceux de toute l'Europe. Frédéric Il qui n'eut de cœur pour personne, écrivait à d'Alembert: « J'ai pleuré la mort de Marie-Thérèse; cette princesse a fait honneur à son sexe et au trône. Je lui ai toujours fait la guerre, mais je n'ai jamais été son ennemi. » La plupart des huit enfants de Marie-Thérèse portèrent une couronne ; sa fille Marie-Antoinette fut encore plus illustrée par ses malheurs que par son titre de reine de France. Réformes administratives.— Joséphisme. — Ce fut surtout après la mort de l\IaT'ie- Therèse qu'on put constater la bizarrerie de Joseph Il et son extravagance poussée jusqu'à la folie, dirions-nous volontiers : imbu de toutes les erreurs régnantes qu'il avait recueillies dans ses nombreux voyages, il s'imagina encore de prendre Frédéric Il pour émule et, comme lui, de tout réformer afin de concentrer l'autorité dans ses mains. Son vaste empire renfermait une multitude de nations différentes de mœurs, de contumes, de législation, de langage, etc.; il prétendit les soumettre en tout au niveau de l'égalité et supprima par édits leurs privilèges respectifs. Son despotisme envahit aussi l'Eglise : sous la double inspiration du philosophisme français et du Fébronianisme allemand, il s'empara du gouvernement des affaires ecclésiastiques et y opéra une série de réformes dangereuses et ' tyranniques, justement flétries du nom de Joséphisme. A l'autorité divine et suprême du Saint-Siège, Joseph II prétend substituer la sienne, il se fait le Pape de son empire : enseignement dogmatique, juridiction, hiérarchie, liturgie, tout est soumis à son contrôle ou à ses innovations. Il supprime la bulle Unigenitus et toutes celles qui gênent son despotisme; il restreint et défend même en certains cas aux évêques, le recours à Rome, change ou détruit leurs sièges épiscopaux, saisit leurs revenus, ferme leurs séminaires diocésains qu'il remplace par des séminaires généraux, où il faitenseigner leFébronianisme. Puis il s'attaque aux ordres religieux : deux mille communautés, tant d'hommes que de femmes, répandues dans son empire, sont sécularisées ou réduites à prendre le chemin de l'exil pour rester fidèles à leurs engagements sacrés () ; il n'en réserve que sept cents qu'il juge être d'utilité publique. Enfin l'empereur-pape, se fait aussi évêque et curé; il règle l'administration des sacrements, les cérémonies de l'Église, les offices divins, etc.; sa minutie dans les détails du culte alla jusqu'à déterminer la hauteur des statues, le nombre des cierges qui devaient illuminer l'autel, l'heure de sonner les cloches, etc. Aussi Frédéric II l'appelait-il ironiquement : Mon frère le sacristain. » Pie VI à Vienne (). — Ce saint et courageux pontife n ayant pu, par ses pressantes réclamations, arrêter les innovations schismatiques de Joseph II, résolut, malgré les vives instances du Sacré-Collège, d'aller en personne lui faire entendre ses plaintes et ses prières. Il partit donc pour Vienne « comme il aurait été au martyre », disait-il aux cardinaux. La nouvelle de ce voyage fut un événement en Europe; c'était la première fois depuis trois siècles que le chef auguste de l'Eglise sortait de l 'Italie ; partout, sur son passage, il reçut les témoignages les plus consolants de foi, de respect, de piété filiale. Il fit son entrée à Vienne le mars , au milieu d'une foule immense accourue de tous les points de l'empire et transportée de bonheur de pouvoir contempler de leurs yeux le Vicaire de Jésus-Christ. Cette foule ne cessa de se renouveler pendant le mois que Pie VI passa à Vienne; sept fois par jour, le vénérable Pontife était obligé d'apparaître au balcon impérial pour donner à plus de trente mille personnes cette bénédiction papale, gage de prospérité sur la terre et de bénédiction dans le ciel. La conduite du prince de Kaunitz offrit un douloureux contraste : ce ministre-philosophe foula aux pieds, en présence de toute la cour, le respect dû par tout chrétien au Vicaire de Jésus-Christ. Après s'être laissé prévenir par lui, il osa le recevoir en habits du matin ; au lieu de baiser la main que le Pape lui présentait, il se contenta de la serrer comme il eût fait à l'un de ses amis; enfin, il poussa l'inconvenance jusqu'à remettre son chapeau en présence du Pontife. Quant à Joseph II, s'il garda avec Pie VI le respect extérieur, il refusa obstinément de mettre fin à la persécution joséphiste contre l'Eglise d'Allemagne, et le Pape quitta Vienne ( avril) le cœur navré de douleur. L'année suivante, Joseph Il se rendit à Rome avec la résolution de rompre complètement avec le Saint-Siège et d'établir une Eglise nationale; les cours de France et d'Espagne le détournèrent de ce criminel dessein ; mais, de retour dans ses états, il poursuivit ses innovations religieuses et favorisa la réunion du Congrès tenu à Ems () par quatre prélats schismatiques, dont l'un, Maximilien, archevêque de Cologne, était son frère. Ce Congrès rendit un décret qui consacrait les doctrines erronées du Joséphisme; elles pénétrèrent jusqu'en Italie, sous la protection du grand-duc Léopold, qui bouleversa aussi l'Eglise de Toscane. Pie VI cassa le décret d'Ems. Révolte des Pays-Bas autrichiens (l»ï- '). - Mort de Joseph Il ( ). — Cependant des murmures s'élevaient de toutes parts dans l'empire, et Joseph Il n'y répondait que par des violences. Alors les Pays-Bas, jaloux de leurs privilèges nationaux et encore plus de la pureté de leur foi, se soulevèrent pour repousser l'enseignement de la théologie impériale dans leur orthodoxe université de Louvain. Désarmés un moment par les feintes modifications qu'apporte Joseph IL à ses innovations, ils se révoltent de nouveau, l'insurrection devient générale. Trop faible pour l'apaiser, l'empereurimplore l'intervention du Pape; maisla magnanimité de Pie VI échoua devant les colères longtemps surexcitées, et les Autrichiens furent chassés des Pays-Bas catholiques qui se constituèrent en république sous le nom de Belgique-unis (). Vers le même temps, Joseph II, qui avait été jusqu'à Saint-Pétersbourg solliciter l'alliance de Catherine II par les plus basses flatteries, avait uni ses armes aux siennes dans l'espoir de dépouiller la Porte-Ottomane; mais il ne recueillit que honte et revers de cette guerre qu'il laissa à son frère et successeur Léopold , car il mourut sans enfants en . Grâce à sa foi, sa mort fut chrétienne; mais, s'il faut n'attribuer qu'à la faiblesse, à la bizarrerie de son esprit et à la funeste influence de Kaunitz. les maux qu'il causa à l'Allemagne, on ne saurait trop déplorer qu'il ait inauguré une politique antireligeuse dans le gouvernement autrichien, jusqu'alors si chrétien; il ravit ainsi aux Maisons de Hllbsbúurg et de Lorraine, l'estime et l'affection générales qu'elles s'étaient acquises des catholiques depuis des siècles, par leur dévouement à Dieu et à son Eglise. CHAPITRE III ANGLETERRE (-). FAMILLE DE BRUNSWICK -HANOVRE (). I . Georges I". — Georges II jusqu'à la guerre de Sept ans (-). Georges le, (-).— Tentatives en faveur de Jacques III (Ï-Ï). — Le Parlement, écartant du trône le Chevalier de Saint-Georges, fils de Jacques II et héritier légitime, avait désigné pour succéder à la reine Anne, et contre son gré, l'électeur de Hanovre, Georges de Brunswick, prince vicieux et sans culture intellectuelle dont le seul mérite était d'être luthérien. Son premier acte fut de mettre à la tête du ministère Robert Walpole, chef des whigs qui s'étaient montrés ses zélés partisans. Les tories exclus de toutes les charges, tentent une réaction en faveur du souverain légitime; le comte de Mar va rallier en Ecosse les fidèles montagnards sous la bannière des Stuarts, et fait proclamer roi le Chevalier de Saint-Georges, sous le nom de Jacques III. Malheureusement cette petite armée de Jacobites se divise, ce qui amène une sanglante défaite à Preston ( l o). Cependant une nouvelle rencontre avec les Anglais entre Dumblaine et Shériffmuir, eût pu être décisive pour la cause des Stuarts, si les montagnards eussent combattu avec leur impétuosité ordinaire ; le fameux Rob-Roy (I)Iui-mêrne resta impassible avec les hommes de son clan, et la victoire échappa aux deux partis. () Rob-Roy c'est-à-dire Robert-le-Roux, était un célèbre chef déprédateur dont le nom resté populaire en Écosse, a fourni à Walter Scott un de ses héros. Aussi, lorsque l'année suivante Jacques III aborda en Ecosse, il ne trouva autour de lui ni des forces suffisantes, ni cet élan d'enthousiasme nécessaire au succès de sa cause; et à l'approche de l'armée anglaise, il s'enfuit sous un déguisement. Deux ans plus tard, le cardinal Aibéroni, ministre du roi d'Espagne Philippe V, fit entrer la restauration des Stuarts dans ses vastes projets; Jacques III attiré à Madrid, y fut reçu en souverain de la Grande Bretagne, et une flotte montée par ,.Espagnols, cingla vers l'Ecosse; mais elle fut dispersée par la tempête et le cardinal Albéroni succomba avec toutes ses entreprises () sous les efforts réunis de l'Angleterre, de la France, de la Hollande et de l'Empire dans la Quadruple alliance. Délaissé par tous les souverains, Jacques III se retira à Rome; il y épousa la petite-fille du grand Sobieski, Marie Clémentine. Le Pape Clément XI bénit lui-même cette union qui donna à Jacques deux fils : le prince de Galles Charles-Edouard, connu dans l'histoire sous le nom du Prétendant, nous le verrons reparaître; et le duc d'York Henri-Benoît, qui se consacra au service du Roi des rois et devint cardinal. Georges Ier traita les Jacobites avec la plus impitoyable rigueur : les uns furent écartelés, décapités; d'autres, à titre de grâce, furent déportés, on en compta plus de' mille ; les premiers lords du royaume payèrent de leur tête leur dévouement au souverain légitime, et les catholiques devinrent l'objet de nouvelles persécutions : ils furent recherchés, emprisonnés comme au temps d'Elisabeth; le duc de Norfolk, premier pair du royaume, fut enfermé à là Tour; la fidèle Irlande vit multiplier les arrêts de proscription contre ses prêtres et ses religieux, et fut dépouillée de ses plus légitimes libertés, même de celle de faire élever ses enfants à l'étranger. Non moins despote que cruel, Georges Ier voulant affermir son trône par l'appui des whigs, fit rendre le bill de Septennalité qui étendait désormais la durée du Parlement à sept années au lieu de trois. Il mourut en après s'être montré aussi mauvais époux que mauvais père; il laissait deux enfants : Georges Il qui lui succéda et une fille mariée à Frédéric-Guillaume Ier, roi de Prusse, qui devint mère de Frédéric II. Georges II(SM ).Il s'arme pour Marie Therèse (). — Walpole maintenu au pouvoir par le crédit de la reine Caroline d'Anspach, toute-puissante sur le ro: son époux, dirigea en maître absolu toutes les affaires sous le nouveau règne jusqu'en , il eut même ouvertement le Parlement à sa solde, car l'argent fut son moyen suprême d'action ; il se vantait de connaître le prix de chaque Anglais parce qu'il n'y en avait point qu'il n'eût marchandé ou acheté. Ennemi déclaré de la guerre qui eût absorbé les ressources de sa domination corruptrice, il fut cependant contraint par la nation de la faire à l'Espagne (), accusée d'avoir enfreint le traité d'Utrecht dans les colonies; bientôt cette guprre se compliqua de celle de la Succession d'Autriche (-) engagée par toute l'Europe. Walpole qui, seul, voulait y rester étranger, voyant redoubler les murmures élevés depuis longtemps contre son odieuse gestion, se retira avec une immense fortune. Georges II alarmé comme électeur de Hanovre, des premiers succès de la France en Bavière, s'unit alors à Marie-Thérèse et conduisit en personne ses troupes en Allemagne. La témérité française le tira du fort mauvais pas où l'avait engagé le maréchal de Noailles à Dettingpn () et lui valut même une victoire complète; Louis XV ou plutôt le maréchal de Saxe prit sa revanche en faisant essuyer au duc de Cumberland, second fils du roi d'Angleterre, la sanglante défaite de Fontenoy au Pays-Bas (). Dans la Méditerranée et les mers d'Amérique, les Anglais obtinrent de grands avantages; mais tandis que leur pavillon triomphait dans les deux mondes, l'héroïque Prétendant faillit renverser leur nouvelle dynastie. Tentative de Charles-Edouard (t?i) Ha-taille de Culloden ). — Ce jeune prince voy ant l'Angleterre de rechef aux prises avec la France, juge l'oc- casion favorable pour tenter une fois encore de reconquérirle trône de ses aïeux. Il quitte Rome après avoir fait le serment de ne jamais abandonner sa foi, et se dirige vers l'Ecosse avec vingt vaisseaux de ligne que lui a donnés-Louis XV ; la tempête qui anéantit sa petite flotte et le jette sur la côte de Belle-Isle, ne peut le faire renoncer à son entreprise : monté sur un petit brick avec sapt confidents de son hardi projet, il va débarquer en Ecosse le- Août . Ses qualités royales, son courage chevaleresque, lui rallient tous les cœurs; les fidèles montagnards accourent en foule sous son étendard, et il se trouve promptement à la tête d'une petite armée qui lui permet de s'emparer de l'importante ville de Perth ; il s'y fait proclamer Régent des trois royaumes pour son père Jacques . Bientôt Edimbourg lui ouvre ses portes; il y entre triomphalement revêtu du plaid, coiffé d'une toque bleue surmontée d'une rose blanche et portant sur ce costume national l'Ordre et l'emblême du chardon (,I) qui semblaient l'identifier avec le peuple qu'il appelait aux armes; il fut conduit au palais d'iloly-rood au milieu des acclamations de la multitude. Peu de jours après, sans artillerie ni cavalerie, il mettait en fuite à Preston ( sept. ) le général anglais Cope envoyé à sa rencontre. Malheureusement il ne sut pas profiter de sa victoire en marchant immédiatement sur Londres, ce qui, de l'aveu de ses ennemis eux-mêmes, lui eût assuré un triomphe définitif. Pendant qu'il perd du temps à Edimbourg, Georges Il accourt du continent avec plusieurs régiments aguerris; son premier acte est d'offrir , livres sterling (, fr.) à celui qui lui apportera la tête du Prétendant. Le magnanime Edouard répond à cette odieuse lâcheté par un manifeste qui défend à tous les siens d'attenter à la vie de Georges Il ou des personnes de sa famille; puis voyant sa petite armée renforcée par un secours venu de France, () L>î chardon est la plante nationale de l'Ecosse, comme le trèfle, de l'Irlande. il pénètre en Angleterre, s'empare de Carlisle, de Man-chester et s'avance jusqu'à Derby à kilomètres de Londres. Déjà Georges II se disposait à passer en Hollande lorsque Charles-Edouard, mal conseillé, cède à l'indiscipline de ses troupes et rétrograde. Poursuivi en Ecosse par l'armée anglaise, il en triomphe à Falkirck ( Janvier ) ; mais la journée de Culloden ( avril) où le duc de Cumberland l'attaque avec des forces bien supérieures aux siennes, anéantit à jamais ses espérances. Après avoir erré cinq mois dans les montagnes ou les forêts de l'Ecosse, exposé à des privations de toutes sortes, et poursuivi par des assassins que l'appât des , livres sterling rendait infatigables, il est enfin sauvé par l'incorruptible fidélité des montagnards et l'intrépide dévouement de quelques amis ; il quitte l'Ecosse suri une frégate française treize mois après son débarquement. L'Angleterre ayant imposé à la France l'expulsion du Prétendant, à la paix d'Aix-la-Chapelle, l'héroïque prince alla rejoindre son père et son frère à Rome où tous trois moururent () : Jacques III en ; Charles-Edouard, qui avait pris le titre de comte d'Albany, en b sans laisser d'enfants, et le cardinal Henri-Benoit en : avec lui s'éteignit la dynastie des Stuarts. Rigueurs envers l'Écosse. — Paix d'Aix-la-Chapelle (i»). — Georges Il ne se montra pas moins cruel que son père envers les Jacobites et, comme lui aussi, redoubla de rigueur envers les catholiques. Quant au duc de Cumberland, après avoir fait massacrer tous ceux qui tombèrent sous ses mains à Culloden, même les blessés, il porta au milieu des montagnes d'Ecosse, une guerre d'extermination et de carnage qui lui valut justement le surnom de boucher. Les Écossais, coupables d'un héroïque dévouement envers leurs anciens rois, se ( ) Ils furent enterrés à Saint-Pierre ; on leur éleva un monument sur lequel on lit : Jacques , Charles III/Henri /X, rois d'Angleterre. virent enlever les derniers vestiges de leur nationalité : un bill du Parlement abolit le système des clansainsi que la juridiction héréditaire de leurs chefs, et interdit même le costume des aïeux, le plaid, conservé par les montagnards et dont les carreaux variés distinguaient les clans. Ces mesures furent nuisibles à la foi des Hautes-terres qui, grâce au dévouement des fils de saint Vincent de Paul, comptaient alors , catholiques; le système des clans, en isolant les montagnards du reste de l'Ecosse dominé par l'influence protestante de l'Angleterre, favorisait parmi eux la conservation de la religion professée par leurs chefs. Les Écossais complètement fondus désormais avec les Anglais, au point de vue social aussi bien que politique, verront leur foi s'altérer de plus en plus par cette fusion, jusqu'au jour où ils devront se ressentir insensiblement de la réaction catholique de l'Angleterre elle-même. Cependant l'infructueuse tentative de Charles-Edouard un des plus intéressants épisodes de la guerre de la Succession d'Autriche, avait redoublé l'acharnement de Georges Il contre la France. Tandis que ses flottes l'attaquent en Amérique et dans l'Indoustan, le duc de Cumberland reparaît aux Pays-Bas où, avec le secours des Impériaux, des Russes et des Hollandais, il se flatte d'arrêter les victoires de Louis XV. Mais le vainqueur de Raucoux, le maréchal de Saxe, lui fait essuyer à Lawfeld () une complète défaite, suivie bientôt de la prise de Maëstricht et de Berg-op-zoom par les armes de la France. La paix d'Aix-la-Chapelle () est enfin signée par les puissances belligérantes qui se restituèrent leurs conquêtes ; du moins l'Angleterre et la France ; Georges II obtint la reconnaissance de sa dynastie. § . Suite de Georges II. — Georges III jusqu'en . Guerre de Sept ans: alliance avec la Prusse ( ). — Ministère de Pitt (J Î-I ). — La paix dura peu entre l'Angleterre et la France; la première, profitant des démêlés survenus entre ses colonies et celles de sa rivale, au sujetdes limites respectives, dévasta les établissements de la France et, sans déclaration de guerre, lui captura vaisseaux marchands. La perte de Minorque enlevée brillamment par les armes de Louis XV, fit expier à l'Angleterre son injuste agression; elle se montra cruelle envers son amiral malheureux : le célèbre Byng fut jugé et fusillé à son bord. Comme dans la guerre précédente, les hostilités commencées sur mer, s'étendirent bientôt sur le continent où la guerre de Sept ans embrasa de nouveau l'Europe (i- ). La Grande-Bretagne soutint une double lutte: pour ses propres intérêts, contre la France qu'elle attaqua surtout aux colonies, et pour ceux de Frédéric Il roi de Prusse, avec lequel elle combattit en Allemagne contre Marie-Thérèse soutenue par la France, le Corps germanique, la Suède et la Russie. Humiliée d'abord par les Français qui lui infligent la sanglante défaite d'Hastembeck (Hanovre) et. lui imposent la neutralité par la honteuse capitulation de Closterseven (), elle est relevée tout à coup par son nouveau ministre William Pitt qui veut à tout prix abaisser la France : il désavoue donc la capitulation de Closterseven et reprend la guerre avec une énergie qui en assure le succès à son pays. Sur terre, les armes anglaises unies de nouveau à celles de Prusse, sous le commandement de Ferdinand de Brunswick, triomphent à Crevelt (); sur mer, elles ravagent tout le littoral de la France depuis Dunkerque jusqu'à Bayonne et lui enlèvent la plupart de ses possessions d'Amérique, entre autres sa belle colonie du Canada (). La mort subite de Georges , arrivée l'année suivante, fit arriver au trône, non son fils qui l'avait précédé dans la tombe, mais son petit-fils Georges III, le premier souverain de sa dynastie né et élevé en Angleterre et dont les vertus privées, ainsi que celles de sa femme Charlotte de Mecklembourg, devaient enfin relever la moralité de la cour britannique. Georges III (-l$j. — Traité de Paris. (). — Ni l'avènement d'un nouveau roi, ni le Pacte de famille des Bourbons, dont l'effet immédiat fut de rallier l'Espagne à la France contre Georges III, ni la retraite de Pitt, qu'un échec au Parlement fit remplacer par lord Bute, ne ralentirent les succès de la Grande-Bretagne dans la guerre de Sept ans : elle anéantit finalement la puissance française dans l'Inde, comme elle l'avait détruite en Amérique, et fit confirmer toutes ses conquêtes par le traité de Paris qui faisait ainsi passer sous son sceptre : le Canada, l'Acadie, nie du Cap breton, la Grenade et les Grenadilles, Saint-Vincent, la Dominique, Tabago, le Sénégal, sauf l'île de Gorée,et toutes les possessions de la France aux Indes, excepté Pondichéry, Mahé et quelques petits comptoirs.Minorque, qui lui était rendue, enfin, la Floride enlevée à l'Espagne (-). L'Angleterre acquérait une grande puissance coloniale ; il est à propos d'en donner ici le développement, surtout en Asie et en Amérique. Origine et accroissement des colonies. — L'Angleterre, dont la marine ne fut créée que sous Élisabeth, se vit contrainte par l'Acte de navigation de. Cromwell, de devenir une puissance marchande; elle parut comme telle dans l'Indoustan à la fin du xvic siècle, mais à l'exception de l'île de Bombay acquise à la couronne () parle mariage de Charles II, elle n'y eut, jusqu'au xviir siècle, qu'une existence très précaire ; Madras, Calcutta, etc., n'étaient que de simples comptoirs répartis entre deux Compagnies de marchands, dont la rivalité paralysait la prospérité de ces colonies. En , elles se fondirent heureusement en une seule et reçurent .de Londres, une organisation qui fit, bientôt de ces marchands de véritables conquérants, au nom de la mère-patrie. Après quelques succès, ils durent reculer devant la puissance française aux Indes, dans la guerre de la Succession d'Autriche, où les colonies furent aux prises aussi bien que leurs métropoles ; mais, dans la guerre de Sept ans, ils ruinèrent cette puissance à leur profit; ainsi qu'on l'a vu, le traité de Paris ne laissa plus à la France que quelques comptoirs; vainqueurs également des Hollandais, les Anglais n'eurent plus de concurrents européens aux Indes. Ils s'attaquèrent alors à l'empire du Grand Mogol déchiré par des guerres civiles; lord Clive qui fut envoyé en Indoustan avec plein pouvoir, rendit le Bengale tributaire () ; la conquête en fut achevée en sur le sultan de Mysore Haîder-Ali. Mais ce prince, doué d'un véritable génie militaire, et résolu à rendre à son pays sa nationalité, forma contre l'Angleterre une coalition indienne au moment où la guerre d'Amérique éclatait ; nous en verrons plus loin le résulta t. Les colonies d'Amérique durent leur origine, soit à d'aventureux navigateurs comme Walter Raleigh qui fit, en Virginie, la première tentative de colonisation dans le pays qui porta plus tard le nom d'Etats-Unis, soit aux nombreuses migrations provoquées par les troubles politiques de l'Angleterre au xvne siècle et dans la première partie du XVIlIe. Les partisans des Stuarts, aussi bien que les républicains, émigrèrent en masse et prirent successivement possession du pays qui s'étend depuis le Canada, jusqu'à la Géorgie. En un Irlandais, lord Baltimore colonisa avec trois cents gentilshommes catholiques le Maryland ; puis se formèrent les états de Connecticut, de Rhode-Island, etc. CharlesII délivra aux colons des lettres patentes qui fixèrent et régularisèrent la propriété dans l'Amérique anglaise ; c'est ainsi que huit seigneurs reçurent la royale autorisation d'aller coloniser la Caroline (). En l'Angleterre acheta aux Hollandais le territoire qui forma les deux états de New-York et de New-Jersey. Le fanatique quaker Guillaume Penn échangea avec le gouvernement anglais son immense fortune contre la souveraineté du pays dont il fit la belle colonie de Pensylvanie; il y ouvrit un asile à tous les Quakers, et bâtit une ville qu'il appela ville des frères ou Philadelphie ('). La Géorgie, le dernier des treize états de l'Amérique anglaise, ne fut formée qu'en . De plus, les Anglais avaient occupé les Bermudes, enlevé à l'Espagne la Jamaïque () et, à la France l'A-cadie, Terre-Neuve, la baie d'Hudson par le traité d'Utrecht () et, par celui de Paris () le Canada, l'île du Cap-Breton et la plupart des Antilles, ainsi qu'on l'a vu plus haut. Les colonies américaines durent à la fertilité de leur sol une rapide prospérité; la culture des cannes à sucre introduite aux Antilles, celles du tabac,dans les riches terres de la Virginie, du café et du riz importés de Madagascar dans la Caroline, devinrent pour l'Angleterre une source de bénéfices immenses ; elle confia ce commerce colonial à une Compagnie du Sud qui le fit souvent à main armée et s'enrichit encore par la contrebande et la dévastation des autres colonies, surtout de celles de l'Espagne. L injustice de l'Angleterre elle-même envers ses colons provoqua leur soulèvement. Révolte des Anglo-Américains (). —• La Grande-Bretagne épuisée par la guerre de Sept ans, se laissa persuader par lord Grandville, beau-frère de Pitt, de pressurer ses colonies du continent américain par de nouveaux impôts ; celui du timbre () qui les forçait à employer dans leurs actes un papier timbré à Londres et vendu fort cher,ayant provoqué un soulèvement,futreliré, mais remplacé deux ans après par un impôt :sur le verre', le papier et le thé. Une résistance plus vive encore fut opposée à cette taxe arbitraire; les habitants de Boston jetèrent même à la mer trois cargaisons de thé, venues de Londres et fermèrent leur port. Il s'agissait pour l'Angleterre de se désister de ses prétentions ou de s'armer contre ses colonies, elle prit ce dernier parti, malgré l'élo- quente opposition () de William Pitt, devenu lord Cha- . tam, qui proposait au Parlement le moyen de concilier les droits des colons américains avec ceux de leur métropole. Guerre d'A....érlque (). — /Angleterre se retrouve aux prises avee la France ( S-l'S). — Les Américains, après avoir ouvert les hostilités par la victoire de Lexington, donnent le commandement en chef à un riche planteur de la Virginie, Washington, qui avait révélé ses talents militaires au Canada dans la guerre de Sept ans; il débute par expulser les Anglais de Boston. Enhardi par ce succès, un congrès tenu à Philadelphie, rompant irrévocablement les liens qui unissaient l'Amérique anglaise à la mère-patrie, déclare ses treize états indépendants sous le nom d'Etals-Unis ( juillet ), et envoie réclamer leconcours des puissances européennes pour soutenir cette indépendance. Le Congrès avait proclamé solennellement les prétendus droits inaliénables des peu ples, entre autres celui de s'élever contre leurs souverains. Ces principes étaient l'écho-du Philosophisme qui travaillait alors la France, aussi l'envoyé américain, Benjamin Franklin, y fut-il reçu avec un enthousiasme que porta à son comble la nouvelle de l'éclatante victoire de Washington à Saratoga (); le général anglais Bourgoyne avait dû mettre bas les armes avec tous les siens. Louis XVI cédant, non sans une juste répugnance, à l'opinion publique,recon nut l'indépendance des Etats-Unis et signa avec eux un traité d'alliance qui fut pour l'Angleterre une déclaration de guerre; elle rappela immédiatement de Paris son ambassadeur. La guerre commencée sur le continent américain, s'étendit bientôt aux Antilles, dans l'Indoustan, en Europe où elle rallia successivement à la cause des Elats Unis, l'Espagne, la Hollande, la Russie, etc.; l'Angleterre se trouva bientôt seule aux prises avec la ligue des neutres () ; en Asie, Haider-Ali unissait victorieusement ses () Voir au cours d'histoire littéraire: tome -, page . efforts à ceux du célèbre marin français le bailli de Suffren pour anéantir la puissance britannique dans l'Inde. Les détails de la guerre d'Aménque ayant été donnes sous Louis XVI, il suffit de rappeler ici que Savannah, Saintes et Gibraltar furent les seuls noms qui purent consoler les Anglais de leurs nombreux rever's. Enfin Georges déposa les armes et, par le traité de Versailles (), signé avec toutes les puissances, il reconnut l'indépendance des Etats-Unis, fit à la France des restitutions coloniales considérables, et rendit Minorque à l'Espagne. Puissance coloniale, maritime et Industrielle de l'Angleterre. — La guerre continua d'abord aux Indes où Tippoo -Saïb fils et successeur () d'Raider-Ali, defendait avec non moins d'éner gie la nationalité indienne; mais privé par le traité de Versailles de l'alliance de la France, il signa la paix () avec Georges Ill. Ses nouvelles tentatives de à Î ne seront pas plus heureuses; l'Angleterre devint la véritable maîtresse de l'Inde qui fut pour elle une source d'immenses et inépuisables richesses; mais on ne saurait trop flétrir les exactions de ceux qui turent chargés -de la régir : lord Clive fut l'impitoyable dévastateur du Bengale, et les odieuses concussions du premier gouverneur-général Warren Hastings, le Verres moderne, furent telles, que l'Angleterre lui intenta en un procès fameux qui dura sept ans. Ce vaste empire des Indes où l'Angleterre compte aujourd'hui millions de sujets, la dédommageait amplement de la perte des Etats-Unis ; elle avait en outre de nombreuses et importantes possessions dans les deux continents, et les expéditions du vaillant capitaine Cook (-) lui ouvraient un monde nouveau dans l'océan pacifique ; elle établissait à Botany-Bay un lieu de dépor. tation et tondait Sidney (). Dès la fin du 'iix-huitiè'De siècle, elle était la première puissance maritime et coloniale du globe, et elle en devenait encore par suite, la contrée la plus commerçante etja plus industrieuse. " Mais cet empire sur la matière ne saurait constituer aux nations, non plus qu'aux individus, une véritable-grandeur ; elles aussi ont des destinées plus hautes: elles doivent aspirer à la puissance morale qui les régénère sans cesse et les élève jusqu'à Dieu qu'elles ont pour mission suprême de glorifier ici-bas. Ainsi que l'a remarqué une plume catholique que l'amour pourtant si profond de la patrie n'aveugle pas (), « la gloire de. l'Angleterre différa peu de celle de l'ancienne Tyr »; elle put se vanter, comme cette superbe ville, de siéger au milieu des flots (), d'être devenue le marché des nations-(), de voir tous les vaisseaux et les nautoniers engagés-dans son commerce (); mais, comme elle aussi, ne mérita-t-elle pas ce reproche du Seigneur : « Dans la multiplication de ton commerce, ton intérieur a été rempli d'iniquités et tu as péche. » (). Ses immenses richesses coloniales augmentèrent au sein de ses populations les éléments corrupteurs accumulés déjà par la Réforme; et sa puissance maritime devint comme celle de la ville Sidonienne If une pierre d'achoppement dans la Maison d'Israël (). Son pavillon alla semer sur toutes les plages, les erreurs du Protestantisme et les principes d'anarchie politique et sociale qu'il renferme ; il se fit dans le monde entier, l'antagonisme de l'Eglise de Jésus-Christ. Heureusement cet antagonisme s'affaiblit aujourd'hui par suite de la réaction catholique dont l'Angleterre est le théâtre, réaction qui.permet d'espérer son prochain retour à la foi de ses pères ; alors sans doute cette nation naturellement religieuse, prenant à cœur de donner à l'Eglise autant d'enfants qu'elle lui en a ravi, fera du pavillon britannique un des apôtres du Catholicisme dans tout l'univers. Georges III fut atteint pour la première fois en de () L'auteur d'une Histoire d'Angleterre (en anglais), des Chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem (KnighLs of Sain't John), etc. () actuel, chap. XXVIII.- () Isaïe, chap. XXIII.- () Ezécliiel, chap. xxvii. — () Ezéchiel, chap. XXVllI. — () Ezéchiel, chap. xxvm. la maladie mentale qui, cédant à diverses reprises, finit par le priver complètement de la raison pendant les dix dernières années de sa vie. Son fils le Prince de Galles exerça la régence: Georges III est le grand-père de la, reine Victoria. CHAPITRE IV PÉNINSULE HISPANIQUE . ESPAGNE ( S - S ) l , Depuis la paix de Rastadt jusqu'à l'avènement de Charles III (-). Seconde partie du règne de Philippe V ( ). — Ministère d Albéroni (-). — A peine sorti de la longue lutie qu'il avait dû soutenir pour l'affermissement de son trône, Philippe V faillit être remis aux prises avec l'Europe par un Italien qu'il avait appelé au ministère, l'abbé Albéroni élevé peu après au cardinalat. Homme d'Etat habile et énergique, génie vaste, mais audacieux, qui ne regardait que le but sans tenir aucun compte des obstacles, Albéroni se proposa de relever l'Espagne au dedans et ail dehors. Son administration intérieure a mérité de grands éloges; il rétablit l'ordre dans les finances et l'armée, créa une marine royale, répara le port de Cadix, etc. ; mais ses entreprises extérieures dépassèrent les forces de la monarchie espagnole : rendre à Philippe V ses possessions perdues en Italie, lui donner la régence de France après l'avoir enlevée au duc d'Orléans, entin rétablir les Siuarts sur le trône d'Angleterre avec le concours de Charles XII roi de Suède, et même de Pierre-le-Grand, car il voulait aussi réconcilier les deux rivaux, tels furent les gigantesques projets du cardinal-ministre. Tous échouèrent ainsi qu'on l'a déjà vu au début du règne de Louis XV; son unique succès, la conquête de la Sardaigne sur l'Empire, provoque la Quadruple alliance () qui arme la France, l'Angleterre, l'Empire et la Hollande contre l'Espagne dont les armées sont battues de toutes paris; en même temps, l'escadre qui poriait, Espagnols en Ecosse pour la cause de Jacques Ill, est presque entièrement dispersée par la tempête. Philippe V ne sort de ce conflit qu'en renvoyant son ministre et en adhérant à la Quadruple alliance ; il dut consentir à voir passer la Sicile à l'Empire, et la Sardaigne à la Savoie. En retour les duchés de Parme et de Plaisance où la postérité masculine des Farnèse allait, s'éteindre, furent déclarés reversibles sur la tête des fils de sa seconde femme, Elisabeth de Parme, nièce du dernier duc. Peu après, Philippe V cimentait sa réconciliation avec la France en acceptant pour son fils aîné l'Infant Louis,la fille du duc d'Orléans, et en envoyant à la cour de Versailles sa tille âgée de cinq ans pour être fiancée à Louis XV ; néanmoins la petite princesse ne devait jamais partager le trône de France où s'assit Marie Leczinska. Ilèffiic éphémère de Louis Ier ( )'.). Intervention dans les guerres européennes (?»S-). — Philippe V fatigué des soucis de la royauté et désireux de vaquer exclusivement au soin de son salut éternel, abdique solennellement au palais de l'Escurial en faveur de l'Infant Louis (); mais au bout de quelques rmois, la mort de ce jeune prince, l'oblige à reprendre le sceptre, son second fils Ferdinand n'avait encore que onze ans. L'intervention de Philippe V dans la guerre de la Succession de Pulogne avait eu pour résultat la conquête du royaume de Inaptes enlevé à l'Empire et dont la possession fut confirmée à son fils Don Carlos par la paix de Vienne (). L'empereur Charles VI recouvra alors Parme et Plaisance où régnait depuis quatre ans Don Carlos. L'Espagne jouil alors de quelques années de paix et de prospérité sous la sage administration de Pintho qu'elle surnomma son Colbert; mais cet habile ministre lui fut enlevé au moment où ses services lui devenaient plus nécessaires. Ses efforts pour s'opposer au commerce decontrebandeque faisaient les Anglais dans les colonies .espagnole:z, furent qualifiés par l'Angleterre d'infractions au traité d'Utrecht, et une guerre maritime éclata entre les deux puissances (); bientôt elle se compliqua de celle de la Succession d'Autriche (-). Philippe Vjugeant l'occasion favorable pour reconquérir ses possessions d'Italie, unit ses armes à celles de la France dans la Péninsule, mais il ne vit point la fin de cette guerre. Mort de Philippe V ( ). Résultats de son règne. — Une attaque d'apoplexie foudroyante enleva à i'âge de soixante-deux ans ce bon prince qui n'avait cessé d'honorer le trône par sa piété et ses vertus. Desireux d'assurer l'independance de sa couronne en écartant à jamais les rivaux qui l'avaient si longtemps disputée, il changea l'ordre de succession et fit établir par les Cortès la loi salique, espérant garantir ainsi la nationalité espagnole. La bravoure de ce monarque sur le champ de bataille prouva que son cœur ne connaissait point la crainte; mais son esprit manquait de cette force, de cette résolution qui imprimentde l'énergie à la volonté; heureusement le caractère ferme et mâle des deux princesses qui partagèrent son trône y suppléa : les noms de Louise Gabrielle de Savoie et d'Elisabeth de Parme ne sont pas sans relief dans l'histoire, et l'Espagne recourra sous Philippe V un éclat, une grandeur dont elle n'avait pas joui depuis Philippe Il. Ses armes avaient replacé sous son sceptre () Oran cette conquête de Ximénès dont les Maures s'étaient emparés () à la faveur de la guerre de la Succession d'Espagne ; elles -avaient fait asseoir sa dynastie sur le trône de Naples,et lui préparaient encore la couronne ducale de Parme. Digne petit-fils de Louis XIV, Philippe V encouragea aussi les lettres et les arts; il fonda diverses académies, dota Madrid d'une bibliothèque royale, fit élever plusieurs beaux monuments, entre autres le magnifique palais d'été la Granja, près de Saint-lldefonse ; il l'appelait son petit Versailles. Il laissait un fils de sa première femme, Ferdinand, VI qui lui succéda; et d'Elisabeth Farnèse, Charles Vil roi de Naples et Don Philippe. Ferdinand VI (-) engagé à son avènement dans la guerre de la Succession d'Autriche, en sortit avec honneur, grâce surtout à la France son alliée : la paix d'Aix-la-Chapelle investit son frère Don Philippe des duchés de Parme, de Plaisance et de Guastalla. L'Espagne était relevée à l'extérieur; Ferdinand VI, voulant s'appliquer exclusivemeut à sa prospérité intérieure, conserva une sage et inflexible neutralité dans la guerre de Sept ans, et repoussa également l'offre de Minorque et celle de Gibraltar que lui firent tour à tour la France et l'Angleterre pourobtenir son alliance. Livré tout entier aux soins du gouvernement, il se rendit accessible à tous ses sujets, fixant deux jours par semaine pour ses audiences publiques; il releva les finances, bien qu'il diminuât les impôts, introduisit de salutaires réformes dans toutes les branches de l'administration et conclut avec Benoît XIV un concordat qui régla la collation des bénéfices. L 'Espagne reconnaissante lui décerna le surnom de Sage, malheureusement après un court règne, ce bon prince succomba () au chagrin que lui causa la mort de la vertueuse Marie Thérèse Barbe, sa femme, princesse de Portugal. Comme il ne laissait point d'enfants, son frère Charles Vil roi de Naples, abandonna sa couronne et vint ceindre celle d'Espagne sous le nom de Charles III. g . Charles III (-), Charles III (' QU- j '). Politique extérieure («-).— Le nouveau roi garda d'abord la neutralité observée par Ferdinand VI dans les conflits de l'Europe ; mais cédant enfin aux instances de Choiseul, ministre de Louis XV, il signa le Pacte de famille () par lequel tous les princes de la Maison de Bourbon unissaient intimement leurs intérêts, et dont l'effet immédiat fut d'entraîner l'Espagne contre l'Angleterre dans la guerre de Sept ans. Elle y essuya des pertes considérables, finalement celle de la Floride que la paix de Paris () l'obligea d'abandonner à l'Angleterre victorieuse. La France l'en dédommagea peu après en lui cédant la Louisiane. Plus tard () la résurrection de sa marine permit à l 'Espagne de jouer un rôle important, toujours comme auxiliaire de la France, dans la guerre d'Amérique; elle ne put cependant, malgré trois ans de siège, reprendre aux Anglais Gibraltar habilement défendu par Elliot: mais elle recouvra Minorque au traité de Versailles (). Administration intéMeMre — Charles III poursuivit les améliorations commencées par Ferdinand VI;il restaura la marine, favorisa l'agriculture, le commmerce, l'industrie, fit tracer des routes, creuser des canaux, etc; mais il veilla par-dessus tout à l'administration de la justice : quant à son zèle pour la prospérité de la religion, ce n'est pas sans tristesse que nous le signalons ici, non que cezèle n'ait été sincère ; la foi et la piété de Charles III le rendirent d abord si soumis, si dévoué à l 'Elise, que le pape Clément XIII put lui écrire : cc qu'il était sa joie et sa couronne, sa consolation et son appui parmi les flots agités qui tourmentaient son orageux pontificat. » Mais le temps où le Pontife romain pouvait tenir à juste titre un pareil langage devait être de courte durée ; Chales III allait bientôt se réunir aux princes qui outrageaient l'Église et affligeaient le Père commun, le Vicaire de Jésus-Christ. Si sa piété et son amour du bien étaient sincères, la nature même de son esprit ne le mettait pas assez en garde contre les influences trompeuses, et la ténacité de son caractère l'empêchait de revenir ensuite sur ses premières résolutions. Tant qu'il fut soutenu par la fermeté de la pieuse reine Elisabeth, sa mère, il échappa à ces fâcheuses influences: luin de partager les préven- tions haineuses des cours de Lisbonne et de Versailles contre les Jésuites, il ne cessa de donner à ces saints religieux de nombreuses preuves de son estime et de sa confiance, et repoussa les perfides insinuations de Choiseul qui, connaissant la faiblesse de son esprit, invoquait le pacte de famille pour l'associer à l'inique complot tramé contre la Compagnie de Jésus. Mais la mort d'Élisabeth de Parme laissa le faible monarque à la merci des intrigants , il eut le malheur d'investir de sa confiance des hommes imbus du Jansénisme et du Philosophisme; à leur tête figura tristement le comte d'Aranda, l'ami dévoué de Choiseul et l'émule du ministre portugais, Pombal. Violente expulsion des Jésuites (ÎÎ). Le nouveau ministre et les principaux personnages placés sous ses ordres, usèrent de toute leur puissance de conseil et d'action pour ruiner les Jésuites dans l'esprit du roi. Après les lui avoir représentés comme les auteurs d'une sédition populaire dite des Chapeaux (), d'Aranda ourdit contre eux une des plus perfides machinations dont l'histoire ait laissé le souvenir. Avec la plume de Choiseul, disent quelques-uns, une lettre est fabriquée au nom du père Ricci, général des Jésuites à Rome, à l'adresse du Père recteur de Madrid ; D'Aranda la fait saisir avant que le religieux en ait pu prendre connaissance, et l'envoie au roi Cette lettre diffamait Charles et révélait le prétendu projet de faire passer la couronne sur la tête de son frère. L'infortuné et trop crédule roi se laisse prendre dans le piège; profondément blessé, et dans l'endroit le plus sensible, il hésite quelque temps ; enfin, pressé par le perfide d'Aranda et ses créatures, il se décide à expulser violemment les Jésuites, sans les juger, sans même leur faire connaître le crime dont ils étaient accusés. () Celte sédition ent pour prétexte la défense de porter des chapeaux à larges bords qui empêchaient de reconnaître les criminels. DtS paquets fermés d'un triple sceau qui ne doit être brisé qu'au jour fixé, sont expédiés de Madrid dans toutes les directions. Le avril , à la même heure, au nord et au midi de l'Espagne, on Afrique, en Asie, en Amérique et dans toutes les îles de la monarchie, les gouverneurs-généraux des provinces, les alcades des villes, ouvrent les mystérieux paquets; la teneur en était uniforme : sous les peines les plus sévères, on dit même sous peine de mort, il leur était enjoint à tous de se rendre à main armée dans les maisons des Jésuites, de les en chasser, gardant sous scellés leurs papiers et ne leur laissant emporter que leurbréviaire et quelques vêtements ; enfin de les transporter comme prisonniers dans les vingt-quatre heures à tel port désigné d'avance ; les captifs devaient s'y embarquer à l'instant même. Ces ordres furent exécutés avec une précipitation barbare: près de , Jésuites brusquement arrachés à leur patrie et dépouillés de tout, furent relégués à fond de cale et lancés en mer sans but déterminé, sans direction précise. Plusieurs accablés d'ans et d'infirmités, succombèrent à la tatigue, à la misère ou à la faim; les autres, après d'incroyables souffrances, supportées avec une résignation héroïque, furent abrités en Corse par Gênes ; mais, l'année suivante, cette île ayant été cédée à la France, la haine de Choiseul les en bannit aussitôt. Ils allèrent alors chercher refuge au milieu de leurs frères exilés comme eux, dans cet asile préparé pour toutes les infortunes, le Patrimoine de Saint Pierre. Charles III anéantit ainsi en un seul jour dans son royaume, cet Ordre qui y avait rendu à la religion et à la science de si éclatants services « cet Ordre qui devait son origine et sa splendeur à ces saints héros que Dieu avait voulu choisir dans la nation espagnole pour propager par toute la terre sa plus grande gloire. » Protestation de l'Église. — Cette iniquitébri.-a l'âme de Clément Xlli , il écrivit au roi d'Espa,,tie : « Ainsi, vous aussi mon fils ! Tu quoque Fili mi! i:.ulÚ, notre très cher fils Charles III, roi catholique, doit îirt celui qui remplit le calice de nos peines, et plonge dans le tombeau, baignée dans les larmes et dans la douleur, notre vieillesse malheureuse! » Mais Charles III incapable de revenir sur une première impression, resta insensible à la douleur et aux représentations du Vicaire de Jésus-Christ; il refusa même obstinément de lui confier le motif pour lequel il avait expulsé les Jésuites; le décret qui les frappa, portait que le prince gardait dans son cœur royal ce motif que nul acte officiel, nul document n'a jamais révélé. Mais tous les contemporains sont unanimes à reproduire le fait de la lettre calomniatrice fabriquée au nom du Père Ricci. A l'exemple et sous la pression continuelle de Choiseul, Charles III ne cessa de poursuivre les Jésuites de son implacable haine ; il les fit expulser de Naples par le roi son fils, ou plutôt par le ministre Tanucci, et de Parme, par son neveu Ferdinand de Bourbon qu'il soutint encore dans l'usurpation des droits sacrés de l'Eglise; enfin, il fit auprès du Saint-Siège, les plus impérieuses instances pour obtenir la destruction complète de la Compagnie de Jésus. Il atteignit son but (I), mais non sans avoir considérablement affaibli chez les Espagnols, cet empire puissant de la religion qui les avait maintenus dans le respect, la soumission et l'amour envers leurs souverains. D'Aranda acheva de bouleverser l'Espagne en renversant ses anciennes institutions, et, après sa disgrâce, Floi%da Blanca el Campomanez, marchèrent sur ses traces ; aussi Charles III ne labsa-t-il à son fils Charles IV (), qu'un trône ébranlé d'où la révolution le fera facilement descendre; elle livrera son royaume à l'invasion étrangère qui l'enverra mourir en exil. ( ) Toutefois disons par anticipation pour réhabiliter la dynaslie d'Espagne, que l'année même qui suivit le rétablissement de la Compagnie de Jésus dans l'Eglise, par Pie VII, le petit-fils de Charles , Ferdinand Vil, la rappela dans ses. Etats (), proclamant solennellement son innocence,et flétrissant à jamais-" la perfidie de ceux qui, par les plus noirs artifices, avaient arraché à son aïeul Charles III, l'expulsion des saints religieux. n. PORTUGAL ( * - Z). Jean V. — Joseph Ier. — Dona Maria Ire et Pedro III (-). jean V(-) engagé par son père Pedro Il dans la guerre de la Succession d'Espagne, signa un des premiers la paix d'Utrecht afin de se livrer tout entier au gouvernement de son peuple. Entouré d'hommes capables et vertueux auxquels il confia les charges les plus importantes, il s'efforça de faire refleurir le commerce entravé par l'Angleterre depuis le traité de Méthuen, favorisa les lettres et les arts, dota le Portugal d'une académie et de monuments religieux ou d'utilité publique, parmi lesquels on cite le magnifique couvent de Mafra, la chapelle de Saint-Roch, l'aqueduc d'Alcantara, l'hôpital de Caldas,etc. ; mais le pieux monarque s'attacha surtout à rendre la religion florissante.. Il obtint du Pape l'érection de l'évêché de Lisbonne en Patriarchat () sous la juridiction duquel furent placées' les missions portugaises d'Asie et d'Amérique ; sa soumission et son dévouement au Saint-Siège réparèrent si bien la résistance momentanée qu'il lui avait faite pour un changement de nonce, que Benoît XIV lui donna le glorieux titre de roi très fidèle, porté depuis par ses successeurs. Si dans sa conduite privée, Jean V sacrifia parfois le devoir à l'attrait du plaisir, l'amour qu'il sut exciter dans le cœur de ses sujets, le bonheur et la prospérité dont ils jouirent sous son règne, le justifient pleinement des odieuses calomnies dont l'ont chargé les philosophes du dix-huitième siècle,etque,sansexamen,des plumes d'ailleurs bien intentionnées, ont malheureusement reproduites. Il mourut en laissant deux fils: Joseph Ier qui lui succéda,et don Pedro que son mariage appellera aussi au trône. Joseph I\!r lîoO iîîî Odieux ministère de Pombal. — Joseph Ier, prince faible et indolent, abandonna le pouvoir à son ministre Sébastien Carvalho, plus connu en Europe sous le triste nom de marquis de Pombal. Epris des innovations politiques et surtout religieuses recueillies dans ses voyages au contact des protestants, des jansénistes et des philosophes, l'audacieux ministre n'aspire à rien moins qu'à changer la face du Portugal; il n'y réussit quP. trop. Il s'acquit d'abord quelque crédit par des améliorations dans le commerce, l'industrie, et par la réparation active des désastres que causa à Lisbonne l'affreux tremblement de terre de ; le tiers des maisons disparut et , personnes périrent. Mais le despotisme et la cupidité de Pombal ne tardèrent pas à provoquer des haines et des soulèvements qu'il réprima avec la dernière rigueur; celui de Porto compta cent cinquante victimes qui furent condamnées à mort, aux galères ou au bannissement. La haute noblesse ne fut pas épargnée : les Mendoza, les La Cerda, les Bragance même, furent dépouillés de leurs biens et envoyés en exil. Arrivé par la terreur au faîte du pouvoir, l'impie Carvalho veut ravir au Portugal la pureté de. sa foi, le soustraire à la juridiction du Saint-Siège et lui créer une église nationale, indépendante comme celle d'Utrecht. Il commence par rouvrir à l'incrédulité en faisant traduire en portugais les œuvres de la littérature voltairienne; puis, par des vexations de toutes sortes, il ruine l'influence du clergé et surtout des évêques; enfin, comme les Jésuites, vénérés en Portugal sous le nom d'Apôtres, étaient le plus grand obstacle à ses criminels desseins, il inaugure contre eux cette violente persécution que les cours bourbonniennes poursuivirent tour à tour pendant quinze années,etqui amena la disparition de la Compagniedé Jésus. Persécution contre les Jésuites(-). Après avoir fait inonder le Portugal et par suite l'Europe, d'infâmes libelles contre les Jésuites, Pombal les chasse violemment de la cour où ils possédaient la confiance de la famille royale; il leur fait interdire le ministère, s'efforce de surprendre le Saint-Siège par d'odieuses calomnies, enfin il se résout à les immoler d'un seul coup. Le septembre , le bruit d'un attentat nocturne contre la vie du roi se répand subitement dans Lisbonne; Joseph er se cache à tous les regards; son ministre médite dans l'ombre. Après quelques délais qui surprennent, Pombal fait saisir et emprisonner les principaux membres de deux nobles familles qui sont jugés par des créatures du ministre, et condamnés au dernier supplice comme criminels de lèse-majesté ; leurs tortures, leur mort révoltent tous les sentiments généreux. Les Jésuites sont impliqués dans l'attentat prétendu ; deux cent-vingt-un sont jetés dans les cachots humides et infects des bords du Tage où la moitié trouvera la mort. Trois sont jugés et condamnés à périr; on n'ose toutefois les exécuter; mais deux ans plus tard, l'un d'eux le Père Malagrida, saint vieillard qui avait échappé pendant quarante ans à la hache des sauvages d'Amérique, fut brûlé sur la place de Lisbonne comme coupable d'hérésie; enfin un édit royal supprima la Compagnie de Jésus () en Portugal et dans toutes les colonies, déclarant ses membres traîtres et rebelles, et confisquant leurs biens. De tous côtés les Jésuites sont aussitôt saisis, entassés dans des vaisseaux, poussés en haute mer et jetés comme une injure sur les côtes des Etats Ponti. ficaux. Clément XH!, navré de douleur, leur ouvrit ses bras paternels; ce n'était, hélas! que le début des amertumes qui devaient dès lors abreuver sa noble vie et le conduire au tombeau. Rupture du Portugal avec le Saint-Siège ( '- iîo). — Délivré de ses plus redoutables adversaires, Pombal poursuit activement son criminel dessein d'établir une église nationale : après avoir violemment expulsé le nonce de Lisbonne, il rappelle de Rome l'ambassadeur portugais et défend toute communication avec le Saint-Siège. Clément Xlll profondément affligé de voir plonger dans le schisme une nation autrefois si fidèle à l'Eglise, multiplie ses instances auprès de Joseph Ier, nous décidant, lui écrivit-il, à faire irruption dans votre âme de fils par la violence de notre amour paternel. » Il dai- goa même adressec un bref au coupable ministre; mais il ne fut répondu à ses touchantes sollicitations que par des injures inqualifiables.Si le Portugal se réconcilia avec Rome sous Clément XIV, c'est que Pombal eut l'audace de faire, de cette réconciliation, le prix de la destruction complète de la Compagnie de Jésus, qu'il arracha au Saint-Siège de concert avec les princes de Bourbon. Mais l'impie ministre ne révoqua pas ses lois antireligieuses ; il continua à favoriser la propagation des doc. trines les plus perverseg,et fit entrer le Portugal dans une ère de troubles et d'impiété d'où il n'est pas encore sorti. Son cruel despotisme alla toujours croissant : après avoir fait déjà périr , personnes, il déclara traitre à l'Etat quiconque blâmerait ses actes, et fixa des récompenses pour les délateurs. L'indignation publique allait éclater lorsque la mort de Joseph er () appela au trône sa fille Marie. Doua Maria I" (V- avec Pédro III.) Chute de Pombal. — Marie avait épousé son on. cle Pierre qui, sans pourtant participer au gouvernement, fut proclamé roi sous le nom de Pedro III. Obligée tout aussitôt de mettre Pombal en jugement, la reine refusa de lui infliger, à cause de son grand âge, la peine de mort justement décrétée contre lui et se borna à l'exiler dans sa terre oùil mourut misérablement (S) (). () La divine justice permit que son corps fût privé de sépulture; deux fois même la vengeance populaire jeta ses cendres au vent; recueillies par la compassion des Franciscains de Pombal, elles furent déposées dans une bière recouverte d'un poële funèbre, et restèrent ainsi pendant un demi-siècle dans une chapelle de l'église de ce,; bon? religieux. Lorsque après soixante-dix années d'exil, les Jésuites furent rappelés en Portugal (), par Don Miguel, un de leurs premiers actes fut d'aller à Pombal porter sur ce cercueil délaissé, le pardon de la Compagnie, et implorer pour le coupable ministre celui de Dieu en célébrant une messe de Requiem. Ils reçurent des descendants de Pombal le désavœu le plus complet de la cruelle persécution dont ils avaient été les victimes. La même sentence qui le frappa, réhabilita ses victimes : plus de , personnes, dont un grand nombre appartenait à la haute noblesse, furent rappeiées de l'exil ou rendues à la liberté; alors aussi les Jésuites survivant dans les cachots du Tage, revirent la lumière du jour après dix-sept ans de la plus dure captivité. L'affabilité de Dona Maria, son amour pour ses peuples, sa grande piété avaient fait saluer son règne comme le retour de la paix et du bonheur; mais cet espoir ne tarda pas à s'évanouir. La reine tomba dans un état de démence aggravée bientôt par la douleur que lui causa la mort de sou époux () et celle de l'un de ses fils, mais plus encore par les terreurs dont un Oratorien janséniste, son confp-sseur, remplissait son âme; l'infortunée princesse avait pour idée fixe que l'arrêt de sa damnation è.ait déjà écrit dans le ciel. Son fils l'Infant Don Juan dut prendre les rênes du gouvernement en et fut dès lors le véritable souverain du Portugal, bien qu'il ne prît le titre de roi qu'à la mort de sa mère ( . CHAPITRE V ITALIE (-) L'Italie où la domination de l'Autriche avait été substituée à celle de l'Espagne par les traités d'Utrecht et de Rastadt, resta comme au xvie et au xvue siècle, le champ de bataille des nations étrangères qui s'en disputèrent la possession; toutefois les résultats de ces nouvelles luttes différèrent,à l'avantage de sa nationalité. Dans les époques précédentes, la France, l'Espagne, l'Autriche, maîtresses tour à tour dans la Péninsule, avaient changé les principautés en provinces soumises à leurs couronnes et administrées par des gouverneurs ou des vice-rois. Au con- traire, les guerres dont l'Italie fut le théâtre au xviue siècle reconstituèrent les principautés en leur rendant à la plupart un souverain particulier; mais par suite de l'extinction des ancienne* Maison italiennes, celles de Bourbon et d'Autriche-Lorraine régnèrent, avec la Maison de Savoie, sur les états les plus importants. ROYAUME DE SARDAIGNE. Suite du règne de Yictor-Atncdée Ier ( Ti-') (). — Ce prince qui avait obtenu par la paix d'Utrecht le titre de roi avec une partie du Milanais et la Sicile, se rendit à Palerme et y séjourna pendant un an dans l'espoir d'y consolider sa puissance. Malheureusement il voulut l'étendre aux dépens des droits divins de l'Eglise et engagea avec Clément XI une lutte déplorable; les Jésuites qui défendirent le Saint-Siège contre ses empiètements, furent exclus de l'enseignement, et le monarque prévaricateur exila quatre cents ecclésiastiques pour venger l'interdit mis sur plusieurs villes de son royaume. Sans doute en punition de cette faute, Dieu permit que les nouvelles combinaisons des cabinets européens le contraignissent par la Quadruple alliance, à l'échange désavantageux de la Sicile pour la Sardaigne (j avec l'empereur Charles VI (). Il prit alors le titre de roi de Sardaigne. Fondateur de sa monarchie, il s'appliqua avec une intelligente activité à fermer toutes les plaies que la guerre avait faites à son peuple ; mais il commit la faute si déplorable d'enlever presque complètement l'éducation de la jeunesse aux mains sacerdotales; aussi les générations futures verront-elles s'altérer insensiblement au milieu d'elles cette foi vive et profonde qui avait caractérisé leurs aïeux. () Bien des historiens continuent à l'appeler Victor-Amédée Il. () La Sardaigne ne comptait que , habitants, tandis que la Sicile en avait ,,. Parvenu au comble de ses vœux, le nouveau roi surprit étrangement l'Europe en abandonnant sa couronne tl son fils Charles-Emmanuel III (). Cette abdication n'excita ni les regrets du peuple qui avait beaucoup souffertdes ambitieuses entreprises de Victor-Amédée, mémo de ses réformes, ni la reconnaissance du prince appelé au trône avant le temps. Ce fils ingrat et dénaturé ouvrant son cœur aux soupçons et à la défiance, retint son père prisonnier dans le château de Montcaliéri et l'y laissa mourir sans le revoir , bien que le royal vieillard réclamât avec instance sa visite. « C'est beaucoup pour un roi, trop pour un père, mais pas assez pour un pécheur r, dit le monarque mourant, en s'humiliant sous ce cruel refus. Charles EtMtManMet III ( t- "'). — Victor-Amédée Il ( ). — Mauvais fils, Charles-Emmanuel fut encore un prince déloyal et perfide, vendant son alliance au plus offrant.Dans la guerre delà Successionde Pologne, au momentoù il proteste à la Maison d'Autriche qu'il n'est point l'allié de celle de Bourbon, il envahit le Milanais et ne le rend à Charles VI à la paix dt. Vienne, qu'en se faisant céder Tortone et Novare. S'il combattit avec Marie-Thérèse pour la défense de sa succession, ce ne fut qu'en négociant sans cesse avec la France pour faire craindre sa défection à la cour df' Vienne et mettre à plus haut prix sa fidélité. Le règne de son fils Victor-Amédée Il (-) n'offre rien de remarquable ; mais ce prince attira du moins à sa cour un ange de vertu, Madame Clotilde de France, sœur di; Louis XVI,qu'il unit à son fils Charles-Emmanuel IV. MILANAIS. — TOSCANE Le Milanais,cédé par l'Espagne à l'Autriche au traité de Rastadt ( î ), fut le seul état important de la péninsule qui resta province d'une monarchie étrangère. Ravagé par les puissances belligérantes dans chacune des guerres dont l'Italie fut le théâtre au xvme siècle, il fut dé- membre par chacun des traités qui suivirent; cependant, la plus grande partie demeura à l'Autriche. Joseph Il y porta aussi le trouble par ses funestes réformes. La Toscane ayant vu s'éteindre en la dynastie des Grands-ducs de Médicis, fut donnée à François de Lorraine, gendre de l'empereur Charles VI, ainsi que l'avait stipulé deux ans auparavant la paix de Vienne. Heureuse sous ce bon prince devenu empereur d'Allemagne, la Toscane passa, à sa mort, sous le gouvernement de son second fils Léopold () qui, entraîné par l'exemple de son frère Joseph , se montra comme lui le fléau de l'Eglise. Il autorisa le malheureux Ricci, évêque de Pistoie à tenir dans cette ville un synode janséniste () d'où sortirent quatre-vingt-quinze propositions qui furent condamnées par P.e VI (). Léopold songeait à établir en Toscane une église nationale lorsque,:i la grande satisfaction des Toscans, il s'éloigna pour aller ceindre la couronne impériale de son frère Joseph mort sans enfant (). PARME ET PLAISANCE Avènement des Bourbon» (Iî-IS). —Expulsion des Jésuites (GS). — La postérité masculine des Farnèse qui gouvernail Pdime et Plaisance depuis , disparut en . Ainsi qu'on l'a déjà vu, leur héritage fut dévolu aux fils d'Elisabeth Farnèse et de Philippe V, roi d'Espagne; Don Carlos l'aîné qui régna d'abord à Parme, céda ce duché à l'Empire en pour aller occuper le trône de Naples ; mais la paix d'Aix-la-Chapelle investit définitivement son frère Don Philippe des duchés de Parme, de Plaisance et de Guastalla où les Gonzague venaient aussi de s'éteindre; ce jeune prince devenait le chef de la quatrième dynastie régnante des Bourbons. Malheureusement il prit pour ministre un français, Dutillot, marquis de Félino, imbu de toutes les idées philosophiques de son siècle; ses réformes anti-religieuses et anti-sociales bouleversèrent les états de Parme, surtout .so-us le fils de DonPhilippe, l'Infant Ferdinand (). En vertu du Pacte de famille, ce jeune prince fut sollicité de s'unir aux cours de Naples, de Madrid et de Versailles devenues les antagonistes de l'Eglise et les persécutrices de la Compagnie de Jésus ; Dutillot se fit l'âme de ces sollicitations; il commença par arracher à l'inexpérience de Ferdinand,un éditattentatoireauxdroitsspintuelsetmétne temporels du Saint-Siège sous la suzeraineté duquel était placé depuis des siècles le duché de Parme; puis il fiL suivre cet édit de l'expulsion des Jésuites (). Un bref de Clément Xlll ayant cassé l'édit sacrilège, tous les princes de la Maison de Bourbon s'unirent pour en obtenir à main armée la rétractation : Choiseul fiL saisir Avignon, le roi de Naples Ferdinand er s'empara de Bénévent et de Ponte-Corvo, mais le Pape resta inflexible ; Don Ferdinand finit par renvoyer Dutillot. Ce prince se verra enlever ses états par les armées républicaines de la France. ROYAUME DE NA.PLES OU DES DEUX-SIGILES Avènement des Bourbons : Charles VII (-), — Ce royaume avait été partagé par les traités d'Utrecht et de Rastadt, entre l'empereur Charles VI qui eut Naples, et Victor-Amédée er qui reçut la Sicile ; mais cette île, ainsi qu'on l'a vu, retourna en à l'Empire, et la Savoie dut accepter la Sirdaigne en échange. Le règne de la Maison d'Autriche à Naples fut de courte durée ; en , elle abandonna par la paix de Vienne, ce trône au fils de Philippe V, Don Carlos, qui en avait fait la conquête et qui y commença, sous le nom de Charles VII (), la troisième dynastie royale des Bour- () Il est appelé Charles IV par ceux qui, faisant abstraction des princes d'Anjou à Naples, ne comptent que ceux de * maison d'Autriche: Charles ler (Charles-Quini), Charles II, Charles (l'empereur Charles VI), qui y régna de à . bons ; le nouveau roi affermit sa couronne par l'éclatante victoire de Vellefri (), remportée sur les Impériaux, pendant la guerre de la succession d'Autriche. Rendu tout aux soins du gouvernement par la paix de , Charles VII s'y adonna tout entier; il conclut avec Benoît XIV, un concordat par lequel il régla les droits du clergé, tenta des améliorations dans la législation, encouragea les lettres et les arts, fonda plusieurs académies, embellit Naples de beaux et utiles monuments, etc. Nous ne reviendrons pas sur le caractère de ce prince déjà dépeint à l'Espagne qu'il gouverna sous le nom de Charles ; mais à Naples, comme plus tard à Madrid, il eut le tort de mal choisir les dépositaires de sa confiance ; son ministre, le philosophe l'anucci, se lança dans une voie de réformes qui froissèrent le sentiment religieux et national des Napolitains, et c'est lui que Charles Vil chargea de la tutelle de son fils Ferdinand IV âgé de huit ans, lorsque la mort de son frère, qui ne laissait pas d'enfants, l'appela à régner sur l'Espagne. Ferdinand IV () tt ). — Tanucci. — Proscription des Jésuites (IWCf). — Le réformateur Tanucci ne pouvait manquer de seconder l'infortuné Charles III d'Espagne qui, devenu par faiblesse l'implacable ennemi des Jésuites, voulut les faire bannir aussi de Naples par son fils. Le jeune Ferdinand IV,plein de reconnaissance et d'affection pour ces saints religieux qui l'avaient élevé, refusa d'abord énergiquement de se faire leur persécuteur; mais il finit par céder à la pression paternelle et à celle de son ministre, et se laissa arracher l'expulsion des Jésuites () ; Tanucci l exécuta à la manière barbare du comte d'Aranda, et fit déporter en () Au congrès de Vienne de , il prendra le tilre de Ferdinand Ier roi des Deux-Siciles. () Plus tard Ferdinand IV, laissé à lui-même répara cette iniquité en sollicitant un des premiers, de Pie VI, le rétablissement des Jésuites dans son royaume (). un seul jour les proscrits sur les côtes des États romains (). Il parvint à les faire bannir aussi de Malte () par le Grand-Maître, feudataire du roi de Naples, et exerça également sa funeste pression sur l'Infant Ferdinand, duc de Parme ; enfin, il se montra le plus ardent auxiliaire de Charles pour obtenir du Saint-Siège la destruction complète de la Compagnie de Jésus. Ennemi déclaré de l'Église Janucci entreprit une guerre de vexations et d'outrages contre la papauté; il lui suscita des difficultés pour la juridiction des nonces, la collation des bénéfices, réunit sans son concours des évêchés et des abbayes, supprima de son chef, soixante-dix-huit monastères, etc. ; on ne savait où il s'arrêterait; mais la divine Providence permit qu'il partageât le châtiment de ses complices d'iniquité; comme Choiseul, d'Aranda, Pombal et Dutillot, il fut disgracié (). Malheureusement, la reine de Naples, Marie Caroline qui dominait son époux, ne se montra que trop la sœur de Joseph II et de Léopold de Toscane; elle favorisa les innovations religieuses, et investit de sa confiance l'Irlandais Acton qui se rendit bientôt l'objet de la haine du peuple par son despotisme. Les doctrines philosophiques propagées dans le royaume de Naples, porteront leurs fruits, et à la faveur de la révolution française forceront le souverain à prendre le chemin de l'exil. ÉTATS SECONDAIRES Modène et Regglo. — La dernière branche de la Maison d'Esté, la seule des anciennes dynasties princières de la Péninsule qui subsistât encore au milieu du XVIIIe siècle, se vit, à diverses reprises, dépossédée de ses duchés de Modène et de Reggio par les puissances qui se disputaient l'Italie. La paix d'Aix-la-Chapelle les rendit au duc François III ; il les laissa en à Hercule III dont l'unique enfant, la princesse Marie Héatrix fit entrer par son mariage () avec l'archiduc Ferdinand, l'héritage de la Maison d'Esté dans celle d'Autriche. Les armées françaises s'empareront du duché de Modène, mais il sera rendu par le congrès de Vienne, au fils de Marie Béatrix, à François IV d'Esté-Autriche. Venise, au milieu des grands conflits dont l'Italie est le théâtre, garde une neutralité systématique ; ni le passage des troupes étrangères sur son territoire, ni les puissantes Maisons d'Autriche et de Bourbon qui se fixent à ses côtés, ne peuvent arracher son aristocratie à sa somptueuse indolence ; la république, naguère si fière, préféra même acheter la paix des corsaires barbaresquesqui insultaient son pavillon, que de chercher à les réprimer. Elle sembla ne conse-rver de vie que pour prendre part à la coupable lutte engagée par tous les pouvoirs au xv Ille siècle contre l'Église de Jésus-Christ; une foule de mesures arbitraires entravèrent à Venisé la divine autorité du Saint-Siège, les Jésuites furent proscrits,et un grand nombre de couvents, supprimés avec confiscation de leurs biens. Mais l'audacieuse république devait aussi recevoir son châtiment à l'heure marquée par la divine Providence: Napoléon lui ravira cette indépendance dont elle avait pu se glorifier depuis quinze siècles. Lucques était encore plus affaiblie que Venise. Quant à Gênes, bien que par un héroïque effort, elle eût reconquis sa liberté sur les Autrichiens (), elle se sentit impuissante, après une lutte de trente-sept ans, à maintenir sa domination sur la Corse: elle céda donc à la France ses droits sur l'île rebelle () et continua dès lors de marcher vers sa décadence ; les guerres de la république française et de l'Empire consommeront sa ruine. Cependant la Corse repoussa d'abord énergiquement les nouveaux maîtres qui lui étaient imposés; la résistance de Paoli efl; celle de son fils contre Gênes d'abord, puis contre la France, jetèrent un dernier éclat sur cette petite république. Apres deux tentatives infructueuses des troupes françaises, le comte de Vaux avec cinquante bataillons et une formidable artillerie, descendit en Corse, et au commencement de , l'île se soumit enfin à la France; deux mois après y naissait Napoléon qui, trente-cinq ans plus tard, devait s'assujettir la France et l'Europe. CHAPITRE VI PRUSSE (-). Erection de ce dnebc en royaume. - Frédéric er (-). — La Prusse enlevée par le vol sacrilège d'Albert de Brandebourg, à l'Ordre Teutonique, était devenue en , toujours sous la suzeraineté de la Pologne, l'apanage de la branche luthérienne des électeurs de Brandebourg, de la famille de Hohenzollern ; le traité de Westphalie avait étendu et fixé ses frontières; celui de Weslau () arraché à Jean-Casimir, la détacha complètement de la couronne de Pologne et la donna en toute souveraineté au grand-électeur Frédéric-Guillaume. Son fils et successeur, le duc Frédéric (), voyant l'élévation de son parent Guillaume d'Orange et celle de l'électeur de Saxe Auguste , aux trônes d'Angleterre et de Pologne, aspira pour lui-même à la dignité royale; l'ayant obtenue de l'imprudent empereur Léopold Ier, moyennant un secours contre la France dans la guerre de la succession d'Espagne, il se couronna lui-même en grande pompe à Kœnisberg ( janvier ) sous le nom de Frédéric IaI. Dès lors le nouveau souverain épuisa toutes ses ressources pour imiter, dans sa cour de Postdam, le faste de celle de Versailles; il s attacha à faire fleurir les lettres et les arts dans son royaume, fonda l'Université de Halle, l'Académie des sciences de Berlin présidée par Leibnitz, favorisa l 'industrie, etc. Le pape Clément XI et les chevaliers Teutoniques protestèrent contre cette royauté usurpée, mais l'Europe la sanctionna au congrès d'Utrecht. Frédéric-Guillaume Ier (t yi t W) reçut par ce traité l^s Gueldres supérieures en échange de ses droits () sur la principauté d'Orange (Bas Dauphiné) qu'il cédait à la France. Son royaume comprenait alors le margraviat de Brandebourg, la Prusse teutonique sécularisée, les duchés de Clèves et de Magdebourg et diverses petites principautés; il y ajouta en , par la paix de Stockholm, Stettin et presque toute la Poméranie ultérieure pour prix de son accession à la coalition du nord contre Charles XII. Frédéric-Guillaume ne songea point à s'agrandir par de nouvelles conquêtes; il s'appliqua exclusivement à constituer une monarchie militaire. Ennemi juré des lettres et des arts, il rétablit par son économie les finances épuisées sous le dernier règne, congédia les savants et les artistes attirés à Berlin par son père Frédéric Ier et confisqua les fonds de la bibliothèque au profit de l'armée, à laquelle il consacra toute sa sollicitude. Il la forma lui-même aux plus savantes manœuvres, à la plus sévère discipline et en prit un soin si minutieux que Georges II, roi d'Angleterre, ne l'appelait jamais que le roi-sergent; il ne reculait devant aucun sacrifice pour la recruter et payait jusqu'à , écus un homme de six pieds. Aussi laissa-t-il à son fils Frédéric Il une forte armée parfaitement disciplinée et de grands trésors qui lui permirent de consolider et d'étendre la puissance des Hohenzollern, Frédéric Il ( yMi 'S). - Élévation subite de la Prusse. — Frédéric II avait été durement traité dans sa jeunesse; petit de taille, avec de grosses épaules, un œil dur et perçant, une physionomie étrange, il avait encore, aux yeux d'un père qui n'appréciait que les () Il tenait ses droits de sa mère, princesse de Nassau. Malgré cette cession, la famille de Nassau qui règne aujourd'hui en Hollande, continue de donner le titre de Prince d'Orange à l'héritier présomptif. géants, le tort d'être épris du goût des lettres et des arts. Il ne savait pourtant pas le latin, et se donnait le ridicule de mépriser l'allemand, sa langue maternelle; toute sa prédilection était pour le français, mais il n'appréciait que la littérature voltairienne. Aussi Frédéric-Guillaume disait-il de lui : « Ce n'est qu'un petit maître, un esprit français qui gâtera toute ma besogne. » Mécontent de se voir interdire l'étude, le jeune Frédéric voulut fuir; il faillit payer de sa tête ce désir d'indépendance. Monté sur le trône à l'âge de vingt-huit ans, il dément tout aussitôt les prédictions de son père : la guerre de la Succession d'Autriche (-) et celle de Sept ans (-) l'ont montré comme l'un des plus habiles capitaines de l'âge moderne, mais aussi comme le prince le plus déloyal et le plus injuste qui, sans déclaration de guerre, enlève la Silésie à Marie-Thérèse, lie ou délie à son gré ses alliances et ses négociations ; le traité d'Ilubertsbourg () le confirma définitivement dans la possession de la Silésie. Ses armes avaient élevé la Prusse luthérienne au rang des puissances prépondérantes; placée désormais à la tête du parti protestant en Allemagne, elle va y contrebalancer l'influence catholique et politique de la Maison d'Autriche : la perspicacité du prince Eugène avait entrevu ce résultat, quand l'empereur Léopold commit la faute d'ériger la Prusse en royaume. Frédéric , premier auteur du démembrement de la Pologne ( ): — Son gouvernement. — Après la guerre de Sept Ans, l'ambition de Frédéric ne connut plus de bornes ; il conclut avec Catherine IL un traité secret pour entretenir l'anarchie en Pologne, proposa de la démembrer et s'adjugea par cet acte inique, accompli de concert avec la Russie et l'Autriche, la plus grande partie du pays connu sous le nom de Prusse occidentale (). Il intervint encore par les armes dans l'affaire de la succession de Bavière, ruina les tentatives de Joseph II, et joignit sa médiation à celle de la France et de la Russie au congrès de Teschen () qui donna la Bavière à Charles de Deux-Ponts, le plus proche héritier du dernier Electeur. Bien que Frédéric Il s'inspirât des principes du philo-, sophisme dans sa politique, il se garda bien de les appliquer dans son gouvernement. « Si je voulais perdre, un état, disait-il, je le ferais gouverner par des philosophes. » Deux guerres sanglantes avaient causé à la Prusse des maux de toutes sortes; Frédéric s'appliqua à les réparer; il fit rebâtir les villes et les villages incendiés, appela des étrangers pour les repeupler, ranima l'agriculture, soumit toutes les terres, au moyen du cadastre, à un impôt régulier, relia par des canaux l'Oder à l'Elbe et à la Vistule, favorisa le commerce, l'industrie, rétablit l'ordre dans les finances, créa une banque nationale et popularisa l'instruction en fondant des écoles, des collèges, des cours publics; tandis que les souverains catholiques expulsaient les Jésuites, il les conserva dans ses Etats, mais par un intérêt personnel, assurant qu'il ne connaissait pas de meilleurs prêtres, ni de plus habiles instituteurs de la jeunesse. Enfin, poursuivant l'œuvre de son père, Frédéric Il acheva de constituer la Prusse en monarchie militaire; il refit une armée de , hommes, car dans les dix-sept batailles livrées pendant ses longues guerres, il avait perdu la fleur de la noblesse et les ofriciers formés par son père. Caractère de Frédéric Il. — Sa mort (t **«). — Mais ce prince gouverna ses Etats en véritable despote; ainsi les riches ne purent, sans sa permission, marier leurs filles, faire de longs voyages, transporter leur fortune hors du royaume, etc.; les pauvres furent encore plus durement traités; on les contraignit à accepter la fausse monnaie que le monarque lui-même faisait frapper et qui n'était pas reçue dans les caisses royales. Ce despotisme ne petit surprendre dans un prince luthérien,, philosophe, athée, et l'ami intime de Maupertuis, de d'Alembert, de Voltaire surtout qu'il attira à Berlin et dont il se fit le disciple (<). A cette école, il devint en- () Frédéric Il ayait !a manie de faire des vers français dé- nemi juré de la religion catholique, qu'il désignait avec la même impiété que son maître; sa cour ouverte à tous les incrédules français, devint le foyer du philosophisme pour les pays du nord; « c'est de là que, de l'aveu même « de Voltaire, les infamies et les blasphèmes jaillissaient « à flots. » La vie privée de Frédéric II, proclamé Grand par le siècle frénétique où il vécut, s'harmonisait avec ses doctrines abjectes; on ne saurait caractériser son âme cynique et orgueilleuse, son langage révoltant, ses mœurs plus révoltantes encore. Il fut, d'après Voltaire lui-même, « le portrait achevé du vilain homme. » Aussi l'histoire impartiale le signale-t-elle, avec Monsieur de Maistre, l( comme l'un des plus grands ennemis du genre humain qui aient existé. » accrédita en Prusse, et jusqu'en Russie, des doctrines qui renversaient toutes les lois de la religion, de la morale et de l'humanité, car elles aftranchissaient les peuples de l'autorité de Dieu pour les courber sous le joug de l'homme et, par la prétendue liberté, constituaient la lyrannie. Il mourut en sans laisser d'enfants; son neveu et successeur Frédéric-Guillaume II ( -T), non moins . vicieux, et aussi déloyal que lui, coopérera dans un second, puis dans un troisième partage, à la destruction de la Pologne. Son règne appartient à l'histoire contemporaine. CHAPITRE VII. POLOGNE (-). Auguste III (I -I G). — Triste situation du royaulDe.- A la mort d'Auguste , la diète réélut testables que Voltaire vantait comme des chefs-d'œuvre et qu'il corrigeait cependant ; la plupart étaient de mordantes épigrammes contre les têtes couronnées. Le maître et le disciple finirent par se brouiller, Voltaire s'enfuit de Berlia. Stanislas Leczinski ; mais la czarine Anne lui opposa l'électeur de Saxe, Auguste III, fils du monarque défunt. Ce conflit amena la guerre de la Succession de Pologne ( ), qui se termina à l'avantage du candidat de la Russie; Stanislas Leczinski reçut en dédommagement les duchés de Bar et de Lorraine, sa vie durant, mais conserva le titre de roi jusqu'à sa mort (). Cependant Auguste III ne fut guère roi aussi que de nom, car la Pologne était plutôt une république aristocratique qu'une monarchie : la diète avait hérité de toutes les prérogatives dont elle avait dépouillé la royauté en la déclarant élective (); la noblesse, par le liberum veto et par l'ensemble d'une constitution anarcbique, jouissait d'une indépendance illimitée; enfin les dissidents ou non catholiques, protestants, grecs, schismatiques, etc., ajoutaient sans cesse par leur esprit de sédition et de révolte, aux éléments de discorde qui paralysaient l'autorité royale et préparaient inévitablement la ruine de la Pologne. De plus, ce vaste royaume n'ayant ni forteresses bien munies, ni armée régulière, était hors d'état de se faire respecter des nations voisines, surtout de la Prusse et de la Russie dont la puissance le menaçait chaque jour davantage. Depuis Pierre le Grand, la Russie traitait la Pologne comme sa vassale; dans la guerre de Sept ans, elle avait fait traverser en tous sens le territoire polonais par ses troupes, sans même en demander l'autorisation. Quant à Frédéric , il tira de la Pologne une partie de ses recrues et de ses ressources et l'inonda de sa fausse monnaie. Auguste , peu soucieux de l'oppression de son royaume, résida presque toujours en Saxe; sa mort arrivée en commença l'agonie de la Pologne. Nlanlslas-Auguste IV Poniatowski ( '-.- — Catherine II qui venait de monter sur le trône de Russie et de conclure secrètement avec Frédéric H le perfide traité contre la Pologne, envoie ses Cosaques entourer la diète de Varsovie ; sous la terreur de leurs baïonnettes, elle fait élire son favori Stanislas-Auguste IV Po- nÍatowski qui n'ayant ni crédit, ni puissance, ne devait être par la faiblesse de son caractère, qu'un instrumentdocile sous sa main.Elle gouverna en effet par son ambassadeur qui entretint et fomen'.a les divisions ; aussi les dissidents, forts de son appui, réclamèrent-ils impérieusement les droits politiques que n'avaient point admis jusqu'alors les lois polonaises; la diète les leur refusa donc. Catherine Il s'arme pour leur cause ; ses troupes envahissent la Pologne, interviennent dans les assemblées et enlèvent en pleine diète, plusieurs nonces qui ont protesté héroïquement en faveur de la cause catholique, et deux évêques dont l'un est celui de Cracovie; ils sont transportés sous l'escorte des Cosaques jusqu'au fond de la Moscovie. Cet attentat plonge les Polonais dans la douleur et l'indignation; André Zamoiski, chancelier de la couronne, va immédiatement déposer sa dignité entre les mains du roi. Dès lors l'Impératrice de Russie ne garde plus aucun ménagement : elle nomme une commission législative, chargée d'étouffer la liberté de la Pologne en augmentant les abus de sa constitution anarchique. Confédération de Bar (J). Premier démembrement (). — Accablée sous la tyrannie moscovite, l'infortunée Pologne essaie de se relever : une confédération se forme à Bar en Podolie, pour la défense de la religion et de la liberté (; ; la guerre est prêchée comme une croisade. Les confédérés portent sur leurs habits des croix brodées avec cette devise : Vaincre ou mourir ; sur leurs étendards sont peintes les images bénies de la Sainte Vierge et de son divin Enfant. Et ce sont ces hommes armés pour la plus sainte cause, Dieu et la patrie, que Catherine Il traite de séditieux et de brigands et contre lesquels elle dirige ses troupes les plus cruelles. Les Polonais appellent l'Europe à leur secours et pressent Stanislas Poniatowski de défendre enfin son royaume; mais les puissances catholiques restent insensibles à ce cri d'agonie d'un peuple expirant; les Musulmans de Constantinople s'arment seuls contre la Russie pour la cause de la Pologne, car le secours envoyé de France par Choiseul fut insignifiant. Les malheureux Polonais abandonnés de l'Europe, trahis par leur lâche monarque qui, après quelques tentatives de résistance, se fait l'esclave de Catherine II, se voient enlever tout espoir du côté des Turcs qui sont vaincus par les armes moscovites; en vain luttent-ils seuls avec le plus invincible courage; deux cent mille périssent sur le champ de bataille ou sont massacrés par les Russes. Alors, sous prétexte d'arrêter l'effusion du sang et de rétablir la tranquillité chez cette malheureure nation, la perfide Catherine II, sur la proposition du roi philosophe de Prusse () Frédéric , arrête l'odieuse spoliation de son territoire à laquelle prend encore part, malgré elle, l'impératrice Marie-Thérèse. La Pologne est donc démembrée au profit des trois puissances ; la Russie s'adjuge la Livonie polonaise ; l'Autriche, la Galicie ; la Prusse, la Pologne prussienne ou Prusse occidentale (). Les co-partageants obligent la diète à sanctionner leurs usurpations qu'ils prétendent légitimer par d'anciens titres, et ils garantissent solennellement à la Pologne, le reste de ses possessions. Cinq millions d'hommes cessèrent ainsi en un jour d'être Polonais, et furent distribués entre trois souverains nouveaux dont un seul était catholique. Cette grande iniquité indigna l'Europe, mais l'égoïsme rendit cette indignation stérile; une seule voix qui ne fut pas écoutée, s'éleva en faveur de ce malheureux peuple, ce tut celle de Clément XIV. () () Mais la Pologne était en réalité le premier auteur de ses maux : au lieu de s'opposer au vol sacrilège fait par Albert de Brandebourg à l'Eglise, elle l'avait consacré en acceptant la suzeraineté de la Prusse sécularisée : par une permission de la divine justice, la Prusse prenait l'initiative du démembrement de la Pologne. () Le démembrement de la Pologne fut un des odieux triomphes du philosophisme et l'un des pluo fréquents sujets des flatteries lâches et atroces de Voltaire à Catherine Il et à Deuxième démembrement (). — Kosciusko. — La Pologne ouvrant enfin les yeux, comprit que son seul moyen de salut était de remédier à son gouvernement anarchique, cause première de tous ses maux ; elle reprit donc les essais de réforme tentés depuis trente ans, surtout par les princes Czartoryski, et fit décréter par la diète, une nouvelle constitution qui déclarait la royauté héréditaire, abolissait le liberum veto, la loi d'unanimité, etc. ( mai ). Cette nouvelle constitution fut acceptée par Stanislas Poniatowski et accueillie de la nation avec le plus vif enthousiasme. Mais la Russie et la Prusse qui avaient résolu de maintenir les Polonais courbés sous le joug de leurs lois anarchiques, s'opposent par les armes au changement de sa constitution ; , Russes et , Cosaques envahissent la Pologne. L'héroïque Kosciusko, à la tête de, braves, déploie vainement toutes les ressources de son génie; le lâche Stanislas Poniatowski abandonne la constitution qu'il a jurée, accède à toutes les volontés de Catherine II et la remercie même d'avoir enchaîné son peuple. La Pologne désarmée par son roi, se voit mutilée une seconde fois par la Russie et la Prusse : la première étend ses frontières jusqu'au cœur de la Lithuanie et de la Volbynie ; Frédéric-Guillaume II, le nouveau roi de Prusse, obtient la meilleure partie de la Grande Pologne et une portion de la Petite ; il ne restait plus qu'un lambeau de monarchie polonaise (). Troisième et final démembrement (). — Ce second attentat soulève la Pologne entière ; Kosciusko comptant sur l'appui de l'Autriche qui, cette fois, n'avait pas pris part au démembrement, se met à la tête de l'insurrection et débute par la prise de Cracovie. Les Polonais accourent en foule sous son étendard, prêtent Frédéric Il. Et, en même temps qu'il félicitait les bourreaux de l'égorgement de la Pologne, il insultait à la victime par la plus cruelle ironie : « Les Polonais, écrivait-il à la Czarine, « doivent vous remercier de leur avoir donné la paix. » serment à la constitution de et jurent d'arracher leur pays à l'étranger. Kosciusko marche au-devant de l'en-n ;mi et bat , Russes à Raselawice; Varsovie chasse sa garnison moscovite; la victoire se propage rapidement, et le drapeau national flotte de ville en ville dans toutes les provinces usurpées (). On put espérer un moment que l'héroïque Pologne allait recouvrer son unité et son indépendance; mais le défaut d'entente entre ses enfants, le manque de ressources matérielles,et enfin la nouvelle accession de l'Autriche à la coalition formée contre elle, lui enlèvent bientôt tout espoir. Catherine Il déchaîne contre elle l'un de ses hommes de guerre les plus farouches, le maréchal Souwarow; il noie dans le sang la cause sacrée de l'indépendance de la Pologne. L'intrépide Kosciusko, qui ose l'attaquer, est vaincu à Maciejowice ( octobre ) et, couvert de blessures, il s'écrie : « Finis Polonice! » Il est fait prisonnier avec son ami le poète Niemcewicz et conduit en Russie, où il fut retenu captif jusqu'à la mort de Catherine Il. Souwarow se dirige ensuite sur Varsovie; après un assaut meurtrier qui jonche le faubourg de Praga de , cadavres, il entre en vainqueur dans la capitale de la Pologne; Stanislas Poniatowski reçoit l'ordre d'abdiquer et va terminer sa triste vie à Saint-Pétersbourg. Enfin, un dernier démembrement achève la destruction de la Pologne : l'Autriche ajoute à la Galicie la plus grande oartie du palatinat de Cracovie, ceux de Sandomir, de Lublin et s'étend jusqu'au cours supérieur du Bog; la Prusse acquiert le duché de Posen avec plusieurs autres districts ; et la Russie, la plus grande partie de la Lithuanie et le grand-duché de Varsovie (). Ainsi fut consommée une des plus grandes iniquités modernes : la Pologne cessait de figurer au sein de cette Europe dont elle avait été pendant des siècles le bouclier contre les barbares; la patrie de Sobieski n'avait plus rang dans la chrétienté qu'il avait sauvée de l'invasion musulmane! y CHAPITRE VIII RUSSIE '-). Période anarchique (f (¡¡- )). — Depuis Pierre le Grand jusqu'à Catherine II, la Russie fut livrée à la plus déplorable anarchie : six souverains, presque tous dépourvus de capacité et d'énergie, furent portés sur le trône ou renversés par des révolutions de palais; les ministres eux-mêmes, étrangers pour la plupart, devinrent tour à tour les victimes de la cabale, de l'intrigue, de la jalousie. Menzikoff, qui avait donné la couronne à la veuve de Pierre le Grand, Catherine Ire (*-), puis à son petit-fils Pierre II (-), fut supplanté et envoyé en Sibérie par les Dolgoronki; ceux-ci se virent bientôt condamnés au même sort par la czarine Anne Iwanowna (-) ou plutôt par son favori Biren, qu'elle créa duc de Courlande; ce cruel ministre fit périr dans les supplices ou sous le ciel glacé de la Sibérie plus de , personnes qui lui portaient ombrage. On a vu l'impératrice Anne contribuer par son intervention dans la guerre de Succession de Pologne, à assurer cette couronne à l'électeur de Saxe, Auguste III. Moins heureuse dans celle qu'elle entreprit avec l'empereur Charles VI contre la Turquie, elle dut finalement rendre toutes ses conquêtes par le traité de Belgrade (). Son neveu et successeur lwan VI (-) encore au berceau, fut presque aussitôt jeté en prison par la fille cadette de Pierre le Grand, Élisabeth (-), dont le règne fit peser sur la Russie le plus cruel despotisme; on évalue à , le nombre des malheureux qu'elle fit déporter en Sibérie. Au dehors elle versa à flots le sang russe en SP. montrant l'adversaire la plus acharnée de Frédéric Il dans la guerre de Sept ans; elle ne pouvait pardonner à ce prince d'avoir lancé contre elle les plus mordantes épigrammes; sa mort sauva la Prusse d'une ruine inévitable. Pierre III son neveu qui lui succéda, était petit-fils de la fille aînée de Pierre le Grand et fils du duc de Holstein Gottorp (I). Grand admirateur de Frédéric II, non seulement il se fit son allié contre l'Autriche, mais il voulut régler en tout son gouvernement sur le sien. Cette bizarrerie provoque un soulèvement dans son empire; Catherine, sa femme, princesse d'origine allemande, se met à la tête des rebelles; elle ordonne d'emprisonner, puis de poignarder Pierre et se fait proclamer Impératrice de toutes les Russies. Catherine Il ( -c»). — L'avènement de cette criminelle princesse fut accueilli par une morne stupeur; ni son hypocrite douleur de la mort de son époux, ni ses flatteries envers les Russes ne purent les rallier autour de son trône. On se souvint du jeune Iwan VI jeté en prison il y avait vingt-deux ans par Elisabeth ; mais Catherine Il ne recula pas devant l'assassinat d'un second empereur, et lit périr dans les supplices tous ceux qui lui furent contraires. Tandis qu'elle établissait ainsi son pouvoir par la terreur, elle déployait toute sa ruse et toute son adresse pour éblouir les nations étrangères par le faste de sa puissance; elle se déclarait l'amie de Frédéric , la protectrice des philosophes français, prodiguant son or dans leurs rangs pour y acheter des panégyristes : de ce nombre furent d'Alembert, Diderot, surtout l'infâme Voltaire, dont les flatteries portaient le caractère de son impiété. La nouvelle czarine, dévorée d'ambition, forme aussitôt le projet d'agrandir son empire aux dépens de la Po- () C'était le troisième trône du nord occupé par la maison allemande de Holstein. La branche aînée ou royale regnait en Danemark depuis < ; la branche cadette ou ducale forma deux rameaux : celui de llolslein-Goltorp-Eutin appelé en à porter la couronne de Suède la conserva jusqu'en ; et le rameau de Holstein-Qotlorp proprement dit qui s'assit avec Pierre III sur le trône de Russie et l'occupe encore aujourd hui. logne, de la Turquie de la Suède qui lui barraient l'Occident; pendant ses trente-trois années de règne, elle poursuivit ce triple but, non seulement par les armes, mais encore par une politique astucieuse et perfide qu'on ne saurait trop flétrir. Déjà on l'a vue réaliser ses vues ambitieuses sur la Pologne et se faire le principal agent de la destruction de cet infortuné royaume. Guerres eontre la Turquie (l?ey-im). — Les Turcs qui, seuls en Europe, s'armèrent contre la Russie, en faveur de la Pologne, n'essuyèrent que des revers. Catherine II commence par soulever contre eux l'ancienne Grèce ; puis tandis que son escadre incendie la flotte ottomane au sud-ouest de Smyrne, ses armées de terre remportent la brillante victoire de Choczim suivie de la conquête de la Moldavie, de la Valachie et de la Crimée. Le sultan de Constantinople consent alors au traité de Kaïnardji () par lequel il accorde à la Russie le protectorat des provinces Danubiennes et la libre navigation sur la mer Noire; il lui cède encore la ville d'Azof avec quelques autres places; enfin, il reconnaît l'indépendance de la Crimée (Catherine Il préparait ainsi la réunion de cette province à son empire). Il ne fut rien stipulé pour la Pologne qui avait été la cause occasionnelle de la guerre; c'était une ratification tacite du démembrement de et le point important pour la czarine. Peu après, elle subjugua la redoutable république des Cosaques Zaporogues et s'immisça insensiblement dans les affaires générales de l'Europe : sa médiation unie à celle de la France et de la Prusse au congrès de Teschen () pour la succession de Bavière, lui ouvrit l'entrée de l'Allemagne; en même temps elle profitait de la guerre d'Amérique pour s'ériger en législatrice des mers •et faisait accepter, à l'Europe, le système de neutralité armée () contre le despotisme maritime de l'Angleterre . Conquête de la CriBlée (). — Traité de Jassy (i). — Cependant sa préoccupation se reportait avant tout sur la Turquie qu'elle prétendait traiter comme la Pologne. Au mépris de la paix de Kaïnardji, elle fait envahir la Crimée par Potemkin, qui en fait la conquête après avoir massacré plus de , Tartares et forcé le khan à lui vendre sa souveraineté; il y jette les fondements de Sébastopol () destiné à servir de poste avancé pour réduire Constantinople. Catherine Il se flattait d'y établir bientôt le siège de son empire après avoir rejeté les Turcs en Asie; dans cet espoir enchanteur, elle donne au second petit-fils qui vient de lui naître le nom de Constantin, le fait élever par une nourrice grecque et ordonne qu'on frappe, à l'effigie du jeune prince, une médaille au revers de laquelle était repré- ' sentée Constantinople avec sept tours écrasées par la foudre (). Elle alla visiter sa nouvelle conquête ; son voyage en Crimée ne fut qu'une ovation perpétuelle; la flatterie multiplia les fêtes et les représentations sous ses pas. Potemkin avait imaginé d'étaler à ses yeux le spectacle ou du moins l'apparence d'un pays florissant : les rives du Borystliène et les sommets des montagnes étaient couverts de villes peintes sur toile, de villages de carton, de l'aspect le plus animé; on y voyait construire des édifices, lancer des vaisseaux, etc. A mesure que la czarine poursuivait son voyage, les villes et les villages étaient transportés avec une infatigable célérité sur les sites les plus pittoresques qui lui restaient à parcourir. Les rivages du fleuve étaient peuplés de Tartares qu'on faisait avancer à coups de nerfs de bœuf, et de troupeaux qu'on avait amenés de quatre cents lieues à la ronde; enfin, deux armées furent réunies dans les plaines de Pultawa pour y renouveler, sous les yeux de Catherine , la fameuse bataille qui avait fait la puissance de la Russie. Dans ce voyage, elle se ménagea une entrevue avec Joseph () Par allusion au château des Sept Tours que renferme Constantinople. pour y arrêter ensemble le partage de l'empire ottoman; et, tout aussitôt, elle impose son protectorat à la Géorgie et's'empare de qivers petits Etats sur les bords du Dniéper et de la mer Noire. Les Turcs ainsi provoqués, reprennent les armes (); mais secourus seulement par Gustave IH roi de Suède, ils sont battus presque sur tous les points par les Russes et les Autrichiens. Cependant Catherine , épuisée par ses victoires mêmes et craignant pour ses Etats le contre-coup de la révolution française, ajourne la destruction de l'empire ottoman ; elle !-i-gne avec la Porte la paix de Jassy () qui établit le Dnieper pour limites entre les deux puissances et abandonne la Crimée à la Russie. Prépondérance de la Russie fin Suède. Guerre avec Gustave III (*-*©.)—Depuis la mort de Charles XII, la Suède élait dans une situation semblable à celle de la Pologne : à Stockholm comme à Varsovie, la noblesse avait usurpé toute l'autorité aux dépens de la royauté et deux factions, le parti français ou des Chapeaux et le parti russe ou des Bonnets, entretenaient une continuelle anarchie et livraient le royaume à l'étranger. En nit, une tentative armée des Chapeaux contre la czarine Elisabeth pour déchirer le traité de de Nystadt, n'avait servi qu'à dépouiller encore la Suède d'une partie de la Finlande et à enhardir la Russie, qui exerça dès lors sur cette monarchie une véritable dictature. Elisabeth fit élever sur le trône de Charles XII, le neveu de la sœur aînée de ce héros, le duc A dolphe-Frédéric (), de Holstein-Gottorp-Eurin,qui dut gouverner sous son bon plaisir. L'ambitieuse Catherine Il fit plus : un traité, retrouvé de nos jours seulement, atteste qu'elle s'entendit encore secrètement avec Frédéric II pour maintenir l'anarchie en Suède comme en Pologne, réservant aux deux royaumes un même sort. Mais Gustave (-), fils d'Adolphe-Frédéric, non moins habile qu'énergique, replace tout d'abord par un coup d'Etat () l'autorité entre ses mains; vainqueur de sa noblesse, il oppose à l'ambition de la Russie et de la Prusse, la médiation et l'appui de Louis XVi et joint ses armes à celles des Turcs contre Catherine II. Déjà ses glorieux exploits menaçaient Saint-Pétersbourg, lorsque la trahison de ses officiers l'oblige à signer la paix (). Ce prince chevaleresque se disposait à marcher au secours de l'infortuné Louis XVI, quand il eut assassiné au milieu d'un bal par sa vindicative noblesse (). Mort de Catherine II (). — L'ambitieuse czarine venait de fonder Odessa sur la mer Noire, dans l'espoir d'aller bientôt à Constantinople lorsqu'elle fut foudroyée par une attaque d'apoplexie à l'âge de soixante-sept ans. C'est en vain que les philosophes l'ont surnommée la Grande, la Sémiramis du Nord; les succès militaires et politiques de son règne ne sauraient faire oublier par quels crimes, quelle perfidie elle les obtint; les scandales de sa vie privée la rendirent l'opprobre de son sexe et du trône, et la firent justement appeler une nouvelle Messaline; enfin, son impiété révoltante lui a mérité de voir associer son nom à celui de Voltaire et de Frédéric II. De l'Eglise, des Lettres, des Sciences et des Arts pendant la troisième et la quatrième époque (.-) I. — DE L'ÉGLISE (). Nous abordons une phasè nouvelle dans la vie extérieure de l'Eglise: la grande unité chrétienne rompue de fait par les conquêtes du protestantisme, venait de l'être de droit par le traité de Westphalie; l'Europe y avait proclamé son indépendance religieuse, elle avait autorisé l'erreur à s'implanter librement sur son vieux so! catholique, à élever des temples à côté de ceux de la suprême Vérité et à siéger près d'elle dans les conseils des nations. Jamais Dieu ne reçut pa- () Il a paru utile de donner un peu plus d'étendue à ce second aperçu de l'Eglise, tant parce q J&lesJaits en sont plus rapprochés de nous, que parce qu'ils ne laissent pas- d'avoir quelque, retentissement dans notre époque. reille insulte de la part des gouvernements qui se disaient encoce catholiques; mais jamais aussi l'unité sociale ne fut plus profondément atteinte. Ce qui résultera de cette division des âmes au même foyer social, nous ne le voyons peut-être que trop aujourd'hui. Quanta l'Eglise, elle n'en continuera pas moins, autant qu'on lui en laissera la possibilité, à exercer sa divine action sur le monde, à régénérer les âmes de bonne volonté, à les attirer à elle par la beauté de sa doctrine, la sainteté de sa morale, le charme de sa puissance merveilleusement féconde ; jusqu'ala fin des temps, l 'Eglise, en dépit des délaissements, oppositions ou persécutions des souverains et des peuples, travaillera il conduire l'humanité vers ses destinées éternelles, car « toutes les nations lui ont Été données eit ltèritage. » Cette dernière période de son histoire embrasse deux siècles bien difiérents : celui de Louis XIV, encore profondément religieux, et le dix-huitième siècle, à jamais flétri par le philosophisme, c'est-à-dire par la plus audacieuse incrédulité. La seconde partie du xvil, siècle continuerai montrer quece siècle fut celui qui recueillit en plus grande abondance les fruits dusaint concile de Trente. L'Eglise néanmoins, eut comme toujours des luttes à soutenir; ce fut en France qu'elle rencontra tout à la fois ses épreuves et ses consolations ; mais sous la direction des Pontifes romains, tous éminents en sainteté et providentiellement doués pour les difficultés de leur époque, elle triompha du Jansénisme et du Gallicanisme en droit, sinou entièrement en fait, et vit se prolonger, peut-être davantage en France, cet élan de foi et de régénération catholique dont les réformes décrétées à Trente avaient été le principe. Le clergé, amené par la controverse protestante, à l étude .approfondie de la Sainte Ecriture et des Pères, opéra par sa science et ses vertus, chez nous eii particulier, des prodiges de conversions ; d'immortels génies, les Bossuet, lesBourdaloue, les Fénelon, etc., environnèrent l'Eglise de splendeur et rappelèrent l'éloquence des Basile et des Chrysos'.ome; une phalange d'écrivains catholiques éclairèrent, alimentèrent la piété; des talents de toutes sortes rendirent hommage à la religion, tandis que d'héroïques dévouements multipliaient les œuvres saintes, les institutions les plus admirables ; l'extension du règne de Jésus-Christ était la préoccupation dominante des âmes, au milieu du monde comme dans le cloître; de nouvelles pépinières d'ouvriers évangéliques surgissaient; un élan irrésistible emportait ces généreux apôtres vers les régions les plus éloignées; l'Asie orientale, le littoral de l'Afrique, le Nouveau monde, continuaient à recevoir le double bienfait de la foi et de la civilisation. Mais, dès la fin du xvne siècle, l'œil d'aigle de Bossuet avait aperçu à l'horizon de l'avenir, toute une génération d'incrédules, auxquels la révolte luthérienne et janséuienne avaient frayé la voie: le xvxu®siècle fut en effet une époque de négation complète : révélation, immortalité et spiritualité de l'âme, existence même de Dieu, tout fut rejeté par le Philosophismc qui arriva au matérialisme le plus abject; tel fut le terme où vint aboutir l'indépendance religieuse proclamée par la paix de Westphalie. Après la mort de Louis XIV, la France, par un déplorable revirement, devint la promotrice de celte monstrueuse incrédulité que ses écrivains impies communiquèrent à l'Europe et au monde entier. L'Eglise eut alors à traverser la phase la plus doulou^. reuse : déchirée au dedans par la recrudescence du Janséuisme qui, sous l'influence mauvaise des parlements, cherche à la désarmer trahie au dehors par les rois ses fils, qui veulent asservir sa divine autorité à la leur, et, par conséquent l'anéantir, car pour l'Eglise, la liberté d'agir, c'est sa vie ; poursuivie à outrance par le Philosophisme qui, à l'aide de li Franc-Maçonnerie, jure la ruine du Christianismf- et de la société, elle se voit enlever par la perfidie et la violence de tous ces ennemis réunis, l'un de ses plus fermes auxiliaires, la Compagnie de Jésus; la plupart des anciens Ordres religieux sont infestés de Jansénisme ou entraînés dans le relâchement par la Commende () ; la corruption des mœurs devient générale; la société chrétienne apostasie en masse, et, malgré les efforts incessants de l'Eglise et des nombreux défenseurs que, Dieu lui suscite, malgré l'héroïque sainteté de ses enfants restés fidèles, l'impiété et le vice débordent comme un torrent dévastateur d'abord sur la France, puis sur le monde entier, et entraînent peuples et rois dans l'abîme de . Nous allons envisager l'action de l'Eglise dans la société chrétienne sous les quatre points devue précédemment énoncés. §.. De la Papauté. Au début de cette période, l'Europe, pour son malheur, venait d'enlever à la Papauté cette influence politique, cette suprême direction, que lui avaient donnée les âges de foi et dont ils avaient recueilli de si grands bienfaits ; mais les papes n'en restent pas moins les représentants de la plus haute autorité qui soit sur la terre et, pendant ces deux derniers siècles, ils ne cessent d'élever la voix avec une invincible fermeté pour défendre l'intégrité de la foi ou la divine indépendance du Saint-Siège, menacée par les empiétements de la puissance temporelle. Comme c'est de la Papauté, à la fois tête et cœur de l'Eglise, que découle la vie catholique sur le monde, nous avons déjà retrouvé, ou nous retrouverons son action dominante dans les faits importants qui intéressent la religion , nous nous bornerons donc à signaler ici les pontificats les plus célèbres depuis Innocent X. Celui d'Innocent XI (-) fut des plus mémorables ; placé en face du plus grand roi des temps modernes, de l'omnipotence de Louis XIV usurpateur des droits sacrés du Saint-Siège, Innocent XI lui résista avec une fermeté apostolique, ainsi qu'on l'a vu dans toute () Voir plus loin aux Ordres religieux. l'affaire du Gallicanisme. Défenseur intrépide de la liberté de l'Eglise, ce grand pon'ife le fut aussi de celle de l'Europe menacée par , Ottomans ; il arma Sobieski pour la délivrance de Viennent la Papauté fut encore une fois le salut du monde. A lexandre VIII (-) signala son court pontificat en léguant aux cardinaux, sur son lit de mort, une bulle qui cassait solennellement la Déclaration de ; aussi, son successeur Innocent XII (lGt-t ), eut-il la consolation de la voir enfin désavouée par Louis XIV. Le pontificat de Clément X.( --), un des plus longs et des plus glorieux, s'écoula dans des luttes incessantes, tout d'abord pour maintenir l'intégrité de la foi. Après avoir réitéré à diverses reprises les anathèmes de ses prédécesseurs contre le Jansénisme, il en coupe, par sa fameuse bulle Unigenitus (), les rejetons qui repoussaient dans le livre de Quesnel ; le premier, il dénonce à la société chrétienne l'incrédulité déguisée sous le nom de Philosophisme, en condamnant Bayle, le précurseur de Voltaire. En même temps, il luttait énergiquement pour l'indépendance du Saint-Siège : les empiétements des princes sur les droits sacrés d,' l'Eglise l'engagèrent dans des complications inextricables qui firent briller son génie, sa prudence, sa magnanimité, son action divine, et mirent au grand jour l'insubordination des souverains. Ces difficultés ne l'empêchèrent point de veiller aux intérêts généraux de l'Europe ; ses brefs et ses légats allèrent dans toutes les cours, armer les chrétiens pour repousser une nouvelle invasion des Turcs, et, grâce aux efforts de son zèle, non moins qu'à ses immenses sacrifices, le vaillant prince Eugène anéantit définitivement la puissance de l'Islamisme. Le savant pape Benoît XIV (-), l'un des plus fameux canonistes de l'Eglise, lui a laissé plusieurs traités; entre autres le chef-d'œuvre de la Canonisation des saints, des traités du Synode diocésain, de la Messe, des Fêtes de Notre-Seigneur et de la Sainte-Vierge; ces ouvrages révèlent tout à la fois une grande pénétration d'esprit, une science profonde, une sagesse consommée. Gardien vigilant de la foi et de la discipline de l'Eglise, Benoît XIV signala chaque année de son pontificat par des bulles, des constitutions, des brefs adressés sur tous les points de la catholicité où il y avait une erreur à redresser, une rébellion à réprimer. La France reçut pour sa part une. magnifique encyclique où le pape déplorait les désordres religieux dont elle était le théâtre sous l'influence du Jansénisme parlementaire, et confirmait en même temps la bulle Unigenitus. Mais la voix du chef suprême de l'Eglise, autrefois si respectée de sa Fille aînée, fut étouffée par les rebelles magistrats qui supprimèrent le bref pontifical. Benoît XIV, plein de modération et de prudence, ne put que retarder l'orage qui grossissait chaque jour contre l'Eglise et qui va éclater sous son successeur. En effet, à l'avènement de Clément XIII (-) l'Eglise se trouvait en présence d'une formidable conjuration ourdie avec non moins de perfidie que d'audace; le Jansénisme, le Philosophisme, la politique des hommes d'Etat. J ésoilis à l'asservir, même à la renverser, dirigeaient tout d'abord leurs attaques contre les Jésuites, ses plus intrépides défenseurs ; et, ceux-là mêmes en qui la Papauté avait. droit de trouver des appuis, les princes catholiques, lui étaient hostiles. Pendant les dix années de sou pontificat, Clément XIII vit le Portugal, la Fiance, l'Espagne, Naples, Parme, Venise même sa patrie, attaquer d'abord successivement, puis simultanément l'autorité de la Chaire apostolique ; l'Autriche jusqu'alors si catholique laissait propager en Allemagne les principes gallicans et jansénistes du Fébronianisme et préludait ainsi aux réformes désastreuses du Joséphisme; la catholicité entière était liguéo contre l'indépendante de l'Église. Mais cette indépendance était établie sur le roc de l'institution divine ; aussi Clément XIII ne s'effraie point d'être seul en quelque sorte à la défendre : aux menaces, aux outrages, aux attentats sacrilèges des princes et de leurs ministres-philosophes, persécuteurs de la Compagnie de J éMIS, il oppose avec une inaltérable douceur, l'invincible fermeté de saint Grégoire VII et d'Innocent XI. S'il ne peut empêcher la proscription des Jésuites par toutes les cours catholiques, il proteste du moins contre cette grande iniquité; il voit ces cours pousser l'audace jusqu'à lui enlever Avignon, Bénévent, Ponte-Corvo pour l'obliger à rétracter le bref qui condamnait un édit du duc de Parme attentatoire aux droits du Saint-Siège. Clément XIII gémit de l'envahissement d'un patrimoine qui n'est pas nIre,disait-il, mais celui de Saint Pierre, celui de l'Eglise de Dieu; toutefois il maintint son bref et n'en continua pas moins de rappeler aux princes prévaricateurs leurs devoirs avec une liberté tout apostolique ; rien ne périt dans l'Eglise du Christ, une voix suffit pour conserver et défendre sa divine indépendance. En même temps cette voix du Pontife suprême retentissait pour la cause de la foi et de la morale ; elle s'efforçait, mais en vain, de ramener le Portugal à la soumission au Saint-Siège, condamnait le Jansénisme dans le Catéchisme de Mésenguy, le Philosophisme dans Helvétius et les Encyclopédistes, le Fébronianisme dans l'évêque allemand Nicolas de Ilontheim; enfin, elle excitait le zèle des évêques de la catholicité contre le torrent des mauvais livres et des pernicieuses doctrines qui menaçaient le monde entier. Et, pour fortifier l'Eglise militante au milieu de tant de périls Clément XIIl lui donnait de nouveaux protecteurs dans l'Eglise triom. phante : de à , il canonisa six saints, entre autres, saint Jérôme Emiliani, sainte Jeanne Françoise de Chantal, saint Jean de Kenty de Pologae, saint Séraphin de Monte Granario etc., et béatifia aussi plusieurs autres serviteurs de Dieu, Une dernière douleur était réservée à Clément Xllï et le conduisit au tombeau: au commencement de l'année G, toutes les cours catholiques non contentes d'avoir expulsé les Jésuites, demandèrent avec d'impérieuses instances au Saint-Siège, la suppression de leur Ordre dans l'Eglise. Le saint pontife, demeura inflexible, mais son âme fut brisée et ses forces physique s l'abandonnèrent; après avoir célébré la messe le février , jour de la Purification, béni et distribué les cierges, il s'affaissa tout à coup vers le soir et rendit dans la nuit son âme magnanime au Seigneur. Son successeur Ganganelli (), Franciscain conventuel qui prit le nom de Clément XIV (-), doux et conciliant par caractère, essaya d'arrêter les projets criminels des princes par diverses concessions, notamment en supprimant la lecture solennelle de la bulle In ccena nomini, qui se faisait à Rome le Jeudi saint depuis saint Pie V ; cette bulle était la terreur des princes depuis qu'ils étaient devenus prévaricateurs (). Mais leur haine impie ne pouvait être satisfaite que par la suppression de la Compagnie de Jésus ; l'Autriche jusqu'alors restée neutre finit par accéder à ce vœu criminel; cette accession arracha la dernière espérance à Clément XIV qui avait compté sur l'appui de l'impératrice Marie-Thérèse pour résister aux impérieuses exigences des princes. Ces exigences furent telles, que le Portugal fit de la destruction des Jésuites, le prix de sa réconcitia'ion avec le Saint-Siège, la France et Naples, celui de la restitution d'Avignon, de Bénévent et de Ponte-Corvo; quant au roi d'Espagne Charles Hi, .' plus ardent ennemi de la Compagnie de Jésus, son ambassadeur Monino ment ça le Pape, au nom de toutes les cours persécutrices, de supprimer tous les autres Ordres religieux et de créer des patriarches nationaux indépendants de Rome : « Oh ! répondit Clé- '< ment XIV avec douleur, je le vois depuis longtemps, c'est lit qu'on « en vaut venir, on prétend plus encore; la ruine de la religion calho« lique, le schisme, l'hérésie peut-être, voilà la secrète pensée des « princes! ». Dans l'espoir d'arrêter leurs projets impies, et tout en protestant que la suppression de la Compagnie de Jésus lui donnerait la mort, Clément XIV, après avoir vainement usé de tous les tempéraments pour fléchir les princes, crut devoir, pour le bien de la paix, sacrifier les Jésuites; il abolit leur Ordre Juillet .. non par une bulle, mais par un simple bref, afin qu'il fût plus facile à révoquer. () F, es Lettres publiées sous le nom de Ganganelli nesontqu'un recueil apocryphe qui a puissamment contribué aux calomnies débitées contre Clément XIV. () Cette bulle est une série ou réunion de censures ecclésiastiques et non l'œuvre personnelle, d'un pape ; elle excommuniait tous les fauteurs d'hérésie, de schisme ou de révolte contre l'autorité du Saint-Siège, tous les éditeurs et lecteurs conscients de leurs œuvres, tous les violateurs des immunités et de la juridiction ecclésiastique ; elle protégeait également l'ordre social, frappant de censures le pirates et spoliateurs des navires naufragés, les fournisseurs de munitions de guerre aux Infidèles, et même les princes qui imposaient à leurs peuples des tributs inusités, sans autorisation du Siège Apostolique. C'était la haute magistrature du Pape se posant en protecteur non seulement de la foi et de l'Eglise, mais des peuples, et passant même du rôie répressif au rôle préventif : la bulle In eœna Domini était le résumé du vieux droit catholique de l'Ejurope. Saint Alphonse de Liguori, attaché de cœur à la Compagnie de Jésus, fut atterré en recevant ce bref; il adora quelque temps en silence les jugements de Dieu dans la conduite de son Vicaire, puis il s'écria : c\ Volonté du Pape, volonté de Dieu ! » Et l'on n'entendit pas sortir de sa bouche une seule parole qui manifestât la douleur de son âme. Cependant celle de Clément XIV devait être mortelle ainsi qu'il l'avait prédit; le trouble, l'inquiétude, la crainte d'avoir, avec l'intention de faire le bien, effectué une mesure préjudiciable à l'Eglise, le remplirent des plus vives angoisses. « Priez pour le Pape, écrivait « saint Liguori, il est dans la plus grande affliction ; il se tient toujours « enfermé, il ne donne aucune audience, il n'expédie aucune affaii-c ; «je ne fais que répéter : Pauvre Pape! Pauvre Pape qui est affligé de « toutes parts. Je ne cesse de prier que le Seigneur vienne à son « secours. " Les prières du saint évêque furent exaucées par un miracle attesté dans le procès de sa canonisation Dans la matinée du septembre iiH, saint Alphonse, après sa messe, se jeta, contre sa coutume, dans un fauteuil et y tomba dans une espèce de sommeil léthargique qui dura jusqu'au lendemain et que ses serviteurs respectèrent; enfin la sonnette agitée par le saint prélat, les ayant fait accourir près de lui : CI Voilà dc/« deux jours, lui dirent-ils que vous ne parlez pas, que vous ne mangez pas, que vous ne donnez aucun signe de vie." -« Vous autres, reprit saint Liguori,vous mecroyiez endormi, mais il n'en était rien. l'ous ne savez donc pas que je suis allé assister le Pape qui vient de mourir. » Le Seigneur infiniment miséricordieux, voulant sanctifier et consoler les derniers moments de son Vicaire, avait permis que dans une extase, le saint évêque fut rendu présent auprès du Pontife mourant dont il était éloigné de plus de quarante lieues. On ne tarda pas à apprendre que Clément XIV avait expiré le septembre , entre et h. du matin, c'est-à-dire au moment précis où saint Alphonse de Liguori avait agité la sonnette. Pendant son douloureux pontificat, Clément Xl\ n avait cessé de condamner les ouvrages impies et corrupteurs dont la France inondait l'Europe; sa voix, gardienne de la justice, de l'humanité et de la saine politique, s'était aussi élevée, mais en vain, pour défendre l'infortunée Pologne contre les cours spoliatrices de Saint-Pétersbourg, de Vienne et de Berlin; tout ce qu'il put obtenir, c'est que les intérêts majeurs de la religion catholique fussent sauvegardés, du moins en principe, dans les contrées démembrées de la Pologne qui passaient sous la domination de princps hétérodoxes. Le nom immortel de Pie VI (-) successeur de Clément X V, rappelle un des plus longs et des plus douloureux pontificats des annales de l'Eglise. Les premiers actes de son gouvernement révélèrent la tendre charité du père et la bienfaisance intelligente du souverain : il fonda et dota des hôpitaux, pourvut au soulagement des pauvres par toutes sortes d'institutions, surtout par l'établissement Rome, des Frères de la Doctrine chrétienne ; en même temps il faisait exécuter des travaux d'utilité publique, tels que le dessèchement des marais pontins, l'amélioration du port d'Ancône, le rétablissement de la voie appienne, la continuation de ce magnifique muséum qu'il avait fa;t commencer, n'étant encore que le cardinal Braschi, par Clément XIV, et où furent rassemblés des chefs-d'œuvre artistiques de toutes sortes, des antiquités fort précieuses. Mais la sollicitude du monarque ne diminuait en rien celle du Pasteur supi ême de l'Eglise ; Pie VI déploya d'autant plus de vigilance, que les ravages de l'impiété allaient toujours croissant, et dans toute l'Europe. On l'a vu se rendre à Vienne, pour tenter, mais sans succès, d'arrêter les funestes réformes de Joseph ; quatre ans plus tard, ce prince favorisait un congrès de prélats schismatiques à Ems. L'âme du Pontife fut navrée de voir la défection jusque dans le sanctuaire, et encouragée par les puissances; des douleurs immenses lui étaient encore réservées: après avoir lutté plus de vingt ans contre les souverains catholiques qui étaient ses enfants et devaient se montrer les défenseurs de l'Eglise, ce vieillard octogénaire sera renversé de son trône par la terrible révolution qui éclatera à la fin de ce siècle; il achèvera son long pontificat par le martyre de l'exil; cette dernière partie de son règne appartient à l'histoire contemporaine. § . Des principales erreurs. — Des principaux conciles. — Des écrivains ecclésiastiques. Du Gallicanisme. — Nous avons donné plus haut () l'historique de la trop fameuse - Déclaration de sur la puissance ecclésiastique » ; avant de dire un mot de la doctrine formulée par cette Déclaration, rappelons comment l'œil chrétien envisage la puissance ecclésiastique dont le Souverain Pontife est la plus haute'personnification. Dans le domaine temporel, le Pape est incontestablement ici-bas pour tout catholique, le gardien principale de la justice (). Si les souverains abusent de leur puissance, il peut les avertir, au besoin même, élever la voix, dénoncer l'injustice, et, partant, la nullité de leurs actes avec les conséquences qui peuvent, même de droit naturel, en résulter pour leur pouvoir. Sans doute il ne prétend nullement à l'infaillibilité dans ces applications particulières; mais son autorité est bien la plus grande et la moins suspecte qui puisse être sur la terre; et, au fond, les princes n'auraient qu'à se louer d'être soumis à un tel juge plutôt qu'aux caprices et aux révoltes de leurs sujets : le moyen âge en avait fait l'heureuse expérience. C'est ce pouvoir de Déclaration des injustices de l'autorité temporelle, que Boniface VIII avait entrepris de revendiquer pour l'autorité pontificale, par la célèbre bulle Unam Sanctam; sous les formes élevées du moyen âge, cette (t) Page . () Voir à l'histoire du moyen âge, page . bulle affirmait que la conscience des rois, aussi bien que celle des autres fidèles, est soumise a la juridiction du Saint-Siège. On a vu PLilippe-le-BeC cet indigne Fils aîné de l'Église, opposer à la bulle de Boniface VIII, l'orgueilleuse prétention de ne relever que de Dieu seul. Dans le domaine spirituel, l'autorité du Souverain Pontife apparaît au catholique avec la plénitude de la puissance : il a toujours été de foi que, pour faire partie de l'Eglise, il faut être en communion avec le Saint-Siège, c'est-à-dire adhérer aux points de doctrine et de discipline qu'il impose à toute l'Eglise (t). Ce qui' suppose logiquement l'infaillibilité des définitions du Pape en matière de foi, et la pleine puissance de ses décrets en matière de discipline, comme beaucoup de docteurs en effet l'avaient explicitement remarqué. Cependant, lors du grand schisme d'Occident (), le doute qui planait sur la validité de l'élection des Papes rivaux, faisant, suivant la plupart des théologiens. retomber par la fcrce des choses, la souveraineté de l'Eglise aux mains du corps épiscopal, tant que ce doute durait, plusieurs s'imaginèrent que, même avec un Pape certain, il en devait être ainsi ; que cette règle décrétée par le concile de Constance pour servir de base à sa conduite pendant le temps du schisme, valait pour tous les temps; que, par conséquent, l'infaillibi!ité doctrinale et la pleine puissance disciplinaire n'appartenaient proprement qu'au concile, et non au Pape dont les définitions en matièrede foi ne pouvaient devenir irréformables que par l'assentiment du corps des pasteurs, et qui ne pouvait lui-même, en matière de discipline, abolir de plein droit les règles ou usages consacrés par un pareil assentiment, comme les Gallicans le revendiquaient pour leurs prétendues Libertés; cette théorie s'implanta dans l'Ecole de Paris (faculté de théologie) où on la qualifia de doctrine ancienne. Cependant, au commencement du dix-septième siècle, elle y avait à peu près succombé lorsque Louis XIV, froissé dans son orgueil par la résistance d'Innocent XI à son édit touchant la Régale, et menacé, s'imagina-t-il, dans sa puissance, vint en provoquer le réveil, ravivant en même temps l'étrange politique de Philippe le Bel envers le Saint-Siège; voici comment il en arriva jusque-!à. « Un ma« gistrat courtisan alla demander au roi si Sa Majesté voulait que le « Pape eût le pouvoir de lui ôter la couronne de dessus la tête quand il () C'e..t là ce qu'au deuxième sieste, enseigne saint Irénée, évêque de Lyon dans son livre contre les hérésies, le premier grand traité théologique que possède l'Eglise ; ce qu'au YI" siècle, à la suite d'une tentative de schisme à Constantinople, le Pape saint Hormisdas formule dans une déclaration célèbre acclamée parles conciles en Occident, souscrite par deux mille cinq cents évêques en Orient, et renouvelée à chaque hérésie qui surgit, pendant trois cent cinquante ans jusqu'au VIIIe concile œcuménique (" de Constantinople) qui en fait la base de la condamnation de Photius enfin c'est ce qu'a toujours proclamé la tradition catholique. () Voir à l'histoire du moyen âge page . « lui rait » et il lui lut la bulle de Boniface VlII (). Sur quoi, le Roi et les gens du roi conçurent l'idée de faire déclarer le Pape non infaillible, pour ruiner l'autorité de la bulle et, du même coup, pensaient-ils, sauvegarder les Libertés gallicanes : de là, la famtuse Déclaration de dont la doctrine fut résumée en quatre articles : Le premier affirmait l'indépendance complète de la puissance temporelle vis-à-vis de la puissance spirituelle; le deuxième prétendait maintenir pour tous les temps les décrets de Constance, et le troisième en inférait l'inviolabilité des coutumes gallicanes ; enfin le quatrième ne reconnaissait les définitions pontificales pour infaillibles, qu après l'assentiment de l'Eglise.. Avec le temps et sous l'influence du Jansénisme, la doctrine émise par les Quatre Articles, se répandra dans la société chrétienne ; elle y sera reproduite au XV siècle avec les plus grands écarts sous des formes diverses : le Fébronianisme, le Joséphisme, le congrès sehismatique d'Ems en Allemagne, le synode janséniste de Pistoie en Italie, la constitution civile du clergé en France, seront inspirés par le Gallicanisme. Nous avons dit comment Bossuet fut amené a se prêter à la Déclaration dt- et à en défendre du moins la doctrine; cependant il finit par dire; « Que la Déclaration s'en aille l'on voudra, MilS ne nous chargerons pas de la défendre ; mais cette ancienne opinion de l'école de Paris demeure exempte de censures. » C'était vrai alors car, bien que réprouvée par la généralité des théologiens catholiques et par le Saint-Siège, la doctrine des Quatie Articles n'avait pas été l'objet d'une condamnation formelle; mais il n'en est plus de même aujourd'hui. L'épiscopat réuni au pape, et par conséquent, tout ce qu'il y a de plus infaillible d'après les Gallicans eux-mêmes, s'est enfin prononcé au concile du Vatican (-). Tout en s'abstenant de rien ajouter à ce que l'Eglise enseignait déjà touchant le premier article il a défini : la pleine puissance du pape en matière de discipline et, par là, condamné indirectement le deuxième et, le troisième article ;'son infaillibilité en matière de foi, et par là condamné directement le quatrième. Dieu soit loué qui, pendant que la puissance échappe aux mains des princes de ce monde, la fortifie au contraire et la concentre aux mains du Vicaire de Jésus-Christ, comme un asile pour le monde en péril: « Où est Pierre, disait déjà Saint Ambroise, il y a quinze cents ans, là est l'Église : où est l'Eglise, là ne peut être la mort, mais la Du Quiétisme. - Pour en donner tout d'abord une idée générale, on peut dire que le Quiétisme fut une tendance à substituer au véritable amour de Dieu qui produit la pratique des vertus, un amour chimérique de contemplation forcément inactif, c'est-à-dire qui rend impossible tout acte de vertu. Le Quiétisme présenta deux phases bien () M. Gérin : Recherches sur l'assemblée de . différentes : erreur manifeste et impie avec Molinos, il ne fut avec Fénelon qu'une erreur d'amour de Dieu. Molinos, théologien espagnol, imagina comme comble de la perfection, un système de quiétude ou de repos continuel en Dieu par un amour contemplatif si pur, si désintéressé qu'il perdait de vue toute récompense éternelle; mais amour illusoire puisqu'il empêchait l'homme d'atteindre le but de la véritable contemplation, c'est-à-dire de régler parfaitement sa vie et ses mœurs sur les perfections divines. Ce système absurde et dangereux prétendait en effet constituer l'âme dans un état d'impeccabilité, la dispensait en conséquence des devoirs les plus essentiels de la vie chrétienne, et la plongeait dans une affreuse indifférence pour son salut. Innocent XI condamna () cette hérésie spécieuse; Molinos alla heureusement l'abjurer à Rome. Mais son erreur menaça de reparaître en France : Madame Guyon femme d'ailleurs pieuse et vertueuse, sembla entrer plus ou moins dans cette voie du Quiétisme et y entraîner la belle âme de Fénelon trop rempli d'admiration pour sa piété. Bossuet dénonça vivement le livre des Maximes des Saints composé par l'Archevêque de Cambrai ; lui-même toutefois, se jetant à l'autre extrême, parut d'abord confondre la charité pure avec le désir de la béatitude, tandis que Fénelon, de soi côté, prétendait que l'on pouvait, non seulement produire des actes de pur amour, comme l'admettent généralement les théologiens. mais arriver à un état où l'âme n'en produirait plus d'autres. C'était une erreur plus subtile que celle de Bossuet et, par là même, peut-être plus dangereuse, en ce sens qu'elle pouvait ouvrir la voie au Quiétisme. Le pape Innocent XII, par égard pour Fénelon, eût voulu se contenter d'une déclaration de principes, c'est à dire d'une exposition de la doctrine de l'Eglise sur les points contestés; mais, vivement pressé par Louis XIV sous l'impulsion de Bossuet, il finit par condamner directement vingt-trois propositions des Maximes des Saints. Alors Fénelon donne un admirable exemple : il apprend cette condamnation le mars () au moment où il montait en chaire dans sa cathédrale pour prêcher sur le mystère du jour ; il se recueille un instant et, sans paraître ému de cette nouvelle qui a tout aussitôt circulé dans son auditoire, il prononce sur la parfaite soumission à l'autorité de l'Eglise,un discours qui fit couler de tous les yeux des larmes d'admiration et d'am>>ur. Il se suumit sans aucune restriction à la condamnation du Saint-S:ège, l'apprit lui-même à ses diocèsains dans un mandement oil il leur interdisait la lecture de son ouvrage; et, afin de perpétuer le souvenir de son humble rétractation, il fit faire pour sa métropole un ostensoir d'or supporté par deux anges dont l'un foulait aux pieds plusieurs livres hérétiques, parmi lesquels était le titre du sien, bien que le pape ne lui eût point donné cette qualification. Mais si l'on put admirer alors la vertu de Fénelon, on regretta l'ardeur passionnée de Bossuet dans cette lutte où son orthodoxie l'emportait cependant sur celle de son adversaire. Du Jansénisme (-). - Cette hérésie, la plus dan- la l' dans les Pays-Bas où elle avait pris naissance. Il y a deux cbos principalement par son ami Duvergier de Hauranne, abbé de Saint-Cyran, ~du reste parfaitement d'accord. Nous ne pouvons qu'indiquer a substance de la doctrine. Janséniusà mourant, légua à ses amis la publication d'un livre qui parut a Louvain (), n„i« à Paris sous le nom d'Augustinus, comme s il revain (M), puis i Pan» » ^ ^ tandis les erreur s de ~Calvin et principes et de L'auteury à la liberté de Illiomme, la déclarant impuissante » observer certains donnée, sur Jésus-Christ sur aussi cette un se portant nécessairement au bien, s il a la grâce, e au m ELI, ~rédigé pas. L'esprit ~du Janséinisme se trouva concentré surtout dans l'opuscule le Arnauld, Au inclinez-vous de damnation de là la sombre piété du Jansénisme qui s'allid trop bien avec sa doctrine. L'abbé de Saint-Cyran, le propagateur de cette dé estab e hérésie en France, se servit du crédit de la famille d 'Arnauld à laquelle il insinua ses erreurs, surtout aux Mères Angélique et Agnès et à leur frère Antoine Arnauld, docteur de Sorbonne. Port-Royal devint donc la place d'armes du Jansénisme : ^Tet Saint-Cyran s'était fait nommer supérieur, en fut la forteresse, et la Société de savants, l'arsenal où des génies tels qu'Arnauld. Nicole, etc., et leur ami Pascal, se consumèrent à forger les subtilités les plus captieuses pour défendre l 'erreur. LeJansé[iisme dénoncé par Saint Yincentde Paul, monsieur Olier, etc., lut surtout combattu par les Jésuites que les sectaires croyaient vainement flétrir en les qualifiant de Molinistes () Dès une bulle (t) Sous prétexte d'humilité, Arnauld y éloigne les fidèles de la communion <ri na lpnr "n conseille l'uage qu'à la mort. () Du jésuite espagnol Molina dont les opinions sur la grâce avaient excite .s'l xvi" siècle de vives discussions entre les Jésuites et les Dominicains; ces d'Urbain VIII condamnait l'Âugustinus ; mais bien que Janséniuc; mourant eût déclaré soumettre son ouvrage, au Saint-Siège, ses partisans protestèrent contre la sentence pontificale. Le docteur Cornet, syndic de la faculté de théologie de Paris, réduisit l'Augustinus k cinq propositions qu'une nouvelle bulle d'Innocent X condamna comme hérétiques () ; Louis XIV appuya la bulle d'un édit. Mais les sectaires ayant à leur tête celui qu'ils appelaient le grand Arnauld, essayèrent d'éluder la condamnation si formelle de Rome, par la distinction pleine de subterfuge de droit et défait; c'est-à-dire qu'ils condamnaient avec le Pape les cinq propositions comme hérétiques, c'était le point de droit ; mais ils niaient qu'elles fussent en ce sens dans l'Augustinus, afin de se croire autorisés à en garder la doctrine, voilà le fait ; ils se bornèrent donc, à accepter la bulle par un silence respectueux. Innocent X déclara dans ses lettres aux évêques de France, qu'il avait condamné les cinq propositions dans le sens même de Jansénius, et une nouvelle bulle () d'Alexandre VII, ôta tout prétexte aux interpré!ations artificieuses. Poussés ce point, les sectaires prétendirent que l'Eglise n'était pas infaillible dans les questions de fait, c'est-à-dire qu'elle pouvait se tromper en voyant l'erreur où elle ne se trouvait pas; ce qui, comme l'observe Fénelon, rendait illusoire sa mission d'enseigner. Aussi le Jsnscnisnie anathématisé par le Saint-Siège, continua à dire: Je n'existe pas, et ses partisans prétendirent rester unis à l'Eglise, alors même qu'elle les rejetait de son sein. Cette, apparente soumission trompa bien des âmes, non moins que la rigidité, l'austérité extérieure affectée par les sectaires ; ce fut surtout parmi le clergé, les religieux et les religieuses, les jurisconsultes, que le Jansénisme fit ses prosélytes; jamais hérésie n'eut de défenseurs plus savants, mais aussi plus opininiâtres, plus artificieux: tel fut Pascal, dans ses Provinciales, monument de duplicité jansénienne () qui eut pour but de flétrir les Jésuites dans l'opinion publique ; e!:cs furent condamnées par Rome et par Louis XIV, ou plutôt par un arrêt du Conseil d'Etat. Cependant le Pape Alexandre VII, voulant mettre un terme à la mauvaise foi des sectaires, inséra dans une nouvelle bulle, () un Formulaire ou profession de foi très-précise qu'il engoignit à tous les prêtres, religieux et religieuses, de souscrire ; un édit du roi vint assurer l'exécution de l'injonction pontificale. Pressés par l'autorité ecclésiastique et l'autorité civile, les Jansénistes signèrent le Formulaire, pour la plupart, mais avec une restriction expresse ou mentale, touchant le fait. Ce fut dans ce sens que les évêques d'Aleth, derniers opposaient à la doctrine de Molina, la doctrine réputée de saint Thomas. Après un mûr examen, le pape Paul V laissa aux Molinistes et aux Thomistes la liberté de leur opinion, mais leur interdit toute discussion trop animée. Le Molinisme était donc une opinion tolérée dans l'Eglise tandis que le Jansénisme était une hérésie. () V(,;.r -tti cours d'histoire li'.téraîreS' volume, page . -de Pamiers, de Beauvais et d'Angers souscrivirent d'abord ; il fallut les menaces de Clément XI pour les amener à une soumission complète sans aucune restriction mentale (). Le calme qui suivit fut appelé Paix clémentine ou Paix fourrée (c'est-à-dire paix apparente, de mauvaise foi de la part des sectaires). Arnauld préféra l'exit à la soumission, et alla mourir à Bruxelles () entre les bras d'un Oratorien le père Quesnel, qui fut le Jansénius du dix-huitième siècle. En effet, la publication de ses Réflexions morales raviva le Jansénisme sous couleur de piété, et le fit entrer dans une période de révolte ouverte contre l'Eglise et môme contre l'autorité royale. Après mûr examen, Clément XI qui, dès , avait censuré les nouvelles subtilités des sectaires, fulmina le septembre , la bulle Unigenitus qui condamnait cent-une propositions extraites des Réflexions morales, et donnait une constitution dogmatique assez nettement formulée pour terminer les débats, anathématisant à l'avance tout ce qui serait fait contre cette constitution. Louis XIV, qui avait fait disparaître l'inextinguible foyer du Jansénisme en rasant Port-Royal des Champs appuya de toute son autorité la bulle Unigenitus; mais après sa mort' les sectaires firent éclater leur fureur en formulant un appel au futur concile contre la bulle () ; le cardinal de Noailles, archevêque de Paris, prélat d'un caractère faible, se laissa entraîner; et, avec lui dix évêques, grand nombre de docteurs de Sorbonne et de clercs du -second ordre, adhérèrent à l'appel. Le Parlement anima cette opposition par ses vieilles et implacables rancunes contre la Papauté, et la plume des Jansénistes versa à flots sur l'Eglise et sur la cour, les plus abominables injures (). Cependant Clément XI cassa l'appel et -excommunia les Appelants ; les plus modérés finirent par rentrer dans le devoir à la suite du cardinal de Noailles (); quant à ceux qui persistèrent dans leur opposition, le Pape Benoît XIII dans un concile tenu à Rome (), avait ordonné aux supérieurs ecclésiastiques de les poursuivre. En conséquence, Soanen, évê que de Senez, un des Appelants les plus obstinés, fut jugé en concile provincial par son métropolitain, le cardinal de TeMin archevêque d'Embrun, et interdit-de ses fonctions épiscopales ; il fut exilé () à la Chaise-Dieu et y mourut impénitent. La faction affaiblie, mais plus opiniâtre que jamais, en arriva au fanatisme le plus insensé et à la plus odieuse persécution contre l'Eglise: on l'a vue abuser de la crédulité populaire par les miracles mensongers ou diaboliques du diacre Pâris, et se servir de la haute protection du Parlement pour faire poursuivre à Paris et dans les provinces,les évêques et les prêtres qui refusaient les sacrements aux () Pour faireles frais de leurs publications, et de toutes leurs menées, ils avaient une caisse mystérieuse surnommée la Boîte d I'ërette, da nom de la servante de Nicole; ce sectaire l'avait fonlée par un don de , fr. ; elle -était alimentée par les Jansénistes. Appelants. La mort de l'évêque d'Auxerre, dernier prélat Janséniste ( DI) eût pu amener l'extinction de la secte ; malheureusement elle trouva un refuge dans l'Eglise d'Ulrecht () qu'avait établie en . un évêque appelant, et le schisme, protégé par les états calvinistes, se trouva ainsi consommé- Il se répandit en Allemagne sous la protection de Joseph , et en Italie,sous celle de son frère Léopold, grand-duc de Toscane ; encouragé par ce prince, Ricei évêque de Pistoie tint un synode () d'où sortit une série de propositions jansénistes et gallicanes aussi contraires à la foi qu'à la divine constitution de l'Eglise. Pie VI les condamna par la bulle Auctorem fidei qui porta le dernier coup au Jansénisme (). Le Jansénisme causa à l'Egiise de France des maux incalculables : il comprima par la crainte et la terreur l'essor général des âmes vers Dieu, glaça la piété en éloignant des sacrements, faussa les consciences en voilant une révolte opiniâtre contre l'Eglise par une soumission apparente, altéra les pures notions de la croyance catholique (), affaiblit le respect pour l'autorité du Saint-Siège et même pour l'autorité royale, enfin conduisit au Philosophisme dont il fut l'hypocrite allié. Du Philosophisme. — Franc-maçonnerie. — Le Philosophisme, dernière expression du libre examen proclamé par le Protestantisme, fut surtout représenté au XVIIIe siècle par le déisme, l'athéisme et le matérialisme. Le protestantisme avait nié l'autorité de l'Eglise; Le déisme nia l'autorité de l'Evangile; l'athéisme nia l'autorité de Dieu et même son existence. Le résultat de cette triple négation ne pouvait être que le matérialisme le plus abject qui nia la spiritualité, l'immortalité de l'âme. La transition du protestantisme au déisme avait été faite par l'intermédiaire du socinianisme qui admettait encore la révélation, mais rejetait les mystères et sapait ainsi tous les fondements du Christia- () Cette église hérétique et schismatique subiste encore; mais Pie IX prépara sa ruine en rétablissant en Hollande () la hiérarchie catholique, interrompue depuis la Réforme. () RicCi, chassé de son siège, rétracta quelques années plus Urd ses erreurs aux pieds de Pie VII. () Le jansénisme exerça aussi sa funeste action sur la liturgie la liturgie romaine était déjà moins vénérée en France par suite du Gallicanisme et d'un goût nouveau qui réclamait des changements liturgiques; les Jansénistes en profitèrent pour altérer plus ou mains la foi dans les nouveaux bréviaires et missels. Viguier, Mensenguy, Coffin popularisèrent ainsi leur sombre doctrine dans le bréviaire parisien qui devint le type de la plupart deceux qui furent retouchés alors. Des catholiques bien intentionnés furent entraînés dans ces innovations dont Ils ne soupçonnaient as l'illégitimité, et un grand nombre de diocèses eurent leur liturgie particulière. Ce n'est que dans ce siècle que l'Eglise de France est revenue tout entière à la liturgie tomaine, heureux retour provoqué par les savants travaux d'un religieux bénédictin, Dom Cuéranger, abbé de Solesmes. nismc : telle fut la substance du philosophisme moderne inauguré par le juif Spinosa en Hollande, Hobbes en Angleterre, le protestant et sceptique Bayle, en France et plusieurs autres; mais il faut le dire avec douleur, ce fut dans notre patrie que le Philosophisme reçut son développement. Les Parlements et les Jansénistes y avaient préparé les esprits par la révolte contre l'autorité de l'Eglise; les prétendus philosophes enorgueillis de leurs découvertes scientifiques, et surtout aveuglés par la profonde corruption de leurs cœurs, en vinrent à ne plus admettre ni dogme, ni morale capable de les gêner et, pour en finir, rejetèrent toute révélation. D'abord timides et réservés, les nouveaux incrédules s'enhardirent à la faveur de la dépravation de la Régence, plus tard, du triste gouvernement de Louis XV ; et, trouvant des appuis, des complices même dans les hommes d'Etat, ils levèrent le masque et formèrent une véritable ligue, une conspiration permanente contre le Christianisme. Voltaire, personnification satanique de son siècle, en fut le chef et donna pour mot d'ordre à tous les conjurés cet horrible blasphème : « Ecrasez l'infâme. » Il avait fait le serment, d'après son historien Condorcet, de consacrer sa vie à la ruine du Christianisme, et il tint parole : toutes les ressources de son fatal génie et plus encore toutes celles de la raillerie, du sarcasme, du mensonge, de la calomnie, furent employées par sa plume infernale à faire entrer le scepticisme par toutes les brèches, à bannir le surnaturel, le divin, de l'Etat, de la société, de la famille, des intelligences déjà si ébranlées de cette époque ; et pour lui-même, il en arriva à douter de la spiritualité de l'âme. Jean-Jacques Rousseau moins systématiquement hostile, mais non moins corrupteur, rejeta comme lui la révélation ; il conserva la croyance à l'existence de Dieu et à l'immortalité de l'âme, mais il ébranla les bases de toute société en prétendant que l'homme naît bon, que c'est la société qui le dé" prave : de là ses théories sur l'état sauvage où il veut ramener l'humanité. Voltaire et Rousseau eurent de nombreux complices: Montesquieu, moins mauvais qu'eux, tout en restant écrivain très dangereux; d'Alembert, Diderot, Condorcet. La Mettrie, Helvétius, d'Holbach, etc., qui. sous des formes diverses, reproduisirent les monstrueuses erreurs de l'antiquité païenne. Ils réunirent leurs efforts dans l'Encyclopédie destinée à pervertir l'humanité entière. Clément XIII anathémbtisa ce monument d'impiété (ti), ainsi que toutes les productions corruptrices qui inondaient la France et circulaient dans toute l'Europe. Mais les efforts de l'Eglise furent paralysés par la trahison des pouvoirs temporels qui se firent les alliés du Philosophisme; aussi rompit-il toutes digues, surtout après qu'il eut fait disparaître la Compagnie de Jésus, son plus terrible adversaire; il s'empara de l'éducation de la jeunesse, pénétra dans toutes les classes de la société et sapa les autels et les trônes. Il recevait sa direction, son impulsion de la Franc-Maçonnerie qui paraît remonter au moyen âge et se rattacher aux Templiers, mais s'est développée au XVIII" siècle en Angleterre, d'où elle passa en France; la première Loge ou assemblée maçonnique fut établie à Paris en par des Anglais ; dès lors les Francs-Maçons se multiplièrent rapidement malgré l'opposition du cardinal de Fleury et l'arrêt du Châtelet (cour de justice) qui interdit les sociétés secrètes. Bien qu'elle revête les apparences de la bienfaisance, la Franc-Maçonnerie est l'œuvre du démon, il en est le-chef occulte; aussi le but véritable de cette secte diabolique est la ruine du Christianisme et de tout ordre social, but qui n'est révélé qu'à un très petit nombre d'initiés. Les Papes condamnèrent les sociétés secrètes, notamment Clément XII (), Benoît XIV (), etc.; quelques états les proscrivirent; mais la Franc-Maçonnerie fut protégée par la plupart des princes qu'elle flatta pour les_ perdre plus sûrement; et même par les princesses, car il y eut aussi une Franc-Maçonnerie de dames que la curiosité, l'attrait du plaisir, de l'inconnu, attirèrent dans ces société secrètes où leur légèreté ne vit qu'un amusement sans conséquence ; témoin l'infortunée princesse de Lamballe à laquelle la secte maçonnique réservait un échafaud. La Franc-Maçonnerie se propagea dans toute l'Europe sous des noms divers : Illuminés, Carbonari, etc. Les drames sanglants de la révolution de furent l'œuvre du Philosophisme et de la Franc-Maçonnerie. - L'Eglise, pendant le dix-septième et le dix-huitième siècle,eut donc à combattre de nombreux et terribles ennemis, tantôt isolés, tantôt réunis; néanmoins pendant les trois cents ans qui s'écoulèrent du concile de Trente à celui du Vatican, elle s'abstint, ainsi qu'elle l'avait fait dans les trois premiers siècles de son existence, de réunir aucun concile général ; peut-être n'eût-elle pu le faire facilt-ment à cause de la jalousie des princes; niais la Papauté, gardienne infaillible de la vérité, condamna successivement toutes les erreurs, et affirma le dogme catholique dans le monde entier. -■ * Au xvu* siècle, Dieu lui adjoignit dans une mesure illimitée, le concours de la science et du génie ; nous ne pouvons que nommer les intrépides défenseurs, profonds théologiens, orateurs sublimes, savants controversistes, écrivains ascétiques, historiens érudits, qui brillèrent alors dans l'Eglise. A leur tète parut Bossuet qui rappela saint Jean Chrysostôme par son éloquence, saint Augustin et saint Jérôme par son érudition ; il eût peut-être partagé avec eux les glorieux titres de Père et de Docteur de l'Eglise sans sa déplorable participation au Gallicanisme; Fénelon, l'intrépide adversaire du Jansénisme ; le Père Lejeune, Oratorien, Bourdaloue, Fléchier, Massillon, le Père de La Colombière qui illustrèrent la chaire de vérité, le Père Segnèri, Pina- monli, le Père Nouet qui dans son Homme d'oraison révéla un don particulier pour parler de Notre-Seigneur Jésus-Christ; le Père Nepveu, le cardinal de Bona, savant liturgiste etc., etc. Au xvme siècle l'apolégétique chrétienne et la théologie n'atteignirent pas malheureusement cette hauteur que réclamait l'incrédulité j. systématique de ce siècle; cependant, au milieu des ténèbres qui , J obscurcirent alors l'Europe, Dieu ne laissa pas de faire luire des lumières suffisantes devant les âmes de bonne volonté : saint Alphonse de Liguori, fut l'antagoniste puissant du rigorisme janséniste par sa Théologie morale (), qui restitua à l'Évangile sa charité, sa douceur et sa mansuétude; aussi, selon le mot prophétique de Benoît XIV, elle fit autorité dans l'Eglise ; elle valut au saint évêque le titre de Docteur qui lui fut décerné par Pie IX. Saint Alphonse écrivit aussi un grand nombre d'ouvrages ascétiques qui rappellent la suave onction et la gràce non moins persuasive que touchante de saint François de Sales. Parmi les écrivains ou apologistes de ce siècle nous nommerons: Dom Mabillon, un des hommes les plus savants qu'ait produits l'Ordre de Saint Benoît; D. Huinart, autre Bénédictin qui nous a donné les Actes des martyrs; le cardinal Thomasi, fI élyot du Tiers-ordre Régulier de Saint François connu par son histoire des Ordres religieux dont l'esprit laisse parfois à désirer; les Jésuites italiens Zaccharia, Muzzarelli, les Bénédictins Dom Calmet et Dom Cellier, le cardinal Orsi; Bergier, le plus célèbre apologiste; l'abbé Guénée, l'antagoniste de Voltaire, même sur le terrain de l'esprit dans ses Lettres pleines d'arguments serrés ; les Pères Guénard, de Feller Jésuites etc. Si nous ne citons pas l'abbé Fleury, c'est que son histoire de l'Eglise en vingt-quatre volumes est un véritable monument de Gallicanisme; Lhomond fut l'historien ecclésiastique populaire. § . — Progrès et pertes de la foi. — Persécutions. Nous avons vu l'immense influence de régénération catholique opérée par le saint Concile de Trente à la fin du XVIe siècle et surtout dans la première moitié du XVIIe; « alors s'épanouirent, d'un bout du monde à l'autre, autant de vertus que le concile avait défini de vérités; » (t) grâce au dévouement et à l'union des défenseurs du Catholicisme, les Jésuites surtout et les princes catholiques, leurs élèves, l'hérésie périclitait partout en Europe ; l'Allemagne seule avait compté en un million de retours à la foi, obtenus par les Jésuites. La funeste paix de Wesiphalie entrava ce grand mouvement de régénération catholique, mais ne l'arrêta pas; et même, si, d'une part, elle raffermissait l'hérésie en lui concédant une libre existence, de l'autre, elle lui enlevait précisément, parla cessation de la lutte, une partie de cette force d'action qu'elle y avait puisée jusqu'alors; aussi pendant la seconde moitié dn XVIIe siècle, l'Église poursuit encore ses conquêtes, et jusque dans les pays subjuguésparl'erreur; elle voit rentrer dans son sein, Christine, reine de Suède, Jacques, duc d'York destiné à s'asseoir sur le trône d'Angleterre, etc. Quant à cette infortunée nation, qui était encore à cette époque l'ennemie laplus acharnée du Catholicisme, elle () M. Charaux : Lettre à Mgr Mermillod sur la philosophie et le concile du Vatican (). n'en continua pas moins à être évangélisée avec succès par les missionnaires que lui renvoyaient ses séminaires et ses couvents émigrés sur le continent, ou. encore par les Jésuites. Et pendant que ces apôtres zélés fécondaient son sol de leur sueur et souvent de leur sang, les âmes d'élite dont elle voulait comprimer l'essor vers Dieu, ne cessaient d'aller peupler à Paris, àPontoise, kGravelines, à Dunkerque, etc., et jusqu'en Espagne, les monastères anglais de Bénédictines, de Franciscaines, etc., admirables sanctuaires de piété et de pénitence qui faisaient contre-poids aux crimes dont se souillait leur malheureuse patrie. Enfin l'Angleterre déposa le glaive dont l'hérésie l'avait armée depuis cent cinquante ans, et ce fut l'héroïque Irlande qui eut la gloire de clore cette période sanglante: le vénérable Olivier Plunkelt, archevêque d'Armagh et Primat du royaume, fut le dernier () de cette phalange de martyrs qui compta dans ses rangs plus de deux cents prêtres ou religieux, et qu'il est aujourd'hui question de canoniser. Mais le Catholicisme devait subir longtemps encore les mesures de l'oppression dans l'empire britannique. Les montagnards de l'Écosse rentrèrent en grand nombre dans le sein de l'Église à la voix des Lazaristes, destinés par saint Vincent de Paul aux missions rurales et populaires, alors les plus nécessaires. Sous la direction et l'influence de cet incomparable Apôtre, mort seulement en , la France fut aussi, dès les premières années du XVIIe siècle, le théâtre des plus fructueuses missions dues aux Lazaristes, aux Eudistes, aux Jésuites, etc. Parmi ces missionnaires infatigables, se signalèrent surtout : Michel le Nobletz qui évangélisa pendant quarante ans (-) la Basse-Bretagne ; le Père Maunoir, Jésuite, son Elisée, dont les missions durèrent quarante-quatre ans; le Père Lejeune, Oratorien qui, devenu aveugle les quarante-sept dernières années de sa vie, en consacra soixante à la prédication évangélique ; il ne mourut qu'en , etc. La France, ainsi régénérée, appelait de tous ses vœux le recouvrement de son unité religieuse que Louis XIV lui rendit enfin, ou du moins crut lui rendre, par la révocation de l'édit de Nantes; cette révocation était, dans une certaine mesure, la réparation de la coupable participation de la France à la paix de Westphalie, ou plutôt de celle que lui avait imposée l'étrange politique de Richelieu. Malgré les écarts politiques du Gallicanisme et les e Iforts opiniâtres du Jansénisme, la foi resta vive et puissante sur le sol français auXVIl" siècle, et cette ardeur pour les œuvres saintes qui avait imprimé un caractère tout spécial k la première partie de ce siècle () produisit encore des merveilles de dévouement dans la seconde; on verra plus loin les nouvelles fondations religieuses inspirées par le désir de glorifier Dieu et par la plus tendre charité pour le prochain. En retour, le Sauveur Jésus ouvrit à la France la source même de ses grâces en la conviant, et le monde entier avec elle, à rendre un culte spécial de répa- () Voir \' E..I/; hutorique sur l'influence religieuse au XVII" tiiele par Pitot. ration et d'amour à son Cœur sacré. Une humble religieuse du monastère de la Visitation Sainte-Marie, de Paray-le-Monial, la Bienheureuse Marguerite-Marie Alacoque, favorisée de merveilleuses révélations, fut l'instrument providentiel de cette nouvelle et précieuse dévotion que le Père de la Colombière Jésuite et toute sa Compagnie, eurent mission de propager; elle s'étendit rapidement, et en , Clément XIII en approuva l'office et la fête dont il fixa, pour Rome, () la célébration au premier vendredi qui suit l'Octave du Très Saint Sacrement, jour désigné par Notre-Seigneur lui-même à la Bienheureuse Marguerite-Marie. En Fille aînée, la France seconda admirablement l'Église au XVII. siècle, pour maintenir ou restaurer la foi en Europe et la répandre dans les deux mondes; aussi, comme au temps de saint Louis, s'acquit-elle la reconnaissance des peuples lointains auxquels ses missionnaires allèrent porter la bonne nouvelle. Les missions en Orient et en Occident opérées avec tant de zèle au XVI, siècle, reçurent au XVIIe un plus grand développement, une organisation plus complète; cependant quelque remarquables que fussent les résultats qu'elles obtinrent, ils furent proportionnellement bien inférieurs, non seulement à ceux des missions apostoliques, mais aussi des missions des VIe et Vile siècles ou encore des IX. et Xe siècles. Suivons d'abord les progrès de la foi dans l'Asie orientale. La Chine et les Indes continuèrent à être évangélisées, mais des discussions fâcheuse à l'occasion des rites malabares et chinois () ralentirent les convenions. L'Église de Chine souffrait encore de ces tiraillements quand l'avènement d'une nouvelle dynastie tartare, inaugura l'ère des persécutions. On jeta le savant Père Adam Schall de Bell dans les fers (), les missionnaires furent traqués, les fidèles, mis à mort; ce ne fut qu'en que cette vaste mission recouvra enfin sa liberté. Lp. Tonkin, la Cochinchine. le royaume de Siam successivement évangélisés au XVIIe siècle, virent élever dans leur sein des évêchés, des séminaires indigènes et des écoles. L'Afrique ne recevait guère que sur son littoral'et dans les îles environnantes, les lumières de la foi; mais l'Église continuait à verser des flots de vie sur le Nouveau-Monde. Le Canada, objet spécial ihi zèle de la France, qui prit soin de ne le coloniser qu'avec des familles bien chrétiennes, vit accourir pour travailler à sa régénération, non seulement des apôtres, mais encore des religieuses : les Ursulines avec () Pie IX rendit cette fête obligatoire pour l'Eglise universelle (). () Les jésuites ne voyant dans ces rites que des coutumes et usages purement patriotiques et civils, les toléraient dans les nouveaux convertis. Les Dominicains, au contraire, les envisageant comme des rites religieux, surtout ceux des Chinois touchant la mémoire des morts, les taxaient de superstition et d'idolâtrie. Le Saint-Siège auquel on en référa, après en avoir d'abord toléré quelques-uns, les interdit tous définitivement par la voix de Benolt XIV (). leur Vénérable Mère Marié de l'Incarnation, les Hospitalières de Dieppe envoyées par la duchesse d'Aiguillon, etc. Une association de' l'élite de la société s'était formée à Paris pour aider de toutes manières la conversion du Canada, rendue fort difficile par la cruelle persécution des Iroquois auxquels les Calvinistes hollandais prêtaient des; armes; mais le sang des martyrs, parmi lesquels figurèrent les Pères Jogues, de Brébeuf, Lallemant, tous trois Jésuites, fut une précieuse semence; cette belle colonie du Canada devint une chrétienté des plus florissantes; dès . elle eut son éVêché à Québec. Le Catholicisme s'implanta si profondément sur son sol que, bien que le bon peuple franco-canadien ait subi depuis la domination hérétique de l'Angleterre, il est resté le type de la vieille France, par sa fidélité à sa foi et à sa nationalité. Toutes les régions des deux Amériques furent tour tour transfigurées par le Christianisme; mais ce fut surtout au Paraguay et dans l'Uruguay que les Jésuites opérèrent des prodiges. Pour convertir plus facilement les sauvages Indiens, ils commencèrent par les isoler des Espagnols, puis ils les réunirent en bourgades, paroisses ou Réductions régies en tous points par les lois de la primitive Eglise. Chaque réduction comptait environ , chrétiens; elle était placée pour le temporel comme pour le spirituel, sous la direction de deux missionnaires qui la gouvernaient avec la plus paternelle tendresse et, en retour, étaient filialement respectés et chéris. Ces peuples nouveaux, disciplinés au maniement des armes pour leur défense au dehors, étaient pliés à l'agriculture, aux métiers, aux beaux-arts même; initiés peu à peu à la propriété individuelle, ils jouissaient d'un fonds commun appelé : Possession de Dieu ; aussi la richesse n'était nulle part, l'aisance se retrouvait partout; le luxe était réservé pour les temples de Dieu; le'lravail était assuré à l'activité et à la vigueur; le repos, à la vieillesse et aux infirmités; point d'honneurs éclatants, point de peines sanglantes. Pendant un siècle et demi (-) la grande république chrétienne des Réductions dont le nombre s'éleva jusqu'à trente dans le bassin de la Plata, offrit, sous l'autorité suprême des rois d'Espagne, l'admirable spectacle de quelques religieux régnant au nom de Dieu sur , Indiens; ils en firent des chrétiens si exemplaires que l'évêque de nuenos-Ayres écrivait au commencement du dix-huitième siècle à Philippe V : « Sire, dans ces peuplades « nombreuses composées d'Indiens naturellement portés à toutes « sortes de vices, il règne une si grande innocence, que je ne crois pas t qu'il s'y commette un seul péché mortel. » Et pour ce chef d'oeuvre, les Jésuites ne reçurent que l'injure et la persécution de l'Europe philosophique; on dénatura leurs intentions, on calomnia leurs actes; leurs Réductions, comme toutes leurs autres missions dans les deux mondes, reçurent le coup mortel quand le Portugal, la France, l'Espagne, etc., commirent l'iniquité de faire disparattre la Compagnie de Jésus. Ce crime attestait, au xvni* siècle, la décadence religieuse sur le -vieux sol catholique de l'Europe; les dernières conquêtes de la foi i turent le retour à l'unité romaine de , familles grecques schismatiques et de , familles arméniennes ayant à leur tête le Patriarche d'Arménie et six évêques suft'mgants (t-t). Ces conversions consolèrent l'Église d'une défection presque universelle; de toutes parts le philosophisme enlevait au peuple la foi et tous les biens qu elle leur avait procurés; l'incrédulité accumulait sur le monde d'effroyables calamités religieuses et politiques qui constitueront la période révolutionnaire ou contemporaine; jamais pareille tempête n aura été déchaînée contre la Barque de Pierre et son divin Nautonier; mais elle sera sauvée par la promesse d'immortalité du Christ-Rédempteur, g . — Ordres religieux. — Principaux Saints. La foi qui domina tout le XVIIe siècle, y continue dans la dernière partie cette floraison d'œuvres catholiques que nous avons admirées dans la première : Catherine de Bar, en religion la Mère Mechtilde fonde les Bénédictines du Très Saint-Sacrement (), victimes réparatrices qui ajoutent à la règle de saint Benoît, l'adoration perpétuelle de la Sainte Eucharistie ; l'abbé de Rancé par sa réforme à l'abbave de la Trappe, au diocèse de Séez, fait revivre les vertus de l'ancienne Cîteaux, et donne à l'Ordre cistercien la nouvelle branche des Trappistes (); le Père Barré, religieux minime, enrichit l'Église du pieux Institut du Saint-Enfant-Jésus () dont les religieuses appelées aussi Dames de Saint-Maur, ou encore Dames de la foi, se vouent à l'éducation des enfants pauvres (); le séminaire des Missions étrangères fondé () à Paris, sous l'inspiration et avec le concours de la duchesse d'Aiguillon, et, trente années après, celui du Saint-Esprit, (), procurent a l'église des ouvriers uniquement destinés aux missions lointaines, et deviennent ainsi de précieux auxiliaires pour la Propagande de Rome. L'impulsion donnée par saint Vincent de Paul aux œuvres de charité faisait naître une multitude d'institutions : les Sœurs de Saint-Joseph, celles de Saint-Charles, les Frères des Ecoles chrétiennes fondés par le V abbé de la Salle (), assuraient l'éducation gratuite des enfants pauvres; les Sœurs de Notre-Dame-de-Bon-Secours, de l'Espérance, etc., se dévouaient aux soins des malades; ia France se couvrait de Sœurs hospitalières et d'hôpitaux: Paris, toujours à la tête des œuvres saintes, vit s'élever dans ses murs la Pitié, les Invalides, etc. L'incrédulité et la corruption du xvnie siècle arrêtèrent nécessairement ces élans de foi et de charité ; cependanl on vit encore naître en France, la congrégation des Filles de la Sagesse, fondée () Aujourd'hui les Dame de Saint-Maur comprennent aussi les classes élévées dans leur dévouement à l'éducation de l'enfance. eu l^OS par le V. Grignon de M ont foi't, pour tous les besoins des pauvres, et en Italie, les Missionnaires du Saint-Rédempteur (), œuvre de saint Alphonse de Liguori. Ce nouvel institut, plein de sève religieuse, non moins que de vigueur d'apostolat, et fortifié par l'approbation du Saint-Siège, s'étendit rapidement en Europe et jusqu'en Amérique, et rendit d'immenses services aux âmes. L'Eglise avait grand besoin de ce nouveau secours : la plupart des anciens Ordres étaient atteints soit par le Jansénisme, soit par la Commende (), et le philosophisme armait les SOIlverains d'un glaive persécuteur contre les Ordres religieux, notamment contre celui des Jésuites. Proscription générale de la Compagnie de Jésus (-). — Sa suppression (). — Cette illustre société était plus florissante que jamais au dix-huitième siècle ; elle comptait vingt-deux mille religieux qui embrassaient le monde entier dans leur zèle ; et si, pas plus que les autres hommes, ils n'étaient ni infaillibles, ni impeccables, les contemporains sont unanimes à attester que leur pieux institut () n'avait point dégénéré de sa sainteté et régularité primitives, comme le prétendaient ses ennemis qui n'étaient autres que ceux de la religion elle-même. Constants et intrépides défenseurs de l'orthodoxie et de la Papauté, les Jésuites, adversaires déclarés du Protestantisme au XVIe siècle, n'avaient cessé de combattre au XVIIe et au xviii*, la révolte contre l'Eglise apparaissant sous des noms nou- () La commende plus ou moins comprimée dans le moyen âge, avait pour résultat d'enlever aux chapitres des abbayes, leur plus précieux droit celui d'élire leur abbé ou abbesse, et de substituer à ce chef èleclif et régulier, un prêtre séculier, s'il semblait bon, ou même un laïque, pourvu qu'il ne fût pos marié ; cet abbé commendataire touchait la plus grande partie des revenus de l'abbaye dont il abandonnait l'administration spirituelle à un prieur claustral. Le concordat de Léon X avec François le,' avait concédé aux rois de France, la présentation aux sièges abbatiaux aussi bien qu'épiscopaux (le Pape se réseivant dans les deux cas l'institution canonique), mais à la condition de ne conférer les 'abbayes qu'à des rei'gieux. Cette condition ayant été presque toujours violée ou éludée, le Concile de Trente interdit la mise en commende des principales abbayes; mais sa voix ne fut pas écoutée par les princes, et les abbés commendataires, surtout en France, subsistèrent jusqu'à la révolution de et causèrent la décadence et la ruine des grands Ordres. Le titre d'abbé qu'avaient honoré tant de saints, de docteurs, d'illustres pontifes, tomba dans le discrédit lorsqu'on le vit porté par des hommes affranchis de tous les devoirs de la vie religieuse, et souvent même livrés au monde et à la vanité ; les biens des abbayes, ces patrimoines de la foi et de la charité des siècles, destinés aux besoins de la vie commune et au soulagement des pauvres, furent la proie de l'ambition et de la cupidité; enfin les religieux privés de leur chef naturel, c'est-à-dire d'un abbé régulier résidant au milieu d'eux et intéressé comme eux à l'observation de la règle, tombèrent dans un déplorable relâchement qui amena leur stérilité et affaiblit la vénération universelle qui avait entouré jusqu'alors l'ordre monastique. () Ainsi avait appelé le Concile de Trente. veaux, Jansénisme, Philosophisme, politique anti-chrétienne des hommes d'Etat ; aussi virent-ils ce triple ennemi s'unirpour les anéantir afin de renverser ensuite, s'il était possible, l'Eglise de Jésus-Christ. Des ministres philosophes qui parvinrent au timon des affaires dans presque toutes les cours catholiques de l'Europe, furent les promoteurs de la proscription générale des Jésuites on a vu ces saints religieux expulsés du Portugal par Pombal () de France par Choiseul (t), d'Espagne par d'Aranda , de Naples par Tanucci ( ) ; de Parme et de Malte par Dutillot (), etc. ; leurs biens furent confisqués, et leur expulsion s'exécuta avec la plus grande barbarie, surtout en Espagne et en Portugal; ces deux couronnes oublièrent alors les immenses services que les Jésuites leur avaient rendus en Amérique et aux Indes. Le Pape Clément XIII protesta contre cette iniquité par sa bulle Apostolicum qui donnait une nouvelle et solennelle approbation à la Compagnie de Jésus ; tous les évêques de la chrétienté élevèrent la voix avec une admirable unanimité pour défendre cette Société. « Mais son fondateur avait demandé a Dieu « qu'elle fût toujours en butte aux persécutions et aux épreuves ; elle « devait donc payer la splendeur de sa gloire par l'amertume de ses « proscriptions. » () Les persécuteurs poursuivirent les Jésuites jusque dans le sein paternel du Vicaire de Jésus-Christ oii ils s'étaient réfugiés : toutes les cours catholiques multiplièrent leurs impérieuses instances auprès du Saint-Siège pour obtenir la totale destruction de la Compagnie de Jésus. Après avoir usé de tous les tempéraments pour les fléchir, Clément XIV crut devoir, pour le bien de la paix, supprimer dans l'Eglise l'Institut d'Ignace de Loyola ( juillet ). L'humble soumission, la sublime résignation avec lesquelles les Jésuites acceptèrent du Saint-Siège et exécutèrent la dissolution de leur Compagnie; le profond silence qu'ils gardèrent sur cette immense douleur et sur toutes celles qui en furent la conséquence ; enfin la grandeur d'âme avec laquelle ils pardonnèrent à leurs persécuteurs, prouvèrent que s'ils avaient déposé l'habit de leur Ordre, ils en conservaient l'esprit dans toute la perfection qu'il avait reçue du saint fondateur. Ainsi que l'un d'eux () l'a écrit de nos jours: « Le Saint-Siège « avait droit de supprimer ce que lui-mê'me avait établi. Moi. je res« pecte avec mes Pères l'étrange situation où se trouva le Vicaire de « Jésus-Christ. et je regrette que, cette fois, le sacrifice de Jonas « accordé k la fureur des flots, n'ait fait qu'enhardir la tempête. » En effet, au lieu de cette paix que Clément XIV avait espérée, le philosophisme qui avouait par la bouche de Voltaire et celle de d'A-lembert. que la suppression de la Compagnie de Jésus était leur () Le Père de Ravienan : Clément XIII et Clément XIV. (i Le Père Cahours dans son ouvrage : Des Jésuites par un Jésuite publié en . œuvre, se révolta ouvertement contre l'Eglise et causa la terrible catastrophe qui termina le XVIIIe siècle. * Cependant un prince luthérien et une impératrice schismatique, Frédéric , roi de Prusse et la czarine Catherine II, les conservèrent dans leurs états; Clément XIV, et après lui, Pie VI, autorisèrent cette conservation dans l'intérêt des catholiques assez nombreux en Prusse et en Russie, depuis l'inique spoliation de la Pologne. Disons, en anticipant, que Pie VII, pressé par sa propre conscience et par les sollicitations des souverains, rétablit les Jésuites successivement dans leurs royaumes, et enfin dans tout l'univers catholique par une bulle solennelle ( août ). Pour compléter ce second aperçu de l'histoire de l'Eglise, jetons un coup d'œil sur les fruits de sainteté qu'elle fit éclore; aux noms que nous avons déjà rencontrés en signalant les œuvres admirables de la seconde partie du xvil" siècle, ajoutons ceux de saint Joseph de Copertino, du B. Bernard de Carléon, capucins, de saint François Girolamo, Jésuite, du . Jean de Britto, etc. Au xvinc siècle, alors que les âmes apostasiaient en si grand nombre, on put constater d'héroïques verlus, d'illustres expiations, et la saintetébrilla encoredans tous les rangs de la société : la famille royale de France mettait sous les yeux du coupable Louis XV d'admirables exemples : la reine Matie Leczinskaet la dauphine, le dauphin, père de Louis XVI, mort prématurément, l'auguste fille de LouisXV, \'" Louise qui mourut humble carmélite en odeur de sainteté ( décembre ), le nouveau dauphin qui fut Louis XVI, et ses sœurs, M"e Elisabeth surnommée l'Ange de la cour et M"e Clotilde, reine de Sardaigne, dont le procès de béatification est en instance près la cour romaine, offraient par la pureté et la sainteté de leur vie, un contraste frappant avec les vices du siècle ; l'épiscopat se glorifiait de noms impérissables : Mgr de Belzunce, évêque de Marseille, Mgr Christophe de Beaumont, archevêque de Paris, l'Athanase de son siècle ; Mgr Languet, archevêque de Sens, le terrible adversaire des Jansénistes, saint Alphonse de Ligllori, la gloire de l'Italie ; le sacerdoce brillait dans saint Léonard de Port-Maurice, saint Paul de la Croix, saint Jean-Baptiste Rossi, le Vincent de Paul de Rome; sainte Véronique Guiliani Clarisse, saint Pacifique de San Sev.-.Jino, saint Jean-Joseph de la Croix illustraient l'ordre monastique ; une multitude de saints personnages édifiaient le monde par un héroïque dévouement à la gloire de Dieu et au service des âmes ; enfin un pauvre mendiant du nord de la France, saint Benolt-Joseph Labre (), mort à Rome en , sembla destiné par Dieu à confondre le iiiatérialisthe et la corruption de son époque ; sa vie pauvre, humiliée, souffrante qui s'écoula en partie sur les chemins de France, d'Espagne, de Suisse et d'Italie, fut comme la Passiou continuée du Sauteur. Les nombreux miracles obtenus par son intercession, attestèrent sa sainteté et la divinité du christianisme dans ce () Il a été canonisé le décembre par sa Sainteté Léon XIII. « siècle qui avait osé la nier avec tant d'audace. En présence des impiétés amoncelées par le philosophisme, la société chrétienne s 'épnra, se perfectionna, et l'Eglise compta des saints jusqu'à la veille de la Révolution qui devait lui donner une nouvelle phalange de martyrs. II. — DES LETTRES, DES SCIENCES ET DES ARTS. g . — Des Lettres. Les plus éclatantes et les plus nombreuses productions de l'esprit humain au XVIIe siècle, ayant été des oeuvres littéraires proprement dites, nous suivons la marche de l'histoire en traitant d abord des lettres ; mais nous ne ferons qu'effleurer cette question qui a son développement ailleurs(). L'Eglise, ainsi qu'on l'a vu, s'était montrée pleine de sollicitude pour arrêter les écarts de la Renaissance ; elle avait ordonné dans les conciles de Latran et de Trente, de n'étudier l'antiquité païenne qu'après en avoir purifié les sources empoisonnées, et de joindre k cette éluda celle de la littérature sacrée afin d'y puiser ou du moins d'y conformer la pensée, ne demandant aux Grecs et aux Latins que la perfection de la forme. Telle était la direction nouvelle qu'elle avait donnée aux universités et surtout aux nombreux collèges des Jésuites, foyers de science et de vertu oil la jeunesse recevait cette forte et brillante culture des lettres; cette haute éducation intellectuelle qui alimentait et développait le génie par l'amour du vrai, du bien et du beau. Ce fut de cette éducation que sortit en France le Siècle lie Louis XIV () avec le cortège de toutes ses gloires : Descartes, Bossuet, Corneille, etc., avaient été élevés chez les Jésuites. Si, p rfois, on rencontre de l'alliage dans l'or de ce grand siècle, c'est que le génie ne se conforma pas toujours a la direction de l'Eglise : lorsque Corneille, Racine, Jean-Baptiste Rousseau, demandèrent à la religion leurs inspirations, ils firent entendre des accents qui eussent fait tressaillir l'antiquité poétique ; mais ils eurent le tort, et beaucoup d'autres avec eux, de s'inspirer parfois de l'idéal faux et absurde que leur avait transmis la Renaissance ; ils chantèrent les héros du paganisme, voire même ses divinités. Cependant, malgré ces écarts dont nos grands littérateurs ne comprirent pas comme nous l'importance, il reste vrai de dire que le chiistianisme plana sur le génie du xvu* siècle ; et, avec l'élévation de la pensée, la sublimité de l'inspiration, il donna encore aux lettres, une pureté, () Voir au cours spécial d'Hiitoire littéraire. () n comprend surtout sous cette dénomination la seconde partie du x v lie siècle. une délicatesse de langage que les Anciens, avec toute leur urbanité, n'eussent pas su comprendre ; aussi cette époque fut-elle la plus glorieuse dans les annales littéraires de la France, de l'Europe et du monde. Tous les genres furent cultivés avec le plus grand succès : Corneille, Racine, Molière, portèrent l'art dramatique à sa perfection ; Boileau, le législateur du Parnasse, La Fontaine, notre incomparable fabuliste, Jean-Baptiste Rousseau, le premier de nos poètes lyriques, immortalisèrent leurs œuvres ; à leur suite on doit encore nommer Madame Deshoulières et ses charmantes idylles. La prose fut plus féconde encore que la poésie ; à l'éloquence de la chaire se rattachent les grands noms de Bossuet, de Bourdaloue, de Massillon, de Fléchier ; les prononcer c'est faire leur plus bel éloge puisque c'estrappeler le souvenir d'une gloire impérissable ; Descartes (l), Malebranche donnèrent à la pensée humaine un nouvel essor ; Arnauld, Nicole, Duguet, penseurs profonds, ne sont cependant nommés qu'avec tristesse parce qu'ils ne surent pas se préserver des erreurs du Jansénisme ; nous avons vu les deux premiers s'en faire mème les défenseurs passionnés ; La Bruyère fut un moraliste ingénieux ; lIlézerai, les Pères d'Orléans, Daniel, Bouhours, Petau, etc., écrivirent l'histoire ou lui fournirent des matériaux ; l'abbé Fleury fit regretter son talent dans une histoire de l'Eglise écrite sous l'inspiration du Gallicanisme ; les Bénédictins Mabillon, Montfaucon, etc., fouillèrent l'antiquité avec un savoir profond et laborieux auquel ne peut être comparée notre science moderne. Les femmes offrirent aussi leur tribut à notre âge d'or à Madame Deshoulières, se joignirent Mesdames de Sévigné, de Lambert, de Maintenon, dont la plume revêtit cette grâce, cette sensibilité, cette délicatesse fine, aimable apanage de leur sexe ; Madame Dacier eut plus de prétentions : elle apprit le grec et traduisit Homère. Et, que de noms passés sous silence ! Ceux-ci suffisent toutefois pour montrer combien la fécondité du Siècle de Louis XIV surpassa celle des siècles d'Auguste et de Léon X. Le grand roi ne créa point, il est vrai, tous ces talents, mais il sut les encourager, les exalter, les dominer et les faire servir () Toutefois, il est bon de signaler ici les conséquences dangereuses de la philosophie de Descartes, connue sous le nom de Cartésianisme : elle inaugura un système qui enveloppait d'un doute méthodique toutes les connaissances humaines afin de les rétablir par la seule autorité du raisonnement, n'acceptant pour vrai que ce qui paraît évident à la raison. Descartes, sincèrement chrétien, ne porta jamais son doute sur les vérités de la foi ; il usa de toute la puissance de la raison, ce que firent Bossuet, Fénelon, etc., en se servant de sa Méthode pour défendre la vérité; niais, comme le signalait Bossuet lui-même, le Cartésianisme favorisait l'abus de la raison par sa trop grande séparation de la foi; l'une et l'autre sont distinctes, mais ne doivent pas être séparées, ainsi que le démontre saint Thomas; aussi l'Index romain dit que Descariet est à corriger. Bayle et les incrédules du XVIIIe siècle invoquèrent le Cartésianisme pour attaquer toutes les vérités chrétiennes qui ne paraissaient pas évidentes à leur raison. à la gloire de la France : sa littérature eut une immense influence sur toute l'Europe ; sa langue perfectionnée a un haut degré. devint européenne et la seule diplomatique après le traité de Ni.ègu®; le nier écrit en latin. N'avions-nous donc pas raison de dire que notre XVIIe siècle fut unique dans les annales littéraires du monde, et cela parce que ses œuvres eurent généralement la foi pour protectrice, parce qu'elles respectèrent la vertu ? Le XVIIIe siècle suivit une route tout opposée, et ce n est pas sans un sentiment de tristesse profonde que nous abordons cet e époque si fatale à notre pays, a l'Europe entière. Ce n est ni le talent, ni la fécondité qui lui firent défaut: elle fut riche de noms, riche d'œuvres, écrites avec un certain talent; mais ces noms, pour la plupart, doivent être stigmatisés, ces œuvres, Marnais fiétr.cs parce qu'elles turent le poison de la société ; la fécondité et le t.lent ne sont plus que des fléaux au service de l'impiété. Les noms les plus accrédités au dix-huitième siècle, et a leur tête Voltaire Jean-Jacques Rousseau ambitionnèrent moins le titre de littérateurs que celui de philosophes qui leur est surtout resté, pour leur éternelle honte ; on a vu ce qu'était leur philosophie : la haine de la religion l'oubli de toute morale et de toute convenance, un certain mépris dp. la vérité et de la vertu qui révolte le cœur naturellemen t fait pour le vrai et pour le bien. Tous les littérateurs philosophes eurent pour mobile la ruine du christianisme et de la société, et ils atteignirent leur but quant à leur siècle. Reproduire ici ces noms marqués de réprobation, ne serait plus qu'une critique religieuse, morale et politique ; nous nous bornerons à signaler les rares talents qui, dans ce siècle d'impiété et de corruption, rendirent encore hommage au christianisme et à la vertu. La poésie en compta plusieurs au premier rang se place Louis Racine pour son beau poème de la Religion ; le Franc de Pompignan, qui figure au second rang parmi nos poètes lyriques, et s'éleva même parfois à la hauteur de Jean-Baptiste Rousseau ; citons encore Destouches, Gilbert, Gresset même, parce qu'il déplora à. la fin de sa vie, les productions légères de sa jeunesse et brûla toutes celles qu'il put ressaisir ; Florian ne l imita pas, aussi ne le nommons-nous ici que pour ses Fables, le plus aimable recueil après celui de notre grand fabuliste ; enfin il faut mentionner Delille, l'habile traducteur de Virgile. La prose au XVIIIe siècle fut surtout l'instrument de propagande du philosophisme sous la plume de Voltaire, de Jean-Jacques Rousseau, des encyclopédistes qui résument leur siècle ; on peut, sinon leur associer, du moins faire suivre leurs noms de ceux de Montesquieu, de Buffon dans une certaine mesure, de Bernardin de Saint-Pierre, etc. Mais tandis que le Christianisme était ainsi attaqué de toutes parts, des écrivains fidèles, tels que Bergier, l'abbé Barruel, l'abbé Guénée, le cardinal de la Luzerne, etc., s'illustrèrent en le défendant, sinon avec le même éclat de style que leurs adversaires, du moins avec plus de solidité dans leurs arguments. L'éloquence de la chaire n'offrit point de noms immortels é comme ceux du XVIIe siècle ; cependant les Pères de La Rue, de Neuville, Ségaud, l'abbé Poulle figurèrent honorablement au second rang. Les d'Aguesseau, les Cochin, les Gerbier furent la gloire de l'éloquence judiciaire; l'histoire compta plusieurs noms : les savants Bénédictins Dom Bouquet, Dom Lobineau, Dom Planchet, Dom Calmet, le duc de Saint-Simon fort remarquable comme écrivain, mais dont on déplore l'esprit de dénigrement, le président Hénault, enfin le bon Rollin et ses continuateurs Creviet et Lebea.ii ; la critique littéraire eut ses Aristarques dans Marmontel et La Harpe. L'Allemagne, absorbée par la guerre de Trente ans dans la première partie du xviie siècle, ne put songer h la culture des lettres ; d'ailleurs sa langue était encore si incorrecte, que le savant Leibnitz la délaissait pour se servir du làtin et quelquefois même du français. Cependant, gtâce aux efforts d'Opitz qui traça les règles de la poésie, d'Relier et de plusieurs savants critiques, la langue allemande S'épura, se fixa, e, sous l'influence littéraire de la France et de l'Angleterre, le génie national prit. enfin son es'sor àu xvin" siècle. Kiopstock dota l'Allemagne d'un poème épique, la Messiade; Wieland et Lessing, à la fois poètes et prosateurs ccrfnme le plus grand nombre des littérateurs allemands, se firent un nom dans l'art ,dramatique, la critique littéraire, etc. ; mais leurs -œuvres furent marquées par l'impiété ; GesSfler- fut le Théocrite de l'AMemagne ; Goethe, le premier poète de sa nation, était un génie universel que ses compatriotes surnommèrent le roi de la sphère intellectuelle; sans lui contester ce titre, on regrette que cette-sphère si pleine de profonde érudition, ait été si vide de cO¡viclions morales et religieuses : Goethe fut le type le ptus' complet du genre romantique de l'Allemagne, et la personnification d'une littérature qui rivalisa avec la littérature vollairienue ; son drame de Faust porte le cachet d'ulle impiété satanique.-Pour achever cette période que l'Allemage regarde comme son âge d'or et qui s'éteild aux premières années du XIXC siècle, il faut encore nommer Schiller, le second poète national, les Stolberg, fi er-det, lIlttllet, l'historien classique de l'Afleteagne, et les frères Schlègel dont l'un, Frédéric, se convertit à la foi catholique. L'Angleterre au X\'"II' siècle, eut dans Milton le second de ses grands génies qui lui donna dans le Paradis perdu, son chef-d'œuvre national ; Dryden fixa la langue et le goût par une poésie enfin classique; il eut le bonheur de se convertir au catholicisme et lui dut l'inspiration de son Ode sur la fête de Sainte-Cécile, restée le chef-d'œuvre de l'ode moderne. La prose ne présente que deux noms., encore sont-ils flétris, Hobbes et Loche, doBt les productions philobophiques servirent de bases aux doctrines matéri/ilistes et seirsualistes du XVIlIe siècle. L'Angleterre sentit l'heureuse réaction de l'âge d'or de la littérature française, elle eut aussi le sien au XVIII" siècle, non qu'elle comptât alors des génies Semblables à Shakespeare et à Miiton, niais elle fut fiche en talents d'une pureté fieogoût,. « inconnues à plumé de pée en pllLs la r.éputation figu- lèrent "ri ChJam, Burke, SMridan, Fox, William Pitt, fils de lord C Chatam. On le voit, la littérature anglaise aussi bien que la littérature allemande furent riches et fécoiides; que n'eussent pas fait ces hommes si heureusement duués, s'ils eussent été inspl* d£ terreur ia foi ? Ils auraient substitué à la lueur toujours vacillante de L erreur, a lumière si ri ve de la vérité, le coloris si délicat et si pur de la morale évangélique. La période éclatante des Trois Philippe termina la gloire littéraire de Espagne ; le goût national corrompu au s,ec par l'emphase de Gongora, s'épura vainement à la fin de ce siècle au contact des chefs-d'œuvre français; les productions de a littératuresiècle voltairienne envahirent la Péninsule hispanique au xyni» siècle portèrent le coup mortel au génie castillan ; elles déversèrent en même temps leur funeste poison en Portugal. Vaffecta-L'Italie dont le goût fut aussi altéré au xvn* siècle par aflçctation du poète Marini, eut cependant un écrivain de mérite fut dans î tôrien du coneile de Trente, Pallavicini; son œuvre f^ la g °r réfutation de celle de Fra Paolo, calviniste sous un Çc a dit Bos-l'ésuet. Le siècle de Louis XIV aida l'Italie k s affranchir enfin de l e cole Marinesque, et, au XVIII" siècle elle arriva avec -doni, Mafféi Alfieri, à la gloire dramatique dont elle avait été déppurvue jusqu'alors. La prose compta aussi plusieurs noms remarquables • les historiens Muratori, Orsi, les savants Zaccaria, Vico, etc. Malheureusement l'influence philosophique de la France ne tarda pas à se faire sentir à l'Italie, déjà livrée, du moins en Lombardie et en Toscane, aux funestes doctrines ^ une foule de littérateurs italiens parmi lesquels figurèrent si ste nient Lugo, Visconti, Beccaria, le poète Alpéri, historien' Gianonne, commentèrent avec ardeur les principes de Voltaire, d'Hélvétrns, ras <i Diderot, etc. Mais en suivant la Fràoce dans ses écarts, 'Italie partagera ses châtiments: associée à ses malheurs politiques par^ invasion de son territoire, le renversement de ses trônes la perte û liberté, elle le sera encore à sa décadence intellectuelle, et apprendia par sa propre. expérienoe, qu'aucune gloire littéraire ne peut subsiSl chez un peuple qui a tari par le scepticisme la vraré source qui alimente le génie. C'est ce qui explique la stérilité des littératures du Nord, tédaites à chercher leurs inspirations dans le protestantisme èt soustraites à l'influence de là littérature française du *vne siècle. Au XVIII , la Suède compta trois poètes lyriques Dalin, Lidner, Billmann, dont les chants ne sont pas, dit-on, sans mérite; le Danemark eut Iln poète dramatique dans HOlberg, Quant à la Russie, son chaos littéraire fut débrouillé par Catherine Il d'une manière déplorable : elle fit traduire et propager dans son empire, les productions de la littérature voltairienne dont elle était fort enthousiaste; éclairée ensuite par les excès de la Révolution française, sur les conséquences des doctrines philosophiques, elle s'efforça d'en faire ressaisir les traductions qu'elle avait propagées avec tant d'ardeur, mais elles avaient fait au génie russe un tort immense. La catholique Pologne exhala les douleurs de sa liberté expirante par les accents harmonieux àeNiemcewicz. Dans le démembrement de son territoire, la Prusse et l'Autriche ravirent jusqu'à la langue aux provinces passées sous leur domination la Russie au contraire, la respecta alors dans celles qui lui échurent, et les Polonais de Lithuanie, de Podolie, de Minsk, etc., eurent au moins la consola-lion de chanter leur malheur et la gloire de leurs aïeux dans leur langue nationale. § . Des Sciences. Il n'en est pas de la science comme de la littérature: celle-ci doit être étudiée chez chaque peuple, parce qu'elle est l'expression de son génie national, le reflet de sa vie intellectuelle, morale et politique; la science, au contraire, est du domaine de tous parce que la vérité scientifique est une aussi le comble de la gloire pour la nation qui a donné le jour à un savant, est de pouvoir se dire qu'il appartient au monde entier. Nous allons donc envisager les sciences à ce point de vue général, au XVIIe et au xvm" siècle; la nationalité iîe sera plus ici que l'accessoire. XVIIe siècle. Quatre noms se placent k la tête de tous les autres dans ce siècle : Descartes et Pascal en France, Newton en Angleterre, Leibnitz en Allemagne. Descartes (-), un des plus vastes génies des temps modernes, porta tout à la fois ses investigations dans le monde métaphysique et dans le monde physique ; déjà nous avons dit un mot de son système philosophique, de plus, il n'entre pas dans notre plan w. border ici la région si élevée des sciences métaphysiques; c'est comme mathématicien, astronome et physicien que nous envisageons Descartes : le premier, il appliqua l'algèbre à la géométrie, ce qui lui permit de résoudre comme en se jouant, des problèmes qu'on croyait insolubles ; il découvrit la véritable loi de la réfraction, appuya les systèmes de Copernic et de Galilée et mit Newton sur la voie de la grande loi de l'attraction par son système, bien que chimérique, des tourbillons: il prétendait que le soleil et les étoiles fixes sont le centre d'autant de tourbillons de matière subtile, qu; font circuler les planètes autour d'eux. Pascal (-) philosophe, littérateur, mais surtout grand mathématicien, avait a quatorze ans trouvé eul et sans livres, tous les éléments de la géométrie ; h seize ans, il composa son traité Des sections coniques et, un peu plus tard, créa le calcul des probabilités (), démontra la pesanteur de l'air par sa fameuse expérience sur le Puy-de-Dôme, et inventa selon quelques-uns la presse hydraulique.Newton (-), le plus grand génie scientifique de l'Angleterre, avait fait Il l'âge de vingt-trois ans, une partie de ses plus belles découvertes ; la science lui doit: le calcul infinitésimal ou différentiel, la décomposition de la lumière, les principales lois de l'optique et enfin la loi suprême de l'attraction ou de la gravitation universelle, c'est-s-dire l'explication du système du monde. Le profond savoir de ce grand mathématicien, physicien et astronome, ne lui permit pas d'être athée; ses admirables découvertes sur l'univers étaient pour lui des arguments sans réplique en faveur de l existence de Dieu ; mais élevé dans la haine de la religion catholique, Newton, semblable a ces astres dont il avait découvert la nature et le mouvement, cessa d'être lumineux lorsque, se soustrayant à l action des rayons purs de la vérité, il voulut attaquer le catholicisme dans son Commentaire sur l'Apocalypse , les erreurs et les rêveries de cette triste production, ont fait dire à un homme d'esprit que « Newton avait voulu consoler l'humanité, jalouse de la supériorité qu 'il avait sur elle. » Leibnitz (-% protestant aussi, s'est montré supérieur dans toutes les connaissances humaines, surtout en mathématiques et en philosophie; il toucha même à la théologie et, par elle, arriva presque au catholicisme. Il entretint avec Bossuet pour la réunion de l'Eglise réformée à l'Eglise romaine, une correspondance célèbre, maïs qui demeura sans résultat parce que Leihnitz, trop peu généreux, commença à reculer, du moment où il vit l intérêt des princes ses protecteurs, opposé à cette réunion. Comme mathématicien, il revendiqua en 'même temps que Newton l'honneur de la découverte du calcul différentiel ; il en résulta un grand procès à la face de l'Europe; la Société royale de Londres devant laquelle il fut porté, donna gain de cause à son compatriote. Grâce aux progrès que ces quatre génies firent faire aux sciences mathématiques (arithmétiqne, algèbre, géométrje), elles devinrent la base assurée de l'astronomie, et le secours puissant et incessamment invoqué de la physique. Pour encourager ce progrès en France, () Ensemble des règles qui permettent de calculer des gains ou des pertes à venir sur des données plus ou moins connues. Louis XIV fonda a Paris () l'Académie des Sciences, életa l'Observatoire () et attira dans son royaume des savants étrangers; trois justifièrent surtout le choix du monarque et celui xie Colbert : Rœmer, Huyghens et Cassini. Le danois Rœmerqui fut professeur du Grand Diuphin. découvrit la vitesse de la lumière avec une précision sinon complète, du moins fort rapprochée de l'exactitude constatée par la science. actuelle. Le Hollandais Huyghens, physicien et astronome, établit et développa dans son Traité de la lumière, le système des ondulations exposé d'abord par Desca-rtes, et qui prévaut aujourd'hui; il inventa l'horloge à pendule, découvrit l'anneau de Saturne et l 'un de ses satellites. L'Italien Cassini en découvrit quatre autres ; c'est à lui et à l'abbé Picard, professeur d'astronomie au collège de France, que sont dues les premières opérations qui devaient servir à mesurer la terre; ils commencèrent à tracer le méridien de Paris; ce fut d'après la mesure du degré donné par l'abbé Picard, que Newton put enfin calculer la force qui retieat la lune dans son orbite. Citons encore quelques noms : Fermat, conseiller au Parlement de Toulouse, partagea avec Descartes la gloire d'appliquer l'algèbre à la géométrie et éclaira la science si difficile des calculs; l'abbé Mariolle trouva la loi en vertu de laquelle le volume des gaz varie en raison inverse de la pression qu'ils supportent; Denis Papin conçut la première idée d'employer la vapeur d'eau condensée comme force motrice ; il fit en Allemagne sur la Fulda, une expérience avec un véritable bateau à. vapeur; mais des marins ignorants basèrent la machine du grand physicien ; Tournefort commença la restauration de la botanique ; Samson et Delisle brillèrent comme géographes. L'immortel Newton avait donné un essor à la science en Grande-Bretagne : Grégory inventa le télescope à réflexion ; l'astronome Halley (-) prédit le retour d'une comète qui porta son nom; le physicien et chimiste Robert Boyle perfectionna la machine pneumatique, et fit de précieuses expériences sur les phénoir s chimiques de l'air, sur la combustion, etc.; Ilarvey, médecin, de Jacques Ier et de Charles I" enrichit la physiologie par la démonstration de la circulation du sang. Enfin -la Suisse donna à la science les frères Rernouilli, mathématiciens et physiciens distingués, XVilï- siècle. Ce siècle fut celui des mathématiques, de la physique et des sciences naturelles ; les savants furent si nombreux que nous nous bornerons à peu près à une simple nomenclature eu indiquant les diverses branches de la science. Ma-thématiques. — Astronomie. Lagrange, né à Turin (), de parents français, prit rang a dix-huit ans parmi les grands mathématiciens de l'Europe, en envoyant à Euler de Bâle, la réponse à des questions dont on cherchait la solution depuis dix ane; ildéve- loppa le calcul infinitésimal dont Leibnitz et Newton s'étaient disputé la -découverte, et laissa plusieurs traités de mathématiques fort estimés. Il mourut a Paris en . Laplace (-) eut la gloire de compléter l'œuvre de Newton en levant les difficultés que présentait encore l'explication du système du monde par la gravitation universelle; il popularisa ce système par des écrits aussi élégants que profonds. Il fut comblé d'honneurs par Napoléon et plus tard par Louis XVIII qui lui donna le titre de marquis. ■' Au-dessous de ces deux savants éminents figurèrent les mathématiciens ou géomètres : Euler de Bâle, Monge, d'Alembert, l astronome Lalande qui professa quarante-six ans au collège de France, mais ternit sa gloire d'avoir popularisé en France le goût des études astronomiques, en se déclarant publiquement athée; Maupertuis, Ciairaut ; ces deux derniers firent partie de l'expédition des savants qui allèrent en Laponie () pour mesurer près du pôle, un degré du méridien que Bougner et Lacondamine mesurèrent sous l 'équateur. Quelque temps après, l'abbé Lacaille s'établissait au cap de Bonne-Espérance pour dresser la carte du ciel austral. Herschell (-) né dans le Hanovre, se fixa en Angleterre et, par la seule force de son génie, devint, de simple organiste, grand astronome. Trop pauvre pour acheter des télescopes, il se mit a en fabriquer lui-même prenant pour modèle celui qui était sorti des mains de Newton; il ne tarda pas a exécuter des instruments plus parfaits et plus puissants que tous ceux que l'on connaissait, entre autres un télescope de dpuze mètres qui exigea quatre ans de travail, et a retenu son nom il grossissait six cents fois. Avec le secours de ces instruments, il découvrit une nouvelle planète, Uranus (), puis ses satellites et deux nouveaux satellites de Saturne ; il fit encore d autres découvertes importantes, notamment dans l'astronomie stellaire par ses études attentives des nébuleuses. > . Physique.—Chimie. Benjamin Franklin, le célèbre député des Etats-Unis, inventa le paratonnerre; les Italiens Galvani (-) et VoUa (-) découvrirent les phénomènes électriques qui opérèrent une véritable révolution dans la chimie et l'industrie ; le premier inventa une multitude d'appareils de physique fort ingénieux. Réaumur (-) construisit le thermomètre auquel on a donné son nom. On doit à Coulomb (-) l'ingénieux instrument appelé balance dt; Coulomb, par lequel il découvrit les lois des attractions et des répulsions magnétiques. Montgolfier fit faire en , la première ascension d'aérostat. L'Ecossais Watt (-) trouva le coudenseur, donna une précision mathématique aux mouvements de la machine à vapeur et économisa les deux tiers du combustible, de sorte que la découverte de Denis Papin restée iusque-là Il peu près stérile, devint un des plus puissants instruments de l'industrie moderne. Lavoisier (-) complétant les recherches de ses devanciers, analysa l'air et l'eau et fut vraiment le père de la chimie; il en fit uue science reposant sur des théories que les expériences n'ont fait que consolider depuis, la pourvut d'une méthode à laquelle travaillèrent aussi Guylon de Morveau et Berthollet ; aussi Lagrange disait-il : « La chimie est aisée maintenant, elle s'apprend comme l'algèbre. » L'Ecossais Blake (.) soupçonna le premier l'existence de l'acide carbonique et fit connaître la chaleur latente ; Cavendish (.) analysa les propriétés du gaz hydrogène et disputa à Lavoisier l'honneur d'avoir découvert la composition de l'eau, etc. Histoire naturelle.—Ce que Lavoisier fut pour la chimie, Buffon le fut pour la zoologie, Linnée et de Jussieu, pour la botanique. Buffon (-) écrivit une Histoire naturelle en trente-six volumes et pourtant inachevée; elle a été continuée par de Lacepède (-*). Cet ouvrage dont le mérite littéraire a fait ranger Buffon parmi les meilleurs écrivains de son siècle, a beaucoup perdu à nos veux au point de vue scientifique par suite des progrès actuels de ''histoire naturelle ; de plus, bien que Buffon sauvegarde le fond de sa pensée en commençant par définir la nature : le système des lois établies par le Créateur, son langage habituel qui substitue la nature à Dieu n'est pas sans danger et lui a valu les éloges des philosophes matérialistes ; on a vu ailleurs () comment apprécier ses Epoques de la nature. eut pour coopérateurs dans ses recherches Daubenton et Guineau de Montbeillar(l ; il fraya la voie à Cuvier (-) et à Elie de Beaumont, grands naturalistes et géologues de notre siècle. Le Suédois Linnée (-), professeur à l'Université d'Upsal, fut le réformateur de la botanique ; cependant sa classification est abandonnée aujourd'hui pour celle de Bernard de Jussieu (-) le véritable créateur de la méthode naturelle fondée sur l'analogie des caractères des plantes. Parmentier doit trouver place ici, non comme botaniste, mais parce qu'en se vouant à l'étude des substances alimentaires, il acclimata en France la pomme de terre vers la fin du XVIIIe siècle, ce qui fut un service immense pour le peuple. La minéralogie et la géologie comptèrent des noms célèbres : le Saxon Werner (-), Saussure (-) de Genève, le Français Dolomieu (-); ce dernier parcourut à pied une praude partie de l'Europe pour enrichir la minéralogie; enfin l'abbé /...üy (-) qui créa la cristallographie. Découvertes géographiques. — Nous plaçons ici ces découvertes parce qu'elles eurent surtout un but scientifique : celles des xve et XVIe siècles avaient été entreprises pour gagner des âmes à Dieu, ou encore pour conquérir de nouvelles terres ; les découvertes du XVIIIe siècle enrichirent bien moins la géographie que les sciences naturelles. Parmi les célèbres navigateurs qui allèrent à la poursuite de ces richesses scientifiques, nous citerons: Dampierre (-), () Voir au cours d'Histoire littéraire, ° volume, page . Anson (), Byren (), Wallis et Carteret (t ) et surtout l'intrépide capitaine Cook, qui exécuta par ordre du gouvernement anglais,"«trois voyages autour du monde. Le premier () eut pour but d'aller observer & Taïti, le passage de Vénus sur le disque du soleil ; il découvrit, chemin faisant, les côtes de la Nouvelle-Zélande et le détroit qui porte son nom. Dans le second, il vérifia qu 'au delà du " degré de latitude méridionale, il n'y a plus de terre australe de quelque étendue, il découvrit la Nouvelle-Calédonie. Enfin, E essaya vainement dans son troisième voyage, de franchir les glaces du détroit de Behring pour s'assurer s'il existe une communication entre le nord de l'Amérique et l'Ancien continent ; à son retour, il fut assassiné par les naturels de l'Océanie, dans les îles Sandwich (). Le célèbre navigateur Vancourer (-). l'avait accompagné dans ses deux derniers voyages. Bougainville, son rival de gloire, le premier Français qui entreprit de faire le tour du monde (-), découvrit les îles de la Société, l'archipel Dangereux et l'île qui retint son nom. Sur les traces de ces deux célèbres marins, les Français La Pérouse () et d 'Entrecasteaux () parcoururent en tous sens le dangereux labyrinthe d îles et d archipels qui forment aujourd'hui la cinquième partie du monde ; ils ont rendu le Grand Océan presque aussi accessible que nos mers européennes. La Pérouse y périt; ce ne fut qu'en , qu'on retrouva les derniers restes de son naufrage près des îles Vanikoro. L,è Danois Behring, au service de la Russie, découvrit le détroit a.ti porte son nom, etc. On ne saurait dire tout ce que ces hardis navigateurs rapportèrent de faits intéressants, d'observations curieuses et scientifiques, d'indications utiles pour la physique générale du globe, l'astMnomie, l'histoire naturelle. Le progrès de la science marqua donc incontestablement le xvtu" siècle, mais, pour apprécier ce progrès à la lumière de la foi, notre guide toujours, reprenons en quelques mots la marche historique de la science dans la société chrétienne Au moyen âge où l'Eglise avait obtenu que l'idée dominât la matière, que l'application aux vérités éternelles l'emportât sur les vérités du temps, que Dieu, en un mot, fût la suprême et générale attraction des âmes, la science avait surtout pris pour domaine le monde supérieur : ses investigations profondes dans la philosophie et la théologie lui avaient donné une incroyable puissance de raisonnement, une force, une élévation intellectueile restée hors d'atteinte jusqu'à ce jour. Au contraire les sciences expérimentales qui explorent le monde inférieur, ne furent l'objet que d'une attention secondaire, et le sens chrétien du moyen âge sut leur assigner leur véritable place. Albert le Grand avait rêvé une vaste synthèse (t) qui aurait formé de la science humaine comme une pyramide à trois étages : à la base, les sciences naturelles et physiques ; au-dessus, les sciences mathématiques et philosophiques; au sommet, la science () L'idée s'en retrouvait déjà dans Clément d'Alexandrie au IIe siècle. sacrée. Il avait commencé de vastes travaux sur les sciences naturelles; mais saint Thomas, son disciple, semble avoir compris que l'on n'était pas mûr pour ces travaux qui n'auraient abouti qu'à une compilation oes données scientifiques des anciens. Il a laissé de côté lui, dans sa synthèse, tout le monde matériel et s'est attaché, avec quel succès ? on le sait, au monde de la raison et de la foi. Le moyen âge en masse l'a suivi, malgré les efforts du hardi franciscain Roger Bacon () ; le chef d'œuvre poétique de cet âge et de tous les âges chrétiens, la Divine Comédie du Dante fut alimentée par la Somme de saint Thomas. Dans la Société moderne la domination de l'idée s'affaiblit peu à peu par suite de la décadence de la foi, et au XVIe et au xvu' siècle, sans abandonner complètement le monde métaphysique, on reprit l étude du monde matériel, à la lueur de l'expérience cette fois, avec Copernic, Keppler, Galilée, Newton, etc. Du moins les sciences naturelles trouvèrent dans leurs merveilleuses découvertes de nouveaux et puissants motifs de glorifier Dieu, de bénir sa bonté, et il en doit toujours être ainsi; toute science pour être complète doit remonter des causes secondes à la cause première, de-la vérité créée à la Vérité incréée, principe et fin de toutes choses. Malheureusement telle ne fut pas la direction que prit la science au :XVIIIc siècle : au lieu d'élever l'homme vers le ciel, elle le courba vers la terre ;ses nombreuses découvertes en mathématiques et en physique furent utiles au point de vue humain et devinrent dans leur application, des instruments depuis-sauce matérielle pour les nations, des sources de richesses; mais celte application se fit sans mesure : la science parut n'avoir d'autre mission que de s'employer à multiplier les jouissances terrestres, à favoriser le bien-être, le sensualisme si fortement réprouvé par l'Evangile; elle devint, par ses résultats, vraiment corruptrice, énerva les ihncs, abaissa les caractères, et, pendant que le progl ès matériel avançait, le progrès moral reculait: l'ordre du moyen âge était renversé, la matière dominait l'idée, l'étage inférieur de la pyramide figurait tris. temeut au sommet. Dans de telles conditions, la science, et ce fut surtout en France, ne tarda pas à. se faire, comme la littérature, l'auxiliaire du philosophisme ; enorgueillie par les découvertes des lois et des phénomènes du monde inférieur, elle oublia le monde supérieur, et ne vit plus au delà de ses calculs que doute et négation; elb rejeta successivement tous les dogmes du christianisme dont elie se déclara l'ennemie, et arriva avec l'astronome Lalande et tant d'autres, à vouloir expliquer la création sans Dieu, à nier même son existence. Nous verrons les arts entrer aussi au xvin siècle dans cette voie de corruption et d'impiété, () Voir l' Histoire du moyen dge, page . j! . Des Arts. Le XVIe siècle avait été celui des arts ; le XVIIe, le siècle littéraire par excellence, ne fut cependant pas dépourvu de gloire artistique, et c'est encore en France qu'il faut surtout la chercher pour l'architecture et la sculpture ; son école de peinture n'occupe que le second rang, le premier appartient aux écoles Flamande, Hollandaise, Espagnole, du moins dans la première partie de ce siècle ; l'Espagne le conserve encore dans la seconde. La prééminence du génie musical appartient a l'Italie et à l'Allemagne. Architecture. — Sculpture. — Peinture. — Louis XIV voulant donner aux arts un foyer et un centre comme il en avait donné aux sciences, fonda à Paris les académies de peinture et de sculpture (), de musique (J, d'architecture (), et établit à Rome l'école des Beaux-Arts (), où les élèves couronnés par les académies de France allèrent aux frais de l'Etat, perfectionner leur talent par l'étude des chefs-d'œuvre des grands maîtres. Cette royale protection favorisa l'essor du génie artistique ; la France au XVIIe siècle compta de nombreux architectes, trois furent surtout célèbres, Claude Perrault, François Mansart, et son neveu Jules Hardouin Mansart. Claude Perrault (-) fut appelé à continuer le chef-d'œuvre de Pierre Lescot : Colbert avait mis le projet de l'achèvement du Louvre, au concours entre tous les artistes de France et d'Italie ; Le Bernin, renommé par sa magnifique colonnade de la place Saint-Pierre à Rome, vint même à Paris sur l'invitation de Louis XIV pour exposer ses plans; mais ceux de Claude Perrault furent préférés. Dès la façade extérieure de l'est s'éleva vis-à-vis l'église Saint-Germain l'Auxerrois : ce fut la célèbre colonnade du Louvre. En même temps la façade extérieure du sud était commencée ; mais ces grands travaux poussés d'abord avec activité, furent ralentis, puis complètement suspendus : Versailles absorba toutes les sollicitudes de Louis XIV. François Mansart (-), commença le Val-de-Grâce et bâtit le château de Maisons près de Saint-Germain-en-Laye. Il inventa les Mansardes qui coupent quelquefois heureusement la surface trop unie des combles, mais quelquefois aussi lui ôtent de la légèreté. Jules Hardouin fut plus célèbre que son oncle, il créa ou agrandit la place Vendôme et celle des Victoires, éleva le dôme majestueux et élégant des Invalides (l'église et l'hôtel furent construits par Bruant), Saint-Cyr, le Grand Trianon et Marly, splendides rendez-vous de chasse, enfin le château de Versailles (-) qui fut son œuvre capitale. Le Nôtre et La Quintinie, dessinèrent le jardin qui en fait la plus belle décoration ; tous les arts contribuèrent à embellir cette royale demeure ; Rennequin Sualem y amena l'eau de la Seine en construisant la machine de Marly (-) qui élevait l'eau à une hauteur de cent soixante-dix mètres. Outre les monuments dus à ces trois grands architectes, le XVII. siècle vit encore élever par Le Vau le collège Mazarin (aujourd'hui.l'Institut) et le dôme de l'horloge des Tuileries ; Le Notre dessina son beau jardin et l'étendit jusqu'aux Champs-Elysées qui furent plantés d'arbres; les châteaux de Saint-Germain, de Fontainebleau,de Chambord, Saint-Cloud, etc., furent agrandis, restaurés, surtout embellis par les magnifiques jardins de Le Nôtre et de La Quintinie, etc. Nous avons parlé ailleurs des grands travaux d'utilité publique, ports, arsenaux, forteresses dues au génie de Vauban, du canal du Languedoc creusé par Riquet de Caraman et Andréossy. etc. L'architecture du siècle de Louis XIV représente le dernier âge de cet art en France; elle est régulière et grandiose, mais plus froide que celle de la Renaissance, ainsi qu'on peut le voir dans les deux chefs-d'oeuvre de ce siècle, la colonnade du Louvre et le château de Versailles. L'architecture du XVIIlC siècle imita en l'amoindrissant celle du xvii, ; les seuls édifices dignes d'être cités sont le portail de Saint-Sulpice, oeuvre de l'italien Servandoni, et l'église Sainte-Geneviève (), élevée par Soufflot. La sculpture en France fut portée à sa perfection au XVII c siècle par Sarazin (-), le ramier de la belle école de Jean Goujon et de Germain Pilon qui avaient brillé au xvic siècle ; il décora de ses travaux plusieurs églises de Paris et le château de Versailles ; son chef-d'œuvre est ie monument élevé sur la tombe d'un duc de Bourbon, dans l'église des .ésuites() rue Saint-Antoine, et représentant la Religion, la Justice, la Piété et la Force ; il est orné de quatorze bas-reliefs en bronze. Puget ( -) peintre et architecte, mais surtout statuaire, a laissé plusieurs chefs-d'œuvre, remarquables surtout par l'énergie ds l'expression ; les principaux furent: Alexandre Sauli, l'apôtre de la Corse, Saint Sébastien, Saint Philippe de Néri, tous trois à Gênes, les bas-reliefs de l'Assomption et ceux de Diogène et d'Alexandre qui se voient au Louvre, etc ; Puget ne laissa point d'élèves ; les sculpteurs qui vont suivre eurent de la grâce, mais sans élévation : Girardon peupla de ses ouvrages'e jardin de Versailles, éleva en bronze la statue équestre de Louis XIV (détruite pendant la révolution), etc. ; son chef-d'œuvre est le Mausolée de Richelieu dans l'église delà Sorbonne. On doit à Coysevox les Chevaux ailés qui ornent l'entrée des Tuileries du côté de la place Louis XV ou delà Concorde, des groupes à Marly et à Versailles; les bustes de Louis XIV, de Bossuet, etc., enfin les mausolées de Mazarin et de Colbert, ce dernier est dans l'église de Saint-Eustache à Paris. Les frères Nicolas et Guillaume Coustou ornèrent Paris et Versailles de morceaux précieux; c'est au ciseau du dernier qu'on doit les Chevaux indomplés des Champs-Elysées. Au xvni" siècle, son fils Guillaume Coustou sculpta le tombeau du vertueux () C'est aujourd'hui l'église Saint-Paul dauphin père de Louis XVI, dans la cathédrale de Sens où le prince avait voulu être enterré. Lepautre tailla le groupe d'Enée et d'Anchise; Bouchardon, nn peu froid, mais noble et simple, a laissé plusieurs œuvres de mérite : à Paris, la Fontaine de la rue de Grenelle, et dans l'église Saint-Sulpice les Figures de Notre-Seigneur, de la Sainte Vierge et de six apôtres ; et a Rome où il séjourna quelque temps, les bustes de Clément XII et de divers cardinaux. Nous nommons Pigalle, mais seulement pour son magnifique Tombeau du maréchal de Saxe, car, ainsi qu'un grand nombre de sculpteurs de son siècle, il puisa ses inspirations à une source corrompue et toute païenne, leurs œuvres en portèrent la triste empreinte. La peinture demeura stérile en France jusqu'au commencement du XVII" siècle ; alors les leçons de Vouet (-) qui avait été perfectionner son pinceau à Rome, forma le goût national, et notre patrie eut enfin son école de peinture qui dut au Christianisme ses plus belles inspirations ; elle compta quatre talents du premier ordre: Le Poussin, Lesueur, Mignard et Lebrun. Le Poussin (-), malgré son coloris trop sombre, est resté le chef de l'école française par la richesse et la poésie de ses compositions, l'élévation de son idéal; Lesueur, Mignard, Lebrun furent en partie redevables de leur talent aux leçons et aux conseils de ce grand maître qui avait passé la moitié de sa vie à Rome où il mourut. Il y eut la réputation du plus grand peintre de son temps, et il l'a gardée. Parmi ses chefs-d'œuvre on remarque le Déluge, les Sept Sacrements représentés en sept tableaux, la Mort de Saphire, Moïse frappant le rocher, etc. Lesueur, né à Paris en L, a été surnommé le Raphaël français; comme ce grand artiste, il alimenta son génie aux sources si pures et si fécondes de la religion, et laissa de nombreux chefs-d'œuvre : La Vie de saint Bruno, en vingt-deux tableaux qu'il peignit pour le couvent des Chartreux ; la Messe de saint Martin, la Vision de saint Benoit sur sa sœur, saint Paul guérissant les malades devant Néron, saint Paul prêchant à Ephèse, la Salutation angélique, le Martyre de saint Laurent, Tobie donnant des instructions à son fils, etc. ; on pourrait en citer bien d'autres puisqu'on en a gravé cent dix. Lesueur a atteint la perfection de l'idéal ; son pinceau plein de naturel et de grâce sut, jusque dans les compositions les plus sévères, exprimer par une suavité de ton, par les touches les plus délicates, les sentiments les plus intimes et les plus purs; c'est qu'il peignait avec son âme dont ses œuvres reflètent la candeur, la bonté et la tendre piété. Comme le peintre d'Urbin, il fut enlevé a trente-huit ans (). Lebrun (-) possédait un talent à effet qui convenait admirablement a Louis XIV, aussi fut-il nommé premier peintre du roi et chargé de décorer la grande galerie de Versailles à laquelle il travailla quatorze ans; directeur de l'académie de peinture, il fut jusqu'à la mort de Colbert, l'arbitre du goût et exerça sur les arts une véritable dictature ; ce fut lui qui donna au grand roi l'idée de la fondation de l'école des Beaux-Arts à Rome. Ses œuvres furent très nombreuses, on cite surtout : Les Batailles d'Alexandre qui sont au Louvre, la Défaite de Maxence, le Christ aux Anges, la Madeleine, la Vierge apprêtant le repas de l'Enfant Jésus. Lebrun n'a ni le naturel, ni la grâce de Lesueur, ni la profondeur de pensée du Poussin, mais il a de la noblesse et de la hardiesse, et vient le premier après ces deux grands maîtres. Mignard (-) fut quelque temps son rival pour avoir peint la grande fresque du Val-de-Grâcp et celles d'une des galeries de Versailles ; mais il excella surtout dans le portrait et fit plusieurs fois celui de Louis XIV ; il est regardé comme le meilleur coloriste de son temps; son pinceau moelleux a de la grâce, trop quelquefois peut-être ; aussi a-t-on nommé mignardise toute affectation de soins et de délicatesse. Parmi les ouvrages de Mignard, on remarque surtout : La Sainte Vierge présentant une grappe de raisin à l'Enfant Jésus, une sainte Cécile, et le Mystère de la Visitation. Philippe de Champagne, né à Bruxelles (), vint se perfectionner à Paris, sous la direction du Poussin et s'y fixa avec le titre de premier peintre de la reine; il mérita de figurer près de nos grands maîtres par ses admirables portraits et par un véritable chef-d'œuvre : La Translation des corps de saint Gervais et de saint Protais. — Jouvfnet (-. ), né a Rouen, composa avec Lebrun un grand nombre d'oeuvres, tant à fresque que sur toile; ses plus belles compositions sont: Esther devant Assuérus, la Pêche miraculeuse, la Descente de croix. Devenu paralytique du côté droit, il s'exerça à peindre de la main gauche et y réussit; ce fut de cette main qu'il peignit son tableau du Magnificat. Claude Gelée, dit le Lorrain (-), fut le meilleur paysagiste français et l'un des premiers de l'Europe, c'est le peintre de la lumière. On peut admirer la richesse de son style et la beauté de son coloris dans les dix paysages ou Marines que possède notre musée du Louvre. Il mourut a Rome où, comme la plupart de nos grands artistes, il avait été perfectionner son talent. Rigaud (-) mérita par ses excellents portraits le surnom de Van Dyck français, sa réputation lut européenne. Parrocel (-), le peintre des batailles, se signala dans le Passage du Rhin ; il a laissé aussi quarante-huit bonnes gravures représentant des sujets tirés de la vie de Notre-Seigneur. Comme tous les arts, la peinture au xviiie siècle, déclina avec le niveau religieux et moral de la société française ; aussi ne peut-on citer que quelques noms .* les frères Vanloo, Jean-Baptiste et Carne ; le premier se distingua dans le portrait ; Carne Vanloo a laissé deux œuvres de mérite : Le Mariage de la Sainte Vierge, Enée portant son vieux père Anchise ; Joseph Vernet (-) chargé par Louis XV de peindre les principaux ports de France, enrichit le Louvre de ses marines ; ila. plus célèbre est le Soir ou la Temple ; il sut se préserver de l'afféterie et du mauvais goût de la peinture contemporaine, ainsi que l'atteste son dessin toujours correct et sévère. Son fils Carte et son petit-fils Horace hériteront de son talent et feront la gloire de l'art, chacun dans leur genre au xix" siècle. Greuze (-) eut son genre à lui; il fut le peintre de la famille dont il reproduisit les scènes touchantes avec une naïve et gracieuse simplicité ; on en peut juger dans ses meilleurs tableaux : Le Père expliquant la Bible à ses enfants, la Bonne Mère, la Petite fille au chien, etc. ; les têtes de Greuze sont pleines de vie et de sensibilité. Le pinceau de Watteau fut habile, mais léger et frivole. Vien (-), le plus grand peintre d'histoire de son temps, commença la régénération de la peinture tombée si bas au XVIII« siècle. On a de lui dix-sept tableaux parmi lesquels on admire surtout : La Prédication de saint Denys, dans l'église de Saint-Roch à Paris, la Résurrection de Lazare, les Adieux d'Hector et d'Andromaque. Enfin le révolutionnaire David et bien d'autres avec lui, mirent le plus souvent leur talent au service des passions les plus furieuses et les plus désordonnées, l'art suivit la littérature et la science dans la voie de l'impiété et de la corruption. L'architecture, la sculpture et la peinture n'offrent que quelques noms chez les nations étrangères au xviio et au xvnie siècle : en Italie nous retrouvons le Bernin déjà cité dans l'époque précédente et qui vécut jusqu'en avec une réputation européenne. Il embrassa tout le domaine de l'art; la colonnade de la place Saint-Pierre fut son triomphe en architecture ; en sculpture on cite le Tombeau du pape Alexandre VII et une Statue du Sauveur du monde faite à quatre-vingts ans pour Christine de Suède ; la princesse l'ayant refusée, estimant ne pouvoir la payer à sa juste valeur, Le Bernin la lui légua dans son testament. On reproche a ce grand artiste un peu d'affectation qui eut une influence fâcheuse sur le goût italien. Servandoni (-), de Florence, fut l'artiste de l'Europe ; la France lui doit la façade de Saint-Sulpice à Paris, qui révèle un génie plein de noblesse et d'élévation. Van Vitelli (-) construisit pour les souverains de Naples le palais de Caserta, le plus grand monu'nent de l'architecture du xvinc siècle ; enfin le Vénitien Canova (-), né dans le petit village de Possagno (province de Trévise) mérita par ses nombreux chefs-d'œuvre, surtout par la statue en marbre blanc de Clément XIV, d'être appelé le rénovateur de la sculpture moderne, le Phidias italien. Sa piété ne le cédait point à son talent ; jaloux de l'honneur de Dieu, il voulut lui élever un sanctuaire digne de lui sur les ruines de la pauvre église de Possagno ; ce fut son œuvre de prédilection, il y consacra son talent, sa fortune, et recommanda à son frère dans son testament, de ne rien épargner pour achever cette église où il voulut être enterré. Une de ses dernières volontés autorisait le pape Pie VII à choisir dans ses sculptures tout ce qui lui plairait. Quant à la peinture, les diverses écoles flamande, hollandaise, espagnole qui avaient eu la prééminence jusqu'au milieu de XVile siècle, la cédèrent à la France, a l'exception de l'école espagnole à laquelle le premier rang fut conservé par Ribera, Vélasquez, Zurbaran qui vécurent jusque vers , et Murillo qui ne mourut qu'en . L'école hollandaise vit inaugurer par les deux Téniers, père et fils, un genre nouveau, la peinture de chevalets ou de petits tableaux; ceux du jeune Téniers (-), sont fort vantés pour la finesse .de touche ; mais son idéal ne s'élève pas au-dessus de scènes villageoises, ou encore de la nature morte avec ses vastes prairies, etc.; le calvinisme interdit à l'artiste hollandais de représenter les saints des deux Testaments et condamne le génie à ramper sur la terre. Ceux qui ne considèrent que la perfection de la forme donnent la prééminence à l'école hollandaise de la seconde partie du XVIIe siècle sur l'école française ; nous ne saurions partager cette opinion en présence d'oeuvres dépourvues de sentiment et de vie. L'école flamande n'eut plus de célébrité après Rubens, et l'école italienne qui avait été maîtresse de toutes les autres au XVI. siècle, était en pleine décadence dans la dernière moitié du xvue ; Le Beniin fut son unique gloire. Raphaël Mengs né en Bohême et mort à Rome (), fut obligé par sa santé de séjourner presque toujours en Italie; il y rit une étude approfondie des grands maîtres et tendit à réunir dans ses compositions l'expression de Raphaël, le coloris du Titien et le clair-obscur du Corrège. On cite surtout parmi ses compositions : l'Ascension, a Dresde ; une Sainte Famille, au Louvre ; Sainte Madeleine ; enfin à Rome Apollon sur le Parnasse regardé comme son chef-d'œuvre. On a surnommé Mengs le Raphaè"t de l'Allemagne. Gravure. — La gravure suivit en France les progrès de la peinture; les chefs-d'œuvre de nos grands maîtres furent reproduits par le burin des Collot, des Nanteuil, des Andran, etc. Parrocel composa lui-même d'excellentes gravures; l'Italie eut au xvm'- siècle dans Piranesi le graveur le plus pittoresque de son époque. Musique (). — Nous voici arrivés à l'époque du développement de cet art qui, plus que tout autre, présente l'écueil de ne se proposer pour but qu'une vaine satisfaction du goût, un vain et souvent fort dangereux plaisir : ceci va être attesté par les nombreuses œuvres dramatiques, opéras, cantates, etc., de la plupart des grands compositeurs du XVIIIe siècle ; la valeur morale de ces œuvres profanes laissant toujours plus ou moins à désirer, on comprendra que nous les passions ici sous silence ; nous indiquerons seulement les compositions religieuses qui conservèrent à l'art chrétien son véritable but : la glorification de Dieu et l'élévation de l'homme jusqu'à Lui par la manifestation du beau. La France ne brilla pas dans l'art musical: ce fut au florentin Lulli fixé à Paris depuis l'âge de treize ans, qu'elle dut ses quelques succès () A cause de la part faile aujourd'hui à la musique dans l'éducation des euoes personnes, nous nous étendrons un peu sur l'historique de cet art. au xviie siècle ; il fut avee Quinault qui lui fournissait les paroles, le fondateur de l'opéra français ; ses œuvres paraissent aujourd'hui froides et sans caractère, même sa musique Facrée dans laquelle il excellait, selon ses contemporains « Je ne crois pas, écrivait \-. de Sévigné, au sortir du service pour le chancelier Séguier, qu'il y ait une autre musique dans le ciel. » Au xvm<' siècle, la France ne compta que deux noms : Rameau (-; fort célèbre à cette époque, puis longtemps oublié, enfin remis en vogue aujourd'hui, et Méhul (-) formé par le célèbre compositeur allemand Glûck, alors d Paris. Nous ne citerons parmi ses compositions dramatiques que celle où il s'est si heureusement inspiré de la Sainte Ecriture : Joseph, remarquable par la couleur antique et par un ensemble de beautés touchantes qui pénètrent l'âme des plus pures et des plus douces émotions. On y admire surtout, la romance de Joseph, le duo de Jacob avec son cher Benjamin, le trio entre ce saint patriarche et ses deux fils bien-aimés, enfin les chœurs des Israélites qui sont un chef-d'œuvre de mélodie. L'Italie fut le glorieux berceau de l'art musical comme de tous les autres arts : aux trésors dont Palestrina avait enrichi l'église de Saint-Pierre, Allegri, mort en , ajouta un magnifique Miserere qui fut réservé pour la chapelle Sixtine, pendant la Semaine Sainte; le Souverain-Pontife défendit sous des peines sévères d'en donner ou d'en prendre copie. Nous verrons comment l'infraction de cette défense trouva grâce devant le génie. Marcello, né à Venise , mort en , a laissé dans un Recueil de Psaumes à une ou plusieurs voix, un des plus beaux chefs-d'œuvre de la musique sacrée. La hardiesse de ces chants, le grandiose de l'expression, le style tantôt plein de véhémence, tantôt revêtu de l'onction la plus touchante, firent dire que non seulement Marcello était le Michel-Ang de la musique, mais qu'il avait été inspiré comme le prophète lui-même. Durante (-) de Naples, a été un des plus excellents compositeurs de musique religieuse, et le chef de l'école moderne oii se formèrent la plupart des artistes qui vont suivre. Nommer le Napolitain Pergolèse (-), c'est rappeler une des plus belles gloires de la musique sacrée ainsi que l'attestent son Stabat et son Salve Reqina. Sacchini (-) acquit d'abord k Rome une réputation qui devint bientôt européenne et lui valut le surnom du Racine de la musique; il séjourna quelque temps à Paris où il rencontra deux compositeurs célèbres, son compatriote Piccini et l'allemand Gitick dont il réunit, dit-on, les mérites respectifs, mais surtout dans des opéras auxquels il consacra exclusivement son talent. Piccini (-) appelé k Paris par la reine Marie-Antoinette, y disputa à GlUck l'admiration et les suffrages du public qui se passionna pour les deux artistes. Après le départ de son rival, Piccini fut nommé par Louis XVI directeur de l'école de chant ; mais la musique profane absorba encore ce talent qui produisit cent cinquante opéras, Paisiello (-), né à Tarente, fit admirer par toute l'Europe ses Messes, ses Psaumes, ses Oratorios (l). Et cependant on dit que pour apprécier pleinement ce génie musical, il fallait l'entendre improviser sur le clavecin. L'inspiration, l'enthousiasme l'élevaient au-dessus de toute règle de l'art; mais il descendait de cette sphère où son génie se déployait sans contrainte, lorsque la réflexion le ramenait au calcul de la composition, et, quoique toujours admirable, il n'était plus alors qu'un grand musicien. Il connaissait si bien la nature de son talent que chaque matin en ouvrant son clavecin, il ne manquait pas de faire cette courte prière: a Sainte Vierge, obtenez-moi la grâce d'oublier que je suis musicien. » Paisiello séjourna quelque temps à Paris, où il fut directeur de là chapelle impériale sous Napoléon , ce qui explique comment la France possède de lui: vingt-six Messes dont plusieurs, celles de la Passion et de Noël sont des chefs-d'œuvre ; son motet Judicabit in nalionibus remarquable par sa couleur sombre et tragique, son Miserere et son Oratario de la Passion. Paisicllo semble s'être élevé au-dessus de lui-même dans le Motet où il peint les Grandeurs de Dieu. En entendant les pittoresques et terribles accents de cette musique imitative si bien adaptée aux paroles sacrées qu'elle anime, l'impie croirait entendre la marche formidable de Fon juge et son jugement irrévocable. Tout à cou-p succède une musique brillante des chœurs aériens. Dans ce moment, les chants de Paisiello, dignes de la voix du prophète, prédisent l'envoi de l'Esprit Créateur, la terre renouvelée et le bonheur de la vie future. Tout semble resplendir, et l'on est frappé de l'éclat de celte harmonie grandiose: mais en exprimant les images les plus frappantes et une prodigieuse variété de sentiments, ces mêmes chants conservent toujours leur naturel et leur grâce. Paisiello retourna à Naples et reprit après le retour du roi Ferdinand IV, la direction de la chapelle royàlc ; il y mourut à l'âge de soixante-quinze ans. Si la gloire musicale de l'Allemagne surpassa finalement celle de l'Italie au XVIIIe siècle, elle lui en fut cependant redevable en partie : plupart de ses grands compositeurs, Gllick, Mozart, Haydn, etc., allèrent développer leur génie à l'école des Italiens. Glück (-), né dans le Palatinat, vint à Paris vers i et s'y fit admirer par divers opéras ddnt les paroles sont en français; le sujet de l'un de ces opéras ayaut été traité simultanément avec Piccini, amena entre les deux compositeurs et, par suite, entre leurs partisans, les GUlckistes et les Piceiui«tes, une rivalité fort longue et fort animée; les deux chefs d'école avaient cependant leur part de gloire bien large et bien distincte : à Piccini, la suavité de () L'Oratorio est un drame religieux exécuté à grand orchestre et par un grand nombre de chanteurs. Il est ainsi appelé parce que le premier morceau de (Je genre composé par Palestrina, à la prière de saini Philippe de Néri, fut exécuté dans l'église de l'Oratoire à Rome. i la mélodie ; à Gltlck, la puissance et le grandiose de l'harmonie. Fatigué de la lutte, ce dernier quitta Paris et alla mourir à Vienne en ". Mozart (-), fils du maître de chapelle de l'archevêque de Salzbourg, sa ville natale, reçut dès l'âge de trois ans les premières notions musicales; à six ans, il composait de petits morceaux qu'il exécutait sur le clavecin. Son père accompagnait cette éducation musicale d'une éducation profondément chrétienne et lui ouvrait ainsi la source qui seule donne au génie toute son élévation. L'empereur François ' voulut voir ce talent si précoce et daigna associer le jeune artiste aux jeux de l'archiduchesse Marie-Antoinette. Mozart fit avec son père une tournée musicale en Allemagne et dans les principaux royaumes de l'Europe; à Versailles, il toucha en main de maître l'orgue de la chapelle royale, il n'était âgé alors que de huit ans ! Il en avait quatorze lorsqu'il visita l'Italie ; attiré a Rome par les belles cérémonies de la Semaine Sainte, il se rend a la chapelle Sixtine pour y entendre le fameux Miserere d'Allegri. Prévenu de la défense pontificale touchant ce chef-d'œuvre, le jeune Allemand se place dans un coin et prête l'attention la plus scrupuleuse. Au sortir de la chapelle, il note la pièce entière. Le Vendredi-Saint, il y eut une seconde exécution du Miserere; Mozait tenait sa copie dans son chapeau et s'assura de la fidélité de sa mémoire ; le lendemain, il reproduisait intégralement dans une nombreuse réunion, le chef-d'œuvre d'Allégri. Ce trait prodigieux fit la plus grande sensation à Home; le pape Clément XIV voulut que ce géuie extraordinaire lui fût présenté et, loin de le réprimander d'avoir transgressé sa défense, il lui fit lu plus gracieux accueil. Mozart retourna en Allemagne où il devint à son tour organiste de la cathédrale de Salzbourg et compositeur pour la cour de Vienne qui le combla de faveurs jusqu'à sa mort. Dans sa courte vie de trente-six années, il a composé une quantité prodigieuse de musique, opéras, sonates, symphonies, etc., niais bien que son génie ait été universel, et qu'il ait atteint la perfection dans tous les genres, sa musique religieuse est la plus riche, vingt messes avec orchestre, et constitue son plus beau titre de gloire; rien n'égale la suavité de mélodie q'Ü caractérise le talent de Mozart ; sa dernière composition, une messe de Requiem, exécutée la première fois pour lui-même, est le chef-d'œuvre de la musique sacrée en ce genre. Le grand Haydn, fils d'un pauvre charron, naquit en dans un petit village sur les confins de l'Autriche et de la Hongrie. D'abord enfant de chœur de la cathédrale de Vienne, il révéla à dix ans son génie musical par la composition de morceaux a six et huit voix; quelques années après, il acquérait une réputation européenne par d'admirables et nombreuses compositions sacrées : quinze Messes, des Offertoires, des Motets, un Te Deum à trois choeurs, plusieurs orator.os : les Sept paroles de Jésus-Christ sur la croix, le Retour de Tobie, la Création, les Saisons, etc. Dans les premiers mois de , les amis d'Haydn firent exécuter en son honneur l'oratorio de la Création par trois cents musiciens. L'auteur y assistait; k la dernière partie, le Chœur des anges célébrant la naissance du monde, il versa des larmes et faillit expirer de plaisir, il fallut l'emmener avant la fin du concert. Il mourut deux mois après, à l'âge de soixaute-dix-sept ans. Les vertus religieuses et morales de ce grand artiste lui concilièrent l'estime et l'affection de ses compatriotes; exempt de cet esprit de rivalité et d'envie qui déshonore souvent les talents supérieurs, Haydn était l'ami, le panégyriste de tous les grands compositeurs dont Vienne s'enorgueillissait alors; il ne prononçait jamais le nom de Glûck qu'avec respect et admiration et proclamait Mozart le premier compositeur du monde. Aussi la sérénité, la beauté, la candeur de l'âme du célèbre Haydn, se révèlent dans ses œuvres; outre sa musique sacrée, ce fécond génie a laissé des symphonies et autres compositions instrumentales dont le nombre s'élève à plus de deux mille. Beethoven (-) né à Bonn (Etats Prussiens), alla se former à Vienne sous Mozart et Haydn et les égala dans la musique instrumentale qui fut son triomphe, il fut en quelque sorte sinon le créateur, au moins le Prince de la symphonie; on le regarde comme l'aigle du génie musical, il a des hardiesses, des essors uniques. Il a composé un grand nombres de sonates, de symphonies dont l'une, la Symphonie pastorale, son chef-d'œuvre, est un véritable poème épique, l'oratorio du Christ au mont des Oliviers, etc. Enfin la gloire d'Haëndel (-), adopté par l'Angleterre, appartient à l'Allemagne puisqu'il était Saxon. Mattre de chapelle à Hambourg, il suivit l'électeur Georges de Brunswick appelé au trône de la Grande-Bretagne, mourut à Londres en et fut enterré à Westminster. Il a composé un grand nombre d'opéras, mais il s'est immortalisé par ses oratorios : Judas Machabée, Jephté, etc. L'élévation est le caractère dominant de ce génie musical ; les Anglais lui attribuent, mais à tort, leur chant national God save the king ; il paraît avéré que ce chant nous fut emprunté: il avait été composé par Lulli, pour les élèves de Saint-Cyr lorsque, honorées de la visite de Louis XIV, elles saluaient Sa Majesté en chantant : Dip»c~swwve-~le roi ! etc. CHRONOLOGIE DE LA QUATRIÈME ÉPOQUE (-) (suite du XVIII" siècle). . priiHfle — Frédéric-Guillaume I=r, reconnu roi à la paix d'U-ti'pcht, entre dans la coalition du nord contre Charles X!F. . France— Déplorable régence du duc d'Océans. — EspHs"c — Ministère d'Albéroni, dont les vastes projets n'aboutiront qu'à armer la Quadruple Alliance contre l'Espagne. . France — Création de la banque de Law. -. Allemagne — Victoires du prince Eugène sur les Turcs à Peterwardein, Temeswar, Belgrade. Glorieuse paix de Passarowitz, qui achève de dépouiller la Porte ottomane. . France — Traité de la Quadruple alliance entre la France, l'Allemagne, l'Angleterre et la Hollande, contre l'Espagne. — Suède - Tentative de Charles XII pour enlever la Norwège au Danemark. Sa mort à Frédéricshall. . Allemagne — Pragmatique sanction de Charles VI, pour assurer tout son héritage a sa fille Marie-Thérèse. -. Esl)agne — Vaincue par la Quadruple alliance, elle est forcée de céder la Sicile à l'Empire, et la Sardaigne li la Savoie. . France — Peste de Marseille. Dévouement de Monseigneur de Belzunce. — Suède — Traité de Stockholm avec le Danemark et la Prusse : il dépouille en leur faveur la Suède de toutes ses conquêtes. . — Traité de Nysladt avec la Russie: il arrache à la Suède toutes ses provinces sur la Baltique. . France — Ministère de Fleury. . Italie — Abdication de Victor-Amédée Ier, roi de Sardaigne, en faveur de Charles-Emmanuel III. . Espagne — Reprise d'Oran sur les Maures, qui l'avaient reconquise sur l'Espagne en . -. Guerre de la succession de Pologne pour soutenir Stanislas Leczinski; conquête du Milanais et du royaume de Naples sur l'Empire qui soutient Auguste de Saxe. Traité de Vienne : Stanislas reçoit la Lorraine; avènement des. Bour- bons au trône de Naples donné a don Carlos, fils de Philippe V d'Espagne. . Italie— La Toscane, à l'extinction des Médicis, est donnée à François de Lorraine, gendre de l'empereur Charles VI. . E.;rlise — Première condamnation des sociétés secrètes par Clément XII. . Allemagne — Traité de Belgrade, qui abandonne à la Turquie tout ce que le prince Eugène lui avait enlevé. . — Mort de Charlts VI : Marie-Thérèse reconnue souveraine de Bohême, de Hongrie, d'Autriche. Guerre de la Succession d'Autriche. — France — Elle s'unit à la Prusse et entraîne l'Espagne et la Sarda'gne pour soutenir l'électeur de Bavière contre Marie-Thérèse. . Allemagne — Prise de Prague par l'Electeur, qui s'y fait proclamer roi de Bohême, et empereur (Charles VII) à Francfort l'année suivante. — Prusse — Victoire de Molwitz. Conquête de la Silésie par Frédéric II. . Allemagne — Traité de Breslau, qui abandonne la Silésie à la Prusse. L'Angleterre. la Hollande, la Russie embrassent la cause de Marie-Thérèse. . France -- Défaite de Dettingen par l'Angleterre et la Hollande. . — Victoire de Fontenoy (Hainaut). - Allemagne — Avènement à l'Empire de la Maison d'Autriche-Lorraine, dans la personne de François de Lorraine, élu empereur. . France — Défense héroïque de La Bourdonnais et de Dupleix aux Indes. Victoire de Haucoux (Pays-Bas). — Angleterre — Victoire de Culloden (Ecosse) sur le prétendant Charles-Edouard ; elle anéantit les espérances des Stuarts. . France — Revers en Piémont, perte de l'Italie. Victoire de Lawfeld, prise de Berg-op-Zoom, de Maëstricht (Pays-Bas). . Allemagne — Paix d'Aix-la-Chapelle, qui assure à Marie-Thérèse la succession de la Maison d'Autriche, et reconnaît l'empereur François er. Italie — Les duchés de Parme, Plaisance, Guastalla oii venait de s'éteindre la dynastie masculine des Farnèse, sont donnés kdon Philippe de Bourbon, second fils de Philippe V et d'Elisabeth Farnèse. . Portugal — Avènement de Joseph R. Odieux ministère de Pombal. . France — Hostilités de l'Angleterre qui capture trois cents vaisseaux marchands près de nos colonies d'Amérique. . — Guerre de Sept ans: la France et l'Autriche s'arment contre l'Angleterre et la Prusse ; l'EurQpe se partage entre les deux partis. . France — Prise de Port-Mahon, viqtoire d'Hastembeck ; ,capitulation de Closterseven, imposée aux Anglais. — Prusse — Victoire de Lowositz sur les Autrichiens ; surprise du camp saxon à Pirna, par Frédéric XI ; sa défaite à Kolliu,sa revanche à Lissa. . France — Prise de Québec par les Anglais; perte du Canada et de lfi plupart des colonies d'Amérique. — Prusse — Défaite de Kuunersdorff par les Russes. — Portugal — Persécution et expulsion des Jésuites par Pombal. ' — Italie — Ferdinand IV monte sur le trône de Naples. . France — Combat de Çlostercamp ; dévouement du cheva-' lier d'Assas. — Prusse — Victoires de Leignitz et de Torgau sur les Autrichiens. — Portugal— Rupture avec le Saint-Siège. . France — Dépense héroïque de Pondichéry contre les Arç-j glais; perte de DOS colonies dans l'Inde et le Sénégal. Pacte efamlle entre les quatre branches régnantes de Bourbon. . France — Traité de Paris avpc l'Angleterre; il ratifie la perte de la piupart de nos colonies. — Allemagne — Traité d'Hqberstbourg qui confirme à la Prusse la possession de la Silésie. . France — L'edit du Parlement pour la suppression des Jésuites est sanctionné par Louis XV. Ils sont puisés trois ans après. b. Eglise — Etablissement à Rome de la fête du Sacré-Cœur de Jésus par Clément XIII. Il proteste contre la proscription des Jésuites e France. — Angleterre — Révolte des colonies anglaises d'Amérique contre la mère-patrie. . France —La Lorraine acquise à la Francs par la mort de Stauislas Leczinski. — Portugal — Terrible tremblement de terre à Lisbonne, qui ■fait périr , personnes, et détruit un tiers des maisons. . Espagne — Violente expulsion des Jésuites par d'Aranda, en Espagne et dans toutes ses colonies. — Italie — Jposcription des JÉsuites li Naples par Tanucci. — , Russie - Guerre victorieuse oontre la Turquie qui soutient la Pologne. . France Acquisition de la Corse. — Pologne — Confédération de Bar contre la Russie. — Italie — Expulsion des Jésuites à Parme et à Plaisance par Dutillot. . Russie — Elle essaie de concert avec la Prusse, d'asservir la Suède, de se la partager; cette tentative est déjouée par le monarque suédois Gustave III. . Allemagne — Accession de Marie-Thérèse à la suppression des Jésuites. . Pologne — Premier partage entre la Russie, la Prusse et l'Autriche. Italie — Victor-Amédée Il succède en Sardaigne à Charles-Emmanuel III. . Russie — Traité de Kainardji avec la Turquie: commencement des empiétements de la Russie sur l'empire ottoman. . Angleterre — Elle s'arme pour soumettre ses colonies d'Amérique. Congrès de Philadelphie oil W ashington proclame l'indépendance des treize Etats-Unis ( juillet). . rortugal — Avènement de Dona Maria Ir. Chute de Pombal. . France — Alliance offensive et défensive avec les Etats-Unis. Guerre d'Amérique. — Angleterre - Défaite de Saratoga (Etats-Unis) par Washington. . Allemagne — Congrès de T(-schen, qui assure la Bavière à l'Électeur palatin. Espagne — Elle se fait l'auxiliaire de la France dans la guerre d'Amérique. Tentative infructueuse de trois ans pour reprendre Gibraltar aux Anglais, . France — Trois victoires navales aux Antilles sur les Anglais. Russie — Neutralité armée, proposée par Catherine II à l'Europe, qui forme contre le despotisme maritime de l'Angleterre, la ligue des neutres. . France — Succès dans les Antilles et dans les Indes contre les Anglais. — Angleterre — Capitulation de York-Town qui se rend à Washington, et décide de l'indépendance des Etats-Unis. — Allemagne — Le Joséphisme, ou schisme de l'empereur Joseph , désole l'Allemagne. . Eglise — Voyage de Pie VI à Vienne pour en arrêter les progrès. . France-Angleterre — Paix de Versailles qui fait reconnaître par l'Angleterre l'indépendance des Etats-Unis, et fait recouvrer à la France sa puissance coloniale et maritime. . Russie — Conquête de la Crimée, confirmée six ans plus tard à la paix de Jassy. Fondation de Sébastopol. . Allemagne — Révolte des Pays-Bas autrichiens contre Joseph Il. . Framce— Louis XVI accorde la convocation des Etats généraux. i — ( mai). Ouverture des Etats généraux: commencement de la Révolution française. APPENDICE. SOMMAIRE DE L'HISTOIRE CONTEMPORAINE. DEPUIS LA RÉVOLUTION FRANÇAISE JUSQU'A LA MORT DE PIE IX. (-) FRANCE ,s. mai: Ouverture des États-Généraux. — - juin : Assemblée nationale ou Constituante; la révolution éclate. — juillet : Prise de la Bastille. — juillet : Commencement de l'émigration. août : Déclaration des droits de l'homme. — et octobre : Fureurs révolutionnaires à Versailles; retour du roi et de l'assemblée à Paris. — Suppression des parlements. i o. Changement de la division territoriale de la France qui forme quatre-vingt-trois départements. Spoliation des biens du clergé mis en vente au profit de l'État. — Suppression des vœux monastiques et des Ordres religieux par l'assemblée constituante. Constitution civile et schismatique du clergé,imposée par une assemblée laïque. — Persécution contre les prêtres non assermentés. Protestation et courageuse résistance de l'épiscopat français. à ?at. Décret pour l'adoption du système métrique dans toute :a France.— juin : Fuite du roi.—Son arrestation à Varennes. - Lf'S émigrés soutenus par l'Autriche et la Prusse, forment l'armée de Condé pour la délivrance du roi. — Septembre : L'Assemblée constituante, par son dernier acte, décrète la réunion à laFrance, d'Avignon et du comtat Venaissin injustement enlevés au Saint-Siège. Elle se retire après avoir détruit toute l'ancienne constitution de la France, et ne laissant plus à Louis XVI que le titre de roi. L'Assemblée législative lui succède. %. Déclaration de guerre à l'Autriche. — Journées du juin et du août : captivité de la famille royale au Temple. — Organisation à l'Hôtel de Ville de la terrible Commune de Paris.— Invasion de la France par les Prussiens. Prise de Verdun. — , , , , septembre : Massacre des prêtres et des nobles à l'Abbaye, à la Force, aux Carmes, etc. La Convention, qui remplace l'assemblée législative, décrète l'abolition de la monarchie et proclame la république.— Victoires de Valmy (lUarne) sur les Autrichiens, de Jemmapes (Pays-Bas) sur les Prussiens; leur retraite précipitée. — décembre : Procès de Louis XVI. . janvier: Mort de Louis XVI. —La l'erreur. — Comité de salut public ou tribunal révolutionnaire. — Siège et prise de Toulon sur les Anglais venus au secours des royalistes armés contre la république ; Bonaparte s'y distingue pour la première fois. -. Première coalition européenne contre la France, formée par l'Autriche, la Prusse, l'Angleterre, la Hollande, l'Espagne et la Sardaigne. Défaite de Nerwinde () aux Pays-Bas.— Victoire de Fleurus et conquête de la Belgique (). — Le traité de Bâle désarme trois puissances : la Prusse, l'Espagne et la Hollande Wi). — Première campagne d'Italie par Bonaparte. Victoires de Montenotte, de Mondovi qui amènent la conquête du Piémont. La Sardaigne n'obtient la paix qu'en abandonnant à la France la Savoie et le comté de Nice. — Erection de la Lombardie en république cisalpine. — Les victoires de Castiglione, du pont d'Arcole (t), de Rivoli () remportées sur l'Autriche, achèvent la soumission de l'Italie septentrionale par les armes françaises. — Bonaparte, poussé par le Directoire, envahit les Etats de l'Eglise, s'empare du Ferrarais, du Bolonais, de la Romagne, et force Pie VI, par le traité de Tolentino (), non seulement à ratifier la spoliation de ces trois provinces, mais encore celle d'Avignon et du comtat Venaissin. — Bonaparte attaque Venise, qui avait gardé une apparente neutralité, et met fin à la fière république de Saint-Marc, douze fois séculaire. — Traité de Campo-Formio (') qui désarme la première coalition sauf l'Angleterre : l'Autriche abandonne la Belgique à la France et accepte son protectorat sur les républiques cisalpine et ligurienne (Gênes); elle reçoit en retour Venise avec toutes ses possessions en Dalmatie et en Italie. -. Guerre de Vendée. Ce peuple de géants soulevé pour la cause de Dieu et du roi, tient trois ans la Convention en échec. *. Excès de la Terreur dans toute la France, dirigés par Robespierre, Danton et Marat. — Thermidor ( juillet) : Chute de Robespierre et fin de la Terreur. lr»à juin : Mort de Louis XVII, ou selon d'autres, son évasion du Temple. Le comte de Provence frère de Louis XVI est proclamé roi par les émigrés sous le nom de Louis XVIII. — brumaire ( octobre) : la Convention « qui avait accumulé plus de crimes en quatorze mois qu'il ne s'en était commis en quatorze siècles () », est remplacée par le Directoire. -isoi. Campagnes d'Egypte et de Syrie par Bonaparte pour ruiner la puissance de l'Angleterre.- Conquête de Malte; fin de la souveraineté des Chevaliers (),—Prise d'Alexandrie. Victoire des Pyramides. — Conquête de l'Egypte : les Mameluks qui avaient reconquis en grande partie leur ancienne puissance sont de nouveau vaincus. — Défaite navale d'Aboukir () Berryer. () — Bonaparte se dirige vers la Syrie. Victoire du Mont-Thabor. — Echec devant Saint-Jean d'Acre. — Retour en Egypte. — Victoire d'Aboukir (). — Défaite sous les murs d'Alexandrie et perte de l'Egypte (.) . Le Directoire fait envahir les Etats pontificaux et y proclame la république. — Enlèvement de Pie VI , emmené captif à Sienne, à Florence, puis à Valence (Dauphiné) où il meurt le août . — Insurrection provoquée en Suisse par le Directoire : proclamation de la république helvétique. . Invasion des Français à Naples: proclamation de la république parthénopéenne (elle ne dure que six mois : les Bourbons rentrent dans leurs états). - SOW!. Deuxième coalition européenne formée par l'Angleterre, l'Autriche, l'Allemagne, le Portugal, Naples, la Russie, la Turquie. La France, par suite de quatre batailles perdues en Italie contre les Russes et leur terrible général Souwarow, se voit contrainte, malgré sa victoire de Zurich, d'évacuer la Péninsule (). — Bonaparte, qui a profité de ces désastres pour renverser le Directoire par son coup d'Etat du < brumaire ( novembre), et se faire nommer premier consul, entreprend la seconde campagne d'Italie : Victoires de Montebello, de Marengo ( juin ). — Nouvelle conquête de la Lombardie. Malte est enlevée à la France (), par l'Angleterre, qui l'a toujours conservée. Paix de Lunéville () avec l'Autriche et les autres puissances, sauf l'Angleterre ; elle confirme le traité de Campo-Formio : la rive gauche du Rhin et toutes les provinces belges sont de nouveau assurées à la France ; les républiques cisalpine, ligurienne, helvétique et batave sont reconnues indépendantes sous le protectorat français ; enfin le Pape, dans la personne de Pie VII, est rétabli dans ses États, à l'exception d'Avignon, du comtat Venaissin et des Romagnes. — La paix d'A-miens () désarme enfin l'Angleterre. . Nouvelle organisation administrative et judiciaire de la France. — Publication du Concordat le saint jour de Pâqups ( avril); il déclare la religion catholique celle de la majorité des Français et rétablit son culte. Articles organiques ajoutés au Concordat par Bonaparte, à l'insu du Pape et contre ses intentions bien connues ; ces articles asservissaient l'Eglise à l'État. Après d'inutiles protestations, Pie VII dans un nouveau concordat passé avec la France en , déclare nuls les articles organiques « en ce qu'ils ont de contraire à la doctrine et aux lois de l'Eglise. » S. Vente illégale et regrettable de la Louisiane aux Américains par Bonaparte. .. Après deux insurrections excitées à Saint-Domingue par Toussaint-Louverture, chef des nègres (), et malgré l'expédition de la France contre cette île, elle lui échappe sans retour, et s'érige en république d'Haïti. — Le premier consul se fait proclamer empereur sous le nom de Napoléon Ier, et tient à être sacré par le Pape, lequel s'y prête. SOS. Il se fait reconnaître roi d'Italie à Milan et réunit Gênes à la France. — Troisième coalition provoquée par l'Angleterre qui entraîne l'Autriche, la Russie et la Suède. — Première campagne d'Allemagne. -Capitulation d'Ulm. — Ruine de la flotte française Trafalgar par l'amiral anglais Nelson. - décembre: Victoire d'Austerlitz. — Paix de Presbourg qui place Napoléon à la tête de l'Europe ; l'Autriche reconnaît le nouveau royaume d'Italie auquel elle est contrainte d'abandonner la Vénétie, la Dalmatie, etc. . Napoléon détruit l'ancien empire romain germanique en obligeant François II à échanger son titre d'empereur d'Allemagne, contre celui d'empereur d'Autriche sous le nom de François Ie"- ; puis il forme de tous les petits États allemands la Confédération du Rhin sous son protôctorat \ enfin il érige successivement sous sa suzeraineté les quatre royaumes de Bavière, de Wurtemberg (), de Westphalie et. de Saxe (). — Les Bourbons de Naples sont détrônés par Napoléon, qui substitue au roi Ferdinand IV, Joseph Bonaparte, l'un de ses frères. Un autre, Louis Bonaparte, est créé roi de Hollande. ! -. Quatrième coalition. La Prusse, lésée par la Confé dération du Rhin, s'arme avec l'Angleterre et la Russie. — Victoire d'iéna. - Napoléon entre à Berlin d'où il lance le décret de blocus continental contre 'l'Angleterre (). — Victoires d'Eylau, de Friedland ().—Paix de Tilsitt,le roidePrusse perd une partie de ses Étais qui forment, avec le Ilinovre et le Brunswick, le royaume de Westphalie donné à Jérôme Bonaparte, troisième frère de Napoléon. '. Jean VI roi de Portugal ayant refusé d'adhérer au blocus continental, Napoléon déclare sa maison (celle de Bragance) déchue du trône, et fait occuper ses états par les troupes françaises. . Guerre d'Espagne. - Ambitieuse intervention de Napoléon dans les démêlés entre Charles IV roi d 'Espagne et son fils Ferdinand : dans l'entrevue de Bayonne, il arrache perfidement l'abdication des deux princes qui sont amenés en France; il donne leur trône à son frère Joseph Bonaparte, qu'il remplace sur celui de Naples par son beau-frère Murât; mais pendant cinq ans la France doit envoyer des légions innombrables pour vaincre la résistance de l'Espagne, qui trouve un appui dans la cinquième coalition. Cinquième coalition entre l 'Autriche, l'Angleterre, etc. — Victoire d'Eckmùhl. — Prise de Ratisbonn'e. — Entrée de Napoléon à Vienne. — De cette ville, il lance un décret par lequel il révoque les donations de Pépin, de Charlemagne, etc, au Saint-Siège et réunit les Etats pontificaux à l empirefrançais, prenant entre autres prétextes le refus du Souverain-Pontife d'adhérer au blocus continental. Il fait enlever de Rome ( juillet) le pape Pie VII qui, conduit à Savone, y commence une captivité de cinq ans.-Ba- taille d'Essling. - Victoire de Wagram. — Paix de Vienne: l'Autriche cède. à la France le littoral de l'Adriatique du côté du Levant, ce qui forme les provinces Illyriennes. . Mariage de Napoléon avec l'archiduchesse Marie-Louise. (ll avait fait casser son mariage avec Joséphine de Beauharnais, comme entaché de nullité). Le général français Bernadotte est reconnu prince royal de Suéde, c'est-à-dire futur successeur de Charles XIII. — Louis de Ilollanle est détrôné pour son refus d'accession au blocus continental. IS as. Napoléon fait transférer Pie VII de Savone à Fontainebleau et redouble de ruse, de perfidie et de violence pour lui arracher des concessions contraires à l'autorité divine et à l'autorité temporelle du Saint-Siège. — Pendant que l'Espagne, aidée de l'Angleterre, continue à lutter contre Napoléon, il entreprend la campagne de Russie.— Victoire de laMoscowa. — Entrée de Napoléon à Moscou. Incendie de cette ville par les Russes. —Désastreuse retraite des Français. — Affreuse déroute au passage de la Bérésina. — Destruction de la Grande armée (de , hommes elle est réduite à ,). -. Sixième coalition excitée par la Russie; l'Autriche, l'Angleterre, la Suède, la Prusse, l'Espagne y prennent part. — Victoires de Lutzen, de Bautzen, de Dresde (). —Joseph Bonaparte complètement vaincu à Vittoria () par le général anglais Wellington, est expulsé de l'Espagne où rentre Ferdinand VII. — Napoléon perd la bataille de Leipsig, dite bataille des nations (). — Il met en liberté le pape Pie VII qui retourne à Rome (). — Première inv-ision dfs alliés : Campagne de France (). — Entrée des alliés à Paris ( mars). — Déchéance de Napoléon. — Son abdication à Fontainebleau (avril). — Sa retraite à l'ile d'Elbe. — Restauration des Bourbons : entrée de Louis XVIII à Paris ( mai), après avoir donné à Saint-Ouen une célèbre déclara- lion qui contenait les principes de la Charte future. Premier traité de Paris avec les alliés ( mai) : la France reprend ses limites de , mais conserve une partie de la Savoie, quelques cantons en Alsace, et recouvre plusieurs colonies importantes, la Guyane, la Guadeloupe, la Martinique, etc. . Retour de Napoléon ou cent jours (mars-juin). Fuite de Louis XVIII à Gand. — Septième coalition entre l'Angleterre, l'Autriche, la Prusse, la Russie, la Suède, la Hollande. — Défaite de Waterloo ( juin). — Nouvelle invasion de la France par les alliés. — Seconde abdication de. Napoléon. — Devenu prisonnier des Anglais, il est exilé à Sainte-Hélène. — Retour de Louis XVIII ( juillet). — Second traité de Paris, plus onéreux que le premier, et complété par le Congrès de Vienne réuni (octobre — juin ) pour rétablir l'équilibre européen bouleversé par les guerres de l'Empire; les divers traités sortis de ce congrès forment, avec le second, conclu à Paris après les cent jours, ce qu'on appelle les traités de . Le congrès de Vienne reconstruisit, mais par bien des injustices, et au profit des puissances alliées, les divers états de l'Europe, sauf le royaume de Pologne, dont l'inique démembrement fut consacré; seulement une espèce de nationalité était assurée à la Pologne russe.— Principales dispositions des traités de : La FRANCE perd tous les territoires annexés en , elle doit payer un milliard d'indemnités et subir, pendant cinq ans, l'occupation de ses frontières par les alliés.—L'ANGLETERRE profite de son rôle dominant dans les coalitions pour faire de nombreuses acquisitions : elle recouvre le Hanovre, prend Helgoland, garde Nlalte, Gibraltar, etc.,se fait céder d'importantes colonies par la France et la Hollande.-L'AuTRICIIB, en échange des provinces belges, recouvre ou conserve la Lombardie,Ia Vénétie et le Tyrol et acquiert ainsi une influence prépondérante sur toute l'Italie.—La PRUSSE s'agrandit de la Poméranie Suédoise, d'une grande partie de la Saxe, des provinces allemandes situées en deçà du Rhin, etc.—Le reste des pays allemands, saut la Hongrie, est reconstitué en une nouvelle COllfédé. ration germanique composée de trente-neuf états, et qui subsistera jusqu'en .—La RUSSIE qui s'est vu confirmer la possession des pays enlevés à la Pologne, incorpore la Lithuanie à son empire ; mais, ainsi que le lui a imposé le congrès, elle érige le grand duché de Varsovie en un nouveau royaume de Pologne, qui reste toutefois sous son autorité.—La HOLLANDE pro. testante, augmentée de la catholique Belgique, forme le royaume des Pays-Bas en faveur de la dynastie d'Orange.—La SUÈDE est agrandie de la Norwège qui est enlevée au Danemark.—En ITALIE, le Pape et les souverains légitimes rentrent en possession de tous leurs états : la SARDAIGNE recouvre le Piémont agrandi de la Savoie et de Gênes; Ferdinand IV roi de Naples, resté en Sicile pendant l'usurpation de Murat, recouvre son royaume et prend le titre de roi des DEUX-SICILES sous le nom de Ferdinand Ier.- L'ESPAGNE et le PORTUGAL voient raffermir les trônes de leurs anciennes dynasties. Enfin la SUISSE ou confédération helvétique est agrandie de trois cantons, ce qui en élève le nombre à vingt-deux. L'Europe ainsi reconstituée politiquement, se trouva placée sous l'influence des cinq principaux états désignés désormais sous le nom de grandes puissance.ç : France, Angleterre, Russie, Prusse, Autriche; elles devaient au besoin intervenir dans les Etait, secondaires, dénomination sous laquelle furent compris les aùtres états de l'Europe. Au point de vue religieux, les traités de rompaient aussi l'équi. libre en Europe : des cinq grandes puissances reconnues, trois étaient hérétiques ou schismatiques, et les deux puissances catholiques, la France et l'Autriche, se trouvaient placées dans un antagonisme qui annulait leur influence religieuse dans les conseils de l'Europe; déplus, le congrès de Vienne plaçait des états catholiques sous la domination de souverains hérétiques ; ce congrès a donc encouru de trop justes blâmes. Cependant on lui doit d'avoir établi la liberté de navigation sur les fleuves, et surtout d'avoir statué l'abolition de la traite des nègres, depuis si longtemps demandée par l'Eglise ; toutefois les puissances différèrent encore l'exécution de cette clause, et c'est de nos jours, seulement, que l'esclavage a été complètement aboli dans les colonies européennes, et même dans les états indépendants d'Amérique. . Evacuation du territoire français par les alliés, consentie au congrès d'Aix-la-Chapelle. . Mort chrétienne de Napoléon à Sainte-Hélène. IS. Intervention en Espagne pour soutenir Ferdinand Vil contre ses sujets révoltés. — Prise de Madrid — du Trocadéro. — Rétablissement de Ferdinand VII, qui sera secouru par la France jusqu'en . . Sacre de Charles X qui a succédé à Louis XVIII l'année précédente. -. — La France s'unit à l'Angleterre et à la Russie afin de soutenir la Grèce, armée contre la Turquie, pour le recouvrement de son indépendance. — Victoire de Navarin () sur la flotte turco-égyptienne. — Conquête de la Morée (). — Traité d'Andrinople (). — La Grèce est reconnue royaume indépendant (, février). . mai : Expédition contre le dey d'Alger, qui a insulté le pavillon français. — juillet : Prise de cette ville, et par suite, conquête successive de toute l'Algérie. — , , ï juillet : Révolution qui renverse Charles X du trône et proclame le duc d'Orléans roi des Français, sous le nom de Louis-Philippe Ier. — •Charles X s'exile en Ecosse. IS, Première et terrible invasion du choléra. — Admirable dévouement du clergé et des ordres religieux. — Expédition en Belgique, pour soutenir le nouveau roi, Léopold Ier, contre la Hollande.— Prise d'Anvers. — Mort du duc de Reichstadt, fils de Napoléon er. . Mort du roi Charles X, à Goritz (Styrie). IS-IS. , , février : Rêvolution qui renverse Louis-Philippe du trône. — Seconde république. — Cette révolution a son contre-coup dans toute l'Europe, surtout en Allemagne, en Autriche et en Italie. — - juin : Terrible insurrection à Paris, l'une des plus sanglantes dont l'histoire ait gardé le souvenir. Dévouement de Monseigneur Af'fre, archevêque de cette ville : il estblessé à mort sur une barricade (). — Louis-Napoléon Bonaparte, fils de l'ancien roi de Hollande, est nommé président de la république ( décembre). . La France envoie une armée au secours du Pape Pie IX, que. des séditieux ont contraint de fuir à Gaëte; il rentre triomphalemfnt à Rome l'année suivante. . Loi qui accorde la liberté d'enseignement. — Mort de Louis-Philippe en Angleterre. . La France qui, depuis Charlemagne (t), exerçait sur les Lieux-Saints un protectorat étendu par la suite ,t tous les catholiques dp. l'empire otfoman, récrame au sultan neut sanctuaires de la Palestine : ils avaient été enlevés violemment aux Latins par les Grecs schismatiques, sujets des Turcs, mais secrètement soutenus par la Russie. Cette puissance suscite mille difficultés aux réclamations de la France, et songe à () En l'an , son ambassadeur auprès du calife Harounal-Raschid lui rapportait, de la part du successeur de Mahomet. les clefs du Saint-Sépulcre dont il lui cédait la possession à perpétuité pour lui et ses successeurs : « A un roi chrétien, avait-il dit, le présent le plus agréable que je puisse offrir, ce sent les clefs du Saint-Sépulcre. Portez-le a-lui de ma part, et dites-lui qu'en toute occasion il peut compter sur mon dévouement. (Histoire de l'Église, par M. l'abbé Darras). s'en faire un prétexte pour s'armer contre la Turquie. S. Louis Bonaparte, déjà devenu maître du pouvoir par un coup d'État, se fait nommer empereur héréditaire, sous le nom de Napoléon ( Décembre). . Acquisition de la Nouvelle-Calédonie, non moins favorable aux conquêtes de l'Évangile, qu'à l'influence politique et au commerce de la Frauce dans l'Océanie. . La France, l'Angleterre, la Sardaigne s'unissent pour soutenir la Turquie contre la Russie, dont les agressions envers l'empire ottoman menacent l'équilibre européen. — La guerre éclate dans la mer Baltique où les Français prennent Bomarsund, et dans la mer Noire : la Crimée en devient le principal théâtre. — Bombardement d'Odessa. Victoires de l'Aima et d'Inkermann. — Siège de Sébastopol, un des plus mémorables de l'histoire; il dure onze mois ( octobre S — septembre ). . Prise de la tour Malakoff, principale forteresse de Sébastopol qui, quelques heures après, tombe au pouvoir des Français et de leurs alliés ( septembre). . Congrès, et par suite traité de Paris imposé par la France et l'Angleterre à la Russie; il termine la guerre de Crimée et cette phase de la question d'Orient () : l'intégrité et l'indépendance territoriales de la Turquie sont garanties; la Russie perd le protectorat des principautés danubiennes (Servie, Moldavie, Valachie) et son droit spécial de navigagation sur le Danube et la mer Noire, qui sont rendus accessibles à tous les Etats; de plus, la mer Noire est neutralisée : ouverte à la seule marine marchande, elle est interdite aux pavillons de guerre; enfin le Sultan doit confirmer à tous ses sujets chrétiens leurs anciennes libertés. () Voir à la Turquie. Le congrès de Paris outrepassant ses droits s'attribua une espèce de juridiction sur les puissances qui n'y étaient pas représentées : le Piémont profita de cet abus pour demander l'éloignement des troupes autrichiennes qui gardaient les Romagnes, et la sécularisation de ces Etats, laissant ainsi percer ses. vues spoliatrices sur le domaine pontifical et sur toute l'Italie (). IS)-GO. Guerre avec la Chine. — Alliance de la France et de l'Angleterre pour venger leurs pavillons insultés, etc.— Prise de Canton (). — Traités avec la Chine. — Violation de ces traités par les Chinois (). — Nouvelle expédition de la France et de l'Angleterre : Victoire de Palikao () — Entrée triomphante à Pékin. — Paix favorable à la religion et au commerce. . — Commencement des relations diplomatiques avec le Japon, qui se rouvre enfin à la religion catholique et au commerce européen. -. Guerre de Cochinchine. — Alliance de la. France et de l'Espagne pour venger le massacre des Européens et le pavillon français insulté. — Prise de Touranne et de Saïgon (). — Le traité de SaÏgon () avec l'empereur d'Annam, Tu-Duc donne i, la France, dans son empire, trois provinces qui forment la Cochinchine française ; il assure la liberté de la religion catholique dans tout l'empire d'Annam, et favorise le commerce par la cession de trois ports du Tonquin. . Guerre d'Italie. — Napoléon III s'unit au roi de Sardaigne, Victor-Emmanuel, pour expulser les Autrichiens de la Péninsule. — Victoires de Magenta, et de Solferino, etc. — Evacuation forcée des Romagnes par les Autrichiens ; la Révolution y établit un gouvernement provisoire. — Entrevue de Villafranca avec l'empereur d'Autriche François-Jo- () Voir au commencement de l'Italie la situation générale. seph Ier, où l'on arrête les préliminaires du traité de Zurich : projet d'une confédération italienne sous la présidence honoraire du Pape ; l'Autriche conserve la Vénétie, mais remet la Lombardieà la France qui l'abandonne au Piémont. Des propositions déplacées sont adressées au Pape touchant des réformes dans le gouvernement pontifical ; la question des Romagnes est écartée à dessein; enfin, les ducs de Toscane, de Parme et de Modène, dépossédés pendant la guerre, reçoivent de vaines promesses de recouvrer leurs duchés. îseo. Mais peu après Napoléon III laisse, tout au moins, Victor-Emmanuel provoquer sous main la révolte de ces duchés et des Romagnes contre leurs souverains légitimes et, finalement, se les annexer; il en obtient en retour la Savoie et le comté de Nice que le Piémont cède à la France par le traité de Turin. — La révolution italienne poursuit ouvertement la spoliation des États de l'Eglise ; en vain l'élite de la jeunesse catholique de France, de Belgique, d'Irlande, de l'Europe entière, vole au secours de Pie IX : le Piémont renforcé par Garibaldi, écrase la petite et héroïque armée de Lamoricière à Castelfidardo ( septembre), puis enlève encore au Pape les Marches et l'Ombrie, au milieu du mutisme d'une certaine politique, et des protestations indignées de tous les vrais catholiques. S-S?. — Guerre du Mexique. — Le parti républicain qui triomphe au Mexique avec son nouveau président, persécute les catholiques et les étrangers, viole les traités conclus avec les gouvernements européens, expulse ou emprisonne le nonce apostolique, les ambassadeurs d'Espagne et de France, etc., ce qui amène ces puissances à s'unir avec l'Angleterre dans une expédition contre le Mexique. Après avoir obtenu les réparations demandées, l'Espagne et l'Angleterre se retirent; Napoléon III qui poursuit secrètement des desseins de domination sur le Mexique, continue seul la guerre avec succès. — Prise de Puebla, de Mexico (). — L'archiduc Maximilien, frère de l'empereur d'Autriche,est appelé par la protection de la France à rétablir l'empire du Mexique (). Mais le nouvel empereur s'appuie sur le parti libéral du Mexique, hostile à l'Eglise, et se montre ingrat envers la France qui n'avait cessé de le soutenir ;elle rappelle ses troupes (). — Le parti républicain reprend le dessus ; Maximilien, trahi, est pris et fusillé (). Le Mexique retourne au gouvernement républicain et ne cesse d'être en proie à l'anarchie. . Perfide convention du septembre signée sans l'intervention du Pape, entre Napoléon III et Victor-Emmanuel : la capitale du nouveau royaume d'Italie est transférée de Turin à Florence. Napoléon promet de retirer ses troupes de Rome en décembre , à condition que Victor-Emmanuel s'engage à respecter et à défendre les frontières des provinces restées au Saint-Siège. i CG. Décembre : Evacuation de Rome par les troupes françaises. S. Nouvelle intervention de la France dans les États pontificaux pour soutenir le Pape attaqué par Garibaldi qui est de connivence avec le Piémont : Glorieuse victoire de Mentana ( novembre).—La France déclare ofticiellement aux Italiens qu'elle défendra le Saint-Siège contre de nouvelles usurpations. . Inauguration du canal de Saez; les travaux du percement de l'isthme avaient été commencés en . Un ingénieur français, l'honorable M. de Les-seps, fut l'auteur et le promoteur infatigable de cette gigantesque entreprise qu'il exécuta sous la protection de son gouvernement. Le canal de Suez favorisait grandement le commerce et la civilisation chrétienne dans l'extrême Orient, en ouvrant la route la plus directe pour l'Inde et la Chine; de plus,il amoindrissait au profit des puissances occidentales, l'influence de la Porte sur l'Egypte. i*-i$i. Guerre franco-prussienne. — Déclaration de guerre à la Prusse ( juillet), à l'occasion de la candidature de Léopold de Hohenzollern au trône d'Espagne ; la France n'était nullement préparée pour la guerre.— Napoléon III prend le commandement en chef. — août : départ des troupes françaises laissées à Rome depuis . — Revers inouïs de la France à Wissembourg, Reischoffen ( août), Forbach, etc. Invasion de la Lorraine et de l'Alsace par les Prussiens. Victoires de Borny ( août) et de Gravelotte ( août).— Notre armée est bloquée sous les murs de lUetz. Défaite et capitulation de Napoléon à Sedan (er et septembre ). — il est fait prisonnier avec , hommes. — Révolution à Paris. Proclamation de la République. Etablissement du gouvernement provisoire de la Délense nationale sous la présidence du général Trochu ( septembre). — A l'approche des Prussiens, qui ont traversé victorieusement l'Alsace, la Lorraine et la Champagne, malgré l'héroïque résistance de ces provinces, le gouvernement se retire à Tours ( septembre), puis à Bordeaux ( décembre). — Investissement complet de Paris par les Prussiens le jour même ( septembre), où les Piémontais assiègent Rome. — Les Prussiens se répandent comme un torrent dans la Picardie, la Normandie, etc. — Nombreux combats dans les environs de Paris, sur la Loire, (victoire de Coulmiers, novembre), dans le nord, l'est, presque toujours terminés par des défaites ou capitulations de villes importantes : Toul ( septembre). — Strasbourg ( septembre). — Metz ( octobre) où l'armée de Bazaine, composée de , hommes devient prisonnière des Prussiens. — Orléans ( décembre). — Défaite de Patay ( décembre), où les anciens zouaves pontificaux commandés par le général de Cbarette, font des prodiges de valeur sous la bannière du Sacré-Cœur. — Pendant ce temps, Paris assiégé au dehors, voit éclater, et heu- reusement réprimer. une insurrection (t octobre) qui voulait établir la Commune. — décembre : commencement du bombardement de Paris. . Capitulation de Mézières ( janvier). — Redoublement du bombardement de Paris ( janvier).— Guillaume roi de Prusse se fait couronner empereur d'Allemagne à Versailles ( janvier). — Armistice et capitulation de Paris (, janvier), après quatre mois de la plus héroïque résistance. — Désarmement des troupes, mais non de la garde nationale. — Les Prussiens restent provisoirement dans les pays qu'ils occupent. — Élection d'une assemblée nationale ( lévrier) qui doit traiter avec la Prusse. — Thiers élu président de la République. — Capitulation de Belfort ( février) qui devra à sa courageuse défense de deux JIlois, d'échapper, seule de l'Alsace, à la domination prussienne. — Thiers et Jules Favre négocient à Versailles ( février) avec le roi Guillaume, les préliminaires de la paix qui sera signée à Francfort le mai suivant; jamais la France n'en avait conclu de plus rigoureuse : indemnité de cinq milliards à acquitter en trois ans, et occupation prussienne de plusieurs départements jusqu'au paiament intégral ; cession de l'Alsace, sauf Belfort et de la plus grande partie de la Lorraine, avec leurs villes importantes de Meiz, Strasbourg, Colmar, Mulhouse, etc,, c'est-à-dire , kilomètres carrés de territoire et une population d'un million et demi d'habitants. Tels furent les déplorables résultats de cette guerre de six mois, pendant laquelle la France, avec autant de bravoure et d'héroïsme que de malheur, avait livré plus de cinquante actions, combats, sorties ou batailles rangées, etc., vu capituler plus de vingt villes importantes, même sa capitale. Et elle ne voyait terminer la guerre étrangère que pour subir la honte et le malheur d'une guerre civile plus désastreuse encore. Guerre civile. — La garde nationale qui, seule, avait conservé ses armes lors d-e la capitulation de Paris, transporte à Montmartre, Belleville, etc., les canons et mitrailleuses sous prétexte de les soustraire aux Prussiens. — Le gouvernement, qui essaie vainement de les reprendre et d'apaiser l'émeute ( mars), se retire à Versailles.— Proclamation de la Commune à Paris. L'irréligion, la cruauté, le mépris de toute morale furent les principaux traits de cette révolution dont, pendant trois mois, les crimes et les horreurs rappelèrent ceux de .—Commencement des hostilités ( avril) ; le gouvernement est contraint, pour délivrer Paris de ses nouveaux ennemis, plus terribles que les Prussiens, de lui faire subir les calamités d'un second siège de deux mois. L'armée de Versailles, commandée par Mac-Mahon, attaque celle de la Commune, composée de cent à cent vingt mille insurgés, pourvus d'une artillerie considérable et commandés par des chefs la plupart étrangers, Italiens, Anglais, Allemands, etc. — La Commune fait arrêter les religieux: Jésuites, Dominicains, Mgr. Darboy, archevêque de Paris ( avril), de hauts fonctionnaires, etc., qu'elle retient prisonniers sous le nom d'otages.— Mais : les opérations du siège poussées avec sagesse et vigueur, amènent l'entrée de l'armée de Versailles à Paris ( mai). — Bataille épouvantable de huit jours et de huit nuits qui se termine le jour de la Pentecôte ( mai).— Pendantce temps, les insurgés qui ont résolu de tout brûler et de faire sauter Paris, incendient les Tuileries, l'ilôtel de Ville, le Palais de Justice (la Sainte Chapelle est préservée comme par miracle), beaucoup de monuments, des rues entières. — Ils massacrent M«p l'archevêque et soixante-six otages (- mai). — Victoire complète sur l'insurrection; cette reprise ou délivrance de Paris fait le plus grand honneur à l'armée française. Vingt mille insurgés ont péri ; trente mille sont faits prisonniers; les plus coupables sont exécutés, les autres, déportés à la Nouvelle Calédonie. is. Mort de Napoléon III à Chislehurst (Angleterre). Mac-Mahon remplace Thiers comme président de la république.—Vote ( juillet) favorable à l'érection de l'église du Sacré-Cœur à Montmartre, en accomplissement du vœu national fait pendant l'invasion prussienne. — Le paiement intégral de l'indemnité à la Prusse, délivre la France de l'occupation étrangère. IS. La France se constitue régulièrement en république ( février). Vote pour la liberté de l'enseignement supérieur qui permet aux catholiques de fonder des universités libres : elles ^s'ouvrent à Lille, Paris, Angers, Lyon, Toulouse, etc. S. Exposition universelle à Paris. ALLEMAGNE. - AUTRICHE. - PRUSSE. S. Les provinces belges rentrent sous la domination de l'empereur d'Allemagne, Léopold Il. Iseo. Napoléon Ier met fin à cet ancien Empire romain germanique, constitué sous Otton-le-Grand, y substitue la Confédération du Rhin sous son protectorat, et réduit François Il, empereur d'Allemagne, au titre d'empereur d'Autriche sous le nom de François lef. isao-. A la suite de la révolution de en France, les sociétés secrètes provoquent des soulèvements qui renversent de leurs trônes plusieurs souverains. La diète de Francfort, sous l'influence de l'Autriche, réprime ces mouvements révolutionnaires et rétablit les souverains dans leurs États. SS. L'Allemagne reçoit encore le contre-coup de la révolution de février en France : l'Autriche, la Hongrie, la Bohême, la Prusse, etc., deviennent le théâtre d'insurrections continuelles. Sous le spécieux prétexte de reconstituer l'Allemagne en un seul empire, régi par la volonté nationale, tous ces états aspirent à l'indépendance à l'égard de leurs souverains. — Ces insurrections, qui durent trois ans, développent l'antagonisme de l'Autriche et de la Prusse. ». Concordat de l'empereur d'Autriche François-Joseph avec Pie IX, pour anéantir les restes du Joséphisme : il sera annulé par le parti révolutionnaire de . S. Guerre soutenue par François-Joseph en Italie contre le Piémont, et terminée par la paix de Zurich : l'Autriche perd la Lombardie qu'elle possédait depuis la paix d'Utrecht. SOO. Guerre entre l'Autriche et la Prusse. Depuis Frédéric II, la Prusse a toujours tendu à substituer en Allemagne sa domination protestante à la domination catholique de l'Autriche; le roi Guillaume profite habilement d'un différend avec l'Autriche, au sujet des provinces danoises conquises en commun et injustement, pour tenter la réalisation de ce projet. Après s'être assuré la neutralité de la France et l'alliance de l'Italie en offrant à sa convoitise la Vénétie, il commence par s'emparer du Holstein, administré par l'Autriche ; puis il envahit le Hanovre, la Saxe, la Bohême, etc. ; et pendant que les Autrichiens triomphent des Piémontais, les Prussiens, par l'éclatante victoire de Sadowa, portent un coup fatal à la puissance de l'Autriche. L'empereur François-Joseph accepte l'arbitrage de Napoléon III et les conditions de la paix de Prague : l'Autriche, cette fois, perd la Vénétie qui, remise à Napoléon, est donnée par lui à Victor-Emmanuel ; en outre, elle est obligée de reconnaître le nouveau royaume d'Italie, et ne conserve plus que le Tyrol; enfin elle voit passer à la Prusse la prépondérance en Allemagne : la Confédération germanique de est dissoute, et il se forme une nouvelle confédération dont les États du nord sont placés sous la direction de la Prusse, tandis que ceux du sud, indépendants de droit, doivent subir de fait cette direction. il se. A la suite de cette guerre entre l'Autriche et la Prusse, l'intervention de la France oblige cette dernière puissance à évacuer le Luxembourg, qui reste indépendant sous le sceptre de la Hollande. -. La guerre franco-prussienne, détaillée à la France et terminée par le traité de Francfort ( mai ), enrichit la Prusse de l'Alsace et d'une grande partie de la Lorraine. De plus, elle consolide la situation respective faite à l'Autriche et à la Prusse, par la paix de Prague, en : l'abaissement de la première est consommé; son souverain, qui reste empereur d'Autriche et roi de Hongrie, n'a plus d'autorité que sur ces deux États; la Prusse,au contraire, dont le roi s'est fait proclamer empereur d'Allemagne à Versailles ( janvier ), succède officiellement à l'Autriche dans la suprématie sur les peuples de race germanique ; et, quoique la constitution allemande soit restée la constitution fédérale de , la Prusse est, en réalité, la seule puissance qui dirige toutes les forces militaires et l'administration intérieure des États qui composent cet Empire. ANGLETERRE. i ?. L'Angleterre, toujours ennemie de la France et forte de sa puissance maritime, entre dans les coalitions européennes qu'elle va diriger vingt-deux ans. . Commencement de la rivalité de l'Angleterre et de la Russie en Asie, seule partie du monde où les grandes conquêtes soient encore possibles; cette rivalité se poursuivra pendant tout le xixe siècle : la Russie s'avancera vers le nord et l'occident; l'Angleterre se dirigera vers le sud, s'emparera des Indes et convoitera la Chine et le Japon. — EUe profite de la mort de Tippoo-Saïb, sultan de Mysore et dernier successeur de Tamerlan, pour mettre fin à l'empire du Grand Mogol ; elle établit sur ces ruines les fondements de l'immense empire britannique dans les Indes. . L'Angleterre consomme la fusion de l'Irlande avec la Grande-Bretagne en incorporant son parlement au parlement britannique. — Elle enlève à la France l'île de Malte dont la possession lui sera confirmée par le congrès de Vienne. .. Par sa victoire de Trafalgar, elle ruine les marines française et espagnole. "'. Le Danemark refuse à Napoléon d'adhérer au blocus continental et, à l'Angleterre, de lui livrer sa flotte qu'elle réclame arbitrairement, sous prétexte de la soustraire à l'ambition de Napoléon. L'Angleterre se venge en bombardant Copenhague et en s'emparant de la flotte, ce qui ruine la marine danoise. S. Abolition du serment du Test ou bill de l'émancipation des catholiques, dû aux énergiques et prudents efforts de l'Irlandais O'Connel! et à l'habile politique du ministre anglais Robert Peel, qui comprit la nécessité de prévenir, par « cet acte de haute justice, » une revendication moins pacifique. Ce bill rendait aux catholiques, dans tout l'empire britannique, l'entière liberté pour l'exercice de leur culte et les remettait en possession de leurs droits civils, rentrée au parlement, etc. ; la royauté et quelques-unes des plus grandes dignités de l'Etat, leur restaient seules interdites. . Bill de Réforme électorale qui amène le triomphe des Whigs. . A l'avènement de la reine Victoria, le royaume de Hanovre, dont le gouvernement ne peut passer aux femmes, est détaché de l'Angleterre et donné à Er- nest-Auguste, duc de Cumberland, quatrième fils de Georges IV. ©-£. Guerre avec la Chine au sujet de l'opium ; elle est terminée par un traité très avantageux pour le commerce de l'Angleterre à laquelle il ouvre plusieurs ports du céleste empire. . Rétablissement de la hiérarchie catholique en Angleterre. -. L'Angleterre s'unit à la France pour défendre la Turquie contre la Russie. -. Sanglantes insurrections dans l'Inde contre la domination britannique; elles sont énergiquement, mais parfois, cruellement réprimées. La Compagnie commerciale des Indes, transformée en , en Société du gouvernement, est supprimée; ses immenses richesses sont transférées à la couronne. Dès lors, le gouvernement complet de l'Inde est réservé au souverain de la Grande-Bretagne; la reine Victoria prend le titre d'Impératrice de l'Indoustan. -SG>. Guerre de Chine faite de concert avec la France ; elle est avantageuse pour le commerce. -. Commencement d'une confédération entre les neuf colonies anglaises de l'Amérique du Nord, pour se défendre contre les tentatives d'absorption des Etats-Unis et pour favoriser, par cette réunion, les intérêts de tous. Cette Souverainté ou Puissance du Canada, ainsi nommée parce que cet état y exerce la prépondérance, est soumise à l'autorité de la Grande-Bretagne, représentée par un gouverneur de son choix, mais chaque état conserve son administration particulière. PÉNINSULE HISPANIQUE. S. Portugal. — Sur son refus d'adhésion au blocus continental, Napoléon le fait envahir; le général français Junot en est nommé gouverneur; la famille royale se retire au Brésil; mais les Anglais, venus au secours du Portugal, contraignent, l'année suivante, les Français à évacuer le territoire. -. Espagne. — Après l'abdication forcée et l'exil en France de Charles IV et de Ferdinand VII, Napoléon place sur leur trône, son frère Joseph qui, pendant un règne de cinq ans, lutte presque toujours avec désavantage contre les Espagnols, secourus à leur tour par les Anglais et aussi par les Portugais. Malgré son héroïque résistance et l'intrépide valeur de Palafox, Saragosse assiégée deux lois par les Français, tombe en leur pouvoir (). L'Espagne entre dans la cinquième coalition (). Les Anglais, commandés par Wellington et vainqueurs à Vittoria, expulsent définitivement Joseph Bonaparte de l'Espagne (). -. Pendant la domination française, les colonies espagnoles de l'Amérique se soulèvent contre leur métropole qui ne leur impose plus qu'un joug étranger; l'Espagne voit ses immenses possessions américaines lui échapper successivement, même après le retour de sa dynastie légitime, et s'ériger en républiques indépendantes comme les Etats-Unis; de sorte qu'en , il ne lui reste plus que Cuba et Porto-Rico. Cet événement, incalculable dans ses conséquences, a changé complètement la face de l'Amérique septentrionale, en y établissant le gouvernement républicain jusqu'au golfe du Mexique. . Le parti libéral qui dominait dans la junte centrale (assemblée chargée du gouvernement pendant l'exil de Ferdinand VII) publie la constitution dite de qui décrétait la monarchie constitutionnelle. IS . Rétablissement deFerdinandVII après l'expulsion de Joseph Bonaparte. — Abolition de la constitution de . IN lit. Illortugal. — A la mort de Dona Maria Ire, son fils, le régent Don Juan, devient roi sous le nom de Jean VI. — Le Portugal et le Brésil ne forment qu'un seul royaume. IIS-IN. Espace. — Révolution de Cadix: les Carbonari qui veulent de nouveau imposer à Ferdinand Vil la constitution de , provoquent une guerre civile, et, par suite, l'intervention de la France. Le duc d'Angoulême, après la prise de Madrid et de Cadix défendue par la forteresse du Trocadéro, triomphe de la révolution et rétablit Ferdinand VII. -. Portugal. — La révolution d'Oporto, contre-coup de celle de Cadix, proclame une constitution modelée sur celle de de l'Espagne. Jean VI à son retour du Brésil () est forcé de l'accepter. . Révolution au Brésil : ce pays s'érige en empire constitutionel indépendant du Portugal et proclame empereur le fils aîné de Jean VI, Don Pédro. S-. A la mort de Jean VI, Don Pédro ne pouvant plus réunir les deux couronnes de Brésil et de Portugal, et préférantla première, abdique la seconde en faveur de sa fille Dona Maria, représentant le parti constitutionnel; il donne la régence à son frère Don Miguel qui, selon la loi fondamentale de succession votée en par les Cortès de Lisbonne, était l'héritier légitime du sceptre de Jean VI. Aussi est-il proclamé roi par le parti royaliste qui, de à , parvint à le maintenir sur le trône au milieu des difficultés de la guerre civile. Don Miguel aurait affermi son pouvoir si Don Pédro, accouru du Brésil pour. soutenir sa fille, n'eût obtenu le secours des libéraux d'Espagne, de l'Angleterre et du roi de France Louis-Philippe, ce qui forma la Quadruple alliance constitutionnelle de , à l'aide de laquelle Dona Maria II, est proclamée reine de Portugal. Don M-iguel vaincu s'engage à ne plus reparaître et se retire à Rome (). . Espacne. — Ferdinand VII, pour complaire à la reine Christiae sa femme, abolit la loi salique (il n'avait point de fils) en faveur de sa fille aînée Isabelle II mais au détriment de son frère Don Carlos, ce qui prépare à l'Espagne plus de quarante ans de rivalités intestines. -. Mort de Ferdinand VII. — Lutte de sept ans entre les Christinos (constitutionnels, partisans de la régente Christine et d'Isabelle II) et les Carlistes (royalistes, favorables à Don Carlos ou Charles V). Les Christinos, en vertu de la Quadruple alliance constitutionnelle ( -), prêtent main forte en Portugal à Don Pedro contre Don Miguel; en Espagne, ils font triompher le parti d'Isabelle Il sous la régence de Christine et le ministère d'Espartero (). Don Carlos se réfugie en France où il est retenu prisonnier jusqu'en igi. -. Christine,victime de l'ambition d'Espartero, est obligée d'abdiquer la régence et de se réfugier e France (). Espartero exerce tyranniquement le pouvoir, persécute l'Eglise, détruit les monastères, etc., et provoque ainsi l'insurrection qui le renverse (). La prise d'Anvers par les Belges, secourus des Français, sur les Hollandais qui s'y étaient maintenus jusqu'alors, assure l'indépendance de la Belgique. IS. Cette indépendance est reconnue par les grandes puissances ; mais la Belgique cède à la Hollande une partie du Limbourg et du Luxembourg. *-*. Suisse. — Sonderbund (c'est-à-dire alliance séparée) ou alliance des sept cantons catholiques, pour résister à la prépondérance du parti protestant et libéral qui veut transformer la souveraineté cantonale en souveraineté centrale ; on en vient aux armes ; le Sonderbund écrasé par le nombre et trahi, subit une ruine complète : les catholiques sont contraints d'accepter la domination protestante qui établit à Berne le siège du gouvernement fédéral. Une nouvelle constitution proclamée en accentue encore l'hostilité envers la religion catholique et assure le complet triomphe du parti démocratique. ÉGLISE *. Extension de la religion catholique aux Etats-' Unis. — Premier évêché érigé à Baltimore. -. Protestation de Pie VI contre tous les attentats sacrilèges de la révolution française : spoliation d'Avignon, du comtat Venaissin, des biens ecclésiastiques, suppression des Ordres religieux, constitution civile du clergé, etc. ... Fondation à Poitiers de la congrégation des religieuses et ensuite des religieux des S. S. Cœurs de Jésus et de Marie et de l' Adoration perpétuelle du Très-Saint-Sacrement par le Père Coudrin et Mademoiselle Aymer de la Chevalerie. Cet Ordre désigné à Paris sous le nom de Société de Picpus, est .voué à l'éducation de la jeunesse et aux missions, spécialement à. celles de l'Océanie orientale. i S. Pie VI violemment enlevé de Rome par ordre du Directoire, est conduit à Florence, puis l'année suivante à Valence en France où il meurt ( août ). soo. Conclave tenu à Venise pour l'élection de Pie VII qui fait son entrée solennelle à Rome le juillet au milieu des transports du peuple romain. — Fondation par le Père Varin,jésuile,et Madame Bar-rat, de la Société du Sacré CœUl' de Jésus approuvée par Léon XII en , pour l'éducation des jeunes tilles. isoi. Pie VII, par sa bulle Ecclesia Christi, ratifie et promulgue le Concordat négocié avec la France en son nom par le cardinal Consalvi, un des hommes d'Etat les plus éminents qu'ait eus l'Eglise dans ce siècle. i$. Protestation de Pie VII contre les articles organiques ajoutés subrepticement au concordat, et portant atteinte aux droits divins et imprescriptibles de l'Eglise. so,%. Pie VII est enlevé violemment de Rome et conduit à Savone par l'ordre de Napoléon, qui déclare les Etats pontificaux réunis à l'empire français. i$. Excommunication portée par Pie VII contre les auteurs, fauteurs, exécuteurs des injustices, « entreprises sacrilèges contre le domaine temporel de ' l'Eglise », etc. *. Pie VII est transféré à Fontainebleau, où la ruse et la violence de Napoléon lui arrachent des concessions regrettables, suivies d'une noble et courageuse rétractation. s.... Pie VII rentre triomphalement à Rome ( mai). — Institution de la fête de Notre-Dame Auxiliatrice que le Souverain Pontife fixe à cette même date. — Rétablissement par le Saint-Siège de la Compagnie de Jésus dans tout l'univers catholique. $. Le congrès de Vienne, en affermissant les puissances protestantes du nord, aggrave les maux des catholiques soumis à leur domination. — Fondation à Aix en Provence, par l'abbé de Mazenod, depuis évêque de Marseille, de la congrégation des Oblats de Marie Immaculée, approuvée par Léon XII () et confirmée par Grégoire XVI et Pie IX. Cette congrégation se dévoue aux missions et à la direction des séminaires. SIÎ-S. Pour réparer les désastres causés aux intérêts religieux de l'Europe, par tous les événements qui l'avaient bouleversée, et spécialement au sein des populations catholiques soumises à des gouvernements hérétiques, Pie VII conclut divers concordats : avec Louis XVIII roi de France, pour modifier celui de et abolir les Articles organiques en ce qu'ils avaient de contraire aux droits de l'Eglise et [l sa doctrine; (la France n'acceptera ce second concordat qu'en ) ; avec la Bavière, la Sardaigne (), les Deux-Siciles (i), la Russie, au sujet de la Pologne, la Prusse (), relativement aux provinces catholiques de ce royaume. Commencement de l'OEuvre de la Propagation de la Foi ou association de prières et d'aumônes pour la propagation de la foi catholique dans tout l'univers ; cette œuvre admirable est due en grande partie à Madame Petit et à une humble et. pieuse ouvrière de Lyon, Mademoiselle Jaricot. SJ.. Léon XII, successeur de Pie VII, poursuit l'œuvre réparatrice des concordats, règle les aftaires religieuses des catholiques du Hanovre, étend sa sollicitude sur les Irlandais et les Belges soumis à des puissances hérétiques, etc. Emancipation des catholiques soumis au sceptre de l'Angleterre. Etablissement des Conférences de Saint-Vincent de Paul à Paris, par Frédéric Ozanam et sept autres étudiants sous la présidence de Monsieur Bailly, i$-i$. Le parti libéral d'Espagne, devenu maître sous la régence de la reine Christine, supprime un grandi nombre d'Ordres religieux, vend leurs biens (), dépouille, persécute, exile le clergé séculier; le ministre usurpateur, Espartero, va même jusqu'à rompre toute relation avec le Saint-Siège; le pape .Koit,eXVI proteste vainement contre ces iniquités. — Ce ne sera qu'en qu'un concordat passé entre Pie IX et la reine Isabelle II rendra la paix religieuse à l'Espagne. I s»»- s :. Ces persécutions et cette rupture se reproduisent en Portugal sous le gouvernement de Don Pédro. — Les réclamations de Grégoire XVI déterminent le rapprochement de la cour de Lisbonne du Saint-Siège, et rendent un peu de paix à l'Eglise de Portugal. îsîio. Approbation par Grégoire XVI, de la règle des Maristes ou Frères de Marie fondés à Lyon sous la Restauration, par le Père Colin. Ce nouvel Institut de clercs réguliers est destiné à l'éducation de la jeunesse et aux missions. s io. Fondation des Petites Sœurs des Pauvres en Bretagne par l'abbé Le Pailleur et deux pauvres ouvrières, dont l'une est devenue, sous le nom de Marie-Augustine de la Compassion, la Supérieure générale. I». Fondation de l' Œuvre de la Sainte-Enfance par Mgr de Forbin-Janson, évêque de Nancy, dans le but de procurer le baptême et de conserver même la vie temporelle aux enfants abandonnés par les Infidèles. il SIG. septembre: Apparition de la Sainte Vierge à deux enfants sur la montagne de la Salette. *. Rétablissement de la hiérarchie catholique en Angleterre. . Rétablissement de la hiérarchie catholique en Hollande. .. décembre : Définition du dogme de l'Immaculée Conception de la très Sainte Vierge par Pie IX. . Concordat avec l'Autriche pour mettre fin au Joséphisme. . Fondation de VQEuvre des Ecoles d'Orient par le baron Cauchy, un des plus grands mathématiciens de France. — Création de l'Association de Saint-François de Sales par Mgr de Ségur pour la propagation et la défense de la foi à l'intérieur. . février : Commencement des apparitions de la Sainte Vierge à Bernadette, à la Grotte de Lourdes devenue pour le monde entier un lieu de pèlerinage, et illustrée par de nombreux et éclatants miracles. ISU. Commencement des usurpations du Piémont sur le domaine temporel du Saint-Siège. . Réunion des Bulgares à l'Eglise romaine. asae. La canonisation de vingt-six martyrs Japonais réunit autour de Pie IX, sur son simple désir, la plus grande partie de l'épiscopat et une affluence de catholiques du monde entier. . décembre: fameuse Encyclique Quanta cura de Pie IX, accompagnée d'un Syllabus ou Sommaire qui expose et condamne en quatre-vingts propositions, toutes les erreurs contemporaines, et trace les règles de l'ordre social chrétien. . Jubilé extraordinaire accordé par Pie IX en considération des malheurs des temps. ISO). Le dix-huitième centenaire du martyre de saint Pierre et de saint Paul réunit une seconde fois, et avec une incomparable solennité, tout l'épiscopat du monde catholique et un immense concours de fidèles autourde Pie IX ; canonisation de vingt-cinq Bienheureux, et béatification de deux cent vingt-cinq martyrs japonais. -. décembre : Ouverture du concile du Vatican, le plus universel et le plus complet de tous les conciles; il compte sept cent cinquante Pères, mais le Pape a la douleur de n'y pouvoir inviter aucun des souverains de l'Europe qui, tous, se sont montrés plus ou moins hostiles à l'Eglise. - juillet : Définition et promulgation de la pleine puissance du Pape en matière de discipline et de son infaillibilité doctrinale. s o. septembre : Prise de Rome par les Piémontais. — Pie IX est relégué au Vatican. — octobre : il suspend le concile général. . mars. Pie IX décerne à saint Alphonse de Liguori le titre de Docteur de l'Eglise. . Réveil des pèlerinages publics. — Grand pèlerinage de la France à Lourdes ( octobre). . Persécutions religieuses ; spoliation, proscription des Ordres religieux et parfois même du clergé séculier, en Italie (i ), en Allemagne, en Suisse (), etc. s. Deuxième centenaire de l'apparition du Sacré Cœur de Jésus à la Bienheureuse Marguerite-Marie. Consécration des fidèles du monde entier au Sacré Cœur ( juin), demandée par Pie IX. . juillet : Pie IX proclame saint François de Sales Docteur de l'Eglise. . février. Mort de Pie IX après un pontificat dont la durée de trente-un ans, sept mois, est unique dans les annales de la Papauté. Pie IX avait dépassé les vingt-cinq années de saint Pierre à JRome, et presque atteint celles de tout son ti de trente-quatre ans. CONCLUSION Ce rapide sommaire de la période contemporaine nous a montré toute l'Europe bouleversée par les plus terribles commotions : les nations, perpétuellement en guerre les unes avec les autres, se disputent, au nom de l'équilibre européen, quelques territoires plus ou moins considérables ; dans ces luttes sanglantes, elles oublient les notions de la justice et du droit pour y substituer l'abus de la force et le fait accompli ; les peuples, travaillés de plus en plus par les idées d'une chimérique indépendance, se soulèvent contre leurs souverains légitimes pour conquérir une liberté qui leur devient funeste; enfin, princes et sujets secouent la bienfaisante autorité de l'Eglise, et brisent ainsi l'unique frein assez puissant pour retenir les passions humaines et maintenir l'équilibre dans le monde moral, équilibre sans lequel celui du monde matériel ne saurait subsister; aussi les uns et les autres cherchent-ils en vain la paix, la liberté et le bonheur : l'Eglise seule en possède les véritables éléments; mais se voyant trop souvent repoussée par cette Europe qui, jadis, avait été si heureuse de recevoir de sa main maternelle ce triple bienfait, elle va le répandre au loin, et justifier encore et toujours son divin caractére de catholicité. Rien de plus admirable, en effet, que le développement des missions catholiques dans toutes les parties du monde au XIXe siècle, développement dû surtout au zèle de Grégoire XVI et de Pie IX, si heureusement secondé par l'association de la Propagation de la foi. En Asie, le catholicisme fait de nombreuses conquêtes au sein de l'empire ottoman où les Arméniens-unis et les Maronites sont la cons olation de l'Eglise qui y compte trois patriarcats : Constantinople, Jérusalem, Antioche. Dans le Tonkin, la Cochinchine, la Chine, la [Corée, le nombre des chrétiens s'accroît considérablement malgré les cruelles et presque incessantes persécutions ; au Japon, la découverte des vieilles chrétientés conservées à l'insu de tout le monde, malgré trois siècles de proscription et de supplices, aide puissamment à relever les ruines de l'Eglise japonaise. L'Afrique, depuis la conquête de l'Algérie par la France, a vu s'établir des évêchés à Alger, Constantine, Oran; et non seulement les côtes ont été évangélisées, mais le centre même s'ouvre enfin au zèle invincible des missionnaires. L'Amérique, malgré tous les maux que lui cause la Franc-Maçonnerie, voit la foi prendre une grande extension sur son sol au XIXe SièCle ; le Bas-Canada est resté tout entier catholique sous une domination protestante; le développement de l'Église dans les Etats-Unis est tel que le nombre des catholiques de ces régions qui n'était que de , en , atteint aujourd'hui six à sept millions; soixante-huit évêchés ont été créés depuis . L'Amérique centrale qui n'offrit dans les premières années de ce siècle qu'un sol ingrat, récompense maintenant par des fruits abondants les travaux des Jésuites et des autres missionnaires. Enfin dans l'Océanie, la religion compte des chrétientés nombreuses et florissantes; sur la côte orientale du continent australien, les missionnaires catholiques de l'Angleterre travaillent avec zèle et succès : par suite de ces diverses conquêtes la catholicité compte aujourd'hui millions d'âmes en communion avec le Saint-Siège, c'est-à-dire la septième partie de la population du globe. Ainsi l'Eglise, en remplissant le monde entier des merveilles de son apostolat, au XIXe siècle, manifeste sa vitalité divine et son inépuisable fécondité; en même temps la lutte qu'elle soutient en Europe contre les£OE - qrts de l'enfer, efforts toujours redoublés, mais t^munS puissants à prévaloir, ne sert qu'à faire éclater «avantage'/, l'infaillible assistance de Celui qui a pro/iii« d'rtre avec ^ elle jusqu'à la consommation des siècles. SUCCESSION DES SOUVERAINS QUI ONT RÉGNÉ DANS LES PRINCIPAUX ÉTATS DE L'EUROPE, DEPUIS , JUSQU'A NOS JOURS. PAPES . NICOLAS V. . CALIXTE III (Borgia). . PIE Il. . PAUL II. . SIXTE IV (de laRovère). . INNOCENT VIII. . ALEXANDRE VI (Borgia). . PIE III. — JULES II (de la Rovére). . LÉON X (de Médicis). . ADRIEN VI. . CLEMENT VII (de Mèdicis) . PAUL III (Farnèse). . JULES III. . MARCEL If. — PAUL IV (Caraffa). . PIE IV. . SAINT PIE V. . GRÉGOIRE XIII. . SIXTE-QUINT. . URBAIN VII. — GRÉGOIRE XIV. . INNOCENT IX. . CLÉMENT VIII. LÉON XI. — PAUL V (Borghèse). . GRÉGOIRE XV. . URBAIN VIII. . INNOCENT X. . ALEXANDRE VII (Chigi). . CLÉMENT IX. . CLÉMENT X. . INNOCENT XI. G. ALEXANDRE VIII. . INNOCENT XII. . CLÉMENT XI. . INNOCENT XIII. . BENOIT XIII. CLÉMENT XII. . BENOIT XIV. . CLÉMENT XIII. . CLÉMENT XIV. . PIE VI. . PIE VII. . LÉON XII. . PIE VIII. . GRÉGOIRE XVI. . PIE IX. . LÉON XIII. FRANCE Valois (suite). . Charles VII. . Louis XI. . Charles VIII. . Louis XII. . François IE". . Henri II. . François II. . Charles IX. . Henri III. Bourbons. . Henri IV. . Louis XIII. . Louis XIV. . Louis XV. . Louis XVI. . Louis XVII. République de à . . Napoléon I»r, empereur . Louis XVIII. . Charles X. . Louis-Philippe Ior. République de à . . Napoléon III, empereur. République . ALLEMAGNE Maison d'Autriche-Habsbourg (suite). . Frédéric III. , Maximilien Ter. . Charles-Quint. . Ferdinand ^ . L Maximilien II. . Rodolphe II. . Mathias. . Ferdinand II. . Ferdinand III. . Léopold '''. . Joseph Ier. . Charles VI. . Charles VII (électeur de Bavière). Maison d'Autriche-Lorraine. . François "" et Marie-Thérèse. . Joseph II.. . Léopold II. . François II. . Fin de l'empire d'Allemagne. — François II devient: — François °", empereur d'Autriche. . Ferdinand Ier. . François-Joseph leI'. ANGLETERRE Plantagenets (suite). . Henri VI. . Edouard IV. . Edouard V. — Richard III. Tudors. .. Henri VII. . Henri VIII. . Edouard VI. . Marie. . Elisabeth. Stuarts. . Jacques % roi d'Ecosse et d'Angleterre.. . Charles Ier. République de à. . . Charles II. . Jacques II. . Guillaume III d'Orange et Marie. . Anne. Brunswick-Hanovre. . Georges Ier. . Georges II. . Georges III. . Georges IV. . Guillaume IV. . Victoria. ESPAGNE Maison d'Aragon. . Ferdinand V le Catholique et Isabelle. . Charles Ier (V en Allemagne). . Philippe Il. . Philippe III. . Philippe IV. . Charles II. Maison de Bourbon. liOO. Philippe V. — abdique-Louis I". Philippe V reprend le sceptre. . Ferdinand VI. . Charles III. . Charles IV. . Ferdinand VII. . Isabelle II. Révolution de à . . Amédée lei' (de Savoie). République de A . . Alphonse XII. POLOGNE . Casimir IV. . Jean er Albert. . Alexandre Ier. . Sigismond Inr. Sigismond II Auguste. . Henri (de Valois). . Etienne Bathori. . Sigismond III (de Suède). . Wadislas VII. , Jean-Casimir. . Michel Wisnioviecki. . Jean Sobieski. . Auguste II (de Saxe). . Stanislas Leczinski. . Retour d'Auguste II. . Auguste III. . Stanislas Poniatowski. . Démembrement. PRUSSE Maison d'Hohenzollern. . Frédéric I,l@. . Frédéric-Guillaume ï«. . Frédéric II. . Frédéric-Guillaume Il. . Frédéric-Guillaume III. . Frédéric-Guillaume IV. . Guillaume I"'. RUSSIE Dynastie de Rurik. . Wasili III. . Iwan III. . Wasili IV. . Iwan IV. . Féodor I. Anarchie de à . Dynastie de Romanoff. . Michel. . Alexis. . Féodor II. . Pierre ." Iwan Y. . Catherine I"'. . Pierre II. . Anne. . Iwan VI. . Elisabeth. Dynastie de Holstein-Gottorp. . Pierre III. — Catherine II. . Paul er. . Alexandre le'.. . Nicolas I"'. . Alexandre Il. . Alexandre. IIIt-—* TABLE DES MATIÈRES AVERTISSEMENT Divisions de l'histoire moderne PREMIÈRE ÉPOQUE Depuis la prise de Constantinople par les Turcs jusqu'à l'apparition. du Protestantisme ( -). Aperçu général CHAP. . France et Italie . France jusqu'aux guerres d'Italie ji . Italie avant l'invasion des Français Naples Florence Venise Milan — Gênes — Savoie — Etats de l'Eglise. Etats secondaires PREMIÈRE PÉRIODE DES GUERRES D'ITALIE 'i . Depuis l'expédition de Charles VIII jusqu'à sa mort g . Depuis la première expédition de Louis XII en Italie jusqu'à la Ligue de Cambrai... § . Depuis la Ligue de Cambrai jusqu'à la mort de Louis XII . Depuis la première expédition de François le,' en Italie jusqu'à la pacification générale de l'Europe CHAP. Il. Empire d'Allemagne . De l'Empire proprement dit: depuis le couronnement de Frédéric III jusqu'à la mort de Maximilien § . Suisse CHAP. Ill. Angleterre jij . Depuis la fin de la guerre de Cent ans jusqu'à l'avènement des York GUERRE DES DEUX ROSES g . Depuis l'avènement des York jusqu'au triomphe définitif sur les Lancastre g . Depuis le triomphe des York jusqu'à la fin de la guerre des Deux Roses g . Henri VII - Henri VIII jusqu'en .... CHAP. IV. Ecosse g . Etat général de l'Ecosse jusqu'au xve siècle. g . Robert II — Robert - Jacques I",— Jacques II — Jacques III — Jacques IV ... CHAP. V. Péninsule hispanique I. Espagne g . Depuis la réunion de la Castille et de l'Aragon jusqu'à la mort d'Isabelle g . Depuis la mort d'Isabelle jusqu'à la guerre entre François ICI. et Charles-Quint.... II. Portugal CHAP. VI. Découvertes maritimes des Portugais et des Espagnols g . DécouverLes et conquêtes des Portugais en Afrique, en Asie, en Amérique g . Découvertes des Espagnols dans le Nouveau- Monde ! CHAP. VII. Etats Slaves » Bohême et Hongrie. Pologne et Prusse Russie CHAP. VIII. Etats Scandinaves . Danemark, Suède et Norwège CHAP. IV. Turquie ,. Chronologie de la première époque DEUXIÈME ÉPOQUE Depuis l'apparition du Protestantisme jusqu'à la paix de Westphalie (-). Aperçu général CHAP. . France RIVALITÉ DE LA FRANCE ET DE L'AUTRICHE : SECONDE PÉRIODE DES GUERRES D'ITALIE ■g . Suite du règne de François " jusqu'à la paix de Cambrai g . Depuis la paix de Cambrai jusqu'à la fin des guerres d'Italie .............. LUTTES RELIGIEUSES g . Introduction du Protestantisme g . Depuis les premiers troubles religieux jusqu'à la Ligue g . Depuis la Lisue jusqu'à l'édit de Nantes... g . Depuis l'édit de Nantes jusqu'à la paix d'Alais. FORCE ET GLOIRE DE LA MONARCHIE g . Dernière partie du tègne de Louis XIII. — Commencement du règne de Louis XIV. . CHAP. Il. Empire d'Alleniagne g . Depuis l'origine du Protestantisme jusqu'à la diète catholique d'Augsbourg ', g . Depuis la diète, d'Augsbourg jusqu'à l'abdicat'on de Charles-Quint g . Depuis l'abdication de Charles-Quint jusqu'à la guerre de Trente ans g . Depuis le commencement de la guerre de Trente ans jusqu'à la mort de Ferdinand III. GUERRE DE TRENTE ANS ° Période palatine ° Période danoise ° Période suédoise ° Période française CHAP. III. Suisse CHAP. IV. Angleterre g . Seconde partie du règne d'Henri VIII.... g . Edouard VI. — Marie g . Elisabeth g . Jacques Iec - Charles I<-r CHAP. V. Ecosse g . Depuis l'avènement de Jacques V jusqu'à la captivité de Marie Stuart g . Depuis la captivité de Marie Stuart jusqu'à la réunion de la couronne d'Ecosse à celle d'Angleterre _ CHAP. VI. Péninsule hispanique I. Espagne g . Continuation du règne de Charles Ier. Philippe II jusqu'à la révolte des Pays-Bas g . Révolte des Pays-Bas g . Depuis la révolte des Pays-Bas jusqu'à la paix de Westphalie. II. Portug.,il CllAP. VII. Italie CHAP.VlILEtats Slaves Bohême et Hongrie Sl Pologne - Russie ' CHAP. IX. Etats Scandinaves ^ Danemark ~ Suède CHAP. X. Turquie i De l'Eglise, des Sciences, des Lettres, des Arts pendant les deux premières époques. . De l'E,.Ilise ... . De la Papauté i \ . Des principales hérésies, des principaux conciles et des écrivains ecclésiastiques.... . Restauration, propagation de la foi. — Persécutions l , Des Ordres religieux.- Des principaux Saints II. Des Sciences, des Lettres, des Arts g . Des Sciences et des Lettres t i -. Des Arts - Chronologie de la seconde époque. , .... TROISIÈME ÉPOQUE / Demis la paix de Weslphalie jusqu'à la mort de Louis XIV (Hi-t Hil. Aperçu général .tn;i CONTINUATION DU RÈGNE DE LOUIS XIV l t. Depuis la paix de Westplialie jusqu'au gouvernement personnel de Louis XIV ...... o g . Gouvernement de Louis XIV ji . Depuis les premiers actes politiques de Louis XIV jusqu'à la paix de Nimègue . g . Affaires religieuses.. • • • • • • • ■ • ■ . Depuis la paix de iS'imègue jusqu'à. celle de Rjswick " g . Depuis l'avènement des Bourbons au trône d'Espagne jusqu'à la mort de Louis XIV... CHAP. II. Empire d'Allemagne g . Luttes contre les Turcs • • . Guerres contre la France. - Nouvelles inva- . sions des Turcs, . CHAP. III. Angleterre jJ . Depuis l'établissement de la République jusqu'au rappel des Stuarts g . Depuis le rétablissements des Stuarts jusqu'à leur nouvelle chute . Depuis la révolution de jusqu'à l'avènement des Brunswick-Hanovre....... Crup. IV. Hollande . CUA". V. Péninsule hispanique . Espagne g . Depuis la paix de Westphalie jusqu'à l'avènement des Bourbons. g . Depuis l'avènement de Philippe V jusqu'à la paix de Rastadt. Il. Portugal !;) . Alphonse VI.- Pierre Il CHAP. VI. Italie. CHAP. VII. Ktats du Nord Suède ... Danemark CHAP. VIII. Etats Slaves Pologne Russie Chronologie de la troisième époque QUATRIÈME ÉPOQUE Dëpuis la mort de Louis XIV jusqu'à la Révolution française (-). Aperçu générât CHAP. . France g . Depuis l'avènement de Louis XV jusqu'au ministère de Fleury % . Depuis le ministère de Fleury jusqu'à la paix d'Aix-la-Chapelle $ . Depuis !a paix d'Aix-la-Chapelle jusqu'à celle de Paris g . Décadence morale et religieuse g :i. Dernières années de Louis XV. — Louis XVI jusqu'i la guerre d'Amérique g . Depuis la guerre d'Amérique jusqu'à la Révolution CHAP, II. Empire d'Allemagne \ . Depuis la paix de Passarowitz jusqu'à celle d'Hubertsbourg .............. . Depuis le traité d'Hubertsbourg jusqu'à la mort de Joseph II CHAP. III. Angleterre..... § . Georges I". — Georges Il jusqu'à la guerre de Sept ans § . Suite de Georges Il. — Georges jusqu'en CHAP. IV. Péninsule hispanique I. Espagne % . Depuis la paix de Rastadt jusqu'à l'avènement de Charles III.... „ g . Charles III, Il. Portugal Jean V — Joseph Ier — Dona Maria Ire et Pedro III. CHAP, V. Italie Royaumt de Sardaigne Milanais — Toscane Parme et Plaisance Royaume de Naples ou des Deux-Siciles Etats secondaires CHAP. VI. Prusse CHAP. VII. Pologne.... CHAP. VIII. Russie De l'Eglise, des Lettres, des Sciences et des Arts pendant la troisième et la quatrième époque. I. De l'Eglise g . De la Papauté t % . Des principales erreurs, des principaux conciles, des écrivains ecclésiastiques § . Progrès et pertes de la foi. — Persécutions.. jj . Ordres religieux. Principaux Saints... Il. Lettres— Sciences Arts g . Des Lettres g . Des Sciences g . Des Arts Chronologie de la quatrième époque !/ APPENDICE SOMMAIRE DE L'HISTOIRE CONTEMPORAINE Depuis la Révolution française jusqu'à la mort de : Pie IX (-). '-.- Fran,:e Allemagne — Autriche—Prusse Angleterre Péninsule hispanique g Italie Russie et Turquie, etc ESlise Succession des Souverains des principaux États de l'Europe, depuis le commencement de l'histoire moderne jusqu'à nos jours /v^\V V-.. ^ FIN DE LA TABLE ERRATA Pages ligue au lieu de i lisez i!J.t » » » » IM) » Il d'Autriche et de Hongrie d'Autriche et aussi roi de Hongrie. » » (à partir du bas) grâce à la découverte» et l'oi, découvrit le » » au lieu de Espagne ' » Portugal » » » » » » » # ci » » après Louis X-UI a - « » au lieu de frère » fils » » (à partir du bas) » » » » au lieu de * Il » » » » » » f » » » » quelques mois après « quelques mois sous » » » » bi » » » » » i » » et au lieu de Arnauld d'Andilly lisez Arnauld seulement. » » Ferdinand , Ferdinand IV » b » » » . Ferdinand b' » Ferdinand IV A LA MÊME LIBRAIRIE * / HISTOIRE SAINTE ' édition. vol. ( in-. fr. ] COURS ABRÉGÉ POUR LES ENFANTS, comprenant l'Ilistoire ancienne, l'Histoire romaine et l'Histoire de France, ' édition. vol. in-. fr. HISTOIRE ANCIENNE, avec tableaux syn-COURS chroniques. "à* édit., vol. in-. fr. HISTOIRE ROMAINE. * édition vol. y in-. fr. COMPLET ( HISTOIRE DE FRANCE, avec tableaux généalogiqups et chronologiques. fort | vol. in-, ' édition. fr. D'HISTOIRE I HISTOIRE DU MOYEN AGE, avec une I esquisse de l'Histoire de l'Eglise, tableaux I synchroniques, etc. e édit., rev. et corr. f vol. in-, format Charpentier. fr. I HISTOIRE MODERNE, avec une esquisse de l'Hisfoit-e de l'Eglise, tableaux syn- chroniques et généalogiques. vol. in-, \ format Charpentier. fr. MYTHOLOGIE. * édition. volume in-. fr. j PETITE GÉOGRAPHIE, pour les enCOURS [ ,° édition. i vol. in-. c. V ABRÉGÉ DE GÉOGRAPHIE, " édition COMPLET revue et corrigée. vol. in-. fr. DE j GÉOGRAPHIE DESCRIPTIVE, précé, f dée d'un Abrégé de Cosmographie, GEOGRAPHIE avec figUreSj volumes in-, format \ Charpentier. fr. ( " partie : THÉORIE. vol. in-. COURS l format Charpentier. * édit. fr. . DE {%• partie : IIHTOIRE LITTÉRAIRE, LITTÉRATURE/ ancienne et moderne. vol. in-, for-l mat Charpentier, ' édit. fr. / AMOUR A JÉSUS-CHRIST, paroles r.vTimrF« ) seules, * édition. cent. LMiiyuK» GLOIRE A MARIE, paroles seules, f, . * édition. cent. ]