From bc6b5c2ba14d552ad3c5dbd57530c9d4855068f2 Mon Sep 17 00:00:00 2001 From: Lucas Nussbaum Date: Mon, 27 Jul 2009 23:22:56 +0200 Subject: [PATCH] Ignore ­, as some blog software (dotclear2) misuse it. --- ChangeLog | 3 +- lib/feedparser/html2text-parser.rb | 6 +- test/html_output/eolas.output | 1317 ++++++++++ test/parser_output/eolas.output | 1085 +++++++++ test/source/eolas.xml | 1297 ++++++++++ test/text_output/eolas.output | 1239 ++++++++++ test/textwrapped_output/eolas.output | 3337 ++++++++++++++++++++++++++ 7 files changed, 8282 insertions(+), 2 deletions(-) create mode 100644 test/html_output/eolas.output create mode 100644 test/parser_output/eolas.output create mode 100644 test/source/eolas.xml create mode 100644 test/text_output/eolas.output create mode 100644 test/textwrapped_output/eolas.output diff --git a/ChangeLog b/ChangeLog index 3d59b4f..8a9c07d 100644 --- a/ChangeLog +++ b/ChangeLog @@ -1,9 +1,10 @@ -Ruby-Feedparser 0.7 (10/05/2009) +Ruby-Feedparser 0.7 (27/07/2009) ================================ * Handled several creators per feed item * Fix bug with urls into tag attributes * Better item categories support * Reworked text output formatting +* Ignore ­, as some blog software (dotclear2) misuse it. Ruby-Feedparser 0.6 (23/07/2008) ================================ diff --git a/lib/feedparser/html2text-parser.rb b/lib/feedparser/html2text-parser.rb index 08c91a9..a5c1685 100644 --- a/lib/feedparser/html2text-parser.rb +++ b/lib/feedparser/html2text-parser.rb @@ -399,7 +399,11 @@ def HTML2TextParser.entities "euro" => 8364 } def unknown_entityref(ref) - if HTML_ENTITIES.has_key?(ref) + # hack to avoid considering ­, as it is misused by some blog software (dotclear2) + # see http://www.cs.tut.fi/~jkorpela/shy.html + if ref == 'shy' + handle_data('') + elsif HTML_ENTITIES.has_key?(ref) handle_data([HTML_ENTITIES[ref]].pack('U*')) else handle_data(ref) diff --git a/test/html_output/eolas.output b/test/html_output/eolas.output new file mode 100644 index 0000000..2cb4a7d --- /dev/null +++ b/test/html_output/eolas.output @@ -0,0 +1,1317 @@ + + + +Journal d'un avocat + + + +
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Feed title: +Journal d'un avocat + +
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Feed: +Journal d'un avocat + +
Item:Eolas au Journal Officiel + +
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Il suf­fit de par­tir à la plage cinq minu­tes et la Gloire vient frap­per à votre porte.

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Assem­blée Natio­nale, 2e séance du ven­dredi 24 juillet 2009. Extrait du compte-rendu ana­ly­ti­que.

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M. le pré­si­dent. La parole est à Mme Cathe­rine Lemor­ton, pour sou­te­nir l’amen­de­ment n° 174.

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Mme Cathe­rine Lemor­ton. Per­met­tez-moi de citer les expli­ca­tions que donne Eolas, sur le site Jour­nal d’un avo­cat, à pro­pos de l’avis du Con­seil cons­ti­tu­tion­nel : « La loi HADOPI met en cause la res­pon­sa­bi­lité de l’abonné par la sim­ple cons­ta­ta­tion du pira­tage, qui suf­fit à met­tre en branle la machine à débran­cher, sauf à ce que l’abonné démon­tre que le pira­tage est dû à la fraude d’un tiers (je laisse de côté la force majeure, qui exo­nère de toute res­pon­sa­bi­lité sans qu’il soit besoin de le pré­voir dans la loi, et l’ins­tal­la­tion du logi­ciel mou­chard, qui au con­traire inter­dit de facto à l’abonné d’invo­quer la fraude d’un tiers). Preuve impos­si­ble à rap­por­ter. Ce ren­ver­se­ment de la charge de la preuve abou­tit à faire de l’abonné mis en cause un cou­pa­ble jusqu’à ce qu’il prouve son inno­cence. C’est prévu par le code pénal nord coréen, mais pas par le nôtre. Le légis­la­teur a ima­giné ce méca­nisme anti­cons­ti­tu­tion­nel­le­ment. » Les évé­ne­ments des der­niè­res semai­nes ne don­nent-ils pas rai­son à l’auteur de ces lignes ?

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Ici, le trans­crip­teur a oublié de noter les pro­ba­bles accla­ma­tions sur l’ensem­ble des bancs, le Pré­si­dent se lève et salue à l’invo­ca­tion de ce nom.

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M. le rap­por­teur bâille. On com­prend qu’il soit fati­gué. Pour lui évi­ter la peine d’une nou­velle sanc­tion du Con­seil cons­ti­tu­tion­nel, je lui sug­gère d’émet­tre un avis favo­ra­ble à l’amen­de­ment n° 174, qui pro­pose d’abro­ger l’arti­cle L. 336-3 du code de la pro­priété intel­lec­tuelle.

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Hélas (je graisse) :

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(Les amen­de­ments iden­ti­ques nos 17 rec­ti­fié, 169, 172, 174, 176 et 845 ne sont pas adop­tés.)

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Notre démo­cra­tie va mieux, assu­ré­ment, mais ça n’est pas encore ça.

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Date:  Sun Jul 26 17:51:00 UTC 2009
Author:  Eolas
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Feed: +Journal d'un avocat + +
Item:Une journée particulière + +
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Par Dadou­che

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Pré­li­mi­naire : Ce billet, c’est un peu mon dos­sier de l’été à moi. +Pas pour meu­bler en atten­dant la ren­trée (Eolas ne s’arrête jamais : grâce à son thé pour cyclis­tes il fran­chit tous les cols en tête, alors que ses colo­ca­tai­res sont prêts à être ramas­sés par la voi­ture balai), mais parce qu’il est long et pas d’une actua­lité brû­lante (quoi­que). Il n’inté­res­sera peut-être pas tous les lec­teurs (oui je sais, on fait mieux comme tea­sing), mais ça fait long­temps que j’avais envie de faire quel­que chose à ce sujet.

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Au cours d’une année riche en pro­cès d’ampleur, la ques­tion de la publi­cité des débats et de la façon dont les médias ren­dent compte des pro­cès et de leurs sui­tes s’est posée à plu­sieurs repri­ses. +On a pu évo­quer ici même la ques­tion de la publi­cité res­treinte impo­sée par la loi pour le pro­cès des meur­triers d’Ilan Halimi.
Le Monde a relaté avec cir­cons­pec­tion l’ini­tia­tive de la Nou­velle Répu­bli­que du Cen­tre Ouest, dont le site pro­po­sait un “live-blog­ging” minute par minute du pro­cès de Véro­ni­que Cour­jault.
Un débat sur la publi­cité à don­ner aux libé­ra­tions de con­dam­nés s’est même engagé sous un billet de Sub Lege Liber­tas.

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Com­ment le public peut-il et doit-il être informé de ce qui se passe dans les pré­toi­res ?

L’évo­lu­tion des médias, la place pré­pon­dé­rante de la télé­vi­sion (et la mul­ti­pli­ca­tion des chaî­nes), celle, mon­tante, d’inter­net, ont changé la donne dans ce domaine éga­le­ment.

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Pas­cal Robert-Diard a expli­qué l’été der­nier dans une (excel­lente) émis­sion d’@rrêt sur image[1] com­ment son blog lui per­met­tait de retrou­ver le côté feuille­ton­nage que les jour­naux papier ne peu­vent plus s’offrir. D’autres, comme Syl­vie Véran pour le Nou­vel Obser­va­teur[2], lui ont emboîté le pas.

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Les créa­teurs de la chaîne thé­ma­ti­que Pla­nète Jus­tice, née en octo­bre 2007, n’ont quant à eux jamais caché leur sou­hait de pou­voir à terme entrer dans les pré­toi­res et retrans­met­tre des pro­cès et n’atten­dent que l’occa­sion de sou­le­ver à nou­veau ce débat.
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Quel­les con­train­tes léga­les ?
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+La ques­tion se pose sous plu­sieurs aspects

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+On peut pen­ser que, pour pou­voir ren­dre compte d’une audience, encore faut-il pou­voir y assis­ter[3]. Et la presse est à cet égard logée à la même ensei­gne que le reste du public.

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Pour résu­mer, le prin­cipe géné­ral est que les audien­ces sont publi­ques, s’agis­sant aussi bien des pro­cé­du­res péna­les (arti­cles 306, 400 et 535 du Code de pro­cé­dure pénale) que de la matière civile (arti­cle 22 du code de pro­cé­dure civile). Tout citoyen doit pou­voir voir com­ment la jus­tice est ren­due en son nom.

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Les excep­tions à ce prin­cipe ne peu­vent être pré­vues que par la loi et sont moti­vées par des con­si­dé­ra­tions de pro­tec­tion de l’ordre public ou de déli­ca­tesse pour les par­ties:
+- huis clos, qui peut être ordonné si la publi­cité est “dan­ge­reuse pour l’ordre ou les moeurs” et qui est de droit si la vic­time de cer­tai­nes infrac­tions le réclame
+- publi­cité res­treinte devant le tri­bu­nal pour enfants et la cour d’assi­ses des mineurs[4]
+- audience en cham­bre du con­seil (en matière civile par exem­ple pour les affai­res fami­lia­les, l’assis­tance édu­ca­tive ou les tutel­les ; en matière pénale notam­ment pour les audien­ces rela­ti­ves à l’exé­cu­tion de la peine, aussi bien les requê­tes en exclu­sion du bul­le­tin n°2 du casier judi­ciaire que les débats devant le juge de l’appli­ca­tion des pei­nes).

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+Audience publi­que ne signi­fie pas for­cé­ment audience dont on a le droit de ren­dre compte. Et inver­se­ment.

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Les dis­po­si­tions de l’arti­cle 39 de la loi de 1881 inter­di­sent en effet de ren­dre compte de cer­tains pro­cès en dif­fa­ma­tion et des débats “con­cer­nant les ques­tions de filia­tion, actions à fins de sub­si­des, pro­cès en divorce, sépa­ra­tion de corps et nul­li­tés de mariage, pro­cès en matière d’avor­te­ment”. Elles auto­ri­sent éga­le­ment les juri­dic­tions civi­les à inter­dire le compte rendu d’un pro­cès, même si le dis­po­si­tif d’une déci­sion peut tou­jours être publié. +De même, diver­ses dis­po­si­tions inter­di­sent de publier l’iden­tité d’un mineur pour­suivi ou vic­time.

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En revan­che, rien n’inter­dit de ren­dre compte par exem­ple d’un pro­cès pénal tenu à huis clos.

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+De quels outils un jour­na­liste peut-il se munir pour ren­dre compte d’un pro­cès ? +
+Jusqu’en 1954, il n’y avait pas de règles par­ti­cu­liè­res. C’est ainsi que durant le pro­cès de Gas­ton Domi­nici en 1953, le nom­bre d’appa­reils pho­to­gra­phi­ques et sur­tout de flashs (à l’épo­que au magné­sium) incom­moda le pré­si­dent des Assi­ses, qui avait les yeux sen­si­bles (le pau­vre). La retrans­mis­sion radio­pho­ni­que du réqui­si­toire de l’avo­cat géné­ral n’arran­gea pas les cho­ses.

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Aussi, par une loi du 6 décem­bre 1954, des dis­po­si­tions furent-elles ajou­tées à la Loi de 1881 sur la liberté de la presse, inter­di­sant l’emploi de tout appa­reil d’enre­gis­tre­ment dans les sal­les d’audien­ces. Dans sa rédac­tion actuelle, il résulte de ce texte que “dès l’ouver­ture de l’audience des juri­dic­tions admi­nis­tra­ti­ves ou judi­ciai­res, l’emploi de tout appa­reil per­met­tant d’enre­gis­trer, de fixer ou de trans­met­tre la parole ou l’image est inter­dit. Le pré­si­dent fait pro­cé­der à la sai­sie de tout appa­reil et du sup­port de la parole ou de l’image uti­li­sés en vio­la­tion de cette inter­dic­tion”.

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Pour mémoire, pré­ci­sons que Robert Badin­ter, épou­vanté à son arri­vée place Ven­dôme en 1981 par l’état des archi­ves judi­ciai­res fran­çai­ses, fit voter en 1984 une loi per­met­tant la créa­tion d’archi­ves audio­vi­suel­les, dont le fond est à ce jour assez peu fourni, et que des auto­ri­sa­tions sont ponc­tuel­le­ment don­nées (dans un cadre légal que j’ ignore) pour la réa­li­sa­tion de docu­men­tai­res et repor­ta­ges sur le fonc­tion­ne­ment de la jus­tice.

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Pour résu­mer, les dis­po­si­tions de prin­cipe excluent de la salle d’audience pen­dant les débats les appa­reils pho­tos, camé­ras, magné­to­pho­nes et tout enre­gis­treur. En revan­che, cela n’empê­che pas la prise de notes, y com­pris sur un ordi­na­teur, ni la trans­mis­sion, en dif­féré ou en direct, de ces notes sur quel­que sup­port que ce soit. D’où la léga­lité de l’opé­ra­tion menée par la Nou­velle Répu­bli­que du Cen­tre Ouest lors du pro­cès de Véro­ni­que Cour­jault[5].

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Un pro­cès média­ti­que

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Le pro­cès de Véro­ni­que Cour­jault, jus­te­ment, par­lons-en. +Il a été cou­vert par plus de cent jour­na­lis­tes, aux­quels étaient réser­vées la moi­tié des pla­ces de la salle d’audience et de la salle de retrans­mis­sion, ainsi qu’une salle de presse, sans comp­ter les faci­li­tés de par­king pour les cars régies[6].
+Il a été le sup­port de cette expé­rience de live-blog­ging dont on enten­dra sûre­ment encore par­ler, et qui a donné lieu à d’inté­res­sants débats dans la Ligne j@une de Guy Biren­baum sur @si[7] et dans J’ai mes sour­ces sur France Inter.
+Il a été l’occa­sion pour une chaîne publi­que de pro­po­ser sur Face­book un quizz, avec cette ques­tion d’une déli­ca­tesse infi­nie : “Véro­ni­que Cour­jault qui a avoué 3 infan­ti­ci­des échap­pera-t-elle à la pri­son à vie à l’issue de son pro­cès ? “
+Et puis, pour cou­ron­ner le tout, en plein pro­cès, une autre chaîne publi­que a cher­ché à résou­dre l’ “énigme” dans une émis­sion excep­tion­nelle (et croyez bien que je n’emploie pas ici cet adjec­tif dans un sens lau­da­tif), met­tant en scène un expert qui témoi­gnait encore quel­ques heu­res plus tôt devant la Cour d’Assi­ses et s’ache­vant par diver­ses con­si­dé­ra­tions sur la peine à lui infli­ger.

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C’est parce que ce pro­cès a con­ju­gué tout ce qui se fait aujourd’hui en matière de cou­ver­ture d’un évé­ne­ment judi­ciaire[8] que j’ai trouvé inté­res­sant de recher­cher, pour une jour­née du pro­cès, dif­fé­rents compte ren­dus qui ont pu en être faits, sur de mul­ti­ples sup­ports, et de voir les spé­ci­fi­ci­tés de cha­que type de trai­te­ment de la matière judi­ciaire, avec les con­train­tes ou les con­tin­gen­ces édi­to­ria­les qui sont pro­pres à cha­que média.

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Il ne s’agit pas d’une recen­sion exhaus­tive, ni liée à la qua­lité (ou à un man­que de qua­lité) de ces objets média­ti­ques. J’ai essayé de trou­ver, pour cha­que type de sup­port, un ou deux comp­tes ren­dus (ou ce qui peut en être l’équi­va­lent) de sour­ces dif­fé­ren­tes, en pri­vi­lé­giant autant que pos­si­ble les médias qui avaient fait une cou­ver­ture quo­ti­dienne de ce pro­cès, et avec cette con­trainte qu’ils soient inté­gra­le­ment (adieu les radios) et gra­tui­te­ment (adieu Le Monde) dis­po­ni­bles en ligne.

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Je vous pro­pose donc cette jour­née par­ti­cu­lière, celle du 15 juin 2009 (choi­sie uni­que­ment parce que c’est celle de cette fameuse émis­sion).

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Pour replan­ter le décor, quel­ques mots : Véro­ni­que Cour­jault com­pa­raît alors depuis le 9 juin 2009 devant la Cour d’Assi­ses d’Indre et Loire à Tours et est accu­sée de trois assas­si­nats sur mineurs de 15 ans, qui lui font encou­rir la réclu­sion cri­mi­nelle à per­pé­tuité. Elle recon­naît avoir tué les 3 nou­veaux-nés, à l’issue de gros­ses­ses igno­rées de tout son entou­rage. Durant les pre­miers jours d’audience ont été abor­dés sa per­son­na­lité, l’his­toire de sa famille, ainsi que le dérou­le­ment des faits qui lui sont repro­chés.

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En ce lundi 15 juin com­pa­rais­sent des experts qui sont inter­ve­nus dans la pro­cé­du­res et des “sachants”, témoins cités par la défense ou l’accu­sa­tion pour s’expri­mer sur le phé­no­mène du déni de gros­sesse ou des infan­ti­ci­des fai­sant suite à des gros­ses­ses cachées, sans avoir cepen­dant exper­tisé l’accu­sée. +

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+Sur le site de la Nou­velle Répu­bli­que du Cen­tre Ouest, le live blog­ging com­mence à 9 h 08 et s’achè­vera à 20 h 30. Il est con­sul­ta­ble ici. +Près de 9 h 30 d’audience, les dépo­si­tions de 8 experts et témoins, qui s’égrè­nent en 204 entrées suc­ces­si­ves, taille Twee­ter, du genre :

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13h03 Michel Dubec pour­suit sur la pré­mé­di­ta­tion qui n’existe pas en géné­ral dans le cas d’infan­ti­cide, car il n’y a pas eu de pré­pa­ra­tion à l’accou­che­ment. Les infan­ti­ci­des se pas­sent sou­vent dans les toi­let­tes, dans le lit, mais il n’y a pas pré­pa­ra­tion à la dis­si­mu­la­tion. L’entou­rage s’en rend compte rapi­de­ment. En géné­ral, ce sont des accou­che­ments faci­les qui durent peu de temps. Ces fem­mes n’accou­chent pas, elles per­dent du corps, elles per­dent un déchet.
+13h08 On com­prend faci­le­ment l’infan­ti­cide dans le cas d’un viol par exem­ple. On com­prend beau­coup moins les fem­mes qui n’ont aucune rai­son de ne pas oser annon­cer leur gros­sesse. C’est dans la per­son­na­lité, dans quel­que chose qui vient d’avant qu’on peut cher­cher les répon­ses de ce mau­vais déclic qui se passe.
+13h16 L’inter­ven­tion de Michel Dubec per­met de com­pren­dre à quel point tou­tes ces notions sont rela­ti­ves.
+13h21 Le pré­si­dent inter­roge Michel Dubec sur les indi­ca­teurs de la déné­ga­tion et du déni : “On a du mal à se figu­rer que, sur neuf mois, la pen­sée soit en per­ma­nence imper­méa­ble. Son hypo­thèse : “Il y a des moments de résur­gence de la cons­cience.”
+13h30 L’avo­cat géné­ral lui demande des pré­ci­sions sur le déni de gros­sesse. “Mal­heu­reu­se­ment, c’est devenu une for­mule, alors que c’est un con­cept de tra­vail qui ne clot ni le tra­vail ni l’inter­pré­ta­tion”, répond Michel Dubec. C’est un méca­nisme qui peut être par­tiel, de nature psy­cho­ti­que chez quelqu’un qui n’est pas psy­cho­ti­que. On peut tous à un moment avoir “des psy­cho­ses fugi­ti­ves.
+13h33 A la demande de Phi­lippe Varin, Michel Dubec affirme une nou­velle fois qu’une “mère infan­ti­cide n’accou­che pas d’un bébé. Elle laisse sor­tir du corps de son corps.”
+13h39 L’avo­cat géné­ral demande à Michel Dubec com­ment on peut savoir s’il s’agit d’une psy­chose tran­si­toire ou psy­chose ins­tal­lée ? Impos­si­ble de répon­dre, sou­li­gne Michel Dubec puisqu’il n’a pas ren­con­tré l’accu­sée. Ce thème sera évo­qué demain.

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D’abord, fran­che­ment, c’est à la limite du lisi­ble (pire que ce billet). Au milieu de tou­tes ces infor­ma­tions qui se suc­cè­dent qua­si­ment minute par minute, on s’y perd un peu.
Le ton, par­fois péda­go­gue, par­fois pédant, qui anime le plus sou­vent les dépo­si­tions d’expert et per­met d’évi­ter le coup de pompe fatal en audience, man­que pour s’accro­cher à ce qui n’est pas un ver­ba­tim (cha­cun des deux jour­na­lis­tes qui a par­ti­cipé à ce tra­vail iné­dit a insisté là des­sus) mais une retrans­crip­tion, qui con­duit néces­sai­re­ment à sim­pli­fier, qui peut lais­ser place à des con­tre­sens (et je ne dis pas que ça a été le cas en l’espèce).
Sur les retrans­crip­tions des moments plus char­gés en émo­tion (essen­tiel­le­ment les autres jours du pro­cès), comme les inter­ro­ga­toi­res de l’accu­sée, les deux jour­na­lis­tes ont indi­qué avoir tenté de sou­li­gner les silen­ces, les pleurs, les hési­ta­tions.

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La Nou­velle Répu­bli­que a jus­ti­fié son ini­tia­tive en sou­li­gnant que cha­que jour un public nom­breux se pres­sait au tri­bu­nal et ne pou­vait accé­der à la salle d’audience faute de place (rap­pe­lons que la moi­tié des pla­ces étaient occu­pées par des jour­na­lis­tes…).
Il est vrai que le pro­cédé adopté per­met au plus grand nom­bre (35000 con­nexions sur l’ensem­ble du pro­cès, dont 6000 le jour du ver­dict) de savoir à peu près exac­te­ment ce qui a été dit, avec le fil­tre d’un tra­vail jour­na­lis­ti­que ainsi décrit par Jean-Chris­to­phe Solon au Monde : “Dès qu’on tape une phrase, elle est en ligne. On n’est pas dans l’ana­lyse, c’est du brut, mais on fil­tre tout de même comme on le ferait sur le papier. Par exem­ple, lors­que c’est trop intime, que ça tou­che les enfants, ou que l’on décrit l’hys­té­rec­to­mie subie par Véro­ni­que Cour­jault, parce que ça n’apporte rien au débat. On met seu­le­ment les temps forts.”.
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+Mais ce qui se dit au cours d’un pro­cès, c’est un tout. Une vérité se tisse au fil des audien­ces, des réso­nan­ces ou des con­tra­dic­tions appa­rais­sent avec ce qu’a dit un autre témoin la veille.
+C’est d’ailleurs une autre objec­tion majeure que l’on peut à mon sens faire au live blog­ging d’un pro­cès, par­ti­cu­liè­re­ment aux Assi­ses : cela bat en brè­che une règle de pro­cé­dure impor­tante, selon laquelle les témoins ne peu­vent pas assis­ter à l’audience tant qu’ils n’ont pas témoi­gné. Ils patien­tent, le jour de leur con­vo­ca­tion, dans une salle spé­ciale et un huis­sier vient les y cher­cher sur ins­truc­tion du Pré­si­dent. La pro­cé­dure d’assi­ses repose sur l’ora­lité des débats, sur le fait que cha­cun vient à nou­veau por­ter son témoi­gnage devant la Cour, de façon sépa­rée pour en pré­ser­ver la sin­cé­rité. Si cha­que témoin peut lire ce que les autres ont dit la veille ou dans l’heure qui pré­cède, cela peut dans cer­tains dos­siers poser un vrai pro­blème… +
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+Au menu du jour, l’arti­cle d’Isa­belle Hor­lans dans France Soir et celui de Sté­phane Durand-Souf­fland dans le Figaro, tous deux vieux rou­tiers de la chro­ni­que judi­ciaire[9]. +Dans leurs arti­cles inti­tu­lés res­pec­ti­ve­ment “Un psy­chia­tre et un gyné­co­lo­gue décryp­tent le mys­tère Cour­jault” et “Véro­ni­que Cour­jault mar­que des points”, ils retien­nent de cette jour­née les audi­tions de Michel Dubec[10] et Israël Nisand[11], qui sem­blent se com­plé­ter pour expli­quer les ver­sants psy­chi­que et phy­si­que du “déni de gros­sesse”.
Les deux jour­na­lis­tes poin­tent l’impor­tance de ces audi­tions dans la com­pré­hen­sion des faits repro­chés à l’accusé, voire la place essen­tielle qu’elles peu­vent avoir pour sa ligne de défense. L’arti­cle de Sté­phane Durand-Souf­fland met par­ti­cu­liè­re­ment en lumière les échos que le tableau cli­ni­que décrit par les deux experts peut avoir avec tout ce qui a été dit les jours pré­cé­dents sur l’accu­sée et sa famille.

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Bref, de la chro­ni­que judi­ciaire “à l’ancienne” (ça n’a rien de péjo­ra­tif, au con­traire), avec ce qu’il faut d’impres­sions d’audience ima­gées (“L’accu­sée, blouse fleu­rie sous gilet rose, che­ve­lure lâche sur les épau­les, sem­ble enre­gis­trer cha­que parole, la décor­ti­quer et l’appli­quer tel un baume sur son désar­roi mal exprimé.” sous la plume d’Isa­belle Hor­lans) et de mise en pers­pec­tive par rap­port aux enjeux du pro­cès ( “Quoi qu’il en soit, le pro­cès de Véro­ni­que Cour­jault a connu, lundi, un tour­nant. La cour enten­dra mardi matin, à la veille du ver­dict, les deux col­lè­ges de psy­chia­tres qui, eux, ont exa­miné l’accu­sée. Aucun n’a con­clu qu’elle souf­frait d’un déni de gros­sesse pro­pre­ment dit. Seul le second envi­sage une rela­tive alté­ra­tion de son dis­cer­ne­ment au moment des accou­che­ments déna­tu­rés qui ont entraîné la mort des nour­ris­sons. Qui a rai­son ? Ques­tion sub­si­diaire : com­ment ren­dre jus­tice aux bébés morts, sans acca­bler plus encore deux gar­çons, bien vivants, atten­dant le retour d’une mère qui les a tou­jours ado­rés ?” en con­clu­sion pour Sté­phane Durand-Souf­fland).

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Au final, sur 8 per­son­nes enten­dues pen­dant la jour­née, 6 sont pas­sées à la trappe de la mou­li­nette jour­na­lis­ti­que, soit (j’ai compté grâce au live blog­ging !) 6 heu­res et 15 minu­tes d’audien­ces per­dues dans les lim­bes. Evi­dem­ment, le prin­cipe même d’un compte rendu (et du tra­vail jour­na­lis­ti­que), c’est de rete­nir la sub­stan­ti­fi­que moelle de ce qui a été dit, de faire un tri pour rete­nir le plus signi­fiant, le plus impor­tant. Pour­tant, aucun des deux experts (mani­fes­te­ment brillants et péda­go­gues ora­teurs) abon­dam­ment cités par les chro­ni­queurs n’a même ren­con­tré Véro­ni­que Cour­jault et n’a donc pu par­ler d’elle pré­ci­sé­ment. Et mal­gré tout, on a bien le sen­ti­ment que c’est ce qui a été au coeur de l’audience qui est là repris.

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L’art de la chro­ni­que judi­ciaire, c’est aussi de savoir relayer, en leur don­nant chair, les moments impor­tants de l’audience. Mais impor­tants de quel point de vue ? Peut-être pas de celui de l’ins­ti­tu­tion judi­ciaire, pour qui l’essen­tiel n’est pas uni­que­ment de com­pren­dre ce qu’est le déni de gros­sesse, mais de savoir si l’accu­sée était dans ce cas et dans quelle mesure cela peut atté­nuer sa res­pon­sa­bi­lité et influer sur la peine qui sera pro­non­cée. D’où l’inté­rêt, pour la Cour et les jurés d’avoir, eux, eu con­nais­sance des con­clu­sions des autres experts. +
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+Les jour­naux de 20 heu­res de TFI et France 2 ont traité de cette jour­née.
+Sur TF1, c’est le neu­vième sujet du jour­nal de Lau­rence Fer­rari. Signé de Domi­ni­que Lagrou-Sem­père, il con­siste pour la plus grande part dans une inter­view du frère de l’accu­sée, avec une men­tion des élé­ments appor­tés par les experts du jour sur le déni de gros­sesse et une con­clu­sion d’une tren­taine de secon­des de la jour­na­liste (fil­mée devant le Palais de Jus­tice) sur le man­que de réponse à la ques­tion cen­trale du pro­cès “Pour­quoi l’infan­ti­cide ? “.
+Sur France 2, David Puja­das lance le sujet au bout de 20’21” et laisse place (en dou­zième posi­tion) au repor­tage très clas­si­que de Domi­ni­que Ver­deil­han, spé­cia­liste judi­ciaire de la chaîne[12]. Lui aussi retient les témoi­gna­ges de Michel Dubec et Israël Nisand, qu’il évo­que sur fond d’ima­ges des inté­res­sés hors de la salle d’audience, avec la courte (et tra­di­tion­nelle) inter­view du témoin vedette entouré de camé­ras et de micros dans la salle des pas per­dus. La con­clu­sion est elle aussi un pas­sage obligé : après une courte image d’un des­sin d’audience repré­sen­tant l’accu­sée, le jour­na­liste est filmé devant le Palais de Jus­tice et résume les enjeux du pro­cès du jour, en rap­pe­lant les décla­ra­tions anté­rieu­res de l’accu­sée.

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C’est la loi du genre judi­ciaire télé­vi­suel : com­ment ren­dre compte de ce dont on n’a pas le droit de faire des ima­ges ? En fai­sant des ima­ges “autour”. Qui­con­que a eu la dou­teuse chance de pas­ser dans un tri­bu­nal lors d’un pro­cès média­tisé a vu les camé­ras et micros plan­tés à l’exté­rieur de la salle d’audience, atten­dant qu’une sus­pen­sion leur livre leur con­tent de décla­ra­tions des uns ou des autres.
Les comp­tes ren­dus d’audience sont aussi géné­ra­le­ment l’occa­sion d’admi­rer l’archi­tec­ture judi­ciaire fran­çaise, tant les Palais sont sou­vent fil­més sous toute les cou­tu­res pour occu­per l’image pen­dant que le jour­na­liste aborde le fond dans son com­men­taire.
TF1 a ici pu chan­ger un peu l’ordi­naire avec son inter­view, cer­tai­ne­ment émou­vante sur un plan humain, mais qui n’apprend pas grand chose sur le dérou­le­ment de l’audience. Comme on n’a pas pu avoir in vivo l’audi­tion des mem­bres de la famille de l’accu­sée, on la repro­duit in vitro.
+Le for­mat court des repor­ta­ges (moins de deux minu­tes) ne per­met pas non plus de faire dans la den­telle, et ce sont les for­mu­les les plus for­tes qui demeu­rent. Mais ça n’est évi­dem­ment pas spé­ci­fi­que au genre judi­ciaire. +
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+Dans cette caté­go­rie qui n’en est peut être pas vrai­ment une, je range les médias qui n’ont d’exis­tence que sur inter­net. Comme la presse plus tra­di­tion­nelle, ils ont cha­cun leur ligne édi­to­riale et des façons de tra­vailler assez dif­fé­ren­tes. Je ne cher­che donc pas à com­pa­rer les deux que j’ai rete­nus, le but étant sur­tout de voir si le web peut avoir une spé­ci­fi­cité dans le trai­te­ment de l’audience. J’ai cher­ché les con­te­nus autres que la tra­di­tion­nelle resu­cée de la dépê­che AFP.

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Le post.fr est un site d’actua­lité, ali­menté tant par une rédac­tion que par les inter­nau­tes. On y trouve donc des cho­ses très diver­ses.
+L’info mise en ligne par la rédac­tion sur cette 5ème jour­née du pro­cès est une sorte de (très brève) syn­thèse (assu­mée) d’autres médias, avec des liens vers le site de RMC et le live blog­ging de la NRCO, en repre­nant la ques­tion des diver­gen­ces des experts. Comme quoi on peut ren­dre compte d’une audience à laquelle on n’a pas assisté (bien ou mal, c’est une autre ques­tion).
+Le Post met aussi en ligne une “info brute”, c’est à dire écrite par un “pos­teur” (ces infos bru­tes ne sont pas véri­fiées par la rédac­tion et n’enga­gent que l’opi­nion de leurs auteurs”), inti­tu­lée “Affaire Cour­jault : la dépo­si­tion d’un expert du déni de gros­sesse”. Son auteur y relate la dépo­si­tion d’Israël Nisand (censé être neu­tre puisqu’il n’a jamais ren­con­tré l’accu­sée), et dont on croit pou­voir com­pren­dre qu’elle y a assisté ou qu’en tout cas elle fait “comme si”[13], puis s’adresse “à tou­tes les mères”, leur deman­dant d’ima­gi­ner “un seul ins­tant une gros­sesse igno­rée” et con­clut sur l’inu­ti­lité d’une peine de pri­son et la néces­sité d’une obli­ga­tion de soins. +Je m’inter­roge sur le sta­tut de ce que le Post qua­li­fie d‘“info”, brute cer­tes mais “info” quand même.

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Dans un regis­tre très dif­fé­rent, Slate.fr “a pour ambi­tion de deve­nir l’un des prin­ci­paux lieux en France d’ana­ly­ses et de débats dans les domai­nes poli­ti­ques, éco­no­mi­ques, sociaux, tech­no­lo­gi­ques et cul­tu­rels”. Il met en ligne des arti­cles écrits par la rédac­tion, des chro­ni­ques d’auteurs régu­liers et des tra­duc­tions d’arti­cles de son “grand frère” amé­ri­cain slate.com.
C’est Jean-Yves Nau qui a “cou­vert” le pro­cès de Tours par des billets (que j’appelle ainsi plu­tôt qu’arti­cles parce que j’ai eu l’impres­sion d’un trai­te­ment plus pro­che du blog) quo­ti­diens. Il a publié, les 15 et 16 juin, deux billets con­sa­crés à la cin­quième jour­née d’audience.
+Le pre­mier est con­sa­cré à la mati­née et aux experts que tout le monde a oubliés et dont il pointe le jar­gon et le man­que de clarté. Il raconte dans la lon­gueur cer­tains moments d’audience, comme le dia­lo­gue entre Me Henri Leclerc et l’une des experts (à laquelle il taille un vrai cos­tard).
C’est sans doute sa for­ma­tion de méde­cin qui a con­duit Jean-Yves Nau à rete­nir éga­le­ment de cette jour­née d’audience ce qui lui appa­raît comme un rebon­dis­se­ment de l’affaire : le fait que Véro­ni­que Cour­jault n’a pas pu étouf­fer ses enfants, en tout cas selon les expli­ca­tions don­nées par Israël Nisand. Il mon­tre alors les cou­lis­ses du pro­cès : com­ment, à une sus­pen­sion d’audience, les avo­cats de la défense sont allés deman­der au témoin des éclair­cis­se­ments sur un point briè­ve­ment abordé dans son audi­tion et lui ont ensuite demandé de reve­nir à la barre, où il a expli­qué que le fait d’accou­cher seule entraîne méca­ni­que­ment des manoeu­vres qui peu­vent entraî­ner la mort du nou­veau né, avant même qu’il soit vrai­ment né.
+Le compte rendu ici livré me paraît se rap­pro­cher de ce feuille­ton­nage cher à Pas­cale Robert-Diard, qui ne paraît pos­si­ble que sur inter­net, où les con­train­tes de bou­clage, de ren­dez-vous obligé et d’espace sont moins con­tin­gen­tes que dans les médias tra­di­tion­nels.
La men­tion d’élé­ments per­son­nels à l’auteur, l’emploi de la pre­mière per­sonne ( “Je con­nais le Pr Israël Nisand de lon­gue date du fait, notam­ment, de peti­tes diver­gen­ces sur quel­ques sujets essen­tiels de bioé­thi­que. Durant la sus­pen­sion d’audience je lui rap­pelle que Véro­ni­que Cour­jault avait déclaré que les deux enfants avaient «criés». Il répond qu’il s’agis­sait plus vrai­sem­bla­ble­ment non pas d’un «cri»mais d’un «gasp».”) est aussi inha­bi­tuelle par rap­port à un compte rendu d’audience clas­si­que. +
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+Ce sont les médias locaux qui pro­dui­sent le plus grand nom­bre de compte ren­dus d’audience.
A de nom­breu­ses audien­ces cor­rec­tion­nel­les on peut voir le jour­na­liste local pren­dre des notes et on retrouve dans les colon­nes du quo­ti­dien régio­nal quel­ques lignes sur des affai­res judi­ciai­re­ment assez bana­les. Les affai­res d’Assi­ses sont tou­jours cou­ver­tes.
“Nos” jour­na­lis­tes sont sou­vent de fins con­nais­seurs de “leur” tri­bu­nal, “leurs” experts, “leurs” avo­cats, et du fonc­tion­ne­ment judi­ciaire au quo­ti­dien, comme le mon­trent ici même les com­men­tai­res de Didier Specq.
C’est pour­quoi j’en fais une caté­go­rie à part dans ce petit exer­cice.
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+D’après mes recher­ches (ou disons mon rapide fure­tage sur le toile), la presse quo­ti­dienne locale à Tours se résume essen­tiel­le­ment à la Nou­velle Répu­bli­que qui, outre le quo­ti­dien papier, pos­sède 40% de TV Tours, la chaîne de télé­vi­sion locale. Il y a bien sûr éga­le­ment le bureau local de France 3 qui pro­duit, outre des repor­ta­ges pour les édi­tions de F3 Paris Ile de France Cen­tre, un décro­chage quo­ti­dien.

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Le compte rendu d’audience de la NRCO “papier” (réa­lisé par d’autres jour­na­lis­tes que ceux qui ont fait le live blog­ging, issus de la rédac­tion mul­ti­mé­dia), est assez clas­si­que (le trip­ty­que Dubec/Mari­nou­po­los/Nisand) agré­menté de petits arti­cles sur les à côtés du pro­cès : une ren­con­tre avec des “poin­tu­res” de la chro­ni­que judi­ciaire[14], une brève sur la lon­gue expé­rience du gref­fier de la cour d’assi­ses

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Les repor­ta­ges de TV Tours et de France 3 Val de Loire Tou­raine[15] ont en com­mun, outre le résumé de l’audience et les ima­ges habi­tuel­les de salle d’audience et de salle des pas per­dus, d’avoir donné la parole à un expert local, seule inter­viewée. Les experts “natio­naux” ne sont qu’aper­çus. Un repor­tage de France 3 Ile de France Cen­tre (cli­quer “compte rendu d’audience” à la date du 15 juin dans ce lien) peut lais­ser pen­ser que c’est parce que seuls les médias natio­naux ont pu appro­cher d’assez près les som­mi­tés…

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Dans les médias locaux, on fait (logi­que­ment) plu­tôt dans la proxi­mité : la locale de France 3 est pré­sen­tée devant le Palais de Jus­tice, la média­ti­sa­tion du pro­cès est autant un sujet que le pro­cès lui même. +
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+Avec l’émis­sion Mots Croi­sés dif­fu­sée le 15 juin 2009, on est devant un objet télé­vi­suel très mal iden­ti­fié. +Sur le pla­teau d’Yves Calvi ce soir là : Marie-Pierre Cour­tel­le­mont, grand repor­ter à France 3, “spé­cia­liste” de cette affaire qu’elle suit et sur laquelle elle pré­pare un second livre[16], Daniel Zagury, expert psy­chia­tre, Pierre-Oli­vier Sur, avo­cat péna­liste, Vio­laine-Patri­cia Gal­bert, psy­cho­thé­ra­peute et asses­seur au tri­bu­nal pour enfants de Paris et le témoin vedette de la jour­née, Israël Nisand. Point com­mun à tous ces invi­tés : aucun d’eux n’a ren­con­tré l’accu­sée ou n’a en prin­cipe eu accès au dos­sier.

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Yves Calvi est un réci­di­viste du caram­bo­lage tem­po­rel dans cette affaire[17]. Le 16 octo­bre 2006, quel­ques jours après la mise en exa­men de Véro­ni­que Cour­jault, il avait déjà con­sa­cré une émis­sion au thème “Quand une mère tue ses bébés” (deux des invi­tés du 15 juin y étaient déjà et ont assez peu évo­lué), qui avait été l’occa­sion d’un ramas­sis de spé­cu­la­tions et hypo­thè­ses, voire d’affir­ma­tions péremp­toi­res sur cette affaire alors que l’enquête com­men­çait à peine.

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Tout au long de cette nou­velle émis­sion, il se défend de “refaire le pro­cès”.
Com­pli­qué dans un débat inti­tulé “Bébés con­ge­lés, le pro­cès”, alors même qu’on com­mence par “nous allons essayer d’en savoir un peu plus sur ce pro­cès pas comme les autres” puis qu’on invite les par­ti­ci­pants, après des géné­ra­li­tés très inté­res­san­tes (ce n’est pas iro­ni­que) sur le méca­nisme du déni de gros­sesse, à “s’arrê­ter sur ce qu’on pour­rait appe­ler le cas Cour­jault”(25’35”).
Cha­cun parle de l’audience comme s’il y avait assisté ( Daniel Zagury 15’21”: “ce qu’elle nous dit”, Vio­laine-Patri­cia Gal­bert 28’31”: “le pré­si­dent a bien repris les dif­fé­rents ter­mes des dépo­si­tions”).
On véri­fie qu’on est bien dans les clous (Yves Calvi à Marie-Pierre Cour­tel­le­mont 30’20”: “est ce que les débats au pro­cès tour­nent autour de ce qu’est notre con­ver­sa­tion de ce soir ?”).
On s’inter­roge sur la psy­cho­lo­gie du mari (Yves Calvi 47’41”) “qu’on voit quo­ti­dien­ne­ment venir défen­dre sa femme à la télé”(sic).
Et on ter­mine sur la com­po­si­tion du jury, une pro­po­si­tion de requa­li­fi­ca­tion (Yves Calvi 45’27”: “c’est au mini­mum de la non assis­tance à per­sonne en dan­ger”) et les avis des uns et des autres sur la peine à infli­ger. Sans comp­ter cette perle de la jour­na­liste qui écrit un livre sur cette affaire et qui sou­li­gne à quel point la média­ti­sa­tion de l’affaire est déjà une ter­ri­ble puni­tion pour l’accu­sée. Au final, sur une heure et six minu­tes d’émis­sion, le témoi­gnage d’une femme ayant vécu un déni de gros­sesse était pro­ba­ble­ment le moment le plus utile et inté­res­sant.

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On voit bien les limi­tes inhé­ren­tes à ce type d’émis­sion avant qu’une affaire soit défi­ni­ti­ve­ment jugée. Et plus géné­ra­le­ment la per­sis­tance de cette illu­sion du carac­tère péda­go­gi­que d’un pro­cès en par­ti­cu­lier sur de grands sujets de société. Une affaire cri­mi­nelle est une affaire uni­que. Parce que c’était cet accusé, parce que c’étaient ces cir­cons­tan­ces, par­fois parce que c’était cette vic­time.

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Qu’une affaire judi­ciaire soit une des illus­tra­tions d’un débat de société plus large, très bien, les pré­toi­res sont un des reflets de la société. Qu’elle en soit le point de départ, et il y a pres­que tou­jours mal­donne. Un pro­cès, c’est quand même d’abord fait pour juger une affaire par­ti­cu­lière. Pas pour soi­gner la société ou faire l’édu­ca­tion des fou­les.
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+Avan­tage au blog ?
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+Un bilan peut-il être dressé des com­pa­rai­sons que je viens de faire ? Comme je ne me suis pas tapé tout ça pour rien, je vais m’y employer :

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Le “débat” (qu’il soit télé­visé ou radio­pho­ni­que) me sem­ble une impasse, parce qu’il ne peut que repro­duire le méca­nisme du pro­cès.
Un asi­naute ne s’y est d’ailleurs pas trompé : “Et sou­dain, le déroulé de l’émis­sion saute aux yeux, c’est celui d’un pro­cès: per­son­na­lité de l’accu­sée, dis­cus­sion pro et con­tra sur les faits et leur qua­li­fi­ca­tion, inter­pré­ta­tion des actes de l’accu­sée, énoncé de la peine”.
Il me sem­ble en tout cas néces­saire qu’il y ait un déca­lage dans le temps et une forme plus docu­men­taire, comme l’émis­sion Fai­tes entrer l’accusé (dont on peut d’ailleurs sup­po­ser que le numéro con­sa­cré à cette affaire est déjà sur les rails).

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Le compte rendu télé­visé souf­fre de ne pas pou­voir mon­trer ce dont il parle et tente de refaire une par­tie de l’audience à l’exté­rieur de la salle en inter­ro­geant les témoins, les vic­ti­mes ou les avo­cats.
Et s’il était pos­si­ble d’avoir des ima­ges de l’audience, il me sem­ble que le ris­que serait mas­sif de ne rete­nir que le moment fort, l’ins­tant lacry­mal, le témoi­gnage scan­da­leux.
Une audience, c’est la vérité toute nue, par­fois toute crue. Tout dans un pro­cès n’est d’ailleurs pas livré aux spec­ta­teurs qui sont dans la salle, quand par exem­ple le pré­si­dent fait pas­ser aux asses­seurs et aux jurés des pho­tos (clas­si­que­ment cel­les de l’autop­sie) ou un docu­ment tiré du dos­sier. S’il est légi­time que toute la réa­lité, si dure soit-elle, soit expo­sée à ceux qui vont juger de l’affaire, l’affi­cher telle quelle, par petit bout, sur les écrans du 20 heu­res serait à mon sens d’une grande vio­lence.

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Le live blog­ging n’apporte aucune ana­lyse. Il peut être un outil pour qui veut sui­vre une audience dans la lon­gueur, mais il pâtit du man­que de cette mise en relief qui résulte de l’ora­lité des débats : le ton, la vitesse d’élo­cu­tion qui change, les silen­ces, les regards, les réac­tions de l’accusé ou des avo­cats, la par­tie civile qui quitte la salle parce que les paro­les de l’accusé sont insou­te­na­bles, bref, tout ce qui fait la vie d’une audience.
Le pro­cédé va cer­tai­ne­ment se déve­lop­per (on l’annonce déjà pour le pro­cès Clears­tream) et évo­luera peut être vers quel­que chose de plus éla­boré, comme l’a fait la Dépê­che du Midi pour le pro­cès AZF, avec un blog assez pro­che d’une retrans­crip­tion ver­ba­tim (en appa­rence) mais d’une lec­ture plus aisée (un billet par audi­tion ou plai­doi­rie, intro­duit par une ou deux phra­ses résu­mant de qui il s’agit) et sur une affaire avec des aspects tech­ni­ques qui se prê­tent peut être mieux à l’exer­cice.

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C’est fina­le­ment le compte rendu écrit, qu’il émane de la presse “tra­di­tion­nelle” ou d’inter­net, qui me paraît le plus adapté aux audien­ces. Le temps néces­saire à l’écri­ture, la dis­tance émo­tion­nelle que per­met l’écrit (par rap­port à un extrait audio-visuel d’une dépo­si­tion) cou­plée à la pos­si­bi­lité de faire vivre l’audience par le talent du jour­na­liste, et même l’illus­tra­tion quasi-obli­gée par un des­sin d’audience qui fait éga­le­ment fil­tre par rap­port à une image “réelle”, tout cela me paraît impo­ser le recul indis­pen­sa­ble au tra­vail du chro­ni­queur judi­ciaire qui, pour repren­dre la for­mule de Paul Lefè­vre dans la Ligne j@une, “n’est pas de dire ce qu’il se passe mais de dire ce que signi­fie ce qu’il se passe”. C’est évi­dem­ment un aspect essen­tiel du tra­vail jour­na­lis­ti­que en toute matière, mais cela me sem­ble par­ti­cu­liè­re­ment indis­pen­sa­ble dans un uni­vers aussi codé que celui de la jus­tice.

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Enfin, il me sem­ble qu’Inter­net, et notam­ment le for­mat blog, apporte un plus. Ce média peut, quand il est uti­lisé avec talent et déon­to­lo­gie, avoir les ver­tus de l’écrit en étant moins sou­mis aux con­train­tes de lon­gueur ou de fré­quence du papier. Une con­di­tion essen­tielle, et dif­fi­cile à rem­plir avec le web, est cepen­dant d’affi­cher clai­re­ment la cou­leur pour savoir qui écrit et de quelle place (ça non plus ça n’est pas pro­pre au genre judi­ciaire), infor­ma­tion qu’on a impli­ci­te­ment quand on ouvre tel jour­nal papier ou qu’on bran­che telle chaîne de télé­vi­sion. +
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+A quand les rac­cords de maquillage aux sus­pen­sions d’audience ? +
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+Alors que le pro­cès se fait à la télé­vi­sion, que les paro­les pro­non­cées à l’audience s’ins­cri­vent sur nos écrans qua­si­ment en temps réel, qu’est ce qui jus­ti­fie encore le ban­nis­se­ment des camé­ras des sal­les d’audience et l’inter­dic­tion de la retrans­mis­sion des pro­cès ?

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D’autant qu’on est en train de fran­chir un nou­veau pas, puis­que des docu­men­ta­ris­tes pré­pa­re­raient des recons­ti­tu­tions de pro­cès. Et devi­nez pour quelle affaire on va expé­ri­men­ter le pro­cédé ?

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Le débat sur la pos­si­bi­lité de fil­mer les audien­ces va bien au delà de la ques­tion du maté­riau qui peut être à la dis­po­si­tion des jour­na­lis­tes pour trai­ter d’une affaire. On évo­que ainsi sou­vent le droit pour les citoyens à voir (et donc con­trô­ler) com­ment la jus­tice est ren­due en leur nom, et le fait que la cap­ta­tion et la dif­fu­sion des pro­cès ne serait fina­le­ment qu’un chan­ge­ment d’échelle par rap­port à une chro­ni­que judi­ciaire “papier”.

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Une com­mis­sion avait été réu­nie en 2003 pour pro­po­ser des solu­tions, sous la pré­si­dence de Mme Lin­den, pre­mière pré­si­dente de la Cour d’appel d’Angers. Son rap­port, soi­gneu­se­ment enterré depuis, pro­po­sait des solu­tions réflé­chies et équi­li­brées et posait, bien mieux que je ne sau­rais le faire syn­thé­ti­que­ment à l’issue de ce déjà très long billet, les enjeux majeurs de l’entrée des camé­ras dans le pré­toire. +Je vou­drais pour con­clure en extraire ces lignes, mises en exer­gue de la con­tri­bu­tion de Pierre Rancé à cette com­mis­sion :

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“La Jus­tice n’a pas à se pro­je­ter pour prou­ver qu‘elle n’a rien à cacher. C’est au citoyen de venir cons­ta­ter que la Jus­tice ne lui cache rien. Il ne sau­rait entrer dans les pré­vi­sions des codes de pro­cé­du­res civile et pénale d’assu­rer une publi­cité média­ti­que, voire com­mer­ciale, aux audien­ces. Si les por­tes du pro­cès res­tent ouver­tes, c’est afin que cha­cun puisse attes­ter que le dérou­le­ment de l’audience est trans­pa­rent et que le prin­cipe du con­tra­dic­toire est res­pecté. La mise sur la place publi­que du pro­cès est le con­traire de la publi­cité de l’audience.”.

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Notes

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[1] eh oui, c’est réservé aux abon­nés. C’est pas pour faire de la pub (pas de pub chez Eolas), mais fran­che­ment 30 euros par an ça vaut le coût… Pour s’abon­ner c’est

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[2] pour les plus moti­vés, les comp­tes rendu des audien­ces du CSM rela­ti­ves à Fabrice Bur­gaud, écrit par Sté­phane Arteta, sont par­ti­cu­liè­re­ment inté­res­sants, par exem­ple

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[3] bien que des comp­tes ren­dus d’audience aient été faits sur le pro­cès de Yous­souf Fofana et ses com­par­ses, notam­ment sur le blog d’Elsa Vigou­reux

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[4] sauf si le mineur, devenu majeur le jour du pro­cès, demande la publi­cité des débats

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[5] notons que c’est sur “inter­pel­la­tion” (pour ne pas dire dénon­cia­tion) d’un jour­na­liste de radio que la Chan­cel­le­rie a été ame­née à pren­dre posi­tion sur cette ques­tion

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[6] voir sur cela cet inté­res­sant repor­tage du club de la Presse du Val de Loire

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[7] celle là est en accès libre, mais ça n’empê­che pas de s’abon­ner

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[8] et cer­tai­ne­ment pas pour le fond du dos­sier, qui n’est pas très dif­fé­rent de celui de beau­coup de dos­siers d’infan­ti­ci­des ins­truits et jugés cha­que année par les juri­dic­tions fran­çai­ses

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[9] Sté­phane Durand-Souf­fland est par ailleurs pré­si­dent de l’asso­cia­tion de la presse judi­ciaire

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[10] expert psy­chia­tre qui a publié en 1992 un ouvrage de réfé­rence sur les infan­ti­ci­des, cité par l’avo­cat géné­ral

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[11] gyné­co­lo­gue-obs­té­tri­cien, expert, qui a lui aussi publié un ouvrage sur le sujet, cité par la défense

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[12] repor­tage que vous ne pour­rez voir car, à l’heure où je fais les ulti­mes cor­rec­tions, il n’est plus en ligne. Heu­reu­se­ment, je me le suis infusé plu­sieurs fois, il va fal­loir me faire con­fiance pour le résumé…

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[13] elle évo­que “D’un côté, dans le box des accu­sés, une femme que je me gar­de­rais bien de juger, accu­sée d’infan­ti­cide, de l’autre le pro­fes­seur Israël Nisand, spé­cia­liste fran­çais du déni de gros­sesse.”

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[14] on peut aussi pen­ser que faire ainsi inter­ve­nir des tiers qui par­ta­geaient un avis pour le moins cri­ti­que sur la con­duite de l’audience par le pré­si­dent a per­mis aux jour­na­lis­tes locaux de ne pas se mon­trer eux mêmes fron­ta­le­ment cri­ti­ques envers le pré­si­dent qu’ils croi­sent à cha­que ses­sion

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[15] même pro­blème que pour le 20 h de France 2

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[16] en fait, le temps que je cor­rige, relise, recor­rige et rere­lise ce billet, elle a eu le temps de le publier

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[17] et pas que dans cette affaire, puisqu’il a notam­ment con­sa­cré une émis­sion au pro­cès Fofana quinze jours après le début des audien­ces, en pré­sence notam­ment de deux des avo­cats con­cer­nés

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Date:  Thu Jul 23 22:02:00 UTC 2009
Author:  Dadouche
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Feed: +Journal d'un avocat + +
Item:Un mot du proprio + +
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Je pars quel­ques jours en vacan­ces bien méri­tées au soleil.

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N’atten­dez donc pas de billet de ma part avant une quin­zaine de jours. Je laisse les clés aux colocs.

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Soyez sages.

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Date:  Thu Jul 23 00:05:00 UTC 2009
Author:  Eolas
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Feed: +Journal d'un avocat + +
Item:Comment prévoir ce que le juge va décider ? + +
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Par Paxa­ta­gore

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Aux Etats-Unis, les juges fédé­raux sont nom­més par le pré­si­dent des Etats-Unis, à vie. Comme tout un paquet de hauts res­pon­sa­bles, la déci­sion du Pré­si­dent doit être con­fir­mée par le Sénat. Le Sénat donne son accord après une audi­tion, plus ou moins lon­gue, de l’impé­trant par le comité judi­ciaire du Sénat. A cette occa­sion, on dis­cute de ses con­cep­tions juri­di­ques et, for­cé­ment, poli­ti­que, de ses pré­cé­den­tes déci­sions (s’il était déjà juge) ou de ce qu’il pense de tel­les ou tel­les déci­sions impor­tan­tes. C’est un exer­cice déli­cat, par­fois long, et le can­di­dat a pour objec­tif d’évi­ter de se lier les mains tout en se met­tant le moins de monde à dos. Cer­tains ne pas­sent pas la barre et sont désa­voués par le Sénat. Notre hôte a plu­sieurs fois évo­qué, ces der­niers jour, la pro­cé­dure de nomi­na­tion, tou­jours en cours, de Mme Sonia Sot­to­mayor, comme jus­tice à la cour suprême.

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Pour autant, il faut bien avoir à l’esprit que ce que le can­di­dat-juge peut dire pen­dant ces audi­tions n’a stric­te­ment aucune valeur juri­di­que. Il peut don­ner son avis sur plein de ques­tions, y com­pris la meilleure façon de cui­si­ner les petits pois, on ne pourra pas par la suite le révo­quer parce que les déci­sions qu’il rend ne sont pas con­for­mes à ce qu’on atten­dait de lui. C’est l’une des gran­des limi­tes de l’exer­cice. Cette chro­ni­que recense plu­sieurs cas, fameux, dans l’his­toire amé­ri­caine, où des can­di­dats choi­sis en fonc­tion des con­vic­tions qu’on leur sup­po­sait, se sont révé­lés avec le temps bien dif­fé­rents. Le cas le plus récent est celui de David Sou­ter, nommé par les Répu­bli­cains et qui fai­sait alors pro­fes­sion de foi d’ori­gi­na­lisme (une doc­trine en vogue aux Etats-Unis qui veut qu’on ne doive inter­pré­ter la Cons­ti­tu­tion que con­for­mé­ment à ce que ses auteurs ont ou auraient voulu dire) et qui s’est révélé être en fait beau­coup plus libé­ral (c’est-à-dire, dans le voca­bu­laire poli­ti­que amé­ri­cain et avec plein d’approxi­ma­tion : de gau­che).

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C’est tout le sel de ces audi­tions devant le Sénat : son­der le can­di­dat, sa pro­fon­deur, sa soli­dité, pour être à peu près cer­tain des déci­sions qu’il va ren­dre.

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On pour­rait tou­te­fois s’inter­ro­ger sur la légi­ti­mité de ce pro­cédé. Après tout, nous autres Fran­çais, nous n’avons aucune pro­cé­dure de cet ordre. Les can­di­dats à la magis­tra­ture sont inter­ro­gés sur leurs com­pé­ten­ces juri­di­ques par le biais de con­cours, qui sont cor­ri­gés par d’autres magis­trats : à aucun moment le pou­voir légis­la­tif n’inter­vient dans la sélec­tion des juges (il faut noter du reste qu’il y a trop de juges en France pour qu’il puisse réel­le­ment pro­cé­der à un con­trôle). Il en va de même pour les con­seillers d’Etat, issus de l’ENA ou nom­més direc­te­ment par le gou­ver­ne­ment, ou encore des mem­bres du con­seil cons­ti­tu­tion­nel ou des magis­trats de la cour des comp­tes.

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Pour­tant, ce pro­cédé me paraît tout à fait légi­time. Les déci­sions qu’un juge va ren­dre ont des réper­cus­sions impor­tan­tes, sur les par­ties au pro­cès évi­dem­ment mais plus géné­ra­le­ment sur l’ensem­ble de la société (du moins, de temps en temps). Il est légi­time de la part de la repré­sen­ta­tion natio­nale d’avoir une petite idée de l’état d’esprit de celui ou de ceux qui vont ren­dre cette déci­sion. Les par­ties elles-mêmes peu­vent sou­hai­ter savoir “à quelle sauce” elles vont être jugées, ne serait-ce que pour adap­ter leur argu­men­ta­tion en con­sé­quence. La pré­vi­si­bi­lité d’une déci­sion de jus­tice est un élé­ment essen­tiel dans un Etat de droit : cha­cun doit pou­voir rai­son­na­ble­ment pou­voir con­naî­tre l’éten­due de ses droits et de ses obli­ga­tions.

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Il me sem­ble que le sys­tème amé­ri­cain accepte par­fai­te­ment le fait que le juge a des pré­sup­po­sés, de tous ordres et en tire les con­sé­quen­ces : il faut mieux con­naî­tre les pré­sup­po­sés du juge, pour pou­voir les com­bat­tre uti­le­ment le cas échéant. (Il faut pren­dre le terme “pré­sup­po­sés” au sens large : ce peut être des pré­ju­gés ,au sens où l’on entend habi­tuel­le­ment ce mot, mais aussi une opi­nion sur une loi, une pra­ti­que juri­di­que, des habi­tu­des…).

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Com­ment fait le sys­tème fran­çais ? Il tend lar­ge­ment à igno­rer les pré­sup­po­sés du juge, du moins en public. La for­ma­tion des juges n’ignore pas ce point : à l’ENM, on est sen­si­bi­lisé à ce dan­ger et on est invité à le com­bat­tre. On appelle le juge à être son pro­pre garant, ce qui n’est pas vrai­ment satis­fai­sant. On cher­che ainsi à obte­nir des juges qui sont plu­tôt “neu­tres”. De la même façon, une bonne par­tie des pré­sup­po­sés de cha­que juge lui vien­nent de son appar­te­nance à la magis­tra­ture : la for­ma­tion et la coha­bi­ta­tion avec les autres col­lè­gues amè­nent les juges à par­ta­ger un cer­tain nom­bre de réflexes com­muns (dans une cer­taine mesure évi­dem­ment). C’est une façon comme une autre d’assu­rer une cer­taine pré­vi­si­bi­lité des déci­sions.

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Il est frap­pant de voir à cet égard que le monde poli­ti­que ignore tota­le­ment cette ques­tion, qui pour­tant expli­que lar­ge­ment le cli­vage impor­tant exis­tant entre le monde poli­ti­que et le monde judi­ciaire. Peut-être devrait-on ins­tau­rer un sys­tème simi­laire à celui des Amé­ri­cains ? Nos juges y gagne­raient peut être en légi­ti­mité, les hom­mes poli­ti­ques seraient con­duits aussi à s’inter­ro­ger sur ce qu’ils atten­dent d’un bon juge… Tou­tes sor­tes de réflexions qui font actuel­le­ment défaut chez nous.

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Date:  Wed Jul 22 14:43:00 UTC 2009
Author:  Paxatagore
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Feed: +Journal d'un avocat + +
Item:Délit de solidarité : Éric Besson marque un point + +
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Le tri­bu­nal cor­rec­tion­nel de Rodez a relaxé aujourd’hui le Gui­néen pour­suivi pour avoir hébergé un com­pa­triote.

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Éric Bes­son va pou­voir se pava­ner en disant qu’il avait rai­son, que ce délit n’existe pas puis­que la jus­tice a relaxé. Après avoir dit en son temps que cette affaire était plus large qu’une sim­ple aide au séjour, ce qui était faux, comme d’habi­tude.

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Je n’ai pas les atten­dus du juge­ment, mais il sem­ble­rait (atten­tion, je sup­pute beau­coup) que la relaxe soit due au fait que l’étran­ger hébergé était en ins­tance de régu­la­ri­sa­tion, puisqu’il a eu sa carte de séjour le 22 juin (source : La Dépê­che).

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Le tri­bu­nal a pu esti­mer que la carte de séjour n’était pas créa­trice de droit mais cons­ta­tait un droit au séjour pré-exis­tant, qu’elle ne fait que maté­ria­li­ser (en droit, on dit qu’elle est décla­ra­tive et non cons­ti­tu­tive). Le rai­son­ne­ment se tient s’il s’agit d’une carte vie pri­vée et fami­liale (art. L.313-11 du CESEDA).

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Dès lors, le fait que le Gui­néen n’ait pas eu de carte ne carac­té­ri­sait pas le séjour irré­gu­lier mais n’était que la con­sé­quence des délais de déli­vrance du titre.

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Rap­pe­lons que le par­quet avait requis 5 mois de pri­son avec sur­sis.

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Date:  Wed Jul 22 14:07:00 UTC 2009
Author:  Eolas
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Feed: +Journal d'un avocat + +
Item:Le Général Sabroclère + +
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Il était une fois en Répu­bli­que Bold­zare un géné­ral, le géné­ral Sabro­clère, qui arriva au pou­voir en pro­met­tant de faire de l’armée de son pays sa pre­mière prio­rité, car comme tout homme poli­ti­que, il n’avait que des prio­ri­tés, ce qui l’obli­geait à les numé­ro­ter pour dis­tin­guer tou­tes ces cho­ses qui pas­sent en pre­mier.

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Sa pre­mière idée fut de rem­plir les caser­nes. Il demanda à ses ser­gents recru­teurs de faire un effort sur la cons­crip­tion, sur­tout auprès des jeu­nes, et fit voter une loi qui déci­dait que ceux qui avaient déjà fait leur ser­vice seraient obli­gés d’en faire un autre plus long, de plu­sieurs années au mini­mum.

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Très vite, l’État major lui signala que les caser­nes étaient déjà plei­nes, et plu­tôt vétus­tes. De plus, il n’y pas assez d’adju­dants pour s’occu­per de ces recrues, ni assez d’armes pour les équi­per, puis­que le Géné­ral Sabro­clère avait repris à son compte la tra­di­tion de ne jamais accor­der un Dra­zi­bule (la mon­naie bold­zare) de plus au bud­get de l’armée ; car une armée trop puis­sante pour­rait fomen­ter des coups d’État.

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À toute demande de Dra­zi­bu­les, le grand Chan­ce­lier répon­dait : « Ce n’est pas une ques­tion de moyens, mais de méthode », avant de recom­man­der des cais­ses de cham­pa­gne pour son pro­chain cock­tail.

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« Qu’importe, répon­dit donc le Géné­ral en haus­sant les épau­les dans la plus grande tra­di­tion bold­zare, l’inten­dance sui­vra ».

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Au bout de quel­ques années, l’Ins­pec­tion Géné­rale des Armés Bold­zare ren­dit un rap­port cons­ta­tant que 82.000 recrues atten­daient encore leur ordre d’incor­po­ra­tion, alors que les caser­nes ne comp­tent que 53.000 lits dans les cham­brées (et déjà, en en fai­sant dor­mir par terre, on arri­vait à incor­po­rer 63.000 recrues, sans comp­ter les 5000 qui fai­saient un ser­vice civil).

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Cela ren­dit furieux le Géné­ral Sabro­clère qui semonça la Grande Cham­bres des Accla­ma­tions, assem­blée char­gée d’applau­dir le Géné­ral quand il lui en pre­nait l’envie.

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Devant la Cham­bre des Accla­ma­tions, il déclara de son ton le plus mar­tial :

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« Com­ment peut-on par­ler d’Armée quand 82.000 recrues atten­dent leur ordre d’incor­po­ra­tion ? »

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La grande Chan­ce­lière annonça que face à cette situa­tion désas­treuse, elle allait rédi­ger des ins­truc­tions adres­sés aux colo­nels et chefs de corps pour leur indi­quer des bon­nes pra­ti­ques per­met­tant d’incor­po­rer plus de sol­dats, le tout sans ache­ter un seul fusil. Il suf­fi­sait d’ins­crire deux noms par ligne sur les cahiers d’incor­po­ra­tion, de faire dor­mir la moi­tié des sol­dats le jour et l’autre moi­tié la nuit, et de faire en sorte qu’un sol­dat tienne le canon du fusil pour viser tan­dis que le second tien­drait la crosse et serait en charge de pres­ser la queue de détente pour faire feu.

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Ce fut ce jour là que la Cham­bre des Accla­ma­tions se révolta et face à un tel niveau d’incon­sé­quence, chassa le Géné­ral Sabro­clère en lui lan­çant à la figure les compte-ren­dus de séance reliés en cuir de vachette depuis 1873 à nos jours.

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Ce conte trouve un écho dans notre actua­lité, avec dans le rôle du Géné­ral Sabro­clère, le pré­si­dent Sar­kozy, dans celui de la grande chan­ce­lière, Madame Alliot-Marie, dans celui de l’armée bold­zare la jus­tice fran­çaise et dans celui de la Cham­bre des Accla­ma­tions se révol­tant… Per­sonne.

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« Com­ment peut-on par­ler de jus­tice quand il y a 82 000 pei­nes non exé­cu­tées parce qu’il n’y a pas de pla­ces dans les pri­sons ? » Le chif­fre avait été annoncé par Nico­las Sar­kozy, devant le Con­grès de Ver­sailles, le 22 juin. Il est tiré d’un rap­port de l’ins­pec­tion géné­rale des ser­vi­ces judi­ciai­res du mois de mars, que la minis­tre de la jus­tice et des liber­tés, Michèle Alliot-Marie devait dif­fu­ser aux magis­trats, mardi 21 juillet.

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Face à cette situa­tion, qu’annonce le gou­ver­ne­ment ? Va-t-on recru­ter des juges d’appli­ca­tion des pei­nes, cons­truire des éta­blis­se­ments sup­plé­men­tai­res et réno­ver les tau­dis qui en font office, pour résor­ber un stock tel que si on ne met­tait plus per­sonne ne pri­son, un an ne serait pas suf­fi­sant pour l’absor­ber ?

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Ou bien…

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Mme Alliot-Marie, en rece­vant les chefs de cour, lundi 20 juillet, a indi­qué qu’elle adres­se­rait “une cir­cu­laire recen­sant les bon­nes pra­ti­ques qui peu­vent être mises en œuvre sans délai”.

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Les Bold­za­res ont plus de chance que nous.

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Date:  Wed Jul 22 12:31:00 UTC 2009
Author:  Eolas
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Feed: +Journal d'un avocat + +
Item:Quelques mots sur l'affaire Orelsan + +
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Ça me déman­­geait depuis quel­­ques mois de par­­ler de cette affaire. Sa nou­­velle jeu­­nesse cha­­ren­­taise m’en four­­nit l’occa­­sion.

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Ainsi, les Tar­­tuf­­fes sont lâchés de nou­­veau, et encore une fois, une liberté fon­­da­­men­­tale est fou­­lée du pied au nom des meilleu­­res cau­­ses. Et vous êtes priés d’applau­­dir.

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Vous ne con­­nais­­sez pro­­ba­­ble­­ment pas Auré­­lien Coten­­tin. C’est un chan­­teur de rap, qui a pris le nom de scène d’Orel­­san. Il a sorti au début de l’année son pre­­mier album, Perdu d’avance.

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Le rap est une forme d’expres­­sion artis­­ti­­que appa­­rue aux États-Unis au début des années 80, même si ses raci­­nes remon­­tent au blues. Il a évo­­lué avec le temps mais aujourd’hui pri­­vi­­lé­­gie un style décla­­ma­­toire plus que chanté, mais sur un rythme mar­­telé se mariant à une musi­­que où la part belle est faite aux per­­cus­­sions. La musi­­que est véri­­ta­­ble­­ment un sim­­ple sup­­port du texte qui est l’élé­­ment cen­­tral. L’impro­­vi­­sa­­tion est une tech­­ni­­que que se doit de maî­­tri­­ser tout rap­­peur qui se res­­pecte. C’est une musi­­que popu­­laire au sens pre­mier du terme car elle ne néces­­site pas de savoir par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment bien chan­­ter ni jouer d’un ins­­tru­­ment (le rap uti­­lise abon­­dam­­ment des musi­­ques déjà exis­­tan­­tes dont cer­­tai­­nes phra­­ses sont extrai­­tes pour être sam­­plées c’est-à-dire tour­­ner en bou­­cle sur le fond ryth­­mi­­que pour don­­ner à la chan­­son un cachet uni­que.

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Voici trois exem­­ples de chan­­sons repri­­ses dans des chan­­sons de rap, ladite chan­­son la sui­­vant immé­­dia­­te­­ment. Mon­­tez le son, c’est les vacan­­ces. Notez comme les per­cus­sions pren­nent le des­sus dans Walk This Way, par rap­port aux gui­ta­res de la ver­sion rock.

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rap
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L’aspect musi­cal étant secon­daire, ce qui en veut pas dire qu’il est négligé, le rap se con­cen­tre donc sur les paro­les. Oui, le rap, ce sont des chan­sons à texte : cha­que chan­son raconte une his­toire.

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S’agis­sant d’une forme popu­laire très à la mode dans ce qu’on appelle « les ban­lieues » pour ne pas se deman­der ce que c’est exac­te­ment, ces chan­sons racon­tent des his­toi­res de ces quar­tiers dif­fi­ci­les où il fait bon ne pas vivre, avec les mots des per­son­nes y ayant grandi. Et dans les ver­sions se vou­lant les plus dures, on y parle en mots crus dro­gue et vio­lence, on n’y aime pas la police, et on est obsédé par le sexe. Mais tout y est rap­port de force, comme dans la vie quo­ti­dienne de ces vil­les, y com­pris l’amour. Con­fes­ser ses sen­ti­ments, c’est con­fes­ser sa fai­blesse. Alors l’amour y est com­bat, et ven­geance quand il prend fin. Le rap est sexiste, sans nul doute. Mais il n’est, comme tout art, que le reflet de la vie. Et sur­tout, sur­tout, le rap repose sur de la pro­vo­ca­tion. Il faut être le pre­mier à dire les pires cho­ses pour se faire cette répu­ta­tion de mau­vais gar­çon qui seul assu­rera le res­pect et le suc­cès du groupe auprès des “vrais” fans. MC Solaar, s’il fait dan­ser aux Plan­ches, fait rica­ner à Gri­gny.

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Reve­nons-en à Orel­san. Son album con­tient une chan­son qui va faire scan­dale, vous allez aisé­ment com­pren­dre pour­quoi. Elle est inti­tu­lée “Sale Pute”. Le thème est sim­ple : un gar­çon qui aimait une fille décou­vre acci­den­tel­le­ment qu’elle le trompe et l’amour se trans­forme en haine. Sha­kes­peare a traité ce thème dans Othello, sauf que la trom­pe­rie était ima­gi­naire, mais elle abou­tit à la mort. 

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Rien de tel ici, le chan­teur débite une logor­rhée d’impré­ca­tions à l’encon­tre de la belle volage. Les paro­les sont crues, bru­ta­les et vio­len­tes. Vous pou­vez écou­ter ici, vous êtes pré­ve­nus.

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Je recon­nais que ce n’est pas du Ron­sard. Cela dit, une rap­peuse se pré­ten­dant celle visée par la chan­son a mon­tré qu’elle pou­vait répon­dre sur le même regis­tre, ce qui cette fois fait applau­dir les Chien­nes de gar­des. Comme quoi ce n’est pas un pro­blème de mots, mais de camp.

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Je ne sais com­ment un dis­que de rap a atterri sur les pla­ti­nes d’âmes aussi bon­nes que sen­si­bles, mais ce texte a déchaîné des pas­sions. Sur inter­net, chez nom­bre de blogs fémi­nis­tes, avec appel à péti­tion auprès du Prin­temps de Bour­ges, ou Orel­san devait se pro­duire, polé­mi­que reprise par des poli­ti­ques, Chris­tine Alba­nel, minis­tre de la cul­ture, dont on sait l’amour pour la liberté d’expres­sion, Marie-Geor­ges Buf­fet, pre­mier secré­taire du Parti Com­mu­niste qui lui aussi s’est illus­tré sur ce front, et Valé­rie Létard, secré­taire d’État à la soli­da­rité, qui a appelé les plate-for­mes de vidéo en ligne à la « res­pon­sa­bi­lité », façon de dire qu’elle ne pren­drait pas les sien­nes, en leur deman­dant d’ôter ce clip. Dieu merci, elle n’a pas été écou­tée.

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Orel­san a tenté de désa­mor­cer la polé­mi­que, en publiant un com­mu­ni­qué apai­sant :

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cette œuvre de fic­tion a +été créée dans des con­di­tions très spé­ci­fi­ques rela­ti­ves à une rup­ture +sen­ti­men­tale” : “En aucun cas ce texte n’est une let­tre de +mena­ces, une pro­messe de vio­lence ou une apo­lo­gie du pas­sage à l’acte, pour­suit +le com­mu­ni­qué. Cons­cient que cette chan­son puisse heur­ter, Orel­san a décidé il +y a quel­ques mois de ne pas la faire figu­rer dans son album ni dans ses +con­certs, ne sou­hai­tant l’impo­ser à per­sonne”.

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Hélas, il en va en poli­ti­que comme dans les ban­lieues, un aveu de fai­blesse déclen­che la curée. On pou­vait faire ployer ce jeune homme mal élevé ? Nul besoin d’enga­ger une hasar­deuse action en jus­tice, tous les moyens sont bons pour par­ti­ci­per au triom­phe du poli­ti­que­ment cor­rect. Ultime épi­sode : Ségo­lène Royal qui fait pres­sion sur le fes­ti­val des Fran­co­fo­lies de la Rochelle, avec sem­ble-t-il un chan­tage aux sub­ven­tions sur la direc­tion, la pré­si­dente de la région mena­çant de remet­tre en cause les 400.000 euros de sub­ven­tions annuel­les que la région verse au fes­ti­val si le rap­peur s’y pro­dui­sait. Vous aurez noté qu’Orel­san avait d’ores et déjà retiré cette chan­son de son réper­toire : il était donc hors de ques­tion que le chan­teur chan­tât cette chan­son. Peu importe, tout comme il importe peu que ce chan­tage aux sub­ven­tion excède les pou­voirs de la pré­si­dente en ce que le pou­voir bud­gé­taire appar­tient au Con­seil Régio­nal. Quand on veut cen­su­rer, qu’importe le res­pect dû à la loi.

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Et la polé­mi­que entre pro- et anti-Orel­san fait rage.

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Alors que les cho­ses soient clai­res. Cette polé­mi­que, je me refuse à y par­ti­ci­per.

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Parce qu’il n’y en a pas. Ce qui s’est passé porte un nom : la cen­sure. C’est inac­cep­ta­ble, et je ne vois pas quel argu­ment par­vien­drait à me con­vain­cre que la liberté d’expres­sion serait réservé à un art approuvé, un art offi­ciel. Dès lors, ce qu’il chante m’est indif­fé­rent.

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Orel­san est un chan­teur. Qu’il chante ce qu’il sou­haite. Ça ne vous plaît pas ? À moi non plus. Per­sonne ne vous oblige à l’écou­ter. Rien ne vous auto­rise à le con­train­dre à se taire.

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Inter­dire un chan­teur, ça s’est déjà vu. On trouve tou­jours d’excel­len­tes rai­sons pour le faire. Boris Vian s’est vu empê­cher de chan­ter sa chan­son le Déser­teur. Bras­sens a scan­da­lisé avec son gorille qui sodo­mise un juge. Aujourd’hui, tous les magis­trats chan­ton­nent cette chan­son en pouf­fant en ima­gi­nant leur pre­mier pré­si­dent ou leur pro­cu­reur géné­ral entre les pat­tes du pri­mate.

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— Mais Orel­san n’est pas Vian ou Bras­sens, me dira-t-on.

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Je ne le crois pas non plus, mais la ques­tion n’est pas là. La liberté d’expres­sion n’est pas sou­mise à une con­di­tion de mérite de l’œuvre. Mérite qui était nié à Bras­sens et à Vian en leur temps, d’ailleurs. La nou­veauté est que cette fois, c’est l’État décen­tra­lisé qui est inter­venu pour obte­nir cette cen­sure alors que Vian, c’était des anciens com­bat­tants agis­sants de leur pro­pre chef, avec une pas­si­vité com­plice des auto­ri­tés. En ce sens, ce qui se passe est pire encore.

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— Mais ses paro­les sont dis­cri­mi­na­toi­res et appel­lent à la vio­lence con­tre les fem­mes, ajou­tera-t-on.

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Ah ? Mais alors, por­tez plainte, c’est un délit. Allez en jus­tice, obte­nez sa con­dam­na­tion. Mais non, per­sonne ne le fera, car la vérité est que ces paro­les ne tom­bent pas sous le coup de la loi. Il ne dit pas que tou­tes les fem­mes sont des sales putes, mais que la copine ima­gi­naire du per­son­nage tout aussi ima­gi­naire qui chante en est une car elle le trompe. Et tout le monde se sou­vient des déboi­res de l’ancien minis­tre de l’inté­rieur qui a tenté de faire con­dam­ner Hamé, chan­teur du groupe La Rumeur qui avait accusé la police de se livrer à des vio­len­ces. Un fiasco : relaxe, con­fir­mée en appel, sous les applau­dis­se­ments de la cour de cas­sa­tion. Les poli­ti­ques ont com­pris qu’il ne fal­lait pas comt­per sur les juges pour se prê­ter à ces bas­ses-œuvres.

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— Eh bien pour légal que ce soit, ça n’en est pas moins scan­da­leux.

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Oui, c’est le but. Et d’ailleurs, en cher­chant un peu, vous trou­ve­rez pire (à tout point de vue). Le groupe TTC par exem­ple. Les chan­teu­ses de rap ne sont pas en reste, Yelle ayant connu un grand suc­cès en répon­dant à Cui­zi­nier, chan­teur du groupe TTC sus-nommé. Un grand moment de poé­sie.

+ +

Cui­zi­nier avec ton petit sexe entoure de poils roux
+Je n’arrive pas a croire que tu puis­ses croire qu’on veuille de toi
+Je n’y crois pas même dans le noir, même si tu gar­des ton pyjama
  +Mêmesi tu gar­des ton pei­gnoir, en forme de tee-shirt rin­gard
+Garde ta che­mise ça limi­tera les dégâts bataaaaaaaard
+
+
+Je veux te voir
+Dans un film por­no­gra­phi­que
+En action avec ta bite
+Forme pota­toes ou bien fri­tes
+Pour tout savoir
+Sur ton ana­to­mie
+Sur ton cou­sin Teki
+Et vos acces­soi­res feti­ches

+
+

Rin­gard, bataaaaaaard, bite, frite : les rimes sont pau­vres.

+

Le rap, c’est ça aussi. Pas seu­le­ment ça, mais ça en fait par­tie. Et je prie pour que ceux qu’Orel­san épou­vante ne décou­vrent jamais l’exis­tence du Death Metal.

+

Per­sonne n’est obligé d’écou­ter, nul n’a à inter­dire.

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Car c’est quel­que chose qu’on ne répé­tera jamais assez. La liberté d’expres­sion est tou­jours la pre­mière atta­quée, parce que c’est la plus fra­gile. Il y a tou­jours une bonne cause qui jus­ti­fie que ÇA, non, déci­dé­ment, on ne peut pas le lais­ser dire. Le res­pect dû aux morts tués à l’ennemi, le res­pect dû à la jus­tice, le res­pect dû à la femme. Tout ça, ça l’emporte sur le res­pect dû à la liberté, cette sale pute. Et les attein­tes qu’elle a d’ores et déjà subies, au nom de cau­ses infi­ni­ment nobles (comme la lutte con­tre le néga­tio­nisme), me parais­sent déjà exces­si­ves.

+

Lais­sez tom­ber Orel­san, et un jour, c’est votre dis­cours qui déran­gera.

+

Les Révo­lu­tion­nai­res l’ont dit il y a pres­que 220 ans jour pour jour :

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La libre com­mu­ni­ca­tion des pen­sées et des opi­nions est un des +droits les plus pré­cieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc par­ler, écrire, +impri­mer libre­ment, sauf à répon­dre de l’abus de cette liberté, dans les cas +déter­mi­nés par la Loi.

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Ils l’ont écrit à une épo­que où tout texte, pour paraî­tre et être repré­senté publi­que­ment, devait au préa­la­ble être approuvé par le Roi. C’est cette auto­ri­sa­tion qui s’appe­lait la Cen­sure. Et c’est exac­te­ment cela que ce com­por­te­ment vise à réta­blir. Alors peut-être que des fémi­nis­tes, des mili­tants des droits des fem­mes trou­ve­ront que leur cause, qui est bonne, est tel­le­ment bonne qu’elle jus­ti­fie ce réta­blis­se­ment.

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Qu’ils sachent qu’ils me trou­ve­ront tou­jours sur leur che­min pour leur bar­rer la route. Aux côtés d’Orel­san.

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À con­di­tion qu’il ne chante pas.

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Date:  Mon Jul 20 23:36:00 UTC 2009
Author:  Eolas
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Feed: +Journal d'un avocat + +
Item:Les anti-inflammatoires permettent-ils de voir des jeunes filles nues ? + +
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La Cour Suprême se penche parfois sur des questions fondamentales, sans mauvais jeu de mot. L'une d'entre elles est celle de la privacy, mal traduit par “vie privée”, le concept de privacy étant plus large que cela. Il s'agit du droit reconnu à tout individu de garder secret ce qui la concerne, et de ne révéler publiquement ou aux autorités que ce qu'elle veut bien révéler, sans pouvoir être forcé de révéler plus. Cela inclut notre vie privée, mais aussi l'intégrité corporelle et le patrimoine (la perquisition, la réquisition d'un bien est une atteinte à la privacy). 

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Ce droit est consacré par le Quatrième amendement à la Constitution des États-Unis.

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Le droit des citoyens d’être garantis dans leurs personne, domicile, papiers et effets, contre les perquisitions et saisies non motivées ne sera pas violé, et aucun mandat ne sera délivré, si ce n’est sur présomption sérieuse, corroborée par serment ou déclaration solennelle, ni sans qu’il décrive avec précision le lieu à fouiller et les personnes ou les choses à saisir.

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Quand, dans nos séries préférées, un citoyen refuse d'ouvrir la porte à un policier qui n'aurait pas « un mandat » (search warrant), il invoque le Quatrième amendement. Le policier ne peut en effet entrer de force que pour des raisons ne souffrant pas discussion (cris d'au secours, coups de feu, traces de sang récentes…), ou si un juge l'y a au préalable autorisé, en délimitant strictement les lieux à fouiller et les choses recherchées. Il existe l'équivalent de notre enquête de flagrance, si le policier a pu constater de l'extérieur l'existence d'une infraction sur le point, en train ou venant de se réaliser, qui autorise aussi son intervention. Le juge américain exerce un contrôle de proportionnalité et de nécessité de la mesure, qui ne s'applique pas qu'aux policiers mais à toute personne exerçant une parcelle de l'autorité publique. Comme les enseignants.

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Là encore, on voit comment les rédacteurs de la Constitution ont eu le souci constant de protéger les générations à venir des abus possibles de l'autorité, y compris celle confiée aux États et à l'État fédéral. S'il est un point résumant toute la différence culturelle entre la France et les États-Unis, c'est bien celui-là : les américains ont compris depuis le début que l'État était un tyran potentiel et ont voulu s'en protéger, tandis que les Français le voient comme le gardien de l'intérêt général, expression de la majorité et qui ne peut donc mal faire. Hobbes contre Rousseau. La leçon de 1941 n'ayant que peu servi, les droits individuels s'effacent dans notre tradition face à la puissance de l'État. Heureusement, nous avons l'Europe qui a introduit ces protections individuelles face à la puissance de l'Autorité dans notre droit.

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Et c'est sans se douter qu'elle allait être plutôt brutalement confrontée à cette tendance à la tyrannie de celui qui a une parcelle d'autorité que la jeune Savana Redding, alors âgée de 13 ans, s'est rendue à son cours de math du collège public de Safford, 8900 habitants, dans le Comté de Graham, Arizona, (c'est ce bâtiment-là)ce jour d'octobre 2003.

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Le règlement de l'école est plutôt rigoureux. Sur la liste des choses interdites dans l'enceinte de l'établissement se trouvent divers objets parmi lesquels, je ne sais pourquoi, les anti-inflammatoires, qu'ils soient sur ordonnance (prescription drug) que sans ordonnance (over-the-counter). Je sais que l'anglais utilise le même mot pour les médicaments et les drogues (je ne dis pas que c'est à tort), mais tout de même, si un pharmacien ou un médecin pouvait m'expliquer pourquoi, il me paierait de ma peine. 

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Au beau milieu du cours, l'assistant du principal du collège, Kerry Wilson, fit irruption et demanda à Savana Redding de le suivre dans son bureau. Là, on lui présenta un organiseur lui appartenant (une sorte de gros agenda se fermant par une fermeture-éclair) contenant divers objets prohibés par le règlement de l'école : couteaux, marqueur indélébile, briquets, et, horresco referens, une cigarette. Interrogée sur ces objets, elle déclara que l'organiseur lui appartenait bien mais qu'elle l'avait prêté il y a quelques jours à une amie, Marissa Glines. Elle nia que ces objets fussent siens. 

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L'assistant du principal sortit alors les éléments les plus accablants : 4 pilules d'Ibuprofène® 400mg (anti-inflammatoire vendu uniquement sur ordonnance) et une de Naproxène® 200mg, un anti-inflammatoire vendu sans ordonnance, médicaments dont la détention est interdite sans autorisation préalable de la direction de l'établissement. Kerry Wilson informa alors Savana Redding que des sources confidentielles (vous verrez plus loin lesquelles) l'avait informé que Savana Redding distribuerait ces pillules dans l'établissement. Ce que Savanna Redding nia farouchement. Kerry Wilson lui demanda si elle acceptait que l'on fouillât ses affaires personnelles, ce qu'elle accepta. Kerry Wilson appela alors une assistante administrative, Helen Romero, et tous deux fouillèrent le sac à dos de Savana, sans rien trouver.

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Notons d'ores et  déjà que jusqu'à présent, une jeune fille de 13 ans est seule confrontée à des adultes, sans que ses représentants légaux (c'est ainsi que les juristes appellent les parents) ne soient informés. Il est permis de tiquer (mais vous verrez qu'à ce stade, le juge américain ne froncera pas les sourcils). Mais l'affaire va prendre un tour proprement incroyable.

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En effet, Kerry Wilson ne va pas s'avouer vaincu. Il va ordonner à Helen Romero de conduire Savana chez l'infirmière de l'école pour qu'elle fouillât ses vêtements. Savana Redding dut donc, en la présence constante d'Helen Romera et de l'infirmière Peggy Schwallier (mais hors la présence de Kerry Wilson pour des raisons qui vont être de plus en plus évidentes), ôter sa veste, ses chaussettes, et ses chaussures. Laissée ainsi en t-shirt et pantalon "stretch" (donc sans la moindre poche), elle attendit que les deux femmes eussent fini d'examiner ses vêtements. Chou blanc. Décidément têtues, les deux femmes lui firent ôter son pantalon, son t-shirt, et ne trouvant toujours rien, son soutien-gorge, qu'elle dut tenir à bout de bras et secouer, puis lui firent tirer sur l'élastique de sa culotte, révélant ainsi sa poitrine et sa région pelvienne. Aucune pilule ne fut découverte.

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April Redding, la mère de Savana, fut d'une grande modération dans son approbation de la chose, et poursuivit aussitôt en justice l'école, Wilson, Romero et Schwallier (Ah, la Sainte femme…), pour violation du Quatrième amendement (donc compétence du juge fédéral). La Cour de District rejeta la plainte de madame Redding, estimant qu'il n'y avait pas eu violation du Quatrième amendement du fait de l'Immunité Qualifiée (Qualified Immunity), exception (au sens juridique de moyen de défense) qui exonère de leur responsabilité des personnes investies de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service publique qui auraient violé les droits constitutionnels d'une personne, si une personne raisonnable (reasonnable person) n'aurait pas dans la même situation réalisé cette illégalité, ce qui est exclu quand le droit protégeant la personne fouillée est clairement établi. Les juristes reconnaîtront ici une appréciation in abstracto, la reasonnable person de nos amis américains n'étant autre que notre bonus pater familias.

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En appel, la cour d'appel fédérale confirma ce rejet en formation restreinte (panel, composé de trois juges), qui fut porté devant la formation plénière (en banc). Attention, vous allez découvrir le raisonnement gigogne qu'affectionnent les juges américains.

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La formation plénière appliqua le test en deux étapes fixé par la jurisprudence de la cour suprême : Saucier v. Katz, 533 U. S. 194, 200 (2001). D'abord, la fouille était-elle illégale ? Ensuite, cette illégalité était-elle évidente ?

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Sur l'illégalité, oui, répond la cour, au regard des critères de fouille des élèves des écoles fixés par l'arrêt New Jersey v. T. L. O., 469 U. S. 325 (1985). Cet arrêt de 1985 a posé le principe que le droit des école de maintenir l'ordre était une cause légitime pouvant l'emporter que le droit à la privacy, donc que la direction pouvait effectuer une fouille sans mandat de justice à condition que soit rempli… un test en deux étapes. Il faut l'école ait une suspicion raisonnable (reasonnable suspicion), caractérisée par (1) le fait que l'action était justifiée dès son début (une fouille ne saurait être justifiée par le fait qu'elle a permis de découvrir quelque chose) et (2) que la fouille était proportionnelle aux circonstances ayant justifié cette cette fouille à son commencement. Ici, selon la cour d'appel, si l'organiseur justifiait la fouille, le caractère proportionnel faisait défaut 

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Cette fouille était illégale, mais la direction en avait-elle conscience ?
Oui, répond encore la cour d'appel, estimant qu'ici, il était clairement établi que le droit à la privacy de la collégienne s'opposait à une telle fouille. Motif un peu vague, me direz-vous à raison ,ce qui explique que l'affaire soit remontée à la Cour Suprême.

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Et la Cour a statué le 25 juin dernier, dans un arrêt Safford Unified School District #1, et al, v April Redding, 557 U. S. ____ (2009) (pdf), en confirmant que la fouille était illégale. 

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La cour commence par reconnaître que le règlement de l'école, aussi strict soit-il, est légal et sensé : les enseignants ne sont pas des pharmaciens, ne peuvent reconnaître des médicaments, et l'effet de substances actives sur des organismes juvéniles ne sont pas anodins. Sans parler de la prohibition des armes, du tabac ou du marqueur indélébile, qui sert plus à dégrader qu'à s'exprimer.

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Puis elle va entrer dans les détails de ce qui s'est passé ce jour funeste. C'est sur dénonciation d'un élève ayant été malade après avoir pris une pilule que lui a remis Marissa Glines que Kerry Wilson a mené son enquête. Il a fait appeler Marissa Glines hors de sa classe et a saisi l'organiseur qui était en sa possession, avec les objets que nous avons vu. Il a ensuite convoqué Marissa Glines et, en présence d'Helen Romero, lui a fait vider ses poches. Où furent découvertes les pilules d'Ibuprofène (blanches) et une de Naproxène (bleue), et une lame de rasoir. Kerry Wilson demanda à Marissa Glines qui lui avait donné cette pilule bleue. Marissa répondit qu'elle avait dû se glisser avec celles qu'elle lui avait données. Qui est ce "elle", demanda Wilson ? Savana Redding répondit Marissa Glines (qui elle aussi subit une fouille corporelle qui ne donna rien. 

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La Cour va constater que c'est sur la foi de ce seul témoignage, sans questions plus poussées pour savoir s'il y avait une probabilité que Savana Redding eût en sa possession actuelle d'autres pilules prohibées, et après qu'une fouille de ses affaires personnelles n'ait rien donné, que Kerry Wilson va ordonner qu'il soit procédé à la fouille corporelle.

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Or si cette fouille du sac à dos et des vêtements était justifiée aux yeux de la Cour vu les éléments en la possession des autorités scolaires et son caractère relativement peu intrusif (notez le contrôle de proportionnalité), ce que d'ailleurs Savana Redding n'a jamais contesté d'ailleurs, la fouille corporelle atteint un tel degré de gravité dans l'atteinte à la privacy que la Cour doit invoquer le test en deux étapes de l'arrêt T.L.O. Et la Cour constate que les indices ayant conduit à décider de la mesure, donc sa justification dès le début, étaient largement insuffisants pour justifier une telle atteinte. Non, le fait de lutter contre le trafic d'anti-inflammatoires, cette cause fût-elle légitime, ne permet pas de contraindre une jeune fille mineure à se déshabiller. Cette disproportion caractérise la violation du Quatrième amendement, par 8 voix contre 1 (Seul Clarence Thomas a disconvenu), ce qui en fait un des rares arrêts de cette session adopté à une large majorité.

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Cependant, ajoute la cour, la jurisprudence concernant les fouilles scolaires est actuellement tellement controversée qu'on ne peut dire que la loi est clairement établie en la matière (de fait, la série de tests en deux étapes à faire aboutit à déchirer les juges : peut-on demander à des enseignants d'être plus sages qu'eux en cette matière très juridique ?). Dès lors, la Cour Suprême accorde l'Immunité Qualifiée à l'assistant du principal, à l'assistante administrative et à l'infirmière scolaire. Seule l'école est déclarée responsable. Un juriste français dirait que la faute des trois personnels enseignants n'est pas détachable du service.

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Cet arrêt, outre le fait qu'il me permet de faire un titre de billet avec les mots « jeune fille nue » qui va faire beaucoup pour augmenter le nombre de visiteurs clients potentiels, trouve un écho en France où le Gouvernement s'interrogeait il y a peu sur la possibilité de créer un corps spécifique d'agents pour fouiller les cartables des élèves, et où des fouilles spectaculaires ont eu lieu dans le cadre d'opérations anti-drogue menées par la gendarmerie, avec des chiens et même des fouilles à corps. Ce que les parents d'élève n'apprécient guère, et on peut les comprendre. 

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La solution française, aboutissant à ne pas vouloir attribuer de pouvoirs de police aux enseignants (alors que rien ne s'y oppose, et même que les principes généraux du droit administratif le permettent) et à réserver cela à la police aboutit à un résultat plus traumatisant encore pour les élèves tout en renforçant une image d'impuissance nuisant à l'autorité. Je ne sais pas si elle est due à une résistance des enseignants qui ne voudraient pas de ce pouvoir, ou à un choix de l'État qui veut réserver toute coercition à la police, au risque de détériorer son image, en soulignant la répression au détriment de la protection qui est pourtant l'essence de la police. Une solution raisonnable est cependant difficile à trouver, les juges américains se déchirant eux-même sur l'encadrement de ce pouvoir de police. Voilà un thème de débat qui mériterait la sérénité et le dépassement des clivages politiques. 

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Prochaine épisode de notre rubrique de droit américain : Horatio Caine va-t-il devoir s'acheter une cravate ?

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Date:  Sun Jul 19 22:23:00 UTC 2009
Author:  Eolas
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Feed: +Journal d'un avocat + +
Item:Un petit tour aux "compas" + +
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Sylvie Véran, chroniqueuse judiciaire au Nouvel Observateur et blogueuse (j'ai déjà eu l'occasion de dire combien, pour les chroniqueurs judiciaires, le blog est un complément idéal de leurs articles papiers, la contrainte de place disparaissant), vous propose d'assister à quelques audiences de comparution immédiate à Paris, et pas n'importe lesquelles, celles du 15 16 juillet, qui comme son nom l'indique, est le surlendemain du 14.

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Neuf dossiers, neufs trajectoires qui se croisent, fruit du hasard des audiences et des accidents de la vie.

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Un petit mot sur le premier dossier : Rachid a dû passer en comparution immédiate la semaine précédente. Il a sagement demandé un délai (de deux à six semaines, art. 397-1 du CPP) pour être jugé vu ce qu'il risque (et encore, il y a une probable récidive, avec peine plancher à la clé). Le tribunal a décidé de le maintenir en détention jusqu'à la date de son jugement, fixée au 30 juillet. Or la détention provisoire est… provisoire. Tout détenu en provisoire a le droit de demander à tout moment sa remise en liberté au juge actuellement en charge du dossier (juge d'instruction, tribunal, cour d'appel…). Il a dû former une demande de remise en liberté dès son arrivée en maison d'arrêt, jugée le 15 juillet. Demande rejetée. Elle n'était pas nécessairement vouée à l'échec (quoi que… Une réitération, peut-être une récidive, 45 jours après être sorti de deux ans de prison, C'est largement suffisant pour que le parquet invoque le risque de réitération) car le prévenu a eu une semaine pour réunir des justificatifs de domicile qu'il n'a pas pu forcément réunir lors de sa première comparution.

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Sur le dossier de Zakarias D., je n'ai pas d'élément à vous donner sur ce qui pose problème dans le dossier, désolé. 

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Sur David D., il s'en sort très bien avec ses 3 mois fermes. Il aurait pu être condamné à dix ans, avec un minimum théorique de deux ans, et la prison ferme était obligatoire pour le juge. Les peines planchers, dont vous verrez ici le caractère nécessaire et dissuasif. Bienvenue dans le monde réel.

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Enfin, sur l'affaire Lamine A., j'aurais été l'avocat, j'aurais plaidé que c'était une citation d'Orelsan. 

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Bonne lecture et bon dimanche.

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Date:  Sun Jul 19 14:16:00 UTC 2009
Author:  Eolas
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Feed: +Journal d'un avocat + +
Item:Brèves du samedi + +
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Quelques suivis d'articles antérieurs.

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Rue89 nous apprend que le lycéen qui faisait l'objet de pressions à la légalité douteuse de la part de son proviseur a pu se réinscrire dans son lycée sans condition. Le proviseur a probablement compris qu'il avait tort quand le ministre de l'Éducation nationale, Luc Chatel, l'a soutenu.

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Les auditions de Sonia Sotomayor devant le Sénat ont pris fin. Sa confirmation ne fait plus aucun doute : elle n'a pas craqué et n'a pas gaffé. Les auditions ont duré 7 heures par jour durant 4 jours, avec des pauses toutes les deux heures, Sonia Sotomayor étant diabétique insulinodépendante, même si deux seulement ont été consacrés à ouïr l'impétrante. Le premier jour a été consacré aux déclarations préliminaires des sénateurs (en shorter : les démocrates ont dit qu'elle était merveilleuse, et les républicains indignes de ce poste). Mention spéciale au sénateur Lindsey Graham (Républicain, Caroline du Sud), pour une belle leçon de fair play et de réalisme politique alors que ses collègues se plaçaient dans l'opposition à outrance : 

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— C'est ici une affaire principalement politique. Ceci étant dit, certains de mes collègues de l'autre bord politique ont voté pour la confirmation des juges Alito ou Roberts sachant que ce n'étaient pas ceux qu'ils auraient choisi. Je saurai m'en souvenir le moment venu. À moins que vous ne craquiez complètement, vous serez confirmée. (…) Je ne sais pas encore comment je vais voter, mais les élections comptent. Et nous avons perdu.

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Les points contentieux abordés ont été les suivants : 

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Ricci v DeStefano : C'était le point le plus sensible. ce sont donc les démocrates qui l'ont abordé, pour ne pas laisser le plaisir à un sénateur hostile. Sotomayor a répondu qu'elle avait appliqué la jurisprudence existant alors, et que la décision de la Cour Suprême a reviré la jurisprudence en appliquant de nouveaux critères. Sur la question raciale, elle a répondu assez finement que laffaire Ricci n'était pas une affaire de discrimination raciale mais de contestation d'un concours public et de responsabilité de la puissance publique. 

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La sage dame hispanique : C'est le seul point sur lequel elle a concédé du terrain, par une retraite prudente. Elle a expliqué avoir voulu faire un jeu de mot sur une phrase du Justice Sandra Day O'Connor selon laquelle un homme sage et une dame sage aboutiraient aux mêmes conclusions sans que leur sexe ne perturbe leur jugement. Elle a reconnu que sa tentative est tombée à plat et a été mal interprétée.

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L'avortement : sujet sensible, car c'est un arrêt de la cour suprême Roe v Wade qui a légalisé l'avortement en 1973 aux États-Unis, etla Cour Suprême est actuellement majoritairement conservatrice et pourrait renverser cette jurisprudence. C'est un sujet qui divise également en deux, et donc un terrain idéal pour attaquer l'impartialité. Sotomayor a refusé de prendre position, se réfugiant derrière le respect dû à la loi. Et Roe v Wade fait partie de la loi aujourd'hui, point. Il est à noter que la requérante, qui avait pris le pseudonyme Jane Roe pour protéger son anonymat, était présente dans la salle. Mais elle est depuis devenue une farouche militante anti-avortement, sous son vrai nom de Norma McCorvey. À cinq reprises des militants anti-avortement ont perturbé les auditions en la traitant de tueuse de bébés, dont Norma McCorvey, qui a été expulsée de la salle.

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Le Second Amendement : le droit de porter des armes est une question sensible aux États-Unis. Sotomayor a habilement détourné l'entretien sur le terrain de la légitime défense, qu'elle connaît parfaitement, et qui est ourement juridique.

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Les juges et la politique : Les républicains lui reprochaient une citation où elle laissait entendre que les juges avaient un rôle politique. Sotomayor a, avec une patience digne d'un chargé de TD de première année, expliqué au sénateur que la jurisprudence des cours supérieures a en effet un rôle créateur de droit (surtout aux États-Unis, où ce sont des arrêts de la cour suprême qui ont institué le contrôle de constitutionnalité, l'avortement, aboli la peine de mort avant de la rétablir) et qu'un sénateur qui s'en émouvrait découvrirait deux siècles de droit américain.

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Le vote aura lieu le 21 juillet.

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J'en profite pour vos signaler le trajet de Sonia Sotomayor. Née dans une famille pauvre porto-ricaine à New-York, elle a perdu son père à l'âge de neuf ans. Sa mère étudiait dur pour devenir infirmière diplômée, et elle et ses deux enfants travaillaient tous les trois sur la table de la cuisine. Sonia Sotomayor a étudié dans les écoles publiques de son quartier, obtenu une bourse pour Princeton (qu'elle a fini summa cum laude) puis Yale. Elle a travaillé comme procureur à New York, et ses talents l'ont faite passer des dossiers correctionnels aux dossiers criminels en deux ans (elle avait 27 ans). Après un court passage dans le privé, elle est devenue juge fédérale et exerce ces fonctions depuis 17 ans, ce qui en fait une des candidates à la cour suprême parmi les plus expérimentés. Et son frère est devenu médecin. Si Sonia Sotomayor mérite le plus grand respect, j'en dirais au moins autant pour sa mère.

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Dans l'affaire Scapin v Géronte, Scapin s'est fendu d'un droit de réponse sur son blog. Je vous signale le billet, sans le reprendre ici car il révèle les noms des intéressés, et je ne souhaite pas participer à la propagation de leur identité sur le net qui n'oublie rien.

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Dans l'affaire Fofana, on apprend hier que Youssouf Fofana a fait appel. Ce n'est pas une bonne nouvelle pour ses co-accusés, mais pas tellement non plus pour la famille d'Ilan Halimi qui va devoir à nouveau subir pendant deux mois ses provocations et ses jets de chaussure. Bon courage aux nombreux confrères qui vont se succéder pour le défendre, Youssouf Fofana ayant eu plus d'avocats que Liz Taylor n'a eu de maris.

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En fait, je ne vois pas pour qui c'est une bonne nouvelle. Mon petit doigt me dit que le parquet général de Paris a le blues, n'ayant pas apprécié qu'on lui torde le bras, et qui plus est par un simple coup de fil du directeur des affaires criminelles et des grâces. Je plains l'avocat général d'appel, qui est dans une très mauvaise position pour soutenir un appel dont tout le monde sait qu'il n'était pas souhaité par le parquet.

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J'ai fermé les commentaires sous le billet principal. Les commentaires, c'est comme les sushis, c'est bon si c'est frais.

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Mon cher ami Éric Besson a commencé sa cure de réalité. S'il ne démord pas que le délit de solidarité n'existe pas, il explique être prêt à modifier légèrement la loi. Encore un effort, Éric, tu y es presque. 

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Bon week end.

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Date:  Sat Jul 18 08:52:00 UTC 2009
Author:  Eolas
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Feed: +Journal d'un avocat + +
Item:Appel dans l'affaire Halimi : la faute de MAM + +
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+Ainsi, à la demande de la famille d'Ilan Halimi, le Garde des Sceaux a demandé au parquet de faire appel du verdict dans l'affaire Fofana. Cela a surpris plusieurs de mes lecteurs qui m'ont écrit pour me dire leur étonnement face à cette ingérence du pouvoir politique dans les affaires de la Justice.

C'est qu'évidemment, à force d'entendre les politiques esquiver toute question qui les dérangent ayant trait avec la justice en invoquant la séparation des pouvoirs et une mystérieuse prohibition de commenter l'action de la justice, on est surpris quand, l'opportunité politique l'exigeant, ils s'en affranchissent avec la même vigueur qu'ils l'invoquaient la veille.

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Le Garde des Sceaux est tout à fait dans son droit. Ce qui ne veut pas dire qu'elle a raison. +

Rappelons donc les règles de l'appel en matière criminel.

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Première règle : l'appel n'est possible qu'une fois.

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La loi prévoit qu'une cour d'assises d'appel statue alors, la différence étant qu'elle est composée d'un jury de 12 jurés au lieu de 9, les règles de majorité pour les votes de culpabilité changeant aussi (8 voix en première instance, 10 voix en appel, mais le seuil reste strictement le même : deux tiers des voix). Le verdict de la cour d'assises d'appel ne peut faire l'objet que d'un pourvoi en cassation. Ça aura son importance dans notre affaire, vous allez voir.

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Deuxième règle : chacun fait appel pour ce qui le concerne.

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Il y a trois parties (au sens de partie prenante, acteur) au procès : deux obligatoires et une facultative.

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À tout seigneur tout honneur, le ministère public, sans qui on ne serait pas là. C'est lui qui est à l'origine des poursuites, et si l'affaire vient pour être jugée, c'est que l'instruction a renforcé sa conviction de la culpabilité de l'accusé. À l'audience, il est l'avocat de la société, qui seule a le droit de punir, doit se protéger des individus dangereux et sanctionner les comportements contraires à la loi. D'où son titre d'avocat général, par opposition à l'avocat particulier qu'est celui de la défense. Son rôle est de démontrer la culpabilité et de requérir la peine qui lui semble adaptée à la gravité du crime. Ce dernier point relève de sa totale liberté de parole. Là aussi, cela aura son importance. Évidemment, si les débats révèlent l'innocence de l'accusé, rien n'interdit à l'avocat général de requérir l'acquittement, et il est même de son devoir de le faire (Ce fut le cas lors du procès de Richard Roman en 1992, qui a vu un avocat général, Michel Legrand, qui porte bien son nom, initialement convaincu de la culpabilité de Roman, requérir l'acquittement après le spectaculaire effondrement du dossier à l'audience).

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La défense ensuite, incarnée d'abord par l'accusé, et ensuite par son avocat. L'avocat de la défense est le contradicteur de l'avocat général. Selon les affaires, sa stratégie peut être soit de viser l'acquittement, en démontrant l'innocence ou du moins en instillant le doute dans l'esprit de la Cour, soit, si les faits sont établis et reconnus, de proposer une peine qui naturellement mettra en avant la réinsertion de l'accusé sur les considérations purement répressives.

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Enfin, éventuellement, la partie civile, qui est la victime ou, dans le cas où celle-ci est décédée, ses héritiers (c'est le cas ici : Ilan Halimi étant décédé sans enfants, ce sont ses parents qui sont ses héritiers). Elle demande l'indemnisation de son préjudice, et pour cela doit comme indispensable préalable démontrer la culpabilité. Il n'est pas d'usage que la partie civile s'aventure sur le terrain de la peine à prononcer, prérogative du parquet, mais ce n'est pas formellement interdit.

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Je dis que la partie civile est une partie éventuelle car rien ne l'oblige à se constituer partie civile, et parfois, il n'y en a tout simplement pas (ex : trafic de stupéfiant criminel).

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Le parquet peut faire appel sur la culpabilité et la peine (article 380-2 du CPP). Son appel ne vise qu'à renverser un acquittement ou à l'aggravation de la condamnation. Si seul le parquet est appelant, le mieux que puisse espérer la défense est la confirmation pure et simple. C'est un appel a maxima.

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Le condamné peut faire appel (un acquitté ne peut pas faire appel de son acquittement). Cet appel vise à la diminution de la peine voire à l'acquittement. Si seul le condamné fait appel, le pire qu'il puisse lui arriver est la confirmation pure et simple; C'est un appel a minima. (article 380-6 du CPP)

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La partie civile peut faire appel des dommages-intérêts qui lui ont été accordés. Si seule la partie civile fait appel, l'appel est jugé par la chambre des appels correctionnels (art. 380-5 du CPP). La partie civile peut faire appel d'un acquittement, mais si le parquet ne fait pas appel, l'accusé est définitivement acquitté, il ne peut faire l'objet d'une peine. La chambre des appels correctionnels peut toutefois constater que l'infraction était constituée et prononcer des dommages-intérêts.

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L'usage veut que le parquet fasse systématiquement appel quand le condamné fait appel, afin de donner à la cour d'assises d'appel les plein-pouvoirs : aller de l'acquittement jusqu'à la peine maximale. De même, quand le parquet fait appel, l'accusé se dépêche de faire un appel incident afin de pouvoir espérer voir sa peine réduite en appel.

Cet appel provoqué par l'appel de l'autre partie s'appelle un appel incident, par opposition à l'appel principal. L'appel principal doit être formé dans les 10 jours de la condamnation (art.380-9 du CPP), l'appel incident, dans un délai de cinq jours à compter de l'appel principal (art.380-10 du CPP). Ce délai de cinq jours est indépendant et peut expirer au-delà des dix jours de l'appel principal ; exemple : j'ai un client condamné le 1er du mois — C'est un exemple bien sûr, dans la vraie vie, il aurait été acquitté—, je peux faire appel principal jusqu'au 11, comme le parquet. Si je fais appel le 11, le parquet a jusqu'au 16 pour faire appel incident.

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La décision du parquet de faire appel se prend en interne. Elle est toujours concertée car ce n'est pas une décision à prendre à la légère : l'avocat général, mécontent du verdict, ne peut aller former un appel ab irato, sous peine de se retrouver convoqué chez son chef le procureur général qui va lui chanter pouilles. De manière générale, les appels d'une condamnation sont très rares. Le parquet a tendance à considérer que la Cour savait ce qu'elle faisait en prononçant telle peine, et qu'il n'a pas à imposer sa vision des choses au jury populaire qui n'est autre que le peuple souverain. Il n'en va autrement que si un acquittement a été prononcé alors que le parquet est convaincu de la culpabilité (le parquet n'aime pas les erreurs judiciaires...) ou qu'il y a une disproportion telle entre la gravité des faits et la légèreté de la peine qu'il estime qu'un appel est nécessaire.

Autant dire que dans cette affaire, les probabilités d'un appel spontané du parquet étaient nulles.

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MAM avait-elle le droit de demander au parquet de faire appel ?

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Oui. Elle tire ce pouvoir de l'article 5 de l'ordonnance n°58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.   

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Les magistrats du parquet sont placés sous la direction et le contrôle +de leurs chefs hiérarchiques et sous l'autorité du garde des sceaux, +ministre de la justice. A l'audience, leur parole est libre.

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C'est à dire qu'on peut tout à fait imaginer que dans cette affaire, l'avocat général conclure l'audience d'appel en disant que les peines prononcées en première instance lui paraissent satisfaisantes et demander à la cour de les confirmer. +

Alors, si tout cela est conforme au droit, d'où vient mon chagrin ?

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Il se situe sur le terrain non pas du droit mais politique, ce qui réjouira mon ami Authueil, dévoré d'angoisse à l'idée que je ne pense qu'en juriste.

+

C'est qu'en agissant ainsi, MAM ne s'est pas comportée en garde des sceaux, mais en valet des victimes, s'inscrivant dans la droite ligne de sa prédécesseuse, les robes Dior en moins.

+

L'action publique ne doit pas être inféodée aux déceptions des victimes. Elle en est autonome, et ce n'est pas pour rien. Ce n'est pas la victime qui demande la punition, c'est la société. La victime est dépouillée de son droit de vengeance depuis que tout citoyen a renoncé à son droit de se faire justice à lui même, et plus largement de recourir à la violence, en confiant le monopole de la justice à l'État, en charge de la protection des citoyens. Et la société doit garder son droit de dire à la victime : non, ça suffit. Ce n'est pas lui faire violence, et je crois même que c'est le plus souvent pour son bien. Car il est des cadeaux faits avec la meilleure volonté du monde qui sont en fait des cadeaux empoisonnés. Et ici, nous risquons d'en avoir un triste exemple.

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Ainsi, l'instruction donnée au parquet est de faire appel des condamnations inférieures aux réquisitions du parquet. Philippe Bilger, dont mes lecteurs savent l'estime non feinte que je lui porte, rougira de la confiance qui lui est ainsi portée, puique ses réquisitions sont pour la Chancellerie l'Alpha et l'Oméga, en ce qu'elle estime que la Cour s'est nécessairement trompée chaque fois qu'elle ne les a pas suivies. Passons cependant sur l'incohérence consistant à ne pas tenir compte du fait que le même avocat général s'estime satisfait du verdict. Il serait bon de se tenir à jour, place Vendôme.

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Mais personne ne semble s'être interrogé sur les conséquences de ce choix.

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Il signifie que, sauf à ce qu'il fasse appel, Youssouf Fofana ne sera pas présent en appel (enfin, si : il viendra comme témoin), de même qu'une bonne moitié des accusés (13 sur 27). C'est donc l'ombre du premier procès qui sera rejouée.

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De plus, les 13 accusés concernés vont tous faire appel incident (ils n'ont rien à perdre et tout à gagner à le faire). Et les absents ayant toujours tort, ils vont pouvoir à l'envi charger Fofana pour se décharger de leur fardeau de la culpabilité. Et un accusé provocateur comme Fofana ayant tendance à enfoncer ses co-accusés, il est parfaitement possible que les peines soient réduites en appel. La défense a un coup à jouer et elle le jouera. Je ne dis pas que cette tactique sera mensongère ou trompeuse : si ça se trouve, certains accusés ont réellement été enfoncés par Fofana, dont l'absence leur permettra d'être jugés plus équitablement, et condamnés plus légèrement.

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La mère de la victime semble considérer comme une évidence qu'un procès en appel lui donnera satisfaction, considération qui semble chez certain l'emporter sur toute autre. Croyez-vous qu'un échec en appel allégera sa douleur ? Car ce nouveau verdict sera définitif : pas de nouvel appel, pas de désistement pour revenir à la première décision. Il ne restera que le pourvoi en cassation pour faire annuler le verdict, mais uniquement si le droit n'a pas été respecté (or le quantum de la peine est une question de pur fait que la cour de cassation se refuse à examiner). Et c'est MAM qui en portera la responsabilité.

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Demeure ensuite la question du huis clos. Deux des accusés étant mineurs au moment des faits, le huis clos était de droit à leur demande (art. 306 du CPP) . Et l'un d'entre eux est concerné par l'appel (il a été condamné à 9 ans quand le parquet en requérait... 10 à 12) : donc l'appel aura lieu à huis-clos, alors qu'il aurait suffit de ne pas faire appel de sa condamnation pour obtenir la publicité des débats. Pour un an de différence entre les réquisitions et la peine. Voilà ce qui se passe quand un ministre agit dans la précipitation médiatique.

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Là où l'affaire tourne à la farce, c'est quand l'avocat de la partie civile rêve à voix haute d'une modification de la loi pour permettre la publicité des débats (encore une fois, voyez à quoi elle tient ici...). Voici que la victime demande qu'on fasse appel pour elle et qu'on change la loi par la même occasion. Je passerai sur le fait que l'avocat en question était l'avocat du RPR dont le garde des sceaux fut la dernière présidente, car je me refuse à croire qu'en République, des choix publics tinssent à ce genre de considération. Mais je tremble quand même que ce souhait soit suivi d'effet, deux députés qu'on ne peut soupçonner d'être indifférents à l'opinion publique ayant déposé une proposition de loi dans ce sens (Messieurs Barouin et Lang). Si le législatif aussi se met à jouer les larbins des victimes, il ne reste que le judiciaire pour garder la tête froide.

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Je me contenterai donc de regretter que ce ministre ait raté sa première occasion de se comporter en vrai Garde des Sceaux plutôt qu'en valet des victimes, ait manqué de réfléchir avant d'agir, et que visiblement personne dans cette affaire ne se soit interrogé à la Chancellerie pour savoir ce qu'on avait à reprocher à ce procès, remarquablement conduit de l'avis général par une formidable présidente, Nadia Ajjan, et ce qui leur permettait d'estimer que leur opinion valait mieux que celle de neuf jurés et trois juges qui ont assistés aux 29 jours de débat et ont délibéré trois jours durant pour fixer ces peines, très légèrement inférieures aux réquisitions du parquet (à croire que les plaidoiries de la défense servent à quelque chose...).

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La mémoire d'Ilan Halimi méritait mieux que ce cirque.

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Date:  Wed Jul 15 12:00:00 UTC 2009
Author:  Eolas
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Feed: +Journal d'un avocat + +
Item:Les procédures pénales d'exceptions vivent-elles leurs dernières heures ? + +
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Je n'ose y croire, tant j'en ai rêvé, mais là, la cour européenne des droits de l'homme semble sonner le glas d'un aspect parmi les plus scandaleux de la procédure pénale française, qui pourtant n'en manque pas.

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Par un arrêt Salduz c. Turquie du 27 novembre 2008 (Requête no 36391/02), la Grande Chambre de la Cour a condamné la Turquie pour violation du droit à un procès équitable pour une loi qui refusait l'accès à un avocat au stade de l'enquête de police en raison de son objet qui, vous l'aurez deviné puisqu'il permet de porter atteitne aux droits de l'homme sous les applaudissements de l'opinion publique, est de lutter contre le terrorisme. 

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En l'espèce, c'est un mineur kurde, soupçonné d'avoir ourdi deux odieux attentats terroristes, en l'espèce avoir participé à une manifestation du Parti des Travailleurs du Kurdistan, organisation illégale (qui est bel et bien une organisation terroriste violente), en soutien au chef de ce parti, Abdullah Öcalan, incarcéré depuis 1999,  ET d'avoir accroché une banderolle sur un pont ainsi rédigée : "Longue vie à notre chef Apo", Apo ("Tonton" en kurde) étant le surnom d'Öcalan.

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Comme vous le voyez, c'est presque aussi grave que d'abîmer des caténaires de la SNCF.

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 Après six mois de détention provisoire, il fut déclaré coupable sur la base de ses déclarations en garde à vue (faites sans avoir pu bénéficier du conseil d'un avocat), quand bien même il les avait rétractées par la suite (sur le conseil de son fourbe avocat, ce pire ennemi de la vérité, de l'ordre public et de l'autorité de l'État) et condamné à 4 ans et six mois de prison, ramenés à 2 ans et demi et raison de sa minorité. 

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Je passe sur la procédure d'appel qui n'était pas non plus conforme aux standards de la Convention.

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Les passages de l'arrêt qui ont retenu mon attention en ce qu'elles peuvent concerner la France sont ceux-ci. Après avoir rappelé que la Cour veille à ce que les droits garantis par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme soient effectifs et concrets, la Cour affirme que (j'ai ôté les références jurisprudentielles pour alléger le texte ; les gras sont de moi) : 

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54. La Cour souligne l'importance du stade de l'enquête pour la préparation du procès, dans la mesure où les preuves obtenues durant cette phase déterminent le cadre dans lequel l'infraction imputée sera examinée au procès (...). Parallèlement, un accusé se trouve souvent dans une situation particulièrement vulnérable à ce stade de la procédure, effet qui se trouve amplifié par le fait que la législation en matière de procédure pénale tend à devenir de plus en plus complexe, notamment en ce qui concerne les règles régissant la collecte et l'utilisation des preuves. Dans la plupart des cas, cette vulnérabilité particulière ne peut être compensée de manière adéquate que par l'assistance d'un avocat, dont la tâche consiste notamment à faire en sorte que soit respecté le droit de tout accusé de ne pas s'incriminer lui-même. Ce droit présuppose que, dans une affaire pénale, l'accusation cherche à fonder son argumentation sans recourir à des éléments de preuve obtenus par la contrainte ou les pressions au mépris de la volonté de l'accusé. Un prompt accès à un avocat fait partie des garanties procédurales auxquelles la Cour prête une attention particulière lorsqu'elle examine la question de savoir si une procédure a ou non anéanti la substance même du droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination (…). La Cour prend également note à cet égard des nombreuses recommandations du CPT (Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants-NdA) soulignant que le droit de tout détenu à l'obtention de conseils juridiques constitue une garantie fondamentale contre les mauvais traitements. Toute exception à la jouissance de ce droit doit être clairement circonscrite et son application strictement limitée dans le temps. Ces principes revêtent une importance particulière dans le cas des infractions graves, car c'est face aux peines les plus lourdes que le droit à un procès équitable doit être assuré au plus haut degré possible par les sociétés démocratiques.

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Une petite pause ici. Le droit français a été mis en conformité avec la Convention européenne des droits de l'homme par la loi du 4 janvier 1993 en prévoyant que tout gardé à vue a droit a l'assistance d'un avocat. La loi, comme effrayée de sa propre audace, a toutefois prévu que ce droit se résumait à un entretien de trente minutes sans que l'avocat ait accès au dossier. Un changement de majorité s'étant produit en mars de la même année, une loi du 24 août 1993 va repousser l'intervention de cet avocat à la 21e heure de garde à vue, parce que sékomsa. Cela permettait de tenir éloigné ce gêneur dont la tâche, non mais je vous demande un peu, consiste à faire en sorte que soit respecté le droit de tout accusé de ne pas s'incriminer lui-même. En juin 2000, la loi a enfin permis à l'avocat d'intervenir dès le début de la garde à vue. Mais là encore, changement de majorité en 2002 et en mars 2004, une loi revient sur ce point en repoussant l'intervention de l'avocat à la 48e heure en matière de terrorisme, de trafic de stupéfiant et de délinquance organisée.

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Je rappelle que des affaires comme celles de Julien Coupat ont été traitées selon cette procédure d'exception, de même que la plupart des gardes à vue des délits de solidarité qui n'existent pas : la dame arrêtée à son domicile pour avoir rechargé des téléphones mobiles d'étrangers a été interpellée pour aide au séjour en bande organisée. Quand bien même l'affaire va probablement aboutir à un classement sans suite, elle n'a pas eu droit à l'assistance d'un avocat pendant ses 14 heures de garde à vue. 

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Permettez à l'État de s'affranchir des libertés fondamentales en matière de terrorisme ou de délinquance organisée, et ne vous étonnez pas qu'un jour, il vous accuse d'un de ces faits pour s'affranchir d'avoir à respecter les vôtres.

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Donc, l'intervention de l'avocat est repoussée de 48 heures dans trois série de cas. Systématiquement. Revenons-en à notre arrêt de la Cour.

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55.  Dans ces conditions, la Cour estime que, pour que le droit à un procès équitable consacré par l'article 6 § 1 demeure suffisamment « concret et effectif » (…), il faut, en règle générale, que l'accès à un avocat soit consenti dès le premier interrogatoire d'un suspect par la police, sauf à démontrer, à la lumière des circonstances particulières de l'espèce, qu'il existe des raisons impérieuses de restreindre ce droit. Même lorsque des raisons impérieuses peuvent exceptionnellement justifier le refus de l'accès à un avocat, pareille restriction – quelle que soit sa justification – ne doit pas indûment préjudicier aux droits découlant pour l'accusé de l'article 6 (voir, mutatis mutandisMagee, précité, § 44). Il est en principe porté une atteinte irrémédiable aux droits de la défense lorsque des déclarations incriminantes faites lors d'un interrogatoire de police subi sans assistance possible d'un avocat sont utilisées pour fonder une condamnation.

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Arrêtez-moi si je me trompe (mais pas selon la procédure de délinquance organisée s'il vous plaît) : la cour dit qu'elle veut bien qu'on repousse l'intervention de l'avocat, mais elle doit avoir lieu en tout état de cause avant le premier interrogatoire de police, sauf à ce que des circonstances particulières au cas d'espèce (et non une règle de procédure générale appliquée systématiquement) font qu'il existe des raisons impérieuses de restreindre ce droit.

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Or les procédures françaises d'exception repoussent à la 48e heure cette intervention de l'avocat, systématiquement, et des interrogatoires du suspect ont bien évidemment lieu pendant ce laps de temps. C'est même le but : obtenir des aveux avant qu'un baveux vienne lui dire de se taire.

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Conclusion logique : les procédures française d'exception ne sont pas conformes à la Convention européenne des droits de l'homme. Toutes les personnes qui ont avoué des faits dans ce laps de 48 heures peuvent demander une indemnisation pour violation de leurs droits, et la révision de leur procès (art. 626-1 du CPP) si elles ont été condamnées sur la base de ces aveux, car leur procédure est présumée avoir porté une atteinte irrémédiable à leurs droits de la défense.

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Peut-être vois-je midi à ma porte car depuis 2004, où j'ai participé aux manifestations des avocats contre ce volet de la loi Perben II, je suis convaincu que cette procédure est contraire aux droits de l'homme. Je lirai donc avec intérêt tout point de vue contradictoire visant à démontrer que je me trompe.

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Car si tel n'est pas le cas, le 27 novembre 2008 fut une belle journée pour les droits de l'homme.

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Date:  Mon Jul 13 08:13:00 UTC 2009
Author:  Eolas
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Feed: +Journal d'un avocat + +
Item:BatMam et Robin + +
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Par Dadouche

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+Il n'aura pas échappé à nos lecteurs, toujours très informés de la chose publique, que nous avons un nouveau Garde des Sceaux.
+Michèle Alliot-Marie a en effet été nommée Ministre d'Etat, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice et des Libertés.

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Et comme on n'est pas trop de deux pour s'occuper des Libertés (surtout quand on est en charge des prisons), il lui a été adjoint un Secrétaire d'Etat, Jean-Marie Bockel.
+Si nous avons connu dans un passé récent des Secrétaires d'Etat aux programmes immobiliers de la Justice ou aux droits des victimes, le Secrétariat d'Etat auprès du Ministre de la Justice et des Libertés est (à ma connaissance) une nouveauté[1].

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On attendait donc avec impatience de connaître le domaine de compétence du Secrétaire d'Etat.

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C'est un décret paru hier qui nous renseigne.
+Enfin, si on peut appeler ça renseigner.

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En effet, l'article 1er de ce texte dispose que " +M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'Etat à la justice, remplit toute mission et assure le suivi de tout dossier que lui confie le ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, auprès duquel il est délégué.".

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Qui pourrait se traduire par "il fera ce qu'on lui laissera faire"

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Ce n'est pas sans précédent.
Si George Kiejman, Ministre Délégué auprès du Ministre de la Justice dans le gouvernement de Michel Rocard avait en 1990 des attributions précises, telles que l'élaboration du nouveau code pénal, son successeur Michel Sapin, membre du gouvernement d'Edith Cresson, avait une fiche de poste aussi élaborée que celle du nouveau Secrétaire d'Etat.

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Lequel Secrétaire d'Etat aurait déclaré "Je serai transversal mais pas transparent".

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Sera-t-il le Robin de BatMam ? Ou Bernardo, le docteur Watson, Sancho Pança, Mini Me, Sganarelle, Q, Tinkerbell, Christian de Neuvillette, Han Solo (voire Chewbacca), Ron Weasley, Samwise Gamgee, Obélix ou Victoria Silvstedt ?[2]

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L'avenir nous dira comment fonctionnera ce nouveau couple...

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Notes

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[1] même si nous avons déjà connu des Ministres Délégués auprès du Ministre de la Justice

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[2] après avoir dans un premier temps mis en note de qui ces personnages sont les sidekicks ou fidèles seconds, je me suis dit qu'il valait mieux laisser chercher (enfin, c'est pas très compliqué)... Ca occupera ceux qui sont en vacances et ça distraira ceux qui sont au boulot

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Date:  Sun Jul 12 10:00:00 UTC 2009
Author:  Dadouche
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Feed: +Journal d'un avocat + +
Item:Faut-il se chauffer au gaz pour être juge en Virginie occidentale ? + +
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Lors de sa récente session, la Cour suprême a rendu un arrêt important changeant de manière spectaculaire sa position sur la très délicate question de l'indépendance de fait des juges élus.

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Les juges exercent en démocratie le troisième pouvoir, le pouvoir judiciaire : celui de trancher un différend selon la loi. Cette mission essentielle en démocratie suppose deux qualités essentielles : l'indépendance, et la compétence.

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En démocratie, trois systèmes de désignation sont envisageables : la désignation par l'autorité publique (les modalités peuvent varier de la désignation discrétionnaire au concours, en passant par la désignation ratifiée), l'élection, et le tirage au sort.

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La France a recours à un panaché des trois systèmes. La majorité des juges administratifs et judiciaires sont désignés par l'autorité publique sur la base d'un concours (c'est un décret signé par le président de la République en personne qui leur confère leurs fonctions ; Chirac pour Gascogne, Dadouche, Sub lege libertas, Paxatagore et Lulu, René Coty pour Anatole). Certains de ces juges sont désignés par l'autorité publique sans concours (les “sur titre” ; par exemple, Rachida Dati n'a jamais passé le concours d'accès à l'ENM— mais la plupart des “sur titre” sont de très bons magistrats ; citons aussi les membres du Conseil constitutionnel, nommés discrétionnairement par les trois présidents de la République, du Sénat et de l'Assemblée nationale). Les conseillers prud'hommes sont élus par les salariés et les employeurs, de même que les juges de commerce le sont par les commerçants. Le jury d'assises est quant à lui tiré au sort parmi le corps électoral.

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Ce dernier système peut surprendre, mais il est selon Montesquieu le plus démocratique puisqu'il respecte l'égalité des chances (même si dans tous les systèmes de droit, le tirage au sort est toujours tempéré tant par des restrictions pour l'accès au tirage —conditions d'âge et de probité— que par une influence sur le tirage —droit de récusation d'un juré tiré au sort.

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La désignation par l'autorité publique se fait en principe sur un critère de compétence technique. C'est le cas du concours, mode de désignation au mérite par excellence, mais aussi de la nomination par le pouvoir politique, qui si elle est encadrée par des contre-pouvoirs peut être satisfaisante. Ainsi les juges à la Cour Suprême des États-Unis sont-ils désignés par le président des États-Unis mais avec ratification par le Sénat ; les plus hauts postes de magistrats français sont soumis à l'avis (pour le parquet) ou à l'accord (pour le siège) du Conseil Supérieur de la Magistrature, ce qui rend particulièrement scandaleux le coup de force qui viendrait de se produire pour muter un procureur général, j'y reviendrai dans un prochain billet.

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Notons que les nominations au Conseil constitutionnel n'étaient soumises à aucun contrôle ni contre pouvoir jusqu'à la révision constitutionnelle de juillet 2008, ce qui était une carence à mon sens mais a permis d'éviter la politisation du Conseil. On verra ce que donnera la nouvelle procédure, qui n'a pas encore eu à s'appliquer (les prochaines nominations sont pour février 2010 avec le départ d'Olivier Dutheillet de Lamothe, Dominique Schnapper et Pierre Joxe.

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Aux États-Unis, qui vont nous occuper, 39 des 50 États de l'Union ont recours partiellement ou totalement à l'élection des juges et procureurs généraux. C'est donc un sujet sensible, qui reflète la méfiance traditionnelle du peuple américain envers l'État, et qui a ainsi voulu garder la mainmise sur la désignation de ceux chargés de dire le droit.

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L'invonvénient d'un tel système de désignation est qu'il se politise forcément. Les campagnes électorales pour élire tel juge ne sont pas toujours compatibles avec la dignité inhérente à la fonction, et l'argument de la promesse de sévérité (promesse tenue, les États-Unis ont un taux d'incarcération dix fois supérieur au nôtre) est un des plus porteurs. Se pose aussi la question de l'indépendance du juge, dont la campagne est financée par des gens susceptibles un jour d'être justiciables devant lui. Or un principe constitutionnel aux États-Unis est celui du procès équitable, le due process of law.

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Or la position de la Cour suprême a toujours été de dire que le juge ne doit pas voir son impartialité remise en cause à la légère : il prêtent serment de respecter la loi et la Constitution, et doivent bénéficier d'une présomption d'honnêteté. De fait, deux cas seulement constituent selon elle une situation objective où le juge doit se récuser : quand le juge a un intérêt financier dans le litige —Tumey v. Ohio, 273 U. S. 510, 523 (1927)— et quand le juge statue sur un délit d'audience (contempt of court) dont il a été la victime directe —Mayberry v. Pennsylvania, 400 U. S. 455 (1971). Ces décisions ont d'ailleurs été reprises dans des lois fédérales depuis lors. En dehors de ces cas, le demandeur en récusation doit prouver la partialité (bias) du juge, ce qui est très difficile, d'autant plus que généralement, il faut bien le dire, les juges se déportent volontiers quand ils estiment ne pas être neutres.

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Intéressons-nous à présent à l'industrie du charbon en Virginie occidentale.

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Ah, Charleston[1], ton univers impitoya-able. Un géant du charbon y règne sur les Appalaches : Massey Energy®, sous la forme de sa succursale locale :A. T. Massey Coal Co., Inc. Massey est le 4e producteur de charbon des États-Unis avec 40 millions de tonnes par an (vous voyez que le réchauffement de la planète a de beaux jours devant lui), et le premier de la région des Apalaches. Face à Goliath, quatre David : Hugh Caperton, Harman Development Corp.,Harman Mining Corp., et Sovereign Coal Sales (que j'appellerai Caperton tout court, comme la Cour Suprême). Quatre petits exploitants de mines de charbon qui vont tous faire faillite à cause selon eux de manœuvres déloyales et illicites de Massey.

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Si en France, tout finit par des chansons, aux États-Unis, tout finit par des procès. Et pour cause : ça marche. Le géant se prend la pierre judiciaire en plein front. En août 2002, un jury déclare A.T. Massey coupable de comportements commerciaux déloyaux et illicites et le condamne à payer à Caperton 50 millions de dollars. En juin 2004, la cour d'appel rejette le recours de A.T. Massey par un arrêt cinglant qui établit formellement sa culpabilité. Massey forme un pourvoi en cassation devant la Cour Suprême de l'État de Virginie Occidentale.

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Or fin 2004 se tenaient les élections judiciaires à la Cour Suprême : le juge sortant était l'Honorable Justice McGraw, candidat à sa succession. Son principal adversaire était l'avocat Brent Benjamin.

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Le Groupe Massey va décider de soutenir le candidat Benjamin, farouche partisan du libre marché. Et quand je dis soutenir, je dis soutenir. Outre les 1.000 dollars, don maximum au candidat selon la loi de Virginie Occidentale, Massey va faire un don de 2.500.000 $ à une association qui s'opposait à McGraw et soutenait Benjamin. Le nom de l'association est, pour la petite histoire « Pour le Bien des Enfants ». En fait, c'était plutôt pour le bien des mineurs.

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Et pour faire bonne mesure, Massey va dépenser 500.000 $ en courriers et campagnes diverses appelant à faire des dons pour Benjamin. Hypocrisie de la législation américaine : on ne peut donner plus de 1000 dollars à un candidat mais on peut dépenser 500.000 $ pour encourager les gens à lui faire des dons plafonnés à 1000 $ chacun. Sachant que les comités de soutien des deux candidats ont dépensé à eux deux 2.000.000 $, Massey va dépenser 3 millions pour soutenir un candidat.

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Qui sera élu avec 53,3% des votes. Ramené au nombre de suffrages exprimés, cela fait 8 dollars par vote pour Massey.

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Une fois Brent Benjamin devenu Justice Benjamin, Massey forme son pourvoi en cassation en octobre 2005. Aussitôt, Caperton dépose une requête en suspicion légitime à l'encontre du Justice Benjamin, lui demandant de se déporter, le demandeur étant son principal soutien financier. En avril 2006, le Justice Benjamin rejette cette requête, s'estimant tout à fait impartial.

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Et en novembre 2007, la cour suprême annule le jugement, par trois voix contre deux. Trois voix, dont celle de Benjamin : son vote fut donc décisif. Dans l'opinion dissidente du Justice Albright, cosignée par le Justice Cookman, on peut lire ces lignes impitoyables “Non seulement l'opinion de la majorité ne repose sur aucun fait établi ou un précédent jurisprudentiel, mais elle est fondamentalement injuste. Malheureusement, la justice n'a été ni honorée ni servie par la majorité". Ambiance. ”

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Caperton n'en démordant pas, il porte son affaire devant la Cour Suprême.

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Qui va se déchirer à son tour mais, par un vote de 5 contre 4, donner raison à Caperton. L'argument central est le suivant : même si aucun élément ne permet d'affirmer la partialité du Justice Benjamin, il existe ici une telle probabilité de partialité (probability of bias) qu'il aurait dû se récuser. la femme de César ne doit pas être soupçonnée même si elle n'a rien à se reprocher : il en va de même de ses juges. À l'argument de l'atteinte de la confiance publique dans les juges et le risque de raz-de-marée de recours en récusation Caperton, le Justice Kennedy, qui a rédigé l'Opinion de la Cour réplique que non, il s'agit d'un cas d'espèce eu égard aux circonstances extrêmes (un soutien “disproportionné” du demandeur)

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Le Chief Justice Roberts, dissident, s'étouffe d'indignation, soutenu en cela par le bloc conservateur de la cour : les Justice Scalia, Alito, et Thomas (les usual Suspects). Le Chief Justice Roberts ne parvient pas à accepter cette décision ne reposant pas sur des critères objectifs (contrairement à Tumey ou Mayberry) mais sur l'appréciation du juge. Il soulève dans son opinion dissidente (page 28 et suivantes du pdf) 40 questions que cet arrêt laisse selon lui irrésolues. Certaines sont pertinentes (par exemple : et si le litige portait sur un enjeu de 10.000 $, soit bien moins que le soutien financier de la campagne, peut-on soupçonner Massey d'acheter son juge ?), tandis que d'autres sont teintées de mauvaise foi par une reductio ad absurdum classique : par exemple : “Et si un juge est élu sur une promesse de sévérité envers le crime, doit-il se récuser de toute affaire criminelle ?” ; et pourquoi pas l'obliger à se chauffer au gaz pour juger une entreprise de charbon (d'où le titre du billet).

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Les règles objectives dégagées par la Cour dans ses arrêts Tumey et Mayberry ont été reprises dans des textes de loi, ce qui montre au passage le respect à la limite de la crainte révérencielle du législateur américain envers le juge, tandis que le législateur français vote sans vergogne des lois pour contourner les objections du juge, fût-il constitutionnel (Rétention de sûreté, HADOPI 2…). Gageons que cette fois, le législateur américain se gardera bien de s'aventurer sur ce terrain glissant.

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Alors, Caperton, révolution jurisprudentielle ou cas d'espèce sans lendemain ?

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Prochain épisode : les anti-inflammatoires permettent-ils de voir des jeunes filles nues ?

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Notes

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[1] Qui est comme tout le monde le sait la capitale de la Virginie Occidentale.

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Date:  Fri Jul 10 00:19:00 UTC 2009
Author:  Eolas
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Feed: +Journal d'un avocat + +
Item:Du remue-ménage + +
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Certains d'entre vous ont pu le vivre en direct, il y a eu de grosses coupures cet après midi, mais ca y est, la mue est faite : mon blog tourne sous Dotclear 2.

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Concrètement, vous ne verrez aucune différence, et c'est le but. La carrosserie reste la même, c'est le moteur qui a changé. Et celui-là ne cale plus en côte. Pour ceux qui en ont marre de mes périphrases : en principe, fini les erreurs 503 à répétition dès que les lecteurs se bousculaient au portillon. Le blog devrait tenir la charge : j'ai un serveur dédié qui fonctionne à l'urine de cycliste, un logiciel débuggé au napalm et une bande passante qui pourrait télécharger un porte-avion.

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Le site devrait s'afficher encore plus rapidement chez vous, surtout parce que j'ai enlevé des enjoliveurs qui consommaient beaucoup de ressources pour pas grand chose : le top des commentateurs, les billets les plus commentés.

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Il faut que je m'habitude à la nouvelle interface, qui ne va pas me faciliter la vie sur iPhone, que j'explique à mes commensaux comment entrer dans leur nouvelle demeure, bref, je suis un peu en rodage, mais tout devrait bientôt reprendre un rythme normal.

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Prochain chantier à la rentrée : le changement de carrosserie. Le thème actuel a été bricolé en express par Kozlika, que Saint PHP la bénisse, mais j'ai conscience que son minimalisme confine à la mocheté, il n'était pas fait pour durer deux ans et demi.

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Je vais passer à un graphisme en deux colonnes, une grosse à gauche pour les billets, une petite à droite pour le menu. Graphiquement, ce sera sobre et élégant ; je fais sous-traiter ça par un geek dans un sweatshop à l'autre bout du monde qui travaille pour une bouchée de pain pour une boîte française installée dans un paradis fiscal (j'ai bien suivi, François ?). Pas de Flash®, toujours pas de pub, bref, le fond plus que la forme, comme d'habitude.

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Merci de m'indiquer toute anomalie que vous pourriez rencontrer : la chasse aux bugs est ouverte. Et on dit bravo et merci à Rémi.

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Date:  Wed Jul 08 22:32:00 UTC 2009
Author:  Eolas
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Feed: +Journal d'un avocat + +
Item:Les cinq erreurs d'Authueil + +
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Mon ami Authueil reproche souvent aux juristes leur côté pinailleur. Je m'en voudrais de lui donner tort et vais relever cinq erreurs dans son dernier billet, dans lequel il exprime son approbation de la décision d'un proviseur ayant soumis la réinscription d'un lycéen en terminale dans son établissement à l'engagement de sa part de ne pas se livrer à nouveau à un blocage comme il l'avait fait plus tôt dans l'année scolaire pour des motifs politiques.

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À titre de prolégomènes, je tiens à signaler que, au-delà de la cause politique qui les a motivé, je n'ai aucune sympathie pour les bloqueurs, que ce soit de fac, de lycée ou de maternelle. C'est une méthode illégale, violente, et une voie de fait d'une minorité qui impose par la force ses décisions à une majorité. C'est à mes yeux inadmissible. Et ne venez pas me parler de démocratie. J'ai assisté à des “ AG ” en amphi : outre le fait qu'un amphi ne contient qu'une patite portion des étudiants, la démocratie y est aussi spontanée qu'en Corée du Nord.

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Donc je désapprouve ce qu'a fait ce lycéen.

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Néanmoins je suis en désaccord avec Authueil sur 5 points.

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Ce lycéen a 17 ans, il n'a plus d'obligation scolaire, s'il veut intégrer un établissement scolaire, il doit en accepter les règles.

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Je note sur un coin de papier son âge. Nous avons affaire à un mineur. Un grand mineur, mais un mineur quand même. Je m'en servirai plus tard. Mais le fait qu'il ait dépassé l'âge de l'obligation scolaire est sans la moindre pertinence. Il n'a plus l'obligation de se scolariser, mais il en conserve la liberté, que le Code de l'éducation élève au rang de droit :

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Le droit à l'éducation est garanti à chacun afin de lui permettre de développer sa personnalité, d'élever son niveau de formation initiale et continue, de s'insérer dans la vie sociale et professionnelle, d'exercer sa citoyenneté.

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Article L.111-1, qui, mes lecteurs l'auront deviné, est le premier article du code (quand je parlerai "du code" dans ce billet, ce sera le Code de l'éducation).

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15 ou 17 ans, l'élève a autant de légitimité à vouloir suivre des études, et l'État doit lui en fournir les moyens.

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De même, l'obligation scolaire (art. L.131-1 du Code de l'Éducation), de six à seize ans, ne dispense pas d'accepter les règles d'un établissement scolaire sous prétexte que l'élève n'a pas le choix d'être là. Tout établissement a un règlement intérieur qui s'impose aux élèves et aux enseignants. Et ce quel que soit leur âge (là, je pense surtout aux élèves) et leur capacité de compréhension des règles (là, je pense plus aux ados qu'aux maternelles).

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Bref, l'argument de l'âge est inopérant dans le sens de la démonstration d'Authueil. Vous allez voir, il va même plutôt dans le sens contraire.

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Vu qu'il a allègrement violé le règlement intérieur, et l'a clairement montré en devenant un représentant du mouvement, on peut comprendre les craintes du proviseur sur les risques de récidive. Qui trouverait à y redire s'il s'agissait d'un élève violent et isolé qui perturbe la vie du lycée par son indiscipline ? Pourquoi, parce que ces faits se seraient déroulés dans le cadre d'une action politique, il devrait être absout ? Une perturbation reste une perturbation et on peut très bien manifester et avoir une activité politique sans bloquer un établissement.

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Sur ce dernier point, je suis d'accord (bon pour pinailler jusqu'au bout, je dirai qu'on ne le peut pas, mais qu'on le doit). Mais ça s'arrête là. Le proviseur a des craintes ? Je lui recommande la verveine. Il y a des voies de droit pour sanctionner un élève. Et le chantage à la réinscription ne fait pas partie de cet arsenal (article R.511-13 du Code). Car le proviseur n'a pas le pouvoir de sanction : il appartient au conseil de discipline (art. R.511-20 et s. du Code) qu'il saisit et préside (ce qui au passage n'est pas conforme à la convention européenne des droits de l'homme qui exige la séparation des autorités de poursuite et de jugement). En exerçant ce chantage à la réinscription, le proviseur usurpe les prérogatives du Conseil de discipline, dont la composition vise précisément… à limiter le pouvoir coercitif du proviseur.

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Bref, pour sanctionner une violation de la loi par l'élève, le proviseur viole la loi. Les enseignants sont censés donner l'exemple, pas le suivre, non ?

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On est au lycée pour suivre des cours et si on est pas content de son lycée, on peut en changer, voire le quitter si on a l'âge requis. Rien à voir donc avec le monde du travail.

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Premier point : on est au lycée pour suivre des cours. Non. Pour draguer des filles (ou se faire draguer si on est une fille) et rigoler avec les potes/copines.

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Ensuite, je pourrais dire qu'on est dans une entreprise pour travailler, et si on n'est pas content de sa boîte, on peut en changer voire prendre sa retraite si on a l'âge requis. Bref, sur ces éléments de comparaison, ça ressemble un peu au monde du travail, le lycée.

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En fait, la différence essentielle, car elle existe, ce que les “ syndicats ” d'élèves ne comprennent pas, est ailleurs. Étudier n'est pas un métier, sauf pour Bruno Julliard, et l'élève n'a pas de contrepartie directe à son travail. Il en tire une instruction qui lui permettra plus tard d'accéder à des métiers pointus et donc mieux rémunérés. Le contrat de travail est un contrat d'échange direct : travail contre salaire. Cette relation existe d'ailleurs entre l'enseignant et l'Éducation Nationale, même si le statut est différent (l'enseignant est souvent un fonctionnaire). L'élève est l'usager d'un service public. Il jouit d'une prestation de service : l'enseignement et la mise à disposition des locaux. La seule chose qu'il doit est son assiduité et un comportement conforme au règlement intérieur. C'est là qu'on voit qu'en effet, le lycée et le monde du travail, ça n'a rien à voir.

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Quand les salariés manifestent pour des raisons de politique générale, ils ne bloquent pas pour autant leurs entreprises. Ils prennent une journée (de RTT, de congé, de grève...) et vont se joindre à la manif, sans empêcher leurs collègues non grévistes d'aller au travail si ça leur chante.

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En théorie. Les piquets de grève ne sont pas une légende. Oh, c'est illégal, bien sûr, comme séquestrer les patrons. Ou bloquer les lycées. Invoquer la différence des comportements est ici erroné puisque les deux comportements sont similaires. ce qui n'est pas un hasard : les lycéens et étudiants singent les moyens de lutte des ouvriers d'usines menacées de fermeture (quand bien même les études qu'ils suivent visent à s'assurer qu'ils n'entreront pas dans la même carrière que leurs glorieux aînés prolétaires).

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Il doit y avoir des limites. Ce proviseur a eu le courage d'en poser, qui m'apparaissent très raisonnables, puisque rien n'empêchera le lycéen d'avoir des activités politiques dans l'enceinte de l'établissement. On lui demande juste de ne pas perturber la scolarité de ses petits camarades, ce qui est la moindre des choses.

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Non, ce proviseur a au contraire manqué de courage. Il y a des limites, prévues par la loi. À lui de l'appliquer. Il aurait dû lancer une procédure disciplinaire contre tous les élèves bloqueurs, et ce dès le début du blocage. Pour leur permettre de présenter leur défense, de se faire assister de la personne de leur choix, y compris un avocat (art. D.511-32 du Code), et de comprendre que persévérer dans leur attitude les exposerait à un renvoi temporaire ou définitif et à une plainte au pénal, bienvenue dans la vraie vie. Car là aussi, rien n'est plus propice au passage à l'acte que la certitude de l'impunité que donne le nombre d'une part et la couardise des autorités d'autre part.

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Au lieu de cela, après avoir plié l'échine sur le moment, signant un aveu de faiblesse[1], il emploie un moyen déloyal et illégal. Il attend que l'élève en question soit isolé, et le prend à la gorge administrativement en détournant ses pouvoirs (le proviseur ne tire d'aucun texte le droit de juger l'opportunité des réinscriptions). Sachant que l'élève en question est mineur, donc censé être plus protégé par la loi, on peut s'interroger sur la véritable vertu pédagogique. En outre, son engagement de bien se tenir (qui est de nature civile) est nul car obtenu par la violence (art. 1111 du Code civil —c.civ— : c'est signe ou tu n'auras pas d'établissement l'année prochaine), est lésionnaire pour le mineur (art. 1315 c.civ : il ne peut que lui nuire) et n'a aucune base légale dans le code de l'éducation.

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Enfin, il y a une certaine absurdité de demander à un élève ayant violé le règlement intérieur de s'engager à le respecter sous peine de sanction… sanction qui n'a pas été prise quand le règlement intérieur a été violé.

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Bref, une mesure illégale, inefficace et qui déshonore celui qui la prend. Vous l'aurez compris, je ne partage pas l'enthousiasme d'Authueil face à cette mesure. Le pinaillage des juristes, pour qui la fin ne justifie jamais les moyens, que ce soit un blocage de lycée ou de réinscription, en fait de bien sinistres personnages.

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PS : Je ne l'avais pas vu, mais Jules le dit mieux que moi.

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Notes

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[1] Si cette politique du roseau lui a été imposée par la voie hiérarchique, l'administration refusant toute confrontation, ma critique reste la même, mais se transmet par la voie hiérarchique au ministre.

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Date:  Wed Jul 08 11:12:18 UTC 2009
Author:  Eolas
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Feed: +Journal d'un avocat + +
Item:Ces gens sont des menteurs + +
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À écouter, à podcaster (iTunes, Lien RSS), l'émission Les Pieds Sur Terre du 6 juillet 2009, diffusée sur France Culture, qui revient sur le fameux délit de solidarité, celui dont le ministre qui ne devrait pas exister nie l'existence. Pauline Maucort et Olivier Minot sont allés interviewer des gens qu'on a arrêté, placé en garde à vue, et oui, pour certains poursuivis et condamnés pour avoir aidé un étranger en situation irrégulière. Des acteurs, sans doute.

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Écoutez leurs élucubrations, c'est drôlement bien inventé et joué, tous ces détails : ils sont forts ces menteurs.

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Car bien sûr qu'Éric Besson dit vrai.

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JAMAIS en France la police aux frontières ne viendrait embarquer à 7 heures 45 du matin une dame qui recharge des téléphones portables en l'accusant d'un délit qui n'existe pas commis en bande organisée. AUCUN policier n'aurait la désarmante naïveté de lui dire avoir été gentil d'attendre 7 heures du matin, la procédure ouverte selon la loi Perben II pour délinquance organisée permettant une perquisition à toute heure de la nuit —art. 706-89 du code de procédure pénale (CPP), sur autorisation du juge des libertés et de la détention (JLD)—, et écartant l'avocat, ce gêneur qui rassure les dames en garde à vue : art. 706-88 du CPP al. 6 : l'avocat n'est autorisé qu'à partir de 48 heures de garde à vue, soit bien plus que le nécessaire pour boucler une procédure pour trois portables, même si le policier tape les PV avec deux doigts), et d'en rajouter une louche en disant que vraiment, ils sont super sympas de ne pas lui avoir défoncé sa porte ni de ne pas l'avoir menotté (Oui, c'est à 15'10). C'est qu'elle a oublié de dire merci, cette ingrate.

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EN AUCUN CAS en France un religieux de 78 ans ne serait placé en garde à vue pour avoir transporté dans le coffre de sa voiture les bagages d'une famille qu'il accompagnait… acheter des billets de train. Jamais un policier n'aurait l'idée saugrenue de demander à un frère rédemptoriste pourquoi il vient en aide à des démunis[1].

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COMMENT IMAGINER qu'en France, un citoyen soit arrêté pour avoir hébergé chez lui l'homme dont il était amoureux, et soit pour un soupçon de ces faits attaché à un mur pendant 17 heures ? C'est dangereux, un homo amoureux, mais quand même… Qui oserait croire qu'un procureur général fasse appel de la relaxe qui va suivre, et qu'une cour d'appel, fût-ce celle de Nîmes, même si celle de Douai l'a déjà fait, le condamne effectivement à 1000 euros d'amende, croyant utile d'ajouter que cet hébergement se faisait manifestement en contrepartie de faveurs sexuelles ? Au fait, monsieur le juge, votre femme, elle vous paye un loyer ?

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Non, c'est trop gros.

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Heureusement que le ministre du fifre et du pipeau est là pour rétablir la vérité, la Pravda ayant depuis longtemps failli à cette mission d'édification du peuple.

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Une superbe fiction, donc, mise en scène par Véronique Samouiloff.

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Mais pourquoi donc n'arrivè-je pas à applaudir ?

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Notes

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[1] La réponse se trouve à l'article premier des Constitutions de la Congrégation du Très-Saint-Rédempteur : “ Son but est de continuer le Christ Sauveur en annonçant la Parole de Dieu aux pauvres, selon ce qu'il a dit de lui-même: «Il m'a envoyé évangéliser les pauvre» ” ; “Elle s'acquitte de cette tâche avec un élan missionnaire qui la porte vers les urgences pastorales en faveur des plus délaissés, surtout des pauvres, à qui elle s'efforce d'apporter la Bonne Nouvelle.” Ça signe la bande organisée.

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Date:  Wed Jul 08 00:24:19 UTC 2009
Author:  Eolas
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Feed: +Journal d'un avocat + +
Item:De l'art délicat de donner des leçons à qui n'a pas appris les siennes + +
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Un fait divers a fait quelque peu ricaner sur le web, une forme d'arroseur arrosé, internet tenant parfois d'une cour de récréation où on aime à rire aux dépens d'autrui (c'est toujours mieux comme métaphore que la plomberie).

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Même si vous pourrez facilement retrouver le nom des protagonistes, puisqu'il est sans intérêt pour ma démonstration et que je ne souhaite pas exposer plus avant le dindon de la farce, je vais utiliser des pseudonymes.

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Géronte est un étudiant en informatique. Ce jour là, il doit passer un contrôle de connaissance (il ne s'agit pas d'un examen visant à la délivrance d'un diplôme, la chose a son importance) portant sur sa maîtrise d'un logiciel très (trop ?) utilisé sur internet. Le sujet tombe, et là, c'est le blanc. Chaque exercice noté implique l'utilisation d'une technique dont il n'arrive pas à se souvenir.

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Mais il découvre qu'il peut se connecter à internet depuis sa salle d'examen (l'examen a forcément lieu sur un ordinateur), quand bien même l'école avait dit avoir pris ses précaution pour que ce soit impossible.

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Il lance donc un appel au secours demandant de l'aide et promettant une récompense.

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Scapin, spécialiste de ce programme du fait de sa profession de graphiste indépendant, lui répond et lui propose son assistance. Géronte lui expose sa difficulté et lui propose de faire les exercices à sa place, contre une rémunération de 100 euros.

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Scapin tombe alors le masque et exposant qu'il n'a ni besoin d'argent, ni peur du paradoxe, lui demande 300 euros faute de quoi il téléphonera à son école pour révéler la triche en cours, capture d'écran de leurs échanges à l'appui. Géronte croit à une plaisanterie de quelqu'un ayant changé d'avis, et conclut l'échange par le sommet de la péroraison cicéronienne en rhétorique contemporaine : un ;-) .

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Mais Scapin était sérieux. Il a appelé l'école, qui se dispose à prendre des sanctions contre cet élève.

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Internet est un théâtre, et le poulailler s'esclaffe de la Farce de Scapin sur ce pauvre Maître Géronte.

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Un seul ne rit pas à l'orchestre : votre serviteur. Il ne peut s'empêcher d'être amer dans cette saynète, où Scapin mérite peut-être plus les coups de bâton que Géronte.

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Géronte a voulu tricher, c'est certain. La fraude à un examen est un délit depuis la loi, toujours en vigueur, du 23 décembre 1901, puni de 3 ans de prison et 9000 euros d'amende ; mais seulement si l'examen est un concours d'accès à la fonction publique ou vise la délivrance d'un diplôme délivré par l'État, outre des sanctions disciplinaires d'interdiction provisoire de se présenter aux examens et concours (je n'ai pas retrouvé la référence des textes, si quelqu'un peut m'éclairer, je mettrai à jour). En dehors de ces cas, la fraude expose l'élève a des sanctions disciplinaires prononcées par son établissement pouvant aller jusqu'au renvoi.

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Ici, il s'agissait d'un contrôle de connaissance, interne à l'établissement. Le délit n'était donc pas constitué, mais la faute disciplinaire, oui.

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Foulant au pied tous mes principes, je mets un instant ma robe pour plaider gratuitement (Argh ! Je brûle ! Je brûle !) que ce que Géronte a fait est EXACTEMENT ce qu'un professionnel aurait fait à sa place : chercher de l'aide sur internet. Internet est un paradis pour informaticien (il y a même des femmes nues, d'ailleurs, c'est dire si la ressemblance est poussée), et quiconque a un souci peut trouver promptement du secours dans les forums spécialisés. La solidarité existe, et le mot de communauté prend ici tout son sens. J'en sais quelque chose y ayant eu assez recours pour rustiner mon blog (au fait, Rémi, ça avance, cet upgrade ?). Professionnellement, ce n'est pas tricher : c'est aller chercher l'information, disponible gratuitement, à charge de revanche. De fait, si Géronte n'avait pas voulu frimer en précisant qu'il était en examen, mais avait simplement demandé de l'aide, il l'aurait très probablement trouvée, sans qu'on lui pose de questions. Cela n'annule pas la triche mais en atténue la gravité. D'autant que face à cet échec, il a finalement rendu copie blanche, ou son équivalent en informatique (disque dur formaté ?). Géronte mérite une sanction, mais plutôt de l'ordre de l'avertissement.

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Tournons nos yeux vers Scapin.

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Qu'a-t-il fait ? Dénoncer un tricheur n'est pas répréhensible en soi. La dénonciation fut un sport national avant d'avoir mauvaise presse mais reste légale (bon, de là à la qualifier d'acte républicain, il faut pas exagérer, sauf à être un spécialiste de la chose).

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Mais auparavant, il y a eu cette parole malheureuse : “ ce qui serait encore mieux, ce serait 300 euros pour que je ne téléphone pas tout de suite à l'école en leur balançant les photos et le résumé du chat qu'on vient d'avoir.

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Et là, le juriste ne peut s'empêcher de s'exclamer : « 312-10 ! »

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Code pénal, article 312-10 : Le chantage est le fait d'obtenir, en menaçant de révéler ou d'imputer des faits de nature à porter atteinte à l'honneur ou à la considération, soit une signature, un engagement ou une renonciation, soit la révélation d'un secret, soit la remise de fonds, de valeurs ou d'un bien quelconque.

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Le chantage est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75000 euros d'amende.

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Le fait de tricher à un contrôle est bien de nature à porter atteinte à l'honneur et à la considération du tricheur. Peu importe que le fait soit illicite et avéré : le chantage n'a pas à porter sur des faits licites ou mensongers : on peut parler de jurisprudence ancienne puisqu'il en a déjà été jugé par la chambre criminelle de la cour de cassation le 4 juillet 1874.

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Et, découvrant que Scapin a bel et bien prévenu l'école, le juriste s'écrie derechef : « 312-11 ! »

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Code pénal, article 312-11 : Lorsque l'auteur du chantage a mis sa menace à exécution, la peine est portée à sept ans d'emprisonnement et à 100.000 euros d'amende.

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Le poulailler ne rit plus, et interpellant l'orchestre, lui objecte : mais la loi sanctionne le fait d'obtenir les fonds, et là, Géronte n'a pas voulu payer, Scapin n'a rien obtenu !

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Ce à quoi le juriste, décidément imperméable à l'humour, rétorque : « 312-12. »

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Code pénal, article 312-12 : La tentative des délits prévus par la présente section est punie des mêmes peines.

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La tentative est constituée dès lors que, manifestée par un commencement d'exécution, elle n'a été suspendue ou n'a manqué son effet qu'en raison de circonstances indépendantes de la volonté de son auteur (article 121-5 du Code pénal). Ici, la circonstance indépendante de la volonté du maître chanteur est que la victime du chantage n'a pas payé, qu'elle ait préféré subir les conséquences de sa fraude ou n'ait pas pris la menace au sérieux.

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Tourner en ridicule les tricheurs, pourquoi pas ? Encore qu'avec l'internet, donner le nom de la personne est le condamner à une infamie perpétuelle, ce qui est disproportionné, surtout pour une simple interrogation écrite.

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Mais commettre un délit à cette occasion me semble être une curieuse façon de se poser en donneur de leçon.

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(PS : Merci de ne pas citer les noms des protagonistes de cette affaire, le message serait immédiatement supprimé dans son intégralité, je ne vais pas m'amuser à faire de la correction).

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Date:  Tue Jul 07 01:11:58 UTC 2009
Author:  Eolas
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Feed: +Journal d'un avocat + +
Item:Les ternes vitres de la République + +
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Alassane T. est mauritanien, il a 46 ans. Il habite Orléans, où il est laveur de vitres. Depuis 6 ans, il se rend une fois par mois au commissariat de police d'Orléans pour en nettoyer les carreaux. On l'y connait, on le salue et on le laisse circuler librement dans les bureaux.

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Un jour, un policier lui demande ses papiers. Pourquoi ? C'est toute la question, vous allez voir. Alassane, bien embêté, lui avoue qu'il est sans papier. S'ensuit la procédure standard : garde à vue pour séjour irrégulier, arrêté de reconduite à la frontière avec placement en centre de rétention pour 48 heures, classement sans suite de la procédure pour séjour irrégulier, la routine.

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Au bout des 48 heures, notre laveur de carreau étant toujours là, le préfet doit saisir le juge des libertés et de la détention d'une demande de prolongation du placement en rétention pour 15 jours max. C'est à cette occasion enfin et à cette occasion seulement que l'étranger, assisté d'un avocat, pourra faire valoir ses arguments sur la légalité de la procédure ayant abouti à sa situation. Ça vous paraît dur ? Il y a pire encore, vous allez voir.

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À cette occasion, son avocat soulève la nullité du contrôle d'identité initial. Un classique.

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Un policier ne peut pas demander ses papiers à qui il souhaite selon son envie. C'est l'article 78-2 du code de procédure pénale. J'en avais déjà parlé ici, je vous renvoie à cet article pour les règles applicables.

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Le commissariat d'Orléans n'est pas, après vérification auprès de l'IGN, à moins de 20 km d'une frontière : la frontière la plus proche, le périphérique sud, est à 120 km de là. Le procureur de la République n'avait certainement pas pris des instructions de procéder à des contrôles d'identité dans l'enceinte du commissariat pour rechercher des sans-papiers. Ne restait donc que le contrôle spontané. Il fallait donc établir qu'un laveur de carreau en train de laver des carreaux comme il le fait depuis 6 ans à cet endroit a une attitude constituant une raison plausible de soupçonner qu'il a commis ou tenté de commettre une infraction, ou qu'il se prépare à commettre un crime ou un délit, ou qu'il est susceptible de fournir des renseignements utiles à une enquête en cas de crime ou de délit, ou enfin qu'il fait l'objet de recherches ordonnées par une autorité judiciaire.

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Brisons tout de suite le suspens : le préfet n'y est pas parvenu.

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Le juge des libertés et de la détention annule le contrôle d'identité, au motif que “ le fait de venir laver les vitres d'un commissariat n'est pas une raison plausible de soupçonner que le laveur de vitres a commis ou tenté de commettre une infraction ”. Face à une telle motivation solide comme le granit, le parquet, qui a le sens de la pudeur, ne fait pas appel. Le contrôle d'identité était illégal : le policier n'avait aucun droit de demander ses papiers à Alassane. On peut s'offusquer de ces étrangers qui ne respectent pas la loi, mais à la condition de s'offusquer au moins autant quand ce sont les policiers qui le font, sous peine de perdre sa cohérence.

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Le contrôle étant nul, la garde à vue qui l'a suivi aussi, puisqu'elle n'a plus de raison d'être. Et le placement en rétention, qui en découle logiquement. Alassane est remis en liberté.

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End of story, justice est faite ?

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Pas du tout.

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Si vous avez suivi, vous avez dû tiquer. Le contrôle est d'identité est nul, la garde à vue aussi, le placement en rétention aussi… Mais quid de l'arrêté de reconduite à la frontière ?

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Eh bien il reste parfaitement valable. Conséquence logique et absurde de la séparation des autorités administratives et judiciaires : le juge judiciaire, en charge de la liberté individuelle, a annulé tout ce qui a porté atteinte à la liberté d'Alassane. Mais sa situation administrative ne regarde que le juge administratif, qui est saisi d'un recours totalement autonome, sur la légalité de cet arrêté. Peu lui importe à lui dans quelles circonstances cet arrêté a été pris, même si c'est à l'occasion d'une violation de la procédure pénale à l'origine. Le préfet avait-il le droit d'éloigner Alassane, ou celui-ci peut-il invoquer des circonstances qui imposent sa régularisation ? Telle est la seule question qui intéresse le juge administratif. Il n'avait pas le droit de le priver de liberté ? Peu importe. Le juge judiciaire a déjà tranché la question.

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Le tribunal administratif d'Orléans,s'il a été saisi[1], a dû statuer depuis longtemps : le contrôle d'identité a eu lieu le 10 juin, la notification de l'arrêté a dû avoir lieu le 11, recours déposé le 13 au plus tard (oui, c'est un samedi, et alors ?), le tribunal a dû statuer le 16 juin au plus tard, l'article L. 512-2 du CESEDA imposant au juge administratif un délai de 72 heures pour statuer sur le recours (même si ce délai, contrairement au délai de recours de 48 heures, n'est pas sanctionné : le juge peut statuer au-delà des 72 heures sans conséquences pour le dossier). Quelqu'un a des infos ?

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Car si le tribunal a estimé que l'arrêté de reconduite à la frontière était valable, le séjour illégal d'Alassane prendra[2] fin grâce à une procédure illégale.

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Un partout, match nul.

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Notes

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[1] Le recours doit impérativement être déposé dans les 48 heures de la notification.

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[2] Je dois à la Vérité et à la Cour des comptes d'ajouter ici un peut-être, tant le taux d'exécution des reconduites à la frontière est bas, et en diminution constante ; je me flatte d'y être un peu pour quelque chose.

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Date:  Mon Jul 06 11:01:22 UTC 2009
Author:  Eolas
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Feed: +Journal d'un avocat + +
Item:« Sarkozy je te vois » : Prévenu, je te relaxe + +
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Épi­lo­gue de l’affaire de la célè­bre saillie : « Sar­kozy je te vois » : le juge de proxi­mité de Mar­seille a relaxé l’ensei­gnant pour­suivi pour tapage diurne inju­rieux.

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Le juge de proxi­mité a estimé dans son juge­ment que si le pro­pos pou­vait être “ mala­droit et déplacé ”, il “ ne revêt pas de carac­tère inju­rieux ”, ce qui relève en effet de l’évi­dence, mais pas tant que ça visi­ble­ment puis­que l’offi­cier du minis­tère public avait requis la con­dam­na­tion à 100 euros d’amende.

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L’avo­cat du pré­venu a déclaré à la presse que « le juge de proxi­mité est suf­fi­sam­ment décrié pour que cette fois, on puisse lui ren­dre hom­mage, c’est avec beau­coup d’à pro­pos et de matu­rité qu’il a motivé son juge­ment ».

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Qu’il me soit per­mis de dis­con­ve­nir.

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Si la relaxe me sem­blait en effet s’impo­ser, le juge n’avait pas à ména­ger la chè­vre et le chou en con­ve­nant que le pro­pos était mala­droit et déplacé.

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Rap­pe­lons le pro­pos : “ Sar­kozy, je te vois ”. Mala­droit ? Déplacé ? Et en quoi ? Les juge­ments de valeur sont dépla­cés dans un juge­ment en droit. Un pro­pos viole la loi ou ne le viole pas, le juge n’a pas à jouer les arbi­tres des élé­gan­ces. Bien sûr, il y a des excep­tions (en droit, il y a TOU­JOURS des excep­tions). Quand un pro­pos a cho­qué l’opi­nion publi­que mais ne tombe pas sous le coup de la loi, le tri­bu­nal peut recon­naî­tre que le pro­pos pou­vait cho­quer, est con­tro­versé, va con­tre une thèse offi­cielle, etc. Il suf­fit de lire les juge­ments de relaxe dont ont pu béné­fi­cier Jean-Marie Le Pen ou Dieu­donné. Mais même en ce fai­sant, il ne porte pas vrai­ment de juge­ment de valeur mais cons­tate une évi­dence et situe un con­texte.

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Dans notre affaire, le pro­pos n’a cho­qué per­sonne. Je ne con­nais per­sonne qui ait approuvé ces pour­sui­tes, pas même Fré­dé­ric Lefèb­vre, ce qui n’est pas peu dire. Aucune pré­cau­tion ver­bale ne s’impo­sait.

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Vou­loir donc ména­ger la chè­vre et le chou me paraît donc ici mala­droit et déplacé. Une relaxe un peu plus cin­glante aurait eu ma pré­fé­rence. Parce que la liberté d’expres­sion le vaut bien.

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Date:  Fri Jul 03 11:59:00 UTC 2009
Author:  Eolas
+ + diff --git a/test/parser_output/eolas.output b/test/parser_output/eolas.output new file mode 100644 index 0000000..1e11872 --- /dev/null +++ b/test/parser_output/eolas.output @@ -0,0 +1,1085 @@ +Type: atom +Encoding: UTF-8 +Title: Journal d'un avocat +Link: http://www.maitre-eolas.fr/ +Description: +Creator: + +-------------------------------- +Title: Eolas au Journal Officiel +Link: http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/26/Eolas-au-Journal-Officiel +Date: Sun Jul 26 17:51:00 UTC 2009 +Creator: Eolas +Subject: +Content: +

Il suf­fit de par­tir à la plage cinq minu­tes et la Gloire vient frap­per à votre porte.

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Assem­blée Natio­nale, 2e séance du ven­dredi 24 juillet 2009. Extrait du compte-rendu ana­ly­ti­que.

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M. le pré­si­dent. La parole est à Mme Cathe­rine Lemor­ton, pour sou­te­nir l’amen­de­ment n° 174.

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Mme Cathe­rine Lemor­ton. Per­met­tez-moi de citer les expli­ca­tions que donne Eolas, sur le site Jour­nal d’un avo­cat, à pro­pos de l’avis du Con­seil cons­ti­tu­tion­nel : « La loi HADOPI met en cause la res­pon­sa­bi­lité de l’abonné par la sim­ple cons­ta­ta­tion du pira­tage, qui suf­fit à met­tre en branle la machine à débran­cher, sauf à ce que l’abonné démon­tre que le pira­tage est dû à la fraude d’un tiers (je laisse de côté la force majeure, qui exo­nère de toute res­pon­sa­bi­lité sans qu’il soit besoin de le pré­voir dans la loi, et l’ins­tal­la­tion du logi­ciel mou­chard, qui au con­traire inter­dit de facto à l’abonné d’invo­quer la fraude d’un tiers). Preuve impos­si­ble à rap­por­ter. Ce ren­ver­se­ment de la charge de la preuve abou­tit à faire de l’abonné mis en cause un cou­pa­ble jusqu’à ce qu’il prouve son inno­cence. C’est prévu par le code pénal nord coréen, mais pas par le nôtre. Le légis­la­teur a ima­giné ce méca­nisme anti­cons­ti­tu­tion­nel­le­ment. » Les évé­ne­ments des der­niè­res semai­nes ne don­nent-ils pas rai­son à l’auteur de ces lignes ?

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Ici, le trans­crip­teur a oublié de noter les pro­ba­bles accla­ma­tions sur l’ensem­ble des bancs, le Pré­si­dent se lève et salue à l’invo­ca­tion de ce nom.

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M. le rap­por­teur bâille. On com­prend qu’il soit fati­gué. Pour lui évi­ter la peine d’une nou­velle sanc­tion du Con­seil cons­ti­tu­tion­nel, je lui sug­gère d’émet­tre un avis favo­ra­ble à l’amen­de­ment n° 174, qui pro­pose d’abro­ger l’arti­cle L. 336-3 du code de la pro­priété intel­lec­tuelle.

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Hélas (je graisse) :

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(Les amen­de­ments iden­ti­ques nos 17 rec­ti­fié, 169, 172, 174, 176 et 845 ne sont pas adop­tés.)

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Notre démo­cra­tie va mieux, assu­ré­ment, mais ça n’est pas encore ça.

+-------------------------------- +Title: Une journée particulière +Link: http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/Une-journ%C3%A9e-particuli%C3%A8re +Date: Thu Jul 23 22:02:00 UTC 2009 +Creator: Dadouche +Subject: +Content: +

Par Dadou­che

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Pré­li­mi­naire : Ce billet, c’est un peu mon dos­sier de l’été à moi. +Pas pour meu­bler en atten­dant la ren­trée (Eolas ne s’arrête jamais : grâce à son thé pour cyclis­tes il fran­chit tous les cols en tête, alors que ses colo­ca­tai­res sont prêts à être ramas­sés par la voi­ture balai), mais parce qu’il est long et pas d’une actua­lité brû­lante (quoi­que). Il n’inté­res­sera peut-être pas tous les lec­teurs (oui je sais, on fait mieux comme tea­sing), mais ça fait long­temps que j’avais envie de faire quel­que chose à ce sujet.

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Au cours d’une année riche en pro­cès d’ampleur, la ques­tion de la publi­cité des débats et de la façon dont les médias ren­dent compte des pro­cès et de leurs sui­tes s’est posée à plu­sieurs repri­ses. +On a pu évo­quer ici même la ques­tion de la publi­cité res­treinte impo­sée par la loi pour le pro­cès des meur­triers d’Ilan Halimi.
Le Monde a relaté avec cir­cons­pec­tion l’ini­tia­tive de la Nou­velle Répu­bli­que du Cen­tre Ouest, dont le site pro­po­sait un “live-blog­ging” minute par minute du pro­cès de Véro­ni­que Cour­jault.
Un débat sur la publi­cité à don­ner aux libé­ra­tions de con­dam­nés s’est même engagé sous un billet de Sub Lege Liber­tas.

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Com­ment le public peut-il et doit-il être informé de ce qui se passe dans les pré­toi­res ?

L’évo­lu­tion des médias, la place pré­pon­dé­rante de la télé­vi­sion (et la mul­ti­pli­ca­tion des chaî­nes), celle, mon­tante, d’inter­net, ont changé la donne dans ce domaine éga­le­ment.

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Pas­cal Robert-Diard a expli­qué l’été der­nier dans une (excel­lente) émis­sion d’@rrêt sur image[1] com­ment son blog lui per­met­tait de retrou­ver le côté feuille­ton­nage que les jour­naux papier ne peu­vent plus s’offrir. D’autres, comme Syl­vie Véran pour le Nou­vel Obser­va­teur[2], lui ont emboîté le pas.

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Les créa­teurs de la chaîne thé­ma­ti­que Pla­nète Jus­tice, née en octo­bre 2007, n’ont quant à eux jamais caché leur sou­hait de pou­voir à terme entrer dans les pré­toi­res et retrans­met­tre des pro­cès et n’atten­dent que l’occa­sion de sou­le­ver à nou­veau ce débat.
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Quel­les con­train­tes léga­les ?
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+La ques­tion se pose sous plu­sieurs aspects

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+On peut pen­ser que, pour pou­voir ren­dre compte d’une audience, encore faut-il pou­voir y assis­ter[3]. Et la presse est à cet égard logée à la même ensei­gne que le reste du public.

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Pour résu­mer, le prin­cipe géné­ral est que les audien­ces sont publi­ques, s’agis­sant aussi bien des pro­cé­du­res péna­les (arti­cles 306, 400 et 535 du Code de pro­cé­dure pénale) que de la matière civile (arti­cle 22 du code de pro­cé­dure civile). Tout citoyen doit pou­voir voir com­ment la jus­tice est ren­due en son nom.

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Les excep­tions à ce prin­cipe ne peu­vent être pré­vues que par la loi et sont moti­vées par des con­si­dé­ra­tions de pro­tec­tion de l’ordre public ou de déli­ca­tesse pour les par­ties:
+- huis clos, qui peut être ordonné si la publi­cité est “dan­ge­reuse pour l’ordre ou les moeurs” et qui est de droit si la vic­time de cer­tai­nes infrac­tions le réclame
+- publi­cité res­treinte devant le tri­bu­nal pour enfants et la cour d’assi­ses des mineurs[4]
+- audience en cham­bre du con­seil (en matière civile par exem­ple pour les affai­res fami­lia­les, l’assis­tance édu­ca­tive ou les tutel­les ; en matière pénale notam­ment pour les audien­ces rela­ti­ves à l’exé­cu­tion de la peine, aussi bien les requê­tes en exclu­sion du bul­le­tin n°2 du casier judi­ciaire que les débats devant le juge de l’appli­ca­tion des pei­nes).

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+Audience publi­que ne signi­fie pas for­cé­ment audience dont on a le droit de ren­dre compte. Et inver­se­ment.

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Les dis­po­si­tions de l’arti­cle 39 de la loi de 1881 inter­di­sent en effet de ren­dre compte de cer­tains pro­cès en dif­fa­ma­tion et des débats “con­cer­nant les ques­tions de filia­tion, actions à fins de sub­si­des, pro­cès en divorce, sépa­ra­tion de corps et nul­li­tés de mariage, pro­cès en matière d’avor­te­ment”. Elles auto­ri­sent éga­le­ment les juri­dic­tions civi­les à inter­dire le compte rendu d’un pro­cès, même si le dis­po­si­tif d’une déci­sion peut tou­jours être publié. +De même, diver­ses dis­po­si­tions inter­di­sent de publier l’iden­tité d’un mineur pour­suivi ou vic­time.

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En revan­che, rien n’inter­dit de ren­dre compte par exem­ple d’un pro­cès pénal tenu à huis clos.

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+De quels outils un jour­na­liste peut-il se munir pour ren­dre compte d’un pro­cès ? +
+Jusqu’en 1954, il n’y avait pas de règles par­ti­cu­liè­res. C’est ainsi que durant le pro­cès de Gas­ton Domi­nici en 1953, le nom­bre d’appa­reils pho­to­gra­phi­ques et sur­tout de flashs (à l’épo­que au magné­sium) incom­moda le pré­si­dent des Assi­ses, qui avait les yeux sen­si­bles (le pau­vre). La retrans­mis­sion radio­pho­ni­que du réqui­si­toire de l’avo­cat géné­ral n’arran­gea pas les cho­ses.

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Aussi, par une loi du 6 décem­bre 1954, des dis­po­si­tions furent-elles ajou­tées à la Loi de 1881 sur la liberté de la presse, inter­di­sant l’emploi de tout appa­reil d’enre­gis­tre­ment dans les sal­les d’audien­ces. Dans sa rédac­tion actuelle, il résulte de ce texte que “dès l’ouver­ture de l’audience des juri­dic­tions admi­nis­tra­ti­ves ou judi­ciai­res, l’emploi de tout appa­reil per­met­tant d’enre­gis­trer, de fixer ou de trans­met­tre la parole ou l’image est inter­dit. Le pré­si­dent fait pro­cé­der à la sai­sie de tout appa­reil et du sup­port de la parole ou de l’image uti­li­sés en vio­la­tion de cette inter­dic­tion”.

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Pour mémoire, pré­ci­sons que Robert Badin­ter, épou­vanté à son arri­vée place Ven­dôme en 1981 par l’état des archi­ves judi­ciai­res fran­çai­ses, fit voter en 1984 une loi per­met­tant la créa­tion d’archi­ves audio­vi­suel­les, dont le fond est à ce jour assez peu fourni, et que des auto­ri­sa­tions sont ponc­tuel­le­ment don­nées (dans un cadre légal que j’ ignore) pour la réa­li­sa­tion de docu­men­tai­res et repor­ta­ges sur le fonc­tion­ne­ment de la jus­tice.

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Pour résu­mer, les dis­po­si­tions de prin­cipe excluent de la salle d’audience pen­dant les débats les appa­reils pho­tos, camé­ras, magné­to­pho­nes et tout enre­gis­treur. En revan­che, cela n’empê­che pas la prise de notes, y com­pris sur un ordi­na­teur, ni la trans­mis­sion, en dif­féré ou en direct, de ces notes sur quel­que sup­port que ce soit. D’où la léga­lité de l’opé­ra­tion menée par la Nou­velle Répu­bli­que du Cen­tre Ouest lors du pro­cès de Véro­ni­que Cour­jault[5].

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Un pro­cès média­ti­que

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Le pro­cès de Véro­ni­que Cour­jault, jus­te­ment, par­lons-en. +Il a été cou­vert par plus de cent jour­na­lis­tes, aux­quels étaient réser­vées la moi­tié des pla­ces de la salle d’audience et de la salle de retrans­mis­sion, ainsi qu’une salle de presse, sans comp­ter les faci­li­tés de par­king pour les cars régies[6].
+Il a été le sup­port de cette expé­rience de live-blog­ging dont on enten­dra sûre­ment encore par­ler, et qui a donné lieu à d’inté­res­sants débats dans la Ligne j@une de Guy Biren­baum sur @si[7] et dans J’ai mes sour­ces sur France Inter.
+Il a été l’occa­sion pour une chaîne publi­que de pro­po­ser sur Face­book un quizz, avec cette ques­tion d’une déli­ca­tesse infi­nie : “Véro­ni­que Cour­jault qui a avoué 3 infan­ti­ci­des échap­pera-t-elle à la pri­son à vie à l’issue de son pro­cès ? “
+Et puis, pour cou­ron­ner le tout, en plein pro­cès, une autre chaîne publi­que a cher­ché à résou­dre l’ “énigme” dans une émis­sion excep­tion­nelle (et croyez bien que je n’emploie pas ici cet adjec­tif dans un sens lau­da­tif), met­tant en scène un expert qui témoi­gnait encore quel­ques heu­res plus tôt devant la Cour d’Assi­ses et s’ache­vant par diver­ses con­si­dé­ra­tions sur la peine à lui infli­ger.

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C’est parce que ce pro­cès a con­ju­gué tout ce qui se fait aujourd’hui en matière de cou­ver­ture d’un évé­ne­ment judi­ciaire[8] que j’ai trouvé inté­res­sant de recher­cher, pour une jour­née du pro­cès, dif­fé­rents compte ren­dus qui ont pu en être faits, sur de mul­ti­ples sup­ports, et de voir les spé­ci­fi­ci­tés de cha­que type de trai­te­ment de la matière judi­ciaire, avec les con­train­tes ou les con­tin­gen­ces édi­to­ria­les qui sont pro­pres à cha­que média.

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Il ne s’agit pas d’une recen­sion exhaus­tive, ni liée à la qua­lité (ou à un man­que de qua­lité) de ces objets média­ti­ques. J’ai essayé de trou­ver, pour cha­que type de sup­port, un ou deux comp­tes ren­dus (ou ce qui peut en être l’équi­va­lent) de sour­ces dif­fé­ren­tes, en pri­vi­lé­giant autant que pos­si­ble les médias qui avaient fait une cou­ver­ture quo­ti­dienne de ce pro­cès, et avec cette con­trainte qu’ils soient inté­gra­le­ment (adieu les radios) et gra­tui­te­ment (adieu Le Monde) dis­po­ni­bles en ligne.

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Je vous pro­pose donc cette jour­née par­ti­cu­lière, celle du 15 juin 2009 (choi­sie uni­que­ment parce que c’est celle de cette fameuse émis­sion).

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Pour replan­ter le décor, quel­ques mots : Véro­ni­que Cour­jault com­pa­raît alors depuis le 9 juin 2009 devant la Cour d’Assi­ses d’Indre et Loire à Tours et est accu­sée de trois assas­si­nats sur mineurs de 15 ans, qui lui font encou­rir la réclu­sion cri­mi­nelle à per­pé­tuité. Elle recon­naît avoir tué les 3 nou­veaux-nés, à l’issue de gros­ses­ses igno­rées de tout son entou­rage. Durant les pre­miers jours d’audience ont été abor­dés sa per­son­na­lité, l’his­toire de sa famille, ainsi que le dérou­le­ment des faits qui lui sont repro­chés.

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En ce lundi 15 juin com­pa­rais­sent des experts qui sont inter­ve­nus dans la pro­cé­du­res et des “sachants”, témoins cités par la défense ou l’accu­sa­tion pour s’expri­mer sur le phé­no­mène du déni de gros­sesse ou des infan­ti­ci­des fai­sant suite à des gros­ses­ses cachées, sans avoir cepen­dant exper­tisé l’accu­sée. +

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+Sur le site de la Nou­velle Répu­bli­que du Cen­tre Ouest, le live blog­ging com­mence à 9 h 08 et s’achè­vera à 20 h 30. Il est con­sul­ta­ble ici. +Près de 9 h 30 d’audience, les dépo­si­tions de 8 experts et témoins, qui s’égrè­nent en 204 entrées suc­ces­si­ves, taille Twee­ter, du genre :

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13h03 Michel Dubec pour­suit sur la pré­mé­di­ta­tion qui n’existe pas en géné­ral dans le cas d’infan­ti­cide, car il n’y a pas eu de pré­pa­ra­tion à l’accou­che­ment. Les infan­ti­ci­des se pas­sent sou­vent dans les toi­let­tes, dans le lit, mais il n’y a pas pré­pa­ra­tion à la dis­si­mu­la­tion. L’entou­rage s’en rend compte rapi­de­ment. En géné­ral, ce sont des accou­che­ments faci­les qui durent peu de temps. Ces fem­mes n’accou­chent pas, elles per­dent du corps, elles per­dent un déchet.
+13h08 On com­prend faci­le­ment l’infan­ti­cide dans le cas d’un viol par exem­ple. On com­prend beau­coup moins les fem­mes qui n’ont aucune rai­son de ne pas oser annon­cer leur gros­sesse. C’est dans la per­son­na­lité, dans quel­que chose qui vient d’avant qu’on peut cher­cher les répon­ses de ce mau­vais déclic qui se passe.
+13h16 L’inter­ven­tion de Michel Dubec per­met de com­pren­dre à quel point tou­tes ces notions sont rela­ti­ves.
+13h21 Le pré­si­dent inter­roge Michel Dubec sur les indi­ca­teurs de la déné­ga­tion et du déni : “On a du mal à se figu­rer que, sur neuf mois, la pen­sée soit en per­ma­nence imper­méa­ble. Son hypo­thèse : “Il y a des moments de résur­gence de la cons­cience.”
+13h30 L’avo­cat géné­ral lui demande des pré­ci­sions sur le déni de gros­sesse. “Mal­heu­reu­se­ment, c’est devenu une for­mule, alors que c’est un con­cept de tra­vail qui ne clot ni le tra­vail ni l’inter­pré­ta­tion”, répond Michel Dubec. C’est un méca­nisme qui peut être par­tiel, de nature psy­cho­ti­que chez quelqu’un qui n’est pas psy­cho­ti­que. On peut tous à un moment avoir “des psy­cho­ses fugi­ti­ves.
+13h33 A la demande de Phi­lippe Varin, Michel Dubec affirme une nou­velle fois qu’une “mère infan­ti­cide n’accou­che pas d’un bébé. Elle laisse sor­tir du corps de son corps.”
+13h39 L’avo­cat géné­ral demande à Michel Dubec com­ment on peut savoir s’il s’agit d’une psy­chose tran­si­toire ou psy­chose ins­tal­lée ? Impos­si­ble de répon­dre, sou­li­gne Michel Dubec puisqu’il n’a pas ren­con­tré l’accu­sée. Ce thème sera évo­qué demain.

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D’abord, fran­che­ment, c’est à la limite du lisi­ble (pire que ce billet). Au milieu de tou­tes ces infor­ma­tions qui se suc­cè­dent qua­si­ment minute par minute, on s’y perd un peu.
Le ton, par­fois péda­go­gue, par­fois pédant, qui anime le plus sou­vent les dépo­si­tions d’expert et per­met d’évi­ter le coup de pompe fatal en audience, man­que pour s’accro­cher à ce qui n’est pas un ver­ba­tim (cha­cun des deux jour­na­lis­tes qui a par­ti­cipé à ce tra­vail iné­dit a insisté là des­sus) mais une retrans­crip­tion, qui con­duit néces­sai­re­ment à sim­pli­fier, qui peut lais­ser place à des con­tre­sens (et je ne dis pas que ça a été le cas en l’espèce).
Sur les retrans­crip­tions des moments plus char­gés en émo­tion (essen­tiel­le­ment les autres jours du pro­cès), comme les inter­ro­ga­toi­res de l’accu­sée, les deux jour­na­lis­tes ont indi­qué avoir tenté de sou­li­gner les silen­ces, les pleurs, les hési­ta­tions.

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La Nou­velle Répu­bli­que a jus­ti­fié son ini­tia­tive en sou­li­gnant que cha­que jour un public nom­breux se pres­sait au tri­bu­nal et ne pou­vait accé­der à la salle d’audience faute de place (rap­pe­lons que la moi­tié des pla­ces étaient occu­pées par des jour­na­lis­tes…).
Il est vrai que le pro­cédé adopté per­met au plus grand nom­bre (35000 con­nexions sur l’ensem­ble du pro­cès, dont 6000 le jour du ver­dict) de savoir à peu près exac­te­ment ce qui a été dit, avec le fil­tre d’un tra­vail jour­na­lis­ti­que ainsi décrit par Jean-Chris­to­phe Solon au Monde : “Dès qu’on tape une phrase, elle est en ligne. On n’est pas dans l’ana­lyse, c’est du brut, mais on fil­tre tout de même comme on le ferait sur le papier. Par exem­ple, lors­que c’est trop intime, que ça tou­che les enfants, ou que l’on décrit l’hys­té­rec­to­mie subie par Véro­ni­que Cour­jault, parce que ça n’apporte rien au débat. On met seu­le­ment les temps forts.”.
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+Mais ce qui se dit au cours d’un pro­cès, c’est un tout. Une vérité se tisse au fil des audien­ces, des réso­nan­ces ou des con­tra­dic­tions appa­rais­sent avec ce qu’a dit un autre témoin la veille.
+C’est d’ailleurs une autre objec­tion majeure que l’on peut à mon sens faire au live blog­ging d’un pro­cès, par­ti­cu­liè­re­ment aux Assi­ses : cela bat en brè­che une règle de pro­cé­dure impor­tante, selon laquelle les témoins ne peu­vent pas assis­ter à l’audience tant qu’ils n’ont pas témoi­gné. Ils patien­tent, le jour de leur con­vo­ca­tion, dans une salle spé­ciale et un huis­sier vient les y cher­cher sur ins­truc­tion du Pré­si­dent. La pro­cé­dure d’assi­ses repose sur l’ora­lité des débats, sur le fait que cha­cun vient à nou­veau por­ter son témoi­gnage devant la Cour, de façon sépa­rée pour en pré­ser­ver la sin­cé­rité. Si cha­que témoin peut lire ce que les autres ont dit la veille ou dans l’heure qui pré­cède, cela peut dans cer­tains dos­siers poser un vrai pro­blème… +
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+Au menu du jour, l’arti­cle d’Isa­belle Hor­lans dans France Soir et celui de Sté­phane Durand-Souf­fland dans le Figaro, tous deux vieux rou­tiers de la chro­ni­que judi­ciaire[9]. +Dans leurs arti­cles inti­tu­lés res­pec­ti­ve­ment “Un psy­chia­tre et un gyné­co­lo­gue décryp­tent le mys­tère Cour­jault” et “Véro­ni­que Cour­jault mar­que des points”, ils retien­nent de cette jour­née les audi­tions de Michel Dubec[10] et Israël Nisand[11], qui sem­blent se com­plé­ter pour expli­quer les ver­sants psy­chi­que et phy­si­que du “déni de gros­sesse”.
Les deux jour­na­lis­tes poin­tent l’impor­tance de ces audi­tions dans la com­pré­hen­sion des faits repro­chés à l’accusé, voire la place essen­tielle qu’elles peu­vent avoir pour sa ligne de défense. L’arti­cle de Sté­phane Durand-Souf­fland met par­ti­cu­liè­re­ment en lumière les échos que le tableau cli­ni­que décrit par les deux experts peut avoir avec tout ce qui a été dit les jours pré­cé­dents sur l’accu­sée et sa famille.

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Bref, de la chro­ni­que judi­ciaire “à l’ancienne” (ça n’a rien de péjo­ra­tif, au con­traire), avec ce qu’il faut d’impres­sions d’audience ima­gées (“L’accu­sée, blouse fleu­rie sous gilet rose, che­ve­lure lâche sur les épau­les, sem­ble enre­gis­trer cha­que parole, la décor­ti­quer et l’appli­quer tel un baume sur son désar­roi mal exprimé.” sous la plume d’Isa­belle Hor­lans) et de mise en pers­pec­tive par rap­port aux enjeux du pro­cès ( “Quoi qu’il en soit, le pro­cès de Véro­ni­que Cour­jault a connu, lundi, un tour­nant. La cour enten­dra mardi matin, à la veille du ver­dict, les deux col­lè­ges de psy­chia­tres qui, eux, ont exa­miné l’accu­sée. Aucun n’a con­clu qu’elle souf­frait d’un déni de gros­sesse pro­pre­ment dit. Seul le second envi­sage une rela­tive alté­ra­tion de son dis­cer­ne­ment au moment des accou­che­ments déna­tu­rés qui ont entraîné la mort des nour­ris­sons. Qui a rai­son ? Ques­tion sub­si­diaire : com­ment ren­dre jus­tice aux bébés morts, sans acca­bler plus encore deux gar­çons, bien vivants, atten­dant le retour d’une mère qui les a tou­jours ado­rés ?” en con­clu­sion pour Sté­phane Durand-Souf­fland).

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Au final, sur 8 per­son­nes enten­dues pen­dant la jour­née, 6 sont pas­sées à la trappe de la mou­li­nette jour­na­lis­ti­que, soit (j’ai compté grâce au live blog­ging !) 6 heu­res et 15 minu­tes d’audien­ces per­dues dans les lim­bes. Evi­dem­ment, le prin­cipe même d’un compte rendu (et du tra­vail jour­na­lis­ti­que), c’est de rete­nir la sub­stan­ti­fi­que moelle de ce qui a été dit, de faire un tri pour rete­nir le plus signi­fiant, le plus impor­tant. Pour­tant, aucun des deux experts (mani­fes­te­ment brillants et péda­go­gues ora­teurs) abon­dam­ment cités par les chro­ni­queurs n’a même ren­con­tré Véro­ni­que Cour­jault et n’a donc pu par­ler d’elle pré­ci­sé­ment. Et mal­gré tout, on a bien le sen­ti­ment que c’est ce qui a été au coeur de l’audience qui est là repris.

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L’art de la chro­ni­que judi­ciaire, c’est aussi de savoir relayer, en leur don­nant chair, les moments impor­tants de l’audience. Mais impor­tants de quel point de vue ? Peut-être pas de celui de l’ins­ti­tu­tion judi­ciaire, pour qui l’essen­tiel n’est pas uni­que­ment de com­pren­dre ce qu’est le déni de gros­sesse, mais de savoir si l’accu­sée était dans ce cas et dans quelle mesure cela peut atté­nuer sa res­pon­sa­bi­lité et influer sur la peine qui sera pro­non­cée. D’où l’inté­rêt, pour la Cour et les jurés d’avoir, eux, eu con­nais­sance des con­clu­sions des autres experts. +
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+Les jour­naux de 20 heu­res de TFI et France 2 ont traité de cette jour­née.
+Sur TF1, c’est le neu­vième sujet du jour­nal de Lau­rence Fer­rari. Signé de Domi­ni­que Lagrou-Sem­père, il con­siste pour la plus grande part dans une inter­view du frère de l’accu­sée, avec une men­tion des élé­ments appor­tés par les experts du jour sur le déni de gros­sesse et une con­clu­sion d’une tren­taine de secon­des de la jour­na­liste (fil­mée devant le Palais de Jus­tice) sur le man­que de réponse à la ques­tion cen­trale du pro­cès “Pour­quoi l’infan­ti­cide ? “.
+Sur France 2, David Puja­das lance le sujet au bout de 20’21” et laisse place (en dou­zième posi­tion) au repor­tage très clas­si­que de Domi­ni­que Ver­deil­han, spé­cia­liste judi­ciaire de la chaîne[12]. Lui aussi retient les témoi­gna­ges de Michel Dubec et Israël Nisand, qu’il évo­que sur fond d’ima­ges des inté­res­sés hors de la salle d’audience, avec la courte (et tra­di­tion­nelle) inter­view du témoin vedette entouré de camé­ras et de micros dans la salle des pas per­dus. La con­clu­sion est elle aussi un pas­sage obligé : après une courte image d’un des­sin d’audience repré­sen­tant l’accu­sée, le jour­na­liste est filmé devant le Palais de Jus­tice et résume les enjeux du pro­cès du jour, en rap­pe­lant les décla­ra­tions anté­rieu­res de l’accu­sée.

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C’est la loi du genre judi­ciaire télé­vi­suel : com­ment ren­dre compte de ce dont on n’a pas le droit de faire des ima­ges ? En fai­sant des ima­ges “autour”. Qui­con­que a eu la dou­teuse chance de pas­ser dans un tri­bu­nal lors d’un pro­cès média­tisé a vu les camé­ras et micros plan­tés à l’exté­rieur de la salle d’audience, atten­dant qu’une sus­pen­sion leur livre leur con­tent de décla­ra­tions des uns ou des autres.
Les comp­tes ren­dus d’audience sont aussi géné­ra­le­ment l’occa­sion d’admi­rer l’archi­tec­ture judi­ciaire fran­çaise, tant les Palais sont sou­vent fil­més sous toute les cou­tu­res pour occu­per l’image pen­dant que le jour­na­liste aborde le fond dans son com­men­taire.
TF1 a ici pu chan­ger un peu l’ordi­naire avec son inter­view, cer­tai­ne­ment émou­vante sur un plan humain, mais qui n’apprend pas grand chose sur le dérou­le­ment de l’audience. Comme on n’a pas pu avoir in vivo l’audi­tion des mem­bres de la famille de l’accu­sée, on la repro­duit in vitro.
+Le for­mat court des repor­ta­ges (moins de deux minu­tes) ne per­met pas non plus de faire dans la den­telle, et ce sont les for­mu­les les plus for­tes qui demeu­rent. Mais ça n’est évi­dem­ment pas spé­ci­fi­que au genre judi­ciaire. +
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+Dans cette caté­go­rie qui n’en est peut être pas vrai­ment une, je range les médias qui n’ont d’exis­tence que sur inter­net. Comme la presse plus tra­di­tion­nelle, ils ont cha­cun leur ligne édi­to­riale et des façons de tra­vailler assez dif­fé­ren­tes. Je ne cher­che donc pas à com­pa­rer les deux que j’ai rete­nus, le but étant sur­tout de voir si le web peut avoir une spé­ci­fi­cité dans le trai­te­ment de l’audience. J’ai cher­ché les con­te­nus autres que la tra­di­tion­nelle resu­cée de la dépê­che AFP.

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Le post.fr est un site d’actua­lité, ali­menté tant par une rédac­tion que par les inter­nau­tes. On y trouve donc des cho­ses très diver­ses.
+L’info mise en ligne par la rédac­tion sur cette 5ème jour­née du pro­cès est une sorte de (très brève) syn­thèse (assu­mée) d’autres médias, avec des liens vers le site de RMC et le live blog­ging de la NRCO, en repre­nant la ques­tion des diver­gen­ces des experts. Comme quoi on peut ren­dre compte d’une audience à laquelle on n’a pas assisté (bien ou mal, c’est une autre ques­tion).
+Le Post met aussi en ligne une “info brute”, c’est à dire écrite par un “pos­teur” (ces infos bru­tes ne sont pas véri­fiées par la rédac­tion et n’enga­gent que l’opi­nion de leurs auteurs”), inti­tu­lée “Affaire Cour­jault : la dépo­si­tion d’un expert du déni de gros­sesse”. Son auteur y relate la dépo­si­tion d’Israël Nisand (censé être neu­tre puisqu’il n’a jamais ren­con­tré l’accu­sée), et dont on croit pou­voir com­pren­dre qu’elle y a assisté ou qu’en tout cas elle fait “comme si”[13], puis s’adresse “à tou­tes les mères”, leur deman­dant d’ima­gi­ner “un seul ins­tant une gros­sesse igno­rée” et con­clut sur l’inu­ti­lité d’une peine de pri­son et la néces­sité d’une obli­ga­tion de soins. +Je m’inter­roge sur le sta­tut de ce que le Post qua­li­fie d‘“info”, brute cer­tes mais “info” quand même.

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Dans un regis­tre très dif­fé­rent, Slate.fr “a pour ambi­tion de deve­nir l’un des prin­ci­paux lieux en France d’ana­ly­ses et de débats dans les domai­nes poli­ti­ques, éco­no­mi­ques, sociaux, tech­no­lo­gi­ques et cul­tu­rels”. Il met en ligne des arti­cles écrits par la rédac­tion, des chro­ni­ques d’auteurs régu­liers et des tra­duc­tions d’arti­cles de son “grand frère” amé­ri­cain slate.com.
C’est Jean-Yves Nau qui a “cou­vert” le pro­cès de Tours par des billets (que j’appelle ainsi plu­tôt qu’arti­cles parce que j’ai eu l’impres­sion d’un trai­te­ment plus pro­che du blog) quo­ti­diens. Il a publié, les 15 et 16 juin, deux billets con­sa­crés à la cin­quième jour­née d’audience.
+Le pre­mier est con­sa­cré à la mati­née et aux experts que tout le monde a oubliés et dont il pointe le jar­gon et le man­que de clarté. Il raconte dans la lon­gueur cer­tains moments d’audience, comme le dia­lo­gue entre Me Henri Leclerc et l’une des experts (à laquelle il taille un vrai cos­tard).
C’est sans doute sa for­ma­tion de méde­cin qui a con­duit Jean-Yves Nau à rete­nir éga­le­ment de cette jour­née d’audience ce qui lui appa­raît comme un rebon­dis­se­ment de l’affaire : le fait que Véro­ni­que Cour­jault n’a pas pu étouf­fer ses enfants, en tout cas selon les expli­ca­tions don­nées par Israël Nisand. Il mon­tre alors les cou­lis­ses du pro­cès : com­ment, à une sus­pen­sion d’audience, les avo­cats de la défense sont allés deman­der au témoin des éclair­cis­se­ments sur un point briè­ve­ment abordé dans son audi­tion et lui ont ensuite demandé de reve­nir à la barre, où il a expli­qué que le fait d’accou­cher seule entraîne méca­ni­que­ment des manoeu­vres qui peu­vent entraî­ner la mort du nou­veau né, avant même qu’il soit vrai­ment né.
+Le compte rendu ici livré me paraît se rap­pro­cher de ce feuille­ton­nage cher à Pas­cale Robert-Diard, qui ne paraît pos­si­ble que sur inter­net, où les con­train­tes de bou­clage, de ren­dez-vous obligé et d’espace sont moins con­tin­gen­tes que dans les médias tra­di­tion­nels.
La men­tion d’élé­ments per­son­nels à l’auteur, l’emploi de la pre­mière per­sonne ( “Je con­nais le Pr Israël Nisand de lon­gue date du fait, notam­ment, de peti­tes diver­gen­ces sur quel­ques sujets essen­tiels de bioé­thi­que. Durant la sus­pen­sion d’audience je lui rap­pelle que Véro­ni­que Cour­jault avait déclaré que les deux enfants avaient «criés». Il répond qu’il s’agis­sait plus vrai­sem­bla­ble­ment non pas d’un «cri»mais d’un «gasp».”) est aussi inha­bi­tuelle par rap­port à un compte rendu d’audience clas­si­que. +
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+Ce sont les médias locaux qui pro­dui­sent le plus grand nom­bre de compte ren­dus d’audience.
A de nom­breu­ses audien­ces cor­rec­tion­nel­les on peut voir le jour­na­liste local pren­dre des notes et on retrouve dans les colon­nes du quo­ti­dien régio­nal quel­ques lignes sur des affai­res judi­ciai­re­ment assez bana­les. Les affai­res d’Assi­ses sont tou­jours cou­ver­tes.
“Nos” jour­na­lis­tes sont sou­vent de fins con­nais­seurs de “leur” tri­bu­nal, “leurs” experts, “leurs” avo­cats, et du fonc­tion­ne­ment judi­ciaire au quo­ti­dien, comme le mon­trent ici même les com­men­tai­res de Didier Specq.
C’est pour­quoi j’en fais une caté­go­rie à part dans ce petit exer­cice.
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+D’après mes recher­ches (ou disons mon rapide fure­tage sur le toile), la presse quo­ti­dienne locale à Tours se résume essen­tiel­le­ment à la Nou­velle Répu­bli­que qui, outre le quo­ti­dien papier, pos­sède 40% de TV Tours, la chaîne de télé­vi­sion locale. Il y a bien sûr éga­le­ment le bureau local de France 3 qui pro­duit, outre des repor­ta­ges pour les édi­tions de F3 Paris Ile de France Cen­tre, un décro­chage quo­ti­dien.

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Le compte rendu d’audience de la NRCO “papier” (réa­lisé par d’autres jour­na­lis­tes que ceux qui ont fait le live blog­ging, issus de la rédac­tion mul­ti­mé­dia), est assez clas­si­que (le trip­ty­que Dubec/Mari­nou­po­los/Nisand) agré­menté de petits arti­cles sur les à côtés du pro­cès : une ren­con­tre avec des “poin­tu­res” de la chro­ni­que judi­ciaire[14], une brève sur la lon­gue expé­rience du gref­fier de la cour d’assi­ses

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Les repor­ta­ges de TV Tours et de France 3 Val de Loire Tou­raine[15] ont en com­mun, outre le résumé de l’audience et les ima­ges habi­tuel­les de salle d’audience et de salle des pas per­dus, d’avoir donné la parole à un expert local, seule inter­viewée. Les experts “natio­naux” ne sont qu’aper­çus. Un repor­tage de France 3 Ile de France Cen­tre (cli­quer “compte rendu d’audience” à la date du 15 juin dans ce lien) peut lais­ser pen­ser que c’est parce que seuls les médias natio­naux ont pu appro­cher d’assez près les som­mi­tés…

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Dans les médias locaux, on fait (logi­que­ment) plu­tôt dans la proxi­mité : la locale de France 3 est pré­sen­tée devant le Palais de Jus­tice, la média­ti­sa­tion du pro­cès est autant un sujet que le pro­cès lui même. +
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+Avec l’émis­sion Mots Croi­sés dif­fu­sée le 15 juin 2009, on est devant un objet télé­vi­suel très mal iden­ti­fié. +Sur le pla­teau d’Yves Calvi ce soir là : Marie-Pierre Cour­tel­le­mont, grand repor­ter à France 3, “spé­cia­liste” de cette affaire qu’elle suit et sur laquelle elle pré­pare un second livre[16], Daniel Zagury, expert psy­chia­tre, Pierre-Oli­vier Sur, avo­cat péna­liste, Vio­laine-Patri­cia Gal­bert, psy­cho­thé­ra­peute et asses­seur au tri­bu­nal pour enfants de Paris et le témoin vedette de la jour­née, Israël Nisand. Point com­mun à tous ces invi­tés : aucun d’eux n’a ren­con­tré l’accu­sée ou n’a en prin­cipe eu accès au dos­sier.

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Yves Calvi est un réci­di­viste du caram­bo­lage tem­po­rel dans cette affaire[17]. Le 16 octo­bre 2006, quel­ques jours après la mise en exa­men de Véro­ni­que Cour­jault, il avait déjà con­sa­cré une émis­sion au thème “Quand une mère tue ses bébés” (deux des invi­tés du 15 juin y étaient déjà et ont assez peu évo­lué), qui avait été l’occa­sion d’un ramas­sis de spé­cu­la­tions et hypo­thè­ses, voire d’affir­ma­tions péremp­toi­res sur cette affaire alors que l’enquête com­men­çait à peine.

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Tout au long de cette nou­velle émis­sion, il se défend de “refaire le pro­cès”.
Com­pli­qué dans un débat inti­tulé “Bébés con­ge­lés, le pro­cès”, alors même qu’on com­mence par “nous allons essayer d’en savoir un peu plus sur ce pro­cès pas comme les autres” puis qu’on invite les par­ti­ci­pants, après des géné­ra­li­tés très inté­res­san­tes (ce n’est pas iro­ni­que) sur le méca­nisme du déni de gros­sesse, à “s’arrê­ter sur ce qu’on pour­rait appe­ler le cas Cour­jault”(25’35”).
Cha­cun parle de l’audience comme s’il y avait assisté ( Daniel Zagury 15’21”: “ce qu’elle nous dit”, Vio­laine-Patri­cia Gal­bert 28’31”: “le pré­si­dent a bien repris les dif­fé­rents ter­mes des dépo­si­tions”).
On véri­fie qu’on est bien dans les clous (Yves Calvi à Marie-Pierre Cour­tel­le­mont 30’20”: “est ce que les débats au pro­cès tour­nent autour de ce qu’est notre con­ver­sa­tion de ce soir ?”).
On s’inter­roge sur la psy­cho­lo­gie du mari (Yves Calvi 47’41”) “qu’on voit quo­ti­dien­ne­ment venir défen­dre sa femme à la télé”(sic).
Et on ter­mine sur la com­po­si­tion du jury, une pro­po­si­tion de requa­li­fi­ca­tion (Yves Calvi 45’27”: “c’est au mini­mum de la non assis­tance à per­sonne en dan­ger”) et les avis des uns et des autres sur la peine à infli­ger. Sans comp­ter cette perle de la jour­na­liste qui écrit un livre sur cette affaire et qui sou­li­gne à quel point la média­ti­sa­tion de l’affaire est déjà une ter­ri­ble puni­tion pour l’accu­sée. Au final, sur une heure et six minu­tes d’émis­sion, le témoi­gnage d’une femme ayant vécu un déni de gros­sesse était pro­ba­ble­ment le moment le plus utile et inté­res­sant.

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On voit bien les limi­tes inhé­ren­tes à ce type d’émis­sion avant qu’une affaire soit défi­ni­ti­ve­ment jugée. Et plus géné­ra­le­ment la per­sis­tance de cette illu­sion du carac­tère péda­go­gi­que d’un pro­cès en par­ti­cu­lier sur de grands sujets de société. Une affaire cri­mi­nelle est une affaire uni­que. Parce que c’était cet accusé, parce que c’étaient ces cir­cons­tan­ces, par­fois parce que c’était cette vic­time.

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Qu’une affaire judi­ciaire soit une des illus­tra­tions d’un débat de société plus large, très bien, les pré­toi­res sont un des reflets de la société. Qu’elle en soit le point de départ, et il y a pres­que tou­jours mal­donne. Un pro­cès, c’est quand même d’abord fait pour juger une affaire par­ti­cu­lière. Pas pour soi­gner la société ou faire l’édu­ca­tion des fou­les.
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+Avan­tage au blog ?
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+Un bilan peut-il être dressé des com­pa­rai­sons que je viens de faire ? Comme je ne me suis pas tapé tout ça pour rien, je vais m’y employer :

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Le “débat” (qu’il soit télé­visé ou radio­pho­ni­que) me sem­ble une impasse, parce qu’il ne peut que repro­duire le méca­nisme du pro­cès.
Un asi­naute ne s’y est d’ailleurs pas trompé : “Et sou­dain, le déroulé de l’émis­sion saute aux yeux, c’est celui d’un pro­cès: per­son­na­lité de l’accu­sée, dis­cus­sion pro et con­tra sur les faits et leur qua­li­fi­ca­tion, inter­pré­ta­tion des actes de l’accu­sée, énoncé de la peine”.
Il me sem­ble en tout cas néces­saire qu’il y ait un déca­lage dans le temps et une forme plus docu­men­taire, comme l’émis­sion Fai­tes entrer l’accusé (dont on peut d’ailleurs sup­po­ser que le numéro con­sa­cré à cette affaire est déjà sur les rails).

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Le compte rendu télé­visé souf­fre de ne pas pou­voir mon­trer ce dont il parle et tente de refaire une par­tie de l’audience à l’exté­rieur de la salle en inter­ro­geant les témoins, les vic­ti­mes ou les avo­cats.
Et s’il était pos­si­ble d’avoir des ima­ges de l’audience, il me sem­ble que le ris­que serait mas­sif de ne rete­nir que le moment fort, l’ins­tant lacry­mal, le témoi­gnage scan­da­leux.
Une audience, c’est la vérité toute nue, par­fois toute crue. Tout dans un pro­cès n’est d’ailleurs pas livré aux spec­ta­teurs qui sont dans la salle, quand par exem­ple le pré­si­dent fait pas­ser aux asses­seurs et aux jurés des pho­tos (clas­si­que­ment cel­les de l’autop­sie) ou un docu­ment tiré du dos­sier. S’il est légi­time que toute la réa­lité, si dure soit-elle, soit expo­sée à ceux qui vont juger de l’affaire, l’affi­cher telle quelle, par petit bout, sur les écrans du 20 heu­res serait à mon sens d’une grande vio­lence.

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Le live blog­ging n’apporte aucune ana­lyse. Il peut être un outil pour qui veut sui­vre une audience dans la lon­gueur, mais il pâtit du man­que de cette mise en relief qui résulte de l’ora­lité des débats : le ton, la vitesse d’élo­cu­tion qui change, les silen­ces, les regards, les réac­tions de l’accusé ou des avo­cats, la par­tie civile qui quitte la salle parce que les paro­les de l’accusé sont insou­te­na­bles, bref, tout ce qui fait la vie d’une audience.
Le pro­cédé va cer­tai­ne­ment se déve­lop­per (on l’annonce déjà pour le pro­cès Clears­tream) et évo­luera peut être vers quel­que chose de plus éla­boré, comme l’a fait la Dépê­che du Midi pour le pro­cès AZF, avec un blog assez pro­che d’une retrans­crip­tion ver­ba­tim (en appa­rence) mais d’une lec­ture plus aisée (un billet par audi­tion ou plai­doi­rie, intro­duit par une ou deux phra­ses résu­mant de qui il s’agit) et sur une affaire avec des aspects tech­ni­ques qui se prê­tent peut être mieux à l’exer­cice.

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C’est fina­le­ment le compte rendu écrit, qu’il émane de la presse “tra­di­tion­nelle” ou d’inter­net, qui me paraît le plus adapté aux audien­ces. Le temps néces­saire à l’écri­ture, la dis­tance émo­tion­nelle que per­met l’écrit (par rap­port à un extrait audio-visuel d’une dépo­si­tion) cou­plée à la pos­si­bi­lité de faire vivre l’audience par le talent du jour­na­liste, et même l’illus­tra­tion quasi-obli­gée par un des­sin d’audience qui fait éga­le­ment fil­tre par rap­port à une image “réelle”, tout cela me paraît impo­ser le recul indis­pen­sa­ble au tra­vail du chro­ni­queur judi­ciaire qui, pour repren­dre la for­mule de Paul Lefè­vre dans la Ligne j@une, “n’est pas de dire ce qu’il se passe mais de dire ce que signi­fie ce qu’il se passe”. C’est évi­dem­ment un aspect essen­tiel du tra­vail jour­na­lis­ti­que en toute matière, mais cela me sem­ble par­ti­cu­liè­re­ment indis­pen­sa­ble dans un uni­vers aussi codé que celui de la jus­tice.

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Enfin, il me sem­ble qu’Inter­net, et notam­ment le for­mat blog, apporte un plus. Ce média peut, quand il est uti­lisé avec talent et déon­to­lo­gie, avoir les ver­tus de l’écrit en étant moins sou­mis aux con­train­tes de lon­gueur ou de fré­quence du papier. Une con­di­tion essen­tielle, et dif­fi­cile à rem­plir avec le web, est cepen­dant d’affi­cher clai­re­ment la cou­leur pour savoir qui écrit et de quelle place (ça non plus ça n’est pas pro­pre au genre judi­ciaire), infor­ma­tion qu’on a impli­ci­te­ment quand on ouvre tel jour­nal papier ou qu’on bran­che telle chaîne de télé­vi­sion. +
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+A quand les rac­cords de maquillage aux sus­pen­sions d’audience ? +
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+Alors que le pro­cès se fait à la télé­vi­sion, que les paro­les pro­non­cées à l’audience s’ins­cri­vent sur nos écrans qua­si­ment en temps réel, qu’est ce qui jus­ti­fie encore le ban­nis­se­ment des camé­ras des sal­les d’audience et l’inter­dic­tion de la retrans­mis­sion des pro­cès ?

+ + +

D’autant qu’on est en train de fran­chir un nou­veau pas, puis­que des docu­men­ta­ris­tes pré­pa­re­raient des recons­ti­tu­tions de pro­cès. Et devi­nez pour quelle affaire on va expé­ri­men­ter le pro­cédé ?

+ + +

Le débat sur la pos­si­bi­lité de fil­mer les audien­ces va bien au delà de la ques­tion du maté­riau qui peut être à la dis­po­si­tion des jour­na­lis­tes pour trai­ter d’une affaire. On évo­que ainsi sou­vent le droit pour les citoyens à voir (et donc con­trô­ler) com­ment la jus­tice est ren­due en leur nom, et le fait que la cap­ta­tion et la dif­fu­sion des pro­cès ne serait fina­le­ment qu’un chan­ge­ment d’échelle par rap­port à une chro­ni­que judi­ciaire “papier”.

+ + +

Une com­mis­sion avait été réu­nie en 2003 pour pro­po­ser des solu­tions, sous la pré­si­dence de Mme Lin­den, pre­mière pré­si­dente de la Cour d’appel d’Angers. Son rap­port, soi­gneu­se­ment enterré depuis, pro­po­sait des solu­tions réflé­chies et équi­li­brées et posait, bien mieux que je ne sau­rais le faire syn­thé­ti­que­ment à l’issue de ce déjà très long billet, les enjeux majeurs de l’entrée des camé­ras dans le pré­toire. +Je vou­drais pour con­clure en extraire ces lignes, mises en exer­gue de la con­tri­bu­tion de Pierre Rancé à cette com­mis­sion :

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“La Jus­tice n’a pas à se pro­je­ter pour prou­ver qu‘elle n’a rien à cacher. C’est au citoyen de venir cons­ta­ter que la Jus­tice ne lui cache rien. Il ne sau­rait entrer dans les pré­vi­sions des codes de pro­cé­du­res civile et pénale d’assu­rer une publi­cité média­ti­que, voire com­mer­ciale, aux audien­ces. Si les por­tes du pro­cès res­tent ouver­tes, c’est afin que cha­cun puisse attes­ter que le dérou­le­ment de l’audience est trans­pa­rent et que le prin­cipe du con­tra­dic­toire est res­pecté. La mise sur la place publi­que du pro­cès est le con­traire de la publi­cité de l’audience.”.

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Notes

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[1] eh oui, c’est réservé aux abon­nés. C’est pas pour faire de la pub (pas de pub chez Eolas), mais fran­che­ment 30 euros par an ça vaut le coût… Pour s’abon­ner c’est

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[2] pour les plus moti­vés, les comp­tes rendu des audien­ces du CSM rela­ti­ves à Fabrice Bur­gaud, écrit par Sté­phane Arteta, sont par­ti­cu­liè­re­ment inté­res­sants, par exem­ple

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[3] bien que des comp­tes ren­dus d’audience aient été faits sur le pro­cès de Yous­souf Fofana et ses com­par­ses, notam­ment sur le blog d’Elsa Vigou­reux

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[4] sauf si le mineur, devenu majeur le jour du pro­cès, demande la publi­cité des débats

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[5] notons que c’est sur “inter­pel­la­tion” (pour ne pas dire dénon­cia­tion) d’un jour­na­liste de radio que la Chan­cel­le­rie a été ame­née à pren­dre posi­tion sur cette ques­tion

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[6] voir sur cela cet inté­res­sant repor­tage du club de la Presse du Val de Loire

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[7] celle là est en accès libre, mais ça n’empê­che pas de s’abon­ner

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[8] et cer­tai­ne­ment pas pour le fond du dos­sier, qui n’est pas très dif­fé­rent de celui de beau­coup de dos­siers d’infan­ti­ci­des ins­truits et jugés cha­que année par les juri­dic­tions fran­çai­ses

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[9] Sté­phane Durand-Souf­fland est par ailleurs pré­si­dent de l’asso­cia­tion de la presse judi­ciaire

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[10] expert psy­chia­tre qui a publié en 1992 un ouvrage de réfé­rence sur les infan­ti­ci­des, cité par l’avo­cat géné­ral

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[11] gyné­co­lo­gue-obs­té­tri­cien, expert, qui a lui aussi publié un ouvrage sur le sujet, cité par la défense

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[12] repor­tage que vous ne pour­rez voir car, à l’heure où je fais les ulti­mes cor­rec­tions, il n’est plus en ligne. Heu­reu­se­ment, je me le suis infusé plu­sieurs fois, il va fal­loir me faire con­fiance pour le résumé…

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[13] elle évo­que “D’un côté, dans le box des accu­sés, une femme que je me gar­de­rais bien de juger, accu­sée d’infan­ti­cide, de l’autre le pro­fes­seur Israël Nisand, spé­cia­liste fran­çais du déni de gros­sesse.”

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[14] on peut aussi pen­ser que faire ainsi inter­ve­nir des tiers qui par­ta­geaient un avis pour le moins cri­ti­que sur la con­duite de l’audience par le pré­si­dent a per­mis aux jour­na­lis­tes locaux de ne pas se mon­trer eux mêmes fron­ta­le­ment cri­ti­ques envers le pré­si­dent qu’ils croi­sent à cha­que ses­sion

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[15] même pro­blème que pour le 20 h de France 2

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[16] en fait, le temps que je cor­rige, relise, recor­rige et rere­lise ce billet, elle a eu le temps de le publier

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[17] et pas que dans cette affaire, puisqu’il a notam­ment con­sa­cré une émis­sion au pro­cès Fofana quinze jours après le début des audien­ces, en pré­sence notam­ment de deux des avo­cats con­cer­nés

+-------------------------------- +Title: Un mot du proprio +Link: http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/Un-mot-du-proprio +Date: Thu Jul 23 00:05:00 UTC 2009 +Creator: Eolas +Subject: +Content: +

Je pars quel­ques jours en vacan­ces bien méri­tées au soleil.

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N’atten­dez donc pas de billet de ma part avant une quin­zaine de jours. Je laisse les clés aux colocs.

+ + +

Soyez sages.

+-------------------------------- +Title: Comment prévoir ce que le juge va décider ? +Link: http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/22/Le-juge-est-il-tenu-par-ses-promesses +Date: Wed Jul 22 14:43:00 UTC 2009 +Creator: Paxatagore +Subject: +Content: +

Par Paxa­ta­gore

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Aux Etats-Unis, les juges fédé­raux sont nom­més par le pré­si­dent des Etats-Unis, à vie. Comme tout un paquet de hauts res­pon­sa­bles, la déci­sion du Pré­si­dent doit être con­fir­mée par le Sénat. Le Sénat donne son accord après une audi­tion, plus ou moins lon­gue, de l’impé­trant par le comité judi­ciaire du Sénat. A cette occa­sion, on dis­cute de ses con­cep­tions juri­di­ques et, for­cé­ment, poli­ti­que, de ses pré­cé­den­tes déci­sions (s’il était déjà juge) ou de ce qu’il pense de tel­les ou tel­les déci­sions impor­tan­tes. C’est un exer­cice déli­cat, par­fois long, et le can­di­dat a pour objec­tif d’évi­ter de se lier les mains tout en se met­tant le moins de monde à dos. Cer­tains ne pas­sent pas la barre et sont désa­voués par le Sénat. Notre hôte a plu­sieurs fois évo­qué, ces der­niers jour, la pro­cé­dure de nomi­na­tion, tou­jours en cours, de Mme Sonia Sot­to­mayor, comme jus­tice à la cour suprême.

+ + +

Pour autant, il faut bien avoir à l’esprit que ce que le can­di­dat-juge peut dire pen­dant ces audi­tions n’a stric­te­ment aucune valeur juri­di­que. Il peut don­ner son avis sur plein de ques­tions, y com­pris la meilleure façon de cui­si­ner les petits pois, on ne pourra pas par la suite le révo­quer parce que les déci­sions qu’il rend ne sont pas con­for­mes à ce qu’on atten­dait de lui. C’est l’une des gran­des limi­tes de l’exer­cice. Cette chro­ni­que recense plu­sieurs cas, fameux, dans l’his­toire amé­ri­caine, où des can­di­dats choi­sis en fonc­tion des con­vic­tions qu’on leur sup­po­sait, se sont révé­lés avec le temps bien dif­fé­rents. Le cas le plus récent est celui de David Sou­ter, nommé par les Répu­bli­cains et qui fai­sait alors pro­fes­sion de foi d’ori­gi­na­lisme (une doc­trine en vogue aux Etats-Unis qui veut qu’on ne doive inter­pré­ter la Cons­ti­tu­tion que con­for­mé­ment à ce que ses auteurs ont ou auraient voulu dire) et qui s’est révélé être en fait beau­coup plus libé­ral (c’est-à-dire, dans le voca­bu­laire poli­ti­que amé­ri­cain et avec plein d’approxi­ma­tion : de gau­che).

+ + +

C’est tout le sel de ces audi­tions devant le Sénat : son­der le can­di­dat, sa pro­fon­deur, sa soli­dité, pour être à peu près cer­tain des déci­sions qu’il va ren­dre.

+ + +

On pour­rait tou­te­fois s’inter­ro­ger sur la légi­ti­mité de ce pro­cédé. Après tout, nous autres Fran­çais, nous n’avons aucune pro­cé­dure de cet ordre. Les can­di­dats à la magis­tra­ture sont inter­ro­gés sur leurs com­pé­ten­ces juri­di­ques par le biais de con­cours, qui sont cor­ri­gés par d’autres magis­trats : à aucun moment le pou­voir légis­la­tif n’inter­vient dans la sélec­tion des juges (il faut noter du reste qu’il y a trop de juges en France pour qu’il puisse réel­le­ment pro­cé­der à un con­trôle). Il en va de même pour les con­seillers d’Etat, issus de l’ENA ou nom­més direc­te­ment par le gou­ver­ne­ment, ou encore des mem­bres du con­seil cons­ti­tu­tion­nel ou des magis­trats de la cour des comp­tes.

+ + +

Pour­tant, ce pro­cédé me paraît tout à fait légi­time. Les déci­sions qu’un juge va ren­dre ont des réper­cus­sions impor­tan­tes, sur les par­ties au pro­cès évi­dem­ment mais plus géné­ra­le­ment sur l’ensem­ble de la société (du moins, de temps en temps). Il est légi­time de la part de la repré­sen­ta­tion natio­nale d’avoir une petite idée de l’état d’esprit de celui ou de ceux qui vont ren­dre cette déci­sion. Les par­ties elles-mêmes peu­vent sou­hai­ter savoir “à quelle sauce” elles vont être jugées, ne serait-ce que pour adap­ter leur argu­men­ta­tion en con­sé­quence. La pré­vi­si­bi­lité d’une déci­sion de jus­tice est un élé­ment essen­tiel dans un Etat de droit : cha­cun doit pou­voir rai­son­na­ble­ment pou­voir con­naî­tre l’éten­due de ses droits et de ses obli­ga­tions.

+ + +

Il me sem­ble que le sys­tème amé­ri­cain accepte par­fai­te­ment le fait que le juge a des pré­sup­po­sés, de tous ordres et en tire les con­sé­quen­ces : il faut mieux con­naî­tre les pré­sup­po­sés du juge, pour pou­voir les com­bat­tre uti­le­ment le cas échéant. (Il faut pren­dre le terme “pré­sup­po­sés” au sens large : ce peut être des pré­ju­gés ,au sens où l’on entend habi­tuel­le­ment ce mot, mais aussi une opi­nion sur une loi, une pra­ti­que juri­di­que, des habi­tu­des…).

+ + +

Com­ment fait le sys­tème fran­çais ? Il tend lar­ge­ment à igno­rer les pré­sup­po­sés du juge, du moins en public. La for­ma­tion des juges n’ignore pas ce point : à l’ENM, on est sen­si­bi­lisé à ce dan­ger et on est invité à le com­bat­tre. On appelle le juge à être son pro­pre garant, ce qui n’est pas vrai­ment satis­fai­sant. On cher­che ainsi à obte­nir des juges qui sont plu­tôt “neu­tres”. De la même façon, une bonne par­tie des pré­sup­po­sés de cha­que juge lui vien­nent de son appar­te­nance à la magis­tra­ture : la for­ma­tion et la coha­bi­ta­tion avec les autres col­lè­gues amè­nent les juges à par­ta­ger un cer­tain nom­bre de réflexes com­muns (dans une cer­taine mesure évi­dem­ment). C’est une façon comme une autre d’assu­rer une cer­taine pré­vi­si­bi­lité des déci­sions.

+ + +

Il est frap­pant de voir à cet égard que le monde poli­ti­que ignore tota­le­ment cette ques­tion, qui pour­tant expli­que lar­ge­ment le cli­vage impor­tant exis­tant entre le monde poli­ti­que et le monde judi­ciaire. Peut-être devrait-on ins­tau­rer un sys­tème simi­laire à celui des Amé­ri­cains ? Nos juges y gagne­raient peut être en légi­ti­mité, les hom­mes poli­ti­ques seraient con­duits aussi à s’inter­ro­ger sur ce qu’ils atten­dent d’un bon juge… Tou­tes sor­tes de réflexions qui font actuel­le­ment défaut chez nous.

+-------------------------------- +Title: Délit de solidarité : Éric Besson marque un point +Link: http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/22/D%C3%A9lit-de-solidarit%C3%A9-%3A-%C3%89ric-Besson-marque-un-point +Date: Wed Jul 22 14:07:00 UTC 2009 +Creator: Eolas +Subject: +Content: +

Le tri­bu­nal cor­rec­tion­nel de Rodez a relaxé aujourd’hui le Gui­néen pour­suivi pour avoir hébergé un com­pa­triote.

+ + +

Éric Bes­son va pou­voir se pava­ner en disant qu’il avait rai­son, que ce délit n’existe pas puis­que la jus­tice a relaxé. Après avoir dit en son temps que cette affaire était plus large qu’une sim­ple aide au séjour, ce qui était faux, comme d’habi­tude.

+ + +

Je n’ai pas les atten­dus du juge­ment, mais il sem­ble­rait (atten­tion, je sup­pute beau­coup) que la relaxe soit due au fait que l’étran­ger hébergé était en ins­tance de régu­la­ri­sa­tion, puisqu’il a eu sa carte de séjour le 22 juin (source : La Dépê­che).

+ + +

Le tri­bu­nal a pu esti­mer que la carte de séjour n’était pas créa­trice de droit mais cons­ta­tait un droit au séjour pré-exis­tant, qu’elle ne fait que maté­ria­li­ser (en droit, on dit qu’elle est décla­ra­tive et non cons­ti­tu­tive). Le rai­son­ne­ment se tient s’il s’agit d’une carte vie pri­vée et fami­liale (art. L.313-11 du CESEDA).

+ + +

Dès lors, le fait que le Gui­néen n’ait pas eu de carte ne carac­té­ri­sait pas le séjour irré­gu­lier mais n’était que la con­sé­quence des délais de déli­vrance du titre.

+ + +

Rap­pe­lons que le par­quet avait requis 5 mois de pri­son avec sur­sis.

+-------------------------------- +Title: Le Général Sabroclère +Link: http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/22/Le-G%C3%A9n%C3%A9ral-Sabrocl%C3%A8re +Date: Wed Jul 22 12:31:00 UTC 2009 +Creator: Eolas +Subject: +Content: +

Il était une fois en Répu­bli­que Bold­zare un géné­ral, le géné­ral Sabro­clère, qui arriva au pou­voir en pro­met­tant de faire de l’armée de son pays sa pre­mière prio­rité, car comme tout homme poli­ti­que, il n’avait que des prio­ri­tés, ce qui l’obli­geait à les numé­ro­ter pour dis­tin­guer tou­tes ces cho­ses qui pas­sent en pre­mier.

+ + +

Sa pre­mière idée fut de rem­plir les caser­nes. Il demanda à ses ser­gents recru­teurs de faire un effort sur la cons­crip­tion, sur­tout auprès des jeu­nes, et fit voter une loi qui déci­dait que ceux qui avaient déjà fait leur ser­vice seraient obli­gés d’en faire un autre plus long, de plu­sieurs années au mini­mum.

+ + +

Très vite, l’État major lui signala que les caser­nes étaient déjà plei­nes, et plu­tôt vétus­tes. De plus, il n’y pas assez d’adju­dants pour s’occu­per de ces recrues, ni assez d’armes pour les équi­per, puis­que le Géné­ral Sabro­clère avait repris à son compte la tra­di­tion de ne jamais accor­der un Dra­zi­bule (la mon­naie bold­zare) de plus au bud­get de l’armée ; car une armée trop puis­sante pour­rait fomen­ter des coups d’État.

+ + +

À toute demande de Dra­zi­bu­les, le grand Chan­ce­lier répon­dait : « Ce n’est pas une ques­tion de moyens, mais de méthode », avant de recom­man­der des cais­ses de cham­pa­gne pour son pro­chain cock­tail.

+ + +

« Qu’importe, répon­dit donc le Géné­ral en haus­sant les épau­les dans la plus grande tra­di­tion bold­zare, l’inten­dance sui­vra ».

+ + +

Au bout de quel­ques années, l’Ins­pec­tion Géné­rale des Armés Bold­zare ren­dit un rap­port cons­ta­tant que 82.000 recrues atten­daient encore leur ordre d’incor­po­ra­tion, alors que les caser­nes ne comp­tent que 53.000 lits dans les cham­brées (et déjà, en en fai­sant dor­mir par terre, on arri­vait à incor­po­rer 63.000 recrues, sans comp­ter les 5000 qui fai­saient un ser­vice civil).

+ + +

Cela ren­dit furieux le Géné­ral Sabro­clère qui semonça la Grande Cham­bres des Accla­ma­tions, assem­blée char­gée d’applau­dir le Géné­ral quand il lui en pre­nait l’envie.

+ + +

Devant la Cham­bre des Accla­ma­tions, il déclara de son ton le plus mar­tial :

+ + +

« Com­ment peut-on par­ler d’Armée quand 82.000 recrues atten­dent leur ordre d’incor­po­ra­tion ? »

+ + +

La grande Chan­ce­lière annonça que face à cette situa­tion désas­treuse, elle allait rédi­ger des ins­truc­tions adres­sés aux colo­nels et chefs de corps pour leur indi­quer des bon­nes pra­ti­ques per­met­tant d’incor­po­rer plus de sol­dats, le tout sans ache­ter un seul fusil. Il suf­fi­sait d’ins­crire deux noms par ligne sur les cahiers d’incor­po­ra­tion, de faire dor­mir la moi­tié des sol­dats le jour et l’autre moi­tié la nuit, et de faire en sorte qu’un sol­dat tienne le canon du fusil pour viser tan­dis que le second tien­drait la crosse et serait en charge de pres­ser la queue de détente pour faire feu.

+ + +

Ce fut ce jour là que la Cham­bre des Accla­ma­tions se révolta et face à un tel niveau d’incon­sé­quence, chassa le Géné­ral Sabro­clère en lui lan­çant à la figure les compte-ren­dus de séance reliés en cuir de vachette depuis 1873 à nos jours.

+ + +

Ce conte trouve un écho dans notre actua­lité, avec dans le rôle du Géné­ral Sabro­clère, le pré­si­dent Sar­kozy, dans celui de la grande chan­ce­lière, Madame Alliot-Marie, dans celui de l’armée bold­zare la jus­tice fran­çaise et dans celui de la Cham­bre des Accla­ma­tions se révol­tant… Per­sonne.

+ + +

« Com­ment peut-on par­ler de jus­tice quand il y a 82 000 pei­nes non exé­cu­tées parce qu’il n’y a pas de pla­ces dans les pri­sons ? » Le chif­fre avait été annoncé par Nico­las Sar­kozy, devant le Con­grès de Ver­sailles, le 22 juin. Il est tiré d’un rap­port de l’ins­pec­tion géné­rale des ser­vi­ces judi­ciai­res du mois de mars, que la minis­tre de la jus­tice et des liber­tés, Michèle Alliot-Marie devait dif­fu­ser aux magis­trats, mardi 21 juillet.

+ + +

Face à cette situa­tion, qu’annonce le gou­ver­ne­ment ? Va-t-on recru­ter des juges d’appli­ca­tion des pei­nes, cons­truire des éta­blis­se­ments sup­plé­men­tai­res et réno­ver les tau­dis qui en font office, pour résor­ber un stock tel que si on ne met­tait plus per­sonne ne pri­son, un an ne serait pas suf­fi­sant pour l’absor­ber ?

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Ou bien…

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Mme Alliot-Marie, en rece­vant les chefs de cour, lundi 20 juillet, a indi­qué qu’elle adres­se­rait “une cir­cu­laire recen­sant les bon­nes pra­ti­ques qui peu­vent être mises en œuvre sans délai”.

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Les Bold­za­res ont plus de chance que nous.

+-------------------------------- +Title: Quelques mots sur l'affaire Orelsan +Link: http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/21/Quelques-mots-sur-l-affaire-Orelsan +Date: Mon Jul 20 23:36:00 UTC 2009 +Creator: Eolas +Subject: +Content: +

Ça me déman­­geait depuis quel­­ques mois de par­­ler de cette affaire. Sa nou­­velle jeu­­nesse cha­­ren­­taise m’en four­­nit l’occa­­sion.

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Ainsi, les Tar­­tuf­­fes sont lâchés de nou­­veau, et encore une fois, une liberté fon­­da­­men­­tale est fou­­lée du pied au nom des meilleu­­res cau­­ses. Et vous êtes priés d’applau­­dir.

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Vous ne con­­nais­­sez pro­­ba­­ble­­ment pas Auré­­lien Coten­­tin. C’est un chan­­teur de rap, qui a pris le nom de scène d’Orel­­san. Il a sorti au début de l’année son pre­­mier album, Perdu d’avance.

+

Le rap est une forme d’expres­­sion artis­­ti­­que appa­­rue aux États-Unis au début des années 80, même si ses raci­­nes remon­­tent au blues. Il a évo­­lué avec le temps mais aujourd’hui pri­­vi­­lé­­gie un style décla­­ma­­toire plus que chanté, mais sur un rythme mar­­telé se mariant à une musi­­que où la part belle est faite aux per­­cus­­sions. La musi­­que est véri­­ta­­ble­­ment un sim­­ple sup­­port du texte qui est l’élé­­ment cen­­tral. L’impro­­vi­­sa­­tion est une tech­­ni­­que que se doit de maî­­tri­­ser tout rap­­peur qui se res­­pecte. C’est une musi­­que popu­­laire au sens pre­mier du terme car elle ne néces­­site pas de savoir par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment bien chan­­ter ni jouer d’un ins­­tru­­ment (le rap uti­­lise abon­­dam­­ment des musi­­ques déjà exis­­tan­­tes dont cer­­tai­­nes phra­­ses sont extrai­­tes pour être sam­­plées c’est-à-dire tour­­ner en bou­­cle sur le fond ryth­­mi­­que pour don­­ner à la chan­­son un cachet uni­que.

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Voici trois exem­­ples de chan­­sons repri­­ses dans des chan­­sons de rap, ladite chan­­son la sui­­vant immé­­dia­­te­­ment. Mon­­tez le son, c’est les vacan­­ces. Notez comme les per­cus­sions pren­nent le des­sus dans Walk This Way, par rap­port aux gui­ta­res de la ver­sion rock.

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rap
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L’aspect musi­cal étant secon­daire, ce qui en veut pas dire qu’il est négligé, le rap se con­cen­tre donc sur les paro­les. Oui, le rap, ce sont des chan­sons à texte : cha­que chan­son raconte une his­toire.

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S’agis­sant d’une forme popu­laire très à la mode dans ce qu’on appelle « les ban­lieues » pour ne pas se deman­der ce que c’est exac­te­ment, ces chan­sons racon­tent des his­toi­res de ces quar­tiers dif­fi­ci­les où il fait bon ne pas vivre, avec les mots des per­son­nes y ayant grandi. Et dans les ver­sions se vou­lant les plus dures, on y parle en mots crus dro­gue et vio­lence, on n’y aime pas la police, et on est obsédé par le sexe. Mais tout y est rap­port de force, comme dans la vie quo­ti­dienne de ces vil­les, y com­pris l’amour. Con­fes­ser ses sen­ti­ments, c’est con­fes­ser sa fai­blesse. Alors l’amour y est com­bat, et ven­geance quand il prend fin. Le rap est sexiste, sans nul doute. Mais il n’est, comme tout art, que le reflet de la vie. Et sur­tout, sur­tout, le rap repose sur de la pro­vo­ca­tion. Il faut être le pre­mier à dire les pires cho­ses pour se faire cette répu­ta­tion de mau­vais gar­çon qui seul assu­rera le res­pect et le suc­cès du groupe auprès des “vrais” fans. MC Solaar, s’il fait dan­ser aux Plan­ches, fait rica­ner à Gri­gny.

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Reve­nons-en à Orel­san. Son album con­tient une chan­son qui va faire scan­dale, vous allez aisé­ment com­pren­dre pour­quoi. Elle est inti­tu­lée “Sale Pute”. Le thème est sim­ple : un gar­çon qui aimait une fille décou­vre acci­den­tel­le­ment qu’elle le trompe et l’amour se trans­forme en haine. Sha­kes­peare a traité ce thème dans Othello, sauf que la trom­pe­rie était ima­gi­naire, mais elle abou­tit à la mort. 

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Rien de tel ici, le chan­teur débite une logor­rhée d’impré­ca­tions à l’encon­tre de la belle volage. Les paro­les sont crues, bru­ta­les et vio­len­tes. Vous pou­vez écou­ter ici, vous êtes pré­ve­nus.

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Je recon­nais que ce n’est pas du Ron­sard. Cela dit, une rap­peuse se pré­ten­dant celle visée par la chan­son a mon­tré qu’elle pou­vait répon­dre sur le même regis­tre, ce qui cette fois fait applau­dir les Chien­nes de gar­des. Comme quoi ce n’est pas un pro­blème de mots, mais de camp.

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Je ne sais com­ment un dis­que de rap a atterri sur les pla­ti­nes d’âmes aussi bon­nes que sen­si­bles, mais ce texte a déchaîné des pas­sions. Sur inter­net, chez nom­bre de blogs fémi­nis­tes, avec appel à péti­tion auprès du Prin­temps de Bour­ges, ou Orel­san devait se pro­duire, polé­mi­que reprise par des poli­ti­ques, Chris­tine Alba­nel, minis­tre de la cul­ture, dont on sait l’amour pour la liberté d’expres­sion, Marie-Geor­ges Buf­fet, pre­mier secré­taire du Parti Com­mu­niste qui lui aussi s’est illus­tré sur ce front, et Valé­rie Létard, secré­taire d’État à la soli­da­rité, qui a appelé les plate-for­mes de vidéo en ligne à la « res­pon­sa­bi­lité », façon de dire qu’elle ne pren­drait pas les sien­nes, en leur deman­dant d’ôter ce clip. Dieu merci, elle n’a pas été écou­tée.

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Orel­san a tenté de désa­mor­cer la polé­mi­que, en publiant un com­mu­ni­qué apai­sant :

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cette œuvre de fic­tion a +été créée dans des con­di­tions très spé­ci­fi­ques rela­ti­ves à une rup­ture +sen­ti­men­tale” : “En aucun cas ce texte n’est une let­tre de +mena­ces, une pro­messe de vio­lence ou une apo­lo­gie du pas­sage à l’acte, pour­suit +le com­mu­ni­qué. Cons­cient que cette chan­son puisse heur­ter, Orel­san a décidé il +y a quel­ques mois de ne pas la faire figu­rer dans son album ni dans ses +con­certs, ne sou­hai­tant l’impo­ser à per­sonne”.

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Hélas, il en va en poli­ti­que comme dans les ban­lieues, un aveu de fai­blesse déclen­che la curée. On pou­vait faire ployer ce jeune homme mal élevé ? Nul besoin d’enga­ger une hasar­deuse action en jus­tice, tous les moyens sont bons pour par­ti­ci­per au triom­phe du poli­ti­que­ment cor­rect. Ultime épi­sode : Ségo­lène Royal qui fait pres­sion sur le fes­ti­val des Fran­co­fo­lies de la Rochelle, avec sem­ble-t-il un chan­tage aux sub­ven­tions sur la direc­tion, la pré­si­dente de la région mena­çant de remet­tre en cause les 400.000 euros de sub­ven­tions annuel­les que la région verse au fes­ti­val si le rap­peur s’y pro­dui­sait. Vous aurez noté qu’Orel­san avait d’ores et déjà retiré cette chan­son de son réper­toire : il était donc hors de ques­tion que le chan­teur chan­tât cette chan­son. Peu importe, tout comme il importe peu que ce chan­tage aux sub­ven­tion excède les pou­voirs de la pré­si­dente en ce que le pou­voir bud­gé­taire appar­tient au Con­seil Régio­nal. Quand on veut cen­su­rer, qu’importe le res­pect dû à la loi.

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Et la polé­mi­que entre pro- et anti-Orel­san fait rage.

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Alors que les cho­ses soient clai­res. Cette polé­mi­que, je me refuse à y par­ti­ci­per.

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Parce qu’il n’y en a pas. Ce qui s’est passé porte un nom : la cen­sure. C’est inac­cep­ta­ble, et je ne vois pas quel argu­ment par­vien­drait à me con­vain­cre que la liberté d’expres­sion serait réservé à un art approuvé, un art offi­ciel. Dès lors, ce qu’il chante m’est indif­fé­rent.

+

Orel­san est un chan­teur. Qu’il chante ce qu’il sou­haite. Ça ne vous plaît pas ? À moi non plus. Per­sonne ne vous oblige à l’écou­ter. Rien ne vous auto­rise à le con­train­dre à se taire.

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Inter­dire un chan­teur, ça s’est déjà vu. On trouve tou­jours d’excel­len­tes rai­sons pour le faire. Boris Vian s’est vu empê­cher de chan­ter sa chan­son le Déser­teur. Bras­sens a scan­da­lisé avec son gorille qui sodo­mise un juge. Aujourd’hui, tous les magis­trats chan­ton­nent cette chan­son en pouf­fant en ima­gi­nant leur pre­mier pré­si­dent ou leur pro­cu­reur géné­ral entre les pat­tes du pri­mate.

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— Mais Orel­san n’est pas Vian ou Bras­sens, me dira-t-on.

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Je ne le crois pas non plus, mais la ques­tion n’est pas là. La liberté d’expres­sion n’est pas sou­mise à une con­di­tion de mérite de l’œuvre. Mérite qui était nié à Bras­sens et à Vian en leur temps, d’ailleurs. La nou­veauté est que cette fois, c’est l’État décen­tra­lisé qui est inter­venu pour obte­nir cette cen­sure alors que Vian, c’était des anciens com­bat­tants agis­sants de leur pro­pre chef, avec une pas­si­vité com­plice des auto­ri­tés. En ce sens, ce qui se passe est pire encore.

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— Mais ses paro­les sont dis­cri­mi­na­toi­res et appel­lent à la vio­lence con­tre les fem­mes, ajou­tera-t-on.

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Ah ? Mais alors, por­tez plainte, c’est un délit. Allez en jus­tice, obte­nez sa con­dam­na­tion. Mais non, per­sonne ne le fera, car la vérité est que ces paro­les ne tom­bent pas sous le coup de la loi. Il ne dit pas que tou­tes les fem­mes sont des sales putes, mais que la copine ima­gi­naire du per­son­nage tout aussi ima­gi­naire qui chante en est une car elle le trompe. Et tout le monde se sou­vient des déboi­res de l’ancien minis­tre de l’inté­rieur qui a tenté de faire con­dam­ner Hamé, chan­teur du groupe La Rumeur qui avait accusé la police de se livrer à des vio­len­ces. Un fiasco : relaxe, con­fir­mée en appel, sous les applau­dis­se­ments de la cour de cas­sa­tion. Les poli­ti­ques ont com­pris qu’il ne fal­lait pas comt­per sur les juges pour se prê­ter à ces bas­ses-œuvres.

+

— Eh bien pour légal que ce soit, ça n’en est pas moins scan­da­leux.

+

Oui, c’est le but. Et d’ailleurs, en cher­chant un peu, vous trou­ve­rez pire (à tout point de vue). Le groupe TTC par exem­ple. Les chan­teu­ses de rap ne sont pas en reste, Yelle ayant connu un grand suc­cès en répon­dant à Cui­zi­nier, chan­teur du groupe TTC sus-nommé. Un grand moment de poé­sie.

+ +

Cui­zi­nier avec ton petit sexe entoure de poils roux
+Je n’arrive pas a croire que tu puis­ses croire qu’on veuille de toi
+Je n’y crois pas même dans le noir, même si tu gar­des ton pyjama
  +Mêmesi tu gar­des ton pei­gnoir, en forme de tee-shirt rin­gard
+Garde ta che­mise ça limi­tera les dégâts bataaaaaaaard
+
+
+Je veux te voir
+Dans un film por­no­gra­phi­que
+En action avec ta bite
+Forme pota­toes ou bien fri­tes
+Pour tout savoir
+Sur ton ana­to­mie
+Sur ton cou­sin Teki
+Et vos acces­soi­res feti­ches

+
+

Rin­gard, bataaaaaaard, bite, frite : les rimes sont pau­vres.

+

Le rap, c’est ça aussi. Pas seu­le­ment ça, mais ça en fait par­tie. Et je prie pour que ceux qu’Orel­san épou­vante ne décou­vrent jamais l’exis­tence du Death Metal.

+

Per­sonne n’est obligé d’écou­ter, nul n’a à inter­dire.

+

Car c’est quel­que chose qu’on ne répé­tera jamais assez. La liberté d’expres­sion est tou­jours la pre­mière atta­quée, parce que c’est la plus fra­gile. Il y a tou­jours une bonne cause qui jus­ti­fie que ÇA, non, déci­dé­ment, on ne peut pas le lais­ser dire. Le res­pect dû aux morts tués à l’ennemi, le res­pect dû à la jus­tice, le res­pect dû à la femme. Tout ça, ça l’emporte sur le res­pect dû à la liberté, cette sale pute. Et les attein­tes qu’elle a d’ores et déjà subies, au nom de cau­ses infi­ni­ment nobles (comme la lutte con­tre le néga­tio­nisme), me parais­sent déjà exces­si­ves.

+

Lais­sez tom­ber Orel­san, et un jour, c’est votre dis­cours qui déran­gera.

+

Les Révo­lu­tion­nai­res l’ont dit il y a pres­que 220 ans jour pour jour :

+

La libre com­mu­ni­ca­tion des pen­sées et des opi­nions est un des +droits les plus pré­cieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc par­ler, écrire, +impri­mer libre­ment, sauf à répon­dre de l’abus de cette liberté, dans les cas +déter­mi­nés par la Loi.

+
+

Ils l’ont écrit à une épo­que où tout texte, pour paraî­tre et être repré­senté publi­que­ment, devait au préa­la­ble être approuvé par le Roi. C’est cette auto­ri­sa­tion qui s’appe­lait la Cen­sure. Et c’est exac­te­ment cela que ce com­por­te­ment vise à réta­blir. Alors peut-être que des fémi­nis­tes, des mili­tants des droits des fem­mes trou­ve­ront que leur cause, qui est bonne, est tel­le­ment bonne qu’elle jus­ti­fie ce réta­blis­se­ment.

+

Qu’ils sachent qu’ils me trou­ve­ront tou­jours sur leur che­min pour leur bar­rer la route. Aux côtés d’Orel­san.

+

À con­di­tion qu’il ne chante pas.

+-------------------------------- +Title: Les anti-inflammatoires permettent-ils de voir des jeunes filles nues ? +Link: http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/17/Les-anti-inflammatoires-permettent-ils-de-voir-des-jeunes-filles-nues +Date: Sun Jul 19 22:23:00 UTC 2009 +Creator: Eolas +Subject: +Content: +

La Cour Suprême se penche parfois sur des questions fondamentales, sans mauvais jeu de mot. L'une d'entre elles est celle de la privacy, mal traduit par “vie privée”, le concept de privacy étant plus large que cela. Il s'agit du droit reconnu à tout individu de garder secret ce qui la concerne, et de ne révéler publiquement ou aux autorités que ce qu'elle veut bien révéler, sans pouvoir être forcé de révéler plus. Cela inclut notre vie privée, mais aussi l'intégrité corporelle et le patrimoine (la perquisition, la réquisition d'un bien est une atteinte à la privacy). 

+

Ce droit est consacré par le Quatrième amendement à la Constitution des États-Unis.

+

Le droit des citoyens d’être garantis dans leurs personne, domicile, papiers et effets, contre les perquisitions et saisies non motivées ne sera pas violé, et aucun mandat ne sera délivré, si ce n’est sur présomption sérieuse, corroborée par serment ou déclaration solennelle, ni sans qu’il décrive avec précision le lieu à fouiller et les personnes ou les choses à saisir.

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Quand, dans nos séries préférées, un citoyen refuse d'ouvrir la porte à un policier qui n'aurait pas « un mandat » (search warrant), il invoque le Quatrième amendement. Le policier ne peut en effet entrer de force que pour des raisons ne souffrant pas discussion (cris d'au secours, coups de feu, traces de sang récentes…), ou si un juge l'y a au préalable autorisé, en délimitant strictement les lieux à fouiller et les choses recherchées. Il existe l'équivalent de notre enquête de flagrance, si le policier a pu constater de l'extérieur l'existence d'une infraction sur le point, en train ou venant de se réaliser, qui autorise aussi son intervention. Le juge américain exerce un contrôle de proportionnalité et de nécessité de la mesure, qui ne s'applique pas qu'aux policiers mais à toute personne exerçant une parcelle de l'autorité publique. Comme les enseignants.

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Là encore, on voit comment les rédacteurs de la Constitution ont eu le souci constant de protéger les générations à venir des abus possibles de l'autorité, y compris celle confiée aux États et à l'État fédéral. S'il est un point résumant toute la différence culturelle entre la France et les États-Unis, c'est bien celui-là : les américains ont compris depuis le début que l'État était un tyran potentiel et ont voulu s'en protéger, tandis que les Français le voient comme le gardien de l'intérêt général, expression de la majorité et qui ne peut donc mal faire. Hobbes contre Rousseau. La leçon de 1941 n'ayant que peu servi, les droits individuels s'effacent dans notre tradition face à la puissance de l'État. Heureusement, nous avons l'Europe qui a introduit ces protections individuelles face à la puissance de l'Autorité dans notre droit.

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Et c'est sans se douter qu'elle allait être plutôt brutalement confrontée à cette tendance à la tyrannie de celui qui a une parcelle d'autorité que la jeune Savana Redding, alors âgée de 13 ans, s'est rendue à son cours de math du collège public de Safford, 8900 habitants, dans le Comté de Graham, Arizona, (c'est ce bâtiment-là)ce jour d'octobre 2003.

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Le règlement de l'école est plutôt rigoureux. Sur la liste des choses interdites dans l'enceinte de l'établissement se trouvent divers objets parmi lesquels, je ne sais pourquoi, les anti-inflammatoires, qu'ils soient sur ordonnance (prescription drug) que sans ordonnance (over-the-counter). Je sais que l'anglais utilise le même mot pour les médicaments et les drogues (je ne dis pas que c'est à tort), mais tout de même, si un pharmacien ou un médecin pouvait m'expliquer pourquoi, il me paierait de ma peine. 

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Au beau milieu du cours, l'assistant du principal du collège, Kerry Wilson, fit irruption et demanda à Savana Redding de le suivre dans son bureau. Là, on lui présenta un organiseur lui appartenant (une sorte de gros agenda se fermant par une fermeture-éclair) contenant divers objets prohibés par le règlement de l'école : couteaux, marqueur indélébile, briquets, et, horresco referens, une cigarette. Interrogée sur ces objets, elle déclara que l'organiseur lui appartenait bien mais qu'elle l'avait prêté il y a quelques jours à une amie, Marissa Glines. Elle nia que ces objets fussent siens. 

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L'assistant du principal sortit alors les éléments les plus accablants : 4 pilules d'Ibuprofène® 400mg (anti-inflammatoire vendu uniquement sur ordonnance) et une de Naproxène® 200mg, un anti-inflammatoire vendu sans ordonnance, médicaments dont la détention est interdite sans autorisation préalable de la direction de l'établissement. Kerry Wilson informa alors Savana Redding que des sources confidentielles (vous verrez plus loin lesquelles) l'avait informé que Savana Redding distribuerait ces pillules dans l'établissement. Ce que Savanna Redding nia farouchement. Kerry Wilson lui demanda si elle acceptait que l'on fouillât ses affaires personnelles, ce qu'elle accepta. Kerry Wilson appela alors une assistante administrative, Helen Romero, et tous deux fouillèrent le sac à dos de Savana, sans rien trouver.

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Notons d'ores et  déjà que jusqu'à présent, une jeune fille de 13 ans est seule confrontée à des adultes, sans que ses représentants légaux (c'est ainsi que les juristes appellent les parents) ne soient informés. Il est permis de tiquer (mais vous verrez qu'à ce stade, le juge américain ne froncera pas les sourcils). Mais l'affaire va prendre un tour proprement incroyable.

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En effet, Kerry Wilson ne va pas s'avouer vaincu. Il va ordonner à Helen Romero de conduire Savana chez l'infirmière de l'école pour qu'elle fouillât ses vêtements. Savana Redding dut donc, en la présence constante d'Helen Romera et de l'infirmière Peggy Schwallier (mais hors la présence de Kerry Wilson pour des raisons qui vont être de plus en plus évidentes), ôter sa veste, ses chaussettes, et ses chaussures. Laissée ainsi en t-shirt et pantalon "stretch" (donc sans la moindre poche), elle attendit que les deux femmes eussent fini d'examiner ses vêtements. Chou blanc. Décidément têtues, les deux femmes lui firent ôter son pantalon, son t-shirt, et ne trouvant toujours rien, son soutien-gorge, qu'elle dut tenir à bout de bras et secouer, puis lui firent tirer sur l'élastique de sa culotte, révélant ainsi sa poitrine et sa région pelvienne. Aucune pilule ne fut découverte.

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April Redding, la mère de Savana, fut d'une grande modération dans son approbation de la chose, et poursuivit aussitôt en justice l'école, Wilson, Romero et Schwallier (Ah, la Sainte femme…), pour violation du Quatrième amendement (donc compétence du juge fédéral). La Cour de District rejeta la plainte de madame Redding, estimant qu'il n'y avait pas eu violation du Quatrième amendement du fait de l'Immunité Qualifiée (Qualified Immunity), exception (au sens juridique de moyen de défense) qui exonère de leur responsabilité des personnes investies de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service publique qui auraient violé les droits constitutionnels d'une personne, si une personne raisonnable (reasonnable person) n'aurait pas dans la même situation réalisé cette illégalité, ce qui est exclu quand le droit protégeant la personne fouillée est clairement établi. Les juristes reconnaîtront ici une appréciation in abstracto, la reasonnable person de nos amis américains n'étant autre que notre bonus pater familias.

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En appel, la cour d'appel fédérale confirma ce rejet en formation restreinte (panel, composé de trois juges), qui fut porté devant la formation plénière (en banc). Attention, vous allez découvrir le raisonnement gigogne qu'affectionnent les juges américains.

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La formation plénière appliqua le test en deux étapes fixé par la jurisprudence de la cour suprême : Saucier v. Katz, 533 U. S. 194, 200 (2001). D'abord, la fouille était-elle illégale ? Ensuite, cette illégalité était-elle évidente ?

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Sur l'illégalité, oui, répond la cour, au regard des critères de fouille des élèves des écoles fixés par l'arrêt New Jersey v. T. L. O., 469 U. S. 325 (1985). Cet arrêt de 1985 a posé le principe que le droit des école de maintenir l'ordre était une cause légitime pouvant l'emporter que le droit à la privacy, donc que la direction pouvait effectuer une fouille sans mandat de justice à condition que soit rempli… un test en deux étapes. Il faut l'école ait une suspicion raisonnable (reasonnable suspicion), caractérisée par (1) le fait que l'action était justifiée dès son début (une fouille ne saurait être justifiée par le fait qu'elle a permis de découvrir quelque chose) et (2) que la fouille était proportionnelle aux circonstances ayant justifié cette cette fouille à son commencement. Ici, selon la cour d'appel, si l'organiseur justifiait la fouille, le caractère proportionnel faisait défaut 

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Cette fouille était illégale, mais la direction en avait-elle conscience ?
Oui, répond encore la cour d'appel, estimant qu'ici, il était clairement établi que le droit à la privacy de la collégienne s'opposait à une telle fouille. Motif un peu vague, me direz-vous à raison ,ce qui explique que l'affaire soit remontée à la Cour Suprême.

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Et la Cour a statué le 25 juin dernier, dans un arrêt Safford Unified School District #1, et al, v April Redding, 557 U. S. ____ (2009) (pdf), en confirmant que la fouille était illégale. 

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La cour commence par reconnaître que le règlement de l'école, aussi strict soit-il, est légal et sensé : les enseignants ne sont pas des pharmaciens, ne peuvent reconnaître des médicaments, et l'effet de substances actives sur des organismes juvéniles ne sont pas anodins. Sans parler de la prohibition des armes, du tabac ou du marqueur indélébile, qui sert plus à dégrader qu'à s'exprimer.

+

Puis elle va entrer dans les détails de ce qui s'est passé ce jour funeste. C'est sur dénonciation d'un élève ayant été malade après avoir pris une pilule que lui a remis Marissa Glines que Kerry Wilson a mené son enquête. Il a fait appeler Marissa Glines hors de sa classe et a saisi l'organiseur qui était en sa possession, avec les objets que nous avons vu. Il a ensuite convoqué Marissa Glines et, en présence d'Helen Romero, lui a fait vider ses poches. Où furent découvertes les pilules d'Ibuprofène (blanches) et une de Naproxène (bleue), et une lame de rasoir. Kerry Wilson demanda à Marissa Glines qui lui avait donné cette pilule bleue. Marissa répondit qu'elle avait dû se glisser avec celles qu'elle lui avait données. Qui est ce "elle", demanda Wilson ? Savana Redding répondit Marissa Glines (qui elle aussi subit une fouille corporelle qui ne donna rien. 

+

La Cour va constater que c'est sur la foi de ce seul témoignage, sans questions plus poussées pour savoir s'il y avait une probabilité que Savana Redding eût en sa possession actuelle d'autres pilules prohibées, et après qu'une fouille de ses affaires personnelles n'ait rien donné, que Kerry Wilson va ordonner qu'il soit procédé à la fouille corporelle.

+

Or si cette fouille du sac à dos et des vêtements était justifiée aux yeux de la Cour vu les éléments en la possession des autorités scolaires et son caractère relativement peu intrusif (notez le contrôle de proportionnalité), ce que d'ailleurs Savana Redding n'a jamais contesté d'ailleurs, la fouille corporelle atteint un tel degré de gravité dans l'atteinte à la privacy que la Cour doit invoquer le test en deux étapes de l'arrêt T.L.O. Et la Cour constate que les indices ayant conduit à décider de la mesure, donc sa justification dès le début, étaient largement insuffisants pour justifier une telle atteinte. Non, le fait de lutter contre le trafic d'anti-inflammatoires, cette cause fût-elle légitime, ne permet pas de contraindre une jeune fille mineure à se déshabiller. Cette disproportion caractérise la violation du Quatrième amendement, par 8 voix contre 1 (Seul Clarence Thomas a disconvenu), ce qui en fait un des rares arrêts de cette session adopté à une large majorité.

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Cependant, ajoute la cour, la jurisprudence concernant les fouilles scolaires est actuellement tellement controversée qu'on ne peut dire que la loi est clairement établie en la matière (de fait, la série de tests en deux étapes à faire aboutit à déchirer les juges : peut-on demander à des enseignants d'être plus sages qu'eux en cette matière très juridique ?). Dès lors, la Cour Suprême accorde l'Immunité Qualifiée à l'assistant du principal, à l'assistante administrative et à l'infirmière scolaire. Seule l'école est déclarée responsable. Un juriste français dirait que la faute des trois personnels enseignants n'est pas détachable du service.

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Cet arrêt, outre le fait qu'il me permet de faire un titre de billet avec les mots « jeune fille nue » qui va faire beaucoup pour augmenter le nombre de visiteurs clients potentiels, trouve un écho en France où le Gouvernement s'interrogeait il y a peu sur la possibilité de créer un corps spécifique d'agents pour fouiller les cartables des élèves, et où des fouilles spectaculaires ont eu lieu dans le cadre d'opérations anti-drogue menées par la gendarmerie, avec des chiens et même des fouilles à corps. Ce que les parents d'élève n'apprécient guère, et on peut les comprendre. 

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La solution française, aboutissant à ne pas vouloir attribuer de pouvoirs de police aux enseignants (alors que rien ne s'y oppose, et même que les principes généraux du droit administratif le permettent) et à réserver cela à la police aboutit à un résultat plus traumatisant encore pour les élèves tout en renforçant une image d'impuissance nuisant à l'autorité. Je ne sais pas si elle est due à une résistance des enseignants qui ne voudraient pas de ce pouvoir, ou à un choix de l'État qui veut réserver toute coercition à la police, au risque de détériorer son image, en soulignant la répression au détriment de la protection qui est pourtant l'essence de la police. Une solution raisonnable est cependant difficile à trouver, les juges américains se déchirant eux-même sur l'encadrement de ce pouvoir de police. Voilà un thème de débat qui mériterait la sérénité et le dépassement des clivages politiques. 

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Prochaine épisode de notre rubrique de droit américain : Horatio Caine va-t-il devoir s'acheter une cravate ?

+-------------------------------- +Title: Un petit tour aux "compas" +Link: http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/19/Un-petit-tour-aux-%22compas%22 +Date: Sun Jul 19 14:16:00 UTC 2009 +Creator: Eolas +Subject: +Content: +

Sylvie Véran, chroniqueuse judiciaire au Nouvel Observateur et blogueuse (j'ai déjà eu l'occasion de dire combien, pour les chroniqueurs judiciaires, le blog est un complément idéal de leurs articles papiers, la contrainte de place disparaissant), vous propose d'assister à quelques audiences de comparution immédiate à Paris, et pas n'importe lesquelles, celles du 15 16 juillet, qui comme son nom l'indique, est le surlendemain du 14.

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Neuf dossiers, neufs trajectoires qui se croisent, fruit du hasard des audiences et des accidents de la vie.

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Un petit mot sur le premier dossier : Rachid a dû passer en comparution immédiate la semaine précédente. Il a sagement demandé un délai (de deux à six semaines, art. 397-1 du CPP) pour être jugé vu ce qu'il risque (et encore, il y a une probable récidive, avec peine plancher à la clé). Le tribunal a décidé de le maintenir en détention jusqu'à la date de son jugement, fixée au 30 juillet. Or la détention provisoire est… provisoire. Tout détenu en provisoire a le droit de demander à tout moment sa remise en liberté au juge actuellement en charge du dossier (juge d'instruction, tribunal, cour d'appel…). Il a dû former une demande de remise en liberté dès son arrivée en maison d'arrêt, jugée le 15 juillet. Demande rejetée. Elle n'était pas nécessairement vouée à l'échec (quoi que… Une réitération, peut-être une récidive, 45 jours après être sorti de deux ans de prison, C'est largement suffisant pour que le parquet invoque le risque de réitération) car le prévenu a eu une semaine pour réunir des justificatifs de domicile qu'il n'a pas pu forcément réunir lors de sa première comparution.

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Sur le dossier de Zakarias D., je n'ai pas d'élément à vous donner sur ce qui pose problème dans le dossier, désolé. 

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Sur David D., il s'en sort très bien avec ses 3 mois fermes. Il aurait pu être condamné à dix ans, avec un minimum théorique de deux ans, et la prison ferme était obligatoire pour le juge. Les peines planchers, dont vous verrez ici le caractère nécessaire et dissuasif. Bienvenue dans le monde réel.

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Enfin, sur l'affaire Lamine A., j'aurais été l'avocat, j'aurais plaidé que c'était une citation d'Orelsan. 

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Bonne lecture et bon dimanche.

+-------------------------------- +Title: Brèves du samedi +Link: http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/18/Br%C3%A8ves-du-samedi +Date: Sat Jul 18 08:52:00 UTC 2009 +Creator: Eolas +Subject: +Content: +

Quelques suivis d'articles antérieurs.

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Rue89 nous apprend que le lycéen qui faisait l'objet de pressions à la légalité douteuse de la part de son proviseur a pu se réinscrire dans son lycée sans condition. Le proviseur a probablement compris qu'il avait tort quand le ministre de l'Éducation nationale, Luc Chatel, l'a soutenu.

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Les auditions de Sonia Sotomayor devant le Sénat ont pris fin. Sa confirmation ne fait plus aucun doute : elle n'a pas craqué et n'a pas gaffé. Les auditions ont duré 7 heures par jour durant 4 jours, avec des pauses toutes les deux heures, Sonia Sotomayor étant diabétique insulinodépendante, même si deux seulement ont été consacrés à ouïr l'impétrante. Le premier jour a été consacré aux déclarations préliminaires des sénateurs (en shorter : les démocrates ont dit qu'elle était merveilleuse, et les républicains indignes de ce poste). Mention spéciale au sénateur Lindsey Graham (Républicain, Caroline du Sud), pour une belle leçon de fair play et de réalisme politique alors que ses collègues se plaçaient dans l'opposition à outrance : 

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— C'est ici une affaire principalement politique. Ceci étant dit, certains de mes collègues de l'autre bord politique ont voté pour la confirmation des juges Alito ou Roberts sachant que ce n'étaient pas ceux qu'ils auraient choisi. Je saurai m'en souvenir le moment venu. À moins que vous ne craquiez complètement, vous serez confirmée. (…) Je ne sais pas encore comment je vais voter, mais les élections comptent. Et nous avons perdu.

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Les points contentieux abordés ont été les suivants : 

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Ricci v DeStefano : C'était le point le plus sensible. ce sont donc les démocrates qui l'ont abordé, pour ne pas laisser le plaisir à un sénateur hostile. Sotomayor a répondu qu'elle avait appliqué la jurisprudence existant alors, et que la décision de la Cour Suprême a reviré la jurisprudence en appliquant de nouveaux critères. Sur la question raciale, elle a répondu assez finement que laffaire Ricci n'était pas une affaire de discrimination raciale mais de contestation d'un concours public et de responsabilité de la puissance publique. 

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La sage dame hispanique : C'est le seul point sur lequel elle a concédé du terrain, par une retraite prudente. Elle a expliqué avoir voulu faire un jeu de mot sur une phrase du Justice Sandra Day O'Connor selon laquelle un homme sage et une dame sage aboutiraient aux mêmes conclusions sans que leur sexe ne perturbe leur jugement. Elle a reconnu que sa tentative est tombée à plat et a été mal interprétée.

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L'avortement : sujet sensible, car c'est un arrêt de la cour suprême Roe v Wade qui a légalisé l'avortement en 1973 aux États-Unis, etla Cour Suprême est actuellement majoritairement conservatrice et pourrait renverser cette jurisprudence. C'est un sujet qui divise également en deux, et donc un terrain idéal pour attaquer l'impartialité. Sotomayor a refusé de prendre position, se réfugiant derrière le respect dû à la loi. Et Roe v Wade fait partie de la loi aujourd'hui, point. Il est à noter que la requérante, qui avait pris le pseudonyme Jane Roe pour protéger son anonymat, était présente dans la salle. Mais elle est depuis devenue une farouche militante anti-avortement, sous son vrai nom de Norma McCorvey. À cinq reprises des militants anti-avortement ont perturbé les auditions en la traitant de tueuse de bébés, dont Norma McCorvey, qui a été expulsée de la salle.

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Le Second Amendement : le droit de porter des armes est une question sensible aux États-Unis. Sotomayor a habilement détourné l'entretien sur le terrain de la légitime défense, qu'elle connaît parfaitement, et qui est ourement juridique.

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Les juges et la politique : Les républicains lui reprochaient une citation où elle laissait entendre que les juges avaient un rôle politique. Sotomayor a, avec une patience digne d'un chargé de TD de première année, expliqué au sénateur que la jurisprudence des cours supérieures a en effet un rôle créateur de droit (surtout aux États-Unis, où ce sont des arrêts de la cour suprême qui ont institué le contrôle de constitutionnalité, l'avortement, aboli la peine de mort avant de la rétablir) et qu'un sénateur qui s'en émouvrait découvrirait deux siècles de droit américain.

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Le vote aura lieu le 21 juillet.

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J'en profite pour vos signaler le trajet de Sonia Sotomayor. Née dans une famille pauvre porto-ricaine à New-York, elle a perdu son père à l'âge de neuf ans. Sa mère étudiait dur pour devenir infirmière diplômée, et elle et ses deux enfants travaillaient tous les trois sur la table de la cuisine. Sonia Sotomayor a étudié dans les écoles publiques de son quartier, obtenu une bourse pour Princeton (qu'elle a fini summa cum laude) puis Yale. Elle a travaillé comme procureur à New York, et ses talents l'ont faite passer des dossiers correctionnels aux dossiers criminels en deux ans (elle avait 27 ans). Après un court passage dans le privé, elle est devenue juge fédérale et exerce ces fonctions depuis 17 ans, ce qui en fait une des candidates à la cour suprême parmi les plus expérimentés. Et son frère est devenu médecin. Si Sonia Sotomayor mérite le plus grand respect, j'en dirais au moins autant pour sa mère.

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Dans l'affaire Scapin v Géronte, Scapin s'est fendu d'un droit de réponse sur son blog. Je vous signale le billet, sans le reprendre ici car il révèle les noms des intéressés, et je ne souhaite pas participer à la propagation de leur identité sur le net qui n'oublie rien.

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Dans l'affaire Fofana, on apprend hier que Youssouf Fofana a fait appel. Ce n'est pas une bonne nouvelle pour ses co-accusés, mais pas tellement non plus pour la famille d'Ilan Halimi qui va devoir à nouveau subir pendant deux mois ses provocations et ses jets de chaussure. Bon courage aux nombreux confrères qui vont se succéder pour le défendre, Youssouf Fofana ayant eu plus d'avocats que Liz Taylor n'a eu de maris.

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En fait, je ne vois pas pour qui c'est une bonne nouvelle. Mon petit doigt me dit que le parquet général de Paris a le blues, n'ayant pas apprécié qu'on lui torde le bras, et qui plus est par un simple coup de fil du directeur des affaires criminelles et des grâces. Je plains l'avocat général d'appel, qui est dans une très mauvaise position pour soutenir un appel dont tout le monde sait qu'il n'était pas souhaité par le parquet.

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J'ai fermé les commentaires sous le billet principal. Les commentaires, c'est comme les sushis, c'est bon si c'est frais.

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Mon cher ami Éric Besson a commencé sa cure de réalité. S'il ne démord pas que le délit de solidarité n'existe pas, il explique être prêt à modifier légèrement la loi. Encore un effort, Éric, tu y es presque. 

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Bon week end.

+-------------------------------- +Title: Appel dans l'affaire Halimi : la faute de MAM +Link: http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/15/Appel-dans-l-affaire-Halimi-%3A-la-faute-de-MAM +Date: Wed Jul 15 12:00:00 UTC 2009 +Creator: Eolas +Subject: +Content: +Ainsi, à la demande de la famille d'Ilan Halimi, le Garde des Sceaux a demandé au parquet de faire appel du verdict dans l'affaire Fofana. Cela a surpris plusieurs de mes lecteurs qui m'ont écrit pour me dire leur étonnement face à cette ingérence du pouvoir politique dans les affaires de la Justice.

C'est qu'évidemment, à force d'entendre les politiques esquiver toute question qui les dérangent ayant trait avec la justice en invoquant la séparation des pouvoirs et une mystérieuse prohibition de commenter l'action de la justice, on est surpris quand, l'opportunité politique l'exigeant, ils s'en affranchissent avec la même vigueur qu'ils l'invoquaient la veille.

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Le Garde des Sceaux est tout à fait dans son droit. Ce qui ne veut pas dire qu'elle a raison. +

Rappelons donc les règles de l'appel en matière criminel.

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Première règle : l'appel n'est possible qu'une fois.

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La loi prévoit qu'une cour d'assises d'appel statue alors, la différence étant qu'elle est composée d'un jury de 12 jurés au lieu de 9, les règles de majorité pour les votes de culpabilité changeant aussi (8 voix en première instance, 10 voix en appel, mais le seuil reste strictement le même : deux tiers des voix). Le verdict de la cour d'assises d'appel ne peut faire l'objet que d'un pourvoi en cassation. Ça aura son importance dans notre affaire, vous allez voir.

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Deuxième règle : chacun fait appel pour ce qui le concerne.

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Il y a trois parties (au sens de partie prenante, acteur) au procès : deux obligatoires et une facultative.

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À tout seigneur tout honneur, le ministère public, sans qui on ne serait pas là. C'est lui qui est à l'origine des poursuites, et si l'affaire vient pour être jugée, c'est que l'instruction a renforcé sa conviction de la culpabilité de l'accusé. À l'audience, il est l'avocat de la société, qui seule a le droit de punir, doit se protéger des individus dangereux et sanctionner les comportements contraires à la loi. D'où son titre d'avocat général, par opposition à l'avocat particulier qu'est celui de la défense. Son rôle est de démontrer la culpabilité et de requérir la peine qui lui semble adaptée à la gravité du crime. Ce dernier point relève de sa totale liberté de parole. Là aussi, cela aura son importance. Évidemment, si les débats révèlent l'innocence de l'accusé, rien n'interdit à l'avocat général de requérir l'acquittement, et il est même de son devoir de le faire (Ce fut le cas lors du procès de Richard Roman en 1992, qui a vu un avocat général, Michel Legrand, qui porte bien son nom, initialement convaincu de la culpabilité de Roman, requérir l'acquittement après le spectaculaire effondrement du dossier à l'audience).

+

La défense ensuite, incarnée d'abord par l'accusé, et ensuite par son avocat. L'avocat de la défense est le contradicteur de l'avocat général. Selon les affaires, sa stratégie peut être soit de viser l'acquittement, en démontrant l'innocence ou du moins en instillant le doute dans l'esprit de la Cour, soit, si les faits sont établis et reconnus, de proposer une peine qui naturellement mettra en avant la réinsertion de l'accusé sur les considérations purement répressives.

+

Enfin, éventuellement, la partie civile, qui est la victime ou, dans le cas où celle-ci est décédée, ses héritiers (c'est le cas ici : Ilan Halimi étant décédé sans enfants, ce sont ses parents qui sont ses héritiers). Elle demande l'indemnisation de son préjudice, et pour cela doit comme indispensable préalable démontrer la culpabilité. Il n'est pas d'usage que la partie civile s'aventure sur le terrain de la peine à prononcer, prérogative du parquet, mais ce n'est pas formellement interdit.

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Je dis que la partie civile est une partie éventuelle car rien ne l'oblige à se constituer partie civile, et parfois, il n'y en a tout simplement pas (ex : trafic de stupéfiant criminel).

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Le parquet peut faire appel sur la culpabilité et la peine (article 380-2 du CPP). Son appel ne vise qu'à renverser un acquittement ou à l'aggravation de la condamnation. Si seul le parquet est appelant, le mieux que puisse espérer la défense est la confirmation pure et simple. C'est un appel a maxima.

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Le condamné peut faire appel (un acquitté ne peut pas faire appel de son acquittement). Cet appel vise à la diminution de la peine voire à l'acquittement. Si seul le condamné fait appel, le pire qu'il puisse lui arriver est la confirmation pure et simple; C'est un appel a minima. (article 380-6 du CPP)

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La partie civile peut faire appel des dommages-intérêts qui lui ont été accordés. Si seule la partie civile fait appel, l'appel est jugé par la chambre des appels correctionnels (art. 380-5 du CPP). La partie civile peut faire appel d'un acquittement, mais si le parquet ne fait pas appel, l'accusé est définitivement acquitté, il ne peut faire l'objet d'une peine. La chambre des appels correctionnels peut toutefois constater que l'infraction était constituée et prononcer des dommages-intérêts.

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L'usage veut que le parquet fasse systématiquement appel quand le condamné fait appel, afin de donner à la cour d'assises d'appel les plein-pouvoirs : aller de l'acquittement jusqu'à la peine maximale. De même, quand le parquet fait appel, l'accusé se dépêche de faire un appel incident afin de pouvoir espérer voir sa peine réduite en appel.

Cet appel provoqué par l'appel de l'autre partie s'appelle un appel incident, par opposition à l'appel principal. L'appel principal doit être formé dans les 10 jours de la condamnation (art.380-9 du CPP), l'appel incident, dans un délai de cinq jours à compter de l'appel principal (art.380-10 du CPP). Ce délai de cinq jours est indépendant et peut expirer au-delà des dix jours de l'appel principal ; exemple : j'ai un client condamné le 1er du mois — C'est un exemple bien sûr, dans la vraie vie, il aurait été acquitté—, je peux faire appel principal jusqu'au 11, comme le parquet. Si je fais appel le 11, le parquet a jusqu'au 16 pour faire appel incident.

+

La décision du parquet de faire appel se prend en interne. Elle est toujours concertée car ce n'est pas une décision à prendre à la légère : l'avocat général, mécontent du verdict, ne peut aller former un appel ab irato, sous peine de se retrouver convoqué chez son chef le procureur général qui va lui chanter pouilles. De manière générale, les appels d'une condamnation sont très rares. Le parquet a tendance à considérer que la Cour savait ce qu'elle faisait en prononçant telle peine, et qu'il n'a pas à imposer sa vision des choses au jury populaire qui n'est autre que le peuple souverain. Il n'en va autrement que si un acquittement a été prononcé alors que le parquet est convaincu de la culpabilité (le parquet n'aime pas les erreurs judiciaires...) ou qu'il y a une disproportion telle entre la gravité des faits et la légèreté de la peine qu'il estime qu'un appel est nécessaire.

Autant dire que dans cette affaire, les probabilités d'un appel spontané du parquet étaient nulles.

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MAM avait-elle le droit de demander au parquet de faire appel ?

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Oui. Elle tire ce pouvoir de l'article 5 de l'ordonnance n°58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.   

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Les magistrats du parquet sont placés sous la direction et le contrôle +de leurs chefs hiérarchiques et sous l'autorité du garde des sceaux, +ministre de la justice. A l'audience, leur parole est libre.

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C'est à dire qu'on peut tout à fait imaginer que dans cette affaire, l'avocat général conclure l'audience d'appel en disant que les peines prononcées en première instance lui paraissent satisfaisantes et demander à la cour de les confirmer. +

Alors, si tout cela est conforme au droit, d'où vient mon chagrin ?

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Il se situe sur le terrain non pas du droit mais politique, ce qui réjouira mon ami Authueil, dévoré d'angoisse à l'idée que je ne pense qu'en juriste.

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C'est qu'en agissant ainsi, MAM ne s'est pas comportée en garde des sceaux, mais en valet des victimes, s'inscrivant dans la droite ligne de sa prédécesseuse, les robes Dior en moins.

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L'action publique ne doit pas être inféodée aux déceptions des victimes. Elle en est autonome, et ce n'est pas pour rien. Ce n'est pas la victime qui demande la punition, c'est la société. La victime est dépouillée de son droit de vengeance depuis que tout citoyen a renoncé à son droit de se faire justice à lui même, et plus largement de recourir à la violence, en confiant le monopole de la justice à l'État, en charge de la protection des citoyens. Et la société doit garder son droit de dire à la victime : non, ça suffit. Ce n'est pas lui faire violence, et je crois même que c'est le plus souvent pour son bien. Car il est des cadeaux faits avec la meilleure volonté du monde qui sont en fait des cadeaux empoisonnés. Et ici, nous risquons d'en avoir un triste exemple.

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Ainsi, l'instruction donnée au parquet est de faire appel des condamnations inférieures aux réquisitions du parquet. Philippe Bilger, dont mes lecteurs savent l'estime non feinte que je lui porte, rougira de la confiance qui lui est ainsi portée, puique ses réquisitions sont pour la Chancellerie l'Alpha et l'Oméga, en ce qu'elle estime que la Cour s'est nécessairement trompée chaque fois qu'elle ne les a pas suivies. Passons cependant sur l'incohérence consistant à ne pas tenir compte du fait que le même avocat général s'estime satisfait du verdict. Il serait bon de se tenir à jour, place Vendôme.

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Mais personne ne semble s'être interrogé sur les conséquences de ce choix.

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Il signifie que, sauf à ce qu'il fasse appel, Youssouf Fofana ne sera pas présent en appel (enfin, si : il viendra comme témoin), de même qu'une bonne moitié des accusés (13 sur 27). C'est donc l'ombre du premier procès qui sera rejouée.

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De plus, les 13 accusés concernés vont tous faire appel incident (ils n'ont rien à perdre et tout à gagner à le faire). Et les absents ayant toujours tort, ils vont pouvoir à l'envi charger Fofana pour se décharger de leur fardeau de la culpabilité. Et un accusé provocateur comme Fofana ayant tendance à enfoncer ses co-accusés, il est parfaitement possible que les peines soient réduites en appel. La défense a un coup à jouer et elle le jouera. Je ne dis pas que cette tactique sera mensongère ou trompeuse : si ça se trouve, certains accusés ont réellement été enfoncés par Fofana, dont l'absence leur permettra d'être jugés plus équitablement, et condamnés plus légèrement.

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La mère de la victime semble considérer comme une évidence qu'un procès en appel lui donnera satisfaction, considération qui semble chez certain l'emporter sur toute autre. Croyez-vous qu'un échec en appel allégera sa douleur ? Car ce nouveau verdict sera définitif : pas de nouvel appel, pas de désistement pour revenir à la première décision. Il ne restera que le pourvoi en cassation pour faire annuler le verdict, mais uniquement si le droit n'a pas été respecté (or le quantum de la peine est une question de pur fait que la cour de cassation se refuse à examiner). Et c'est MAM qui en portera la responsabilité.

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Demeure ensuite la question du huis clos. Deux des accusés étant mineurs au moment des faits, le huis clos était de droit à leur demande (art. 306 du CPP) . Et l'un d'entre eux est concerné par l'appel (il a été condamné à 9 ans quand le parquet en requérait... 10 à 12) : donc l'appel aura lieu à huis-clos, alors qu'il aurait suffit de ne pas faire appel de sa condamnation pour obtenir la publicité des débats. Pour un an de différence entre les réquisitions et la peine. Voilà ce qui se passe quand un ministre agit dans la précipitation médiatique.

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Là où l'affaire tourne à la farce, c'est quand l'avocat de la partie civile rêve à voix haute d'une modification de la loi pour permettre la publicité des débats (encore une fois, voyez à quoi elle tient ici...). Voici que la victime demande qu'on fasse appel pour elle et qu'on change la loi par la même occasion. Je passerai sur le fait que l'avocat en question était l'avocat du RPR dont le garde des sceaux fut la dernière présidente, car je me refuse à croire qu'en République, des choix publics tinssent à ce genre de considération. Mais je tremble quand même que ce souhait soit suivi d'effet, deux députés qu'on ne peut soupçonner d'être indifférents à l'opinion publique ayant déposé une proposition de loi dans ce sens (Messieurs Barouin et Lang). Si le législatif aussi se met à jouer les larbins des victimes, il ne reste que le judiciaire pour garder la tête froide.

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Je me contenterai donc de regretter que ce ministre ait raté sa première occasion de se comporter en vrai Garde des Sceaux plutôt qu'en valet des victimes, ait manqué de réfléchir avant d'agir, et que visiblement personne dans cette affaire ne se soit interrogé à la Chancellerie pour savoir ce qu'on avait à reprocher à ce procès, remarquablement conduit de l'avis général par une formidable présidente, Nadia Ajjan, et ce qui leur permettait d'estimer que leur opinion valait mieux que celle de neuf jurés et trois juges qui ont assistés aux 29 jours de débat et ont délibéré trois jours durant pour fixer ces peines, très légèrement inférieures aux réquisitions du parquet (à croire que les plaidoiries de la défense servent à quelque chose...).

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La mémoire d'Ilan Halimi méritait mieux que ce cirque.

+-------------------------------- +Title: Les procédures pénales d'exceptions vivent-elles leurs dernières heures ? +Link: http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/12/Les-proc%C3%A9dures-p%C3%A9nales-d-exceptions-vivent-elles-leurs-derni%C3%A8res-heures +Date: Mon Jul 13 08:13:00 UTC 2009 +Creator: Eolas +Subject: +Content: +

Je n'ose y croire, tant j'en ai rêvé, mais là, la cour européenne des droits de l'homme semble sonner le glas d'un aspect parmi les plus scandaleux de la procédure pénale française, qui pourtant n'en manque pas.

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Par un arrêt Salduz c. Turquie du 27 novembre 2008 (Requête no 36391/02), la Grande Chambre de la Cour a condamné la Turquie pour violation du droit à un procès équitable pour une loi qui refusait l'accès à un avocat au stade de l'enquête de police en raison de son objet qui, vous l'aurez deviné puisqu'il permet de porter atteitne aux droits de l'homme sous les applaudissements de l'opinion publique, est de lutter contre le terrorisme. 

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En l'espèce, c'est un mineur kurde, soupçonné d'avoir ourdi deux odieux attentats terroristes, en l'espèce avoir participé à une manifestation du Parti des Travailleurs du Kurdistan, organisation illégale (qui est bel et bien une organisation terroriste violente), en soutien au chef de ce parti, Abdullah Öcalan, incarcéré depuis 1999,  ET d'avoir accroché une banderolle sur un pont ainsi rédigée : "Longue vie à notre chef Apo", Apo ("Tonton" en kurde) étant le surnom d'Öcalan.

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Comme vous le voyez, c'est presque aussi grave que d'abîmer des caténaires de la SNCF.

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 Après six mois de détention provisoire, il fut déclaré coupable sur la base de ses déclarations en garde à vue (faites sans avoir pu bénéficier du conseil d'un avocat), quand bien même il les avait rétractées par la suite (sur le conseil de son fourbe avocat, ce pire ennemi de la vérité, de l'ordre public et de l'autorité de l'État) et condamné à 4 ans et six mois de prison, ramenés à 2 ans et demi et raison de sa minorité. 

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Je passe sur la procédure d'appel qui n'était pas non plus conforme aux standards de la Convention.

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Les passages de l'arrêt qui ont retenu mon attention en ce qu'elles peuvent concerner la France sont ceux-ci. Après avoir rappelé que la Cour veille à ce que les droits garantis par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme soient effectifs et concrets, la Cour affirme que (j'ai ôté les références jurisprudentielles pour alléger le texte ; les gras sont de moi) : 

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54. La Cour souligne l'importance du stade de l'enquête pour la préparation du procès, dans la mesure où les preuves obtenues durant cette phase déterminent le cadre dans lequel l'infraction imputée sera examinée au procès (...). Parallèlement, un accusé se trouve souvent dans une situation particulièrement vulnérable à ce stade de la procédure, effet qui se trouve amplifié par le fait que la législation en matière de procédure pénale tend à devenir de plus en plus complexe, notamment en ce qui concerne les règles régissant la collecte et l'utilisation des preuves. Dans la plupart des cas, cette vulnérabilité particulière ne peut être compensée de manière adéquate que par l'assistance d'un avocat, dont la tâche consiste notamment à faire en sorte que soit respecté le droit de tout accusé de ne pas s'incriminer lui-même. Ce droit présuppose que, dans une affaire pénale, l'accusation cherche à fonder son argumentation sans recourir à des éléments de preuve obtenus par la contrainte ou les pressions au mépris de la volonté de l'accusé. Un prompt accès à un avocat fait partie des garanties procédurales auxquelles la Cour prête une attention particulière lorsqu'elle examine la question de savoir si une procédure a ou non anéanti la substance même du droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination (…). La Cour prend également note à cet égard des nombreuses recommandations du CPT (Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants-NdA) soulignant que le droit de tout détenu à l'obtention de conseils juridiques constitue une garantie fondamentale contre les mauvais traitements. Toute exception à la jouissance de ce droit doit être clairement circonscrite et son application strictement limitée dans le temps. Ces principes revêtent une importance particulière dans le cas des infractions graves, car c'est face aux peines les plus lourdes que le droit à un procès équitable doit être assuré au plus haut degré possible par les sociétés démocratiques.

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Une petite pause ici. Le droit français a été mis en conformité avec la Convention européenne des droits de l'homme par la loi du 4 janvier 1993 en prévoyant que tout gardé à vue a droit a l'assistance d'un avocat. La loi, comme effrayée de sa propre audace, a toutefois prévu que ce droit se résumait à un entretien de trente minutes sans que l'avocat ait accès au dossier. Un changement de majorité s'étant produit en mars de la même année, une loi du 24 août 1993 va repousser l'intervention de cet avocat à la 21e heure de garde à vue, parce que sékomsa. Cela permettait de tenir éloigné ce gêneur dont la tâche, non mais je vous demande un peu, consiste à faire en sorte que soit respecté le droit de tout accusé de ne pas s'incriminer lui-même. En juin 2000, la loi a enfin permis à l'avocat d'intervenir dès le début de la garde à vue. Mais là encore, changement de majorité en 2002 et en mars 2004, une loi revient sur ce point en repoussant l'intervention de l'avocat à la 48e heure en matière de terrorisme, de trafic de stupéfiant et de délinquance organisée.

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Je rappelle que des affaires comme celles de Julien Coupat ont été traitées selon cette procédure d'exception, de même que la plupart des gardes à vue des délits de solidarité qui n'existent pas : la dame arrêtée à son domicile pour avoir rechargé des téléphones mobiles d'étrangers a été interpellée pour aide au séjour en bande organisée. Quand bien même l'affaire va probablement aboutir à un classement sans suite, elle n'a pas eu droit à l'assistance d'un avocat pendant ses 14 heures de garde à vue. 

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Permettez à l'État de s'affranchir des libertés fondamentales en matière de terrorisme ou de délinquance organisée, et ne vous étonnez pas qu'un jour, il vous accuse d'un de ces faits pour s'affranchir d'avoir à respecter les vôtres.

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Donc, l'intervention de l'avocat est repoussée de 48 heures dans trois série de cas. Systématiquement. Revenons-en à notre arrêt de la Cour.

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55.  Dans ces conditions, la Cour estime que, pour que le droit à un procès équitable consacré par l'article 6 § 1 demeure suffisamment « concret et effectif » (…), il faut, en règle générale, que l'accès à un avocat soit consenti dès le premier interrogatoire d'un suspect par la police, sauf à démontrer, à la lumière des circonstances particulières de l'espèce, qu'il existe des raisons impérieuses de restreindre ce droit. Même lorsque des raisons impérieuses peuvent exceptionnellement justifier le refus de l'accès à un avocat, pareille restriction – quelle que soit sa justification – ne doit pas indûment préjudicier aux droits découlant pour l'accusé de l'article 6 (voir, mutatis mutandisMagee, précité, § 44). Il est en principe porté une atteinte irrémédiable aux droits de la défense lorsque des déclarations incriminantes faites lors d'un interrogatoire de police subi sans assistance possible d'un avocat sont utilisées pour fonder une condamnation.

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Arrêtez-moi si je me trompe (mais pas selon la procédure de délinquance organisée s'il vous plaît) : la cour dit qu'elle veut bien qu'on repousse l'intervention de l'avocat, mais elle doit avoir lieu en tout état de cause avant le premier interrogatoire de police, sauf à ce que des circonstances particulières au cas d'espèce (et non une règle de procédure générale appliquée systématiquement) font qu'il existe des raisons impérieuses de restreindre ce droit.

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Or les procédures françaises d'exception repoussent à la 48e heure cette intervention de l'avocat, systématiquement, et des interrogatoires du suspect ont bien évidemment lieu pendant ce laps de temps. C'est même le but : obtenir des aveux avant qu'un baveux vienne lui dire de se taire.

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Conclusion logique : les procédures française d'exception ne sont pas conformes à la Convention européenne des droits de l'homme. Toutes les personnes qui ont avoué des faits dans ce laps de 48 heures peuvent demander une indemnisation pour violation de leurs droits, et la révision de leur procès (art. 626-1 du CPP) si elles ont été condamnées sur la base de ces aveux, car leur procédure est présumée avoir porté une atteinte irrémédiable à leurs droits de la défense.

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Peut-être vois-je midi à ma porte car depuis 2004, où j'ai participé aux manifestations des avocats contre ce volet de la loi Perben II, je suis convaincu que cette procédure est contraire aux droits de l'homme. Je lirai donc avec intérêt tout point de vue contradictoire visant à démontrer que je me trompe.

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Car si tel n'est pas le cas, le 27 novembre 2008 fut une belle journée pour les droits de l'homme.

+-------------------------------- +Title: BatMam et Robin +Link: http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/12/BatMam-et-Robin +Date: Sun Jul 12 10:00:00 UTC 2009 +Creator: Dadouche +Subject: +Content: +

Par Dadouche

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+Il n'aura pas échappé à nos lecteurs, toujours très informés de la chose publique, que nous avons un nouveau Garde des Sceaux.
+Michèle Alliot-Marie a en effet été nommée Ministre d'Etat, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice et des Libertés.

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Et comme on n'est pas trop de deux pour s'occuper des Libertés (surtout quand on est en charge des prisons), il lui a été adjoint un Secrétaire d'Etat, Jean-Marie Bockel.
+Si nous avons connu dans un passé récent des Secrétaires d'Etat aux programmes immobiliers de la Justice ou aux droits des victimes, le Secrétariat d'Etat auprès du Ministre de la Justice et des Libertés est (à ma connaissance) une nouveauté[1].

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On attendait donc avec impatience de connaître le domaine de compétence du Secrétaire d'Etat.

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C'est un décret paru hier qui nous renseigne.
+Enfin, si on peut appeler ça renseigner.

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En effet, l'article 1er de ce texte dispose que " +M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'Etat à la justice, remplit toute mission et assure le suivi de tout dossier que lui confie le ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, auprès duquel il est délégué.".

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Qui pourrait se traduire par "il fera ce qu'on lui laissera faire"

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Ce n'est pas sans précédent.
Si George Kiejman, Ministre Délégué auprès du Ministre de la Justice dans le gouvernement de Michel Rocard avait en 1990 des attributions précises, telles que l'élaboration du nouveau code pénal, son successeur Michel Sapin, membre du gouvernement d'Edith Cresson, avait une fiche de poste aussi élaborée que celle du nouveau Secrétaire d'Etat.

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Lequel Secrétaire d'Etat aurait déclaré "Je serai transversal mais pas transparent".

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Sera-t-il le Robin de BatMam ? Ou Bernardo, le docteur Watson, Sancho Pança, Mini Me, Sganarelle, Q, Tinkerbell, Christian de Neuvillette, Han Solo (voire Chewbacca), Ron Weasley, Samwise Gamgee, Obélix ou Victoria Silvstedt ?[2]

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L'avenir nous dira comment fonctionnera ce nouveau couple...

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Notes

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[1] même si nous avons déjà connu des Ministres Délégués auprès du Ministre de la Justice

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[2] après avoir dans un premier temps mis en note de qui ces personnages sont les sidekicks ou fidèles seconds, je me suis dit qu'il valait mieux laisser chercher (enfin, c'est pas très compliqué)... Ca occupera ceux qui sont en vacances et ça distraira ceux qui sont au boulot

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+-------------------------------- +Title: Faut-il se chauffer au gaz pour être juge en Virginie occidentale ? +Link: http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/06/1470-faut-il-se-chauffer-au-gaz-pour-etre-juge-en-virginie-occidentale +Date: Fri Jul 10 00:19:00 UTC 2009 +Creator: Eolas +Subject: +Content: +

Lors de sa récente session, la Cour suprême a rendu un arrêt important changeant de manière spectaculaire sa position sur la très délicate question de l'indépendance de fait des juges élus.

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Les juges exercent en démocratie le troisième pouvoir, le pouvoir judiciaire : celui de trancher un différend selon la loi. Cette mission essentielle en démocratie suppose deux qualités essentielles : l'indépendance, et la compétence.

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En démocratie, trois systèmes de désignation sont envisageables : la désignation par l'autorité publique (les modalités peuvent varier de la désignation discrétionnaire au concours, en passant par la désignation ratifiée), l'élection, et le tirage au sort.

+ + +

La France a recours à un panaché des trois systèmes. La majorité des juges administratifs et judiciaires sont désignés par l'autorité publique sur la base d'un concours (c'est un décret signé par le président de la République en personne qui leur confère leurs fonctions ; Chirac pour Gascogne, Dadouche, Sub lege libertas, Paxatagore et Lulu, René Coty pour Anatole). Certains de ces juges sont désignés par l'autorité publique sans concours (les “sur titre” ; par exemple, Rachida Dati n'a jamais passé le concours d'accès à l'ENM— mais la plupart des “sur titre” sont de très bons magistrats ; citons aussi les membres du Conseil constitutionnel, nommés discrétionnairement par les trois présidents de la République, du Sénat et de l'Assemblée nationale). Les conseillers prud'hommes sont élus par les salariés et les employeurs, de même que les juges de commerce le sont par les commerçants. Le jury d'assises est quant à lui tiré au sort parmi le corps électoral.

+ + +

Ce dernier système peut surprendre, mais il est selon Montesquieu le plus démocratique puisqu'il respecte l'égalité des chances (même si dans tous les systèmes de droit, le tirage au sort est toujours tempéré tant par des restrictions pour l'accès au tirage —conditions d'âge et de probité— que par une influence sur le tirage —droit de récusation d'un juré tiré au sort.

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La désignation par l'autorité publique se fait en principe sur un critère de compétence technique. C'est le cas du concours, mode de désignation au mérite par excellence, mais aussi de la nomination par le pouvoir politique, qui si elle est encadrée par des contre-pouvoirs peut être satisfaisante. Ainsi les juges à la Cour Suprême des États-Unis sont-ils désignés par le président des États-Unis mais avec ratification par le Sénat ; les plus hauts postes de magistrats français sont soumis à l'avis (pour le parquet) ou à l'accord (pour le siège) du Conseil Supérieur de la Magistrature, ce qui rend particulièrement scandaleux le coup de force qui viendrait de se produire pour muter un procureur général, j'y reviendrai dans un prochain billet.

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Notons que les nominations au Conseil constitutionnel n'étaient soumises à aucun contrôle ni contre pouvoir jusqu'à la révision constitutionnelle de juillet 2008, ce qui était une carence à mon sens mais a permis d'éviter la politisation du Conseil. On verra ce que donnera la nouvelle procédure, qui n'a pas encore eu à s'appliquer (les prochaines nominations sont pour février 2010 avec le départ d'Olivier Dutheillet de Lamothe, Dominique Schnapper et Pierre Joxe.

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Aux États-Unis, qui vont nous occuper, 39 des 50 États de l'Union ont recours partiellement ou totalement à l'élection des juges et procureurs généraux. C'est donc un sujet sensible, qui reflète la méfiance traditionnelle du peuple américain envers l'État, et qui a ainsi voulu garder la mainmise sur la désignation de ceux chargés de dire le droit.

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L'invonvénient d'un tel système de désignation est qu'il se politise forcément. Les campagnes électorales pour élire tel juge ne sont pas toujours compatibles avec la dignité inhérente à la fonction, et l'argument de la promesse de sévérité (promesse tenue, les États-Unis ont un taux d'incarcération dix fois supérieur au nôtre) est un des plus porteurs. Se pose aussi la question de l'indépendance du juge, dont la campagne est financée par des gens susceptibles un jour d'être justiciables devant lui. Or un principe constitutionnel aux États-Unis est celui du procès équitable, le due process of law.

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Or la position de la Cour suprême a toujours été de dire que le juge ne doit pas voir son impartialité remise en cause à la légère : il prêtent serment de respecter la loi et la Constitution, et doivent bénéficier d'une présomption d'honnêteté. De fait, deux cas seulement constituent selon elle une situation objective où le juge doit se récuser : quand le juge a un intérêt financier dans le litige —Tumey v. Ohio, 273 U. S. 510, 523 (1927)— et quand le juge statue sur un délit d'audience (contempt of court) dont il a été la victime directe —Mayberry v. Pennsylvania, 400 U. S. 455 (1971). Ces décisions ont d'ailleurs été reprises dans des lois fédérales depuis lors. En dehors de ces cas, le demandeur en récusation doit prouver la partialité (bias) du juge, ce qui est très difficile, d'autant plus que généralement, il faut bien le dire, les juges se déportent volontiers quand ils estiment ne pas être neutres.

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Intéressons-nous à présent à l'industrie du charbon en Virginie occidentale.

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Ah, Charleston[1], ton univers impitoya-able. Un géant du charbon y règne sur les Appalaches : Massey Energy®, sous la forme de sa succursale locale :A. T. Massey Coal Co., Inc. Massey est le 4e producteur de charbon des États-Unis avec 40 millions de tonnes par an (vous voyez que le réchauffement de la planète a de beaux jours devant lui), et le premier de la région des Apalaches. Face à Goliath, quatre David : Hugh Caperton, Harman Development Corp.,Harman Mining Corp., et Sovereign Coal Sales (que j'appellerai Caperton tout court, comme la Cour Suprême). Quatre petits exploitants de mines de charbon qui vont tous faire faillite à cause selon eux de manœuvres déloyales et illicites de Massey.

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Si en France, tout finit par des chansons, aux États-Unis, tout finit par des procès. Et pour cause : ça marche. Le géant se prend la pierre judiciaire en plein front. En août 2002, un jury déclare A.T. Massey coupable de comportements commerciaux déloyaux et illicites et le condamne à payer à Caperton 50 millions de dollars. En juin 2004, la cour d'appel rejette le recours de A.T. Massey par un arrêt cinglant qui établit formellement sa culpabilité. Massey forme un pourvoi en cassation devant la Cour Suprême de l'État de Virginie Occidentale.

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Or fin 2004 se tenaient les élections judiciaires à la Cour Suprême : le juge sortant était l'Honorable Justice McGraw, candidat à sa succession. Son principal adversaire était l'avocat Brent Benjamin.

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Le Groupe Massey va décider de soutenir le candidat Benjamin, farouche partisan du libre marché. Et quand je dis soutenir, je dis soutenir. Outre les 1.000 dollars, don maximum au candidat selon la loi de Virginie Occidentale, Massey va faire un don de 2.500.000 $ à une association qui s'opposait à McGraw et soutenait Benjamin. Le nom de l'association est, pour la petite histoire « Pour le Bien des Enfants ». En fait, c'était plutôt pour le bien des mineurs.

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Et pour faire bonne mesure, Massey va dépenser 500.000 $ en courriers et campagnes diverses appelant à faire des dons pour Benjamin. Hypocrisie de la législation américaine : on ne peut donner plus de 1000 dollars à un candidat mais on peut dépenser 500.000 $ pour encourager les gens à lui faire des dons plafonnés à 1000 $ chacun. Sachant que les comités de soutien des deux candidats ont dépensé à eux deux 2.000.000 $, Massey va dépenser 3 millions pour soutenir un candidat.

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Qui sera élu avec 53,3% des votes. Ramené au nombre de suffrages exprimés, cela fait 8 dollars par vote pour Massey.

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Une fois Brent Benjamin devenu Justice Benjamin, Massey forme son pourvoi en cassation en octobre 2005. Aussitôt, Caperton dépose une requête en suspicion légitime à l'encontre du Justice Benjamin, lui demandant de se déporter, le demandeur étant son principal soutien financier. En avril 2006, le Justice Benjamin rejette cette requête, s'estimant tout à fait impartial.

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Et en novembre 2007, la cour suprême annule le jugement, par trois voix contre deux. Trois voix, dont celle de Benjamin : son vote fut donc décisif. Dans l'opinion dissidente du Justice Albright, cosignée par le Justice Cookman, on peut lire ces lignes impitoyables “Non seulement l'opinion de la majorité ne repose sur aucun fait établi ou un précédent jurisprudentiel, mais elle est fondamentalement injuste. Malheureusement, la justice n'a été ni honorée ni servie par la majorité". Ambiance. ”

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Caperton n'en démordant pas, il porte son affaire devant la Cour Suprême.

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Qui va se déchirer à son tour mais, par un vote de 5 contre 4, donner raison à Caperton. L'argument central est le suivant : même si aucun élément ne permet d'affirmer la partialité du Justice Benjamin, il existe ici une telle probabilité de partialité (probability of bias) qu'il aurait dû se récuser. la femme de César ne doit pas être soupçonnée même si elle n'a rien à se reprocher : il en va de même de ses juges. À l'argument de l'atteinte de la confiance publique dans les juges et le risque de raz-de-marée de recours en récusation Caperton, le Justice Kennedy, qui a rédigé l'Opinion de la Cour réplique que non, il s'agit d'un cas d'espèce eu égard aux circonstances extrêmes (un soutien “disproportionné” du demandeur)

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Le Chief Justice Roberts, dissident, s'étouffe d'indignation, soutenu en cela par le bloc conservateur de la cour : les Justice Scalia, Alito, et Thomas (les usual Suspects). Le Chief Justice Roberts ne parvient pas à accepter cette décision ne reposant pas sur des critères objectifs (contrairement à Tumey ou Mayberry) mais sur l'appréciation du juge. Il soulève dans son opinion dissidente (page 28 et suivantes du pdf) 40 questions que cet arrêt laisse selon lui irrésolues. Certaines sont pertinentes (par exemple : et si le litige portait sur un enjeu de 10.000 $, soit bien moins que le soutien financier de la campagne, peut-on soupçonner Massey d'acheter son juge ?), tandis que d'autres sont teintées de mauvaise foi par une reductio ad absurdum classique : par exemple : “Et si un juge est élu sur une promesse de sévérité envers le crime, doit-il se récuser de toute affaire criminelle ?” ; et pourquoi pas l'obliger à se chauffer au gaz pour juger une entreprise de charbon (d'où le titre du billet).

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Les règles objectives dégagées par la Cour dans ses arrêts Tumey et Mayberry ont été reprises dans des textes de loi, ce qui montre au passage le respect à la limite de la crainte révérencielle du législateur américain envers le juge, tandis que le législateur français vote sans vergogne des lois pour contourner les objections du juge, fût-il constitutionnel (Rétention de sûreté, HADOPI 2…). Gageons que cette fois, le législateur américain se gardera bien de s'aventurer sur ce terrain glissant.

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Alors, Caperton, révolution jurisprudentielle ou cas d'espèce sans lendemain ?

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Prochain épisode : les anti-inflammatoires permettent-ils de voir des jeunes filles nues ?

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Notes

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[1] Qui est comme tout le monde le sait la capitale de la Virginie Occidentale.

+-------------------------------- +Title: Du remue-ménage +Link: http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/09/Du-remue-m%C3%A9nage +Date: Wed Jul 08 22:32:00 UTC 2009 +Creator: Eolas +Subject: +Content: +

Certains d'entre vous ont pu le vivre en direct, il y a eu de grosses coupures cet après midi, mais ca y est, la mue est faite : mon blog tourne sous Dotclear 2.

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Concrètement, vous ne verrez aucune différence, et c'est le but. La carrosserie reste la même, c'est le moteur qui a changé. Et celui-là ne cale plus en côte. Pour ceux qui en ont marre de mes périphrases : en principe, fini les erreurs 503 à répétition dès que les lecteurs se bousculaient au portillon. Le blog devrait tenir la charge : j'ai un serveur dédié qui fonctionne à l'urine de cycliste, un logiciel débuggé au napalm et une bande passante qui pourrait télécharger un porte-avion.

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Le site devrait s'afficher encore plus rapidement chez vous, surtout parce que j'ai enlevé des enjoliveurs qui consommaient beaucoup de ressources pour pas grand chose : le top des commentateurs, les billets les plus commentés.

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Il faut que je m'habitude à la nouvelle interface, qui ne va pas me faciliter la vie sur iPhone, que j'explique à mes commensaux comment entrer dans leur nouvelle demeure, bref, je suis un peu en rodage, mais tout devrait bientôt reprendre un rythme normal.

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Prochain chantier à la rentrée : le changement de carrosserie. Le thème actuel a été bricolé en express par Kozlika, que Saint PHP la bénisse, mais j'ai conscience que son minimalisme confine à la mocheté, il n'était pas fait pour durer deux ans et demi.

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Je vais passer à un graphisme en deux colonnes, une grosse à gauche pour les billets, une petite à droite pour le menu. Graphiquement, ce sera sobre et élégant ; je fais sous-traiter ça par un geek dans un sweatshop à l'autre bout du monde qui travaille pour une bouchée de pain pour une boîte française installée dans un paradis fiscal (j'ai bien suivi, François ?). Pas de Flash®, toujours pas de pub, bref, le fond plus que la forme, comme d'habitude.

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Merci de m'indiquer toute anomalie que vous pourriez rencontrer : la chasse aux bugs est ouverte. Et on dit bravo et merci à Rémi.

+-------------------------------- +Title: Les cinq erreurs d'Authueil +Link: http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/08/1474-les-cinq-erreurs-d-authueil +Date: Wed Jul 08 11:12:18 UTC 2009 +Creator: Eolas +Subject: +Content: +

Mon ami Authueil reproche souvent aux juristes leur côté pinailleur. Je m'en voudrais de lui donner tort et vais relever cinq erreurs dans son dernier billet, dans lequel il exprime son approbation de la décision d'un proviseur ayant soumis la réinscription d'un lycéen en terminale dans son établissement à l'engagement de sa part de ne pas se livrer à nouveau à un blocage comme il l'avait fait plus tôt dans l'année scolaire pour des motifs politiques.

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À titre de prolégomènes, je tiens à signaler que, au-delà de la cause politique qui les a motivé, je n'ai aucune sympathie pour les bloqueurs, que ce soit de fac, de lycée ou de maternelle. C'est une méthode illégale, violente, et une voie de fait d'une minorité qui impose par la force ses décisions à une majorité. C'est à mes yeux inadmissible. Et ne venez pas me parler de démocratie. J'ai assisté à des “ AG ” en amphi : outre le fait qu'un amphi ne contient qu'une patite portion des étudiants, la démocratie y est aussi spontanée qu'en Corée du Nord.

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Donc je désapprouve ce qu'a fait ce lycéen.

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Néanmoins je suis en désaccord avec Authueil sur 5 points.

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Ce lycéen a 17 ans, il n'a plus d'obligation scolaire, s'il veut intégrer un établissement scolaire, il doit en accepter les règles.

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Je note sur un coin de papier son âge. Nous avons affaire à un mineur. Un grand mineur, mais un mineur quand même. Je m'en servirai plus tard. Mais le fait qu'il ait dépassé l'âge de l'obligation scolaire est sans la moindre pertinence. Il n'a plus l'obligation de se scolariser, mais il en conserve la liberté, que le Code de l'éducation élève au rang de droit :

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Le droit à l'éducation est garanti à chacun afin de lui permettre de développer sa personnalité, d'élever son niveau de formation initiale et continue, de s'insérer dans la vie sociale et professionnelle, d'exercer sa citoyenneté.

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Article L.111-1, qui, mes lecteurs l'auront deviné, est le premier article du code (quand je parlerai "du code" dans ce billet, ce sera le Code de l'éducation).

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15 ou 17 ans, l'élève a autant de légitimité à vouloir suivre des études, et l'État doit lui en fournir les moyens.

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De même, l'obligation scolaire (art. L.131-1 du Code de l'Éducation), de six à seize ans, ne dispense pas d'accepter les règles d'un établissement scolaire sous prétexte que l'élève n'a pas le choix d'être là. Tout établissement a un règlement intérieur qui s'impose aux élèves et aux enseignants. Et ce quel que soit leur âge (là, je pense surtout aux élèves) et leur capacité de compréhension des règles (là, je pense plus aux ados qu'aux maternelles).

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Bref, l'argument de l'âge est inopérant dans le sens de la démonstration d'Authueil. Vous allez voir, il va même plutôt dans le sens contraire.

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Vu qu'il a allègrement violé le règlement intérieur, et l'a clairement montré en devenant un représentant du mouvement, on peut comprendre les craintes du proviseur sur les risques de récidive. Qui trouverait à y redire s'il s'agissait d'un élève violent et isolé qui perturbe la vie du lycée par son indiscipline ? Pourquoi, parce que ces faits se seraient déroulés dans le cadre d'une action politique, il devrait être absout ? Une perturbation reste une perturbation et on peut très bien manifester et avoir une activité politique sans bloquer un établissement.

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Sur ce dernier point, je suis d'accord (bon pour pinailler jusqu'au bout, je dirai qu'on ne le peut pas, mais qu'on le doit). Mais ça s'arrête là. Le proviseur a des craintes ? Je lui recommande la verveine. Il y a des voies de droit pour sanctionner un élève. Et le chantage à la réinscription ne fait pas partie de cet arsenal (article R.511-13 du Code). Car le proviseur n'a pas le pouvoir de sanction : il appartient au conseil de discipline (art. R.511-20 et s. du Code) qu'il saisit et préside (ce qui au passage n'est pas conforme à la convention européenne des droits de l'homme qui exige la séparation des autorités de poursuite et de jugement). En exerçant ce chantage à la réinscription, le proviseur usurpe les prérogatives du Conseil de discipline, dont la composition vise précisément… à limiter le pouvoir coercitif du proviseur.

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Bref, pour sanctionner une violation de la loi par l'élève, le proviseur viole la loi. Les enseignants sont censés donner l'exemple, pas le suivre, non ?

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On est au lycée pour suivre des cours et si on est pas content de son lycée, on peut en changer, voire le quitter si on a l'âge requis. Rien à voir donc avec le monde du travail.

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Premier point : on est au lycée pour suivre des cours. Non. Pour draguer des filles (ou se faire draguer si on est une fille) et rigoler avec les potes/copines.

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Ensuite, je pourrais dire qu'on est dans une entreprise pour travailler, et si on n'est pas content de sa boîte, on peut en changer voire prendre sa retraite si on a l'âge requis. Bref, sur ces éléments de comparaison, ça ressemble un peu au monde du travail, le lycée.

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En fait, la différence essentielle, car elle existe, ce que les “ syndicats ” d'élèves ne comprennent pas, est ailleurs. Étudier n'est pas un métier, sauf pour Bruno Julliard, et l'élève n'a pas de contrepartie directe à son travail. Il en tire une instruction qui lui permettra plus tard d'accéder à des métiers pointus et donc mieux rémunérés. Le contrat de travail est un contrat d'échange direct : travail contre salaire. Cette relation existe d'ailleurs entre l'enseignant et l'Éducation Nationale, même si le statut est différent (l'enseignant est souvent un fonctionnaire). L'élève est l'usager d'un service public. Il jouit d'une prestation de service : l'enseignement et la mise à disposition des locaux. La seule chose qu'il doit est son assiduité et un comportement conforme au règlement intérieur. C'est là qu'on voit qu'en effet, le lycée et le monde du travail, ça n'a rien à voir.

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Quand les salariés manifestent pour des raisons de politique générale, ils ne bloquent pas pour autant leurs entreprises. Ils prennent une journée (de RTT, de congé, de grève...) et vont se joindre à la manif, sans empêcher leurs collègues non grévistes d'aller au travail si ça leur chante.

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En théorie. Les piquets de grève ne sont pas une légende. Oh, c'est illégal, bien sûr, comme séquestrer les patrons. Ou bloquer les lycées. Invoquer la différence des comportements est ici erroné puisque les deux comportements sont similaires. ce qui n'est pas un hasard : les lycéens et étudiants singent les moyens de lutte des ouvriers d'usines menacées de fermeture (quand bien même les études qu'ils suivent visent à s'assurer qu'ils n'entreront pas dans la même carrière que leurs glorieux aînés prolétaires).

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Il doit y avoir des limites. Ce proviseur a eu le courage d'en poser, qui m'apparaissent très raisonnables, puisque rien n'empêchera le lycéen d'avoir des activités politiques dans l'enceinte de l'établissement. On lui demande juste de ne pas perturber la scolarité de ses petits camarades, ce qui est la moindre des choses.

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Non, ce proviseur a au contraire manqué de courage. Il y a des limites, prévues par la loi. À lui de l'appliquer. Il aurait dû lancer une procédure disciplinaire contre tous les élèves bloqueurs, et ce dès le début du blocage. Pour leur permettre de présenter leur défense, de se faire assister de la personne de leur choix, y compris un avocat (art. D.511-32 du Code), et de comprendre que persévérer dans leur attitude les exposerait à un renvoi temporaire ou définitif et à une plainte au pénal, bienvenue dans la vraie vie. Car là aussi, rien n'est plus propice au passage à l'acte que la certitude de l'impunité que donne le nombre d'une part et la couardise des autorités d'autre part.

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Au lieu de cela, après avoir plié l'échine sur le moment, signant un aveu de faiblesse[1], il emploie un moyen déloyal et illégal. Il attend que l'élève en question soit isolé, et le prend à la gorge administrativement en détournant ses pouvoirs (le proviseur ne tire d'aucun texte le droit de juger l'opportunité des réinscriptions). Sachant que l'élève en question est mineur, donc censé être plus protégé par la loi, on peut s'interroger sur la véritable vertu pédagogique. En outre, son engagement de bien se tenir (qui est de nature civile) est nul car obtenu par la violence (art. 1111 du Code civil —c.civ— : c'est signe ou tu n'auras pas d'établissement l'année prochaine), est lésionnaire pour le mineur (art. 1315 c.civ : il ne peut que lui nuire) et n'a aucune base légale dans le code de l'éducation.

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Enfin, il y a une certaine absurdité de demander à un élève ayant violé le règlement intérieur de s'engager à le respecter sous peine de sanction… sanction qui n'a pas été prise quand le règlement intérieur a été violé.

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Bref, une mesure illégale, inefficace et qui déshonore celui qui la prend. Vous l'aurez compris, je ne partage pas l'enthousiasme d'Authueil face à cette mesure. Le pinaillage des juristes, pour qui la fin ne justifie jamais les moyens, que ce soit un blocage de lycée ou de réinscription, en fait de bien sinistres personnages.

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PS : Je ne l'avais pas vu, mais Jules le dit mieux que moi.

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Notes

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[1] Si cette politique du roseau lui a été imposée par la voie hiérarchique, l'administration refusant toute confrontation, ma critique reste la même, mais se transmet par la voie hiérarchique au ministre.

+-------------------------------- +Title: Ces gens sont des menteurs +Link: http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/08/1473-ces-gens-sont-des-menteurs +Date: Wed Jul 08 00:24:19 UTC 2009 +Creator: Eolas +Subject: +Content: +

À écouter, à podcaster (iTunes, Lien RSS), l'émission Les Pieds Sur Terre du 6 juillet 2009, diffusée sur France Culture, qui revient sur le fameux délit de solidarité, celui dont le ministre qui ne devrait pas exister nie l'existence. Pauline Maucort et Olivier Minot sont allés interviewer des gens qu'on a arrêté, placé en garde à vue, et oui, pour certains poursuivis et condamnés pour avoir aidé un étranger en situation irrégulière. Des acteurs, sans doute.

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Écoutez leurs élucubrations, c'est drôlement bien inventé et joué, tous ces détails : ils sont forts ces menteurs.

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Car bien sûr qu'Éric Besson dit vrai.

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JAMAIS en France la police aux frontières ne viendrait embarquer à 7 heures 45 du matin une dame qui recharge des téléphones portables en l'accusant d'un délit qui n'existe pas commis en bande organisée. AUCUN policier n'aurait la désarmante naïveté de lui dire avoir été gentil d'attendre 7 heures du matin, la procédure ouverte selon la loi Perben II pour délinquance organisée permettant une perquisition à toute heure de la nuit —art. 706-89 du code de procédure pénale (CPP), sur autorisation du juge des libertés et de la détention (JLD)—, et écartant l'avocat, ce gêneur qui rassure les dames en garde à vue : art. 706-88 du CPP al. 6 : l'avocat n'est autorisé qu'à partir de 48 heures de garde à vue, soit bien plus que le nécessaire pour boucler une procédure pour trois portables, même si le policier tape les PV avec deux doigts), et d'en rajouter une louche en disant que vraiment, ils sont super sympas de ne pas lui avoir défoncé sa porte ni de ne pas l'avoir menotté (Oui, c'est à 15'10). C'est qu'elle a oublié de dire merci, cette ingrate.

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EN AUCUN CAS en France un religieux de 78 ans ne serait placé en garde à vue pour avoir transporté dans le coffre de sa voiture les bagages d'une famille qu'il accompagnait… acheter des billets de train. Jamais un policier n'aurait l'idée saugrenue de demander à un frère rédemptoriste pourquoi il vient en aide à des démunis[1].

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COMMENT IMAGINER qu'en France, un citoyen soit arrêté pour avoir hébergé chez lui l'homme dont il était amoureux, et soit pour un soupçon de ces faits attaché à un mur pendant 17 heures ? C'est dangereux, un homo amoureux, mais quand même… Qui oserait croire qu'un procureur général fasse appel de la relaxe qui va suivre, et qu'une cour d'appel, fût-ce celle de Nîmes, même si celle de Douai l'a déjà fait, le condamne effectivement à 1000 euros d'amende, croyant utile d'ajouter que cet hébergement se faisait manifestement en contrepartie de faveurs sexuelles ? Au fait, monsieur le juge, votre femme, elle vous paye un loyer ?

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Non, c'est trop gros.

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Heureusement que le ministre du fifre et du pipeau est là pour rétablir la vérité, la Pravda ayant depuis longtemps failli à cette mission d'édification du peuple.

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Une superbe fiction, donc, mise en scène par Véronique Samouiloff.

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Mais pourquoi donc n'arrivè-je pas à applaudir ?

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Notes

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[1] La réponse se trouve à l'article premier des Constitutions de la Congrégation du Très-Saint-Rédempteur : “ Son but est de continuer le Christ Sauveur en annonçant la Parole de Dieu aux pauvres, selon ce qu'il a dit de lui-même: «Il m'a envoyé évangéliser les pauvre» ” ; “Elle s'acquitte de cette tâche avec un élan missionnaire qui la porte vers les urgences pastorales en faveur des plus délaissés, surtout des pauvres, à qui elle s'efforce d'apporter la Bonne Nouvelle.” Ça signe la bande organisée.

+-------------------------------- +Title: De l'art délicat de donner des leçons à qui n'a pas appris les siennes +Link: http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/07/1472-de-l-art-delicat-de-donner-des-lecons-a-qui-n-a-pas-appris-les-siennes +Date: Tue Jul 07 01:11:58 UTC 2009 +Creator: Eolas +Subject: +Content: +

Un fait divers a fait quelque peu ricaner sur le web, une forme d'arroseur arrosé, internet tenant parfois d'une cour de récréation où on aime à rire aux dépens d'autrui (c'est toujours mieux comme métaphore que la plomberie).

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Même si vous pourrez facilement retrouver le nom des protagonistes, puisqu'il est sans intérêt pour ma démonstration et que je ne souhaite pas exposer plus avant le dindon de la farce, je vais utiliser des pseudonymes.

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Géronte est un étudiant en informatique. Ce jour là, il doit passer un contrôle de connaissance (il ne s'agit pas d'un examen visant à la délivrance d'un diplôme, la chose a son importance) portant sur sa maîtrise d'un logiciel très (trop ?) utilisé sur internet. Le sujet tombe, et là, c'est le blanc. Chaque exercice noté implique l'utilisation d'une technique dont il n'arrive pas à se souvenir.

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Mais il découvre qu'il peut se connecter à internet depuis sa salle d'examen (l'examen a forcément lieu sur un ordinateur), quand bien même l'école avait dit avoir pris ses précaution pour que ce soit impossible.

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Il lance donc un appel au secours demandant de l'aide et promettant une récompense.

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Scapin, spécialiste de ce programme du fait de sa profession de graphiste indépendant, lui répond et lui propose son assistance. Géronte lui expose sa difficulté et lui propose de faire les exercices à sa place, contre une rémunération de 100 euros.

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Scapin tombe alors le masque et exposant qu'il n'a ni besoin d'argent, ni peur du paradoxe, lui demande 300 euros faute de quoi il téléphonera à son école pour révéler la triche en cours, capture d'écran de leurs échanges à l'appui. Géronte croit à une plaisanterie de quelqu'un ayant changé d'avis, et conclut l'échange par le sommet de la péroraison cicéronienne en rhétorique contemporaine : un ;-) .

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Mais Scapin était sérieux. Il a appelé l'école, qui se dispose à prendre des sanctions contre cet élève.

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Internet est un théâtre, et le poulailler s'esclaffe de la Farce de Scapin sur ce pauvre Maître Géronte.

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Un seul ne rit pas à l'orchestre : votre serviteur. Il ne peut s'empêcher d'être amer dans cette saynète, où Scapin mérite peut-être plus les coups de bâton que Géronte.

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Géronte a voulu tricher, c'est certain. La fraude à un examen est un délit depuis la loi, toujours en vigueur, du 23 décembre 1901, puni de 3 ans de prison et 9000 euros d'amende ; mais seulement si l'examen est un concours d'accès à la fonction publique ou vise la délivrance d'un diplôme délivré par l'État, outre des sanctions disciplinaires d'interdiction provisoire de se présenter aux examens et concours (je n'ai pas retrouvé la référence des textes, si quelqu'un peut m'éclairer, je mettrai à jour). En dehors de ces cas, la fraude expose l'élève a des sanctions disciplinaires prononcées par son établissement pouvant aller jusqu'au renvoi.

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Ici, il s'agissait d'un contrôle de connaissance, interne à l'établissement. Le délit n'était donc pas constitué, mais la faute disciplinaire, oui.

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Foulant au pied tous mes principes, je mets un instant ma robe pour plaider gratuitement (Argh ! Je brûle ! Je brûle !) que ce que Géronte a fait est EXACTEMENT ce qu'un professionnel aurait fait à sa place : chercher de l'aide sur internet. Internet est un paradis pour informaticien (il y a même des femmes nues, d'ailleurs, c'est dire si la ressemblance est poussée), et quiconque a un souci peut trouver promptement du secours dans les forums spécialisés. La solidarité existe, et le mot de communauté prend ici tout son sens. J'en sais quelque chose y ayant eu assez recours pour rustiner mon blog (au fait, Rémi, ça avance, cet upgrade ?). Professionnellement, ce n'est pas tricher : c'est aller chercher l'information, disponible gratuitement, à charge de revanche. De fait, si Géronte n'avait pas voulu frimer en précisant qu'il était en examen, mais avait simplement demandé de l'aide, il l'aurait très probablement trouvée, sans qu'on lui pose de questions. Cela n'annule pas la triche mais en atténue la gravité. D'autant que face à cet échec, il a finalement rendu copie blanche, ou son équivalent en informatique (disque dur formaté ?). Géronte mérite une sanction, mais plutôt de l'ordre de l'avertissement.

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Tournons nos yeux vers Scapin.

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Qu'a-t-il fait ? Dénoncer un tricheur n'est pas répréhensible en soi. La dénonciation fut un sport national avant d'avoir mauvaise presse mais reste légale (bon, de là à la qualifier d'acte républicain, il faut pas exagérer, sauf à être un spécialiste de la chose).

+ + +

Mais auparavant, il y a eu cette parole malheureuse : “ ce qui serait encore mieux, ce serait 300 euros pour que je ne téléphone pas tout de suite à l'école en leur balançant les photos et le résumé du chat qu'on vient d'avoir.

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Et là, le juriste ne peut s'empêcher de s'exclamer : « 312-10 ! »

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Code pénal, article 312-10 : Le chantage est le fait d'obtenir, en menaçant de révéler ou d'imputer des faits de nature à porter atteinte à l'honneur ou à la considération, soit une signature, un engagement ou une renonciation, soit la révélation d'un secret, soit la remise de fonds, de valeurs ou d'un bien quelconque.

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Le chantage est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75000 euros d'amende.

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Le fait de tricher à un contrôle est bien de nature à porter atteinte à l'honneur et à la considération du tricheur. Peu importe que le fait soit illicite et avéré : le chantage n'a pas à porter sur des faits licites ou mensongers : on peut parler de jurisprudence ancienne puisqu'il en a déjà été jugé par la chambre criminelle de la cour de cassation le 4 juillet 1874.

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Et, découvrant que Scapin a bel et bien prévenu l'école, le juriste s'écrie derechef : « 312-11 ! »

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Code pénal, article 312-11 : Lorsque l'auteur du chantage a mis sa menace à exécution, la peine est portée à sept ans d'emprisonnement et à 100.000 euros d'amende.

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Le poulailler ne rit plus, et interpellant l'orchestre, lui objecte : mais la loi sanctionne le fait d'obtenir les fonds, et là, Géronte n'a pas voulu payer, Scapin n'a rien obtenu !

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Ce à quoi le juriste, décidément imperméable à l'humour, rétorque : « 312-12. »

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Code pénal, article 312-12 : La tentative des délits prévus par la présente section est punie des mêmes peines.

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La tentative est constituée dès lors que, manifestée par un commencement d'exécution, elle n'a été suspendue ou n'a manqué son effet qu'en raison de circonstances indépendantes de la volonté de son auteur (article 121-5 du Code pénal). Ici, la circonstance indépendante de la volonté du maître chanteur est que la victime du chantage n'a pas payé, qu'elle ait préféré subir les conséquences de sa fraude ou n'ait pas pris la menace au sérieux.

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Tourner en ridicule les tricheurs, pourquoi pas ? Encore qu'avec l'internet, donner le nom de la personne est le condamner à une infamie perpétuelle, ce qui est disproportionné, surtout pour une simple interrogation écrite.

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Mais commettre un délit à cette occasion me semble être une curieuse façon de se poser en donneur de leçon.

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(PS : Merci de ne pas citer les noms des protagonistes de cette affaire, le message serait immédiatement supprimé dans son intégralité, je ne vais pas m'amuser à faire de la correction).

+-------------------------------- +Title: Les ternes vitres de la République +Link: http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/06/1468-les-ternes-vitres-de-la-republique +Date: Mon Jul 06 11:01:22 UTC 2009 +Creator: Eolas +Subject: +Content: +

Alassane T. est mauritanien, il a 46 ans. Il habite Orléans, où il est laveur de vitres. Depuis 6 ans, il se rend une fois par mois au commissariat de police d'Orléans pour en nettoyer les carreaux. On l'y connait, on le salue et on le laisse circuler librement dans les bureaux.

+ + +

Un jour, un policier lui demande ses papiers. Pourquoi ? C'est toute la question, vous allez voir. Alassane, bien embêté, lui avoue qu'il est sans papier. S'ensuit la procédure standard : garde à vue pour séjour irrégulier, arrêté de reconduite à la frontière avec placement en centre de rétention pour 48 heures, classement sans suite de la procédure pour séjour irrégulier, la routine.

+ + +

Au bout des 48 heures, notre laveur de carreau étant toujours là, le préfet doit saisir le juge des libertés et de la détention d'une demande de prolongation du placement en rétention pour 15 jours max. C'est à cette occasion enfin et à cette occasion seulement que l'étranger, assisté d'un avocat, pourra faire valoir ses arguments sur la légalité de la procédure ayant abouti à sa situation. Ça vous paraît dur ? Il y a pire encore, vous allez voir.

+ + +

À cette occasion, son avocat soulève la nullité du contrôle d'identité initial. Un classique.

+ + +

Un policier ne peut pas demander ses papiers à qui il souhaite selon son envie. C'est l'article 78-2 du code de procédure pénale. J'en avais déjà parlé ici, je vous renvoie à cet article pour les règles applicables.

+ + +

Le commissariat d'Orléans n'est pas, après vérification auprès de l'IGN, à moins de 20 km d'une frontière : la frontière la plus proche, le périphérique sud, est à 120 km de là. Le procureur de la République n'avait certainement pas pris des instructions de procéder à des contrôles d'identité dans l'enceinte du commissariat pour rechercher des sans-papiers. Ne restait donc que le contrôle spontané. Il fallait donc établir qu'un laveur de carreau en train de laver des carreaux comme il le fait depuis 6 ans à cet endroit a une attitude constituant une raison plausible de soupçonner qu'il a commis ou tenté de commettre une infraction, ou qu'il se prépare à commettre un crime ou un délit, ou qu'il est susceptible de fournir des renseignements utiles à une enquête en cas de crime ou de délit, ou enfin qu'il fait l'objet de recherches ordonnées par une autorité judiciaire.

+ + +

Brisons tout de suite le suspens : le préfet n'y est pas parvenu.

+ + +

Le juge des libertés et de la détention annule le contrôle d'identité, au motif que “ le fait de venir laver les vitres d'un commissariat n'est pas une raison plausible de soupçonner que le laveur de vitres a commis ou tenté de commettre une infraction ”. Face à une telle motivation solide comme le granit, le parquet, qui a le sens de la pudeur, ne fait pas appel. Le contrôle d'identité était illégal : le policier n'avait aucun droit de demander ses papiers à Alassane. On peut s'offusquer de ces étrangers qui ne respectent pas la loi, mais à la condition de s'offusquer au moins autant quand ce sont les policiers qui le font, sous peine de perdre sa cohérence.

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Le contrôle étant nul, la garde à vue qui l'a suivi aussi, puisqu'elle n'a plus de raison d'être. Et le placement en rétention, qui en découle logiquement. Alassane est remis en liberté.

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End of story, justice est faite ?

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Pas du tout.

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Si vous avez suivi, vous avez dû tiquer. Le contrôle est d'identité est nul, la garde à vue aussi, le placement en rétention aussi… Mais quid de l'arrêté de reconduite à la frontière ?

+ + +

Eh bien il reste parfaitement valable. Conséquence logique et absurde de la séparation des autorités administratives et judiciaires : le juge judiciaire, en charge de la liberté individuelle, a annulé tout ce qui a porté atteinte à la liberté d'Alassane. Mais sa situation administrative ne regarde que le juge administratif, qui est saisi d'un recours totalement autonome, sur la légalité de cet arrêté. Peu lui importe à lui dans quelles circonstances cet arrêté a été pris, même si c'est à l'occasion d'une violation de la procédure pénale à l'origine. Le préfet avait-il le droit d'éloigner Alassane, ou celui-ci peut-il invoquer des circonstances qui imposent sa régularisation ? Telle est la seule question qui intéresse le juge administratif. Il n'avait pas le droit de le priver de liberté ? Peu importe. Le juge judiciaire a déjà tranché la question.

+ + +

Le tribunal administratif d'Orléans,s'il a été saisi[1], a dû statuer depuis longtemps : le contrôle d'identité a eu lieu le 10 juin, la notification de l'arrêté a dû avoir lieu le 11, recours déposé le 13 au plus tard (oui, c'est un samedi, et alors ?), le tribunal a dû statuer le 16 juin au plus tard, l'article L. 512-2 du CESEDA imposant au juge administratif un délai de 72 heures pour statuer sur le recours (même si ce délai, contrairement au délai de recours de 48 heures, n'est pas sanctionné : le juge peut statuer au-delà des 72 heures sans conséquences pour le dossier). Quelqu'un a des infos ?

+ + +

Car si le tribunal a estimé que l'arrêté de reconduite à la frontière était valable, le séjour illégal d'Alassane prendra[2] fin grâce à une procédure illégale.

+ + +

Un partout, match nul.

+

Notes

+

[1] Le recours doit impérativement être déposé dans les 48 heures de la notification.

+

[2] Je dois à la Vérité et à la Cour des comptes d'ajouter ici un peut-être, tant le taux d'exécution des reconduites à la frontière est bas, et en diminution constante ; je me flatte d'y être un peu pour quelque chose.

+-------------------------------- +Title: « Sarkozy je te vois » : Prévenu, je te relaxe +Link: http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/03/1469-sarkozy-je-te-vois-prevenu-je-te-relaxe +Date: Fri Jul 03 11:59:00 UTC 2009 +Creator: Eolas +Subject: +Content: +

Épi­lo­gue de l’affaire de la célè­bre saillie : « Sar­kozy je te vois » : le juge de proxi­mité de Mar­seille a relaxé l’ensei­gnant pour­suivi pour tapage diurne inju­rieux.

+ + +

Le juge de proxi­mité a estimé dans son juge­ment que si le pro­pos pou­vait être “ mala­droit et déplacé ”, il “ ne revêt pas de carac­tère inju­rieux ”, ce qui relève en effet de l’évi­dence, mais pas tant que ça visi­ble­ment puis­que l’offi­cier du minis­tère public avait requis la con­dam­na­tion à 100 euros d’amende.

+ + +

L’avo­cat du pré­venu a déclaré à la presse que « le juge de proxi­mité est suf­fi­sam­ment décrié pour que cette fois, on puisse lui ren­dre hom­mage, c’est avec beau­coup d’à pro­pos et de matu­rité qu’il a motivé son juge­ment ».

+ + +

Qu’il me soit per­mis de dis­con­ve­nir.

+ + +

Si la relaxe me sem­blait en effet s’impo­ser, le juge n’avait pas à ména­ger la chè­vre et le chou en con­ve­nant que le pro­pos était mala­droit et déplacé.

+ + +

Rap­pe­lons le pro­pos : “ Sar­kozy, je te vois ”. Mala­droit ? Déplacé ? Et en quoi ? Les juge­ments de valeur sont dépla­cés dans un juge­ment en droit. Un pro­pos viole la loi ou ne le viole pas, le juge n’a pas à jouer les arbi­tres des élé­gan­ces. Bien sûr, il y a des excep­tions (en droit, il y a TOU­JOURS des excep­tions). Quand un pro­pos a cho­qué l’opi­nion publi­que mais ne tombe pas sous le coup de la loi, le tri­bu­nal peut recon­naî­tre que le pro­pos pou­vait cho­quer, est con­tro­versé, va con­tre une thèse offi­cielle, etc. Il suf­fit de lire les juge­ments de relaxe dont ont pu béné­fi­cier Jean-Marie Le Pen ou Dieu­donné. Mais même en ce fai­sant, il ne porte pas vrai­ment de juge­ment de valeur mais cons­tate une évi­dence et situe un con­texte.

+ + +

Dans notre affaire, le pro­pos n’a cho­qué per­sonne. Je ne con­nais per­sonne qui ait approuvé ces pour­sui­tes, pas même Fré­dé­ric Lefèb­vre, ce qui n’est pas peu dire. Aucune pré­cau­tion ver­bale ne s’impo­sait.

+ + +

Vou­loir donc ména­ger la chè­vre et le chou me paraît donc ici mala­droit et déplacé. Une relaxe un peu plus cin­glante aurait eu ma pré­fé­rence. Parce que la liberté d’expres­sion le vaut bien.

diff --git a/test/source/eolas.xml b/test/source/eolas.xml new file mode 100644 index 0000000..b0337a2 --- /dev/null +++ b/test/source/eolas.xml @@ -0,0 +1,1297 @@ + + + Journal d'un avocat + + + + 2009-07-27T20:57:10+02:00 + + + + urn:md5:f240fbad9d15d9a699d2cbeecb29ac4d + Dotclear + + + + Eolas au Journal Officiel + + urn:md5:8b17e87e51b09c643af4838c7659284d + 2009-07-26T19:51:00+02:00 + Eolas + + <p>Il suf&shy;fit de par&shy;tir à la plage cinq minu&shy;tes et la Gloire vient frap&shy;per à votre porte.</p> +<p>Assem&shy;blée Natio&shy;nale, 2e séance du ven&shy;dredi 24 juillet 2009. <a href="http://www.assemblee-nationale.fr/13/cri/2008-2009-extra/20091035.asp#P6779_8003">Extrait du compte-rendu ana&shy;ly&shy;ti&shy;que</a>.</p> +<blockquote> +<p><strong>M.&nbsp;le pré&shy;si&shy;dent.</strong> La parole est à Mme&nbsp;Cathe&shy;rine Lemor&shy;ton, pour sou&shy;te&shy;nir l’amen&shy;de&shy;ment n°&nbsp;174.</p> +<p><strong><a href="http://www.assemblee-nationale.fr/tribun/fiches_id/331753.asp" target="_top">Mme&nbsp;Cathe&shy;rine Lemor&shy;ton</a>.</strong> Per&shy;met&shy;tez-moi de citer les expli&shy;ca&shy;tions que donne Eolas, sur le site <em>Jour&shy;nal d’un avo&shy;cat,</em> à pro&shy;pos de l’avis du Con&shy;seil cons&shy;ti&shy;tu&shy;tion&shy;nel&#160;: «&#160;La loi HADOPI met en cause la res&shy;pon&shy;sa&shy;bi&shy;lité de l&#8217;abonné par la sim&shy;ple cons&shy;ta&shy;ta&shy;tion du pira&shy;tage, qui suf&shy;fit à met&shy;tre en branle la machine à débran&shy;cher, sauf à ce que l&#8217;abonné démon&shy;tre que le pira&shy;tage est dû à la fraude d&#8217;un tiers (je laisse de côté la force majeure, qui exo&shy;nère de toute res&shy;pon&shy;sa&shy;bi&shy;lité sans qu&#8217;il soit besoin de le pré&shy;voir dans la loi, et l&#8217;ins&shy;tal&shy;la&shy;tion du logi&shy;ciel mou&shy;chard, qui au con&shy;traire inter&shy;dit <em>de facto </em>à l&#8217;abonné d&#8217;invo&shy;quer la fraude d&#8217;un tiers). Preuve impos&shy;si&shy;ble à rap&shy;por&shy;ter. Ce ren&shy;ver&shy;se&shy;ment de la charge de la preuve abou&shy;tit à faire de l&#8217;abonné mis en cause un cou&shy;pa&shy;ble jusqu&#8217;à ce qu&#8217;il prouve son inno&shy;cence. C&#8217;est prévu par le code pénal nord coréen, mais pas par le nôtre. Le légis&shy;la&shy;teur a ima&shy;giné ce méca&shy;nisme anti&shy;cons&shy;ti&shy;tu&shy;tion&shy;nel&shy;le&shy;ment.&#160;» Les évé&shy;ne&shy;ments des der&shy;niè&shy;res semai&shy;nes ne don&shy;nent-ils pas rai&shy;son à l’auteur de ces lignes&#160;?</p> +</blockquote> +<p>Ici, le trans&shy;crip&shy;teur a oublié de noter les pro&shy;ba&shy;bles <em>accla&shy;ma&shy;tions sur l&#8217;ensem&shy;ble des bancs, le Pré&shy;si&shy;dent se lève et salue à l&#8217;invo&shy;ca&shy;tion de ce nom</em>.</p> +<blockquote> +<p>M.&nbsp;le rap&shy;por&shy;teur bâille. On com&shy;prend qu’il soit fati&shy;gué. Pour lui évi&shy;ter la peine d’une nou&shy;velle sanc&shy;tion du Con&shy;seil cons&shy;ti&shy;tu&shy;tion&shy;nel, je lui sug&shy;gère d’émet&shy;tre un avis favo&shy;ra&shy;ble à l’amen&shy;de&shy;ment n°&nbsp;174, qui pro&shy;pose d’abro&shy;ger l’arti&shy;cle L.&nbsp;336-3 du code de la pro&shy;priété intel&shy;lec&shy;tuelle.</p> +</blockquote> +<p>Hélas (je graisse)&#160;:</p> +<blockquote> +<p><em>(Les amen&shy;de&shy;ments iden&shy;ti&shy;ques n<sup>os</sup>&nbsp;17 rec&shy;ti&shy;fié, 169, 172, <strong>174</strong>, 176 et 845 ne sont pas adop&shy;tés.)</em></p> +<p>&nbsp;</p> +</blockquote> +<p>Notre démo&shy;cra&shy;tie va mieux, assu&shy;ré&shy;ment, mais ça n&#8217;est pas encore ça.</p> + + + + + http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/26/Eolas-au-Journal-Officiel#comment-form + http://www.maitre-eolas.fr/feed/atom/comments/1440 + + + + Une journée particulière + + urn:md5:995c6d8d8f5590f8c2145c07fa28e136 + 2009-07-24T00:02:00+02:00 + Dadouche + Commensaux + + <p><em>Par Dadou&shy;che</em></p> + + + +<p><em>Pré&shy;li&shy;mi&shy;naire&#160;: Ce billet, c&#8217;est un peu mon dos&shy;sier de l&#8217;été à moi.</em> +<em>Pas pour meu&shy;bler en atten&shy;dant la ren&shy;trée (Eolas ne s&#8217;arrête jamais&#160;: grâce à son thé pour cyclis&shy;tes il fran&shy;chit tous les cols en tête, alors que ses colo&shy;ca&shy;tai&shy;res sont prêts à être ramas&shy;sés par la voi&shy;ture balai), mais parce qu&#8217;il est long et pas d&#8217;une actua&shy;lité brû&shy;lante (quoi&shy;que). Il n&#8217;inté&shy;res&shy;sera peut-être pas tous les lec&shy;teurs (oui je sais, on fait mieux comme tea&shy;sing), mais ça fait long&shy;temps que j&#8217;avais envie de faire quel&shy;que chose à ce sujet.</em><br /></p> + + +<hr /> + + + +<p>Au cours d&#8217;une année riche en pro&shy;cès d&#8217;ampleur, la ques&shy;tion de la publi&shy;cité des débats et de la façon dont les médias ren&shy;dent compte des pro&shy;cès et de leurs sui&shy;tes s&#8217;est posée à plu&shy;sieurs repri&shy;ses. +On a pu évo&shy;quer <a href="http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/04/30/1395-la-protection-des-mineurs-est-elle-soluble-dans-la-pedagogie">ici même</a> la ques&shy;tion de la publi&shy;cité res&shy;treinte impo&shy;sée par la loi pour le pro&shy;cès des meur&shy;triers d&#8217;Ilan Halimi. <br />Le <em>Monde</em> a relaté <a href="http://mobile.lemonde.fr/societe/article/2009/06/19/la-justice-en-direct-sur-le-net_1208839_3224.html">avec cir&shy;cons&shy;pec&shy;tion</a> l&#8217;ini&shy;tia&shy;tive de la Nou&shy;velle Répu&shy;bli&shy;que du Cen&shy;tre Ouest, dont le site pro&shy;po&shy;sait un <em>&#8220;live-blog&shy;ging&#8221;</em> minute par minute du pro&shy;cès de Véro&shy;ni&shy;que Cour&shy;jault. <br />Un débat sur la publi&shy;cité à don&shy;ner aux libé&shy;ra&shy;tions de con&shy;dam&shy;nés s&#8217;est même engagé sous <a href="http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/06/26/1459-en-effleurant-ce-rai-de-lumiere-dune-porte-entrebaillee">un billet</a> de Sub Lege Liber&shy;tas.</p> + + + +<p>Com&shy;ment le public peut-il et doit-il être informé de ce qui se passe dans les pré&shy;toi&shy;res&#160;?</p> <p>L&#8217;évo&shy;lu&shy;tion des médias, la place pré&shy;pon&shy;dé&shy;rante de la télé&shy;vi&shy;sion (et la mul&shy;ti&shy;pli&shy;ca&shy;tion des chaî&shy;nes), celle, mon&shy;tante, d&#8217;inter&shy;net, ont changé la donne dans ce domaine éga&shy;le&shy;ment.<br /></p> + + +<p>Pas&shy;cal Robert-Diard a expli&shy;qué l&#8217;été der&shy;nier dans une (excel&shy;lente) <a href="http://www.arretsurimages.net/contenu.php?id=927">émis&shy;sion</a> d&#8217;@rrêt sur image<sup>[<a href="http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#pnote-1439-1" id="rev-pnote-1439-1">1</a>]</sup> com&shy;ment son blog lui per&shy;met&shy;tait de retrou&shy;ver le côté feuille&shy;ton&shy;nage que les jour&shy;naux papier ne peu&shy;vent plus s&#8217;offrir. D&#8217;autres, comme <a href="http://chroniquesjudiciaires.blogs.nouvelobs.com/">Syl&shy;vie Véran</a> pour le Nou&shy;vel Obser&shy;va&shy;teur<sup>[<a href="http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#pnote-1439-2" id="rev-pnote-1439-2">2</a>]</sup>, lui ont emboîté le pas.</p> + + +<p>Les créa&shy;teurs de la chaîne thé&shy;ma&shy;ti&shy;que <a href="http://www.planetejustice.fr/info/chaine.html">Pla&shy;nète Jus&shy;tice</a>, née en octo&shy;bre 2007, n&#8217;ont quant à eux jamais caché leur <a href="http://www.ecrans.fr/Faites-entrer-Planete-Justice,2211.html">sou&shy;hait</a> de pou&shy;voir à terme entrer dans les pré&shy;toi&shy;res et retrans&shy;met&shy;tre des pro&shy;cès et n&#8217;atten&shy;dent que l&#8217;occa&shy;sion de sou&shy;le&shy;ver à nou&shy;veau ce débat.<br /> +<br /></p> + + +<p><strong>Quel&shy;les con&shy;train&shy;tes léga&shy;les&#160;?</strong><br /> +<br /> +La ques&shy;tion se pose sous plu&shy;sieurs aspects</p> + + +<ul> +<li><em>les règles de publi&shy;cité des débats</em><br /></li> +</ul> +<p><br /> +On peut pen&shy;ser que, pour pou&shy;voir ren&shy;dre compte d&#8217;une audience, encore faut-il pou&shy;voir y assis&shy;ter<sup>[<a href="http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#pnote-1439-3" id="rev-pnote-1439-3">3</a>]</sup>. Et la presse est à cet égard logée à la même ensei&shy;gne que le reste du public.</p> + + +<p>Pour résu&shy;mer, le prin&shy;cipe géné&shy;ral est que <strong>les audien&shy;ces sont publi&shy;ques</strong>, s&#8217;agis&shy;sant aussi bien des pro&shy;cé&shy;du&shy;res péna&shy;les (arti&shy;cles <a href="http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=211B069ABD4B0640261FC35797319B12.tpdjo14v_2?idArticle=LEGIARTI000006576166&amp;amp;cidTexte=LEGITEXT000006071154&amp;amp;dateTexte=20090715">306</a>, <a href="http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=211B069ABD4B0640261FC35797319B12.tpdjo14v_2?idArticle=LEGIARTI000006576488&amp;amp;cidTexte=LEGITEXT000006071154&amp;amp;dateTexte=20090715">400</a> et <a href="http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=211B069ABD4B0640261FC35797319B12.tpdjo14v_2?idArticle=LEGIARTI000006576887&amp;amp;cidTexte=LEGITEXT000006071154&amp;amp;dateTexte=20090715">535</a> du Code de pro&shy;cé&shy;dure pénale) que de la matière civile (arti&shy;cle <a href="http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=211B069ABD4B0640261FC35797319B12.tpdjo14v_2?idArticle=LEGIARTI000006410115&amp;amp;cidTexte=LEGITEXT000006070716&amp;amp;dateTexte=20090715">22</a> du code de pro&shy;cé&shy;dure civile). Tout citoyen doit pou&shy;voir voir com&shy;ment la jus&shy;tice est ren&shy;due en son nom.</p> + + +<p>Les excep&shy;tions à ce prin&shy;cipe ne peu&shy;vent être pré&shy;vues que par la loi et sont moti&shy;vées par des con&shy;si&shy;dé&shy;ra&shy;tions de pro&shy;tec&shy;tion de l&#8217;ordre public ou de déli&shy;ca&shy;tesse pour les par&shy;ties:<br /> +- huis clos, qui peut être ordonné si la publi&shy;cité est <em>&#8220;dan&shy;ge&shy;reuse pour l&#8217;ordre ou les moeurs&#8221;</em> et qui est de droit si la vic&shy;time de cer&shy;tai&shy;nes infrac&shy;tions le réclame<br /> +- publi&shy;cité res&shy;treinte devant le tri&shy;bu&shy;nal pour enfants et la cour d&#8217;assi&shy;ses des mineurs<sup>[<a href="http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#pnote-1439-4" id="rev-pnote-1439-4">4</a>]</sup><br /> +- audience en cham&shy;bre du con&shy;seil (en matière civile par exem&shy;ple pour les affai&shy;res fami&shy;lia&shy;les, l&#8217;assis&shy;tance édu&shy;ca&shy;tive ou les tutel&shy;les&#160;; en matière pénale notam&shy;ment pour les audien&shy;ces rela&shy;ti&shy;ves à l&#8217;exé&shy;cu&shy;tion de la peine, aussi bien les requê&shy;tes en exclu&shy;sion du bul&shy;le&shy;tin n°2 du casier judi&shy;ciaire que les débats devant le juge de l&#8217;appli&shy;ca&shy;tion des pei&shy;nes).<br /></p> + +<ul> +<li><em>les règles sur le compte rendu des débats</em><br /></li> +</ul> +<p><br /> +Audience publi&shy;que ne signi&shy;fie pas for&shy;cé&shy;ment audience dont on a le droit de ren&shy;dre compte. Et inver&shy;se&shy;ment.</p> + + +<p>Les dis&shy;po&shy;si&shy;tions de l&#8217;arti&shy;cle <a href="http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do;jsessionid=A35B8E6443678B34BB5C1AC438D1AD40.tpdjo09v_3?idArticle=LEGIARTI000006419766&amp;amp;cidTexte=LEGITEXT000006070722&amp;amp;dateTexte=20090714">39</a> de la loi de 1881 inter&shy;di&shy;sent en effet de ren&shy;dre compte de cer&shy;tains pro&shy;cès en dif&shy;fa&shy;ma&shy;tion et des débats <em>&#8220;con&shy;cer&shy;nant les ques&shy;tions de filia&shy;tion, actions à fins de sub&shy;si&shy;des, pro&shy;cès en divorce, sépa&shy;ra&shy;tion de corps et nul&shy;li&shy;tés de mariage, pro&shy;cès en matière d&#8217;avor&shy;te&shy;ment&#8221;</em>. Elles auto&shy;ri&shy;sent éga&shy;le&shy;ment les juri&shy;dic&shy;tions civi&shy;les à inter&shy;dire le compte rendu d&#8217;un pro&shy;cès, même si le dis&shy;po&shy;si&shy;tif d&#8217;une déci&shy;sion peut tou&shy;jours être publié. +De même, diver&shy;ses dis&shy;po&shy;si&shy;tions inter&shy;di&shy;sent de publier l&#8217;iden&shy;tité d&#8217;un mineur pour&shy;suivi ou vic&shy;time.</p> + + +<p>En revan&shy;che, rien n&#8217;inter&shy;dit de ren&shy;dre compte par exem&shy;ple d&#8217;un pro&shy;cès pénal tenu à huis clos.<br /></p> + +<ul> +<li><em>les règles de cap&shy;ta&shy;tion des audien&shy;ces</em><br /></li> +</ul> +<p><br /> +De quels outils un jour&shy;na&shy;liste peut-il se munir pour ren&shy;dre compte d&#8217;un pro&shy;cès&#160;? +<br /> +Jusqu&#8217;en 1954, il n&#8217;y avait pas de règles par&shy;ti&shy;cu&shy;liè&shy;res. C&#8217;est ainsi que durant le pro&shy;cès de Gas&shy;ton Domi&shy;nici en 1953, le nom&shy;bre d&#8217;appa&shy;reils pho&shy;to&shy;gra&shy;phi&shy;ques et sur&shy;tout de flashs (à l&#8217;épo&shy;que au magné&shy;sium) incom&shy;moda le pré&shy;si&shy;dent des Assi&shy;ses, qui avait les yeux sen&shy;si&shy;bles (le pau&shy;vre). La retrans&shy;mis&shy;sion radio&shy;pho&shy;ni&shy;que du réqui&shy;si&shy;toire de l&#8217;avo&shy;cat géné&shy;ral n&#8217;arran&shy;gea pas les cho&shy;ses.</p> + + +<p>Aussi, par une loi du 6 décem&shy;bre 1954, des dis&shy;po&shy;si&shy;tions furent-elles ajou&shy;tées à la Loi de 1881 sur la liberté de la presse, inter&shy;di&shy;sant l&#8217;emploi de tout appa&shy;reil d&#8217;enre&shy;gis&shy;tre&shy;ment dans les sal&shy;les d&#8217;audien&shy;ces. Dans sa <a href="http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do;jsessionid=7AD49468F4C4C159784BA46AFEDC71D5.tpdjo04v_3?idArticle=LEGIARTI000006419761&amp;amp;cidTexte=LEGITEXT000006070722&amp;amp;dateTexte=20090712">rédac&shy;tion actuelle</a>, il résulte de ce texte que <em>&#8220;dès l&#8217;ouver&shy;ture de l&#8217;audience des juri&shy;dic&shy;tions admi&shy;nis&shy;tra&shy;ti&shy;ves ou judi&shy;ciai&shy;res, l&#8217;emploi de tout appa&shy;reil per&shy;met&shy;tant d&#8217;enre&shy;gis&shy;trer, de fixer ou de trans&shy;met&shy;tre la parole ou l&#8217;image est inter&shy;dit. Le pré&shy;si&shy;dent fait pro&shy;cé&shy;der à la sai&shy;sie de tout appa&shy;reil et du sup&shy;port de la parole ou de l&#8217;image uti&shy;li&shy;sés en vio&shy;la&shy;tion de cette inter&shy;dic&shy;tion&#8221;</em>.</p> + + +<p>Pour mémoire, pré&shy;ci&shy;sons que Robert Badin&shy;ter, <a href="http://www.ques2com.fr/pdf/1-e1.pdf">épou&shy;vanté</a> à son arri&shy;vée place Ven&shy;dôme en 1981 par l&#8217;état des archi&shy;ves judi&shy;ciai&shy;res fran&shy;çai&shy;ses, fit voter en 1984 une loi per&shy;met&shy;tant la créa&shy;tion d&#8217;<a href="http://www.archives-judiciaires.justice.gouv.fr/index.php?rubrique=10774&amp;amp;ssrubrique=10842">archi&shy;ves audio&shy;vi&shy;suel&shy;les</a>, dont le fond est à ce jour assez peu fourni, et que des auto&shy;ri&shy;sa&shy;tions sont ponc&shy;tuel&shy;le&shy;ment don&shy;nées (dans un cadre légal que j&#8217; ignore) pour la réa&shy;li&shy;sa&shy;tion de docu&shy;men&shy;tai&shy;res et repor&shy;ta&shy;ges sur le fonc&shy;tion&shy;ne&shy;ment de la jus&shy;tice.</p> + + +<p>Pour résu&shy;mer, les dis&shy;po&shy;si&shy;tions de prin&shy;cipe excluent de la salle d&#8217;audience pen&shy;dant les débats les appa&shy;reils pho&shy;tos, camé&shy;ras, magné&shy;to&shy;pho&shy;nes et tout enre&shy;gis&shy;treur. En revan&shy;che, cela n&#8217;empê&shy;che pas la prise de notes, y com&shy;pris sur un ordi&shy;na&shy;teur, ni la trans&shy;mis&shy;sion, en dif&shy;féré ou en direct, de ces notes sur quel&shy;que sup&shy;port que ce soit. D&#8217;où la léga&shy;lité de l&#8217;opé&shy;ra&shy;tion menée par la <em>Nou&shy;velle Répu&shy;bli&shy;que du Cen&shy;tre Ouest</em> lors du pro&shy;cès de Véro&shy;ni&shy;que Cour&shy;jault<sup>[<a href="http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#pnote-1439-5" id="rev-pnote-1439-5">5</a>]</sup>.<br /></p> + + +<p><strong>Un pro&shy;cès média&shy;ti&shy;que</strong><br /></p> + + +<p>Le pro&shy;cès de Véro&shy;ni&shy;que Cour&shy;jault, jus&shy;te&shy;ment, par&shy;lons-en. +Il a été cou&shy;vert par plus de cent jour&shy;na&shy;lis&shy;tes, aux&shy;quels étaient réser&shy;vées la moi&shy;tié des pla&shy;ces de la salle d&#8217;audience et de la salle de retrans&shy;mis&shy;sion, ainsi qu&#8217;une salle de presse, sans comp&shy;ter les faci&shy;li&shy;tés de par&shy;king pour les cars régies<sup>[<a href="http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#pnote-1439-6" id="rev-pnote-1439-6">6</a>]</sup>.<br /> +Il a été le sup&shy;port de cette expé&shy;rience de <em>live-blog&shy;ging</em> dont on enten&shy;dra sûre&shy;ment encore par&shy;ler, et qui a donné lieu à d&#8217;inté&shy;res&shy;sants débats dans la <em><a href="http://www.dailymotion.com/relevance/search/courjault/video/x9qaof_07-stern-courjault-integrale_news">Ligne j@une</a></em> de Guy Biren&shy;baum sur @si<sup>[<a href="http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#pnote-1439-7" id="rev-pnote-1439-7">7</a>]</sup> et dans <em><a href="http://sites.radiofrance.fr/franceinter/em/jaimessources/index.php?id=81499">J&#8217;ai mes sour&shy;ces</a></em> sur France Inter.<br /> +Il a été l&#8217;occa&shy;sion pour une <a href="http://www.france-info.com/spip.php?article304003&amp;amp;theme=81&amp;amp;sous_theme=113">chaîne publi&shy;que</a> de pro&shy;po&shy;ser sur Face&shy;book un quizz, avec cette ques&shy;tion d&#8217;une déli&shy;ca&shy;tesse infi&shy;nie&#160;: &#8220;Véro&shy;ni&shy;que Cour&shy;jault qui a avoué 3 infan&shy;ti&shy;ci&shy;des échap&shy;pera-t-elle à la pri&shy;son à vie à l’issue de son pro&shy;cès&#160;? &#8220;<br /> +Et puis, pour cou&shy;ron&shy;ner le tout, en plein pro&shy;cès, une autre chaîne publi&shy;que a cher&shy;ché à résou&shy;dre l&#8217; &#8220;énigme&#8221; dans une émis&shy;sion excep&shy;tion&shy;nelle (et croyez bien que je n&#8217;emploie pas ici cet adjec&shy;tif dans un sens lau&shy;da&shy;tif), met&shy;tant en scène un expert qui témoi&shy;gnait encore quel&shy;ques heu&shy;res plus tôt devant la Cour d&#8217;Assi&shy;ses et s&#8217;ache&shy;vant par diver&shy;ses con&shy;si&shy;dé&shy;ra&shy;tions sur la peine à lui infli&shy;ger.<br /></p> + + +<p>C&#8217;est parce que ce pro&shy;cès a con&shy;ju&shy;gué tout ce qui se fait aujourd&#8217;hui en matière de cou&shy;ver&shy;ture d&#8217;un évé&shy;ne&shy;ment judi&shy;ciaire<sup>[<a href="http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#pnote-1439-8" id="rev-pnote-1439-8">8</a>]</sup> que j&#8217;ai trouvé inté&shy;res&shy;sant de recher&shy;cher, pour une jour&shy;née du pro&shy;cès, dif&shy;fé&shy;rents compte ren&shy;dus qui ont pu en être faits, sur de mul&shy;ti&shy;ples sup&shy;ports, et de voir les spé&shy;ci&shy;fi&shy;ci&shy;tés de cha&shy;que type de trai&shy;te&shy;ment de la matière judi&shy;ciaire, avec les con&shy;train&shy;tes ou les con&shy;tin&shy;gen&shy;ces édi&shy;to&shy;ria&shy;les qui sont pro&shy;pres à cha&shy;que média.</p> + + +<p>Il ne s&#8217;agit pas d&#8217;une recen&shy;sion exhaus&shy;tive, ni liée à la qua&shy;lité (ou à un man&shy;que de qua&shy;lité) de ces objets média&shy;ti&shy;ques. J&#8217;ai essayé de trou&shy;ver, pour cha&shy;que type de sup&shy;port, un ou deux comp&shy;tes ren&shy;dus (ou ce qui peut en être l&#8217;équi&shy;va&shy;lent) de sour&shy;ces dif&shy;fé&shy;ren&shy;tes, en pri&shy;vi&shy;lé&shy;giant autant que pos&shy;si&shy;ble les médias qui avaient fait une cou&shy;ver&shy;ture quo&shy;ti&shy;dienne de ce pro&shy;cès, et avec cette con&shy;trainte qu&#8217;ils soient inté&shy;gra&shy;le&shy;ment (adieu les radios) et gra&shy;tui&shy;te&shy;ment (adieu <em>Le Monde</em>) dis&shy;po&shy;ni&shy;bles en ligne.</p> + + +<p>Je vous pro&shy;pose donc cette <strong>jour&shy;née par&shy;ti&shy;cu&shy;lière</strong>, celle du 15 juin 2009 (choi&shy;sie uni&shy;que&shy;ment parce que c&#8217;est celle de cette fameuse émis&shy;sion).</p> + + +<p>Pour replan&shy;ter le décor, quel&shy;ques mots&#160;: Véro&shy;ni&shy;que Cour&shy;jault com&shy;pa&shy;raît alors depuis le 9 juin 2009 devant la Cour d&#8217;Assi&shy;ses d&#8217;Indre et Loire à Tours et est accu&shy;sée de trois assas&shy;si&shy;nats sur mineurs de 15 ans, qui lui font encou&shy;rir la réclu&shy;sion cri&shy;mi&shy;nelle à per&shy;pé&shy;tuité. Elle recon&shy;naît avoir tué les 3 nou&shy;veaux-nés, à l&#8217;issue de gros&shy;ses&shy;ses igno&shy;rées de tout son entou&shy;rage. Durant les pre&shy;miers jours d&#8217;audience ont été abor&shy;dés sa per&shy;son&shy;na&shy;lité, l&#8217;his&shy;toire de sa famille, ainsi que le dérou&shy;le&shy;ment des faits qui lui sont repro&shy;chés.</p> + + +<p>En ce lundi 15 juin com&shy;pa&shy;rais&shy;sent des experts qui sont inter&shy;ve&shy;nus dans la pro&shy;cé&shy;du&shy;res et des &#8220;sachants&#8221;, témoins cités par la défense ou l&#8217;accu&shy;sa&shy;tion pour s&#8217;expri&shy;mer sur le phé&shy;no&shy;mène du déni de gros&shy;sesse ou des infan&shy;ti&shy;ci&shy;des fai&shy;sant suite à des gros&shy;ses&shy;ses cachées, sans avoir cepen&shy;dant exper&shy;tisé l&#8217;accu&shy;sée. +<br /></p> +<ul> +<li><em>Le Live Blog&shy;ging</em></li> +</ul> +<p><br /> +Sur le site de la <em>Nou&shy;velle Répu&shy;bli&shy;que du Cen&shy;tre Ouest</em>, le <em>live blog&shy;ging</em> com&shy;mence à 9 h 08 et s&#8217;achè&shy;vera à 20 h 30. Il est con&shy;sul&shy;ta&shy;ble <a href="http://www.lanouvellerepublique.fr/dossiers/actu/index.php?dos=bb_seoul&amp;amp;num=201304">ici</a>. +Près de 9 h 30 d&#8217;audience, les dépo&shy;si&shy;tions de 8 experts et témoins, qui s&#8217;égrè&shy;nent en 204 entrées suc&shy;ces&shy;si&shy;ves, taille Twee&shy;ter, du genre&#160;:</p> + + +<blockquote><p>13h03 Michel Dubec pour&shy;suit sur la pré&shy;mé&shy;di&shy;ta&shy;tion qui n&#8217;existe pas en géné&shy;ral dans le cas d&#8217;infan&shy;ti&shy;cide, car il n&#8217;y a pas eu de pré&shy;pa&shy;ra&shy;tion à l&#8217;accou&shy;che&shy;ment. Les infan&shy;ti&shy;ci&shy;des se pas&shy;sent sou&shy;vent dans les toi&shy;let&shy;tes, dans le lit, mais il n&#8217;y a pas pré&shy;pa&shy;ra&shy;tion à la dis&shy;si&shy;mu&shy;la&shy;tion. L&#8217;entou&shy;rage s&#8217;en rend compte rapi&shy;de&shy;ment. En géné&shy;ral, ce sont des accou&shy;che&shy;ments faci&shy;les qui durent peu de temps. Ces fem&shy;mes n&#8217;accou&shy;chent pas, elles per&shy;dent du corps, elles per&shy;dent un déchet.<br /> +13h08 On com&shy;prend faci&shy;le&shy;ment l&#8217;infan&shy;ti&shy;cide dans le cas d&#8217;un viol par exem&shy;ple. On com&shy;prend beau&shy;coup moins les fem&shy;mes qui n&#8217;ont aucune rai&shy;son de ne pas oser annon&shy;cer leur gros&shy;sesse. C&#8217;est dans la per&shy;son&shy;na&shy;lité, dans quel&shy;que chose qui vient d&#8217;avant qu&#8217;on peut cher&shy;cher les répon&shy;ses de ce mau&shy;vais déclic qui se passe.<br /> +13h16&#160;L&#8217;inter&shy;ven&shy;tion de Michel Dubec per&shy;met de com&shy;pren&shy;dre à quel point tou&shy;tes ces notions sont rela&shy;ti&shy;ves.<br /> +13h21 Le pré&shy;si&shy;dent inter&shy;roge Michel Dubec sur les indi&shy;ca&shy;teurs de la déné&shy;ga&shy;tion et du déni&#160;: &#8220;On a du mal à se figu&shy;rer que, sur neuf mois, la pen&shy;sée soit en per&shy;ma&shy;nence imper&shy;méa&shy;ble. Son hypo&shy;thèse&#160;: &#8220;Il y a des moments de résur&shy;gence de la cons&shy;cience.&#8221;<br /> +13h30&#160;L&#8217;avo&shy;cat géné&shy;ral lui demande des pré&shy;ci&shy;sions sur le déni de gros&shy;sesse. &#8220;Mal&shy;heu&shy;reu&shy;se&shy;ment, c&#8217;est devenu une for&shy;mule, alors que c&#8217;est un con&shy;cept de tra&shy;vail qui ne clot ni le tra&shy;vail ni l&#8217;inter&shy;pré&shy;ta&shy;tion&#8221;, répond Michel Dubec. C&#8217;est un méca&shy;nisme qui peut être par&shy;tiel, de nature psy&shy;cho&shy;ti&shy;que chez quelqu&#8217;un qui n&#8217;est pas psy&shy;cho&shy;ti&shy;que. On peut tous à un moment avoir &#8220;des psy&shy;cho&shy;ses fugi&shy;ti&shy;ves.<br /> +13h33&#160;A la demande de Phi&shy;lippe Varin, Michel Dubec affirme une nou&shy;velle fois qu&#8217;une &#8220;mère infan&shy;ti&shy;cide n&#8217;accou&shy;che pas d&#8217;un bébé. Elle laisse sor&shy;tir du corps de son corps.&#8221;<br /> +13h39&#160;L&#8217;avo&shy;cat géné&shy;ral demande à Michel Dubec com&shy;ment on peut savoir s&#8217;il s&#8217;agit d&#8217;une psy&shy;chose tran&shy;si&shy;toire ou psy&shy;chose ins&shy;tal&shy;lée&#160;? Impos&shy;si&shy;ble de répon&shy;dre, sou&shy;li&shy;gne Michel Dubec puisqu&#8217;il n&#8217;a pas ren&shy;con&shy;tré l&#8217;accu&shy;sée. Ce thème sera évo&shy;qué demain.<br /></p></blockquote> + + +<p>D&#8217;abord, fran&shy;che&shy;ment, c&#8217;est à la limite du lisi&shy;ble (pire que ce billet). Au milieu de tou&shy;tes ces infor&shy;ma&shy;tions qui se suc&shy;cè&shy;dent qua&shy;si&shy;ment minute par minute, on s&#8217;y perd un peu. <br />Le ton, par&shy;fois péda&shy;go&shy;gue, par&shy;fois pédant, qui anime le plus sou&shy;vent les dépo&shy;si&shy;tions d&#8217;expert et per&shy;met d&#8217;évi&shy;ter le coup de pompe fatal en audience, man&shy;que pour s&#8217;accro&shy;cher à ce qui n&#8217;est pas un ver&shy;ba&shy;tim (cha&shy;cun des deux jour&shy;na&shy;lis&shy;tes qui a par&shy;ti&shy;cipé à ce tra&shy;vail iné&shy;dit a insisté là des&shy;sus) mais une retrans&shy;crip&shy;tion, qui con&shy;duit néces&shy;sai&shy;re&shy;ment à sim&shy;pli&shy;fier, qui peut lais&shy;ser place à des con&shy;tre&shy;sens (et je ne dis pas que ça a été le cas en l&#8217;espèce). <br />Sur les retrans&shy;crip&shy;tions des moments plus char&shy;gés en émo&shy;tion (essen&shy;tiel&shy;le&shy;ment les autres jours du pro&shy;cès), comme les inter&shy;ro&shy;ga&shy;toi&shy;res de l&#8217;accu&shy;sée, les deux jour&shy;na&shy;lis&shy;tes ont indi&shy;qué avoir tenté de sou&shy;li&shy;gner les silen&shy;ces, les pleurs, les hési&shy;ta&shy;tions.<br /></p> + + +<p>La <em>Nou&shy;velle Répu&shy;bli&shy;que</em> a jus&shy;ti&shy;fié son ini&shy;tia&shy;tive en sou&shy;li&shy;gnant que cha&shy;que jour un public nom&shy;breux se pres&shy;sait au tri&shy;bu&shy;nal et ne pou&shy;vait accé&shy;der à la salle d&#8217;audience faute de place (rap&shy;pe&shy;lons que la moi&shy;tié des pla&shy;ces étaient occu&shy;pées par des jour&shy;na&shy;lis&shy;tes&#8230;). <br />Il est vrai que le pro&shy;cédé adopté per&shy;met au plus grand nom&shy;bre (35000 con&shy;nexions sur l&#8217;ensem&shy;ble du pro&shy;cès, dont 6000 le jour du ver&shy;dict) de savoir à peu près exac&shy;te&shy;ment ce qui a été dit, avec le fil&shy;tre d&#8217;un tra&shy;vail jour&shy;na&shy;lis&shy;ti&shy;que ainsi décrit par Jean-Chris&shy;to&shy;phe Solon au <em>Monde</em>&#160;: <em>&#8220;Dès qu&#8217;on tape une phrase, elle est en ligne. On n&#8217;est pas dans l&#8217;ana&shy;lyse, c&#8217;est du brut, mais on fil&shy;tre tout de même comme on le ferait sur le papier. Par exem&shy;ple, lors&shy;que c&#8217;est trop intime, que ça tou&shy;che les enfants, ou que l&#8217;on décrit l&#8217;hys&shy;té&shy;rec&shy;to&shy;mie subie par Véro&shy;ni&shy;que Cour&shy;jault, parce que ça n&#8217;apporte rien au débat. On met seu&shy;le&shy;ment les temps forts.&#8221;</em>.<br /> +<br /> +Mais ce qui se dit au cours d&#8217;un pro&shy;cès, c&#8217;est un tout. Une vérité se tisse au fil des audien&shy;ces, des réso&shy;nan&shy;ces ou des con&shy;tra&shy;dic&shy;tions appa&shy;rais&shy;sent avec ce qu&#8217;a dit un autre témoin la veille.<br /> +C&#8217;est d&#8217;ailleurs une autre objec&shy;tion majeure que l&#8217;on peut à mon sens faire au <em>live blog&shy;ging</em> d&#8217;un pro&shy;cès, par&shy;ti&shy;cu&shy;liè&shy;re&shy;ment aux Assi&shy;ses&#160;: cela bat en brè&shy;che une <a href="http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=A35B8E6443678B34BB5C1AC438D1AD40.tpdjo09v_3?idArticle=LEGIARTI000006576208&amp;amp;cidTexte=LEGITEXT000006071154&amp;amp;dateTexte=20090714">règle de pro&shy;cé&shy;dure</a> impor&shy;tante, selon laquelle les témoins ne peu&shy;vent pas assis&shy;ter à l&#8217;audience tant qu&#8217;ils n&#8217;ont pas témoi&shy;gné. Ils patien&shy;tent, le jour de leur con&shy;vo&shy;ca&shy;tion, dans une salle spé&shy;ciale et un huis&shy;sier vient les y cher&shy;cher sur ins&shy;truc&shy;tion du Pré&shy;si&shy;dent. La pro&shy;cé&shy;dure d&#8217;assi&shy;ses repose sur l&#8217;ora&shy;lité des débats, sur le fait que cha&shy;cun vient à nou&shy;veau por&shy;ter son témoi&shy;gnage devant la Cour, de façon sépa&shy;rée pour en pré&shy;ser&shy;ver la sin&shy;cé&shy;rité. Si cha&shy;que témoin peut lire ce que les autres ont dit la veille ou dans l&#8217;heure qui pré&shy;cède, cela peut dans cer&shy;tains dos&shy;siers poser un vrai pro&shy;blème&#8230; +<br /> +<br /></p> +<ul> +<li><em>Les quo&shy;ti&shy;diens papiers natio&shy;naux</em></li> +</ul> +<p><br /> +Au menu du jour, l&#8217;<a href="http://www.francesoir.fr/faits-divers/2009/06/16/courjault-psychiatre.html">arti&shy;cle</a> d&#8217;Isa&shy;belle Hor&shy;lans dans France Soir et <a href="http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2009/06/16/01016-20090616ARTFIG00005-veronique-courjault-marque-des-points-.php">celui</a> de Sté&shy;phane Durand-Souf&shy;fland dans le Figaro, tous deux vieux rou&shy;tiers de la chro&shy;ni&shy;que judi&shy;ciaire<sup>[<a href="http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#pnote-1439-9" id="rev-pnote-1439-9">9</a>]</sup>. +Dans leurs arti&shy;cles inti&shy;tu&shy;lés res&shy;pec&shy;ti&shy;ve&shy;ment <em>&#8220;Un psy&shy;chia&shy;tre et un gyné&shy;co&shy;lo&shy;gue décryp&shy;tent le mys&shy;tère Cour&shy;jault&#8221;</em> et <em>&#8220;Véro&shy;ni&shy;que Cour&shy;jault mar&shy;que des points&#8221;</em>, ils retien&shy;nent de cette jour&shy;née les audi&shy;tions de Michel Dubec<sup>[<a href="http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#pnote-1439-10" id="rev-pnote-1439-10">10</a>]</sup> et Israël Nisand<sup>[<a href="http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#pnote-1439-11" id="rev-pnote-1439-11">11</a>]</sup>, qui sem&shy;blent se com&shy;plé&shy;ter pour expli&shy;quer les ver&shy;sants psy&shy;chi&shy;que et phy&shy;si&shy;que du &#8220;déni de gros&shy;sesse&#8221;. <br />Les deux jour&shy;na&shy;lis&shy;tes poin&shy;tent l&#8217;impor&shy;tance de ces audi&shy;tions dans la com&shy;pré&shy;hen&shy;sion des faits repro&shy;chés à l&#8217;accusé, voire la place essen&shy;tielle qu&#8217;elles peu&shy;vent avoir pour sa ligne de défense. L&#8217;arti&shy;cle de Sté&shy;phane Durand-Souf&shy;fland met par&shy;ti&shy;cu&shy;liè&shy;re&shy;ment en lumière les échos que le tableau cli&shy;ni&shy;que décrit par les deux experts peut avoir avec tout ce qui a été dit les jours pré&shy;cé&shy;dents sur l&#8217;accu&shy;sée et sa famille.</p> + + +<p>Bref, de la chro&shy;ni&shy;que judi&shy;ciaire &#8220;à l&#8217;ancienne&#8221; (ça n&#8217;a rien de péjo&shy;ra&shy;tif, au con&shy;traire), avec ce qu&#8217;il faut d&#8217;impres&shy;sions d&#8217;audience ima&shy;gées (<em>&#8220;L’accu&shy;sée, blouse fleu&shy;rie sous gilet rose, che&shy;ve&shy;lure lâche sur les épau&shy;les, sem&shy;ble enre&shy;gis&shy;trer cha&shy;que parole, la décor&shy;ti&shy;quer et l’appli&shy;quer tel un baume sur son désar&shy;roi mal exprimé.&#8221;</em> sous la plume d&#8217;Isa&shy;belle Hor&shy;lans) et de mise en pers&shy;pec&shy;tive par rap&shy;port aux enjeux du pro&shy;cès ( <em>&#8220;Quoi qu&#8217;il en soit, le pro&shy;cès de Véro&shy;ni&shy;que Cour&shy;jault a connu, lundi, un tour&shy;nant. La cour enten&shy;dra mardi matin, à la veille du ver&shy;dict, les deux col&shy;lè&shy;ges de psy&shy;chia&shy;tres qui, eux, ont exa&shy;miné l&#8217;accu&shy;sée. Aucun n&#8217;a con&shy;clu qu&#8217;elle souf&shy;frait d&#8217;un déni de gros&shy;sesse pro&shy;pre&shy;ment dit. Seul le second envi&shy;sage une rela&shy;tive alté&shy;ra&shy;tion de son dis&shy;cer&shy;ne&shy;ment au moment des accou&shy;che&shy;ments déna&shy;tu&shy;rés qui ont entraîné la mort des nour&shy;ris&shy;sons. Qui a rai&shy;son&#160;? Ques&shy;tion sub&shy;si&shy;diaire&#160;: com&shy;ment ren&shy;dre jus&shy;tice aux bébés morts, sans acca&shy;bler plus encore deux gar&shy;çons, bien vivants, atten&shy;dant le retour d&#8217;une mère qui les a tou&shy;jours ado&shy;rés&#160;?&#8221;</em> en con&shy;clu&shy;sion pour Sté&shy;phane Durand-Souf&shy;fland).</p> + + +<p>Au final, sur 8 per&shy;son&shy;nes enten&shy;dues pen&shy;dant la jour&shy;née, 6 sont pas&shy;sées à la trappe de la mou&shy;li&shy;nette jour&shy;na&shy;lis&shy;ti&shy;que, soit (j&#8217;ai compté grâce au <em>live blog&shy;ging</em>&#160;!) 6 heu&shy;res et 15 minu&shy;tes d&#8217;audien&shy;ces per&shy;dues dans les lim&shy;bes. Evi&shy;dem&shy;ment, le prin&shy;cipe même d&#8217;un compte rendu (et du tra&shy;vail jour&shy;na&shy;lis&shy;ti&shy;que), c&#8217;est de rete&shy;nir la sub&shy;stan&shy;ti&shy;fi&shy;que moelle de ce qui a été dit, de faire un tri pour rete&shy;nir le plus signi&shy;fiant, le plus impor&shy;tant. Pour&shy;tant, aucun des deux experts (mani&shy;fes&shy;te&shy;ment brillants et péda&shy;go&shy;gues ora&shy;teurs) abon&shy;dam&shy;ment cités par les chro&shy;ni&shy;queurs n&#8217;a même ren&shy;con&shy;tré Véro&shy;ni&shy;que Cour&shy;jault et n&#8217;a donc pu par&shy;ler d&#8217;elle pré&shy;ci&shy;sé&shy;ment. Et mal&shy;gré tout, on a bien le sen&shy;ti&shy;ment que c&#8217;est ce qui a été au coeur de l&#8217;audience qui est là repris.</p> + + +<p>L&#8217;art de la chro&shy;ni&shy;que judi&shy;ciaire, c&#8217;est aussi de savoir relayer, en leur don&shy;nant chair, les moments impor&shy;tants de l&#8217;audience. Mais impor&shy;tants de quel point de vue&#160;? Peut-être pas de celui de l&#8217;ins&shy;ti&shy;tu&shy;tion judi&shy;ciaire, pour qui l&#8217;essen&shy;tiel n&#8217;est pas uni&shy;que&shy;ment de com&shy;pren&shy;dre ce qu&#8217;est le déni de gros&shy;sesse, mais de savoir si l&#8217;accu&shy;sée était dans ce cas et dans quelle mesure cela peut atté&shy;nuer sa res&shy;pon&shy;sa&shy;bi&shy;lité et influer sur la peine qui sera pro&shy;non&shy;cée. D&#8217;où l&#8217;inté&shy;rêt, pour la Cour et les jurés d&#8217;avoir, eux, eu con&shy;nais&shy;sance des con&shy;clu&shy;sions des autres experts. +<br /> +<br /></p> +<ul> +<li><em>les télé&shy;vi&shy;sions natio&shy;na&shy;les</em><br /></li> +</ul> +<p><br /> +Les jour&shy;naux de 20 heu&shy;res de TFI et France 2 ont traité de cette jour&shy;née.<br /> +Sur TF1, c&#8217;est le <a href="http://videos.tf1.fr/jt-20h/le-frere-de-veronique-courjault-temoigne-4443759.html">neu&shy;vième sujet</a> du jour&shy;nal de Lau&shy;rence Fer&shy;rari. Signé de Domi&shy;ni&shy;que Lagrou-Sem&shy;père, il con&shy;siste pour la plus grande part dans une inter&shy;view du frère de l&#8217;accu&shy;sée, avec une men&shy;tion des élé&shy;ments appor&shy;tés par les experts du jour sur le déni de gros&shy;sesse et une con&shy;clu&shy;sion d&#8217;une tren&shy;taine de secon&shy;des de la jour&shy;na&shy;liste (fil&shy;mée devant le Palais de Jus&shy;tice) sur le man&shy;que de réponse à la ques&shy;tion cen&shy;trale du pro&shy;cès &#8220;Pour&shy;quoi l&#8217;infan&shy;ti&shy;cide&#160;? &#8220;.<br /> +Sur France 2, David Puja&shy;das lance le sujet au bout de 20&#8217;21&#8221; et laisse place (en dou&shy;zième posi&shy;tion) au repor&shy;tage très clas&shy;si&shy;que de Domi&shy;ni&shy;que Ver&shy;deil&shy;han, spé&shy;cia&shy;liste judi&shy;ciaire de la chaîne<sup>[<a href="http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#pnote-1439-12" id="rev-pnote-1439-12">12</a>]</sup>. Lui aussi retient les témoi&shy;gna&shy;ges de Michel Dubec et Israël Nisand, qu&#8217;il évo&shy;que sur fond d&#8217;ima&shy;ges des inté&shy;res&shy;sés hors de la salle d&#8217;audience, avec la courte (et tra&shy;di&shy;tion&shy;nelle) inter&shy;view du témoin vedette entouré de camé&shy;ras et de micros dans la salle des pas per&shy;dus. La con&shy;clu&shy;sion est elle aussi un pas&shy;sage obligé&#160;: après une courte image d&#8217;un des&shy;sin d&#8217;audience repré&shy;sen&shy;tant l&#8217;accu&shy;sée, le jour&shy;na&shy;liste est filmé devant le Palais de Jus&shy;tice et résume les enjeux du pro&shy;cès du jour, en rap&shy;pe&shy;lant les décla&shy;ra&shy;tions anté&shy;rieu&shy;res de l&#8217;accu&shy;sée.</p> + + +<p>C&#8217;est la loi du genre judi&shy;ciaire télé&shy;vi&shy;suel&#160;: com&shy;ment ren&shy;dre compte de ce dont on n&#8217;a pas le droit de faire des ima&shy;ges&#160;? En fai&shy;sant des ima&shy;ges &#8220;autour&#8221;. Qui&shy;con&shy;que a eu la dou&shy;teuse chance de pas&shy;ser dans un tri&shy;bu&shy;nal lors d&#8217;un pro&shy;cès média&shy;tisé a vu les camé&shy;ras et micros plan&shy;tés à l&#8217;exté&shy;rieur de la salle d&#8217;audience, atten&shy;dant qu&#8217;une sus&shy;pen&shy;sion leur livre leur con&shy;tent de décla&shy;ra&shy;tions des uns ou des autres. <br />Les comp&shy;tes ren&shy;dus d&#8217;audience sont aussi géné&shy;ra&shy;le&shy;ment l&#8217;occa&shy;sion d&#8217;admi&shy;rer l&#8217;archi&shy;tec&shy;ture judi&shy;ciaire fran&shy;çaise, tant les Palais sont sou&shy;vent fil&shy;més sous toute les cou&shy;tu&shy;res pour occu&shy;per l&#8217;image pen&shy;dant que le jour&shy;na&shy;liste aborde le fond dans son com&shy;men&shy;taire. <br />TF1 a ici pu chan&shy;ger un peu l&#8217;ordi&shy;naire avec son inter&shy;view, cer&shy;tai&shy;ne&shy;ment émou&shy;vante sur un plan humain, mais qui n&#8217;apprend pas grand chose sur le dérou&shy;le&shy;ment de l&#8217;audience. Comme on n&#8217;a pas pu avoir <em>in vivo</em> l&#8217;audi&shy;tion des mem&shy;bres de la famille de l&#8217;accu&shy;sée, on la repro&shy;duit <em>in vitro</em>.<br /> +Le for&shy;mat court des repor&shy;ta&shy;ges (moins de deux minu&shy;tes) ne per&shy;met pas non plus de faire dans la den&shy;telle, et ce sont les for&shy;mu&shy;les les plus for&shy;tes qui demeu&shy;rent. Mais ça n&#8217;est évi&shy;dem&shy;ment pas spé&shy;ci&shy;fi&shy;que au genre judi&shy;ciaire. +<br /> +<br /></p> +<ul> +<li><em>Les médias inter&shy;net</em></li> +</ul> +<p><br /> +Dans cette caté&shy;go&shy;rie qui n&#8217;en est peut être pas vrai&shy;ment une, je range les médias qui n&#8217;ont d&#8217;exis&shy;tence que sur inter&shy;net. Comme la presse plus tra&shy;di&shy;tion&shy;nelle, ils ont cha&shy;cun leur ligne édi&shy;to&shy;riale et des façons de tra&shy;vailler assez dif&shy;fé&shy;ren&shy;tes. Je ne cher&shy;che donc pas à com&shy;pa&shy;rer les deux que j&#8217;ai rete&shy;nus, le but étant sur&shy;tout de voir si le web peut avoir une spé&shy;ci&shy;fi&shy;cité dans le trai&shy;te&shy;ment de l&#8217;audience. J&#8217;ai cher&shy;ché les con&shy;te&shy;nus autres que la tra&shy;di&shy;tion&shy;nelle resu&shy;cée de la dépê&shy;che AFP.</p> + + +<p>Le <a href="http://www.lepost.fr">post.fr</a> est un site d&#8217;actua&shy;lité, ali&shy;menté tant par une rédac&shy;tion que par les inter&shy;nau&shy;tes. On y trouve donc des cho&shy;ses très diver&shy;ses.<br /> +L&#8217;<a href="http://www.lepost.fr/article/2009/06/15/1578808_proces-courjault-deni-de-grossesse-ou-refus-de-maternite.html">info</a> mise en ligne par la rédac&shy;tion sur cette 5ème jour&shy;née du pro&shy;cès est une sorte de (très brève) syn&shy;thèse (assu&shy;mée) d&#8217;autres médias, avec des liens vers le site de RMC et le live blog&shy;ging de la NRCO, en repre&shy;nant la ques&shy;tion des diver&shy;gen&shy;ces des experts. Comme quoi on peut ren&shy;dre compte d&#8217;une audience à laquelle on n&#8217;a pas assisté (bien ou mal, c&#8217;est une autre ques&shy;tion).<br /> +Le Post met aussi en ligne une &#8220;info brute&#8221;, c&#8217;est à dire écrite par un &#8220;pos&shy;teur&#8221; (ces infos bru&shy;tes ne sont pas véri&shy;fiées par la rédac&shy;tion et n&#8217;enga&shy;gent que l&#8217;opi&shy;nion de leurs auteurs&#8221;), inti&shy;tu&shy;lée <a href="http://www.lepost.fr/article/2009/06/16/1579895_affaire-courjault-la-deposition-d-un-expert-du-deni-de-grossesse.html">&#8220;Affaire Cour&shy;jault&#160;: la dépo&shy;si&shy;tion d&#8217;un expert du déni de gros&shy;sesse&#8221;</a>. Son auteur y relate la dépo&shy;si&shy;tion d&#8217;Israël Nisand (censé être neu&shy;tre puisqu&#8217;il n&#8217;a jamais ren&shy;con&shy;tré l&#8217;accu&shy;sée), et dont on croit pou&shy;voir com&shy;pren&shy;dre qu&#8217;elle y a assisté ou qu&#8217;en tout cas elle fait &#8220;comme si&#8221;<sup>[<a href="http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#pnote-1439-13" id="rev-pnote-1439-13">13</a>]</sup>, puis s&#8217;adresse <em>&#8220;à tou&shy;tes les mères&#8221;</em>, leur deman&shy;dant d&#8217;ima&shy;gi&shy;ner <em>&#8220;un seul ins&shy;tant une gros&shy;sesse igno&shy;rée&#8221;</em> et con&shy;clut sur l&#8217;inu&shy;ti&shy;lité d&#8217;une peine de pri&shy;son et la néces&shy;sité d&#8217;une obli&shy;ga&shy;tion de soins. +Je m&#8217;inter&shy;roge sur le sta&shy;tut de ce que le Post qua&shy;li&shy;fie d&#8216;&#8220;info&#8221;, brute cer&shy;tes mais &#8220;info&#8221; quand même.</p> + + +<p>Dans un regis&shy;tre très dif&shy;fé&shy;rent, <a href="http://www.slate.fr/story/qui-sommes-nous">Slate.fr</a> <em>&#8220;a pour ambi&shy;tion de deve&shy;nir l&#8217;un des prin&shy;ci&shy;paux lieux en France d&#8217;ana&shy;ly&shy;ses et de débats dans les domai&shy;nes poli&shy;ti&shy;ques, éco&shy;no&shy;mi&shy;ques, sociaux, tech&shy;no&shy;lo&shy;gi&shy;ques et cul&shy;tu&shy;rels&#8221;</em>. Il met en ligne des arti&shy;cles écrits par la rédac&shy;tion, des chro&shy;ni&shy;ques d&#8217;auteurs régu&shy;liers et des tra&shy;duc&shy;tions d&#8217;arti&shy;cles de son &#8220;grand frère&#8221; amé&shy;ri&shy;cain slate.com. <br />C&#8217;est Jean-Yves Nau qui a &#8220;cou&shy;vert&#8221; le pro&shy;cès de Tours par des billets (que j&#8217;appelle ainsi plu&shy;tôt qu&#8217;arti&shy;cles parce que j&#8217;ai eu l&#8217;impres&shy;sion d&#8217;un trai&shy;te&shy;ment plus pro&shy;che du blog) quo&shy;ti&shy;diens. Il a publié, les 15 et 16 juin, deux billets con&shy;sa&shy;crés à la cin&shy;quième jour&shy;née d&#8217;audience.<br /> +Le <a href="http://www.slate.fr/story/6607/courjault-veronique-psychologique-portrait-proces">pre&shy;mier</a> est con&shy;sa&shy;cré à la mati&shy;née et aux experts que tout le monde a oubliés et dont il pointe le jar&shy;gon et le man&shy;que de clarté. Il raconte dans la lon&shy;gueur cer&shy;tains moments d&#8217;audience, comme le dia&shy;lo&shy;gue entre Me Henri Leclerc et l&#8217;une des experts (à laquelle il taille un vrai cos&shy;tard). <br />C&#8217;est sans doute sa for&shy;ma&shy;tion de méde&shy;cin qui a con&shy;duit Jean-Yves Nau à rete&shy;nir éga&shy;le&shy;ment de cette jour&shy;née d&#8217;audience ce qui lui appa&shy;raît comme un rebon&shy;dis&shy;se&shy;ment de l&#8217;affaire&#160;: le fait que <a href="http://www.slate.fr/story/6635/veronique-courjault-etouffer-bebes-justice-deni-grossesse">Véro&shy;ni&shy;que Cour&shy;jault n&#8217;a pas pu étouf&shy;fer ses enfants</a>, en tout cas selon les expli&shy;ca&shy;tions don&shy;nées par Israël Nisand. Il mon&shy;tre alors les cou&shy;lis&shy;ses du pro&shy;cès&#160;: com&shy;ment, à une sus&shy;pen&shy;sion d&#8217;audience, les avo&shy;cats de la défense sont allés deman&shy;der au témoin des éclair&shy;cis&shy;se&shy;ments sur un point briè&shy;ve&shy;ment abordé dans son audi&shy;tion et lui ont ensuite demandé de reve&shy;nir à la barre, où il a expli&shy;qué que le fait d&#8217;accou&shy;cher seule entraîne méca&shy;ni&shy;que&shy;ment des manoeu&shy;vres qui peu&shy;vent entraî&shy;ner la mort du nou&shy;veau né, avant même qu&#8217;il soit vrai&shy;ment né.<br /> +Le compte rendu ici livré me paraît se rap&shy;pro&shy;cher de ce feuille&shy;ton&shy;nage cher à Pas&shy;cale Robert-Diard, qui ne paraît pos&shy;si&shy;ble que sur inter&shy;net, où les con&shy;train&shy;tes de bou&shy;clage, de ren&shy;dez-vous obligé et d&#8217;espace sont moins con&shy;tin&shy;gen&shy;tes que dans les médias tra&shy;di&shy;tion&shy;nels. <br />La men&shy;tion d&#8217;élé&shy;ments per&shy;son&shy;nels à l&#8217;auteur, l&#8217;emploi de la pre&shy;mière per&shy;sonne ( <em>&#8220;Je con&shy;nais le Pr Israël Nisand de lon&shy;gue date du fait, notam&shy;ment, de peti&shy;tes diver&shy;gen&shy;ces sur quel&shy;ques sujets essen&shy;tiels de bioé&shy;thi&shy;que. Durant la sus&shy;pen&shy;sion d&#8217;audience je lui rap&shy;pelle que Véro&shy;ni&shy;que Cour&shy;jault avait déclaré que les deux enfants avaient «criés». Il répond qu&#8217;il s&#8217;agis&shy;sait plus vrai&shy;sem&shy;bla&shy;ble&shy;ment non pas d&#8217;un «cri»mais d&#8217;un «gasp».&#8221;</em>) est aussi inha&shy;bi&shy;tuelle par rap&shy;port à un compte rendu d&#8217;audience clas&shy;si&shy;que. +<br /> +<br /></p> +<ul> +<li><em>Les médias locaux</em></li> +</ul> +<p><br /> +Ce sont les médias locaux qui pro&shy;dui&shy;sent le plus grand nom&shy;bre de compte ren&shy;dus d&#8217;audience. <br />A de nom&shy;breu&shy;ses audien&shy;ces cor&shy;rec&shy;tion&shy;nel&shy;les on peut voir le jour&shy;na&shy;liste local pren&shy;dre des notes et on retrouve dans les colon&shy;nes du quo&shy;ti&shy;dien régio&shy;nal quel&shy;ques lignes sur des affai&shy;res judi&shy;ciai&shy;re&shy;ment assez bana&shy;les. Les affai&shy;res d&#8217;Assi&shy;ses sont tou&shy;jours cou&shy;ver&shy;tes. <br />&#8220;Nos&#8221; jour&shy;na&shy;lis&shy;tes sont sou&shy;vent de fins con&shy;nais&shy;seurs de &#8220;leur&#8221; tri&shy;bu&shy;nal, &#8220;leurs&#8221; experts, &#8220;leurs&#8221; avo&shy;cats, et du fonc&shy;tion&shy;ne&shy;ment judi&shy;ciaire au quo&shy;ti&shy;dien, comme le mon&shy;trent ici même les com&shy;men&shy;tai&shy;res de Didier Specq. <br />C&#8217;est pour&shy;quoi j&#8217;en fais une caté&shy;go&shy;rie à part dans ce petit exer&shy;cice.<br /> +<br /> +D&#8217;après mes recher&shy;ches (ou disons mon rapide fure&shy;tage sur le toile), la presse quo&shy;ti&shy;dienne locale à Tours se résume essen&shy;tiel&shy;le&shy;ment à la <em>Nou&shy;velle Répu&shy;bli&shy;que</em> qui, outre le quo&shy;ti&shy;dien papier, pos&shy;sède 40% de <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/TV_Tours">TV Tours</a>, la chaîne de télé&shy;vi&shy;sion locale. Il y a bien sûr éga&shy;le&shy;ment le bureau local de France 3 qui pro&shy;duit, outre des repor&shy;ta&shy;ges pour les édi&shy;tions de F3 Paris Ile de France Cen&shy;tre, un décro&shy;chage quo&shy;ti&shy;dien.<br /></p> + + +<p>Le <a href="http://www.lanouvellerepublique.fr/dossiers/actu/index.php?dos=bb_seoul&amp;amp;rub=proces&amp;amp;num=215364">compte rendu d&#8217;audience</a> de la NRCO &#8220;papier&#8221; (réa&shy;lisé par d&#8217;autres jour&shy;na&shy;lis&shy;tes que ceux qui ont fait le <em>live blog&shy;ging</em>, issus de la rédac&shy;tion mul&shy;ti&shy;mé&shy;dia), est assez clas&shy;si&shy;que (le trip&shy;ty&shy;que Dubec/Mari&shy;nou&shy;po&shy;los/Nisand) agré&shy;menté de petits arti&shy;cles sur les à côtés du pro&shy;cès&#160;: une <a href="http://www.lanouvellerepublique.fr/dossiers/actu/index.php?dos=bb_seoul&amp;amp;rub=proces&amp;amp;num=215415">ren&shy;con&shy;tre</a> avec des &#8220;poin&shy;tu&shy;res&#8221; de la chro&shy;ni&shy;que judi&shy;ciaire<sup>[<a href="http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#pnote-1439-14" id="rev-pnote-1439-14">14</a>]</sup>, une brève sur la lon&shy;gue expé&shy;rience du <a href="http://www.lanouvellerepublique.fr/dossiers/actu/index.php?dos=bb_seoul&amp;amp;rub=proces&amp;amp;num=215414">gref&shy;fier</a> de la cour d&#8217;assi&shy;ses</p> + + +<p>Les repor&shy;ta&shy;ges de <a href="http://www.youtube.com/watch?v=Y1Od1qPDL4E">TV Tours</a> et de France 3 Val de Loire Tou&shy;raine<sup>[<a href="http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#pnote-1439-15" id="rev-pnote-1439-15">15</a>]</sup> ont en com&shy;mun, outre le résumé de l&#8217;audience et les ima&shy;ges habi&shy;tuel&shy;les de salle d&#8217;audience et de salle des pas per&shy;dus, d&#8217;avoir donné la parole à un expert local, seule inter&shy;viewée. Les experts &#8220;natio&shy;naux&#8221; ne sont qu&#8217;aper&shy;çus. Un repor&shy;tage de France 3 Ile de France Cen&shy;tre (cli&shy;quer &#8220;compte rendu d&#8217;audience&#8221; à la date du 15 juin dans <a href="http://paris-ile-de-france-centre.france3.fr/info/centre/Proc%C3%A8s-Courjault:d%C3%A9n%C3%A9gation-ou-d%C3%A9ni-de-grossesse-50776734.html">ce lien</a>) peut lais&shy;ser pen&shy;ser que c&#8217;est parce que seuls les médias natio&shy;naux ont pu appro&shy;cher d&#8217;assez près les som&shy;mi&shy;tés&#8230;</p> + + +<p>Dans les médias locaux, on fait (logi&shy;que&shy;ment) plu&shy;tôt dans la proxi&shy;mité&#160;: la locale de France 3 est pré&shy;sen&shy;tée devant le Palais de Jus&shy;tice, la média&shy;ti&shy;sa&shy;tion du pro&shy;cès est autant un sujet que le pro&shy;cès lui même. +<br /> +<br /></p> +<ul> +<li><em>Le pom&shy;pon (faute de nom plus adé&shy;quat de caté&shy;go&shy;rie)</em><br /></li> +</ul> +<p><br /> +Avec l&#8217;émis&shy;sion <em><a href="http://info.francetelevisions.fr/video-info/index-fr.php?id-video=manuel_ftvi_mc_20090615_160620090931_F2">Mots Croi&shy;sés</a></em> dif&shy;fu&shy;sée le 15 juin 2009, on est devant un objet télé&shy;vi&shy;suel très mal iden&shy;ti&shy;fié. +Sur le pla&shy;teau d&#8217;Yves Calvi ce soir là&#160;: Marie-Pierre Cour&shy;tel&shy;le&shy;mont, grand repor&shy;ter à France 3, &#8220;spé&shy;cia&shy;liste&#8221; de cette affaire qu&#8217;elle suit et sur laquelle elle pré&shy;pare un second livre<sup>[<a href="http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#pnote-1439-16" id="rev-pnote-1439-16">16</a>]</sup>, Daniel Zagury, expert psy&shy;chia&shy;tre, Pierre-Oli&shy;vier Sur, avo&shy;cat péna&shy;liste, Vio&shy;laine-Patri&shy;cia Gal&shy;bert, psy&shy;cho&shy;thé&shy;ra&shy;peute et asses&shy;seur au tri&shy;bu&shy;nal pour enfants de Paris et le témoin vedette de la jour&shy;née, Israël Nisand. Point com&shy;mun à tous ces invi&shy;tés&#160;: aucun d&#8217;eux n&#8217;a ren&shy;con&shy;tré l&#8217;accu&shy;sée ou n&#8217;a en prin&shy;cipe eu accès au dos&shy;sier.</p> + + +<p>Yves Calvi est un réci&shy;di&shy;viste du caram&shy;bo&shy;lage tem&shy;po&shy;rel dans cette affaire<sup>[<a href="http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#pnote-1439-17" id="rev-pnote-1439-17">17</a>]</sup>. Le 16 octo&shy;bre 2006, quel&shy;ques jours après la mise en exa&shy;men de Véro&shy;ni&shy;que Cour&shy;jault, il avait déjà con&shy;sa&shy;cré une émis&shy;sion au thème <a href="http://mots-croises.france2.fr/25210858-fr.php">&#8220;Quand une mère tue ses bébés&#8221;</a> (deux des invi&shy;tés du 15 juin y étaient déjà et ont assez peu évo&shy;lué), qui avait été l&#8217;occa&shy;sion d&#8217;un ramas&shy;sis de spé&shy;cu&shy;la&shy;tions et hypo&shy;thè&shy;ses, voire d&#8217;affir&shy;ma&shy;tions péremp&shy;toi&shy;res sur cette affaire alors que l&#8217;enquête com&shy;men&shy;çait à peine.</p> + + +<p>Tout au long de cette nou&shy;velle émis&shy;sion, il se défend de <em>&#8220;refaire le pro&shy;cès&#8221;</em>. <br />Com&shy;pli&shy;qué dans un débat inti&shy;tulé <em>&#8220;Bébés con&shy;ge&shy;lés, le pro&shy;cès&#8221;</em>, alors même qu&#8217;on com&shy;mence par <em>&#8220;nous allons essayer d&#8217;en savoir un peu plus sur ce pro&shy;cès pas comme les autres&#8221;</em> puis qu&#8217;on invite les par&shy;ti&shy;ci&shy;pants, après des géné&shy;ra&shy;li&shy;tés très inté&shy;res&shy;san&shy;tes (ce n&#8217;est pas iro&shy;ni&shy;que) sur le méca&shy;nisme du déni de gros&shy;sesse, à <em>&#8220;s&#8217;arrê&shy;ter sur ce qu&#8217;on pour&shy;rait appe&shy;ler le cas Cour&shy;jault&#8221;</em>(25&#8217;35&#8221;). <br />Cha&shy;cun parle de l&#8217;audience comme s&#8217;il y avait assisté ( Daniel Zagury 15&#8217;21&#8221;: <em>&#8220;ce qu&#8217;elle nous dit&#8221;</em>, Vio&shy;laine-Patri&shy;cia Gal&shy;bert 28&#8217;31&#8221;: <em>&#8220;le pré&shy;si&shy;dent a bien repris les dif&shy;fé&shy;rents ter&shy;mes des dépo&shy;si&shy;tions&#8221;</em>). <br />On véri&shy;fie qu&#8217;on est bien dans les clous (Yves Calvi à Marie-Pierre Cour&shy;tel&shy;le&shy;mont 30&#8217;20&#8221;: <em>&#8220;est ce que les débats au pro&shy;cès tour&shy;nent autour de ce qu&#8217;est notre con&shy;ver&shy;sa&shy;tion de ce soir&#160;?&#8221;</em>). <br />On s&#8217;inter&shy;roge sur la psy&shy;cho&shy;lo&shy;gie du mari (Yves Calvi 47&#8217;41&#8221;) <em>&#8220;qu&#8217;on voit quo&shy;ti&shy;dien&shy;ne&shy;ment venir défen&shy;dre sa femme à la télé&#8221;</em>(sic). <br />Et on ter&shy;mine sur la com&shy;po&shy;si&shy;tion du jury, une pro&shy;po&shy;si&shy;tion de requa&shy;li&shy;fi&shy;ca&shy;tion (Yves Calvi 45&#8217;27&#8221;: <em>&#8220;c&#8217;est au mini&shy;mum de la non assis&shy;tance à per&shy;sonne en dan&shy;ger&#8221;</em>) et les avis des uns et des autres sur la peine à infli&shy;ger. Sans comp&shy;ter cette perle de la jour&shy;na&shy;liste qui écrit un livre sur cette affaire et qui sou&shy;li&shy;gne à quel point la média&shy;ti&shy;sa&shy;tion de l&#8217;affaire est déjà une ter&shy;ri&shy;ble puni&shy;tion pour l&#8217;accu&shy;sée. Au final, sur une heure et six minu&shy;tes d&#8217;émis&shy;sion, le témoi&shy;gnage d&#8217;une femme ayant vécu un déni de gros&shy;sesse était pro&shy;ba&shy;ble&shy;ment le moment le plus utile et inté&shy;res&shy;sant.</p> + + + +<p>On voit bien les limi&shy;tes inhé&shy;ren&shy;tes à ce type d&#8217;émis&shy;sion avant qu&#8217;une affaire soit défi&shy;ni&shy;ti&shy;ve&shy;ment jugée. Et plus géné&shy;ra&shy;le&shy;ment la per&shy;sis&shy;tance de cette illu&shy;sion du carac&shy;tère péda&shy;go&shy;gi&shy;que d&#8217;un pro&shy;cès en par&shy;ti&shy;cu&shy;lier sur de grands sujets de société. Une affaire cri&shy;mi&shy;nelle est une affaire uni&shy;que. Parce que c&#8217;était <strong>cet</strong> accusé, parce que c&#8217;étaient <strong>ces</strong> cir&shy;cons&shy;tan&shy;ces, par&shy;fois parce que c&#8217;était <strong>cette</strong> vic&shy;time.</p> + + +<p>Qu&#8217;une affaire judi&shy;ciaire soit une des illus&shy;tra&shy;tions d&#8217;un débat de société plus large, très bien, les pré&shy;toi&shy;res sont un des reflets de la société. Qu&#8217;elle en soit le point de départ, et il y a pres&shy;que tou&shy;jours mal&shy;donne. Un pro&shy;cès, c&#8217;est quand même d&#8217;abord fait pour juger une affaire par&shy;ti&shy;cu&shy;lière. Pas pour soi&shy;gner la société ou faire l&#8217;édu&shy;ca&shy;tion des fou&shy;les.<br /> +<br /> +<br /> +<strong>Avan&shy;tage au blog&#160;?</strong><br /> +<br /> +Un bilan peut-il être dressé des com&shy;pa&shy;rai&shy;sons que je viens de faire&#160;? Comme je ne me suis pas tapé tout ça pour rien, je vais m&#8217;y employer&#160;:</p> + + +<p>Le &#8220;débat&#8221; (qu&#8217;il soit télé&shy;visé ou radio&shy;pho&shy;ni&shy;que) me sem&shy;ble une impasse, parce qu&#8217;il ne peut que repro&shy;duire le méca&shy;nisme du pro&shy;cès. <br />Un <a href="http://www.arretsurimages.net/contenu.php?id=2066">asi&shy;naute</a> ne s&#8217;y est d&#8217;ailleurs pas trompé&#160;: <em>&#8220;Et sou&shy;dain, le déroulé de l&#8217;émis&shy;sion saute aux yeux, c&#8217;est celui d&#8217;un pro&shy;cès: per&shy;son&shy;na&shy;lité de l&#8217;accu&shy;sée, dis&shy;cus&shy;sion pro et con&shy;tra sur les faits et leur qua&shy;li&shy;fi&shy;ca&shy;tion, inter&shy;pré&shy;ta&shy;tion des actes de l&#8217;accu&shy;sée, énoncé de la peine&#8221;</em>. <br />Il me sem&shy;ble en tout cas néces&shy;saire qu&#8217;il y ait un déca&shy;lage dans le temps et une forme plus docu&shy;men&shy;taire, comme l&#8217;émis&shy;sion <em>Fai&shy;tes entrer l&#8217;accusé</em> (dont on peut d&#8217;ailleurs sup&shy;po&shy;ser que le numéro con&shy;sa&shy;cré à cette affaire est déjà sur les rails).</p> + + +<p>Le compte rendu télé&shy;visé souf&shy;fre de ne pas pou&shy;voir mon&shy;trer ce dont il parle et tente de refaire une par&shy;tie de l&#8217;audience à l&#8217;exté&shy;rieur de la salle en inter&shy;ro&shy;geant les témoins, les vic&shy;ti&shy;mes ou les avo&shy;cats. <br />Et s&#8217;il était pos&shy;si&shy;ble d&#8217;avoir des ima&shy;ges de l&#8217;audience, il me sem&shy;ble que le ris&shy;que serait mas&shy;sif de ne rete&shy;nir que le moment fort, l&#8217;ins&shy;tant lacry&shy;mal, le témoi&shy;gnage scan&shy;da&shy;leux. <br />Une audience, c&#8217;est la vérité toute nue, par&shy;fois toute crue. Tout dans un pro&shy;cès n&#8217;est d&#8217;ailleurs pas livré aux spec&shy;ta&shy;teurs qui sont dans la salle, quand par exem&shy;ple le pré&shy;si&shy;dent fait pas&shy;ser aux asses&shy;seurs et aux jurés des pho&shy;tos (clas&shy;si&shy;que&shy;ment cel&shy;les de l&#8217;autop&shy;sie) ou un docu&shy;ment tiré du dos&shy;sier. S&#8217;il est légi&shy;time que toute la réa&shy;lité, si dure soit-elle, soit expo&shy;sée à ceux qui vont juger de l&#8217;affaire, l&#8217;affi&shy;cher telle quelle, par petit bout, sur les écrans du 20 heu&shy;res serait à mon sens d&#8217;une grande vio&shy;lence.</p> + + +<p>Le <em>live blog&shy;ging</em> n&#8217;apporte aucune ana&shy;lyse. Il peut être un outil pour qui veut sui&shy;vre une audience dans la lon&shy;gueur, mais il pâtit du man&shy;que de cette mise en relief qui résulte de l&#8217;ora&shy;lité des débats&#160;: le ton, la vitesse d&#8217;élo&shy;cu&shy;tion qui change, les silen&shy;ces, les regards, les réac&shy;tions de l&#8217;accusé ou des avo&shy;cats, la par&shy;tie civile qui quitte la salle parce que les paro&shy;les de l&#8217;accusé sont insou&shy;te&shy;na&shy;bles, bref, tout ce qui fait la vie d&#8217;une audience.<br /> Le pro&shy;cédé va cer&shy;tai&shy;ne&shy;ment se déve&shy;lop&shy;per (on l&#8217;annonce déjà pour le pro&shy;cès Clears&shy;tream) et évo&shy;luera peut être vers quel&shy;que chose de plus éla&shy;boré, comme l&#8217;a fait la Dépê&shy;che du Midi pour le pro&shy;cès AZF, avec un <a href="http://blogazf.ladepeche.com/">blog</a> assez pro&shy;che d&#8217;une retrans&shy;crip&shy;tion ver&shy;ba&shy;tim (en appa&shy;rence) mais d&#8217;une lec&shy;ture plus aisée (un billet par audi&shy;tion ou plai&shy;doi&shy;rie, intro&shy;duit par une ou deux phra&shy;ses résu&shy;mant de qui il s&#8217;agit) et sur une affaire avec des aspects tech&shy;ni&shy;ques qui se prê&shy;tent peut être mieux à l&#8217;exer&shy;cice.</p> + + +<p>C&#8217;est fina&shy;le&shy;ment le compte rendu écrit, qu&#8217;il émane de la presse &#8220;tra&shy;di&shy;tion&shy;nelle&#8221; ou d&#8217;inter&shy;net, qui me paraît le plus adapté aux audien&shy;ces. Le temps néces&shy;saire à l&#8217;écri&shy;ture, la dis&shy;tance émo&shy;tion&shy;nelle que per&shy;met l&#8217;écrit (par rap&shy;port à un extrait audio-visuel d&#8217;une dépo&shy;si&shy;tion) cou&shy;plée à la pos&shy;si&shy;bi&shy;lité de faire vivre l&#8217;audience par le talent du jour&shy;na&shy;liste, et même l&#8217;illus&shy;tra&shy;tion quasi-obli&shy;gée par un des&shy;sin d&#8217;audience qui fait éga&shy;le&shy;ment fil&shy;tre par rap&shy;port à une image &#8220;réelle&#8221;, tout cela me paraît impo&shy;ser le recul indis&shy;pen&shy;sa&shy;ble au tra&shy;vail du chro&shy;ni&shy;queur judi&shy;ciaire qui, pour repren&shy;dre la for&shy;mule de Paul Lefè&shy;vre dans la <em>Ligne j@une</em>, <em>&#8220;n&#8217;est pas de dire ce qu&#8217;il se passe mais de dire ce que signi&shy;fie ce qu&#8217;il se passe&#8221;</em>. C&#8217;est évi&shy;dem&shy;ment un aspect essen&shy;tiel du tra&shy;vail jour&shy;na&shy;lis&shy;ti&shy;que en toute matière, mais cela me sem&shy;ble par&shy;ti&shy;cu&shy;liè&shy;re&shy;ment indis&shy;pen&shy;sa&shy;ble dans un uni&shy;vers aussi codé que celui de la jus&shy;tice.</p> + + +<p>Enfin, il me sem&shy;ble qu&#8217;Inter&shy;net, et notam&shy;ment le for&shy;mat blog, apporte un plus. Ce média peut, quand il est uti&shy;lisé avec talent et déon&shy;to&shy;lo&shy;gie, avoir les ver&shy;tus de l&#8217;écrit en étant moins sou&shy;mis aux con&shy;train&shy;tes de lon&shy;gueur ou de fré&shy;quence du papier. Une con&shy;di&shy;tion essen&shy;tielle, et dif&shy;fi&shy;cile à rem&shy;plir avec le web, est cepen&shy;dant d&#8217;affi&shy;cher clai&shy;re&shy;ment la cou&shy;leur pour savoir qui écrit et de quelle place (ça non plus ça n&#8217;est pas pro&shy;pre au genre judi&shy;ciaire), infor&shy;ma&shy;tion qu&#8217;on a impli&shy;ci&shy;te&shy;ment quand on ouvre tel jour&shy;nal papier ou qu&#8217;on bran&shy;che telle chaîne de télé&shy;vi&shy;sion. +<br /> +<br /> +<strong>A quand les rac&shy;cords de maquillage aux sus&shy;pen&shy;sions d&#8217;audience&#160;?</strong> +<br /> +<br /> +Alors que le pro&shy;cès se fait à la télé&shy;vi&shy;sion, que les paro&shy;les pro&shy;non&shy;cées à l&#8217;audience s&#8217;ins&shy;cri&shy;vent sur nos écrans qua&shy;si&shy;ment en temps réel, qu&#8217;est ce qui jus&shy;ti&shy;fie encore le ban&shy;nis&shy;se&shy;ment des camé&shy;ras des sal&shy;les d&#8217;audience et l&#8217;inter&shy;dic&shy;tion de la retrans&shy;mis&shy;sion des pro&shy;cès&#160;?</p> + + +<p>D&#8217;autant qu&#8217;on est en train de fran&shy;chir un nou&shy;veau pas, puis&shy;que des docu&shy;men&shy;ta&shy;ris&shy;tes pré&shy;pa&shy;re&shy;raient des <a href="http://www.francesoir.fr/television/2009/07/04/tf1-proces-prime-time.html">recons&shy;ti&shy;tu&shy;tions de pro&shy;cès</a>. Et devi&shy;nez pour quelle affaire on va expé&shy;ri&shy;men&shy;ter le pro&shy;cédé&#160;?</p> + + +<p>Le débat sur la pos&shy;si&shy;bi&shy;lité de fil&shy;mer les audien&shy;ces va bien au delà de la ques&shy;tion du maté&shy;riau qui peut être à la dis&shy;po&shy;si&shy;tion des jour&shy;na&shy;lis&shy;tes pour trai&shy;ter d&#8217;une affaire. On évo&shy;que ainsi sou&shy;vent le droit pour les citoyens à voir (et donc con&shy;trô&shy;ler) com&shy;ment la jus&shy;tice est ren&shy;due en leur nom, et le fait que la cap&shy;ta&shy;tion et la dif&shy;fu&shy;sion des pro&shy;cès ne serait fina&shy;le&shy;ment qu&#8217;un chan&shy;ge&shy;ment d&#8217;échelle par rap&shy;port à une chro&shy;ni&shy;que judi&shy;ciaire &#8220;papier&#8221;.</p> + + +<p>Une com&shy;mis&shy;sion avait été réu&shy;nie en 2003 pour pro&shy;po&shy;ser des solu&shy;tions, sous la pré&shy;si&shy;dence de Mme Lin&shy;den, pre&shy;mière pré&shy;si&shy;dente de la Cour d&#8217;appel d&#8217;Angers. Son <a href="http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/054000143/0000.pdf">rap&shy;port</a>, soi&shy;gneu&shy;se&shy;ment enterré depuis, pro&shy;po&shy;sait des solu&shy;tions réflé&shy;chies et équi&shy;li&shy;brées et posait, bien mieux que je ne sau&shy;rais le faire syn&shy;thé&shy;ti&shy;que&shy;ment à l&#8217;issue de ce déjà très long billet, les enjeux majeurs de l&#8217;entrée des camé&shy;ras dans le pré&shy;toire. +Je vou&shy;drais pour con&shy;clure en extraire ces lignes, mises en exer&shy;gue de la con&shy;tri&shy;bu&shy;tion de Pierre Rancé à cette com&shy;mis&shy;sion&#160;:</p> + +<blockquote><p>&#8220;La Jus&shy;tice n’a pas à se pro&shy;je&shy;ter pour prou&shy;ver qu‘elle n’a rien à cacher. C’est au citoyen de venir cons&shy;ta&shy;ter que la Jus&shy;tice ne lui cache rien. Il ne sau&shy;rait entrer dans les pré&shy;vi&shy;sions des codes de pro&shy;cé&shy;du&shy;res civile et pénale d’assu&shy;rer une publi&shy;cité média&shy;ti&shy;que, voire com&shy;mer&shy;ciale, aux audien&shy;ces. Si les por&shy;tes du pro&shy;cès res&shy;tent ouver&shy;tes, c’est afin que cha&shy;cun puisse attes&shy;ter que le dérou&shy;le&shy;ment de l’audience est trans&shy;pa&shy;rent et que le prin&shy;cipe du con&shy;tra&shy;dic&shy;toire est res&shy;pecté. La mise sur la place publi&shy;que du pro&shy;cès est le con&shy;traire de la publi&shy;cité de l’audience.&#8221;.</p></blockquote> +<div class="footnotes"><h4>Notes</h4> +<p>[<a href="http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#rev-pnote-1439-1" id="pnote-1439-1">1</a>] eh oui, c&#8217;est réservé aux abon&shy;nés. C&#8217;est pas pour faire de la pub (pas de pub chez Eolas), mais fran&shy;che&shy;ment 30 euros par an ça vaut le coût&#8230; Pour s&#8217;abon&shy;ner c&#8217;est <a href="http://www.arretsurimages.net/abonnements.php">là</a></p> +<p>[<a href="http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#rev-pnote-1439-2" id="pnote-1439-2">2</a>] pour les plus moti&shy;vés, les comp&shy;tes rendu des audien&shy;ces du CSM rela&shy;ti&shy;ves à Fabrice Bur&shy;gaud, écrit par Sté&shy;phane Arteta, sont par&shy;ti&shy;cu&shy;liè&shy;re&shy;ment inté&shy;res&shy;sants, par exem&shy;ple <a href="http://chroniquesjudiciaires.blogs.nouvelobs.com/archive/2009/02/03/new.html">là</a></p> +<p>[<a href="http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#rev-pnote-1439-3" id="pnote-1439-3">3</a>] bien que des comp&shy;tes ren&shy;dus d&#8217;audience aient été faits sur le pro&shy;cès de Yous&shy;souf Fofana et ses com&shy;par&shy;ses, notam&shy;ment sur le <a href="http://elsa-vigoureux.blogs.nouvelobs.com/">blog</a> d&#8217;Elsa Vigou&shy;reux</p> +<p>[<a href="http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#rev-pnote-1439-4" id="pnote-1439-4">4</a>] sauf si le mineur, devenu majeur le jour du pro&shy;cès, demande la publi&shy;cité des débats</p> +<p>[<a href="http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#rev-pnote-1439-5" id="pnote-1439-5">5</a>] notons que c&#8217;est sur &#8220;inter&shy;pel&shy;la&shy;tion&#8221; (pour ne pas dire dénon&shy;cia&shy;tion) d&#8217;un jour&shy;na&shy;liste de radio que la Chan&shy;cel&shy;le&shy;rie a été ame&shy;née à pren&shy;dre posi&shy;tion sur cette ques&shy;tion</p> +<p>[<a href="http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#rev-pnote-1439-6" id="pnote-1439-6">6</a>] voir sur cela cet inté&shy;res&shy;sant <a href="http://www.youtube.com/watch?v=brtNglEg1Ok">repor&shy;tage</a> du club de la Presse du Val de Loire</p> +<p>[<a href="http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#rev-pnote-1439-7" id="pnote-1439-7">7</a>] celle là est en accès libre, mais ça n&#8217;empê&shy;che pas de <a href="http://www.arretsurimages.net/abonnements.php">s&#8217;abon&shy;ner</a></p> +<p>[<a href="http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#rev-pnote-1439-8" id="pnote-1439-8">8</a>] et cer&shy;tai&shy;ne&shy;ment pas pour le fond du dos&shy;sier, qui n&#8217;est pas très dif&shy;fé&shy;rent de celui de beau&shy;coup de dos&shy;siers d&#8217;infan&shy;ti&shy;ci&shy;des ins&shy;truits et jugés cha&shy;que année par les juri&shy;dic&shy;tions fran&shy;çai&shy;ses</p> +<p>[<a href="http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#rev-pnote-1439-9" id="pnote-1439-9">9</a>] Sté&shy;phane Durand-Souf&shy;fland est par ailleurs pré&shy;si&shy;dent de l&#8217;asso&shy;cia&shy;tion de la presse judi&shy;ciaire</p> +<p>[<a href="http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#rev-pnote-1439-10" id="pnote-1439-10">10</a>] expert psy&shy;chia&shy;tre qui a publié en 1992 un ouvrage de réfé&shy;rence sur les infan&shy;ti&shy;ci&shy;des, cité par l&#8217;avo&shy;cat géné&shy;ral</p> +<p>[<a href="http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#rev-pnote-1439-11" id="pnote-1439-11">11</a>] gyné&shy;co&shy;lo&shy;gue-obs&shy;té&shy;tri&shy;cien, expert, qui a lui aussi publié un ouvrage sur le sujet, cité par la défense</p> +<p>[<a href="http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#rev-pnote-1439-12" id="pnote-1439-12">12</a>] repor&shy;tage que vous ne pour&shy;rez voir car, à l&#8217;heure où je fais les ulti&shy;mes cor&shy;rec&shy;tions, il n&#8217;est plus en ligne. Heu&shy;reu&shy;se&shy;ment, je me le suis infusé plu&shy;sieurs fois, il va fal&shy;loir me faire con&shy;fiance pour le résumé&#8230;</p> +<p>[<a href="http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#rev-pnote-1439-13" id="pnote-1439-13">13</a>] elle évo&shy;que &#8220;D&#8217;un côté, dans le box des accu&shy;sés, une femme que je me gar&shy;de&shy;rais bien de juger, accu&shy;sée d&#8217;infan&shy;ti&shy;cide, de l&#8217;autre le pro&shy;fes&shy;seur Israël Nisand, spé&shy;cia&shy;liste fran&shy;çais du déni de gros&shy;sesse.&#8221;</p> +<p>[<a href="http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#rev-pnote-1439-14" id="pnote-1439-14">14</a>] on peut aussi pen&shy;ser que faire ainsi inter&shy;ve&shy;nir des tiers qui par&shy;ta&shy;geaient un avis pour le moins cri&shy;ti&shy;que sur la con&shy;duite de l&#8217;audience par le pré&shy;si&shy;dent a per&shy;mis aux jour&shy;na&shy;lis&shy;tes locaux de ne pas se mon&shy;trer eux mêmes fron&shy;ta&shy;le&shy;ment cri&shy;ti&shy;ques envers le pré&shy;si&shy;dent qu&#8217;ils croi&shy;sent à cha&shy;que ses&shy;sion</p> +<p>[<a href="http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#rev-pnote-1439-15" id="pnote-1439-15">15</a>] même pro&shy;blème que pour le 20 h de France 2</p> +<p>[<a href="http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#rev-pnote-1439-16" id="pnote-1439-16">16</a>] en fait, le temps que je cor&shy;rige, relise, recor&shy;rige et rere&shy;lise ce billet, elle a eu le temps de le <a href="http://www.hachette.com/livre/marie-pierre-courtellemont-les-bebes-congeles-de-seoul-335816.html">publier</a></p> +<p>[<a href="http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#rev-pnote-1439-17" id="pnote-1439-17">17</a>] et pas que dans cette affaire, puisqu&#8217;il a notam&shy;ment con&shy;sa&shy;cré une <a href="http://mots-croises.france2.fr/54100097-fr.php">émis&shy;sion</a> au pro&shy;cès Fofana quinze jours après le début des audien&shy;ces, en pré&shy;sence notam&shy;ment de deux des avo&shy;cats con&shy;cer&shy;nés</p></div> + + + + + + http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/Une-journ%C3%A9e-particuli%C3%A8re#comment-form + http://www.maitre-eolas.fr/feed/atom/comments/1439 + + + + Un mot du proprio + + urn:md5:7c30916c6c60683d43fb2c68cc3719af + 2009-07-23T02:05:00+02:00 + Eolas + Brève + + <p>Je pars quel&shy;ques jours en vacan&shy;ces bien méri&shy;tées au soleil.</p> + + +<p>N&#8217;atten&shy;dez donc pas de billet de ma part avant une quin&shy;zaine de jours. Je laisse les clés aux colocs.</p> + + +<p>Soyez sages.</p> + + + + + http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/Un-mot-du-proprio#comment-form + http://www.maitre-eolas.fr/feed/atom/comments/1438 + + + + Comment prévoir ce que le juge va décider ? + + urn:md5:9825c2772412a924ebe248ad69a3f7c3 + 2009-07-22T16:43:00+02:00 + Paxatagore + Commensaux + Cour Suprême des États-UnisDroit américain + <p><em>Par Paxa&shy;ta&shy;gore</em></p> + +<hr /> + +<p>Aux Etats-Unis, les juges fédé&shy;raux sont nom&shy;més par le pré&shy;si&shy;dent des Etats-Unis, à vie. Comme tout un paquet de hauts res&shy;pon&shy;sa&shy;bles, la déci&shy;sion du Pré&shy;si&shy;dent doit être con&shy;fir&shy;mée par le Sénat. Le Sénat donne son accord après une audi&shy;tion, plus ou moins lon&shy;gue, de l&#8217;impé&shy;trant par le comité judi&shy;ciaire du Sénat. A cette occa&shy;sion, on dis&shy;cute de ses con&shy;cep&shy;tions juri&shy;di&shy;ques et, for&shy;cé&shy;ment, poli&shy;ti&shy;que, de ses pré&shy;cé&shy;den&shy;tes déci&shy;sions (s&#8217;il était déjà juge) ou de ce qu&#8217;il pense de tel&shy;les ou tel&shy;les déci&shy;sions impor&shy;tan&shy;tes. C&#8217;est un exer&shy;cice déli&shy;cat, par&shy;fois long, et le can&shy;di&shy;dat a pour objec&shy;tif d&#8217;évi&shy;ter de se lier les mains tout en se met&shy;tant le moins de monde à dos. Cer&shy;tains ne pas&shy;sent pas la barre et sont désa&shy;voués par le Sénat. Notre hôte a plu&shy;sieurs fois évo&shy;qué, ces der&shy;niers jour, la pro&shy;cé&shy;dure de nomi&shy;na&shy;tion, tou&shy;jours en cours, de Mme Sonia Sot&shy;to&shy;mayor, comme <em>jus&shy;tice</em> à la cour suprême.</p> + + +<p>Pour autant, il faut bien avoir à l&#8217;esprit que ce que le can&shy;di&shy;dat-juge peut dire pen&shy;dant ces audi&shy;tions n&#8217;a stric&shy;te&shy;ment aucune valeur juri&shy;di&shy;que. Il peut don&shy;ner son avis sur plein de ques&shy;tions, y com&shy;pris la meilleure façon de cui&shy;si&shy;ner les petits pois, on ne pourra pas par la suite le révo&shy;quer parce que les déci&shy;sions qu&#8217;il rend ne sont pas con&shy;for&shy;mes à ce qu&#8217;on atten&shy;dait de lui. C&#8217;est l&#8217;une des gran&shy;des limi&shy;tes de l&#8217;exer&shy;cice. <a href="http://news.lp.findlaw.com/ap/a/w/1154/07-20-2009/20090720003513_14.html" hreflang="en">Cette chro&shy;ni&shy;que</a> recense plu&shy;sieurs cas, fameux, dans l&#8217;his&shy;toire amé&shy;ri&shy;caine, où des can&shy;di&shy;dats choi&shy;sis en fonc&shy;tion des con&shy;vic&shy;tions qu&#8217;on leur sup&shy;po&shy;sait, se sont révé&shy;lés avec le temps bien dif&shy;fé&shy;rents. Le cas le plus récent est celui de David Sou&shy;ter, nommé par les Répu&shy;bli&shy;cains et qui fai&shy;sait alors pro&shy;fes&shy;sion de foi d&#8217;ori&shy;gi&shy;na&shy;lisme (une doc&shy;trine en vogue aux Etats-Unis qui veut qu&#8217;on ne doive inter&shy;pré&shy;ter la Cons&shy;ti&shy;tu&shy;tion que con&shy;for&shy;mé&shy;ment à ce que ses auteurs ont ou auraient voulu dire) et qui s&#8217;est révélé être en fait beau&shy;coup plus libé&shy;ral (c&#8217;est-à-dire, dans le voca&shy;bu&shy;laire poli&shy;ti&shy;que amé&shy;ri&shy;cain et avec plein d&#8217;approxi&shy;ma&shy;tion&#160;: de gau&shy;che).</p> + + +<p>C&#8217;est tout le sel de ces audi&shy;tions devant le Sénat&#160;: son&shy;der le can&shy;di&shy;dat, sa pro&shy;fon&shy;deur, sa soli&shy;dité, pour être à peu près cer&shy;tain des déci&shy;sions qu&#8217;il va ren&shy;dre.</p> + + +<p>On pour&shy;rait tou&shy;te&shy;fois s&#8217;inter&shy;ro&shy;ger sur la légi&shy;ti&shy;mité de ce pro&shy;cédé. Après tout, nous autres Fran&shy;çais, nous n&#8217;avons aucune pro&shy;cé&shy;dure de cet ordre. Les can&shy;di&shy;dats à la magis&shy;tra&shy;ture sont inter&shy;ro&shy;gés sur leurs com&shy;pé&shy;ten&shy;ces juri&shy;di&shy;ques par le biais de con&shy;cours, qui sont cor&shy;ri&shy;gés par d&#8217;autres magis&shy;trats&#160;: à aucun moment le pou&shy;voir légis&shy;la&shy;tif n&#8217;inter&shy;vient dans la sélec&shy;tion des juges (il faut noter du reste qu&#8217;il y a trop de juges en France pour qu&#8217;il puisse réel&shy;le&shy;ment pro&shy;cé&shy;der à un con&shy;trôle). Il en va de même pour les con&shy;seillers d&#8217;Etat, issus de l&#8217;ENA ou nom&shy;més direc&shy;te&shy;ment par le gou&shy;ver&shy;ne&shy;ment, ou encore des mem&shy;bres du con&shy;seil cons&shy;ti&shy;tu&shy;tion&shy;nel ou des magis&shy;trats de la cour des comp&shy;tes.</p> + + +<p>Pour&shy;tant, ce pro&shy;cédé me paraît tout à fait légi&shy;time. Les déci&shy;sions qu&#8217;un juge va ren&shy;dre ont des réper&shy;cus&shy;sions impor&shy;tan&shy;tes, sur les par&shy;ties au pro&shy;cès évi&shy;dem&shy;ment mais plus géné&shy;ra&shy;le&shy;ment sur l&#8217;ensem&shy;ble de la société (du moins, de temps en temps). Il est légi&shy;time de la part de la repré&shy;sen&shy;ta&shy;tion natio&shy;nale d&#8217;avoir une petite idée de l&#8217;état d&#8217;esprit de celui ou de ceux qui vont ren&shy;dre cette déci&shy;sion. Les par&shy;ties elles-mêmes peu&shy;vent sou&shy;hai&shy;ter savoir &#8220;à quelle sauce&#8221; elles vont être jugées, ne serait-ce que pour adap&shy;ter leur argu&shy;men&shy;ta&shy;tion en con&shy;sé&shy;quence. La <em>pré&shy;vi&shy;si&shy;bi&shy;lité</em> d&#8217;une déci&shy;sion de jus&shy;tice est un élé&shy;ment essen&shy;tiel dans un Etat de droit&#160;: cha&shy;cun doit pou&shy;voir rai&shy;son&shy;na&shy;ble&shy;ment pou&shy;voir con&shy;naî&shy;tre l&#8217;éten&shy;due de ses droits et de ses obli&shy;ga&shy;tions.</p> + + +<p>Il me sem&shy;ble que le sys&shy;tème amé&shy;ri&shy;cain accepte par&shy;fai&shy;te&shy;ment le fait que le juge a des pré&shy;sup&shy;po&shy;sés, de tous ordres et en tire les con&shy;sé&shy;quen&shy;ces&#160;: il faut mieux con&shy;naî&shy;tre les pré&shy;sup&shy;po&shy;sés du juge, pour pou&shy;voir les com&shy;bat&shy;tre uti&shy;le&shy;ment le cas échéant. (Il faut pren&shy;dre le terme &#8220;pré&shy;sup&shy;po&shy;sés&#8221; au sens large&#160;: ce peut être des pré&shy;ju&shy;gés ,au sens où l&#8217;on entend habi&shy;tuel&shy;le&shy;ment ce mot, mais aussi une opi&shy;nion sur une loi, une pra&shy;ti&shy;que juri&shy;di&shy;que, des habi&shy;tu&shy;des&#8230;).</p> + + +<p>Com&shy;ment fait le sys&shy;tème fran&shy;çais&#160;? Il tend lar&shy;ge&shy;ment à igno&shy;rer les pré&shy;sup&shy;po&shy;sés du juge, du moins en public. La for&shy;ma&shy;tion des juges n&#8217;ignore pas ce point&#160;: à l&#8217;ENM, on est sen&shy;si&shy;bi&shy;lisé à ce dan&shy;ger et on est invité à le com&shy;bat&shy;tre. On appelle le juge à être son pro&shy;pre garant, ce qui n&#8217;est pas vrai&shy;ment satis&shy;fai&shy;sant. On cher&shy;che ainsi à obte&shy;nir des juges qui sont plu&shy;tôt &#8220;neu&shy;tres&#8221;. De la même façon, une bonne par&shy;tie des pré&shy;sup&shy;po&shy;sés de cha&shy;que juge lui vien&shy;nent de son appar&shy;te&shy;nance à la magis&shy;tra&shy;ture&#160;: la for&shy;ma&shy;tion et la coha&shy;bi&shy;ta&shy;tion avec les autres col&shy;lè&shy;gues amè&shy;nent les juges à par&shy;ta&shy;ger un cer&shy;tain nom&shy;bre de réflexes com&shy;muns (dans une cer&shy;taine mesure évi&shy;dem&shy;ment). C&#8217;est une façon comme une autre d&#8217;assu&shy;rer une cer&shy;taine pré&shy;vi&shy;si&shy;bi&shy;lité des déci&shy;sions.</p> + + +<p>Il est frap&shy;pant de voir à cet égard que le monde poli&shy;ti&shy;que ignore tota&shy;le&shy;ment cette ques&shy;tion, qui pour&shy;tant expli&shy;que lar&shy;ge&shy;ment le cli&shy;vage impor&shy;tant exis&shy;tant entre le monde poli&shy;ti&shy;que et le monde judi&shy;ciaire. Peut-être devrait-on ins&shy;tau&shy;rer un sys&shy;tème simi&shy;laire à celui des Amé&shy;ri&shy;cains&#160;? Nos juges y gagne&shy;raient peut être en légi&shy;ti&shy;mité, les hom&shy;mes poli&shy;ti&shy;ques seraient con&shy;duits aussi à s&#8217;inter&shy;ro&shy;ger sur ce qu&#8217;ils atten&shy;dent d&#8217;un bon juge&#8230; Tou&shy;tes sor&shy;tes de réflexions qui font actuel&shy;le&shy;ment défaut chez nous.</p> + + + + + http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/22/Le-juge-est-il-tenu-par-ses-promesses#comment-form + http://www.maitre-eolas.fr/feed/atom/comments/1436 + + + + Délit de solidarité : Éric Besson marque un point + + urn:md5:b081f588433a3900f98563b8773fc226 + 2009-07-22T16:07:00+02:00 + Eolas + Droit des étrangers + + <p>Le tri&shy;bu&shy;nal cor&shy;rec&shy;tion&shy;nel de Rodez a relaxé aujourd&#8217;hui le Gui&shy;néen <a href="http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/01/1467-si-eric-besson-n-existait-pas">pour&shy;suivi pour avoir hébergé un com&shy;pa&shy;triote</a>.</p> + + +<p>Éric Bes&shy;son va pou&shy;voir se pava&shy;ner en disant qu&#8217;il avait rai&shy;son, que ce délit n&#8217;existe pas puis&shy;que la jus&shy;tice a relaxé. Après avoir dit en son temps que cette affaire était plus large qu&#8217;une sim&shy;ple aide au séjour, ce qui était faux, comme d&#8217;habi&shy;tude.</p> + + +<p>Je n&#8217;ai pas les atten&shy;dus du juge&shy;ment, mais il sem&shy;ble&shy;rait (atten&shy;tion, je sup&shy;pute beau&shy;coup) que la relaxe soit due au fait que l&#8217;étran&shy;ger hébergé était en ins&shy;tance de régu&shy;la&shy;ri&shy;sa&shy;tion, puisqu&#8217;il a eu sa carte de séjour le 22 juin (source&#160;: <a href="http://www.ladepeche.fr/article/2009/07/22/643063-Rodez-Relaxe-pour-un-Guineen-juge-pour-hebergement-d-un-sans-papiers.html">La Dépê&shy;che</a>).</p> + + +<p>Le tri&shy;bu&shy;nal a pu esti&shy;mer que la carte de séjour n&#8217;était pas créa&shy;trice de droit mais cons&shy;ta&shy;tait un droit au séjour pré-exis&shy;tant, qu&#8217;elle ne fait que maté&shy;ria&shy;li&shy;ser (en droit, on dit qu&#8217;elle est décla&shy;ra&shy;tive et non cons&shy;ti&shy;tu&shy;tive). Le rai&shy;son&shy;ne&shy;ment se tient s&#8217;il s&#8217;agit d&#8217;une carte vie pri&shy;vée et fami&shy;liale (art. L.313-11 du CESEDA).</p> + + +<p>Dès lors, le fait que le Gui&shy;néen n&#8217;ait pas eu de carte ne carac&shy;té&shy;ri&shy;sait pas le séjour irré&shy;gu&shy;lier mais n&#8217;était que la con&shy;sé&shy;quence des délais de déli&shy;vrance du titre.</p> + + +<p>Rap&shy;pe&shy;lons que le par&shy;quet avait requis 5 mois de pri&shy;son avec sur&shy;sis.</p> + + + + + http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/22/D%C3%A9lit-de-solidarit%C3%A9-%3A-%C3%89ric-Besson-marque-un-point#comment-form + http://www.maitre-eolas.fr/feed/atom/comments/1437 + + + + Le Général Sabroclère + + urn:md5:838296881d6cc629628cf943209c4041 + 2009-07-22T14:31:00+02:00 + Eolas + Actualité du droit + + <p>Il était une fois en Répu&shy;bli&shy;que Bold&shy;zare un géné&shy;ral, le géné&shy;ral Sabro&shy;clère, qui arriva au pou&shy;voir en pro&shy;met&shy;tant de faire de l&#8217;armée de son pays sa pre&shy;mière prio&shy;rité, car comme tout homme poli&shy;ti&shy;que, il n&#8217;avait que des prio&shy;ri&shy;tés, ce qui l&#8217;obli&shy;geait à les numé&shy;ro&shy;ter pour dis&shy;tin&shy;guer tou&shy;tes ces cho&shy;ses qui pas&shy;sent en pre&shy;mier.</p> + + +<p>Sa pre&shy;mière idée fut de rem&shy;plir les caser&shy;nes. Il demanda à ses ser&shy;gents recru&shy;teurs de faire un effort sur la cons&shy;crip&shy;tion, sur&shy;tout auprès des jeu&shy;nes, et fit voter une loi qui déci&shy;dait que ceux qui avaient déjà fait leur ser&shy;vice seraient obli&shy;gés d&#8217;en faire un autre plus long, de plu&shy;sieurs années au mini&shy;mum.</p> + + +<p>Très vite, l&#8217;État major lui signala que les caser&shy;nes étaient déjà plei&shy;nes, et plu&shy;tôt vétus&shy;tes. De plus, il n&#8217;y pas assez d&#8217;adju&shy;dants pour s&#8217;occu&shy;per de ces recrues, ni assez d&#8217;armes pour les équi&shy;per, puis&shy;que le Géné&shy;ral Sabro&shy;clère avait repris à son compte la tra&shy;di&shy;tion de ne jamais accor&shy;der un Dra&shy;zi&shy;bule (la mon&shy;naie bold&shy;zare) de plus au bud&shy;get de l&#8217;armée&#160;; car une armée trop puis&shy;sante pour&shy;rait fomen&shy;ter des coups d&#8217;État.</p> + + +<p>À toute demande de Dra&shy;zi&shy;bu&shy;les, le grand Chan&shy;ce&shy;lier répon&shy;dait&#160;: «&#160;Ce n&#8217;est pas une ques&shy;tion de moyens, mais de méthode&#160;», avant de recom&shy;man&shy;der des cais&shy;ses de cham&shy;pa&shy;gne pour son pro&shy;chain cock&shy;tail.</p> + + +<p>«&#160;Qu&#8217;importe, répon&shy;dit donc le Géné&shy;ral en haus&shy;sant les épau&shy;les dans la plus grande tra&shy;di&shy;tion bold&shy;zare, l&#8217;inten&shy;dance sui&shy;vra&#160;».</p> + + +<p>Au bout de quel&shy;ques années, l&#8217;Ins&shy;pec&shy;tion Géné&shy;rale des Armés Bold&shy;zare ren&shy;dit un rap&shy;port cons&shy;ta&shy;tant que 82.000 recrues atten&shy;daient encore leur ordre d&#8217;incor&shy;po&shy;ra&shy;tion, alors que les caser&shy;nes ne comp&shy;tent que 53.000 lits dans les cham&shy;brées (et déjà, en en fai&shy;sant dor&shy;mir par terre, on arri&shy;vait à incor&shy;po&shy;rer 63.000 recrues, sans comp&shy;ter les 5000 qui fai&shy;saient un ser&shy;vice civil).</p> + + +<p>Cela ren&shy;dit furieux le Géné&shy;ral Sabro&shy;clère qui semonça la Grande Cham&shy;bres des Accla&shy;ma&shy;tions, assem&shy;blée char&shy;gée d&#8217;applau&shy;dir le Géné&shy;ral quand il lui en pre&shy;nait l&#8217;envie.</p> + + +<p>Devant la Cham&shy;bre des Accla&shy;ma&shy;tions, il déclara de son ton le plus mar&shy;tial&#160;:</p> + + +<p>«&#160;Com&shy;ment peut-on par&shy;ler d&#8217;Armée quand 82.000 recrues atten&shy;dent leur ordre d&#8217;incor&shy;po&shy;ra&shy;tion&#160;?&#160;»</p> + + +<p>La grande Chan&shy;ce&shy;lière annonça que face à cette situa&shy;tion désas&shy;treuse, elle allait rédi&shy;ger des ins&shy;truc&shy;tions adres&shy;sés aux colo&shy;nels et chefs de corps pour leur indi&shy;quer des bon&shy;nes pra&shy;ti&shy;ques per&shy;met&shy;tant d&#8217;incor&shy;po&shy;rer plus de sol&shy;dats, le tout sans ache&shy;ter un seul fusil. Il suf&shy;fi&shy;sait d&#8217;ins&shy;crire deux noms par ligne sur les cahiers d&#8217;incor&shy;po&shy;ra&shy;tion, de faire dor&shy;mir la moi&shy;tié des sol&shy;dats le jour et l&#8217;autre moi&shy;tié la nuit, et de faire en sorte qu&#8217;un sol&shy;dat tienne le canon du fusil pour viser tan&shy;dis que le second tien&shy;drait la crosse et serait en charge de pres&shy;ser la queue de détente pour faire feu.</p> + + +<p>Ce fut ce jour là que la Cham&shy;bre des Accla&shy;ma&shy;tions se révolta et face à un tel niveau d&#8217;incon&shy;sé&shy;quence, chassa le Géné&shy;ral Sabro&shy;clère en lui lan&shy;çant à la figure les compte-ren&shy;dus de séance reliés en cuir de vachette depuis 1873 à nos jours.</p> + + +<p>Ce conte trouve un écho dans notre actua&shy;lité, avec dans le rôle du Géné&shy;ral Sabro&shy;clère, le pré&shy;si&shy;dent Sar&shy;kozy, dans celui de la grande chan&shy;ce&shy;lière, Madame Alliot-Marie, dans celui de l&#8217;armée bold&shy;zare la jus&shy;tice fran&shy;çaise et dans celui de la Cham&shy;bre des Accla&shy;ma&shy;tions se révol&shy;tant… <a href="http://www.lemonde.fr/societe/article/2009/07/21/le-debat-sur-la-mauvaise-execution-des-peines-de-prison-est-relance_1221082_3224.html">Per&shy;sonne</a>.</p> + + +<blockquote><p>«&#160;<em>Com&shy;ment peut-on par&shy;ler de jus&shy;tice quand il y a 82&#160;000 pei&shy;nes non exé&shy;cu&shy;tées parce qu&#8217;il n&#8217;y a pas de pla&shy;ces dans les pri&shy;sons&#160;?</em>&#160;» Le chif&shy;fre avait été annoncé par Nico&shy;las Sar&shy;kozy, devant le Con&shy;grès de Ver&shy;sailles, le 22 juin. Il est tiré d&#8217;un rap&shy;port de l&#8217;ins&shy;pec&shy;tion géné&shy;rale des ser&shy;vi&shy;ces judi&shy;ciai&shy;res du mois de mars, que la minis&shy;tre de la jus&shy;tice et des liber&shy;tés, Michèle Alliot-Marie devait dif&shy;fu&shy;ser aux magis&shy;trats, mardi 21 juillet.</p></blockquote> + + +<p>Face à cette situa&shy;tion, qu&#8217;annonce le gou&shy;ver&shy;ne&shy;ment&#160;? Va-t-on recru&shy;ter des juges d&#8217;appli&shy;ca&shy;tion des pei&shy;nes, cons&shy;truire des éta&shy;blis&shy;se&shy;ments sup&shy;plé&shy;men&shy;tai&shy;res et réno&shy;ver les tau&shy;dis qui en font office, pour résor&shy;ber un stock tel que si on ne met&shy;tait plus per&shy;sonne ne pri&shy;son, un an ne serait pas suf&shy;fi&shy;sant pour l&#8217;absor&shy;ber&#160;?</p> + + +<p>Ou bien…</p> + + +<blockquote><p>Mme Alliot-Marie, en rece&shy;vant les chefs de cour, lundi 20 juillet, a indi&shy;qué qu&#8217;elle adres&shy;se&shy;rait &#8220;<em>une cir&shy;cu&shy;laire recen&shy;sant les bon&shy;nes pra&shy;ti&shy;ques qui peu&shy;vent être mises en œuvre sans délai</em>&#8221;.</p></blockquote> + + +<p>Les Bold&shy;za&shy;res ont plus de chance que nous.</p> + + + + + http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/22/Le-G%C3%A9n%C3%A9ral-Sabrocl%C3%A8re#comment-form + http://www.maitre-eolas.fr/feed/atom/comments/1435 + + + + Quelques mots sur l'affaire Orelsan + + urn:md5:af1eb9dd3ad1062f8851eb31e2e55c05 + 2009-07-21T01:36:00+02:00 + Eolas + General + Liberté d expression + <p>Ça me déman­&shy;geait depuis quel­&shy;ques mois de par­&shy;ler de cette affaire. Sa nou­&shy;velle jeu­&shy;nesse cha­&shy;ren­&shy;taise m’en four­&shy;nit l’occa­&shy;sion.</p> +<p>Ainsi, les Tar­&shy;tuf­&shy;fes sont lâchés de nou­&shy;veau, et encore une fois, une liberté fon­&shy;da­&shy;men­&shy;tale est fou­&shy;lée du pied au nom des meilleu­&shy;res cau­&shy;ses. Et vous êtes priés d’applau­&shy;dir.</p> +<p>Vous ne con­&shy;nais­&shy;sez pro­&shy;ba­&shy;ble­&shy;ment pas Auré­&shy;lien Coten­&shy;tin. C’est un chan­&shy;teur de rap, qui a pris le nom de scène d’Orel­&shy;san. Il a sorti au début de l’année son pre­&shy;mier album, <em>Perdu d’avance</em>.</p> +<p>Le rap est une forme d’expres­&shy;sion artis­&shy;ti­&shy;que appa­&shy;rue aux États-Unis au début des années 80, même si ses raci­&shy;nes remon­&shy;tent au blues. Il a évo­&shy;lué avec le temps mais aujourd’hui pri­&shy;vi­&shy;lé­&shy;gie un style décla­&shy;ma­&shy;toire plus que chanté, mais sur un rythme mar­&shy;telé se mariant à une musi­&shy;que où la part belle est faite aux per­&shy;cus­&shy;sions. La musi­&shy;que est véri­&shy;ta­&shy;ble­&shy;ment un sim­&shy;ple sup­&shy;port du texte qui est l’élé­&shy;ment cen­&shy;tral. L’impro­&shy;vi­&shy;sa­&shy;tion est une tech­&shy;ni­&shy;que que se doit de maî­&shy;tri­&shy;ser tout rap­&shy;peur qui se res­&shy;pecte. C’est une musi­&shy;que popu­&shy;laire au sens pre&shy;mier du terme car elle ne néces­&shy;site pas de savoir par­&shy;ti­&shy;cu­&shy;liè­&shy;re­&shy;ment bien chan­&shy;ter ni jouer d’un ins­&shy;tru­&shy;ment (le rap uti­&shy;lise abon­&shy;dam­&shy;ment des musi­&shy;ques déjà exis­&shy;tan­&shy;tes dont cer­&shy;tai­&shy;nes phra­&shy;ses sont extrai­&shy;tes pour être <em>sam­&shy;plées</em> c’est-à-dire tour­&shy;ner en bou­&shy;cle sur le fond ryth­&shy;mi­&shy;que pour don­&shy;ner à la chan­&shy;son un cachet uni&shy;que.</p> +<p>Voici trois exem­&shy;ples de chan­&shy;sons repri­&shy;ses dans des chan­&shy;sons de rap, ladite chan­&shy;son la sui­&shy;vant immé­&shy;dia­&shy;te­&shy;ment. Mon­&shy;tez le son, c’est les vacan­&shy;ces. Notez comme les per&shy;cus&shy;sions pren&shy;nent le des&shy;sus dans Walk This Way, par rap&shy;port aux gui&shy;ta&shy;res de la ver&shy;sion rock.</p> +<div style="overflow: hidden; position: relative; width: 160px; height: 245px;"><a style="position: absolute; left: 25px;" href="http://jiwa.fr/playlist/rap-393620.html">rap</a><div style="position: absolute;"><object id="music-widget" height="245" width="160"><param name="wmode" value="transparent" /><param name="type" value="application/x-shockwave-flash" /><param name="allowScriptAccess" value="always" /><param name="movie" value="http://jiwa.fr/res/widget/compact.swf?playlistId=393620&amp;skin=bright" /></object></div></div><img style="visibility: hidden; width: 0; height: 0;" src="http://counters.gigya.com/wildfire/IMP/CXNID=2000002.0NXC/bT*xJmx*PTEyMjAzMjUxNDIyNjImcHQ9MTIyMDMyNTE*NTU3MyZwPTMwODM*MSZkPSZuPSZnPTE=.gif" border="0" height="0" width="0" /> +<p>L&#8217;aspect musi&shy;cal étant secon&shy;daire, ce qui en veut pas dire qu&#8217;il est négligé, le rap se con&shy;cen&shy;tre donc sur les paro&shy;les. Oui, le rap, ce sont des chan&shy;sons à texte&#160;: cha&shy;que chan&shy;son raconte une his&shy;toire.</p> +<p>S&#8217;agis&shy;sant d&#8217;une forme popu&shy;laire très à la mode dans ce qu&#8217;on appelle «&#160;les ban&shy;lieues&#160;» pour ne pas se deman&shy;der ce que c&#8217;est exac&shy;te&shy;ment, ces chan&shy;sons racon&shy;tent des his&shy;toi&shy;res de ces quar&shy;tiers dif&shy;fi&shy;ci&shy;les où il fait bon ne pas vivre, avec les mots des per&shy;son&shy;nes y ayant grandi. Et dans les ver&shy;sions se vou&shy;lant les plus dures, on y parle en mots crus dro&shy;gue et vio&shy;lence, on n&#8217;y aime pas la police, et on est obsédé par le sexe. Mais tout y est rap&shy;port de force, comme dans la vie quo&shy;ti&shy;dienne de ces vil&shy;les, y com&shy;pris l&#8217;amour. Con&shy;fes&shy;ser ses sen&shy;ti&shy;ments, c&#8217;est con&shy;fes&shy;ser sa fai&shy;blesse. Alors l&#8217;amour y est com&shy;bat, et ven&shy;geance quand il prend fin. Le rap est sexiste, sans nul doute. Mais il n&#8217;est, comme tout art, que le reflet de la vie. Et sur&shy;tout, sur&shy;tout, le rap repose sur de la pro&shy;vo&shy;ca&shy;tion. Il faut être le pre&shy;mier à dire les pires cho&shy;ses pour se faire cette répu&shy;ta&shy;tion de mau&shy;vais gar&shy;çon qui seul assu&shy;rera le res&shy;pect et le suc&shy;cès du groupe auprès des &#8220;vrais&#8221; fans. MC Solaar, s&#8217;il fait dan&shy;ser aux Plan&shy;ches, fait rica&shy;ner à Gri&shy;gny.</p> +<p>Reve&shy;nons-en à Orel&shy;san. Son album con&shy;tient une chan&shy;son qui va faire scan&shy;dale, vous allez aisé&shy;ment com&shy;pren&shy;dre pour&shy;quoi. Elle est inti&shy;tu&shy;lée &#8220;Sale Pute&#8221;. Le thème est sim&shy;ple&#160;: un gar&shy;çon qui aimait une fille décou&shy;vre acci&shy;den&shy;tel&shy;le&shy;ment qu&#8217;elle le trompe et l&#8217;amour se trans&shy;forme en haine. Sha&shy;kes&shy;peare a traité ce thème dans Othello, sauf que la trom&shy;pe&shy;rie était ima&shy;gi&shy;naire, mais elle abou&shy;tit à la mort.&nbsp;</p> +<p>Rien de tel ici, le chan&shy;teur débite une logor&shy;rhée d&#8217;impré&shy;ca&shy;tions à l&#8217;encon&shy;tre de la belle volage. Les paro&shy;les sont crues, bru&shy;ta&shy;les et vio&shy;len&shy;tes. <a href="http://www.youtube.com/watch?v=fSOeeXGMWwg">Vous pou&shy;vez écou&shy;ter ici</a>, vous êtes pré&shy;ve&shy;nus.</p> +<p>Je recon&shy;nais que ce n&#8217;est pas du Ron&shy;sard. Cela dit, une rap&shy;peuse se pré&shy;ten&shy;dant celle visée par la chan&shy;son a mon&shy;tré qu&#8217;elle pou&shy;vait r<a href="http://chiennesdegarde.com/ActionMars2009-Orelsan.html#1erPitbulle">épon&shy;dre sur le même regis&shy;tre</a>, ce qui cette fois fait applau&shy;dir les Chien&shy;nes de gar&shy;des. Comme quoi ce n&#8217;est pas un pro&shy;blème de mots, mais de camp.</p> +<p>Je ne sais com&shy;ment un dis&shy;que de rap a atterri sur les pla&shy;ti&shy;nes d&#8217;âmes aussi bon&shy;nes que sen&shy;si&shy;bles, mais ce texte a déchaîné des pas&shy;sions. Sur inter&shy;net, chez nom&shy;bre de blogs fémi&shy;nis&shy;tes, avec appel à péti&shy;tion auprès du Prin&shy;temps de Bour&shy;ges, ou Orel&shy;san devait se pro&shy;duire, polé&shy;mi&shy;que reprise par des poli&shy;ti&shy;ques, Chris&shy;tine Alba&shy;nel, minis&shy;tre de la cul&shy;ture, dont on sait l&#8217;amour pour la liberté d&#8217;expres&shy;sion, Marie-Geor&shy;ges Buf&shy;fet, pre&shy;mier secré&shy;taire du Parti Com&shy;mu&shy;niste qui lui aussi s&#8217;est illus&shy;tré sur ce front, et Valé&shy;rie Létard, secré&shy;taire d&#8217;État à la soli&shy;da&shy;rité, qui a appelé les plate-for&shy;mes de vidéo en ligne à la «&#160;res&shy;pon&shy;sa&shy;bi&shy;lité&#160;», façon de dire qu&#8217;elle ne pren&shy;drait pas les sien&shy;nes, en leur deman&shy;dant d&#8217;ôter ce clip. Dieu merci, elle n&#8217;a pas été écou&shy;tée.</p> +<p>Orel&shy;san a tenté de désa&shy;mor&shy;cer la polé&shy;mi&shy;que, en publiant un com&shy;mu&shy;ni&shy;qué apai&shy;sant&#160;: </p> +<blockquote><p><em>cette œuvre de fic&shy;tion a +été créée dans des con&shy;di&shy;tions très spé&shy;ci&shy;fi&shy;ques rela&shy;ti&shy;ves à une rup&shy;ture +sen&shy;ti&shy;men&shy;tale&#8221;</em>&#160;: <em>&#8220;En aucun cas ce texte n&#8217;est une let&shy;tre de +mena&shy;ces, une pro&shy;messe de vio&shy;lence ou une apo&shy;lo&shy;gie du pas&shy;sage à l&#8217;acte, pour&shy;suit +le com&shy;mu&shy;ni&shy;qué. Cons&shy;cient que cette chan&shy;son puisse heur&shy;ter, Orel&shy;san a décidé il +y a quel&shy;ques mois de ne pas la faire figu&shy;rer dans son album ni dans ses +con&shy;certs, ne sou&shy;hai&shy;tant l&#8217;impo&shy;ser à per&shy;sonne&#8221;.</em></p> +</blockquote> +<p>Hélas, il en va en poli&shy;ti&shy;que comme dans les ban&shy;lieues, un aveu de fai&shy;blesse déclen&shy;che la curée. On pou&shy;vait faire ployer ce jeune homme mal élevé&#160;? Nul besoin d&#8217;enga&shy;ger une hasar&shy;deuse action en jus&shy;tice, tous les moyens sont bons pour par&shy;ti&shy;ci&shy;per au triom&shy;phe du poli&shy;ti&shy;que&shy;ment cor&shy;rect. Ultime épi&shy;sode&#160;: Ségo&shy;lène Royal qui fait pres&shy;sion sur le fes&shy;ti&shy;val des Fran&shy;co&shy;fo&shy;lies de la Rochelle, avec sem&shy;ble-t-il un chan&shy;tage aux sub&shy;ven&shy;tions sur la direc&shy;tion, <a href="http://www.sudouest.com/accueil/actualite/article/638886/mil/4765307.html">la pré&shy;si&shy;dente de la région mena&shy;çant de remet&shy;tre en cause les 400.000 euros de sub&shy;ven&shy;tions annuel&shy;les que la région verse au fes&shy;ti&shy;val si le rap&shy;peur s&#8217;y pro&shy;dui&shy;sait</a>. Vous aurez noté qu&#8217;Orel&shy;san avait d&#8217;ores et déjà retiré cette chan&shy;son de son réper&shy;toire&#160;: il était donc hors de ques&shy;tion que le chan&shy;teur chan&shy;tât cette chan&shy;son. Peu importe, tout comme il importe peu que ce chan&shy;tage aux sub&shy;ven&shy;tion excède les pou&shy;voirs de la pré&shy;si&shy;dente en ce que le pou&shy;voir bud&shy;gé&shy;taire appar&shy;tient au Con&shy;seil Régio&shy;nal. Quand on veut cen&shy;su&shy;rer, qu&#8217;importe le res&shy;pect dû à la loi.</p> +<p>Et la polé&shy;mi&shy;que entre pro- et anti-Orel&shy;san fait rage. </p> +<p>Alors que les cho&shy;ses soient clai&shy;res. Cette polé&shy;mi&shy;que, je me refuse à y par&shy;ti&shy;ci&shy;per. </p> +<p>Parce qu&#8217;il n&#8217;y en a pas. Ce qui s&#8217;est passé porte un nom&#160;: la cen&shy;sure. C&#8217;est inac&shy;cep&shy;ta&shy;ble, et je ne vois pas quel argu&shy;ment par&shy;vien&shy;drait à me con&shy;vain&shy;cre que la liberté d&#8217;expres&shy;sion serait réservé à un art approuvé, un art offi&shy;ciel. Dès lors, ce qu&#8217;il chante m&#8217;est indif&shy;fé&shy;rent. </p> +<p>Orel&shy;san est un chan&shy;teur. Qu&#8217;il chante ce qu&#8217;il sou&shy;haite. Ça ne vous plaît pas&#160;? À moi non plus. Per&shy;sonne ne vous oblige à l&#8217;écou&shy;ter. Rien ne vous auto&shy;rise à le con&shy;train&shy;dre à se taire.</p> +<p>Inter&shy;dire un chan&shy;teur, ça s&#8217;est déjà vu. On trouve tou&shy;jours d&#8217;excel&shy;len&shy;tes rai&shy;sons pour le faire. Boris Vian s&#8217;est vu empê&shy;cher de chan&shy;ter sa chan&shy;son le Déser&shy;teur. Bras&shy;sens a scan&shy;da&shy;lisé avec son gorille qui sodo&shy;mise un juge. Aujourd&#8217;hui, tous les magis&shy;trats chan&shy;ton&shy;nent cette chan&shy;son en pouf&shy;fant en ima&shy;gi&shy;nant leur pre&shy;mier pré&shy;si&shy;dent ou leur pro&shy;cu&shy;reur géné&shy;ral entre les pat&shy;tes du pri&shy;mate.</p> +<p>— Mais Orel&shy;san n&#8217;est pas Vian ou Bras&shy;sens, me dira-t-on. </p> +<p>Je ne le crois pas non plus, mais la ques&shy;tion n&#8217;est pas là. La liberté d&#8217;expres&shy;sion n&#8217;est pas sou&shy;mise à une con&shy;di&shy;tion de mérite de l&#8217;œuvre. Mérite qui était nié à Bras&shy;sens et à Vian en leur temps, d&#8217;ailleurs. La nou&shy;veauté est que cette fois, c&#8217;est l&#8217;État décen&shy;tra&shy;lisé qui est inter&shy;venu pour obte&shy;nir cette cen&shy;sure alors que Vian, c&#8217;était des anciens com&shy;bat&shy;tants agis&shy;sants de leur pro&shy;pre chef, avec une pas&shy;si&shy;vité com&shy;plice des auto&shy;ri&shy;tés. En ce sens, ce qui se passe est pire encore.</p> +<p>— Mais ses paro&shy;les sont dis&shy;cri&shy;mi&shy;na&shy;toi&shy;res et appel&shy;lent à la vio&shy;lence con&shy;tre les fem&shy;mes, ajou&shy;tera-t-on. </p> +<p>Ah&#160;? Mais alors, por&shy;tez plainte, c&#8217;est un délit. Allez en jus&shy;tice, obte&shy;nez sa con&shy;dam&shy;na&shy;tion. Mais non, per&shy;sonne ne le fera, car la vérité est que ces paro&shy;les ne tom&shy;bent pas sous le coup de la loi. Il ne dit pas que tou&shy;tes les fem&shy;mes sont des sales putes, mais que la copine ima&shy;gi&shy;naire du per&shy;son&shy;nage tout aussi ima&shy;gi&shy;naire qui chante en est une car elle le trompe. Et tout le monde se sou&shy;vient des déboi&shy;res de l&#8217;ancien minis&shy;tre de l&#8217;inté&shy;rieur qui a tenté de faire con&shy;dam&shy;ner Hamé, chan&shy;teur du groupe La Rumeur qui avait accusé la police de se livrer à des vio&shy;len&shy;ces. Un fiasco&#160;: relaxe, con&shy;fir&shy;mée en appel, sous les applau&shy;dis&shy;se&shy;ments de la cour de cas&shy;sa&shy;tion. Les poli&shy;ti&shy;ques ont com&shy;pris qu&#8217;il ne fal&shy;lait pas comt&shy;per sur les juges pour se prê&shy;ter à ces bas&shy;ses-œuvres.</p> +<p>— Eh bien pour légal que ce soit, ça n&#8217;en est pas moins scan&shy;da&shy;leux. </p> +<p>Oui, c&#8217;est le but. Et d&#8217;ailleurs, en cher&shy;chant un peu, vous trou&shy;ve&shy;rez pire (à tout point de vue). Le groupe <a href="http://www.youtube.com/watch?v=09T_PTPtn_s">TTC</a> par exem&shy;ple. Les chan&shy;teu&shy;ses de rap ne sont pas en reste, Yelle ayant connu un grand suc&shy;cès en répon&shy;dant à Cui&shy;zi&shy;nier, chan&shy;teur du groupe TTC sus-nommé. Un grand moment de poé&shy;sie.</p> +<object height="344" width="425"><param name="movie" value="http://www.youtube.com/v/09T_PTPtn_s&amp;hl=fr&amp;fs=1&amp;" /><param name="allowFullScreen" value="true" /><param name="allowscriptaccess" value="always" /></object> +<blockquote><p>Cui&shy;zi&shy;nier avec ton petit sexe entoure de poils roux<br /> +Je n’arrive pas a croire que tu puis&shy;ses croire qu’on veuille de toi<br /> +Je n’y crois pas même dans le noir, même si tu gar&shy;des ton pyjama<br />&nbsp; +Mêmesi tu gar&shy;des ton pei&shy;gnoir, en forme de tee-shirt rin&shy;gard<br /> +Garde ta che&shy;mise ça limi&shy;tera les dégâts bataaaaaaaard<br /> +<br /> +<br /> +Je veux te voir<br /> +Dans un film por&shy;no&shy;gra&shy;phi&shy;que<br /> +En action avec ta bite<br /> +Forme pota&shy;toes ou bien fri&shy;tes<br /> +Pour tout savoir<br /> +Sur ton ana&shy;to&shy;mie<br /> +Sur ton cou&shy;sin Teki<br /> +Et vos acces&shy;soi&shy;res feti&shy;ches</p> +</blockquote> +<p>Rin&shy;gard, bataaaaaaard, bite, frite&#160;: les rimes sont pau&shy;vres.</p> +<p>Le rap, c&#8217;est ça aussi. Pas seu&shy;le&shy;ment ça, mais ça en fait par&shy;tie. Et je prie pour que ceux qu&#8217;Orel&shy;san épou&shy;vante ne décou&shy;vrent jamais l&#8217;exis&shy;tence du Death Metal.</p> +<p> Per&shy;sonne n&#8217;est obligé d&#8217;écou&shy;ter, nul n&#8217;a à inter&shy;dire.</p> +<p>Car c&#8217;est quel&shy;que chose qu&#8217;on ne répé&shy;tera jamais assez. La liberté d&#8217;expres&shy;sion est <strong>tou&shy;jours </strong>la pre&shy;mière atta&shy;quée, parce que c&#8217;est la plus fra&shy;gile. Il y a tou&shy;jours une bonne cause qui jus&shy;ti&shy;fie que ÇA, non, déci&shy;dé&shy;ment, on ne peut pas le lais&shy;ser dire. Le res&shy;pect dû aux morts tués à l&#8217;ennemi, le res&shy;pect dû à la jus&shy;tice, le res&shy;pect dû à la femme. Tout ça, ça l&#8217;emporte sur le res&shy;pect dû à la liberté, cette sale pute. Et les attein&shy;tes qu&#8217;elle a d&#8217;ores et déjà subies, au nom de cau&shy;ses infi&shy;ni&shy;ment nobles (comme la lutte con&shy;tre le néga&shy;tio&shy;nisme), me parais&shy;sent déjà exces&shy;si&shy;ves.</p> +<p>Lais&shy;sez tom&shy;ber Orel&shy;san, et un jour, c&#8217;est votre dis&shy;cours qui déran&shy;gera. </p> +<p>Les Révo&shy;lu&shy;tion&shy;nai&shy;res l&#8217;ont dit il y a pres&shy;que 220 ans jour pour jour&#160;: </p> +<blockquote><p>La libre com&shy;mu&shy;ni&shy;ca&shy;tion des pen&shy;sées et des opi&shy;nions&nbsp;<strong>est un des +droits les plus pré&shy;cieux de l’Homme</strong>&#160;: tout Citoyen peut donc par&shy;ler, écrire, +impri&shy;mer libre&shy;ment, sauf à répon&shy;dre de l’abus de cette liberté, dans les cas +déter&shy;mi&shy;nés par la Loi.</p> +</blockquote> +<p>Ils l&#8217;ont écrit à une épo&shy;que où tout texte, pour paraî&shy;tre et être repré&shy;senté publi&shy;que&shy;ment, devait au préa&shy;la&shy;ble être approuvé par le Roi. C&#8217;est cette auto&shy;ri&shy;sa&shy;tion qui s&#8217;appe&shy;lait la Cen&shy;sure. Et c&#8217;est exac&shy;te&shy;ment cela que ce com&shy;por&shy;te&shy;ment vise à réta&shy;blir. Alors peut-être que des fémi&shy;nis&shy;tes, des mili&shy;tants des droits des fem&shy;mes trou&shy;ve&shy;ront que leur cause, qui est bonne, est tel&shy;le&shy;ment bonne qu&#8217;elle jus&shy;ti&shy;fie ce réta&shy;blis&shy;se&shy;ment.</p> +<p>Qu&#8217;ils sachent qu&#8217;ils me trou&shy;ve&shy;ront tou&shy;jours sur leur che&shy;min pour leur bar&shy;rer la route. Aux côtés d&#8217;Orel&shy;san.</p> +<p>À con&shy;di&shy;tion qu&#8217;il ne chante pas.</p> + + + + + http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/21/Quelques-mots-sur-l-affaire-Orelsan#comment-form + http://www.maitre-eolas.fr/feed/atom/comments/1433 + + + + Les anti-inflammatoires permettent-ils de voir des jeunes filles nues ? + + urn:md5:022a33cef369e50f273d43754ffc4a9f + 2009-07-20T00:23:00+02:00 + Eolas + Iou héssé + Cour Suprême des États-UnisDroit américainPrivacyQuatrième Amendement + <p>La Cour Suprême se penche parfois sur des questions fondamentales, sans mauvais jeu de mot. L'une d'entre elles est celle de la&nbsp;<em>privacy</em>, mal traduit par “vie privée”, le concept de&nbsp;<em>privacy</em>&nbsp;étant plus large que cela. Il s'agit du droit reconnu à tout individu de garder secret ce qui la concerne, et de ne révéler publiquement ou aux autorités que ce qu'elle veut bien révéler, sans pouvoir être forcé de révéler plus. Cela inclut notre vie privée, mais aussi l'intégrité corporelle et le patrimoine (la perquisition, la réquisition d'un bien est une atteinte à la&nbsp;<em>privacy</em>).&nbsp;</p> +<p>Ce droit est consacré par le Quatrième amendement à la Constitution des États-Unis.</p> +<blockquote><p>Le droit des citoyens d’être garantis dans leurs personne, domicile, papiers et effets, contre les perquisitions et saisies non motivées ne&nbsp;sera pas violé, et aucun mandat ne sera délivré, si ce n’est sur présomption sérieuse, corroborée par serment ou déclaration solennelle,&nbsp;ni sans qu’il décrive avec précision le lieu à fouiller et les personnes ou les choses à saisir.</p> +</blockquote><p>Quand, dans nos séries préférées, un citoyen refuse d'ouvrir la porte à un policier qui n'aurait pas « un mandat » (<em>search&nbsp;warrant</em>), il invoque le Quatrième amendement. Le policier ne peut en effet entrer de force que pour des raisons ne souffrant pas discussion (cris d'au secours, coups de feu, traces de sang récentes…), ou si un juge l'y a au préalable autorisé, en délimitant strictement les lieux à fouiller et les choses recherchées. Il existe l'équivalent de notre enquête de flagrance, si le policier a pu constater de l'extérieur l'existence d'une infraction sur le point, en train ou venant de se réaliser, qui autorise aussi son intervention. Le juge américain exerce un contrôle de proportionnalité et de nécessité de la mesure, qui ne s'applique pas qu'aux policiers mais à toute&nbsp;personne&nbsp;exerçant une&nbsp;parcelle&nbsp;de l'autorité publique. Comme les enseignants.</p> +<p>Là encore, on voit comment les rédacteurs de la Constitution ont eu le souci constant de protéger les générations à venir des abus possibles de l'autorité, y compris celle confiée aux États et à l'État fédéral. S'il est un point résumant toute la différence culturelle entre la France et les États-Unis, c'est bien celui-là : les américains ont compris depuis le début que l'État était un tyran potentiel et ont voulu s'en protéger, tandis que les Français le voient comme le gardien de l'intérêt général, expression de la majorité et qui ne peut donc mal faire. Hobbes contre Rousseau. La leçon de 1941 n'ayant que peu servi, les droits individuels s'effacent dans notre tradition face à la puissance de l'État. Heureusement, nous avons l'Europe qui a introduit ces protections individuelles face à la puissance de l'Autorité dans notre droit.</p> +<p>Et c'est sans se douter qu'elle allait être plutôt brutalement confrontée à cette tendance à la tyrannie de celui qui a une parcelle d'autorité que la jeune Savana Redding, alors âgée de 13 ans, s'est rendue à son cours de math du&nbsp;<a href="http://www.saffordusd.k12.az.us/" hreflang="en">collège public</a>&nbsp;de&nbsp;<a href="http://maps.google.fr/maps?f=q&amp;source=s_q&amp;hl=fr&amp;q=Stafford,+Safford,+Graham,+Arizona+85546,+%C3%89tats-Unis&amp;sll=48.853851,2.341823&amp;sspn=0.007822,0.01929&amp;ie=UTF8&amp;cd=1&amp;geocode=FTH19AEd_uB1-Q&amp;split=0&amp;ll=32.824211,-109.709473&amp;spn=10.22136,19.753418&amp;z=6&amp;iwloc=A">Safford</a>, 8900 habitants, dans le Comté de Graham, Arizona, (c'est ce&nbsp;<a href="http://maps.google.fr/maps?f=q&amp;source=s_q&amp;hl=fr&amp;geocode=&amp;q=734+11th+street,+Safford,+Graham,+Arizona+85546,+%C3%89tats-Unis&amp;sll=32.691543,-109.473438&amp;sspn=0.076424,0.154324&amp;ie=UTF8&amp;ll=32.827655,-109.715352&amp;spn=0.009989,0.01929&amp;z=16&amp;iwloc=A&amp;layer=c&amp;cbll=32.827654,-109.715454&amp;panoid=dgXWY9pGqkkk2dp3zsaRAA&amp;cbp=12,3.18,,0,4.46">bâtiment-là</a>)ce jour d'octobre 2003.</p> +<p>Le règlement de l'école est plutôt rigoureux. Sur la liste des choses interdites dans l'enceinte de l'établissement se trouvent divers objets parmi lesquels, je ne sais pourquoi, les anti-inflammatoires, qu'ils soient sur ordonnance (<em>prescription drug</em>) que sans ordonnance (<em>over-the-counter</em>). Je sais que l'anglais utilise le même mot pour les médicaments et les drogues (je ne dis pas que c'est à tort), mais tout de même, si un pharmacien ou un médecin pouvait m'expliquer pourquoi, il me paierait de ma peine.&nbsp;</p> +<p>Au beau milieu du cours, l'assistant du principal du collège, Kerry Wilson, fit irruption et demanda à Savana Redding de le suivre dans son bureau. Là, on lui présenta un organiseur lui appartenant (une sorte de gros agenda se fermant par une fermeture-éclair) contenant divers objets prohibés par le règlement de l'école : couteaux, marqueur indélébile, briquets, et,&nbsp;<em>horresco referens</em>,&nbsp;une cigarette. Interrogée sur ces objets, elle déclara que l'organiseur lui appartenait bien mais qu'elle l'avait prêté il y a quelques jours à une amie, Marissa Glines. Elle nia que ces objets fussent siens.&nbsp;</p> +<p>L'assistant du principal sortit alors les éléments les plus accablants : 4&nbsp;pilules&nbsp;d'Ibuprofène® 400mg (anti-inflammatoire vendu uniquement sur ordonnance) et une de Naproxène® 200mg, un anti-inflammatoire vendu sans ordonnance, médicaments dont la détention est interdite sans autorisation préalable de la direction de l'établissement. Kerry Wilson informa alors Savana Redding que des sources confidentielles (vous verrez plus loin lesquelles) l'avait informé que Savana Redding distribuerait ces pillules dans l'établissement. Ce que Savanna Redding nia farouchement. Kerry Wilson lui demanda si elle acceptait que l'on fouillât ses affaires personnelles, ce qu'elle accepta. Kerry Wilson appela alors une&nbsp;assistante&nbsp;administrative, Helen Romero, et tous deux fouillèrent le sac à dos de Savana, sans rien trouver.</p> +<p>Notons d'ores et &nbsp;déjà que jusqu'à présent, une jeune fille de 13 ans est seule confrontée à des adultes, sans que ses représentants légaux (c'est ainsi que les juristes appellent les parents) ne soient informés. Il est permis de tiquer (mais vous verrez qu'à ce stade, le juge américain ne froncera pas les sourcils). Mais l'affaire va prendre un tour proprement incroyable.</p> +<p>En effet, Kerry Wilson ne va pas s'avouer vaincu. Il va ordonner à Helen Romero de conduire Savana chez l'infirmière de l'école pour qu'elle fouillât ses vêtements. Savana Redding dut donc, en la présence constante d'Helen Romera et de l'infirmière&nbsp;Peggy Schwallier (mais hors la présence de Kerry Wilson pour des raisons qui vont être de plus en plus évidentes), ôter sa veste, ses chaussettes, et ses chaussures. Laissée ainsi en&nbsp;t-shirt&nbsp;et pantalon "<em>stretch</em>" (donc sans la moindre poche), elle attendit que les deux femmes eussent fini d'examiner ses vêtements. Chou blanc. Décidément têtues, les deux femmes lui firent ôter son pantalon, son t-shirt, et ne trouvant toujours rien, son soutien-gorge, qu'elle dut tenir à bout de bras et secouer, puis lui firent tirer sur l'élastique de sa culotte, révélant ainsi sa poitrine et sa région pelvienne. Aucune&nbsp;pilule&nbsp;ne fut découverte.</p> +<p>April Redding, la mère de Savana, fut d'une grande modération dans son approbation de la chose, et poursuivit aussitôt en justice l'école, Wilson, Romero et Schwallier (Ah, la Sainte femme…), pour violation du Quatrième amendement (donc compétence du juge fédéral). La Cour de District rejeta la plainte de madame Redding, estimant qu'il n'y avait pas eu violation du Quatrième amendement du fait de l'Immunité Qualifiée (<em>Qualified Immunity</em>), exception (au sens juridique de moyen de défense) qui exonère de leur responsabilité des personnes investies de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service publique qui auraient violé les droits constitutionnels d'une personne, si une personne raisonnable (<em>reasonnable person</em>) n'aurait pas dans la même situation réalisé cette illégalité, ce qui est exclu quand le droit protégeant la personne fouillée est clairement établi. Les juristes reconnaîtront ici une appréciation&nbsp;<em>in abstracto,&nbsp;</em>la&nbsp;<em>reasonnable person&nbsp;</em>de nos amis américains n'étant autre que notre<em>&nbsp;bonus pater familias.</em></p> +<p>En appel, la cour d'appel fédérale confirma ce rejet en formation restreinte (<em>panel</em>, composé de trois juges), qui fut porté devant la formation plénière (<em>en banc</em>). Attention, vous allez découvrir le raisonnement gigogne qu'affectionnent les juges américains.</p> +<p>La formation plénière appliqua le test en deux étapes fixé par la jurisprudence de la cour suprême :&nbsp;<em>Saucier v. Katz</em>, 533&nbsp;U. S. 194, 200 (2001). D'abord, la fouille était-elle illégale ? Ensuite, cette illégalité était-elle évidente ?</p> +<p>Sur l'illégalité, oui, répond la cour, au regard des critères de fouille des élèves des écoles fixés par l'arrêt&nbsp;<em>New Jersey v. T. L. O.</em>, 469 U. S. 325 (1985). Cet arrêt de 1985 a posé le principe que le droit des école de maintenir l'ordre était une cause légitime pouvant l'emporter que le droit à la&nbsp;<em>privacy</em>, donc que la direction pouvait effectuer une fouille sans mandat de justice à condition que soit rempli… un test en deux étapes. Il faut l'école ait une suspicion raisonnable (<em>reasonnable suspicion</em>), caractérisée par (1) le fait que l'action était justifiée dès son début (une fouille ne saurait être justifiée par le fait qu'elle a permis de découvrir quelque chose) et (2) que la fouille était proportionnelle aux circonstances ayant justifié cette cette fouille à son commencement. Ici, selon la cour d'appel, si l'organiseur justifiait la fouille, le caractère proportionnel faisait défaut&nbsp;</p> +<p>Cette fouille était illégale, mais la direction en avait-elle conscience ?<br />Oui, répond encore la cour d'appel, estimant qu'ici, il était clairement établi que le droit à la&nbsp;<em>privacy</em>&nbsp;de la collégienne s'opposait à une telle fouille. Motif un peu vague, me direz-vous à raison ,ce qui explique que l'affaire soit remontée à la Cour Suprême.</p> +<p>Et la Cour a statué le 25 juin dernier, dans un arrêt&nbsp;<a href="http://www.supremecourtus.gov/opinions/08pdf/08-479.pdf"><em>Safford Unified School District #1, et al, v April Redding,</em>&nbsp;557 U. S. ____ (2009)</a>&nbsp;(pdf), en confirmant que la fouille était illégale.&nbsp;</p> +<p>La cour commence par reconnaître que le règlement de l'école, aussi strict soit-il, est légal et sensé : les enseignants ne sont pas des pharmaciens, ne peuvent reconnaître des médicaments, et l'effet de substances actives sur des organismes juvéniles ne sont pas anodins. Sans parler de la prohibition des armes, du tabac ou du marqueur indélébile, qui sert plus à dégrader qu'à s'exprimer.</p> +<p>Puis elle va entrer dans les détails de ce qui s'est passé ce jour funeste. C'est sur dénonciation d'un élève ayant été malade après avoir pris une pilule que lui a remis Marissa Glines que Kerry Wilson a mené son enquête. Il a fait appeler Marissa Glines hors de sa classe et a saisi l'organiseur qui était en sa possession, avec les objets que nous avons vu. Il a ensuite convoqué Marissa Glines et, en présence d'Helen Romero, lui a fait vider ses poches. Où furent découvertes les pilules d'Ibuprofène (blanches) et une de Naproxène (bleue), et une lame de rasoir. Kerry Wilson demanda à Marissa Glines qui lui avait donné cette pilule bleue. Marissa répondit qu'elle avait dû se glisser avec celles qu'<em>elle</em>&nbsp;lui avait données. Qui est ce "<em>elle</em>", demanda Wilson ? Savana Redding répondit Marissa Glines (qui elle aussi subit une fouille corporelle qui ne donna rien.&nbsp;</p> +<p>La Cour va constater que c'est sur la foi de ce seul témoignage, sans questions plus poussées pour savoir s'il y avait une probabilité que Savana Redding eût en sa possession actuelle d'autres pilules prohibées, et après qu'une fouille de ses affaires personnelles n'ait rien donné, que Kerry Wilson va ordonner qu'il soit procédé à la fouille corporelle.</p> +<p>Or si cette fouille du sac à dos et des vêtements était justifiée aux yeux de la Cour vu les éléments en la possession des autorités scolaires et son caractère relativement peu intrusif (notez le contrôle de proportionnalité), ce que d'ailleurs Savana Redding n'a jamais contesté d'ailleurs, la fouille corporelle atteint un tel degré de gravité dans l'atteinte à la&nbsp;<em>privacy</em>&nbsp;que la Cour doit invoquer le test en deux étapes de l'arrêt T.L.O. Et la Cour constate que les indices ayant conduit à décider de la mesure, donc sa justification dès le début, étaient largement insuffisants pour justifier une telle atteinte. Non, le fait de lutter contre le trafic d'anti-inflammatoires, cette cause fût-elle légitime, ne permet pas de contraindre une jeune fille mineure à se déshabiller. Cette disproportion caractérise la violation du Quatrième amendement, par 8 voix contre 1 (Seul Clarence Thomas a disconvenu), ce qui en fait un des rares arrêts de cette session adopté à une large majorité.</p> +<p>Cependant, ajoute la cour, la jurisprudence concernant les fouilles scolaires est actuellement tellement controversée qu'on ne peut dire que la loi est clairement établie en la matière (de fait, la série de tests en deux étapes à faire aboutit à déchirer les juges : peut-on demander à des enseignants d'être plus sages qu'eux en cette matière très juridique ?). Dès lors, la Cour Suprême accorde l'Immunité Qualifiée à l'assistant du principal, à l'assistante administrative et à l'infirmière scolaire. Seule l'école est déclarée responsable. Un juriste français dirait que la faute des trois personnels enseignants n'est pas détachable du service.</p> +<p>Cet arrêt, outre le fait qu'il me permet de faire un titre de billet avec les mots « jeune fille nue » qui va faire beaucoup pour augmenter le nombre de visiteurs clients potentiels, trouve un écho en France où le Gouvernement s'interrogeait il y a peu sur la possibilité de&nbsp;<a href="http://www.liberation.fr/societe/0101568773-fouille-des-cartables-en-vue">créer un corps spécifique d'agents pour fouiller les cartables des élèves</a>, et où&nbsp;<a href="http://www.ouest-france.fr/actu/actuDet_-Fouilles-musclees-de-gendarmes-dans-des-colleges-du-Gers_39382-759508_actu.Htm">des fouilles spectaculaires</a>&nbsp;ont eu lieu dans le cadre d'opérations anti-drogue menées par la gendarmerie, avec des chiens et même des fouilles à corps. Ce que les parents d'élève n'apprécient guère, et on peut les comprendre.&nbsp;</p> +<p>La solution française, aboutissant à ne pas vouloir attribuer de pouvoirs de police aux enseignants (alors que rien ne s'y oppose, et même que les principes généraux du droit administratif le permettent) et à réserver cela à la police aboutit à un résultat plus traumatisant encore pour les élèves tout en renforçant une image d'impuissance nuisant à l'autorité. Je ne sais pas si elle est due à une résistance des enseignants qui ne voudraient pas de ce pouvoir, ou à un choix de l'État qui veut réserver toute coercition à la police, au risque de détériorer son image, en soulignant la répression au détriment de la protection qui est pourtant l'essence de la police. Une solution raisonnable est cependant difficile à trouver, les juges américains se déchirant eux-même sur l'encadrement de ce pouvoir de police. Voilà un thème de débat qui mériterait la sérénité et le dépassement des clivages politiques.&nbsp;</p> +<p>Prochaine épisode de notre rubrique de droit américain : Horatio Caine va-t-il devoir s'acheter une cravate ?</p> + + + + + http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/17/Les-anti-inflammatoires-permettent-ils-de-voir-des-jeunes-filles-nues#comment-form + http://www.maitre-eolas.fr/feed/atom/comments/1430 + + + + Un petit tour aux "compas" + + urn:md5:6f6f42f8b4907b53f46603f7db46b76c + 2009-07-19T16:16:00+02:00 + Eolas + Dans le prétoire + + <p>Sylvie Véran, chroniqueuse judiciaire au Nouvel Observateur et blogueuse (j'ai déjà eu l'occasion de dire combien, pour les chroniqueurs judiciaires, le blog est un complément idéal de leurs articles papiers, la contrainte de place disparaissant),<a href="http://chroniquesjudiciaires.blogs.nouvelobs.com/archive/2009/07/17/tgi.html"> vous propose d'assister à quelques audiences de comparution immédiate à Paris</a>, et pas n'importe lesquelles, celles du <span class="Apple-style-span" style="text-decoration: line-through;">15</span>&nbsp;16 juillet, qui comme son nom l'indique, est le <strong>sur</strong>lendemain du 14.</p> +<p>Neuf dossiers, neufs trajectoires qui se croisent, fruit du hasard des audiences et des accidents de la vie.</p> +<p>Un petit mot sur le premier dossier : Rachid a dû passer en comparution immédiate la semaine précédente. Il a sagement demandé un délai (de deux à six semaines, art. 397-1 du CPP) pour être jugé vu ce qu'il risque (et encore, il y a une probable récidive, avec peine plancher à la clé). Le tribunal a décidé de le maintenir en détention jusqu'à la date de son jugement, fixée au 30 juillet. Or la détention provisoire est… provisoire. Tout détenu en provisoire a le droit de demander à tout moment sa remise en liberté au juge actuellement en charge du dossier (juge d'instruction, tribunal, cour d'appel…). Il a dû former une demande de remise en liberté dès son arrivée en maison d'arrêt, jugée le 15 juillet. Demande rejetée. Elle n'était pas nécessairement vouée à l'échec (quoi que… Une réitération, peut-être une récidive, 45 jours après être sorti de deux ans de prison, C'est largement suffisant pour que le parquet invoque le risque de réitération) car le prévenu a eu une semaine pour réunir des justificatifs de domicile qu'il n'a pas pu forcément réunir lors de sa première comparution.</p> +<p>Sur le dossier de Zakarias D., je n'ai pas d'élément à vous donner sur ce qui pose problème dans le dossier, désolé.&nbsp;</p> +<p>Sur David D., il s'en sort très bien avec ses 3 mois fermes. Il aurait pu être condamné à dix ans, avec un minimum théorique de deux ans, et la prison ferme était obligatoire pour le juge. Les peines planchers, dont vous verrez ici le caractère nécessaire et dissuasif. Bienvenue dans le monde réel.</p> +<p>Enfin, sur l'affaire Lamine A., j'aurais été l'avocat, j'aurais plaidé que c'était une citation d'Orelsan.&nbsp;</p> +<p>Bonne lecture et bon dimanche.</p> + + + + + http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/19/Un-petit-tour-aux-%22compas%22#comment-form + http://www.maitre-eolas.fr/feed/atom/comments/1432 + + + + Brèves du samedi + + urn:md5:5a4ae1a5bb58d684737da535147ad5bf + 2009-07-18T10:52:00+02:00 + Eolas + Brève + + <p>Quelques suivis d'articles antérieurs.</p> +<p><a href="http://www.rue89.com/2009/07/17/tristan-sadeghi-lyceen-bloqueur-finalement-inscrit-en-terminale">Rue89 nous apprend</a> que <a href="http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/08/1474-les-cinq-erreurs-d-authueil">le lycéen qui faisait l'objet de pressions</a> à la légalité douteuse de la part de son proviseur a pu se réinscrire dans son lycée sans condition. Le proviseur a probablement compris qu'il avait tort quand le ministre de l'Éducation nationale, Luc Chatel, l'a soutenu.</p> +<hr /> +<p>Les auditions de Sonia Sotomayor devant le Sénat ont pris fin. Sa confirmation ne fait plus aucun doute&nbsp;: elle n'a pas craqué et n'a pas gaffé. Les auditions ont duré 7 heures par jour durant 4 jours, avec des pauses toutes les deux heures, Sonia Sotomayor étant diabétique insulinodépendante, même si deux seulement ont été consacrés à ouïr l'impétrante. Le premier jour a été consacré aux déclarations préliminaires des sénateurs (en <em>shorter</em>&nbsp;: les démocrates ont dit qu'elle était merveilleuse, et les républicains indignes de ce poste). Mention spéciale au sénateur Lindsey Graham (Républicain, Caroline du Sud), pour une belle leçon de fair play et de réalisme politique alors que ses collègues se plaçaient dans l'opposition à outrance :&nbsp;</p> +<blockquote><p>— C'est ici une affaire principalement politique. Ceci étant dit, certains de mes collègues de l'autre bord politique ont voté pour la confirmation des juges Alito ou Roberts sachant que ce n'étaient pas ceux qu'ils auraient choisi. Je saurai m'en souvenir le moment venu. À moins que vous ne craquiez complètement, vous serez confirmée. (…) Je ne sais pas encore comment je vais voter, mais les élections comptent. Et nous avons perdu.</p> +</blockquote> +<p>Les points contentieux abordés ont été les suivants :&nbsp;</p> +<p><em>Ricci v DeStefano</em>&nbsp;: C'était le point le plus sensible. ce sont donc les démocrates qui l'ont abordé, pour ne pas laisser le plaisir à un sénateur hostile. Sotomayor a répondu qu'elle avait appliqué la jurisprudence existant alors, et que la décision de la Cour Suprême a reviré la jurisprudence en appliquant de nouveaux critères. Sur la question raciale, elle a répondu assez finement que laffaire Ricci n'était pas une affaire de discrimination raciale mais de contestation d'un concours public et de responsabilité de la puissance publique.&nbsp;</p> +<p><em>La sage dame hispanique</em>&nbsp;: C'est le seul point sur lequel elle a concédé du terrain, par une retraite prudente. Elle a expliqué avoir voulu faire un jeu de mot sur une phrase du <em>Justice</em>&nbsp;Sandra Day O'Connor selon laquelle un homme sage et une dame sage aboutiraient aux mêmes conclusions sans que leur sexe ne perturbe leur jugement. Elle a reconnu que sa tentative est tombée à plat et a été mal interprétée.</p> +<p><em>L'avortement</em>&nbsp;: sujet sensible, car c'est un arrêt de la cour suprême <em>Roe v Wade</em>&nbsp;qui a légalisé l'avortement en 1973 aux États-Unis, etla Cour Suprême est actuellement majoritairement conservatrice et pourrait renverser cette jurisprudence. C'est un sujet qui divise également en deux, et donc un terrain idéal pour attaquer l'impartialité. Sotomayor a refusé de prendre position, se réfugiant derrière le respect dû à la loi. Et Roe v Wade fait partie de la loi aujourd'hui, point. Il est à noter que la requérante, qui avait pris le pseudonyme Jane Roe pour protéger son anonymat, était présente dans la salle. Mais elle est depuis devenue une farouche militante anti-avortement, sous son vrai nom de Norma McCorvey. À cinq reprises des militants anti-avortement ont perturbé les auditions en la traitant de tueuse de bébés, dont Norma McCorvey, qui a été expulsée de la salle.</p> +<p><em>Le Second Amendement</em>&nbsp;: le droit de porter des armes est une question sensible aux États-Unis. Sotomayor a habilement détourné l'entretien sur le terrain de la légitime défense, qu'elle connaît parfaitement, et qui est ourement juridique.</p> +<p><em>Les juges et la politique</em>&nbsp;: Les républicains lui reprochaient une citation où elle laissait entendre que les juges avaient un rôle politique. Sotomayor a, avec une patience digne d'un chargé de TD de première année, expliqué au sénateur que la jurisprudence des cours supérieures a en effet un rôle créateur de droit (surtout aux États-Unis, où ce sont des arrêts de la cour suprême qui ont institué le contrôle de constitutionnalité, l'avortement, aboli la peine de mort avant de la rétablir) et qu'un sénateur qui s'en émouvrait découvrirait deux siècles de droit américain.</p> +<p>Le vote aura lieu le 21 juillet.</p> +<p>J'en profite pour vos signaler le trajet de Sonia Sotomayor. Née dans une famille pauvre porto-ricaine à New-York, elle a perdu son père à l'âge de neuf ans. Sa mère étudiait dur pour devenir infirmière diplômée, et elle et ses deux enfants travaillaient tous les trois sur la table de la cuisine. Sonia Sotomayor a étudié dans les écoles publiques de son quartier, obtenu une bourse pour Princeton (qu'elle a fini <em>summa cum laude</em>) puis Yale. Elle a travaillé comme procureur à New York, et ses talents l'ont faite passer des dossiers correctionnels aux dossiers criminels en deux ans (elle avait 27 ans). Après un court passage dans le privé, elle est devenue juge fédérale et exerce ces fonctions depuis 17 ans, ce qui en fait une des candidates à la cour suprême parmi les plus expérimentés. Et son frère est devenu médecin. Si Sonia Sotomayor mérite le plus grand respect, j'en dirais au moins autant pour sa mère.</p> +<hr /><p>Dans l'affaire <a href="http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/07/1472-de-l-art-delicat-de-donner-des-lecons-a-qui-n-a-pas-appris-les-siennes">Scapin v Géronte</a>, Scapin s'est fendu <a href="http://soymalau.com/blog/2009/07/09/">d'un droit de réponse sur son blog</a>. Je vous signale le billet, sans le reprendre ici car il révèle les noms des intéressés, et je ne souhaite pas participer à la propagation de leur identité sur le net qui n'oublie rien.</p> +<hr /><p>Dans l'affaire Fofana, on apprend hier que Youssouf Fofana a fait appel. Ce n'est pas une bonne nouvelle pour ses co-accusés, mais pas tellement non plus pour la famille d'Ilan Halimi qui va devoir à nouveau subir pendant deux mois ses provocations et ses jets de chaussure. Bon courage aux nombreux confrères qui vont se succéder pour le défendre, Youssouf Fofana ayant eu plus d'avocats que Liz Taylor n'a eu de maris. </p> +<p>En fait, je ne vois pas pour qui c'est une bonne nouvelle. Mon petit doigt me dit que le parquet général de Paris a le blues, n'ayant pas apprécié qu'on lui torde le bras, et qui plus est par un simple coup de fil du directeur des affaires criminelles et des grâces. Je plains l'avocat général d'appel, qui est dans une très mauvaise position pour soutenir un appel dont tout le monde sait qu'il n'était pas souhaité par le parquet. </p> +<p>J'ai fermé les commentaires sous le billet principal. Les commentaires, c'est comme les sushis, c'est bon si c'est frais.</p> +<hr /><p>Mon cher ami Éric Besson a commencé sa cure de réalité. S'il ne démord pas que le délit de solidarité n'existe pas, il explique être prêt <a href="http://www.lemonde.fr/societe/article/2009/07/17/delit-de-solidarite-eric-besson-pret-a-modifier-legerement-la-loi_1220181_3224.html#xtor=RSS-3208">à modifier légèrement la loi</a>. Encore un effort, Éric, tu y es presque.&nbsp;</p> +<p>Bon week end.</p> + + + + + http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/18/Br%C3%A8ves-du-samedi#comment-form + http://www.maitre-eolas.fr/feed/atom/comments/1431 + + + + Appel dans l'affaire Halimi : la faute de MAM + + urn:md5:578f92960381a7b76372d8b166629401 + 2009-07-15T14:00:00+02:00 + Eolas + Commentaire judiciaire + Appelcour d assisesGarde des Sceauxprocédure pénale + Ainsi, à la demande de la famille d'Ilan Halimi, le Garde des Sceaux a demandé au parquet de faire appel du verdict dans l'affaire Fofana. Cela a surpris plusieurs de mes lecteurs qui m'ont écrit pour me dire leur étonnement face à cette ingérence du pouvoir politique dans les affaires de la Justice. <br /><br /><p>C'est qu'évidemment, à force d'entendre les politiques esquiver toute question qui les dérangent ayant trait avec la justice en invoquant la séparation des pouvoirs et une mystérieuse prohibition de commenter l'action de la justice, on est surpris quand, l'opportunité politique l'exigeant, ils s'en affranchissent avec la même vigueur qu'ils l'invoquaient la veille. </p> +<p>Le Garde des Sceaux est tout à fait dans son droit. Ce qui ne veut pas dire qu'elle a raison. +<br /><br />Rappelons donc les règles de l'appel en matière criminel. </p> +<br /><br /><p><strong>Première règle : l'appel n'est possible qu'une fois. <br /><br /></strong></p> +<p>La loi prévoit qu'une cour d'assises d'appel statue alors, la différence étant qu'elle est composée d'un jury de 12 jurés au lieu de 9, les règles de majorité pour les votes de culpabilité changeant aussi (8 voix en première instance, 10 voix en appel, mais le seuil reste strictement le même : deux tiers des voix). Le verdict de la cour d'assises d'appel ne peut faire l'objet que d'un pourvoi en cassation. Ça aura son importance dans notre affaire, vous allez voir. </p> +<br /><br /><p><strong>Deuxième règle : chacun fait appel pour ce qui le concerne.</strong></p> +<p><br />Il y a trois parties (au sens de partie prenante, acteur) au procès : deux obligatoires et une facultative. </p> +<p>À tout seigneur tout honneur, le ministère public, sans qui on ne serait pas là. C'est lui qui est à l'origine des poursuites, et si l'affaire vient pour être jugée, c'est que l'instruction a renforcé sa conviction de la culpabilité de l'accusé. À l'audience, il est l'avocat de la société, qui seule a le droit de punir, doit se protéger des individus dangereux et sanctionner les comportements contraires à la loi. D'où son titre d'<em>avocat général</em>, par opposition à l'avocat particulier qu'est celui de la défense. Son rôle est de démontrer la culpabilité et de requérir la peine qui lui semble adaptée à la gravité du crime. Ce dernier point relève de sa totale liberté de parole. Là aussi, cela aura son importance. Évidemment, si les débats révèlent l'innocence de l'accusé, rien n'interdit à l'avocat général de requérir l'acquittement, et il est même de son devoir de le faire (Ce fut le cas lors du procès de Richard Roman en 1992, qui a vu un avocat général, Michel Legrand, qui porte bien son nom, initialement convaincu de la culpabilité de Roman, requérir l'acquittement après le spectaculaire effondrement du dossier à l'audience).</p> +<p>La défense ensuite, incarnée d'abord par l'accusé, et ensuite par son avocat. L'avocat de la défense est le contradicteur de l'avocat général. Selon les affaires, sa stratégie peut être soit de viser l'acquittement, en démontrant l'innocence ou du moins en instillant le doute dans l'esprit de la Cour, soit, si les faits sont établis et reconnus, de proposer une peine qui naturellement mettra en avant la réinsertion de l'accusé sur les considérations purement répressives.</p> +<p>Enfin, éventuellement, la partie civile, qui est la victime ou, dans le cas où celle-ci est décédée, ses héritiers (c'est le cas ici : Ilan Halimi étant décédé sans enfants, ce sont ses parents qui sont ses héritiers). Elle demande l'indemnisation de son préjudice, et pour cela doit comme indispensable préalable démontrer la culpabilité. Il n'est pas d'usage que la partie civile s'aventure sur le terrain de la peine à prononcer, prérogative du parquet, mais ce n'est pas formellement interdit. </p> +<p>Je dis que la partie civile est une partie éventuelle car rien ne l'oblige à se constituer partie civile, et parfois, il n'y en a tout simplement pas (ex : trafic de stupéfiant criminel).</p> +<p>Le parquet peut faire appel sur la culpabilité et la peine (<a href="http://legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=6CA974A0521C9F47F5F06F154493326E.tpdjo09v_3?idArticle=LEGIARTI000006576363&amp;cidTexte=LEGITEXT000006071154&amp;dateTexte=20090715">article 380-2 du CPP</a>). Son appel ne vise qu'à renverser un acquittement ou à l'aggravation de la condamnation. Si seul le parquet est appelant, le mieux que puisse espérer la défense est la confirmation pure et simple. C'est un appel <em>a maxima</em>.</p> +<p>Le condamné peut faire appel (un acquitté ne peut pas faire appel de son acquittement). Cet appel vise à la diminution de la peine voire à l'acquittement. Si seul le condamné fait appel, le pire qu'il puisse lui arriver est la confirmation pure et simple; C'est un appel <em>a minima</em>. (<a href="http://legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=6CA974A0521C9F47F5F06F154493326E.tpdjo09v_3?idArticle=LEGIARTI000006576375&amp;cidTexte=LEGITEXT000006071154&amp;dateTexte=20090715">article 380-6 du CPP</a>)</p> +<p>La partie civile peut faire appel des dommages-intérêts qui lui ont été accordés. Si seule la partie civile fait appel, l'appel est jugé par la chambre des appels correctionnels (<a href="http://legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=6CA974A0521C9F47F5F06F154493326E.tpdjo09v_3?idArticle=LEGIARTI000006576374&amp;cidTexte=LEGITEXT000006071154&amp;dateTexte=20090715">art. 380-5 du CPP</a>). La partie civile peut faire appel d'un acquittement, mais si le parquet ne fait pas appel, l'accusé est définitivement acquitté, il ne peut faire l'objet d'une peine. La chambre des appels correctionnels peut toutefois constater que l'infraction était constituée et prononcer des dommages-intérêts.</p> +<p>L'usage veut que le parquet fasse systématiquement appel quand le condamné fait appel, afin de donner à la cour d'assises d'appel les plein-pouvoirs : aller de l'acquittement jusqu'à la peine maximale. De même, quand le parquet fait appel, l'accusé se dépêche de faire un appel incident afin de pouvoir espérer voir sa peine réduite en appel. <br /><br />Cet appel provoqué par l'appel de l'autre partie s'appelle un <em>appel incident</em>, par opposition à l'appel <em>principal</em>. L'appel principal doit être formé dans les 10 jours de la condamnation (<a href="http://legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=6CA974A0521C9F47F5F06F154493326E.tpdjo09v_3?idArticle=LEGIARTI000006576378&amp;cidTexte=LEGITEXT000006071154&amp;dateTexte=20090715">art.380-9 du CPP</a>), l'appel incident, dans un délai de cinq jours à compter de l'appel principal (<a href="http://legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=6CA974A0521C9F47F5F06F154493326E.tpdjo09v_3?idArticle=LEGIARTI000006576379&amp;cidTexte=LEGITEXT000006071154&amp;dateTexte=20090715">art.380-10 du CPP</a>). Ce délai de cinq jours est indépendant et peut expirer au-delà des dix jours de l'appel principal ; exemple : j'ai un client condamné le 1er du mois — C'est un exemple bien sûr, dans la vraie vie, il aurait été acquitté—, je peux faire appel principal jusqu'au 11, comme le parquet. Si je fais appel le 11, le parquet a jusqu'au 16 pour faire appel incident.</p> +<p>La décision du parquet de faire appel se prend en interne. Elle est toujours concertée car ce n'est pas une décision à prendre à la légère : l'avocat général, mécontent du verdict, ne peut aller former un appel <em>ab irato</em>, sous peine de se retrouver convoqué chez son chef le procureur général qui va lui chanter pouilles. De manière générale, les appels d'une condamnation sont très rares. Le parquet a tendance à considérer que la Cour savait ce qu'elle faisait en prononçant telle peine, et qu'il n'a pas à imposer sa vision des choses au jury populaire qui n'est autre que le peuple souverain. Il n'en va autrement que si un acquittement a été prononcé alors que le parquet est convaincu de la culpabilité (le parquet n'aime pas les erreurs judiciaires...) ou qu'il y a une disproportion telle entre la gravité des faits et la légèreté de la peine qu'il estime qu'un appel est nécessaire.<br /><br />Autant dire que dans cette affaire, les probabilités d'un appel spontané du parquet étaient nulles.</p> +<p><strong>MAM avait-elle le droit de demander au parquet de faire appel ?</strong></p> +<p>Oui. Elle tire ce pouvoir de l'<a href="http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/15/Ordonnance%20n%C2%B058-1270%20du%2022%20d%C3%A9cembre%201958%20portant%20loi%20organique%20relative%20au%20statut%20de%20la%20magistrature.%20%20%20">article 5 de l'ordonnance n°58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature</a>.&nbsp;&nbsp;&nbsp;</p> +<blockquote><p>Les magistrats du parquet sont placés sous la direction et le contrôle +de leurs chefs hiérarchiques et sous l'autorité du garde des sceaux, +ministre de la justice. A l'audience, leur parole est libre.</p> +</blockquote>C'est à dire qu'on peut tout à fait imaginer que dans cette affaire, l'avocat général conclure l'audience d'appel en disant que les peines prononcées en première instance lui paraissent satisfaisantes et demander à la cour de les confirmer. +<p>Alors, si tout cela est conforme au droit, d'où vient mon chagrin ?</p> +<p>Il se situe sur le terrain non pas du droit mais politique, ce qui réjouira mon ami <a href="http://authueil.org/?2009/07/08/1387-adresse-aux-juristes">Authueil</a>, dévoré d'angoisse à l'idée que je ne pense qu'en juriste. </p> +<p>C'est qu'en agissant ainsi, MAM ne s'est pas comportée en garde des sceaux, mais en valet des victimes, s'inscrivant dans la droite ligne de sa prédécesseuse, les robes Dior en moins.</p> +<p>L'action publique ne doit pas être inféodée aux déceptions des victimes. Elle en est autonome, et ce n'est pas pour rien. Ce n'est pas la victime qui demande la punition, c'est la société. La victime est dépouillée de son droit de vengeance depuis que tout citoyen a renoncé à son droit de se faire justice à lui même, et plus largement de recourir à la violence, en confiant le monopole de la justice à l'État, en charge de la protection des citoyens. Et la société doit garder son droit de dire à la victime : non, ça suffit. Ce n'est pas lui faire violence, et je crois même que c'est le plus souvent pour son bien. Car il est des cadeaux faits avec la meilleure volonté du monde qui sont en fait des cadeaux empoisonnés. Et ici, nous risquons d'en avoir un triste exemple.</p> +<p>Ainsi, l'instruction donnée au parquet est de faire appel des condamnations inférieures aux réquisitions du parquet. <a href="http://www.philippebilger.com/blog/2009/07/eloge-du-calme.html">Philippe Bilger</a>, dont mes lecteurs savent l'estime non feinte que je lui porte, rougira de la confiance qui lui est ainsi portée, puique ses réquisitions sont pour la Chancellerie l'Alpha et l'Oméga, en ce qu'elle estime que la Cour s'est nécessairement trompée chaque fois qu'elle ne les a pas suivies. Passons cependant sur l'incohérence consistant à ne pas tenir compte du fait que le même avocat général s'estime satisfait du verdict. Il serait bon de se tenir à jour, place Vendôme.</p> +<p>Mais personne ne semble s'être interrogé sur les conséquences de ce choix.</p> +<p>Il signifie que, sauf à ce qu'il fasse appel, Youssouf Fofana ne sera pas présent en appel (enfin, si : il viendra comme témoin), de même qu'une bonne moitié des accusés (13 sur 27). C'est donc l'ombre du premier procès qui sera rejouée.</p> +<p>De plus, les 13 accusés concernés vont tous faire appel incident (ils n'ont rien à perdre et tout à gagner à le faire). Et les absents ayant toujours tort, ils vont pouvoir à l'envi charger Fofana pour se décharger de leur fardeau de la culpabilité. Et un accusé provocateur comme Fofana ayant tendance à enfoncer ses co-accusés, il est parfaitement possible que les peines soient réduites en appel. La défense a un coup à jouer et elle le jouera. Je ne dis pas que cette tactique sera mensongère ou trompeuse : si ça se trouve, certains accusés ont réellement été enfoncés par Fofana, dont l'absence leur permettra d'être jugés plus équitablement, et condamnés plus légèrement. </p> +<p>La mère de la victime semble considérer comme une évidence qu'un procès en appel lui donnera satisfaction, considération qui semble chez certain l'emporter sur toute autre. Croyez-vous qu'un échec en appel allégera sa douleur ? Car ce nouveau verdict sera définitif : pas de nouvel appel, pas de désistement pour revenir à la première décision. Il ne restera que le pourvoi en cassation pour faire annuler le verdict, mais uniquement si le droit n'a pas été respecté (or le <em>quantum </em>de la peine est une question de pur fait que la cour de cassation se refuse à examiner). Et c'est MAM qui en portera la responsabilité.</p> +<p>Demeure ensuite la question du huis clos. Deux des accusés étant mineurs au moment des faits, le huis clos était de droit à leur demande (<a href="http://legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=1A810C154EBE14003A2984513DD3860B.tpdjo09v_3?idArticle=LEGIARTI000006576166&amp;cidTexte=LEGITEXT000006071154&amp;dateTexte=20090715">art. 306 du CPP</a>) . Et l'un d'entre eux est concerné par l'appel (il a été condamné à 9 ans quand le parquet en requérait... 10 à 12) : donc l'appel aura lieu à huis-clos, alors qu'il aurait suffit de ne pas faire appel de sa condamnation pour obtenir la publicité des débats. Pour un an de différence entre les réquisitions et la peine. Voilà ce qui se passe quand un ministre agit dans la précipitation médiatique.</p> +<p>Là où l'affaire tourne à la farce, c'est quand l'avocat de la partie civile rêve à voix haute d'une modification de la loi pour permettre la publicité des débats (encore une fois, voyez à quoi elle tient ici...). Voici que la victime demande qu'on fasse appel pour elle et qu'on change la loi par la même occasion. Je passerai sur le fait que l'avocat en question était l'avocat du RPR dont le garde des sceaux fut la dernière présidente, car je me refuse à croire qu'en République, des choix publics tinssent à ce genre de considération. Mais je tremble quand même que ce souhait soit suivi d'effet, deux députés qu'on ne peut soupçonner d'être indifférents à l'opinion publique ayant déposé une proposition de loi dans ce sens (Messieurs Barouin et Lang). Si le législatif aussi se met à jouer les larbins des victimes, il ne reste que le judiciaire pour garder la tête froide.</p> +<p>Je me contenterai donc de regretter que ce ministre ait raté sa première occasion de se comporter en vrai Garde des Sceaux plutôt qu'en valet des victimes, ait manqué de réfléchir avant d'agir, et que visiblement personne dans cette affaire ne se soit interrogé à la Chancellerie pour savoir ce qu'on avait à reprocher à ce procès, remarquablement conduit de l'avis général par une formidable présidente, Nadia Ajjan, et ce qui leur permettait d'estimer que leur opinion valait mieux que celle de neuf jurés et trois juges qui ont assistés aux 29 jours de débat et ont délibéré trois jours durant pour fixer ces peines, très légèrement inférieures aux réquisitions du parquet (à croire que les plaidoiries de la défense servent à quelque chose...).</p> +<p>La mémoire d'Ilan Halimi méritait mieux que ce cirque.</p> + + + + + + + + Les procédures pénales d'exceptions vivent-elles leurs dernières heures ? + + urn:md5:0159e0f7ed54a817d52975febf03eb32 + 2009-07-13T10:13:00+02:00 + Eolas + Actualité du droit + AvocatCEDHCSDHDroit pénalprocédure pénale + <p>Je n'ose y croire, tant j'en ai rêvé, mais là, la cour européenne des droits de l'homme semble sonner le glas d'un aspect parmi les plus scandaleux de la procédure pénale française, qui pourtant n'en manque pas.</p> +<p>Par un arrêt Salduz c. Turquie du 27 novembre 2008 (<a href="http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/view.asp?item=1&amp;portal=hbkm&amp;action=html&amp;highlight=36391/02&amp;sessionid=26557937&amp;skin=hudoc-fr" hreflang="fr">Requête no 36391/02</a>), la Grande Chambre de la Cour a condamné la Turquie pour violation du droit à un procès équitable pour une loi qui refusait l'accès à un avocat au stade de l'enquête de police en raison de son objet qui, vous l'aurez deviné puisqu'il permet de porter atteitne aux droits de l'homme sous les applaudissements de l'opinion publique, est de lutter contre le terrorisme.&nbsp;</p> +<p>En l'espèce, c'est un mineur kurde, soupçonné d'avoir ourdi deux odieux attentats terroristes, en l'espèce avoir participé à une manifestation du Parti des Travailleurs du Kurdistan, organisation illégale (qui est bel et bien une organisation terroriste violente), en soutien au chef de ce parti, Abdullah Öcalan, incarcéré depuis 1999, &nbsp;ET d'avoir accroché une banderolle sur un pont ainsi rédigée : "Longue vie à notre chef Apo", Apo ("Tonton" en kurde) étant le surnom d'Öcalan.</p> +<p>Comme vous le voyez, c'est presque aussi grave que d'abîmer des caténaires de la SNCF.</p> +<p>&nbsp;Après six mois de détention provisoire, il fut déclaré coupable sur la base de ses déclarations en garde à vue (faites sans avoir pu bénéficier du conseil d'un avocat), quand bien même il les avait rétractées par la suite (sur le conseil de son fourbe avocat, ce pire ennemi de la vérité, de l'ordre public et de l'autorité de l'État) et condamné à 4 ans et six mois de prison, ramenés à 2 ans et demi et raison de sa minorité.&nbsp;</p> +<p>Je passe sur la procédure d'appel qui n'était pas non plus conforme aux standards de la Convention.</p> +<p>Les passages de l'arrêt qui ont retenu mon attention en ce qu'elles peuvent concerner la France sont ceux-ci. Après avoir rappelé que la Cour veille à ce que les droits garantis par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme soient effectifs et concrets, la Cour affirme que (j'ai ôté les références jurisprudentielles pour alléger le texte ; les gras sont de moi) :&nbsp;</p> +<blockquote><p class="Ju-005fPara" style=" text-align: justify; text-indent: 14pt; text-decoration: none; ">54. La Cour souligne l'importance du stade de l'enquête pour la préparation du procès, dans la mesure où les preuves obtenues durant cette phase déterminent le cadre dans lequel l'infraction imputée sera examinée au procès (<em>...</em>). Parallèlement, un accusé se trouve souvent dans une situation particulièrement vulnérable à ce stade de la procédure, effet qui se trouve amplifié par le fait que la législation en matière de procédure pénale tend à devenir de plus en plus complexe, notamment en ce qui concerne les règles régissant la collecte et l'utilisation des preuves. <strong>Dans la plupart des cas, cette vulnérabilité particulière ne peut être compensée de manière adéquate que par l'assistance d'un avocat, dont la tâche consiste notamment à faire en sorte que soit respecté le droit de tout accusé de ne pas s'incriminer lui-même.</strong> Ce droit présuppose que, dans une affaire pénale, l'accusation cherche à fonder son argumentation sans recourir à des éléments de preuve obtenus par la contrainte ou les pressions au mépris de la volonté de l'accusé. Un prompt accès à un avocat fait partie des garanties procédurales auxquelles la Cour prête une attention particulière lorsqu'elle examine la question de savoir si une procédure a ou non anéanti la substance même du droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination (…). La Cour prend également note à cet égard des nombreuses recommandations du CPT (<span class="Apple-style-span">Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants-NdA</span>) soulignant que le droit de tout détenu à l'obtention de conseils juridiques constitue une garantie fondamentale contre les mauvais traitements. <strong>Toute exception à la jouissance de ce droit doit être clairement circonscrite et son application strictement limitée dans le temps. Ces principes revêtent une importance particulière dans le cas des infractions graves, car c'est face aux peines les plus lourdes que le droit à un procès équitable doit être assuré au plus haut degré possible par les sociétés démocratiques.</strong></p> +<p class="Ju-005fPara" style=" text-align: justify; text-indent: 14pt; text-decoration: none; "><strong> +<br /></strong></p> +</blockquote> +<p>Une petite pause ici. Le droit français a été mis en conformité avec la Convention européenne des droits de l'homme par la loi du 4 janvier 1993 en prévoyant que tout gardé à vue a droit a l'assistance d'un avocat. La loi, comme effrayée de sa propre audace, a toutefois prévu que ce droit se résumait à un entretien de trente minutes sans que l'avocat ait accès au dossier. Un changement de majorité s'étant produit en mars de la même année, une loi du 24 août 1993 va repousser l'intervention de cet avocat à la 21e heure de garde à vue, parce que sékomsa. Cela permettait de tenir éloigné ce gêneur dont la tâche, non mais je vous demande un peu, consiste à faire en sorte que soit respecté le droit de tout accusé de ne pas s'incriminer lui-même. En juin 2000, la loi a enfin permis à l'avocat d'intervenir dès le début de la garde à vue. Mais là encore, changement de majorité en 2002 et en mars 2004, une loi revient sur ce point en repoussant l'intervention de l'avocat à la 48e heure en matière de terrorisme, de trafic de stupéfiant et de délinquance organisée.</p> +<p>Je rappelle que des affaires comme celles de Julien Coupat ont été traitées selon cette procédure d'exception, de même que la plupart des gardes à vue des délits <span class="Apple-style-span" style="text-decoration: line-through;">de solidarité</span>&nbsp;qui n'existent pas : la dame arrêtée à son domicile pour avoir rechargé des téléphones mobiles d'étrangers a été interpellée pour aide au séjour <em>en bande organisée</em>. Quand bien même l'affaire va probablement aboutir à un classement sans suite, elle n'a pas eu droit à l'assistance d'un avocat pendant ses 14 heures de garde à vue.&nbsp;</p> +<p>Permettez à l'État de s'affranchir des libertés fondamentales en matière de terrorisme ou de délinquance organisée, et ne vous étonnez pas qu'un jour, il vous accuse d'un de ces faits pour s'affranchir d'avoir à respecter les vôtres.</p> +<p>Donc, l'intervention de l'avocat est repoussée de 48 heures dans trois série de cas. Systématiquement. Revenons-en à notre arrêt de la Cour.</p> +<blockquote><p class="Ju-005fPara" style=" text-align: justify; text-indent: 14pt; text-decoration: none; ">55.&nbsp;&nbsp;Dans ces conditions, la Cour estime que, pour que le droit à un procès équitable consacré par l'article 6 § 1 demeure suffisamment «&nbsp;concret et effectif&nbsp;» (…), <strong>il faut, en règle générale, que l'accès à un avocat soit consenti dès le premier interrogatoire d'un suspect par la police, sauf à démontrer, à la lumière des circonstances particulières de l'espèce, qu'il existe des raisons impérieuses de restreindre ce droit.</strong> Même lorsque des raisons impérieuses peuvent exceptionnellement justifier le refus de l'accès à un avocat, pareille restriction – quelle que soit sa justification – ne doit pas indûment préjudicier aux droits découlant pour l'accusé de l'article 6 (voir,&nbsp;<span class="Ju-005fPara--Char" style=" text-decoration: none; ">mutatis mutandis</span>,&nbsp;<span class="Ju-005fPara--Char" style=" text-decoration: none; ">Magee</span>, précité, § 44). <strong>Il est en principe porté une atteinte irrémédiable aux droits de la défense lorsque des déclarations incriminantes faites lors d'un interrogatoire de police subi sans assistance possible d'un avocat sont utilisées pour fonder une condamnation.</strong></p> +</blockquote> +<p>Arrêtez-moi si je me trompe (mais pas selon la procédure de délinquance organisée s'il vous plaît) : la cour dit qu'elle veut bien qu'on repousse l'intervention de l'avocat, mais elle doit avoir lieu en tout état de cause avant le premier interrogatoire de police, sauf à ce que des circonstances particulières au cas d'espèce (et non une règle de procédure générale appliquée systématiquement) font qu'il existe des raisons impérieuses de restreindre ce droit.</p> +<p>Or les procédures françaises d'exception repoussent à la 48e heure cette intervention de l'avocat, systématiquement, et des interrogatoires du suspect ont bien évidemment lieu pendant ce laps de temps. C'est même le but : obtenir des aveux avant qu'un baveux vienne lui dire de se taire.</p> +<p>Conclusion logique : les procédures française d'exception ne sont pas conformes à la Convention européenne des droits de l'homme. Toutes les personnes qui ont avoué des faits dans ce laps de 48 heures peuvent demander une indemnisation pour violation de leurs droits, et la révision de leur procès (<a href="http://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do;jsessionid=3CE6A4CED79C87428AA3D2450626E35A.tpdjo05v_3?idSectionTA=LEGISCTA000006138100&amp;cidTexte=LEGITEXT000006071154&amp;dateTexte=20020713">art. 626-1 du CPP</a>) si elles ont été condamnées sur la base de ces aveux, car leur procédure est présumée avoir porté une atteinte irrémédiable à leurs droits de la défense.</p> +<p>Peut-être vois-je midi à ma porte car depuis 2004, où j'ai participé aux manifestations des avocats contre ce volet de la loi Perben II, je suis convaincu que cette procédure est contraire aux droits de l'homme. Je lirai donc avec intérêt tout point de vue contradictoire visant à démontrer que je me trompe.</p> +<p>Car si tel n'est pas le cas, le 27 novembre 2008 fut une belle journée pour les droits de l'homme.</p> + + + + + http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/12/Les-proc%C3%A9dures-p%C3%A9nales-d-exceptions-vivent-elles-leurs-derni%C3%A8res-heures#comment-form + http://www.maitre-eolas.fr/feed/atom/comments/1427 + + + + BatMam et Robin + + urn:md5:13db8da6a0f707c798ca67301ecbc133 + 2009-07-12T12:00:00+02:00 + Dadouche + Commensaux + + <p><em>Par Dadouche</em></p> +<hr /> +<p><br /> +<br /> +Il n'aura pas échappé à nos lecteurs, toujours très informés de la chose publique, que nous avons un nouveau Garde des Sceaux.<br /> +<a href="http://www.justice.gouv.fr/index.php?rubrique=10016&amp;ssrubrique=10019">Michèle Alliot-Marie</a> a en effet été nommée Ministre d'Etat, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice et des Libertés.</p> +<p>Et comme on n'est pas trop de deux pour s'occuper des Libertés (surtout quand on est en charge des prisons), il lui a été adjoint un Secrétaire d'Etat, <a href="http://www.justice.gouv.fr/index.php?rubrique=11585&amp;ssrubrique=11586">Jean-Marie Bockel</a>.<br /> +Si nous avons connu dans un passé récent des Secrétaires d'Etat aux programmes immobiliers de la Justice ou aux droits des victimes, le Secrétariat d'Etat auprès du Ministre de la Justice et des Libertés est (à ma connaissance) une nouveauté<sup>[<a href="http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/12/#pnote-1426-1" id="rev-pnote-1426-1">1</a>]</sup>.</p> +<p>On attendait donc avec impatience de connaître le domaine de compétence du Secrétaire d'Etat.</p> +<p>C'est un <a href="http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=?cidTexte=JORFTEXT000020834911&amp;dateTexte=&amp;oldAction=rechJO&amp;categorieLien=id">décret</a> paru hier qui nous renseigne.<br /> +Enfin, si on peut appeler ça renseigner.</p> +<p>En effet, l'article 1er de ce texte dispose que <em>" +M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'Etat à la justice, remplit toute mission et assure le suivi de tout dossier que lui confie le ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, auprès duquel il est délégué."</em>.</p> +<p>Qui pourrait se traduire par "il fera ce qu'on lui laissera faire"</p> +<p>Ce n'est pas sans précédent.<br /> Si George Kiejman, Ministre Délégué auprès du Ministre de la Justice dans le gouvernement de Michel Rocard avait en 1990 des <a href="http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000169187&amp;fastPos=4&amp;fastReqId=1837807558&amp;categorieLien=id&amp;oldAction=rechTexte">attributions</a> précises, telles que l'élaboration du nouveau code pénal, son successeur Michel Sapin, membre du gouvernement d'Edith Cresson, avait une <a href="http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000354883&amp;fastPos=9&amp;fastReqId=1071308680&amp;categorieLien=id&amp;oldAction=rechTexte">fiche de poste</a> aussi élaborée que celle du nouveau Secrétaire d'Etat.</p> +<p>Lequel Secrétaire d'Etat aurait <a href="http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2009/06/27/01016-20090627ARTFIG00206-mam-et-bockel-se-disputent-les-prisons-.php">déclaré</a> "Je serai transversal mais pas transparent".</p> +<p>Sera-t-il le Robin de BatMam&nbsp;? Ou Bernardo, le docteur Watson, Sancho Pança, Mini Me, Sganarelle, Q, Tinkerbell, Christian de Neuvillette, Han Solo (voire Chewbacca), Ron Weasley, Samwise Gamgee, Obélix ou Victoria Silvstedt ?<sup>[<a href="http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/12/#pnote-1426-2" id="rev-pnote-1426-2">2</a>]</sup></p> +<p>L'avenir nous dira comment fonctionnera ce nouveau couple...</p> +<div class="footnotes"><h4>Notes</h4> +<p>[<a href="http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/12/#rev-pnote-1426-1" id="pnote-1426-1">1</a>] même si nous avons déjà connu des Ministres Délégués auprès du Ministre de la Justice</p> +<p>[<a href="http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/12/#rev-pnote-1426-2" id="pnote-1426-2">2</a>] après avoir dans un premier temps mis en note de qui ces personnages sont les <em>sidekicks</em> ou fidèles seconds, je me suis dit qu'il valait mieux laisser chercher (enfin, c'est pas très compliqué)... Ca occupera ceux qui sont en vacances et ça distraira ceux qui sont au boulot</p> +</div> + + + + + http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/12/BatMam-et-Robin#comment-form + http://www.maitre-eolas.fr/feed/atom/comments/1426 + + + + Faut-il se chauffer au gaz pour être juge en Virginie occidentale ? + + urn:md5:2e485438321807dfc123ba8c1dac9405 + 2009-07-10T00:19:00+00:00 + Eolas + Iou héssé + + <p>Lors de sa récente session, la Cour suprême a rendu un arrêt important changeant de manière spectaculaire sa position sur la très délicate question de l'indépendance de fait des juges élus.</p> + + +<p>Les juges exercent en démocratie le troisième pouvoir, le pouvoir judiciaire&nbsp;: celui de trancher un différend selon la loi. Cette mission essentielle en démocratie suppose deux qualités essentielles&nbsp;: l'indépendance, et la compétence.</p> + + +<p>En démocratie, trois systèmes de désignation sont envisageables&nbsp;: la désignation par l'autorité publique (les modalités peuvent varier de la désignation discrétionnaire au concours, en passant par la désignation ratifiée), l'élection, et le tirage au sort.</p> + + +<p>La France a recours à un panaché des trois systèmes. La majorité des juges administratifs et judiciaires sont désignés par l'autorité publique sur la base d'un concours (c'est un décret signé par le président de la République en personne qui leur confère leurs fonctions&nbsp;; Chirac pour Gascogne, Dadouche, Sub lege libertas, Paxatagore et Lulu, René Coty pour Anatole). Certains de ces juges sont désignés par l'autorité publique sans concours (les “sur titre”&nbsp;; par exemple, Rachida Dati n'a jamais passé le concours d'accès à l'ENM— mais la plupart des “sur titre” sont de très bons magistrats&nbsp;; citons aussi les membres du Conseil constitutionnel, nommés discrétionnairement par les trois présidents de la République, du Sénat et de l'Assemblée nationale). Les conseillers prud'hommes sont élus par les salariés et les employeurs, de même que les juges de commerce le sont par les commerçants. Le jury d'assises est quant à lui <a href="http://www.maitre-eolas.fr/post/2007/01/15/514-petit-vademecum-a-l-usage-des-jures-d-assises-1">tiré au sort</a> parmi le corps électoral.</p> + + +<p>Ce dernier système peut surprendre, mais il est selon Montesquieu le plus démocratique puisqu'il respecte l'égalité des chances (même si dans tous les systèmes de droit, le tirage au sort est toujours tempéré tant par des restrictions pour l'accès au tirage —conditions d'âge et de probité— que par une influence sur le tirage —droit de récusation d'un juré tiré au sort.</p> + + +<p>La désignation par l'autorité publique se fait en principe sur un critère de compétence technique. C'est le cas du concours, mode de désignation au mérite par excellence, mais aussi de la nomination par le pouvoir politique, qui si elle est encadrée par des contre-pouvoirs peut être satisfaisante. Ainsi les juges à la Cour Suprême des États-Unis sont-ils désignés par le président des États-Unis mais avec ratification par le Sénat&nbsp;; les plus hauts postes de magistrats français sont soumis à l'avis (pour le parquet) ou à l'accord (pour le siège) du Conseil Supérieur de la Magistrature, ce qui rend particulièrement scandaleux le coup de force qui viendrait de se produire pour muter un procureur général, j'y reviendrai dans un prochain billet.</p> + + +<p>Notons que les nominations au Conseil constitutionnel n'étaient soumises à aucun contrôle ni contre pouvoir jusqu'à la révision constitutionnelle de juillet 2008, ce qui était une carence à mon sens mais a permis d'éviter la politisation du Conseil. On verra ce que donnera la nouvelle procédure, qui n'a pas encore eu à s'appliquer (les prochaines nominations sont pour février 2010 avec le départ d'Olivier Dutheillet de Lamothe, Dominique Schnapper et Pierre Joxe.</p> + + +<p>Aux États-Unis, qui vont nous occuper, 39 des 50 États de l'Union ont recours partiellement ou totalement à l'élection des juges et procureurs généraux. C'est donc un sujet sensible, qui reflète la méfiance traditionnelle du peuple américain envers l'État, et qui a ainsi voulu garder la mainmise sur la désignation de ceux chargés de dire le droit.</p> + + +<p>L'invonvénient d'un tel système de désignation est qu'il se politise forcément. Les campagnes électorales pour élire tel juge ne sont pas toujours compatibles avec la dignité inhérente à la fonction, et l'argument de la promesse de sévérité (promesse tenue, les États-Unis ont un taux d'incarcération dix fois supérieur au nôtre) est un des plus porteurs. Se pose aussi la question de l'indépendance du juge, dont la campagne est financée par des gens susceptibles un jour d'être justiciables devant lui. Or un principe constitutionnel aux États-Unis est celui du procès équitable, le <em>due process of law</em>.</p> + + +<p>Or la position de la Cour suprême a toujours été de dire que le juge ne doit pas voir son impartialité remise en cause à la légère&nbsp;: il prêtent serment de respecter la loi et la Constitution, et doivent bénéficier d'une présomption d'honnêteté. De fait, deux cas seulement constituent selon elle une situation objective où le juge doit se récuser&nbsp;: quand le juge a un intérêt financier dans le litige —<em>Tumey v. Ohio</em>, 273 U. S. 510, 523 (1927)— et quand le juge statue sur un délit d'audience (<em>contempt of court</em>) dont il a été la victime directe —<em>Mayberry v. Pennsylvania</em>, 400 U. S. 455 (1971). Ces décisions ont d'ailleurs été reprises dans des lois fédérales depuis lors. En dehors de ces cas, le demandeur en récusation doit prouver la partialité (<em>bias</em>) du juge, ce qui est très difficile, d'autant plus que généralement, il faut bien le dire, les juges se déportent volontiers quand ils estiment ne pas être neutres.</p> + + +<p>Intéressons-nous à présent à l'industrie du charbon en Virginie occidentale.</p> + + +<p>Ah, Charleston<sup>[<a href="http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/06/#pnote-1415-1" id="rev-pnote-1415-1">1</a>]</sup>, ton univers impitoya-able. Un géant du charbon y règne sur les Appalaches&nbsp;: <a href="http://www.masseyenergyco.com/">Massey Energy®</a>, sous la forme de sa succursale locale :A. T. Massey Coal Co., Inc. Massey est le 4e producteur de charbon des États-Unis avec 40 millions de tonnes par an (vous voyez que le réchauffement de la planète a de beaux jours devant lui), et le premier de la région des Apalaches. Face à Goliath, quatre David&nbsp;: Hugh Caperton, Harman Development Corp.,Harman Mining Corp., et Sovereign Coal Sales (que j'appellerai Caperton tout court, comme la Cour Suprême). Quatre petits exploitants de mines de charbon qui vont tous faire faillite à cause selon eux de manœuvres déloyales et illicites de Massey.</p> + + +<p>Si en France, tout finit par des chansons, aux États-Unis, tout finit par des procès. Et pour cause&nbsp;: ça marche. Le géant se prend la pierre judiciaire en plein front. En août 2002, un jury déclare A.T. Massey coupable de comportements commerciaux déloyaux et illicites et le condamne à payer à Caperton 50 millions de dollars. En juin 2004, la cour d'appel rejette le recours de A.T. Massey par un arrêt cinglant qui établit formellement sa culpabilité. Massey forme un pourvoi en cassation devant la Cour Suprême de l'État de Virginie Occidentale.</p> + + +<p>Or fin 2004 se tenaient les élections judiciaires à la Cour Suprême&nbsp;: le juge sortant était l'Honorable <em>Justice</em> McGraw, candidat à sa succession. Son principal adversaire était l'avocat Brent Benjamin.</p> + + +<p>Le Groupe Massey va décider de soutenir le candidat Benjamin, farouche partisan du libre marché. Et quand je dis soutenir, je dis soutenir. Outre les 1.000 dollars, don maximum au candidat selon la loi de Virginie Occidentale, Massey va faire un don de 2.500.000 $ à une association qui s'opposait à McGraw et soutenait Benjamin. Le nom de l'association est, pour la petite histoire «&nbsp;Pour le Bien des Enfants ». En fait, c'était plutôt pour le bien des mineurs.</p> + + +<p>Et pour faire bonne mesure, Massey va dépenser 500.000 $ en courriers et campagnes diverses appelant à faire des dons pour Benjamin. Hypocrisie de la législation américaine&nbsp;: on ne peut donner plus de 1000 dollars à un candidat mais on peut dépenser 500.000 $ pour encourager les gens à lui faire des dons plafonnés à 1000 $ chacun. Sachant que les comités de soutien des deux candidats ont dépensé à eux deux 2.000.000 $, Massey va dépenser 3 millions pour soutenir un candidat.</p> + + +<p>Qui sera élu avec 53,3% des votes. Ramené au nombre de suffrages exprimés, cela fait 8 dollars par vote pour Massey.</p> + + +<p>Une fois Brent Benjamin devenu <em>Justice</em> Benjamin, Massey forme son pourvoi en cassation en octobre 2005. Aussitôt, Caperton dépose une requête en suspicion légitime à l'encontre du <em>Justice</em> Benjamin, lui demandant de se déporter, le demandeur étant son principal soutien financier. En avril 2006, le <em>Justice</em> Benjamin rejette cette requête, s'estimant tout à fait impartial.</p> + + +<p>Et en novembre 2007, la cour suprême annule le jugement, par trois voix contre deux. Trois voix, dont celle de Benjamin&nbsp;: son vote fut donc décisif. Dans l'opinion dissidente du <em>Justice</em> Albright, cosignée par le <em>Justice</em> Cookman, on peut lire ces lignes impitoyables “Non seulement l'opinion de la majorité ne repose sur aucun fait établi ou un précédent jurisprudentiel, mais elle est fondamentalement injuste. Malheureusement, la justice n'a été ni honorée ni servie par la majorité". Ambiance. ”</p> + + +<p>Caperton n'en démordant pas, il porte son affaire devant la Cour Suprême.</p> + + +<p>Qui va se déchirer à son tour mais, par un vote de 5 contre 4, donner raison à Caperton. L'argument central est le suivant&nbsp;: même si aucun élément ne permet d'affirmer la partialité du <em>Justice</em> Benjamin, il existe ici une telle probabilité de partialité (<em>probability of bias</em>) qu'il aurait dû se récuser. la femme de César ne doit pas être soupçonnée même si elle n'a rien à se reprocher&nbsp;: il en va de même de ses juges. À l'argument de l'atteinte de la confiance publique dans les juges et le risque de raz-de-marée de recours en récusation <em>Caperton</em>, le <em>Justice</em> Kennedy, qui a rédigé l<em>'Opinion</em> de la Cour réplique que non, il s'agit d'un cas d'espèce eu égard aux circonstances extrêmes (un soutien “disproportionné” du demandeur)</p> + + +<p>Le <em>Chief Justice</em> Roberts, dissident, s'étouffe d'indignation, soutenu en cela par le bloc conservateur de la cour&nbsp;: les <em>Justice</em> Scalia, Alito, et Thomas (les <em>usual Suspects</em>). Le <em>Chief Justice</em> Roberts ne parvient pas à accepter cette décision ne reposant pas sur des critères objectifs (contrairement à <em>Tumey</em> ou <em>Mayberry</em>) mais sur l'appréciation du juge. Il soulève dans son opinion dissidente (page 28 et suivantes du pdf) 40 questions que cet arrêt laisse selon lui irrésolues. Certaines sont pertinentes (par exemple&nbsp;: et si le litige portait sur un enjeu de 10.000 $, soit bien moins que le soutien financier de la campagne, peut-on soupçonner Massey d'acheter son juge ?), tandis que d'autres sont teintées de mauvaise foi par une <em>reductio ad absurdum</em> classique&nbsp;: par exemple&nbsp;: “Et si un juge est élu sur une promesse de sévérité envers le crime, doit-il se récuser de toute affaire criminelle ?”&nbsp;; et pourquoi pas l'obliger à se chauffer au gaz pour juger une entreprise de charbon (d'où le titre du billet).</p> + + +<p>Les règles objectives dégagées par la Cour dans ses arrêts <em>Tumey</em> et <em>Mayberry</em> ont été reprises dans des textes de loi, ce qui montre au passage le respect à la limite de la crainte révérencielle du législateur américain envers le juge, tandis que le législateur français vote sans vergogne des lois pour contourner les objections du juge, fût-il constitutionnel (Rétention de sûreté, HADOPI 2…). Gageons que cette fois, le législateur américain se gardera bien de s'aventurer sur ce terrain glissant.</p> + + +<p>Alors, Caperton, révolution jurisprudentielle ou cas d'espèce sans lendemain&nbsp;?</p> + + +<p>Prochain épisode&nbsp;: les anti-inflammatoires permettent-ils de voir des jeunes filles nues&nbsp;?</p> +<div class="footnotes"><h4>Notes</h4> +<p>[<a href="http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/06/#rev-pnote-1415-1" id="pnote-1415-1">1</a>] Qui est comme tout le monde le sait la capitale de la Virginie Occidentale.</p></div> + + + + + + http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/06/1470-faut-il-se-chauffer-au-gaz-pour-etre-juge-en-virginie-occidentale#comment-form + http://www.maitre-eolas.fr/feed/atom/comments/1415 + + + + Du remue-ménage + + urn:md5:15a1f84cac5c4a69525892cb0c73f572 + 2009-07-09T00:32:00+02:00 + Eolas + Brève + + <p>Certains d'entre vous ont pu le vivre en direct, il y a eu de grosses coupures cet après midi, mais ca y est, la mue est faite&nbsp;: mon blog tourne sous Dotclear 2.</p> + + +<p>Concrètement, vous ne verrez aucune différence, et c'est le but. La carrosserie reste la même, c'est le moteur qui a changé. Et celui-là ne cale plus en côte. Pour ceux qui en ont marre de mes périphrases&nbsp;: en principe, fini les erreurs 503 à répétition dès que les lecteurs se bousculaient au portillon. Le blog devrait tenir la charge&nbsp;: j'ai un serveur dédié qui fonctionne à l'urine de cycliste, un logiciel débuggé au napalm et une bande passante qui pourrait télécharger un porte-avion.</p> + + +<p>Le site devrait s'afficher encore plus rapidement chez vous, surtout parce que j'ai enlevé des enjoliveurs qui consommaient beaucoup de ressources pour pas grand chose&nbsp;: le top des commentateurs, les billets les plus commentés.</p> + + +<p>Il faut que je m'habitude à la nouvelle interface, qui ne va pas me faciliter la vie sur iPhone, que j'explique à mes commensaux comment entrer dans leur nouvelle demeure, bref, je suis un peu en rodage, mais tout devrait bientôt reprendre un rythme normal.</p> + + +<p>Prochain chantier à la rentrée&nbsp;: le changement de carrosserie. Le thème actuel a été bricolé en express par <a href="http://kozlika.org/" hreflang="fr">Kozlika</a>, que Saint PHP la bénisse, mais j'ai conscience que son minimalisme confine à la mocheté, il n'était pas fait pour durer deux ans et demi.</p> + + +<p>Je vais passer à un graphisme en deux colonnes, une grosse à gauche pour les billets, une petite à droite pour le menu. Graphiquement, ce sera sobre et élégant&nbsp;; je fais sous-traiter ça par un geek dans un sweatshop à l'autre bout du monde qui travaille pour une bouchée de pain pour une boîte française installée dans un paradis fiscal (j'ai bien suivi, <a href="http://padawan.info/fr/">François</a> ?). Pas de Flash®, toujours pas de pub, bref, le fond plus que la forme, comme d'habitude.</p> + + +<p>Merci de m'indiquer toute anomalie que vous pourriez rencontrer&nbsp;: la chasse aux bugs est ouverte. Et on dit bravo et merci à Rémi.</p> + + + + + http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/09/Du-remue-m%C3%A9nage#comment-form + http://www.maitre-eolas.fr/feed/atom/comments/1419 + + + + Les cinq erreurs d'Authueil + + urn:md5:fd0aa29b6d8a8e345ccde55640df1d7e + 2009-07-08T11:12:18+00:00 + Eolas + General + + <p>Mon ami Authueil reproche souvent aux juristes leur côté pinailleur. Je m'en voudrais de lui donner tort et vais relever cinq erreurs dans <a href="http://authueil.org/?2009/07/07/1385-un-lycee-c-est-fait-pour-etudier">son dernier bille</a>t, dans lequel il exprime son approbation de la décision d'un proviseur <a href="http://www.rue89.com/2009/07/06/jai-17-ans-et-je-suis-exclu-car-jai-fait-blocage-contre-darcos">ayant soumis la réinscription d'un lycéen en terminale dans son établissement à l'engagement de sa part de ne pas se livrer à nouveau à un blocage</a> comme il l'avait fait plus tôt dans l'année scolaire pour des motifs politiques.</p> + + +<p>À titre de prolégomènes, je tiens à signaler que, au-delà de la cause politique qui les a motivé, je n'ai <strong>aucune</strong> sympathie pour les bloqueurs, que ce soit de fac, de lycée ou de maternelle. C'est une méthode illégale, violente, et une voie de fait d'une minorité qui impose par la force ses décisions à une majorité. C'est à mes yeux inadmissible. Et ne venez pas me parler de démocratie. J'ai assisté à des “ AG ” en amphi&nbsp;: outre le fait qu'un amphi ne contient qu'une patite portion des étudiants, la démocratie y est aussi spontanée qu'en Corée du Nord.</p> + + +<p>Donc je désapprouve ce qu'a fait ce lycéen.</p> + + +<p>Néanmoins je suis en désaccord avec Authueil sur 5 points.</p> + + +<blockquote><p>Ce lycéen a 17 ans, il n'a plus d'obligation scolaire, s'il veut intégrer un établissement scolaire, il doit en accepter les règles.</p></blockquote> + + +<p>Je note sur un coin de papier son âge. Nous avons affaire à un mineur. Un grand mineur, mais un mineur quand même. Je m'en servirai plus tard. Mais le fait qu'il ait dépassé l'âge de l'obligation scolaire est sans la moindre pertinence. Il n'a plus l'obligation de se scolariser, mais il en conserve la liberté, que le Code de l'éducation élève au rang de droit&nbsp;:</p> + + +<p><em>Le droit à l'éducation est garanti à chacun afin de lui permettre de développer sa personnalité, d'élever son niveau de formation initiale et continue, de s'insérer dans la vie sociale et professionnelle, d'exercer sa citoyenneté.</em></p> + + +<p>Article L.111-1, qui, mes lecteurs l'auront deviné, est le premier article du code (quand je parlerai "du code" dans ce billet, ce sera le Code de l'éducation).</p> + + +<p>15 ou 17 ans, l'élève a autant de légitimité à vouloir suivre des études, et l'État doit lui en fournir les moyens.</p> + + +<p>De même, l'obligation scolaire (<a href="http://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do;jsessionid=60B3026C9D802E35D68E59107A85B1A5.tpdjo16v_3?idSectionTA=LEGISCTA000006166564&amp;cidTexte=LEGITEXT000006071191&amp;dateTexte=20090708">art. L.131-1 du Code de l'Éducation</a>), de six à seize ans, ne dispense pas d'accepter les règles d'un établissement scolaire sous prétexte que l'élève n'a pas le choix d'être là. Tout établissement a un règlement intérieur qui s'impose aux élèves et aux enseignants. Et ce quel que soit leur âge (là, je pense surtout aux élèves) et leur capacité de compréhension des règles (là, je pense plus aux ados qu'aux maternelles).</p> + + +<p>Bref, l'argument de l'âge est inopérant dans le sens de la démonstration d'Authueil. Vous allez voir, il va même plutôt dans le sens contraire.</p> + + +<blockquote><p>Vu qu'il a allègrement violé le règlement intérieur, et l'a clairement montré en devenant un représentant du mouvement, on peut comprendre les craintes du proviseur sur les risques de récidive. Qui trouverait à y redire s'il s'agissait d'un élève violent et isolé qui perturbe la vie du lycée par son indiscipline&nbsp;? Pourquoi, parce que ces faits se seraient déroulés dans le cadre d'une action politique, il devrait être absout&nbsp;? Une perturbation reste une perturbation et on peut très bien manifester et avoir une activité politique sans bloquer un établissement.</p></blockquote> + + +<p>Sur ce dernier point, je suis d'accord (bon pour pinailler jusqu'au bout, je dirai qu'on ne le peut pas, mais qu'on le doit). Mais ça s'arrête là. Le proviseur a des craintes&nbsp;? Je lui recommande la verveine. Il y a des voies de droit pour sanctionner un élève. Et le chantage à la réinscription ne fait pas partie de cet arsenal (<a href="http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=60B3026C9D802E35D68E59107A85B1A5.tpdjo16v_3?idArticle=LEGIARTI000020743424&amp;cidTexte=LEGITEXT000006071191&amp;dateTexte=20090708">article R.511-13 du Code</a>). Car le proviseur n'a pas le pouvoir de sanction&nbsp;: il appartient au conseil de discipline (<a href="http://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?idArticle=LEGIARTI000020743406&amp;idSectionTA=LEGISCTA000020743408&amp;cidTexte=LEGITEXT000006071191&amp;dateTexte=20090708">art. R.511-20 et s. du Code</a>) qu'il saisit et préside (ce qui au passage n'est pas conforme à la convention européenne des droits de l'homme qui exige la séparation des autorités de poursuite et de jugement). En exerçant ce chantage à la réinscription, le proviseur usurpe les prérogatives du Conseil de discipline, dont la composition vise précisément… à limiter le pouvoir coercitif du proviseur.</p> + + +<p>Bref, pour sanctionner une violation de la loi par l'élève, le proviseur viole la loi. Les enseignants sont censés donner l'exemple, pas le suivre, non&nbsp;?</p> + + +<blockquote><p>On est au lycée pour suivre des cours et si on est pas content de son lycée, on peut en changer, voire le quitter si on a l'âge requis. Rien à voir donc avec le monde du travail.</p></blockquote> + + +<p>Premier point&nbsp;: on est au lycée pour suivre des cours. Non. Pour draguer des filles (ou se faire draguer si on est une fille) et rigoler avec les potes/copines.</p> + + +<p>Ensuite, je pourrais dire qu'on est dans une entreprise pour travailler, et si on n'est pas content de sa boîte, on peut en changer voire prendre sa retraite si on a l'âge requis. Bref, sur ces éléments de comparaison, ça ressemble un peu au monde du travail, le lycée.</p> + + +<p>En fait, la différence essentielle, car elle existe, ce que les “ syndicats ” d'élèves ne comprennent pas, est ailleurs. Étudier n'est pas un métier, sauf pour Bruno Julliard, et l'élève n'a pas de contrepartie directe à son travail. Il en tire une instruction qui lui permettra plus tard d'accéder à des métiers pointus et donc mieux rémunérés. Le contrat de travail est un contrat d'échange direct&nbsp;: travail contre salaire. Cette relation existe d'ailleurs entre l'enseignant et l'Éducation Nationale, même si le statut est différent (l'enseignant est souvent un fonctionnaire). L'élève est l'usager d'un service public. Il jouit d'une prestation de service&nbsp;: l'enseignement et la mise à disposition des locaux. La seule chose qu'il doit est son assiduité et un comportement conforme au règlement intérieur. C'est là qu'on voit qu'en effet, le lycée et le monde du travail, ça n'a rien à voir.</p> + + +<blockquote><p>Quand les salariés manifestent pour des raisons de politique générale, ils ne bloquent pas pour autant leurs entreprises. Ils prennent une journée (de RTT, de congé, de grève...) et vont se joindre à la manif, sans empêcher leurs collègues non grévistes d'aller au travail si ça leur chante.</p></blockquote> + + +<p>En théorie. Les piquets de grève ne sont pas une légende. Oh, <a href="http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=E840B93F5285A5802E4BB68FA74F9692.tpdjo07v_2?idArticle=LEGIARTI000006418459&amp;cidTexte=LEGITEXT000006070719&amp;dateTexte=20090212">c'est illégal</a>, bien sûr, comme séquestrer les patrons. Ou bloquer les lycées. Invoquer la différence des comportements est ici erroné puisque les deux comportements sont similaires. ce qui n'est pas un hasard&nbsp;: les lycéens et étudiants singent les moyens de lutte des ouvriers d'usines menacées de fermeture (quand bien même les études qu'ils suivent visent à s'assurer qu'ils n'entreront pas dans la même carrière que leurs glorieux aînés prolétaires).</p> + + +<blockquote><p>Il doit y avoir des limites. Ce proviseur a eu le courage d'en poser, qui m'apparaissent très raisonnables, puisque rien n'empêchera le lycéen d'avoir des activités politiques dans l'enceinte de l'établissement. On lui demande juste de ne pas perturber la scolarité de ses petits camarades, ce qui est la moindre des choses.</p></blockquote> + + +<p>Non, ce proviseur a au contraire manqué de courage. Il y a des limites, prévues par la loi. À lui de l'appliquer. Il aurait dû lancer une procédure disciplinaire contre tous les élèves bloqueurs, et ce dès le début du blocage. Pour leur permettre de présenter leur défense, de se faire assister de la personne de leur choix, y compris un avocat (art. D.511-32 du Code), et de comprendre que persévérer dans leur attitude les exposerait à un renvoi temporaire ou définitif et à une plainte au pénal, bienvenue dans la vraie vie. Car là aussi, rien n'est plus propice au passage à l'acte que la certitude de l'impunité que donne le nombre d'une part et la couardise des autorités d'autre part.</p> + + +<p>Au lieu de cela, après avoir plié l'échine sur le moment, signant un aveu de faiblesse<sup>[<a href="http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/08/#pnote-1474-1" id="rev-pnote-1474-1">1</a>]</sup>, il emploie un moyen déloyal et illégal. Il attend que l'élève en question soit isolé, et le prend à la gorge administrativement en détournant ses pouvoirs (le proviseur ne tire d'aucun texte le droit de juger l'opportunité des réinscriptions). Sachant que l'élève en question est mineur, donc censé être plus protégé par la loi, on peut s'interroger sur la véritable vertu pédagogique. En outre, son engagement de bien se tenir (qui est de nature civile) est nul car obtenu par la violence (art. 1111 du Code civil —c.civ—&nbsp;: c'est signe ou tu n'auras pas d'établissement l'année prochaine), est lésionnaire pour le mineur (art. 1315 c.civ&nbsp;: il ne peut que lui nuire) et n'a aucune base légale dans le code de l'éducation.</p> + + +<p>Enfin, il y a une certaine absurdité de demander à un élève ayant violé le règlement intérieur de s'engager à le respecter sous peine de sanction… sanction qui n'a pas été prise quand le règlement intérieur a été violé.</p> + + +<p>Bref, une mesure illégale, inefficace et qui déshonore celui qui la prend. Vous l'aurez compris, je ne partage pas l'enthousiasme d'Authueil face à cette mesure. Le pinaillage des juristes, pour qui la fin ne justifie jamais les moyens, que ce soit un blocage de lycée ou de réinscription, en fait de bien sinistres personnages.</p> + +<hr /> + +<p>PS&nbsp;: Je ne l'avais pas vu, mais <a href="http://dinersroom.eu/2823/refus-dinscription-dans-un-lycee-abus-de-pouvoir-ou-aveu-de-faiblesse/">Jules le dit mieux que moi</a>.</p> +<div class="footnotes"><h4>Notes</h4> +<p>[<a href="http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/08/#rev-pnote-1474-1" id="pnote-1474-1">1</a>] Si cette politique du roseau lui a été imposée par la voie hiérarchique, l'administration refusant toute confrontation, ma critique reste la même, mais se transmet par la voie hiérarchique au ministre.</p></div> + + + + + + http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/08/1474-les-cinq-erreurs-d-authueil#comment-form + http://www.maitre-eolas.fr/feed/atom/comments/1418 + + + + Ces gens sont des menteurs + + urn:md5:53fe3a6ef089563abb56069a08d62c38 + 2009-07-08T00:24:19+00:00 + Eolas + Droit des étrangers + + <p>À écouter, à podcaster (<a href="itpc://radiofrance-podcast.net/podcast09/rss_10078.xml">iTunes</a>, <a href="http://radiofrance-podcast.net/podcast09/rss_10078.xml">Lien RSS</a>), l'émission <a href="http://sites.radiofrance.fr/chaines/france-culture2/emissions/pieds/fiche.php?diffusion_id=75188">Les Pieds Sur Terre du 6 juillet 2009</a>, diffusée sur France Culture, qui revient sur le fameux délit de solidarité, celui dont le ministre qui ne devrait pas exister nie l'existence. Pauline Maucort et Olivier Minot sont allés interviewer des gens qu'on a arrêté, placé en garde à vue, et oui, pour certains poursuivis et condamnés pour avoir aidé un étranger en situation irrégulière. Des acteurs, sans doute.</p> + + +<p>Écoutez leurs élucubrations, c'est drôlement bien inventé et joué, tous ces détails&nbsp;: ils sont forts ces menteurs.</p> + + +<p>Car bien sûr qu'Éric Besson dit vrai.</p> + + +<p>JAMAIS en France la police aux frontières ne viendrait embarquer à 7 heures 45 du matin une dame qui recharge des téléphones portables en l'accusant d'un délit qui n'existe pas commis en bande organisée. AUCUN policier n'aurait la désarmante naïveté de lui dire avoir été gentil d'attendre 7 heures du matin, la procédure ouverte selon la loi Perben II pour délinquance organisée permettant une perquisition à toute heure de la nuit —<a href="http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=21288F4460998ABC5D9E44A5717A4D76.tpdjo07v_2?idArticle=LEGIARTI000006577803&amp;cidTexte=LEGITEXT000006071154&amp;dateTexte=20090212">art. 706-89 du code de procédure pénale (CPP)</a>, sur autorisation du juge des libertés et de la détention (JLD)—, et écartant l'avocat, ce gêneur qui rassure les dames en garde à vue&nbsp;: <a href="http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=21288F4460998ABC5D9E44A5717A4D76.tpdjo07v_2?idArticle=LEGIARTI000006577802&amp;cidTexte=LEGITEXT000006071154&amp;dateTexte=20090212">art. 706-88 du CPP al. 6</a>&nbsp;: l'avocat n'est autorisé qu'à partir de 48 heures de garde à vue, soit bien plus que le nécessaire pour boucler une procédure pour trois portables, même si le policier tape les PV avec deux doigts), et d'en rajouter une louche en disant que vraiment, ils sont super sympas de ne pas lui avoir défoncé sa porte ni de ne pas l'avoir menotté (Oui, c'est à 15'10). C'est qu'elle a oublié de dire merci, cette ingrate.</p> + + +<p>EN AUCUN CAS en France un religieux de 78 ans ne serait placé en garde à vue pour avoir transporté dans le coffre de sa voiture les bagages d'une famille qu'il accompagnait… acheter des billets de train. Jamais un policier n'aurait l'idée saugrenue de demander à un frère <a href="http://www.cssr.com/francais/">rédemptoriste</a> pourquoi il vient en aide à des démunis<sup>[<a href="http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/08/#pnote-1473-1" id="rev-pnote-1473-1">1</a>]</sup>.</p> + + +<p>COMMENT IMAGINER qu'en France, un citoyen soit arrêté pour avoir hébergé chez lui l'homme dont il était amoureux, et soit pour un soupçon de ces faits attaché à un mur pendant 17 heures&nbsp;? C'est dangereux, un homo amoureux, mais quand même… Qui oserait croire qu'un procureur général fasse appel de la relaxe qui va suivre, et qu'une cour d'appel, fût-ce celle de Nîmes, même si celle de Douai l'a déjà fait, le condamne effectivement à 1000 euros d'amende, croyant utile d'ajouter que cet hébergement se faisait manifestement en contrepartie de faveurs sexuelles&nbsp;? Au fait, monsieur le juge, votre femme, elle vous paye un loyer&nbsp;?</p> + + +<p>Non, c'est trop gros.</p> + + +<p>Heureusement que le ministre du fifre et du pipeau est là pour rétablir la vérité, la Pravda ayant depuis longtemps failli à cette mission d'édification du peuple.</p> + + +<p>Une superbe fiction, donc, mise en scène par Véronique Samouiloff.</p> + + +<p>Mais pourquoi donc n'arrivè-je pas à applaudir&nbsp;?</p> +<div class="footnotes"><h4>Notes</h4> +<p>[<a href="http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/08/#rev-pnote-1473-1" id="pnote-1473-1">1</a>] La réponse se trouve à l'article premier des Constitutions de la Congrégation du Très-Saint-Rédempteur : “ Son but est de continuer le Christ Sauveur en annonçant la Parole de Dieu aux pauvres, selon ce qu'il a dit de lui-même: «Il m'a envoyé évangéliser les pauvre» ” ; “Elle s'acquitte de cette tâche avec un élan missionnaire qui la porte vers les urgences pastorales en faveur des plus délaissés, surtout des pauvres, à qui elle s'efforce d'apporter la Bonne Nouvelle.” Ça signe la bande organisée.</p></div> + + + + + + http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/08/1473-ces-gens-sont-des-menteurs#comment-form + http://www.maitre-eolas.fr/feed/atom/comments/1417 + + + + De l'art délicat de donner des leçons à qui n'a pas appris les siennes + + urn:md5:1f47340188d9b40e57994b705cd35708 + 2009-07-07T01:11:58+00:00 + Eolas + General + + <p>Un fait divers a fait quelque peu ricaner sur le web, une forme d'arroseur arrosé, internet tenant parfois d'une cour de récréation où on aime à rire aux dépens d'autrui (c'est toujours mieux comme métaphore que <a href="http://www.numerama.com/magazine/13345-Pour-Denis-Olivennes-Internet-est-le-tout-a-l-egout-de-la-democratie.html">la plomberie</a>).</p> + + +<p>Même si vous pourrez facilement retrouver le nom des protagonistes, puisqu'il est sans intérêt pour ma démonstration et que je ne souhaite pas exposer plus avant le dindon de la farce, je vais utiliser des pseudonymes.</p> + + +<p>Géronte est un étudiant en informatique. Ce jour là, il doit passer un contrôle de connaissance (il ne s'agit pas d'un examen visant à la délivrance d'un diplôme, la chose a son importance) portant sur sa maîtrise d'un logiciel très (trop ?) utilisé sur internet. Le sujet tombe, et là, c'est le blanc. Chaque exercice noté implique l'utilisation d'une technique dont il n'arrive pas à se souvenir.</p> + + +<p>Mais il découvre qu'il peut se connecter à internet depuis sa salle d'examen (l'examen a forcément lieu sur un ordinateur), quand bien même l'école avait dit avoir pris ses précaution pour que ce soit impossible.</p> + + +<p>Il lance donc un appel au secours demandant de l'aide et promettant une récompense.</p> + + +<p>Scapin, spécialiste de ce programme du fait de sa profession de graphiste indépendant, lui répond et lui propose son assistance. Géronte lui expose sa difficulté et lui propose de faire les exercices à sa place, contre une rémunération de 100 euros.</p> + + +<p>Scapin tombe alors le masque et exposant qu'il n'a ni besoin d'argent, ni peur du paradoxe, lui demande 300 euros faute de quoi il téléphonera à son école pour révéler la triche en cours, capture d'écran de leurs échanges à l'appui. Géronte croit à une plaisanterie de quelqu'un ayant changé d'avis, et conclut l'échange par le sommet de la péroraison cicéronienne en rhétorique contemporaine&nbsp;: un <img src="/themes/default/smilies/wink.png" alt=";-)" class="smiley" /> .</p> + + +<p>Mais Scapin était sérieux. Il a appelé l'école, qui se dispose à prendre des sanctions contre cet élève.</p> + + +<p>Internet est un théâtre, et le poulailler s'esclaffe de la Farce de Scapin sur ce pauvre Maître Géronte.</p> + + +<p>Un seul ne rit pas à l'orchestre&nbsp;: votre serviteur. Il ne peut s'empêcher d'être amer dans cette saynète, où Scapin mérite peut-être plus les coups de bâton que Géronte.</p> + + +<p>Géronte a voulu tricher, c'est certain. La fraude à un examen est un délit depuis la loi, toujours en vigueur, du <a href="http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=D500EE84AD95FEAE63B1B26BDF754333.tpdjo07v_1?cidTexte=LEGITEXT000006070890&amp;dateTexte=29990101&amp;categorieLien=cid">23 décembre 1901</a>, puni de 3 ans de prison et 9000 euros d'amende&nbsp;; mais <strong>seulement</strong> si l'examen est un concours d'accès à la fonction publique ou vise la délivrance d'un diplôme délivré par l'État, outre des sanctions disciplinaires d'interdiction provisoire de se présenter aux examens et concours (je n'ai pas retrouvé la référence des textes, si quelqu'un peut m'éclairer, je mettrai à jour). En dehors de ces cas, la fraude expose l'élève a des sanctions disciplinaires prononcées par son établissement pouvant aller jusqu'au renvoi.</p> + + +<p>Ici, il s'agissait d'un contrôle de connaissance, interne à l'établissement. Le délit n'était donc pas constitué, mais la faute disciplinaire, oui.</p> + + +<p>Foulant au pied tous mes principes, je mets un instant ma robe pour plaider gratuitement (Argh&nbsp;! Je brûle&nbsp;! Je brûle !) que ce que Géronte a fait est EXACTEMENT ce qu'un professionnel aurait fait à sa place&nbsp;: chercher de l'aide sur internet. Internet est un paradis pour informaticien (il y a même des femmes nues, d'ailleurs, c'est dire si la ressemblance est poussée), et quiconque a un souci peut trouver promptement du secours dans les forums spécialisés. La solidarité existe, et le mot de communauté prend ici tout son sens. J'en sais quelque chose y ayant eu assez recours pour rustiner mon blog (au fait, Rémi, ça avance, cet upgrade ?). Professionnellement, ce n'est pas tricher&nbsp;: c'est aller chercher l'information, disponible gratuitement, à charge de revanche. De fait, si Géronte n'avait pas voulu frimer en précisant qu'il était en examen, mais avait simplement demandé de l'aide, il l'aurait très probablement trouvée, sans qu'on lui pose de questions. Cela n'annule pas la triche mais en atténue la gravité. D'autant que face à cet échec, il a finalement rendu copie blanche, ou son équivalent en informatique (disque dur formaté ?). Géronte mérite une sanction, mais plutôt de l'ordre de l'avertissement.</p> + + +<p>Tournons nos yeux vers Scapin.</p> + + +<p>Qu'a-t-il fait&nbsp;? Dénoncer un tricheur n'est pas répréhensible en soi. La dénonciation fut un sport national avant d'avoir mauvaise presse mais reste légale (bon, de là à la qualifier d'acte républicain, il faut pas exagérer, sauf à être <a href="http://tempsreel.nouvelobs.com/actualites/politique/20090207.OBS3630/ump__la_denonciation_est_un_devoir_republicain.html">un spécialiste de la chose</a>).</p> + + +<p>Mais auparavant, il y a eu cette parole malheureuse&nbsp;: “ <em>ce qui serait encore mieux, ce serait 300 euros pour que je ne téléphone pas tout de suite à l'école en leur balançant les photos et le résumé du chat qu'on vient d'avoir.</em> ”</p> + + +<p>Et là, le juriste ne peut s'empêcher de s'exclamer&nbsp;: «&nbsp;<a href="http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=2BBAFBF783A3CA27CA0769802F6BCADB.tpdjo07v_1?idArticle=LEGIARTI000006418180&amp;cidTexte=LEGITEXT000006070719&amp;dateTexte=20090212">312-10</a>&nbsp;! »</p> + + +<blockquote><p>Code pénal, article 312-10&nbsp;: Le chantage est le fait d'obtenir, en menaçant de révéler ou d'imputer des faits de nature à porter atteinte à l'honneur ou à la considération, soit une signature, un engagement ou une renonciation, soit la révélation d'un secret, soit la remise de fonds, de valeurs ou d'un bien quelconque.</p></blockquote> + + +<blockquote><p>Le chantage est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75000 euros d'amende.</p></blockquote> + + +<p>Le fait de tricher à un contrôle est bien de nature à porter atteinte à l'honneur et à la considération du tricheur. Peu importe que le fait soit illicite et avéré&nbsp;: le chantage n'a pas à porter sur des faits licites ou mensongers&nbsp;: on peut parler de jurisprudence ancienne puisqu'il en a déjà été jugé par la chambre criminelle de la cour de cassation le 4 juillet 1874.</p> + + +<p>Et, découvrant que Scapin a bel et bien prévenu l'école, le juriste s'écrie derechef&nbsp;: «&nbsp;<a href="http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=2BBAFBF783A3CA27CA0769802F6BCADB.tpdjo07v_1?idArticle=LEGIARTI000006418182&amp;cidTexte=LEGITEXT000006070719&amp;dateTexte=20090212">312-11</a>&nbsp;! »</p> + + +<blockquote><p>Code pénal, article 312-11&nbsp;: Lorsque l'auteur du chantage a mis sa menace à exécution, la peine est portée à sept ans d'emprisonnement et à 100.000 euros d'amende.</p></blockquote> + + +<p>Le poulailler ne rit plus, et interpellant l'orchestre, lui objecte&nbsp;: mais la loi sanctionne le fait d'obtenir les fonds, et là, Géronte n'a pas voulu payer, Scapin n'a rien obtenu&nbsp;!</p> + + +<p>Ce à quoi le juriste, décidément imperméable à l'humour, rétorque&nbsp;: «&nbsp;<a href="http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=2BBAFBF783A3CA27CA0769802F6BCADB.tpdjo07v_1?idArticle=LEGIARTI000006418183&amp;cidTexte=LEGITEXT000006070719&amp;dateTexte=20090212">312-12</a>. »</p> + + +<blockquote><p>Code pénal, article 312-12&nbsp;: La tentative des délits prévus par la présente section est punie des mêmes peines.</p></blockquote> + + +<p>La tentative est constituée dès lors que, manifestée par un commencement d'exécution, elle n'a été suspendue ou n'a manqué son effet qu'en raison de circonstances indépendantes de la volonté de son auteur (<a href="http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=2BBAFBF783A3CA27CA0769802F6BCADB.tpdjo07v_1?idArticle=LEGIARTI000006417210&amp;cidTexte=LEGITEXT000006070719&amp;dateTexte=20090212">article 121-5 du Code pénal</a>). Ici, la circonstance indépendante de la volonté du maître chanteur est que la victime du chantage n'a pas payé, qu'elle ait préféré subir les conséquences de sa fraude ou n'ait pas pris la menace au sérieux.</p> + + +<p>Tourner en ridicule les tricheurs, pourquoi pas&nbsp;? Encore qu'avec l'internet, donner le nom de la personne est le condamner à une infamie perpétuelle, ce qui est disproportionné, surtout pour une simple interrogation écrite.</p> + + +<p>Mais commettre un délit à cette occasion me semble être une curieuse façon de se poser en donneur de leçon.</p> + +<hr /> + +<p>(PS&nbsp;: Merci de ne pas citer les noms des protagonistes de cette affaire, le message serait immédiatement supprimé dans son intégralité, je ne vais pas m'amuser à faire de la correction).</p> + + + + + http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/07/1472-de-l-art-delicat-de-donner-des-lecons-a-qui-n-a-pas-appris-les-siennes#comment-form + http://www.maitre-eolas.fr/feed/atom/comments/1416 + + + + Les ternes vitres de la République + + urn:md5:e12640b573ae801dff2a603f91de78ec + 2009-07-06T11:01:22+00:00 + Eolas + Droit des étrangers + + <p>Alassane T. est mauritanien, il a 46 ans. Il habite Orléans, où il est laveur de vitres. Depuis 6 ans, il se rend une fois par mois au commissariat de police d'Orléans pour en nettoyer les carreaux. On l'y connait, on le salue et on le laisse circuler librement dans les bureaux.</p> + + +<p>Un jour, un policier lui demande ses papiers. Pourquoi&nbsp;? C'est toute la question, vous allez voir. Alassane, bien embêté, lui avoue qu'il est sans papier. S'ensuit la procédure standard&nbsp;: garde à vue pour séjour irrégulier, arrêté de reconduite à la frontière avec placement en centre de rétention pour 48 heures, classement sans suite de la procédure pour séjour irrégulier, la routine.</p> + + +<p>Au bout des 48 heures, notre laveur de carreau étant toujours là, le préfet doit saisir le juge des libertés et de la détention d'une demande de prolongation du placement en rétention pour 15 jours max. C'est à cette occasion enfin et à cette occasion <strong>seulement</strong> que l'étranger, assisté d'un avocat, pourra faire valoir ses arguments sur la légalité de la procédure ayant abouti à sa situation. Ça vous paraît dur&nbsp;? Il y a pire encore, vous allez voir.</p> + + +<p>À cette occasion, son avocat soulève la nullité du contrôle d'identité initial. Un classique.</p> + + +<p>Un policier ne peut pas demander ses papiers à qui il souhaite selon son envie. C'est l'article 78-2 du code de procédure pénale. <a href="http://maitre-eolas.fr/2009/05/15/1413-l-affaire-du-sarkozy-je-te-vois">J'en avais déjà parlé ici</a>, je vous renvoie à cet article pour les règles applicables.</p> + + +<p>Le commissariat d'Orléans n'est pas, après vérification auprès de <a href="http://www.ign.fr/">l'IGN</a>, à moins de 20 km d'une frontière&nbsp;: la frontière la plus proche, le périphérique sud, est à 120 km de là. Le procureur de la République n'avait certainement pas pris des instructions de procéder à des contrôles d'identité dans l'enceinte du commissariat pour rechercher des sans-papiers. Ne restait donc que le contrôle spontané. Il fallait donc établir qu'un laveur de carreau en train de laver des carreaux comme il le fait depuis 6 ans à cet endroit a une attitude constituant une raison plausible de soupçonner qu'il a commis ou tenté de commettre une infraction, ou qu'il se prépare à commettre un crime ou un délit, ou qu'il est susceptible de fournir des renseignements utiles à une enquête en cas de crime ou de délit, ou enfin qu'il fait l'objet de recherches ordonnées par une autorité judiciaire.</p> + + +<p>Brisons tout de suite le suspens&nbsp;: le préfet n'y est pas parvenu.</p> + + +<p>Le juge des libertés et de la détention annule le contrôle d'identité, au motif que “ le fait de venir laver les vitres d'un commissariat n'est pas une raison plausible de soupçonner que le laveur de vitres a commis ou tenté de commettre une infraction ”. Face à une telle motivation solide comme le granit, le parquet, qui a le sens de la pudeur, ne fait pas appel. Le contrôle d'identité était illégal&nbsp;: le policier n'avait aucun droit de demander ses papiers à Alassane. On peut s'offusquer de ces étrangers qui ne respectent pas la loi, mais à la condition de s'offusquer au moins autant quand ce sont les policiers qui le font, sous peine de perdre sa cohérence.</p> + + +<p>Le contrôle étant nul, la garde à vue qui l'a suivi aussi, puisqu'elle n'a plus de raison d'être. Et le placement en rétention, qui en découle logiquement. Alassane est remis en liberté.</p> + + +<p><em>End of story</em>, justice est faite&nbsp;?</p> + + +<p>Pas du tout.</p> + + +<p>Si vous avez suivi, vous avez dû tiquer. Le contrôle est d'identité est nul, la garde à vue aussi, le placement en rétention aussi… Mais <em>quid</em> de l'arrêté de reconduite à la frontière&nbsp;?</p> + + +<p>Eh bien il reste parfaitement valable. Conséquence logique et absurde de <a href="http://maitre-eolas.fr/2007/07/13/665-le-grand-divorce-de-1790-la-separation-des-autorites-administratives-et-judiciaires">la séparation des autorités administratives et judiciaires</a>&nbsp;: le juge judiciaire, en charge de la liberté individuelle, a annulé tout ce qui a porté atteinte à la liberté d'Alassane. Mais sa situation administrative ne regarde que le juge administratif, qui est saisi d'un recours totalement autonome, sur la légalité de cet arrêté. Peu lui importe à lui dans quelles circonstances cet arrêté a été pris, même si c'est à l'occasion d'une violation de la procédure pénale à l'origine. Le préfet avait-il le droit d'éloigner Alassane, ou celui-ci peut-il invoquer des circonstances qui imposent sa régularisation&nbsp;? Telle est la seule question qui intéresse le juge administratif. Il n'avait pas le droit de le priver de liberté&nbsp;? Peu importe. Le juge judiciaire a déjà tranché la question.</p> + + +<p>Le tribunal administratif d'Orléans,s'il a été saisi<sup>[<a href="http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/06/#pnote-1468-1" id="rev-pnote-1468-1">1</a>]</sup>, a dû statuer depuis longtemps&nbsp;: le contrôle d'identité a eu lieu le 10 juin, la notification de l'arrêté a dû avoir lieu le 11, recours déposé le 13 au plus tard (oui, c'est un samedi, et alors ?), le tribunal a dû statuer le 16 juin au plus tard, l'article L. 512-2 du CESEDA imposant au juge administratif un délai de 72 heures pour statuer sur le recours (même si ce délai, contrairement au délai de recours de 48 heures, n'est pas sanctionné&nbsp;: le juge peut statuer au-delà des 72 heures sans conséquences pour le dossier). Quelqu'un a des infos&nbsp;?</p> + + +<p>Car si le tribunal a estimé que l'arrêté de reconduite à la frontière était valable, le séjour illégal d'Alassane prendra<sup>[<a href="http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/06/#pnote-1468-2" id="rev-pnote-1468-2">2</a>]</sup> fin grâce à une procédure illégale.</p> + + +<p>Un partout, match nul.</p> +<div class="footnotes"><h4>Notes</h4> +<p>[<a href="http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/06/#rev-pnote-1468-1" id="pnote-1468-1">1</a>] Le recours doit impérativement être déposé dans les 48 heures de la notification.</p> +<p>[<a href="http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/06/#rev-pnote-1468-2" id="pnote-1468-2">2</a>] Je dois à la Vérité et à la Cour des comptes d'ajouter ici un peut-être, tant <a href="http://lesactualitesdudroit.20minutes-blogs.fr/archive/2009/07/05/la-police-des-etrangers-brasse-trop-d-air.html">le taux d'exécution des reconduites à la frontière est bas, et en diminution constante</a> ; je me flatte d'y être un peu pour quelque chose.</p></div> + + + + + + http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/06/1468-les-ternes-vitres-de-la-republique#comment-form + http://www.maitre-eolas.fr/feed/atom/comments/1413 + + + + « Sarkozy je te vois » : Prévenu, je te relaxe + + urn:md5:58194f3dacd05c01e0617788288afb48 + 2009-07-03T11:59:00+00:00 + Eolas + Brève + + <p>Épi&shy;lo&shy;gue de l&#8217;affaire de la célè&shy;bre saillie&#160;: «&#160;Sar&shy;kozy je te vois&#160;»&#160;: <a href="http://tempsreel.nouvelobs.com/speciales/societe/libertes_sous_pression/20090703.OBS2936/sarkozy_je_te_vois__le_jugement_rendu_ce_vendredi.html">le juge de proxi&shy;mité de Mar&shy;seille a relaxé l&#8217;ensei&shy;gnant pour&shy;suivi pour tapage diurne inju&shy;rieux</a>.</p> + + +<p>Le juge de proxi&shy;mité a estimé dans son juge&shy;ment que si le pro&shy;pos pou&shy;vait être “ mala&shy;droit et déplacé ”, il “ ne revêt pas de carac&shy;tère inju&shy;rieux ”, ce qui relève en effet de l&#8217;évi&shy;dence, mais pas tant que ça visi&shy;ble&shy;ment puis&shy;que l&#8217;offi&shy;cier du minis&shy;tère public avait requis la con&shy;dam&shy;na&shy;tion à 100 euros d&#8217;amende.</p> + + +<p>L&#8217;avo&shy;cat du pré&shy;venu a déclaré à la presse que «&#160;le juge de proxi&shy;mité est suf&shy;fi&shy;sam&shy;ment décrié pour que cette fois, on puisse lui ren&shy;dre hom&shy;mage, c&#8217;est avec beau&shy;coup d&#8217;à pro&shy;pos et de matu&shy;rité qu&#8217;il a motivé son juge&shy;ment&#160;».</p> + + +<p>Qu&#8217;il me soit per&shy;mis de dis&shy;con&shy;ve&shy;nir.</p> + + +<p>Si la relaxe me sem&shy;blait en effet s&#8217;impo&shy;ser, le juge n&#8217;avait pas à ména&shy;ger la chè&shy;vre et le chou en con&shy;ve&shy;nant que le pro&shy;pos était mala&shy;droit et déplacé.</p> + + +<p>Rap&shy;pe&shy;lons le pro&shy;pos&#160;: “ Sar&shy;kozy, je te vois ”. Mala&shy;droit&#160;? Déplacé&#160;? Et en quoi&#160;? Les juge&shy;ments de valeur sont dépla&shy;cés dans un juge&shy;ment en droit. Un pro&shy;pos viole la loi ou ne le viole pas, le juge n&#8217;a pas à jouer les arbi&shy;tres des élé&shy;gan&shy;ces. Bien sûr, il y a des excep&shy;tions (en droit, il y a TOU&shy;JOURS des excep&shy;tions). Quand un pro&shy;pos a cho&shy;qué l&#8217;opi&shy;nion publi&shy;que mais ne tombe pas sous le coup de la loi, le tri&shy;bu&shy;nal peut recon&shy;naî&shy;tre que le pro&shy;pos pou&shy;vait cho&shy;quer, est con&shy;tro&shy;versé, va con&shy;tre une thèse offi&shy;cielle, etc. Il suf&shy;fit de lire les juge&shy;ments de relaxe dont ont pu béné&shy;fi&shy;cier Jean-Marie Le Pen ou Dieu&shy;donné. Mais même en ce fai&shy;sant, il ne porte pas vrai&shy;ment de juge&shy;ment de valeur mais cons&shy;tate une évi&shy;dence et situe un con&shy;texte.</p> + + +<p>Dans notre affaire, le pro&shy;pos n&#8217;a cho&shy;qué per&shy;sonne. Je ne con&shy;nais per&shy;sonne qui ait approuvé ces pour&shy;sui&shy;tes, pas même Fré&shy;dé&shy;ric Lefèb&shy;vre, ce qui n&#8217;est pas peu dire. Aucune pré&shy;cau&shy;tion ver&shy;bale ne s&#8217;impo&shy;sait.</p> + + +<p>Vou&shy;loir donc ména&shy;ger la chè&shy;vre et le chou me paraît donc ici mala&shy;droit et déplacé. Une relaxe un peu plus cin&shy;glante aurait eu ma pré&shy;fé&shy;rence. Parce que la liberté d&#8217;expres&shy;sion le vaut bien.</p> + + + + + + + \ No newline at end of file diff --git a/test/text_output/eolas.output b/test/text_output/eolas.output new file mode 100644 index 0000000..b00f10b --- /dev/null +++ b/test/text_output/eolas.output @@ -0,0 +1,1239 @@ +Type: atom +Encoding: UTF-8 +Title: Journal d'un avocat +Link: http://www.maitre-eolas.fr/ +Description: +Creator: + +**************************************** +Item: Eolas au Journal Officiel + +Date: Sun Jul 26 17:51:00 UTC 2009 +Il suffit de partir à la plage cinq minutes et la Gloire vient frapper à votre porte. + +Assemblée Nationale, 2e séance du vendredi 24 juillet 2009. Extrait du compte-rendu analytique[1]. + +*M. le président.* La parole est à Mme Catherine Lemorton, pour soutenir l’amendement n° 174. + +*Mme Catherine Lemorton[2].* Permettez-moi de citer les explications que donne Eolas, sur le site *Journal d’un avocat,* à propos de l’avis du Conseil constitutionnel: «La loi HADOPI met en cause la responsabilité de l’abonné par la simple constatation du piratage, qui suffit à mettre en branle la machine à débrancher, sauf à ce que l’abonné démontre que le piratage est dû à la fraude d’un tiers (je laisse de côté la force majeure, qui exonère de toute responsabilité sans qu’il soit besoin de le prévoir dans la loi, et l’installation du logiciel mouchard, qui au contraire interdit *de facto *à l’abonné d’invoquer la fraude d’un tiers). Preuve impossible à rapporter. Ce renversement de la charge de la preuve aboutit à faire de l’abonné mis en cause un coupable jusqu’à ce qu’il prouve son innocence. C’est prévu par le code pénal nord coréen, mais pas par le nôtre. Le législateur a imaginé ce mécanisme anticonstitutionnellement.» Les événements des dernières semaines ne donnent-ils pas raison à l’auteur de ces lignes? + +Ici, le transcripteur a oublié de noter les probables *acclamations sur l’ensemble des bancs, le Président se lève et salue à l’invocation de ce nom*. + +M. le rapporteur bâille. On comprend qu’il soit fatigué. Pour lui éviter la peine d’une nouvelle sanction du Conseil constitutionnel, je lui suggère d’émettre un avis favorable à l’amendement n° 174, qui propose d’abroger l’article L. 336-3 du code de la propriété intellectuelle. + +Hélas (je graisse): + +*(Les amendements identiques nos 17 rectifié, 169, 172, *174*, 176 et 845 ne sont pas adoptés.)* + +  + +Notre démocratie va mieux, assurément, mais ça n’est pas encore ça. + +[1] http://www.assemblee-nationale.fr/13/cri/2008-2009-extra/20091035.asp#P6779_8003 +[2] http://www.assemblee-nationale.fr/tribun/fiches_id/331753.asp + +Feed: Journal d'un avocat + +Author: Eolas +**************************************** +Item: Une journée particulière + +Date: Thu Jul 23 22:02:00 UTC 2009 +*Par Dadouche* + +*Préliminaire: Ce billet, c’est un peu mon dossier de l’été à moi.* *Pas pour meubler en attendant la rentrée (Eolas ne s’arrête jamais: grâce à son thé pour cyclistes il franchit tous les cols en tête, alors que ses colocataires sont prêts à être ramassés par la voiture balai), mais parce qu’il est long et pas d’une actualité brûlante (quoique). Il n’intéressera peut-être pas tous les lecteurs (oui je sais, on fait mieux comme teasing), mais ça fait longtemps que j’avais envie de faire quelque chose à ce sujet.* + +Au cours d’une année riche en procès d’ampleur, la question de la publicité des débats et de la façon dont les médias rendent compte des procès et de leurs suites s’est posée à plusieurs reprises. On a pu évoquer ici même[1] la question de la publicité restreinte imposée par la loi pour le procès des meurtriers d’Ilan Halimi. +Le *Monde* a relaté avec circonspection[2] l’initiative de la Nouvelle République du Centre Ouest, dont le site proposait un *“live-blogging”* minute par minute du procès de Véronique Courjault. +Un débat sur la publicité à donner aux libérations de condamnés s’est même engagé sous un billet[3] de Sub Lege Libertas. + +Comment le public peut-il et doit-il être informé de ce qui se passe dans les prétoires? + +L’évolution des médias, la place prépondérante de la télévision (et la multiplication des chaînes), celle, montante, d’internet, ont changé la donne dans ce domaine également. + +Pascal Robert-Diard a expliqué l’été dernier dans une (excellente) émission[4] d’@rrêt sur image[1[5]] comment son blog lui permettait de retrouver le côté feuilletonnage que les journaux papier ne peuvent plus s’offrir. D’autres, comme Sylvie Véran[6] pour le Nouvel Observateur[2[7]], lui ont emboîté le pas. + +Les créateurs de la chaîne thématique Planète Justice[8], née en octobre 2007, n’ont quant à eux jamais caché leur souhait[9] de pouvoir à terme entrer dans les prétoires et retransmettre des procès et n’attendent que l’occasion de soulever à nouveau ce débat. + +*Quelles contraintes légales?* + +La question se pose sous plusieurs aspects + +- *les règles de publicité des débats* + +On peut penser que, pour pouvoir rendre compte d’une audience, encore faut-il pouvoir y assister[3[10]]. Et la presse est à cet égard logée à la même enseigne que le reste du public. + +Pour résumer, le principe général est que *les audiences sont publiques*, s’agissant aussi bien des procédures pénales (articles 306[11], 400[12] et 535[13] du Code de procédure pénale) que de la matière civile (article 22[14] du code de procédure civile). Tout citoyen doit pouvoir voir comment la justice est rendue en son nom. + +Les exceptions à ce principe ne peuvent être prévues que par la loi et sont motivées par des considérations de protection de l’ordre public ou de délicatesse pour les parties: +- huis clos, qui peut être ordonné si la publicité est *“dangereuse pour l’ordre ou les moeurs”* et qui est de droit si la victime de certaines infractions le réclame +- publicité restreinte devant le tribunal pour enfants et la cour d’assises des mineurs[4[15]] +- audience en chambre du conseil (en matière civile par exemple pour les affaires familiales, l’assistance éducative ou les tutelles; en matière pénale notamment pour les audiences relatives à l’exécution de la peine, aussi bien les requêtes en exclusion du bulletin n°2 du casier judiciaire que les débats devant le juge de l’application des peines). + +- *les règles sur le compte rendu des débats* + +Audience publique ne signifie pas forcément audience dont on a le droit de rendre compte. Et inversement. + +Les dispositions de l’article 39[16] de la loi de 1881 interdisent en effet de rendre compte de certains procès en diffamation et des débats *“concernant les questions de filiation, actions à fins de subsides, procès en divorce, séparation de corps et nullités de mariage, procès en matière d’avortement”*. Elles autorisent également les juridictions civiles à interdire le compte rendu d’un procès, même si le dispositif d’une décision peut toujours être publié. De même, diverses dispositions interdisent de publier l’identité d’un mineur poursuivi ou victime. + +En revanche, rien n’interdit de rendre compte par exemple d’un procès pénal tenu à huis clos. + +- *les règles de captation des audiences* + +De quels outils un journaliste peut-il se munir pour rendre compte d’un procès? +Jusqu’en 1954, il n’y avait pas de règles particulières. C’est ainsi que durant le procès de Gaston Dominici en 1953, le nombre d’appareils photographiques et surtout de flashs (à l’époque au magnésium) incommoda le président des Assises, qui avait les yeux sensibles (le pauvre). La retransmission radiophonique du réquisitoire de l’avocat général n’arrangea pas les choses. + +Aussi, par une loi du 6 décembre 1954, des dispositions furent-elles ajoutées à la Loi de 1881 sur la liberté de la presse, interdisant l’emploi de tout appareil d’enregistrement dans les salles d’audiences. Dans sa rédaction actuelle[17], il résulte de ce texte que *“dès l’ouverture de l’audience des juridictions administratives ou judiciaires, l’emploi de tout appareil permettant d’enregistrer, de fixer ou de transmettre la parole ou l’image est interdit. Le président fait procéder à la saisie de tout appareil et du support de la parole ou de l’image utilisés en violation de cette interdiction”*. + +Pour mémoire, précisons que Robert Badinter, épouvanté[18] à son arrivée place Vendôme en 1981 par l’état des archives judiciaires françaises, fit voter en 1984 une loi permettant la création d’archives audiovisuelles[19], dont le fond est à ce jour assez peu fourni, et que des autorisations sont ponctuellement données (dans un cadre légal que j’ ignore) pour la réalisation de documentaires et reportages sur le fonctionnement de la justice. + +Pour résumer, les dispositions de principe excluent de la salle d’audience pendant les débats les appareils photos, caméras, magnétophones et tout enregistreur. En revanche, cela n’empêche pas la prise de notes, y compris sur un ordinateur, ni la transmission, en différé ou en direct, de ces notes sur quelque support que ce soit. D’où la légalité de l’opération menée par la *Nouvelle République du Centre Ouest* lors du procès de Véronique Courjault[5[20]]. + +*Un procès médiatique* + +Le procès de Véronique Courjault, justement, parlons-en. Il a été couvert par plus de cent journalistes, auxquels étaient réservées la moitié des places de la salle d’audience et de la salle de retransmission, ainsi qu’une salle de presse, sans compter les facilités de parking pour les cars régies[6[21]]. +Il a été le support de cette expérience de *live-blogging* dont on entendra sûrement encore parler, et qui a donné lieu à d’intéressants débats dans la *Ligne j@une[22]* de Guy Birenbaum sur @si[7[23]] et dans *J’ai mes sources[24]* sur France Inter. +Il a été l’occasion pour une chaîne publique[25] de proposer sur Facebook un quizz, avec cette question d’une délicatesse infinie: “Véronique Courjault qui a avoué 3 infanticides échappera-t-elle à la prison à vie à l’issue de son procès? “ +Et puis, pour couronner le tout, en plein procès, une autre chaîne publique a cherché à résoudre l’ “énigme” dans une émission exceptionnelle (et croyez bien que je n’emploie pas ici cet adjectif dans un sens laudatif), mettant en scène un expert qui témoignait encore quelques heures plus tôt devant la Cour d’Assises et s’achevant par diverses considérations sur la peine à lui infliger. + +C’est parce que ce procès a conjugué tout ce qui se fait aujourd’hui en matière de couverture d’un événement judiciaire[8[26]] que j’ai trouvé intéressant de rechercher, pour une journée du procès, différents compte rendus qui ont pu en être faits, sur de multiples supports, et de voir les spécificités de chaque type de traitement de la matière judiciaire, avec les contraintes ou les contingences éditoriales qui sont propres à chaque média. + +Il ne s’agit pas d’une recension exhaustive, ni liée à la qualité (ou à un manque de qualité) de ces objets médiatiques. J’ai essayé de trouver, pour chaque type de support, un ou deux comptes rendus (ou ce qui peut en être l’équivalent) de sources différentes, en privilégiant autant que possible les médias qui avaient fait une couverture quotidienne de ce procès, et avec cette contrainte qu’ils soient intégralement (adieu les radios) et gratuitement (adieu *Le Monde*) disponibles en ligne. + +Je vous propose donc cette *journée particulière*, celle du 15 juin 2009 (choisie uniquement parce que c’est celle de cette fameuse émission). + +Pour replanter le décor, quelques mots: Véronique Courjault comparaît alors depuis le 9 juin 2009 devant la Cour d’Assises d’Indre et Loire à Tours et est accusée de trois assassinats sur mineurs de 15 ans, qui lui font encourir la réclusion criminelle à perpétuité. Elle reconnaît avoir tué les 3 nouveaux-nés, à l’issue de grossesses ignorées de tout son entourage. Durant les premiers jours d’audience ont été abordés sa personnalité, l’histoire de sa famille, ainsi que le déroulement des faits qui lui sont reprochés. + +En ce lundi 15 juin comparaissent des experts qui sont intervenus dans la procédures et des “sachants”, témoins cités par la défense ou l’accusation pour s’exprimer sur le phénomène du déni de grossesse ou des infanticides faisant suite à des grossesses cachées, sans avoir cependant expertisé l’accusée. + +- *Le Live Blogging* + +Sur le site de la *Nouvelle République du Centre Ouest*, le *live blogging* commence à 9 h 08 et s’achèvera à 20 h 30. Il est consultable ici[27]. Près de 9 h 30 d’audience, les dépositions de 8 experts et témoins, qui s’égrènent en 204 entrées successives, taille Tweeter, du genre: + +13h03 Michel Dubec poursuit sur la préméditation qui n’existe pas en général dans le cas d’infanticide, car il n’y a pas eu de préparation à l’accouchement. Les infanticides se passent souvent dans les toilettes, dans le lit, mais il n’y a pas préparation à la dissimulation. L’entourage s’en rend compte rapidement. En général, ce sont des accouchements faciles qui durent peu de temps. Ces femmes n’accouchent pas, elles perdent du corps, elles perdent un déchet. +13h08 On comprend facilement l’infanticide dans le cas d’un viol par exemple. On comprend beaucoup moins les femmes qui n’ont aucune raison de ne pas oser annoncer leur grossesse. C’est dans la personnalité, dans quelque chose qui vient d’avant qu’on peut chercher les réponses de ce mauvais déclic qui se passe. +13h16L’intervention de Michel Dubec permet de comprendre à quel point toutes ces notions sont relatives. +13h21 Le président interroge Michel Dubec sur les indicateurs de la dénégation et du déni: “On a du mal à se figurer que, sur neuf mois, la pensée soit en permanence imperméable. Son hypothèse: “Il y a des moments de résurgence de la conscience.” +13h30L’avocat général lui demande des précisions sur le déni de grossesse. “Malheureusement, c’est devenu une formule, alors que c’est un concept de travail qui ne clot ni le travail ni l’interprétation”, répond Michel Dubec. C’est un mécanisme qui peut être partiel, de nature psychotique chez quelqu’un qui n’est pas psychotique. On peut tous à un moment avoir “des psychoses fugitives. +13h33A la demande de Philippe Varin, Michel Dubec affirme une nouvelle fois qu’une “mère infanticide n’accouche pas d’un bébé. Elle laisse sortir du corps de son corps.” +13h39L’avocat général demande à Michel Dubec comment on peut savoir s’il s’agit d’une psychose transitoire ou psychose installée? Impossible de répondre, souligne Michel Dubec puisqu’il n’a pas rencontré l’accusée. Ce thème sera évoqué demain. + +D’abord, franchement, c’est à la limite du lisible (pire que ce billet). Au milieu de toutes ces informations qui se succèdent quasiment minute par minute, on s’y perd un peu. +Le ton, parfois pédagogue, parfois pédant, qui anime le plus souvent les dépositions d’expert et permet d’éviter le coup de pompe fatal en audience, manque pour s’accrocher à ce qui n’est pas un verbatim (chacun des deux journalistes qui a participé à ce travail inédit a insisté là dessus) mais une retranscription, qui conduit nécessairement à simplifier, qui peut laisser place à des contresens (et je ne dis pas que ça a été le cas en l’espèce). +Sur les retranscriptions des moments plus chargés en émotion (essentiellement les autres jours du procès), comme les interrogatoires de l’accusée, les deux journalistes ont indiqué avoir tenté de souligner les silences, les pleurs, les hésitations. + +La *Nouvelle République* a justifié son initiative en soulignant que chaque jour un public nombreux se pressait au tribunal et ne pouvait accéder à la salle d’audience faute de place (rappelons que la moitié des places étaient occupées par des journalistes…). +Il est vrai que le procédé adopté permet au plus grand nombre (35000 connexions sur l’ensemble du procès, dont 6000 le jour du verdict) de savoir à peu près exactement ce qui a été dit, avec le filtre d’un travail journalistique ainsi décrit par Jean-Christophe Solon au *Monde*: *“Dès qu’on tape une phrase, elle est en ligne. On n’est pas dans l’analyse, c’est du brut, mais on filtre tout de même comme on le ferait sur le papier. Par exemple, lorsque c’est trop intime, que ça touche les enfants, ou que l’on décrit l’hystérectomie subie par Véronique Courjault, parce que ça n’apporte rien au débat. On met seulement les temps forts.”*. + +Mais ce qui se dit au cours d’un procès, c’est un tout. Une vérité se tisse au fil des audiences, des résonances ou des contradictions apparaissent avec ce qu’a dit un autre témoin la veille. +C’est d’ailleurs une autre objection majeure que l’on peut à mon sens faire au *live blogging* d’un procès, particulièrement aux Assises: cela bat en brèche une règle de procédure[28] importante, selon laquelle les témoins ne peuvent pas assister à l’audience tant qu’ils n’ont pas témoigné. Ils patientent, le jour de leur convocation, dans une salle spéciale et un huissier vient les y chercher sur instruction du Président. La procédure d’assises repose sur l’oralité des débats, sur le fait que chacun vient à nouveau porter son témoignage devant la Cour, de façon séparée pour en préserver la sincérité. Si chaque témoin peut lire ce que les autres ont dit la veille ou dans l’heure qui précède, cela peut dans certains dossiers poser un vrai problème… + +- *Les quotidiens papiers nationaux* + +Au menu du jour, l’article[29] d’Isabelle Horlans dans France Soir et celui[30] de Stéphane Durand-Souffland dans le Figaro, tous deux vieux routiers de la chronique judiciaire[9[31]]. Dans leurs articles intitulés respectivement *“Un psychiatre et un gynécologue décryptent le mystère Courjault”* et *“Véronique Courjault marque des points”*, ils retiennent de cette journée les auditions de Michel Dubec[10[32]] et Israël Nisand[11[33]], qui semblent se compléter pour expliquer les versants psychique et physique du “déni de grossesse”. +Les deux journalistes pointent l’importance de ces auditions dans la compréhension des faits reprochés à l’accusé, voire la place essentielle qu’elles peuvent avoir pour sa ligne de défense. L’article de Stéphane Durand-Souffland met particulièrement en lumière les échos que le tableau clinique décrit par les deux experts peut avoir avec tout ce qui a été dit les jours précédents sur l’accusée et sa famille. + +Bref, de la chronique judiciaire “à l’ancienne” (ça n’a rien de péjoratif, au contraire), avec ce qu’il faut d’impressions d’audience imagées (*“L’accusée, blouse fleurie sous gilet rose, chevelure lâche sur les épaules, semble enregistrer chaque parole, la décortiquer et l’appliquer tel un baume sur son désarroi mal exprimé.”* sous la plume d’Isabelle Horlans) et de mise en perspective par rapport aux enjeux du procès ( *“Quoi qu’il en soit, le procès de Véronique Courjault a connu, lundi, un tournant. La cour entendra mardi matin, à la veille du verdict, les deux collèges de psychiatres qui, eux, ont examiné l’accusée. Aucun n’a conclu qu’elle souffrait d’un déni de grossesse proprement dit. Seul le second envisage une relative altération de son discernement au moment des accouchements dénaturés qui ont entraîné la mort des nourrissons. Qui a raison? Question subsidiaire: comment rendre justice aux bébés morts, sans accabler plus encore deux garçons, bien vivants, attendant le retour d’une mère qui les a toujours adorés?”* en conclusion pour Stéphane Durand-Souffland). + +Au final, sur 8 personnes entendues pendant la journée, 6 sont passées à la trappe de la moulinette journalistique, soit (j’ai compté grâce au *live blogging*!) 6 heures et 15 minutes d’audiences perdues dans les limbes. Evidemment, le principe même d’un compte rendu (et du travail journalistique), c’est de retenir la substantifique moelle de ce qui a été dit, de faire un tri pour retenir le plus signifiant, le plus important. Pourtant, aucun des deux experts (manifestement brillants et pédagogues orateurs) abondamment cités par les chroniqueurs n’a même rencontré Véronique Courjault et n’a donc pu parler d’elle précisément. Et malgré tout, on a bien le sentiment que c’est ce qui a été au coeur de l’audience qui est là repris. + +L’art de la chronique judiciaire, c’est aussi de savoir relayer, en leur donnant chair, les moments importants de l’audience. Mais importants de quel point de vue? Peut-être pas de celui de l’institution judiciaire, pour qui l’essentiel n’est pas uniquement de comprendre ce qu’est le déni de grossesse, mais de savoir si l’accusée était dans ce cas et dans quelle mesure cela peut atténuer sa responsabilité et influer sur la peine qui sera prononcée. D’où l’intérêt, pour la Cour et les jurés d’avoir, eux, eu connaissance des conclusions des autres experts. + +- *les télévisions nationales* + +Les journaux de 20 heures de TFI et France 2 ont traité de cette journée. +Sur TF1, c’est le neuvième sujet[34] du journal de Laurence Ferrari. Signé de Dominique Lagrou-Sempère, il consiste pour la plus grande part dans une interview du frère de l’accusée, avec une mention des éléments apportés par les experts du jour sur le déni de grossesse et une conclusion d’une trentaine de secondes de la journaliste (filmée devant le Palais de Justice) sur le manque de réponse à la question centrale du procès “Pourquoi l’infanticide? “. +Sur France 2, David Pujadas lance le sujet au bout de 20’21” et laisse place (en douzième position) au reportage très classique de Dominique Verdeilhan, spécialiste judiciaire de la chaîne[12[35]]. Lui aussi retient les témoignages de Michel Dubec et Israël Nisand, qu’il évoque sur fond d’images des intéressés hors de la salle d’audience, avec la courte (et traditionnelle) interview du témoin vedette entouré de caméras et de micros dans la salle des pas perdus. La conclusion est elle aussi un passage obligé: après une courte image d’un dessin d’audience représentant l’accusée, le journaliste est filmé devant le Palais de Justice et résume les enjeux du procès du jour, en rappelant les déclarations antérieures de l’accusée. + +C’est la loi du genre judiciaire télévisuel: comment rendre compte de ce dont on n’a pas le droit de faire des images? En faisant des images “autour”. Quiconque a eu la douteuse chance de passer dans un tribunal lors d’un procès médiatisé a vu les caméras et micros plantés à l’extérieur de la salle d’audience, attendant qu’une suspension leur livre leur content de déclarations des uns ou des autres. +Les comptes rendus d’audience sont aussi généralement l’occasion d’admirer l’architecture judiciaire française, tant les Palais sont souvent filmés sous toute les coutures pour occuper l’image pendant que le journaliste aborde le fond dans son commentaire. +TF1 a ici pu changer un peu l’ordinaire avec son interview, certainement émouvante sur un plan humain, mais qui n’apprend pas grand chose sur le déroulement de l’audience. Comme on n’a pas pu avoir *in vivo* l’audition des membres de la famille de l’accusée, on la reproduit *in vitro*. +Le format court des reportages (moins de deux minutes) ne permet pas non plus de faire dans la dentelle, et ce sont les formules les plus fortes qui demeurent. Mais ça n’est évidemment pas spécifique au genre judiciaire. + +- *Les médias internet* + +Dans cette catégorie qui n’en est peut être pas vraiment une, je range les médias qui n’ont d’existence que sur internet. Comme la presse plus traditionnelle, ils ont chacun leur ligne éditoriale et des façons de travailler assez différentes. Je ne cherche donc pas à comparer les deux que j’ai retenus, le but étant surtout de voir si le web peut avoir une spécificité dans le traitement de l’audience. J’ai cherché les contenus autres que la traditionnelle resucée de la dépêche AFP. + +Le post.fr[36] est un site d’actualité, alimenté tant par une rédaction que par les internautes. On y trouve donc des choses très diverses. +L’info[37] mise en ligne par la rédaction sur cette 5ème journée du procès est une sorte de (très brève) synthèse (assumée) d’autres médias, avec des liens vers le site de RMC et le live blogging de la NRCO, en reprenant la question des divergences des experts. Comme quoi on peut rendre compte d’une audience à laquelle on n’a pas assisté (bien ou mal, c’est une autre question). +Le Post met aussi en ligne une “info brute”, c’est à dire écrite par un “posteur” (ces infos brutes ne sont pas vérifiées par la rédaction et n’engagent que l’opinion de leurs auteurs”), intitulée “Affaire Courjault: la déposition d’un expert du déni de grossesse”[38]. Son auteur y relate la déposition d’Israël Nisand (censé être neutre puisqu’il n’a jamais rencontré l’accusée), et dont on croit pouvoir comprendre qu’elle y a assisté ou qu’en tout cas elle fait “comme si”[13[39]], puis s’adresse *“à toutes les mères”*, leur demandant d’imaginer *“un seul instant une grossesse ignorée”* et conclut sur l’inutilité d’une peine de prison et la nécessité d’une obligation de soins. Je m’interroge sur le statut de ce que le Post qualifie d‘“info”, brute certes mais “info” quand même. + +Dans un registre très différent, Slate.fr[40] *“a pour ambition de devenir l’un des principaux lieux en France d’analyses et de débats dans les domaines politiques, économiques, sociaux, technologiques et culturels”*. Il met en ligne des articles écrits par la rédaction, des chroniques d’auteurs réguliers et des traductions d’articles de son “grand frère” américain slate.com. +C’est Jean-Yves Nau qui a “couvert” le procès de Tours par des billets (que j’appelle ainsi plutôt qu’articles parce que j’ai eu l’impression d’un traitement plus proche du blog) quotidiens. Il a publié, les 15 et 16 juin, deux billets consacrés à la cinquième journée d’audience. +Le premier[41] est consacré à la matinée et aux experts que tout le monde a oubliés et dont il pointe le jargon et le manque de clarté. Il raconte dans la longueur certains moments d’audience, comme le dialogue entre Me Henri Leclerc et l’une des experts (à laquelle il taille un vrai costard). +C’est sans doute sa formation de médecin qui a conduit Jean-Yves Nau à retenir également de cette journée d’audience ce qui lui apparaît comme un rebondissement de l’affaire: le fait que Véronique Courjault n’a pas pu étouffer ses enfants[42], en tout cas selon les explications données par Israël Nisand. Il montre alors les coulisses du procès: comment, à une suspension d’audience, les avocats de la défense sont allés demander au témoin des éclaircissements sur un point brièvement abordé dans son audition et lui ont ensuite demandé de revenir à la barre, où il a expliqué que le fait d’accoucher seule entraîne mécaniquement des manoeuvres qui peuvent entraîner la mort du nouveau né, avant même qu’il soit vraiment né. +Le compte rendu ici livré me paraît se rapprocher de ce feuilletonnage cher à Pascale Robert-Diard, qui ne paraît possible que sur internet, où les contraintes de bouclage, de rendez-vous obligé et d’espace sont moins contingentes que dans les médias traditionnels. +La mention d’éléments personnels à l’auteur, l’emploi de la première personne ( *“Je connais le Pr Israël Nisand de longue date du fait, notamment, de petites divergences sur quelques sujets essentiels de bioéthique. Durant la suspension d’audience je lui rappelle que Véronique Courjault avait déclaré que les deux enfants avaient «criés». Il répond qu’il s’agissait plus vraisemblablement non pas d’un «cri»mais d’un «gasp».”*) est aussi inhabituelle par rapport à un compte rendu d’audience classique. + +- *Les médias locaux* + +Ce sont les médias locaux qui produisent le plus grand nombre de compte rendus d’audience. +A de nombreuses audiences correctionnelles on peut voir le journaliste local prendre des notes et on retrouve dans les colonnes du quotidien régional quelques lignes sur des affaires judiciairement assez banales. Les affaires d’Assises sont toujours couvertes. +“Nos” journalistes sont souvent de fins connaisseurs de “leur” tribunal, “leurs” experts, “leurs” avocats, et du fonctionnement judiciaire au quotidien, comme le montrent ici même les commentaires de Didier Specq. +C’est pourquoi j’en fais une catégorie à part dans ce petit exercice. + +D’après mes recherches (ou disons mon rapide furetage sur le toile), la presse quotidienne locale à Tours se résume essentiellement à la *Nouvelle République* qui, outre le quotidien papier, possède 40% de TV Tours[43], la chaîne de télévision locale. Il y a bien sûr également le bureau local de France 3 qui produit, outre des reportages pour les éditions de F3 Paris Ile de France Centre, un décrochage quotidien. + +Le compte rendu d’audience[44] de la NRCO “papier” (réalisé par d’autres journalistes que ceux qui ont fait le *live blogging*, issus de la rédaction multimédia), est assez classique (le triptyque Dubec/Marinoupolos/Nisand) agrémenté de petits articles sur les à côtés du procès: une rencontre[45] avec des “pointures” de la chronique judiciaire[14[46]], une brève sur la longue expérience du greffier[47] de la cour d’assises + +Les reportages de TV Tours[48] et de France 3 Val de Loire Touraine[15[49]] ont en commun, outre le résumé de l’audience et les images habituelles de salle d’audience et de salle des pas perdus, d’avoir donné la parole à un expert local, seule interviewée. Les experts “nationaux” ne sont qu’aperçus. Un reportage de France 3 Ile de France Centre (cliquer “compte rendu d’audience” à la date du 15 juin dans ce lien[50]) peut laisser penser que c’est parce que seuls les médias nationaux ont pu approcher d’assez près les sommités… + +Dans les médias locaux, on fait (logiquement) plutôt dans la proximité: la locale de France 3 est présentée devant le Palais de Justice, la médiatisation du procès est autant un sujet que le procès lui même. + +- *Le pompon (faute de nom plus adéquat de catégorie)* + +Avec l’émission *Mots Croisés[51]* diffusée le 15 juin 2009, on est devant un objet télévisuel très mal identifié. Sur le plateau d’Yves Calvi ce soir là: Marie-Pierre Courtellemont, grand reporter à France 3, “spécialiste” de cette affaire qu’elle suit et sur laquelle elle prépare un second livre[16[52]], Daniel Zagury, expert psychiatre, Pierre-Olivier Sur, avocat pénaliste, Violaine-Patricia Galbert, psychothérapeute et assesseur au tribunal pour enfants de Paris et le témoin vedette de la journée, Israël Nisand. Point commun à tous ces invités: aucun d’eux n’a rencontré l’accusée ou n’a en principe eu accès au dossier. + +Yves Calvi est un récidiviste du carambolage temporel dans cette affaire[17[53]]. Le 16 octobre 2006, quelques jours après la mise en examen de Véronique Courjault, il avait déjà consacré une émission au thème “Quand une mère tue ses bébés”[54] (deux des invités du 15 juin y étaient déjà et ont assez peu évolué), qui avait été l’occasion d’un ramassis de spéculations et hypothèses, voire d’affirmations péremptoires sur cette affaire alors que l’enquête commençait à peine. + +Tout au long de cette nouvelle émission, il se défend de *“refaire le procès”*. +Compliqué dans un débat intitulé *“Bébés congelés, le procès”*, alors même qu’on commence par *“nous allons essayer d’en savoir un peu plus sur ce procès pas comme les autres”* puis qu’on invite les participants, après des généralités très intéressantes (ce n’est pas ironique) sur le mécanisme du déni de grossesse, à *“s’arrêter sur ce qu’on pourrait appeler le cas Courjault”*(25’35”). +Chacun parle de l’audience comme s’il y avait assisté ( Daniel Zagury 15’21”: *“ce qu’elle nous dit”*, Violaine-Patricia Galbert 28’31”: *“le président a bien repris les différents termes des dépositions”*). +On vérifie qu’on est bien dans les clous (Yves Calvi à Marie-Pierre Courtellemont 30’20”: *“est ce que les débats au procès tournent autour de ce qu’est notre conversation de ce soir?”*). +On s’interroge sur la psychologie du mari (Yves Calvi 47’41”) *“qu’on voit quotidiennement venir défendre sa femme à la télé”*(sic). +Et on termine sur la composition du jury, une proposition de requalification (Yves Calvi 45’27”: *“c’est au minimum de la non assistance à personne en danger”*) et les avis des uns et des autres sur la peine à infliger. Sans compter cette perle de la journaliste qui écrit un livre sur cette affaire et qui souligne à quel point la médiatisation de l’affaire est déjà une terrible punition pour l’accusée. Au final, sur une heure et six minutes d’émission, le témoignage d’une femme ayant vécu un déni de grossesse était probablement le moment le plus utile et intéressant. + +On voit bien les limites inhérentes à ce type d’émission avant qu’une affaire soit définitivement jugée. Et plus généralement la persistance de cette illusion du caractère pédagogique d’un procès en particulier sur de grands sujets de société. Une affaire criminelle est une affaire unique. Parce que c’était *cet* accusé, parce que c’étaient *ces* circonstances, parfois parce que c’était *cette* victime. + +Qu’une affaire judiciaire soit une des illustrations d’un débat de société plus large, très bien, les prétoires sont un des reflets de la société. Qu’elle en soit le point de départ, et il y a presque toujours maldonne. Un procès, c’est quand même d’abord fait pour juger une affaire particulière. Pas pour soigner la société ou faire l’éducation des foules. + +*Avantage au blog?* + +Un bilan peut-il être dressé des comparaisons que je viens de faire? Comme je ne me suis pas tapé tout ça pour rien, je vais m’y employer: + +Le “débat” (qu’il soit télévisé ou radiophonique) me semble une impasse, parce qu’il ne peut que reproduire le mécanisme du procès. +Un asinaute[55] ne s’y est d’ailleurs pas trompé: *“Et soudain, le déroulé de l’émission saute aux yeux, c’est celui d’un procès: personnalité de l’accusée, discussion pro et contra sur les faits et leur qualification, interprétation des actes de l’accusée, énoncé de la peine”*. +Il me semble en tout cas nécessaire qu’il y ait un décalage dans le temps et une forme plus documentaire, comme l’émission *Faites entrer l’accusé* (dont on peut d’ailleurs supposer que le numéro consacré à cette affaire est déjà sur les rails). + +Le compte rendu télévisé souffre de ne pas pouvoir montrer ce dont il parle et tente de refaire une partie de l’audience à l’extérieur de la salle en interrogeant les témoins, les victimes ou les avocats. +Et s’il était possible d’avoir des images de l’audience, il me semble que le risque serait massif de ne retenir que le moment fort, l’instant lacrymal, le témoignage scandaleux. +Une audience, c’est la vérité toute nue, parfois toute crue. Tout dans un procès n’est d’ailleurs pas livré aux spectateurs qui sont dans la salle, quand par exemple le président fait passer aux assesseurs et aux jurés des photos (classiquement celles de l’autopsie) ou un document tiré du dossier. S’il est légitime que toute la réalité, si dure soit-elle, soit exposée à ceux qui vont juger de l’affaire, l’afficher telle quelle, par petit bout, sur les écrans du 20 heures serait à mon sens d’une grande violence. + +Le *live blogging* n’apporte aucune analyse. Il peut être un outil pour qui veut suivre une audience dans la longueur, mais il pâtit du manque de cette mise en relief qui résulte de l’oralité des débats: le ton, la vitesse d’élocution qui change, les silences, les regards, les réactions de l’accusé ou des avocats, la partie civile qui quitte la salle parce que les paroles de l’accusé sont insoutenables, bref, tout ce qui fait la vie d’une audience. +Le procédé va certainement se développer (on l’annonce déjà pour le procès Clearstream) et évoluera peut être vers quelque chose de plus élaboré, comme l’a fait la Dépêche du Midi pour le procès AZF, avec un blog[56] assez proche d’une retranscription verbatim (en apparence) mais d’une lecture plus aisée (un billet par audition ou plaidoirie, introduit par une ou deux phrases résumant de qui il s’agit) et sur une affaire avec des aspects techniques qui se prêtent peut être mieux à l’exercice. + +C’est finalement le compte rendu écrit, qu’il émane de la presse “traditionnelle” ou d’internet, qui me paraît le plus adapté aux audiences. Le temps nécessaire à l’écriture, la distance émotionnelle que permet l’écrit (par rapport à un extrait audio-visuel d’une déposition) couplée à la possibilité de faire vivre l’audience par le talent du journaliste, et même l’illustration quasi-obligée par un dessin d’audience qui fait également filtre par rapport à une image “réelle”, tout cela me paraît imposer le recul indispensable au travail du chroniqueur judiciaire qui, pour reprendre la formule de Paul Lefèvre dans la *Ligne j@une*, *“n’est pas de dire ce qu’il se passe mais de dire ce que signifie ce qu’il se passe”*. C’est évidemment un aspect essentiel du travail journalistique en toute matière, mais cela me semble particulièrement indispensable dans un univers aussi codé que celui de la justice. + +Enfin, il me semble qu’Internet, et notamment le format blog, apporte un plus. Ce média peut, quand il est utilisé avec talent et déontologie, avoir les vertus de l’écrit en étant moins soumis aux contraintes de longueur ou de fréquence du papier. Une condition essentielle, et difficile à remplir avec le web, est cependant d’afficher clairement la couleur pour savoir qui écrit et de quelle place (ça non plus ça n’est pas propre au genre judiciaire), information qu’on a implicitement quand on ouvre tel journal papier ou qu’on branche telle chaîne de télévision. + +*A quand les raccords de maquillage aux suspensions d’audience?* + +Alors que le procès se fait à la télévision, que les paroles prononcées à l’audience s’inscrivent sur nos écrans quasiment en temps réel, qu’est ce qui justifie encore le bannissement des caméras des salles d’audience et l’interdiction de la retransmission des procès? + +D’autant qu’on est en train de franchir un nouveau pas, puisque des documentaristes prépareraient des reconstitutions de procès[57]. Et devinez pour quelle affaire on va expérimenter le procédé? + +Le débat sur la possibilité de filmer les audiences va bien au delà de la question du matériau qui peut être à la disposition des journalistes pour traiter d’une affaire. On évoque ainsi souvent le droit pour les citoyens à voir (et donc contrôler) comment la justice est rendue en leur nom, et le fait que la captation et la diffusion des procès ne serait finalement qu’un changement d’échelle par rapport à une chronique judiciaire “papier”. + +Une commission avait été réunie en 2003 pour proposer des solutions, sous la présidence de Mme Linden, première présidente de la Cour d’appel d’Angers. Son rapport[58], soigneusement enterré depuis, proposait des solutions réfléchies et équilibrées et posait, bien mieux que je ne saurais le faire synthétiquement à l’issue de ce déjà très long billet, les enjeux majeurs de l’entrée des caméras dans le prétoire. Je voudrais pour conclure en extraire ces lignes, mises en exergue de la contribution de Pierre Rancé à cette commission: + +“La Justice n’a pas à se projeter pour prouver qu‘elle n’a rien à cacher. C’est au citoyen de venir constater que la Justice ne lui cache rien. Il ne saurait entrer dans les prévisions des codes de procédures civile et pénale d’assurer une publicité médiatique, voire commerciale, aux audiences. Si les portes du procès restent ouvertes, c’est afin que chacun puisse attester que le déroulement de l’audience est transparent et que le principe du contradictoire est respecté. La mise sur la place publique du procès est le contraire de la publicité de l’audience.”. + +Notes + +[1[59]] eh oui, c’est réservé aux abonnés. C’est pas pour faire de la pub (pas de pub chez Eolas), mais franchement 30 euros par an ça vaut le coût… Pour s’abonner c’est là[60] + +[2[61]] pour les plus motivés, les comptes rendu des audiences du CSM relatives à Fabrice Burgaud, écrit par Stéphane Arteta, sont particulièrement intéressants, par exemple là[62] + +[3[63]] bien que des comptes rendus d’audience aient été faits sur le procès de Youssouf Fofana et ses comparses, notamment sur le blog[64] d’Elsa Vigoureux + +[4[65]] sauf si le mineur, devenu majeur le jour du procès, demande la publicité des débats + +[5[66]] notons que c’est sur “interpellation” (pour ne pas dire dénonciation) d’un journaliste de radio que la Chancellerie a été amenée à prendre position sur cette question + +[6[67]] voir sur cela cet intéressant reportage[68] du club de la Presse du Val de Loire + +[7[69]] celle là est en accès libre, mais ça n’empêche pas de s’abonner[70] + +[8[71]] et certainement pas pour le fond du dossier, qui n’est pas très différent de celui de beaucoup de dossiers d’infanticides instruits et jugés chaque année par les juridictions françaises + +[9[72]] Stéphane Durand-Souffland est par ailleurs président de l’association de la presse judiciaire + +[10[73]] expert psychiatre qui a publié en 1992 un ouvrage de référence sur les infanticides, cité par l’avocat général + +[11[74]] gynécologue-obstétricien, expert, qui a lui aussi publié un ouvrage sur le sujet, cité par la défense + +[12[75]] reportage que vous ne pourrez voir car, à l’heure où je fais les ultimes corrections, il n’est plus en ligne. Heureusement, je me le suis infusé plusieurs fois, il va falloir me faire confiance pour le résumé… + +[13[76]] elle évoque “D’un côté, dans le box des accusés, une femme que je me garderais bien de juger, accusée d’infanticide, de l’autre le professeur Israël Nisand, spécialiste français du déni de grossesse.” + +[14[77]] on peut aussi penser que faire ainsi intervenir des tiers qui partageaient un avis pour le moins critique sur la conduite de l’audience par le président a permis aux journalistes locaux de ne pas se montrer eux mêmes frontalement critiques envers le président qu’ils croisent à chaque session + +[15[78]] même problème que pour le 20 h de France 2 + +[16[79]] en fait, le temps que je corrige, relise, recorrige et rerelise ce billet, elle a eu le temps de le publier[80] + +[17[81]] et pas que dans cette affaire, puisqu’il a notamment consacré une émission[82] au procès Fofana quinze jours après le début des audiences, en présence notamment de deux des avocats concernés + +[1] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/04/30/1395-la-protection-des-mineurs-est-elle-soluble-dans-la-pedagogie +[2] http://mobile.lemonde.fr/societe/article/2009/06/19/la-justice-en-direct-sur-le-net_1208839_3224.html +[3] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/06/26/1459-en-effleurant-ce-rai-de-lumiere-dune-porte-entrebaillee +[4] http://www.arretsurimages.net/contenu.php?id=927 +[5] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#pnote-1439-1 +[6] http://chroniquesjudiciaires.blogs.nouvelobs.com/ +[7] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#pnote-1439-2 +[8] http://www.planetejustice.fr/info/chaine.html +[9] http://www.ecrans.fr/Faites-entrer-Planete-Justice,2211.html +[10] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#pnote-1439-3 +[11] http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=211B069ABD4B0640261FC35797319B12.tpdjo14v_2?idArticle=LEGIARTI000006576166&amp;cidTexte=LEGITEXT000006071154&amp;dateTexte=20090715 +[12] http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=211B069ABD4B0640261FC35797319B12.tpdjo14v_2?idArticle=LEGIARTI000006576488&amp;cidTexte=LEGITEXT000006071154&amp;dateTexte=20090715 +[13] http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=211B069ABD4B0640261FC35797319B12.tpdjo14v_2?idArticle=LEGIARTI000006576887&amp;cidTexte=LEGITEXT000006071154&amp;dateTexte=20090715 +[14] http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=211B069ABD4B0640261FC35797319B12.tpdjo14v_2?idArticle=LEGIARTI000006410115&amp;cidTexte=LEGITEXT000006070716&amp;dateTexte=20090715 +[15] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#pnote-1439-4 +[16] http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do;jsessionid=A35B8E6443678B34BB5C1AC438D1AD40.tpdjo09v_3?idArticle=LEGIARTI000006419766&amp;cidTexte=LEGITEXT000006070722&amp;dateTexte=20090714 +[17] http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do;jsessionid=7AD49468F4C4C159784BA46AFEDC71D5.tpdjo04v_3?idArticle=LEGIARTI000006419761&amp;cidTexte=LEGITEXT000006070722&amp;dateTexte=20090712 +[18] http://www.ques2com.fr/pdf/1-e1.pdf +[19] http://www.archives-judiciaires.justice.gouv.fr/index.php?rubrique=10774&amp;ssrubrique=10842 +[20] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#pnote-1439-5 +[21] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#pnote-1439-6 +[22] http://www.dailymotion.com/relevance/search/courjault/video/x9qaof_07-stern-courjault-integrale_news +[23] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#pnote-1439-7 +[24] http://sites.radiofrance.fr/franceinter/em/jaimessources/index.php?id=81499 +[25] http://www.france-info.com/spip.php?article304003&amp;theme=81&amp;sous_theme=113 +[26] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#pnote-1439-8 +[27] http://www.lanouvellerepublique.fr/dossiers/actu/index.php?dos=bb_seoul&amp;num=201304 +[28] http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=A35B8E6443678B34BB5C1AC438D1AD40.tpdjo09v_3?idArticle=LEGIARTI000006576208&amp;cidTexte=LEGITEXT000006071154&amp;dateTexte=20090714 +[29] http://www.francesoir.fr/faits-divers/2009/06/16/courjault-psychiatre.html +[30] http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2009/06/16/01016-20090616ARTFIG00005-veronique-courjault-marque-des-points-.php +[31] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#pnote-1439-9 +[32] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#pnote-1439-10 +[33] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#pnote-1439-11 +[34] http://videos.tf1.fr/jt-20h/le-frere-de-veronique-courjault-temoigne-4443759.html +[35] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#pnote-1439-12 +[36] http://www.lepost.fr +[37] http://www.lepost.fr/article/2009/06/15/1578808_proces-courjault-deni-de-grossesse-ou-refus-de-maternite.html +[38] http://www.lepost.fr/article/2009/06/16/1579895_affaire-courjault-la-deposition-d-un-expert-du-deni-de-grossesse.html +[39] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#pnote-1439-13 +[40] http://www.slate.fr/story/qui-sommes-nous +[41] http://www.slate.fr/story/6607/courjault-veronique-psychologique-portrait-proces +[42] http://www.slate.fr/story/6635/veronique-courjault-etouffer-bebes-justice-deni-grossesse +[43] http://fr.wikipedia.org/wiki/TV_Tours +[44] http://www.lanouvellerepublique.fr/dossiers/actu/index.php?dos=bb_seoul&amp;rub=proces&amp;num=215364 +[45] http://www.lanouvellerepublique.fr/dossiers/actu/index.php?dos=bb_seoul&amp;rub=proces&amp;num=215415 +[46] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#pnote-1439-14 +[47] http://www.lanouvellerepublique.fr/dossiers/actu/index.php?dos=bb_seoul&amp;rub=proces&amp;num=215414 +[48] http://www.youtube.com/watch?v=Y1Od1qPDL4E +[49] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#pnote-1439-15 +[50] http://paris-ile-de-france-centre.france3.fr/info/centre/Proc%C3%A8s-Courjault:d%C3%A9n%C3%A9gation-ou-d%C3%A9ni-de-grossesse-50776734.html +[51] http://info.francetelevisions.fr/video-info/index-fr.php?id-video=manuel_ftvi_mc_20090615_160620090931_F2 +[52] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#pnote-1439-16 +[53] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#pnote-1439-17 +[54] http://mots-croises.france2.fr/25210858-fr.php +[55] http://www.arretsurimages.net/contenu.php?id=2066 +[56] http://blogazf.ladepeche.com/ +[57] http://www.francesoir.fr/television/2009/07/04/tf1-proces-prime-time.html +[58] http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/054000143/0000.pdf +[59] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#rev-pnote-1439-1 +[60] http://www.arretsurimages.net/abonnements.php +[61] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#rev-pnote-1439-2 +[62] http://chroniquesjudiciaires.blogs.nouvelobs.com/archive/2009/02/03/new.html +[63] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#rev-pnote-1439-3 +[64] http://elsa-vigoureux.blogs.nouvelobs.com/ +[65] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#rev-pnote-1439-4 +[66] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#rev-pnote-1439-5 +[67] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#rev-pnote-1439-6 +[68] http://www.youtube.com/watch?v=brtNglEg1Ok +[69] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#rev-pnote-1439-7 +[70] http://www.arretsurimages.net/abonnements.php +[71] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#rev-pnote-1439-8 +[72] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#rev-pnote-1439-9 +[73] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#rev-pnote-1439-10 +[74] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#rev-pnote-1439-11 +[75] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#rev-pnote-1439-12 +[76] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#rev-pnote-1439-13 +[77] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#rev-pnote-1439-14 +[78] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#rev-pnote-1439-15 +[79] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#rev-pnote-1439-16 +[80] http://www.hachette.com/livre/marie-pierre-courtellemont-les-bebes-congeles-de-seoul-335816.html +[81] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#rev-pnote-1439-17 +[82] http://mots-croises.france2.fr/54100097-fr.php + +Feed: Journal d'un avocat + +Author: Dadouche +**************************************** +Item: Un mot du proprio + +Date: Thu Jul 23 00:05:00 UTC 2009 +Je pars quelques jours en vacances bien méritées au soleil. + +N’attendez donc pas de billet de ma part avant une quinzaine de jours. Je laisse les clés aux colocs. + +Soyez sages. + +Feed: Journal d'un avocat + +Author: Eolas +**************************************** +Item: Comment prévoir ce que le juge va décider ? + +Date: Wed Jul 22 14:43:00 UTC 2009 +*Par Paxatagore* + +Aux Etats-Unis, les juges fédéraux sont nommés par le président des Etats-Unis, à vie. Comme tout un paquet de hauts responsables, la décision du Président doit être confirmée par le Sénat. Le Sénat donne son accord après une audition, plus ou moins longue, de l’impétrant par le comité judiciaire du Sénat. A cette occasion, on discute de ses conceptions juridiques et, forcément, politique, de ses précédentes décisions (s’il était déjà juge) ou de ce qu’il pense de telles ou telles décisions importantes. C’est un exercice délicat, parfois long, et le candidat a pour objectif d’éviter de se lier les mains tout en se mettant le moins de monde à dos. Certains ne passent pas la barre et sont désavoués par le Sénat. Notre hôte a plusieurs fois évoqué, ces derniers jour, la procédure de nomination, toujours en cours, de Mme Sonia Sottomayor, comme *justice* à la cour suprême. + +Pour autant, il faut bien avoir à l’esprit que ce que le candidat-juge peut dire pendant ces auditions n’a strictement aucune valeur juridique. Il peut donner son avis sur plein de questions, y compris la meilleure façon de cuisiner les petits pois, on ne pourra pas par la suite le révoquer parce que les décisions qu’il rend ne sont pas conformes à ce qu’on attendait de lui. C’est l’une des grandes limites de l’exercice. Cette chronique[1] recense plusieurs cas, fameux, dans l’histoire américaine, où des candidats choisis en fonction des convictions qu’on leur supposait, se sont révélés avec le temps bien différents. Le cas le plus récent est celui de David Souter, nommé par les Républicains et qui faisait alors profession de foi d’originalisme (une doctrine en vogue aux Etats-Unis qui veut qu’on ne doive interpréter la Constitution que conformément à ce que ses auteurs ont ou auraient voulu dire) et qui s’est révélé être en fait beaucoup plus libéral (c’est-à-dire, dans le vocabulaire politique américain et avec plein d’approximation: de gauche). + +C’est tout le sel de ces auditions devant le Sénat: sonder le candidat, sa profondeur, sa solidité, pour être à peu près certain des décisions qu’il va rendre. + +On pourrait toutefois s’interroger sur la légitimité de ce procédé. Après tout, nous autres Français, nous n’avons aucune procédure de cet ordre. Les candidats à la magistrature sont interrogés sur leurs compétences juridiques par le biais de concours, qui sont corrigés par d’autres magistrats: à aucun moment le pouvoir législatif n’intervient dans la sélection des juges (il faut noter du reste qu’il y a trop de juges en France pour qu’il puisse réellement procéder à un contrôle). Il en va de même pour les conseillers d’Etat, issus de l’ENA ou nommés directement par le gouvernement, ou encore des membres du conseil constitutionnel ou des magistrats de la cour des comptes. + +Pourtant, ce procédé me paraît tout à fait légitime. Les décisions qu’un juge va rendre ont des répercussions importantes, sur les parties au procès évidemment mais plus généralement sur l’ensemble de la société (du moins, de temps en temps). Il est légitime de la part de la représentation nationale d’avoir une petite idée de l’état d’esprit de celui ou de ceux qui vont rendre cette décision. Les parties elles-mêmes peuvent souhaiter savoir “à quelle sauce” elles vont être jugées, ne serait-ce que pour adapter leur argumentation en conséquence. La *prévisibilité* d’une décision de justice est un élément essentiel dans un Etat de droit: chacun doit pouvoir raisonnablement pouvoir connaître l’étendue de ses droits et de ses obligations. + +Il me semble que le système américain accepte parfaitement le fait que le juge a des présupposés, de tous ordres et en tire les conséquences: il faut mieux connaître les présupposés du juge, pour pouvoir les combattre utilement le cas échéant. (Il faut prendre le terme “présupposés” au sens large: ce peut être des préjugés ,au sens où l’on entend habituellement ce mot, mais aussi une opinion sur une loi, une pratique juridique, des habitudes…). + +Comment fait le système français? Il tend largement à ignorer les présupposés du juge, du moins en public. La formation des juges n’ignore pas ce point: à l’ENM, on est sensibilisé à ce danger et on est invité à le combattre. On appelle le juge à être son propre garant, ce qui n’est pas vraiment satisfaisant. On cherche ainsi à obtenir des juges qui sont plutôt “neutres”. De la même façon, une bonne partie des présupposés de chaque juge lui viennent de son appartenance à la magistrature: la formation et la cohabitation avec les autres collègues amènent les juges à partager un certain nombre de réflexes communs (dans une certaine mesure évidemment). C’est une façon comme une autre d’assurer une certaine prévisibilité des décisions. + +Il est frappant de voir à cet égard que le monde politique ignore totalement cette question, qui pourtant explique largement le clivage important existant entre le monde politique et le monde judiciaire. Peut-être devrait-on instaurer un système similaire à celui des Américains? Nos juges y gagneraient peut être en légitimité, les hommes politiques seraient conduits aussi à s’interroger sur ce qu’ils attendent d’un bon juge… Toutes sortes de réflexions qui font actuellement défaut chez nous. + +[1] http://news.lp.findlaw.com/ap/a/w/1154/07-20-2009/20090720003513_14.html + +Feed: Journal d'un avocat + +Author: Paxatagore +**************************************** +Item: Délit de solidarité : Éric Besson marque un point + +Date: Wed Jul 22 14:07:00 UTC 2009 +Le tribunal correctionnel de Rodez a relaxé aujourd’hui le Guinéen poursuivi pour avoir hébergé un compatriote[1]. + +Éric Besson va pouvoir se pavaner en disant qu’il avait raison, que ce délit n’existe pas puisque la justice a relaxé. Après avoir dit en son temps que cette affaire était plus large qu’une simple aide au séjour, ce qui était faux, comme d’habitude. + +Je n’ai pas les attendus du jugement, mais il semblerait (attention, je suppute beaucoup) que la relaxe soit due au fait que l’étranger hébergé était en instance de régularisation, puisqu’il a eu sa carte de séjour le 22 juin (source: La Dépêche[2]). + +Le tribunal a pu estimer que la carte de séjour n’était pas créatrice de droit mais constatait un droit au séjour pré-existant, qu’elle ne fait que matérialiser (en droit, on dit qu’elle est déclarative et non constitutive). Le raisonnement se tient s’il s’agit d’une carte vie privée et familiale (art. L.313-11 du CESEDA). + +Dès lors, le fait que le Guinéen n’ait pas eu de carte ne caractérisait pas le séjour irrégulier mais n’était que la conséquence des délais de délivrance du titre. + +Rappelons que le parquet avait requis 5 mois de prison avec sursis. + +[1] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/01/1467-si-eric-besson-n-existait-pas +[2] http://www.ladepeche.fr/article/2009/07/22/643063-Rodez-Relaxe-pour-un-Guineen-juge-pour-hebergement-d-un-sans-papiers.html + +Feed: Journal d'un avocat + +Author: Eolas +**************************************** +Item: Le Général Sabroclère + +Date: Wed Jul 22 12:31:00 UTC 2009 +Il était une fois en République Boldzare un général, le général Sabroclère, qui arriva au pouvoir en promettant de faire de l’armée de son pays sa première priorité, car comme tout homme politique, il n’avait que des priorités, ce qui l’obligeait à les numéroter pour distinguer toutes ces choses qui passent en premier. + +Sa première idée fut de remplir les casernes. Il demanda à ses sergents recruteurs de faire un effort sur la conscription, surtout auprès des jeunes, et fit voter une loi qui décidait que ceux qui avaient déjà fait leur service seraient obligés d’en faire un autre plus long, de plusieurs années au minimum. + +Très vite, l’État major lui signala que les casernes étaient déjà pleines, et plutôt vétustes. De plus, il n’y pas assez d’adjudants pour s’occuper de ces recrues, ni assez d’armes pour les équiper, puisque le Général Sabroclère avait repris à son compte la tradition de ne jamais accorder un Drazibule (la monnaie boldzare) de plus au budget de l’armée; car une armée trop puissante pourrait fomenter des coups d’État. + +À toute demande de Drazibules, le grand Chancelier répondait: «Ce n’est pas une question de moyens, mais de méthode», avant de recommander des caisses de champagne pour son prochain cocktail. + +«Qu’importe, répondit donc le Général en haussant les épaules dans la plus grande tradition boldzare, l’intendance suivra». + +Au bout de quelques années, l’Inspection Générale des Armés Boldzare rendit un rapport constatant que 82.000 recrues attendaient encore leur ordre d’incorporation, alors que les casernes ne comptent que 53.000 lits dans les chambrées (et déjà, en en faisant dormir par terre, on arrivait à incorporer 63.000 recrues, sans compter les 5000 qui faisaient un service civil). + +Cela rendit furieux le Général Sabroclère qui semonça la Grande Chambres des Acclamations, assemblée chargée d’applaudir le Général quand il lui en prenait l’envie. + +Devant la Chambre des Acclamations, il déclara de son ton le plus martial: + +«Comment peut-on parler d’Armée quand 82.000 recrues attendent leur ordre d’incorporation?» + +La grande Chancelière annonça que face à cette situation désastreuse, elle allait rédiger des instructions adressés aux colonels et chefs de corps pour leur indiquer des bonnes pratiques permettant d’incorporer plus de soldats, le tout sans acheter un seul fusil. Il suffisait d’inscrire deux noms par ligne sur les cahiers d’incorporation, de faire dormir la moitié des soldats le jour et l’autre moitié la nuit, et de faire en sorte qu’un soldat tienne le canon du fusil pour viser tandis que le second tiendrait la crosse et serait en charge de presser la queue de détente pour faire feu. + +Ce fut ce jour là que la Chambre des Acclamations se révolta et face à un tel niveau d’inconséquence, chassa le Général Sabroclère en lui lançant à la figure les compte-rendus de séance reliés en cuir de vachette depuis 1873 à nos jours. + +Ce conte trouve un écho dans notre actualité, avec dans le rôle du Général Sabroclère, le président Sarkozy, dans celui de la grande chancelière, Madame Alliot-Marie, dans celui de l’armée boldzare la justice française et dans celui de la Chambre des Acclamations se révoltant… Personne[1]. + +«*Comment peut-on parler de justice quand il y a 82000 peines non exécutées parce qu’il n’y a pas de places dans les prisons?*» Le chiffre avait été annoncé par Nicolas Sarkozy, devant le Congrès de Versailles, le 22 juin. Il est tiré d’un rapport de l’inspection générale des services judiciaires du mois de mars, que la ministre de la justice et des libertés, Michèle Alliot-Marie devait diffuser aux magistrats, mardi 21 juillet. + +Face à cette situation, qu’annonce le gouvernement? Va-t-on recruter des juges d’application des peines, construire des établissements supplémentaires et rénover les taudis qui en font office, pour résorber un stock tel que si on ne mettait plus personne ne prison, un an ne serait pas suffisant pour l’absorber? + +Ou bien… + +Mme Alliot-Marie, en recevant les chefs de cour, lundi 20 juillet, a indiqué qu’elle adresserait “*une circulaire recensant les bonnes pratiques qui peuvent être mises en œuvre sans délai*”. + +Les Boldzares ont plus de chance que nous. + +[1] http://www.lemonde.fr/societe/article/2009/07/21/le-debat-sur-la-mauvaise-execution-des-peines-de-prison-est-relance_1221082_3224.html + +Feed: Journal d'un avocat + +Author: Eolas +**************************************** +Item: Quelques mots sur l'affaire Orelsan + +Date: Mon Jul 20 23:36:00 UTC 2009 +Ça me déman­geait depuis quel­ques mois de par­ler de cette affaire. Sa nou­velle jeu­nesse cha­ren­taise m’en four­nit l’occa­sion. + +Ainsi, les Tar­tuf­fes sont lâchés de nou­veau, et encore une fois, une liberté fon­da­men­tale est fou­lée du pied au nom des meilleu­res cau­ses. Et vous êtes priés d’applau­dir. + +Vous ne con­nais­sez pro­ba­ble­ment pas Auré­lien Coten­tin. C’est un chan­teur de rap, qui a pris le nom de scène d’Orel­san. Il a sorti au début de l’année son pre­mier album, *Perdu d’avance*. + +Le rap est une forme d’expres­sion artis­ti­que appa­rue aux États-Unis au début des années 80, même si ses raci­nes remon­tent au blues. Il a évo­lué avec le temps mais aujourd’hui pri­vi­lé­gie un style décla­ma­toire plus que chanté, mais sur un rythme mar­telé se mariant à une musi­que où la part belle est faite aux per­cus­sions. La musi­que est véri­ta­ble­ment un sim­ple sup­port du texte qui est l’élé­ment cen­tral. L’impro­vi­sa­tion est une tech­ni­que que se doit de maî­tri­ser tout rap­peur qui se res­pecte. C’est une musi­que popu­laire au sens premier du terme car elle ne néces­site pas de savoir par­ti­cu­liè­re­ment bien chan­ter ni jouer d’un ins­tru­ment (le rap uti­lise abon­dam­ment des musi­ques déjà exis­tan­tes dont cer­tai­nes phra­ses sont extrai­tes pour être *sam­plées* c’est-à-dire tour­ner en bou­cle sur le fond ryth­mi­que pour don­ner à la chan­son un cachet unique. + +Voici trois exem­ples de chan­sons repri­ses dans des chan­sons de rap, ladite chan­son la sui­vant immé­dia­te­ment. Mon­tez le son, c’est les vacan­ces. Notez comme les percussions prennent le dessus dans Walk This Way, par rapport aux guitares de la version rock. rap[1][A] + +L’aspect musical étant secondaire, ce qui en veut pas dire qu’il est négligé, le rap se concentre donc sur les paroles. Oui, le rap, ce sont des chansons à texte: chaque chanson raconte une histoire. + +S’agissant d’une forme populaire très à la mode dans ce qu’on appelle «les banlieues» pour ne pas se demander ce que c’est exactement, ces chansons racontent des histoires de ces quartiers difficiles où il fait bon ne pas vivre, avec les mots des personnes y ayant grandi. Et dans les versions se voulant les plus dures, on y parle en mots crus drogue et violence, on n’y aime pas la police, et on est obsédé par le sexe. Mais tout y est rapport de force, comme dans la vie quotidienne de ces villes, y compris l’amour. Confesser ses sentiments, c’est confesser sa faiblesse. Alors l’amour y est combat, et vengeance quand il prend fin. Le rap est sexiste, sans nul doute. Mais il n’est, comme tout art, que le reflet de la vie. Et surtout, surtout, le rap repose sur de la provocation. Il faut être le premier à dire les pires choses pour se faire cette réputation de mauvais garçon qui seul assurera le respect et le succès du groupe auprès des “vrais” fans. MC Solaar, s’il fait danser aux Planches, fait ricaner à Grigny. + +Revenons-en à Orelsan. Son album contient une chanson qui va faire scandale, vous allez aisément comprendre pourquoi. Elle est intitulée “Sale Pute”. Le thème est simple: un garçon qui aimait une fille découvre accidentellement qu’elle le trompe et l’amour se transforme en haine. Shakespeare a traité ce thème dans Othello, sauf que la tromperie était imaginaire, mais elle aboutit à la mort.  + +Rien de tel ici, le chanteur débite une logorrhée d’imprécations à l’encontre de la belle volage. Les paroles sont crues, brutales et violentes. Vous pouvez écouter ici[2], vous êtes prévenus. + +Je reconnais que ce n’est pas du Ronsard. Cela dit, une rappeuse se prétendant celle visée par la chanson a montré qu’elle pouvait répondre sur le même registre[3], ce qui cette fois fait applaudir les Chiennes de gardes. Comme quoi ce n’est pas un problème de mots, mais de camp. + +Je ne sais comment un disque de rap a atterri sur les platines d’âmes aussi bonnes que sensibles, mais ce texte a déchaîné des passions. Sur internet, chez nombre de blogs féministes, avec appel à pétition auprès du Printemps de Bourges, ou Orelsan devait se produire, polémique reprise par des politiques, Christine Albanel, ministre de la culture, dont on sait l’amour pour la liberté d’expression, Marie-Georges Buffet, premier secrétaire du Parti Communiste qui lui aussi s’est illustré sur ce front, et Valérie Létard, secrétaire d’État à la solidarité, qui a appelé les plate-formes de vidéo en ligne à la «responsabilité», façon de dire qu’elle ne prendrait pas les siennes, en leur demandant d’ôter ce clip. Dieu merci, elle n’a pas été écoutée. + +Orelsan a tenté de désamorcer la polémique, en publiant un communiqué apaisant: + +*cette œuvre de fiction a été créée dans des conditions très spécifiques relatives à une rupture sentimentale”*: *“En aucun cas ce texte n’est une lettre de menaces, une promesse de violence ou une apologie du passage à l’acte, poursuit le communiqué. Conscient que cette chanson puisse heurter, Orelsan a décidé il y a quelques mois de ne pas la faire figurer dans son album ni dans ses concerts, ne souhaitant l’imposer à personne”.* + +Hélas, il en va en politique comme dans les banlieues, un aveu de faiblesse déclenche la curée. On pouvait faire ployer ce jeune homme mal élevé? Nul besoin d’engager une hasardeuse action en justice, tous les moyens sont bons pour participer au triomphe du politiquement correct. Ultime épisode: Ségolène Royal qui fait pression sur le festival des Francofolies de la Rochelle, avec semble-t-il un chantage aux subventions sur la direction, la présidente de la région menaçant de remettre en cause les 400.000 euros de subventions annuelles que la région verse au festival si le rappeur s’y produisait[4]. Vous aurez noté qu’Orelsan avait d’ores et déjà retiré cette chanson de son répertoire: il était donc hors de question que le chanteur chantât cette chanson. Peu importe, tout comme il importe peu que ce chantage aux subvention excède les pouvoirs de la présidente en ce que le pouvoir budgétaire appartient au Conseil Régional. Quand on veut censurer, qu’importe le respect dû à la loi. + +Et la polémique entre pro- et anti-Orelsan fait rage. + +Alors que les choses soient claires. Cette polémique, je me refuse à y participer. + +Parce qu’il n’y en a pas. Ce qui s’est passé porte un nom: la censure. C’est inacceptable, et je ne vois pas quel argument parviendrait à me convaincre que la liberté d’expression serait réservé à un art approuvé, un art officiel. Dès lors, ce qu’il chante m’est indifférent. + +Orelsan est un chanteur. Qu’il chante ce qu’il souhaite. Ça ne vous plaît pas? À moi non plus. Personne ne vous oblige à l’écouter. Rien ne vous autorise à le contraindre à se taire. + +Interdire un chanteur, ça s’est déjà vu. On trouve toujours d’excellentes raisons pour le faire. Boris Vian s’est vu empêcher de chanter sa chanson le Déserteur. Brassens a scandalisé avec son gorille qui sodomise un juge. Aujourd’hui, tous les magistrats chantonnent cette chanson en pouffant en imaginant leur premier président ou leur procureur général entre les pattes du primate. + +— Mais Orelsan n’est pas Vian ou Brassens, me dira-t-on. + +Je ne le crois pas non plus, mais la question n’est pas là. La liberté d’expression n’est pas soumise à une condition de mérite de l’œuvre. Mérite qui était nié à Brassens et à Vian en leur temps, d’ailleurs. La nouveauté est que cette fois, c’est l’État décentralisé qui est intervenu pour obtenir cette censure alors que Vian, c’était des anciens combattants agissants de leur propre chef, avec une passivité complice des autorités. En ce sens, ce qui se passe est pire encore. + +— Mais ses paroles sont discriminatoires et appellent à la violence contre les femmes, ajoutera-t-on. + +Ah? Mais alors, portez plainte, c’est un délit. Allez en justice, obtenez sa condamnation. Mais non, personne ne le fera, car la vérité est que ces paroles ne tombent pas sous le coup de la loi. Il ne dit pas que toutes les femmes sont des sales putes, mais que la copine imaginaire du personnage tout aussi imaginaire qui chante en est une car elle le trompe. Et tout le monde se souvient des déboires de l’ancien ministre de l’intérieur qui a tenté de faire condamner Hamé, chanteur du groupe La Rumeur qui avait accusé la police de se livrer à des violences. Un fiasco: relaxe, confirmée en appel, sous les applaudissements de la cour de cassation. Les politiques ont compris qu’il ne fallait pas comtper sur les juges pour se prêter à ces basses-œuvres. + +— Eh bien pour légal que ce soit, ça n’en est pas moins scandaleux. + +Oui, c’est le but. Et d’ailleurs, en cherchant un peu, vous trouverez pire (à tout point de vue). Le groupe TTC[5] par exemple. Les chanteuses de rap ne sont pas en reste, Yelle ayant connu un grand succès en répondant à Cuizinier, chanteur du groupe TTC sus-nommé. Un grand moment de poésie. + +Cuizinier avec ton petit sexe entoure de poils roux +Je n’arrive pas a croire que tu puisses croire qu’on veuille de toi +Je n’y crois pas même dans le noir, même si tu gardes ton pyjama +  Mêmesi tu gardes ton peignoir, en forme de tee-shirt ringard +Garde ta chemise ça limitera les dégâts bataaaaaaaard + +Je veux te voir +Dans un film pornographique +En action avec ta bite +Forme potatoes ou bien frites +Pour tout savoir +Sur ton anatomie +Sur ton cousin Teki +Et vos accessoires fetiches + +Ringard, bataaaaaaard, bite, frite: les rimes sont pauvres. + +Le rap, c’est ça aussi. Pas seulement ça, mais ça en fait partie. Et je prie pour que ceux qu’Orelsan épouvante ne découvrent jamais l’existence du Death Metal. + +Personne n’est obligé d’écouter, nul n’a à interdire. + +Car c’est quelque chose qu’on ne répétera jamais assez. La liberté d’expression est *toujours *la première attaquée, parce que c’est la plus fragile. Il y a toujours une bonne cause qui justifie que ÇA, non, décidément, on ne peut pas le laisser dire. Le respect dû aux morts tués à l’ennemi, le respect dû à la justice, le respect dû à la femme. Tout ça, ça l’emporte sur le respect dû à la liberté, cette sale pute. Et les atteintes qu’elle a d’ores et déjà subies, au nom de causes infiniment nobles (comme la lutte contre le négationisme), me paraissent déjà excessives. + +Laissez tomber Orelsan, et un jour, c’est votre discours qui dérangera. + +Les Révolutionnaires l’ont dit il y a presque 220 ans jour pour jour: + +La libre communication des pensées et des opinions *est un des droits les plus précieux de l’Homme*: tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté, dans les cas déterminés par la Loi. + +Ils l’ont écrit à une époque où tout texte, pour paraître et être représenté publiquement, devait au préalable être approuvé par le Roi. C’est cette autorisation qui s’appelait la Censure. Et c’est exactement cela que ce comportement vise à rétablir. Alors peut-être que des féministes, des militants des droits des femmes trouveront que leur cause, qui est bonne, est tellement bonne qu’elle justifie ce rétablissement. + +Qu’ils sachent qu’ils me trouveront toujours sur leur chemin pour leur barrer la route. Aux côtés d’Orelsan. + +À condition qu’il ne chante pas. + +[1] http://jiwa.fr/playlist/rap-393620.html +[2] http://www.youtube.com/watch?v=fSOeeXGMWwg +[3] http://chiennesdegarde.com/ActionMars2009-Orelsan.html#1erPitbulle +[4] http://www.sudouest.com/accueil/actualite/article/638886/mil/4765307.html +[5] http://www.youtube.com/watch?v=09T_PTPtn_s + +[A] http://counters.gigya.com/wildfire/IMP/CXNID=2000002.0NXC/bT*xJmx*PTEyMjAzMjUxNDIyNjImcHQ9MTIyMDMyNTE*NTU3MyZwPTMwODM*MSZkPSZuPSZnPTE=.gif + +Feed: Journal d'un avocat + +Author: Eolas +**************************************** +Item: Les anti-inflammatoires permettent-ils de voir des jeunes filles nues ? + +Date: Sun Jul 19 22:23:00 UTC 2009 +La Cour Suprême se penche parfois sur des questions fondamentales, sans mauvais jeu de mot. L'une d'entre elles est celle de la *privacy*, mal traduit par “vie privée”, le concept de *privacy* étant plus large que cela. Il s'agit du droit reconnu à tout individu de garder secret ce qui la concerne, et de ne révéler publiquement ou aux autorités que ce qu'elle veut bien révéler, sans pouvoir être forcé de révéler plus. Cela inclut notre vie privée, mais aussi l'intégrité corporelle et le patrimoine (la perquisition, la réquisition d'un bien est une atteinte à la *privacy*).  + +Ce droit est consacré par le Quatrième amendement à la Constitution des États-Unis. + +Le droit des citoyens d’être garantis dans leurs personne, domicile, papiers et effets, contre les perquisitions et saisies non motivées ne sera pas violé, et aucun mandat ne sera délivré, si ce n’est sur présomption sérieuse, corroborée par serment ou déclaration solennelle, ni sans qu’il décrive avec précision le lieu à fouiller et les personnes ou les choses à saisir. + +Quand, dans nos séries préférées, un citoyen refuse d'ouvrir la porte à un policier qui n'aurait pas « un mandat » (*search warrant*), il invoque le Quatrième amendement. Le policier ne peut en effet entrer de force que pour des raisons ne souffrant pas discussion (cris d'au secours, coups de feu, traces de sang récentes…), ou si un juge l'y a au préalable autorisé, en délimitant strictement les lieux à fouiller et les choses recherchées. Il existe l'équivalent de notre enquête de flagrance, si le policier a pu constater de l'extérieur l'existence d'une infraction sur le point, en train ou venant de se réaliser, qui autorise aussi son intervention. Le juge américain exerce un contrôle de proportionnalité et de nécessité de la mesure, qui ne s'applique pas qu'aux policiers mais à toute personne exerçant une parcelle de l'autorité publique. Comme les enseignants. + +Là encore, on voit comment les rédacteurs de la Constitution ont eu le souci constant de protéger les générations à venir des abus possibles de l'autorité, y compris celle confiée aux États et à l'État fédéral. S'il est un point résumant toute la différence culturelle entre la France et les États-Unis, c'est bien celui-là : les américains ont compris depuis le début que l'État était un tyran potentiel et ont voulu s'en protéger, tandis que les Français le voient comme le gardien de l'intérêt général, expression de la majorité et qui ne peut donc mal faire. Hobbes contre Rousseau. La leçon de 1941 n'ayant que peu servi, les droits individuels s'effacent dans notre tradition face à la puissance de l'État. Heureusement, nous avons l'Europe qui a introduit ces protections individuelles face à la puissance de l'Autorité dans notre droit. + +Et c'est sans se douter qu'elle allait être plutôt brutalement confrontée à cette tendance à la tyrannie de celui qui a une parcelle d'autorité que la jeune Savana Redding, alors âgée de 13 ans, s'est rendue à son cours de math du collège public[1] de Safford[2], 8900 habitants, dans le Comté de Graham, Arizona, (c'est ce bâtiment-là[3])ce jour d'octobre 2003. + +Le règlement de l'école est plutôt rigoureux. Sur la liste des choses interdites dans l'enceinte de l'établissement se trouvent divers objets parmi lesquels, je ne sais pourquoi, les anti-inflammatoires, qu'ils soient sur ordonnance (*prescription drug*) que sans ordonnance (*over-the-counter*). Je sais que l'anglais utilise le même mot pour les médicaments et les drogues (je ne dis pas que c'est à tort), mais tout de même, si un pharmacien ou un médecin pouvait m'expliquer pourquoi, il me paierait de ma peine.  + +Au beau milieu du cours, l'assistant du principal du collège, Kerry Wilson, fit irruption et demanda à Savana Redding de le suivre dans son bureau. Là, on lui présenta un organiseur lui appartenant (une sorte de gros agenda se fermant par une fermeture-éclair) contenant divers objets prohibés par le règlement de l'école : couteaux, marqueur indélébile, briquets, et, *horresco referens*, une cigarette. Interrogée sur ces objets, elle déclara que l'organiseur lui appartenait bien mais qu'elle l'avait prêté il y a quelques jours à une amie, Marissa Glines. Elle nia que ces objets fussent siens.  + +L'assistant du principal sortit alors les éléments les plus accablants : 4 pilules d'Ibuprofène® 400mg (anti-inflammatoire vendu uniquement sur ordonnance) et une de Naproxène® 200mg, un anti-inflammatoire vendu sans ordonnance, médicaments dont la détention est interdite sans autorisation préalable de la direction de l'établissement. Kerry Wilson informa alors Savana Redding que des sources confidentielles (vous verrez plus loin lesquelles) l'avait informé que Savana Redding distribuerait ces pillules dans l'établissement. Ce que Savanna Redding nia farouchement. Kerry Wilson lui demanda si elle acceptait que l'on fouillât ses affaires personnelles, ce qu'elle accepta. Kerry Wilson appela alors une assistante administrative, Helen Romero, et tous deux fouillèrent le sac à dos de Savana, sans rien trouver. + +Notons d'ores et  déjà que jusqu'à présent, une jeune fille de 13 ans est seule confrontée à des adultes, sans que ses représentants légaux (c'est ainsi que les juristes appellent les parents) ne soient informés. Il est permis de tiquer (mais vous verrez qu'à ce stade, le juge américain ne froncera pas les sourcils). Mais l'affaire va prendre un tour proprement incroyable. + +En effet, Kerry Wilson ne va pas s'avouer vaincu. Il va ordonner à Helen Romero de conduire Savana chez l'infirmière de l'école pour qu'elle fouillât ses vêtements. Savana Redding dut donc, en la présence constante d'Helen Romera et de l'infirmière Peggy Schwallier (mais hors la présence de Kerry Wilson pour des raisons qui vont être de plus en plus évidentes), ôter sa veste, ses chaussettes, et ses chaussures. Laissée ainsi en t-shirt et pantalon "*stretch*" (donc sans la moindre poche), elle attendit que les deux femmes eussent fini d'examiner ses vêtements. Chou blanc. Décidément têtues, les deux femmes lui firent ôter son pantalon, son t-shirt, et ne trouvant toujours rien, son soutien-gorge, qu'elle dut tenir à bout de bras et secouer, puis lui firent tirer sur l'élastique de sa culotte, révélant ainsi sa poitrine et sa région pelvienne. Aucune pilule ne fut découverte. + +April Redding, la mère de Savana, fut d'une grande modération dans son approbation de la chose, et poursuivit aussitôt en justice l'école, Wilson, Romero et Schwallier (Ah, la Sainte femme…), pour violation du Quatrième amendement (donc compétence du juge fédéral). La Cour de District rejeta la plainte de madame Redding, estimant qu'il n'y avait pas eu violation du Quatrième amendement du fait de l'Immunité Qualifiée (*Qualified Immunity*), exception (au sens juridique de moyen de défense) qui exonère de leur responsabilité des personnes investies de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service publique qui auraient violé les droits constitutionnels d'une personne, si une personne raisonnable (*reasonnable person*) n'aurait pas dans la même situation réalisé cette illégalité, ce qui est exclu quand le droit protégeant la personne fouillée est clairement établi. Les juristes reconnaîtront ici une appréciation *in abstracto, *la *reasonnable person *de nos amis américains n'étant autre que notre* bonus pater familias.* + +En appel, la cour d'appel fédérale confirma ce rejet en formation restreinte (*panel*, composé de trois juges), qui fut porté devant la formation plénière (*en banc*). Attention, vous allez découvrir le raisonnement gigogne qu'affectionnent les juges américains. + +La formation plénière appliqua le test en deux étapes fixé par la jurisprudence de la cour suprême : *Saucier v. Katz*, 533 U. S. 194, 200 (2001). D'abord, la fouille était-elle illégale ? Ensuite, cette illégalité était-elle évidente ? + +Sur l'illégalité, oui, répond la cour, au regard des critères de fouille des élèves des écoles fixés par l'arrêt *New Jersey v. T. L. O.*, 469 U. S. 325 (1985). Cet arrêt de 1985 a posé le principe que le droit des école de maintenir l'ordre était une cause légitime pouvant l'emporter que le droit à la *privacy*, donc que la direction pouvait effectuer une fouille sans mandat de justice à condition que soit rempli… un test en deux étapes. Il faut l'école ait une suspicion raisonnable (*reasonnable suspicion*), caractérisée par (1) le fait que l'action était justifiée dès son début (une fouille ne saurait être justifiée par le fait qu'elle a permis de découvrir quelque chose) et (2) que la fouille était proportionnelle aux circonstances ayant justifié cette cette fouille à son commencement. Ici, selon la cour d'appel, si l'organiseur justifiait la fouille, le caractère proportionnel faisait défaut  + +Cette fouille était illégale, mais la direction en avait-elle conscience ? +Oui, répond encore la cour d'appel, estimant qu'ici, il était clairement établi que le droit à la *privacy* de la collégienne s'opposait à une telle fouille. Motif un peu vague, me direz-vous à raison ,ce qui explique que l'affaire soit remontée à la Cour Suprême. + +Et la Cour a statué le 25 juin dernier, dans un arrêt *Safford Unified School District #1, et al, v April Redding,* 557 U. S. ____ (2009)[4] (pdf), en confirmant que la fouille était illégale.  + +La cour commence par reconnaître que le règlement de l'école, aussi strict soit-il, est légal et sensé : les enseignants ne sont pas des pharmaciens, ne peuvent reconnaître des médicaments, et l'effet de substances actives sur des organismes juvéniles ne sont pas anodins. Sans parler de la prohibition des armes, du tabac ou du marqueur indélébile, qui sert plus à dégrader qu'à s'exprimer. + +Puis elle va entrer dans les détails de ce qui s'est passé ce jour funeste. C'est sur dénonciation d'un élève ayant été malade après avoir pris une pilule que lui a remis Marissa Glines que Kerry Wilson a mené son enquête. Il a fait appeler Marissa Glines hors de sa classe et a saisi l'organiseur qui était en sa possession, avec les objets que nous avons vu. Il a ensuite convoqué Marissa Glines et, en présence d'Helen Romero, lui a fait vider ses poches. Où furent découvertes les pilules d'Ibuprofène (blanches) et une de Naproxène (bleue), et une lame de rasoir. Kerry Wilson demanda à Marissa Glines qui lui avait donné cette pilule bleue. Marissa répondit qu'elle avait dû se glisser avec celles qu'*elle* lui avait données. Qui est ce "*elle*", demanda Wilson ? Savana Redding répondit Marissa Glines (qui elle aussi subit une fouille corporelle qui ne donna rien.  + +La Cour va constater que c'est sur la foi de ce seul témoignage, sans questions plus poussées pour savoir s'il y avait une probabilité que Savana Redding eût en sa possession actuelle d'autres pilules prohibées, et après qu'une fouille de ses affaires personnelles n'ait rien donné, que Kerry Wilson va ordonner qu'il soit procédé à la fouille corporelle. + +Or si cette fouille du sac à dos et des vêtements était justifiée aux yeux de la Cour vu les éléments en la possession des autorités scolaires et son caractère relativement peu intrusif (notez le contrôle de proportionnalité), ce que d'ailleurs Savana Redding n'a jamais contesté d'ailleurs, la fouille corporelle atteint un tel degré de gravité dans l'atteinte à la *privacy* que la Cour doit invoquer le test en deux étapes de l'arrêt T.L.O. Et la Cour constate que les indices ayant conduit à décider de la mesure, donc sa justification dès le début, étaient largement insuffisants pour justifier une telle atteinte. Non, le fait de lutter contre le trafic d'anti-inflammatoires, cette cause fût-elle légitime, ne permet pas de contraindre une jeune fille mineure à se déshabiller. Cette disproportion caractérise la violation du Quatrième amendement, par 8 voix contre 1 (Seul Clarence Thomas a disconvenu), ce qui en fait un des rares arrêts de cette session adopté à une large majorité. + +Cependant, ajoute la cour, la jurisprudence concernant les fouilles scolaires est actuellement tellement controversée qu'on ne peut dire que la loi est clairement établie en la matière (de fait, la série de tests en deux étapes à faire aboutit à déchirer les juges : peut-on demander à des enseignants d'être plus sages qu'eux en cette matière très juridique ?). Dès lors, la Cour Suprême accorde l'Immunité Qualifiée à l'assistant du principal, à l'assistante administrative et à l'infirmière scolaire. Seule l'école est déclarée responsable. Un juriste français dirait que la faute des trois personnels enseignants n'est pas détachable du service. + +Cet arrêt, outre le fait qu'il me permet de faire un titre de billet avec les mots « jeune fille nue » qui va faire beaucoup pour augmenter le nombre de visiteurs clients potentiels, trouve un écho en France où le Gouvernement s'interrogeait il y a peu sur la possibilité de créer un corps spécifique d'agents pour fouiller les cartables des élèves[5], et où des fouilles spectaculaires[6] ont eu lieu dans le cadre d'opérations anti-drogue menées par la gendarmerie, avec des chiens et même des fouilles à corps. Ce que les parents d'élève n'apprécient guère, et on peut les comprendre.  + +La solution française, aboutissant à ne pas vouloir attribuer de pouvoirs de police aux enseignants (alors que rien ne s'y oppose, et même que les principes généraux du droit administratif le permettent) et à réserver cela à la police aboutit à un résultat plus traumatisant encore pour les élèves tout en renforçant une image d'impuissance nuisant à l'autorité. Je ne sais pas si elle est due à une résistance des enseignants qui ne voudraient pas de ce pouvoir, ou à un choix de l'État qui veut réserver toute coercition à la police, au risque de détériorer son image, en soulignant la répression au détriment de la protection qui est pourtant l'essence de la police. Une solution raisonnable est cependant difficile à trouver, les juges américains se déchirant eux-même sur l'encadrement de ce pouvoir de police. Voilà un thème de débat qui mériterait la sérénité et le dépassement des clivages politiques.  + +Prochaine épisode de notre rubrique de droit américain : Horatio Caine va-t-il devoir s'acheter une cravate ? + +[1] http://www.saffordusd.k12.az.us/ +[2] http://maps.google.fr/maps?f=q&source=s_q&hl=fr&q=Stafford,+Safford,+Graham,+Arizona+85546,+%C3%89tats-Unis&sll=48.853851,2.341823&sspn=0.007822,0.01929&ie=UTF8&cd=1&geocode=FTH19AEd_uB1-Q&split=0&ll=32.824211,-109.709473&spn=10.22136,19.753418&z=6&iwloc=A +[3] http://maps.google.fr/maps?f=q&source=s_q&hl=fr&geocode=&q=734+11th+street,+Safford,+Graham,+Arizona+85546,+%C3%89tats-Unis&sll=32.691543,-109.473438&sspn=0.076424,0.154324&ie=UTF8&ll=32.827655,-109.715352&spn=0.009989,0.01929&z=16&iwloc=A&layer=c&cbll=32.827654,-109.715454&panoid=dgXWY9pGqkkk2dp3zsaRAA&cbp=12,3.18,,0,4.46 +[4] http://www.supremecourtus.gov/opinions/08pdf/08-479.pdf +[5] http://www.liberation.fr/societe/0101568773-fouille-des-cartables-en-vue +[6] http://www.ouest-france.fr/actu/actuDet_-Fouilles-musclees-de-gendarmes-dans-des-colleges-du-Gers_39382-759508_actu.Htm + +Feed: Journal d'un avocat + +Author: Eolas +**************************************** +Item: Un petit tour aux "compas" + +Date: Sun Jul 19 14:16:00 UTC 2009 +Sylvie Véran, chroniqueuse judiciaire au Nouvel Observateur et blogueuse (j'ai déjà eu l'occasion de dire combien, pour les chroniqueurs judiciaires, le blog est un complément idéal de leurs articles papiers, la contrainte de place disparaissant), vous propose d'assister à quelques audiences de comparution immédiate à Paris[1], et pas n'importe lesquelles, celles du 15 16 juillet, qui comme son nom l'indique, est le *sur*lendemain du 14. + +Neuf dossiers, neufs trajectoires qui se croisent, fruit du hasard des audiences et des accidents de la vie. + +Un petit mot sur le premier dossier : Rachid a dû passer en comparution immédiate la semaine précédente. Il a sagement demandé un délai (de deux à six semaines, art. 397-1 du CPP) pour être jugé vu ce qu'il risque (et encore, il y a une probable récidive, avec peine plancher à la clé). Le tribunal a décidé de le maintenir en détention jusqu'à la date de son jugement, fixée au 30 juillet. Or la détention provisoire est… provisoire. Tout détenu en provisoire a le droit de demander à tout moment sa remise en liberté au juge actuellement en charge du dossier (juge d'instruction, tribunal, cour d'appel…). Il a dû former une demande de remise en liberté dès son arrivée en maison d'arrêt, jugée le 15 juillet. Demande rejetée. Elle n'était pas nécessairement vouée à l'échec (quoi que… Une réitération, peut-être une récidive, 45 jours après être sorti de deux ans de prison, C'est largement suffisant pour que le parquet invoque le risque de réitération) car le prévenu a eu une semaine pour réunir des justificatifs de domicile qu'il n'a pas pu forcément réunir lors de sa première comparution. + +Sur le dossier de Zakarias D., je n'ai pas d'élément à vous donner sur ce qui pose problème dans le dossier, désolé.  + +Sur David D., il s'en sort très bien avec ses 3 mois fermes. Il aurait pu être condamné à dix ans, avec un minimum théorique de deux ans, et la prison ferme était obligatoire pour le juge. Les peines planchers, dont vous verrez ici le caractère nécessaire et dissuasif. Bienvenue dans le monde réel. + +Enfin, sur l'affaire Lamine A., j'aurais été l'avocat, j'aurais plaidé que c'était une citation d'Orelsan.  + +Bonne lecture et bon dimanche. + +[1] http://chroniquesjudiciaires.blogs.nouvelobs.com/archive/2009/07/17/tgi.html + +Feed: Journal d'un avocat + +Author: Eolas +**************************************** +Item: Brèves du samedi + +Date: Sat Jul 18 08:52:00 UTC 2009 +Quelques suivis d'articles antérieurs. + +Rue89 nous apprend[1] que le lycéen qui faisait l'objet de pressions[2] à la légalité douteuse de la part de son proviseur a pu se réinscrire dans son lycée sans condition. Le proviseur a probablement compris qu'il avait tort quand le ministre de l'Éducation nationale, Luc Chatel, l'a soutenu. + +Les auditions de Sonia Sotomayor devant le Sénat ont pris fin. Sa confirmation ne fait plus aucun doute : elle n'a pas craqué et n'a pas gaffé. Les auditions ont duré 7 heures par jour durant 4 jours, avec des pauses toutes les deux heures, Sonia Sotomayor étant diabétique insulinodépendante, même si deux seulement ont été consacrés à ouïr l'impétrante. Le premier jour a été consacré aux déclarations préliminaires des sénateurs (en *shorter* : les démocrates ont dit qu'elle était merveilleuse, et les républicains indignes de ce poste). Mention spéciale au sénateur Lindsey Graham (Républicain, Caroline du Sud), pour une belle leçon de fair play et de réalisme politique alors que ses collègues se plaçaient dans l'opposition à outrance :  + +— C'est ici une affaire principalement politique. Ceci étant dit, certains de mes collègues de l'autre bord politique ont voté pour la confirmation des juges Alito ou Roberts sachant que ce n'étaient pas ceux qu'ils auraient choisi. Je saurai m'en souvenir le moment venu. À moins que vous ne craquiez complètement, vous serez confirmée. (…) Je ne sais pas encore comment je vais voter, mais les élections comptent. Et nous avons perdu. + +Les points contentieux abordés ont été les suivants :  + +*Ricci v DeStefano* : C'était le point le plus sensible. ce sont donc les démocrates qui l'ont abordé, pour ne pas laisser le plaisir à un sénateur hostile. Sotomayor a répondu qu'elle avait appliqué la jurisprudence existant alors, et que la décision de la Cour Suprême a reviré la jurisprudence en appliquant de nouveaux critères. Sur la question raciale, elle a répondu assez finement que laffaire Ricci n'était pas une affaire de discrimination raciale mais de contestation d'un concours public et de responsabilité de la puissance publique.  + +*La sage dame hispanique* : C'est le seul point sur lequel elle a concédé du terrain, par une retraite prudente. Elle a expliqué avoir voulu faire un jeu de mot sur une phrase du *Justice* Sandra Day O'Connor selon laquelle un homme sage et une dame sage aboutiraient aux mêmes conclusions sans que leur sexe ne perturbe leur jugement. Elle a reconnu que sa tentative est tombée à plat et a été mal interprétée. + +*L'avortement* : sujet sensible, car c'est un arrêt de la cour suprême *Roe v Wade* qui a légalisé l'avortement en 1973 aux États-Unis, etla Cour Suprême est actuellement majoritairement conservatrice et pourrait renverser cette jurisprudence. C'est un sujet qui divise également en deux, et donc un terrain idéal pour attaquer l'impartialité. Sotomayor a refusé de prendre position, se réfugiant derrière le respect dû à la loi. Et Roe v Wade fait partie de la loi aujourd'hui, point. Il est à noter que la requérante, qui avait pris le pseudonyme Jane Roe pour protéger son anonymat, était présente dans la salle. Mais elle est depuis devenue une farouche militante anti-avortement, sous son vrai nom de Norma McCorvey. À cinq reprises des militants anti-avortement ont perturbé les auditions en la traitant de tueuse de bébés, dont Norma McCorvey, qui a été expulsée de la salle. + +*Le Second Amendement* : le droit de porter des armes est une question sensible aux États-Unis. Sotomayor a habilement détourné l'entretien sur le terrain de la légitime défense, qu'elle connaît parfaitement, et qui est ourement juridique. + +*Les juges et la politique* : Les républicains lui reprochaient une citation où elle laissait entendre que les juges avaient un rôle politique. Sotomayor a, avec une patience digne d'un chargé de TD de première année, expliqué au sénateur que la jurisprudence des cours supérieures a en effet un rôle créateur de droit (surtout aux États-Unis, où ce sont des arrêts de la cour suprême qui ont institué le contrôle de constitutionnalité, l'avortement, aboli la peine de mort avant de la rétablir) et qu'un sénateur qui s'en émouvrait découvrirait deux siècles de droit américain. + +Le vote aura lieu le 21 juillet. + +J'en profite pour vos signaler le trajet de Sonia Sotomayor. Née dans une famille pauvre porto-ricaine à New-York, elle a perdu son père à l'âge de neuf ans. Sa mère étudiait dur pour devenir infirmière diplômée, et elle et ses deux enfants travaillaient tous les trois sur la table de la cuisine. Sonia Sotomayor a étudié dans les écoles publiques de son quartier, obtenu une bourse pour Princeton (qu'elle a fini *summa cum laude*) puis Yale. Elle a travaillé comme procureur à New York, et ses talents l'ont faite passer des dossiers correctionnels aux dossiers criminels en deux ans (elle avait 27 ans). Après un court passage dans le privé, elle est devenue juge fédérale et exerce ces fonctions depuis 17 ans, ce qui en fait une des candidates à la cour suprême parmi les plus expérimentés. Et son frère est devenu médecin. Si Sonia Sotomayor mérite le plus grand respect, j'en dirais au moins autant pour sa mère. + +Dans l'affaire Scapin v Géronte[3], Scapin s'est fendu d'un droit de réponse sur son blog[4]. Je vous signale le billet, sans le reprendre ici car il révèle les noms des intéressés, et je ne souhaite pas participer à la propagation de leur identité sur le net qui n'oublie rien. + +Dans l'affaire Fofana, on apprend hier que Youssouf Fofana a fait appel. Ce n'est pas une bonne nouvelle pour ses co-accusés, mais pas tellement non plus pour la famille d'Ilan Halimi qui va devoir à nouveau subir pendant deux mois ses provocations et ses jets de chaussure. Bon courage aux nombreux confrères qui vont se succéder pour le défendre, Youssouf Fofana ayant eu plus d'avocats que Liz Taylor n'a eu de maris. + +En fait, je ne vois pas pour qui c'est une bonne nouvelle. Mon petit doigt me dit que le parquet général de Paris a le blues, n'ayant pas apprécié qu'on lui torde le bras, et qui plus est par un simple coup de fil du directeur des affaires criminelles et des grâces. Je plains l'avocat général d'appel, qui est dans une très mauvaise position pour soutenir un appel dont tout le monde sait qu'il n'était pas souhaité par le parquet. + +J'ai fermé les commentaires sous le billet principal. Les commentaires, c'est comme les sushis, c'est bon si c'est frais. + +Mon cher ami Éric Besson a commencé sa cure de réalité. S'il ne démord pas que le délit de solidarité n'existe pas, il explique être prêt à modifier légèrement la loi[5]. Encore un effort, Éric, tu y es presque.  + +Bon week end. + +[1] http://www.rue89.com/2009/07/17/tristan-sadeghi-lyceen-bloqueur-finalement-inscrit-en-terminale +[2] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/08/1474-les-cinq-erreurs-d-authueil +[3] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/07/1472-de-l-art-delicat-de-donner-des-lecons-a-qui-n-a-pas-appris-les-siennes +[4] http://soymalau.com/blog/2009/07/09/ +[5] http://www.lemonde.fr/societe/article/2009/07/17/delit-de-solidarite-eric-besson-pret-a-modifier-legerement-la-loi_1220181_3224.html#xtor=RSS-3208 + +Feed: Journal d'un avocat + +Author: Eolas +**************************************** +Item: Appel dans l'affaire Halimi : la faute de MAM + +Date: Wed Jul 15 12:00:00 UTC 2009 +Ainsi, à la demande de la famille d'Ilan Halimi, le Garde des Sceaux a demandé au parquet de faire appel du verdict dans l'affaire Fofana. Cela a surpris plusieurs de mes lecteurs qui m'ont écrit pour me dire leur étonnement face à cette ingérence du pouvoir politique dans les affaires de la Justice. + +C'est qu'évidemment, à force d'entendre les politiques esquiver toute question qui les dérangent ayant trait avec la justice en invoquant la séparation des pouvoirs et une mystérieuse prohibition de commenter l'action de la justice, on est surpris quand, l'opportunité politique l'exigeant, ils s'en affranchissent avec la même vigueur qu'ils l'invoquaient la veille. + +Le Garde des Sceaux est tout à fait dans son droit. Ce qui ne veut pas dire qu'elle a raison. + +Rappelons donc les règles de l'appel en matière criminel. + +*Première règle : l'appel n'est possible qu'une fois. + +* + +La loi prévoit qu'une cour d'assises d'appel statue alors, la différence étant qu'elle est composée d'un jury de 12 jurés au lieu de 9, les règles de majorité pour les votes de culpabilité changeant aussi (8 voix en première instance, 10 voix en appel, mais le seuil reste strictement le même : deux tiers des voix). Le verdict de la cour d'assises d'appel ne peut faire l'objet que d'un pourvoi en cassation. Ça aura son importance dans notre affaire, vous allez voir. + +*Deuxième règle : chacun fait appel pour ce qui le concerne.* + +Il y a trois parties (au sens de partie prenante, acteur) au procès : deux obligatoires et une facultative. + +À tout seigneur tout honneur, le ministère public, sans qui on ne serait pas là. C'est lui qui est à l'origine des poursuites, et si l'affaire vient pour être jugée, c'est que l'instruction a renforcé sa conviction de la culpabilité de l'accusé. À l'audience, il est l'avocat de la société, qui seule a le droit de punir, doit se protéger des individus dangereux et sanctionner les comportements contraires à la loi. D'où son titre d'*avocat général*, par opposition à l'avocat particulier qu'est celui de la défense. Son rôle est de démontrer la culpabilité et de requérir la peine qui lui semble adaptée à la gravité du crime. Ce dernier point relève de sa totale liberté de parole. Là aussi, cela aura son importance. Évidemment, si les débats révèlent l'innocence de l'accusé, rien n'interdit à l'avocat général de requérir l'acquittement, et il est même de son devoir de le faire (Ce fut le cas lors du procès de Richard Roman en 1992, qui a vu un avocat général, Michel Legrand, qui porte bien son nom, initialement convaincu de la culpabilité de Roman, requérir l'acquittement après le spectaculaire effondrement du dossier à l'audience). + +La défense ensuite, incarnée d'abord par l'accusé, et ensuite par son avocat. L'avocat de la défense est le contradicteur de l'avocat général. Selon les affaires, sa stratégie peut être soit de viser l'acquittement, en démontrant l'innocence ou du moins en instillant le doute dans l'esprit de la Cour, soit, si les faits sont établis et reconnus, de proposer une peine qui naturellement mettra en avant la réinsertion de l'accusé sur les considérations purement répressives. + +Enfin, éventuellement, la partie civile, qui est la victime ou, dans le cas où celle-ci est décédée, ses héritiers (c'est le cas ici : Ilan Halimi étant décédé sans enfants, ce sont ses parents qui sont ses héritiers). Elle demande l'indemnisation de son préjudice, et pour cela doit comme indispensable préalable démontrer la culpabilité. Il n'est pas d'usage que la partie civile s'aventure sur le terrain de la peine à prononcer, prérogative du parquet, mais ce n'est pas formellement interdit. + +Je dis que la partie civile est une partie éventuelle car rien ne l'oblige à se constituer partie civile, et parfois, il n'y en a tout simplement pas (ex : trafic de stupéfiant criminel). + +Le parquet peut faire appel sur la culpabilité et la peine (article 380-2 du CPP[1]). Son appel ne vise qu'à renverser un acquittement ou à l'aggravation de la condamnation. Si seul le parquet est appelant, le mieux que puisse espérer la défense est la confirmation pure et simple. C'est un appel *a maxima*. + +Le condamné peut faire appel (un acquitté ne peut pas faire appel de son acquittement). Cet appel vise à la diminution de la peine voire à l'acquittement. Si seul le condamné fait appel, le pire qu'il puisse lui arriver est la confirmation pure et simple; C'est un appel *a minima*. (article 380-6 du CPP[2]) + +La partie civile peut faire appel des dommages-intérêts qui lui ont été accordés. Si seule la partie civile fait appel, l'appel est jugé par la chambre des appels correctionnels (art. 380-5 du CPP[3]). La partie civile peut faire appel d'un acquittement, mais si le parquet ne fait pas appel, l'accusé est définitivement acquitté, il ne peut faire l'objet d'une peine. La chambre des appels correctionnels peut toutefois constater que l'infraction était constituée et prononcer des dommages-intérêts. + +L'usage veut que le parquet fasse systématiquement appel quand le condamné fait appel, afin de donner à la cour d'assises d'appel les plein-pouvoirs : aller de l'acquittement jusqu'à la peine maximale. De même, quand le parquet fait appel, l'accusé se dépêche de faire un appel incident afin de pouvoir espérer voir sa peine réduite en appel. + +Cet appel provoqué par l'appel de l'autre partie s'appelle un *appel incident*, par opposition à l'appel *principal*. L'appel principal doit être formé dans les 10 jours de la condamnation (art.380-9 du CPP[4]), l'appel incident, dans un délai de cinq jours à compter de l'appel principal (art.380-10 du CPP[5]). Ce délai de cinq jours est indépendant et peut expirer au-delà des dix jours de l'appel principal ; exemple : j'ai un client condamné le 1er du mois — C'est un exemple bien sûr, dans la vraie vie, il aurait été acquitté—, je peux faire appel principal jusqu'au 11, comme le parquet. Si je fais appel le 11, le parquet a jusqu'au 16 pour faire appel incident. + +La décision du parquet de faire appel se prend en interne. Elle est toujours concertée car ce n'est pas une décision à prendre à la légère : l'avocat général, mécontent du verdict, ne peut aller former un appel *ab irato*, sous peine de se retrouver convoqué chez son chef le procureur général qui va lui chanter pouilles. De manière générale, les appels d'une condamnation sont très rares. Le parquet a tendance à considérer que la Cour savait ce qu'elle faisait en prononçant telle peine, et qu'il n'a pas à imposer sa vision des choses au jury populaire qui n'est autre que le peuple souverain. Il n'en va autrement que si un acquittement a été prononcé alors que le parquet est convaincu de la culpabilité (le parquet n'aime pas les erreurs judiciaires...) ou qu'il y a une disproportion telle entre la gravité des faits et la légèreté de la peine qu'il estime qu'un appel est nécessaire. + +Autant dire que dans cette affaire, les probabilités d'un appel spontané du parquet étaient nulles. + +*MAM avait-elle le droit de demander au parquet de faire appel ?* + +Oui. Elle tire ce pouvoir de l'article 5 de l'ordonnance n°58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature[6].    + +Les magistrats du parquet sont placés sous la direction et le contrôle de leurs chefs hiérarchiques et sous l'autorité du garde des sceaux, ministre de la justice. A l'audience, leur parole est libre. C'est à dire qu'on peut tout à fait imaginer que dans cette affaire, l'avocat général conclure l'audience d'appel en disant que les peines prononcées en première instance lui paraissent satisfaisantes et demander à la cour de les confirmer. + +Alors, si tout cela est conforme au droit, d'où vient mon chagrin ? + +Il se situe sur le terrain non pas du droit mais politique, ce qui réjouira mon ami Authueil[7], dévoré d'angoisse à l'idée que je ne pense qu'en juriste. + +C'est qu'en agissant ainsi, MAM ne s'est pas comportée en garde des sceaux, mais en valet des victimes, s'inscrivant dans la droite ligne de sa prédécesseuse, les robes Dior en moins. + +L'action publique ne doit pas être inféodée aux déceptions des victimes. Elle en est autonome, et ce n'est pas pour rien. Ce n'est pas la victime qui demande la punition, c'est la société. La victime est dépouillée de son droit de vengeance depuis que tout citoyen a renoncé à son droit de se faire justice à lui même, et plus largement de recourir à la violence, en confiant le monopole de la justice à l'État, en charge de la protection des citoyens. Et la société doit garder son droit de dire à la victime : non, ça suffit. Ce n'est pas lui faire violence, et je crois même que c'est le plus souvent pour son bien. Car il est des cadeaux faits avec la meilleure volonté du monde qui sont en fait des cadeaux empoisonnés. Et ici, nous risquons d'en avoir un triste exemple. + +Ainsi, l'instruction donnée au parquet est de faire appel des condamnations inférieures aux réquisitions du parquet. Philippe Bilger[8], dont mes lecteurs savent l'estime non feinte que je lui porte, rougira de la confiance qui lui est ainsi portée, puique ses réquisitions sont pour la Chancellerie l'Alpha et l'Oméga, en ce qu'elle estime que la Cour s'est nécessairement trompée chaque fois qu'elle ne les a pas suivies. Passons cependant sur l'incohérence consistant à ne pas tenir compte du fait que le même avocat général s'estime satisfait du verdict. Il serait bon de se tenir à jour, place Vendôme. + +Mais personne ne semble s'être interrogé sur les conséquences de ce choix. + +Il signifie que, sauf à ce qu'il fasse appel, Youssouf Fofana ne sera pas présent en appel (enfin, si : il viendra comme témoin), de même qu'une bonne moitié des accusés (13 sur 27). C'est donc l'ombre du premier procès qui sera rejouée. + +De plus, les 13 accusés concernés vont tous faire appel incident (ils n'ont rien à perdre et tout à gagner à le faire). Et les absents ayant toujours tort, ils vont pouvoir à l'envi charger Fofana pour se décharger de leur fardeau de la culpabilité. Et un accusé provocateur comme Fofana ayant tendance à enfoncer ses co-accusés, il est parfaitement possible que les peines soient réduites en appel. La défense a un coup à jouer et elle le jouera. Je ne dis pas que cette tactique sera mensongère ou trompeuse : si ça se trouve, certains accusés ont réellement été enfoncés par Fofana, dont l'absence leur permettra d'être jugés plus équitablement, et condamnés plus légèrement. + +La mère de la victime semble considérer comme une évidence qu'un procès en appel lui donnera satisfaction, considération qui semble chez certain l'emporter sur toute autre. Croyez-vous qu'un échec en appel allégera sa douleur ? Car ce nouveau verdict sera définitif : pas de nouvel appel, pas de désistement pour revenir à la première décision. Il ne restera que le pourvoi en cassation pour faire annuler le verdict, mais uniquement si le droit n'a pas été respecté (or le *quantum *de la peine est une question de pur fait que la cour de cassation se refuse à examiner). Et c'est MAM qui en portera la responsabilité. + +Demeure ensuite la question du huis clos. Deux des accusés étant mineurs au moment des faits, le huis clos était de droit à leur demande (art. 306 du CPP[9]) . Et l'un d'entre eux est concerné par l'appel (il a été condamné à 9 ans quand le parquet en requérait... 10 à 12) : donc l'appel aura lieu à huis-clos, alors qu'il aurait suffit de ne pas faire appel de sa condamnation pour obtenir la publicité des débats. Pour un an de différence entre les réquisitions et la peine. Voilà ce qui se passe quand un ministre agit dans la précipitation médiatique. + +Là où l'affaire tourne à la farce, c'est quand l'avocat de la partie civile rêve à voix haute d'une modification de la loi pour permettre la publicité des débats (encore une fois, voyez à quoi elle tient ici...). Voici que la victime demande qu'on fasse appel pour elle et qu'on change la loi par la même occasion. Je passerai sur le fait que l'avocat en question était l'avocat du RPR dont le garde des sceaux fut la dernière présidente, car je me refuse à croire qu'en République, des choix publics tinssent à ce genre de considération. Mais je tremble quand même que ce souhait soit suivi d'effet, deux députés qu'on ne peut soupçonner d'être indifférents à l'opinion publique ayant déposé une proposition de loi dans ce sens (Messieurs Barouin et Lang). Si le législatif aussi se met à jouer les larbins des victimes, il ne reste que le judiciaire pour garder la tête froide. + +Je me contenterai donc de regretter que ce ministre ait raté sa première occasion de se comporter en vrai Garde des Sceaux plutôt qu'en valet des victimes, ait manqué de réfléchir avant d'agir, et que visiblement personne dans cette affaire ne se soit interrogé à la Chancellerie pour savoir ce qu'on avait à reprocher à ce procès, remarquablement conduit de l'avis général par une formidable présidente, Nadia Ajjan, et ce qui leur permettait d'estimer que leur opinion valait mieux que celle de neuf jurés et trois juges qui ont assistés aux 29 jours de débat et ont délibéré trois jours durant pour fixer ces peines, très légèrement inférieures aux réquisitions du parquet (à croire que les plaidoiries de la défense servent à quelque chose...). + +La mémoire d'Ilan Halimi méritait mieux que ce cirque. + +[1] http://legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=6CA974A0521C9F47F5F06F154493326E.tpdjo09v_3?idArticle=LEGIARTI000006576363&cidTexte=LEGITEXT000006071154&dateTexte=20090715 +[2] http://legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=6CA974A0521C9F47F5F06F154493326E.tpdjo09v_3?idArticle=LEGIARTI000006576375&cidTexte=LEGITEXT000006071154&dateTexte=20090715 +[3] http://legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=6CA974A0521C9F47F5F06F154493326E.tpdjo09v_3?idArticle=LEGIARTI000006576374&cidTexte=LEGITEXT000006071154&dateTexte=20090715 +[4] http://legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=6CA974A0521C9F47F5F06F154493326E.tpdjo09v_3?idArticle=LEGIARTI000006576378&cidTexte=LEGITEXT000006071154&dateTexte=20090715 +[5] http://legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=6CA974A0521C9F47F5F06F154493326E.tpdjo09v_3?idArticle=LEGIARTI000006576379&cidTexte=LEGITEXT000006071154&dateTexte=20090715 +[6] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/15/Ordonnance%20n%C2%B058-1270%20du%2022%20d%C3%A9cembre%201958%20portant%20loi%20organique%20relative%20au%20statut%20de%20la%20magistrature.%20%20%20 +[7] http://authueil.org/?2009/07/08/1387-adresse-aux-juristes +[8] http://www.philippebilger.com/blog/2009/07/eloge-du-calme.html +[9] http://legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=1A810C154EBE14003A2984513DD3860B.tpdjo09v_3?idArticle=LEGIARTI000006576166&cidTexte=LEGITEXT000006071154&dateTexte=20090715 + +Feed: Journal d'un avocat + +Author: Eolas +**************************************** +Item: Les procédures pénales d'exceptions vivent-elles leurs dernières heures ? + +Date: Mon Jul 13 08:13:00 UTC 2009 +Je n'ose y croire, tant j'en ai rêvé, mais là, la cour européenne des droits de l'homme semble sonner le glas d'un aspect parmi les plus scandaleux de la procédure pénale française, qui pourtant n'en manque pas. + +Par un arrêt Salduz c. Turquie du 27 novembre 2008 (Requête no 36391/02[1]), la Grande Chambre de la Cour a condamné la Turquie pour violation du droit à un procès équitable pour une loi qui refusait l'accès à un avocat au stade de l'enquête de police en raison de son objet qui, vous l'aurez deviné puisqu'il permet de porter atteitne aux droits de l'homme sous les applaudissements de l'opinion publique, est de lutter contre le terrorisme.  + +En l'espèce, c'est un mineur kurde, soupçonné d'avoir ourdi deux odieux attentats terroristes, en l'espèce avoir participé à une manifestation du Parti des Travailleurs du Kurdistan, organisation illégale (qui est bel et bien une organisation terroriste violente), en soutien au chef de ce parti, Abdullah Öcalan, incarcéré depuis 1999,  ET d'avoir accroché une banderolle sur un pont ainsi rédigée : "Longue vie à notre chef Apo", Apo ("Tonton" en kurde) étant le surnom d'Öcalan. + +Comme vous le voyez, c'est presque aussi grave que d'abîmer des caténaires de la SNCF. + + Après six mois de détention provisoire, il fut déclaré coupable sur la base de ses déclarations en garde à vue (faites sans avoir pu bénéficier du conseil d'un avocat), quand bien même il les avait rétractées par la suite (sur le conseil de son fourbe avocat, ce pire ennemi de la vérité, de l'ordre public et de l'autorité de l'État) et condamné à 4 ans et six mois de prison, ramenés à 2 ans et demi et raison de sa minorité.  + +Je passe sur la procédure d'appel qui n'était pas non plus conforme aux standards de la Convention. + +Les passages de l'arrêt qui ont retenu mon attention en ce qu'elles peuvent concerner la France sont ceux-ci. Après avoir rappelé que la Cour veille à ce que les droits garantis par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme soient effectifs et concrets, la Cour affirme que (j'ai ôté les références jurisprudentielles pour alléger le texte ; les gras sont de moi) :  + +54. La Cour souligne l'importance du stade de l'enquête pour la préparation du procès, dans la mesure où les preuves obtenues durant cette phase déterminent le cadre dans lequel l'infraction imputée sera examinée au procès (*...*). Parallèlement, un accusé se trouve souvent dans une situation particulièrement vulnérable à ce stade de la procédure, effet qui se trouve amplifié par le fait que la législation en matière de procédure pénale tend à devenir de plus en plus complexe, notamment en ce qui concerne les règles régissant la collecte et l'utilisation des preuves. *Dans la plupart des cas, cette vulnérabilité particulière ne peut être compensée de manière adéquate que par l'assistance d'un avocat, dont la tâche consiste notamment à faire en sorte que soit respecté le droit de tout accusé de ne pas s'incriminer lui-même.* Ce droit présuppose que, dans une affaire pénale, l'accusation cherche à fonder son argumentation sans recourir à des éléments de preuve obtenus par la contrainte ou les pressions au mépris de la volonté de l'accusé. Un prompt accès à un avocat fait partie des garanties procédurales auxquelles la Cour prête une attention particulière lorsqu'elle examine la question de savoir si une procédure a ou non anéanti la substance même du droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination (…). La Cour prend également note à cet égard des nombreuses recommandations du CPT (Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants-NdA) soulignant que le droit de tout détenu à l'obtention de conseils juridiques constitue une garantie fondamentale contre les mauvais traitements. *Toute exception à la jouissance de ce droit doit être clairement circonscrite et son application strictement limitée dans le temps. Ces principes revêtent une importance particulière dans le cas des infractions graves, car c'est face aux peines les plus lourdes que le droit à un procès équitable doit être assuré au plus haut degré possible par les sociétés démocratiques.* + +* +* + +Une petite pause ici. Le droit français a été mis en conformité avec la Convention européenne des droits de l'homme par la loi du 4 janvier 1993 en prévoyant que tout gardé à vue a droit a l'assistance d'un avocat. La loi, comme effrayée de sa propre audace, a toutefois prévu que ce droit se résumait à un entretien de trente minutes sans que l'avocat ait accès au dossier. Un changement de majorité s'étant produit en mars de la même année, une loi du 24 août 1993 va repousser l'intervention de cet avocat à la 21e heure de garde à vue, parce que sékomsa. Cela permettait de tenir éloigné ce gêneur dont la tâche, non mais je vous demande un peu, consiste à faire en sorte que soit respecté le droit de tout accusé de ne pas s'incriminer lui-même. En juin 2000, la loi a enfin permis à l'avocat d'intervenir dès le début de la garde à vue. Mais là encore, changement de majorité en 2002 et en mars 2004, une loi revient sur ce point en repoussant l'intervention de l'avocat à la 48e heure en matière de terrorisme, de trafic de stupéfiant et de délinquance organisée. + +Je rappelle que des affaires comme celles de Julien Coupat ont été traitées selon cette procédure d'exception, de même que la plupart des gardes à vue des délits de solidarité qui n'existent pas : la dame arrêtée à son domicile pour avoir rechargé des téléphones mobiles d'étrangers a été interpellée pour aide au séjour *en bande organisée*. Quand bien même l'affaire va probablement aboutir à un classement sans suite, elle n'a pas eu droit à l'assistance d'un avocat pendant ses 14 heures de garde à vue.  + +Permettez à l'État de s'affranchir des libertés fondamentales en matière de terrorisme ou de délinquance organisée, et ne vous étonnez pas qu'un jour, il vous accuse d'un de ces faits pour s'affranchir d'avoir à respecter les vôtres. + +Donc, l'intervention de l'avocat est repoussée de 48 heures dans trois série de cas. Systématiquement. Revenons-en à notre arrêt de la Cour. + +55.  Dans ces conditions, la Cour estime que, pour que le droit à un procès équitable consacré par l'article 6 § 1 demeure suffisamment « concret et effectif » (…), *il faut, en règle générale, que l'accès à un avocat soit consenti dès le premier interrogatoire d'un suspect par la police, sauf à démontrer, à la lumière des circonstances particulières de l'espèce, qu'il existe des raisons impérieuses de restreindre ce droit.* Même lorsque des raisons impérieuses peuvent exceptionnellement justifier le refus de l'accès à un avocat, pareille restriction – quelle que soit sa justification – ne doit pas indûment préjudicier aux droits découlant pour l'accusé de l'article 6 (voir, mutatis mutandis, Magee, précité, § 44). *Il est en principe porté une atteinte irrémédiable aux droits de la défense lorsque des déclarations incriminantes faites lors d'un interrogatoire de police subi sans assistance possible d'un avocat sont utilisées pour fonder une condamnation.* + +Arrêtez-moi si je me trompe (mais pas selon la procédure de délinquance organisée s'il vous plaît) : la cour dit qu'elle veut bien qu'on repousse l'intervention de l'avocat, mais elle doit avoir lieu en tout état de cause avant le premier interrogatoire de police, sauf à ce que des circonstances particulières au cas d'espèce (et non une règle de procédure générale appliquée systématiquement) font qu'il existe des raisons impérieuses de restreindre ce droit. + +Or les procédures françaises d'exception repoussent à la 48e heure cette intervention de l'avocat, systématiquement, et des interrogatoires du suspect ont bien évidemment lieu pendant ce laps de temps. C'est même le but : obtenir des aveux avant qu'un baveux vienne lui dire de se taire. + +Conclusion logique : les procédures française d'exception ne sont pas conformes à la Convention européenne des droits de l'homme. Toutes les personnes qui ont avoué des faits dans ce laps de 48 heures peuvent demander une indemnisation pour violation de leurs droits, et la révision de leur procès (art. 626-1 du CPP[2]) si elles ont été condamnées sur la base de ces aveux, car leur procédure est présumée avoir porté une atteinte irrémédiable à leurs droits de la défense. + +Peut-être vois-je midi à ma porte car depuis 2004, où j'ai participé aux manifestations des avocats contre ce volet de la loi Perben II, je suis convaincu que cette procédure est contraire aux droits de l'homme. Je lirai donc avec intérêt tout point de vue contradictoire visant à démontrer que je me trompe. + +Car si tel n'est pas le cas, le 27 novembre 2008 fut une belle journée pour les droits de l'homme. + +[1] http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/view.asp?item=1&portal=hbkm&action=html&highlight=36391/02&sessionid=26557937&skin=hudoc-fr +[2] http://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do;jsessionid=3CE6A4CED79C87428AA3D2450626E35A.tpdjo05v_3?idSectionTA=LEGISCTA000006138100&cidTexte=LEGITEXT000006071154&dateTexte=20020713 + +Feed: Journal d'un avocat + +Author: Eolas +**************************************** +Item: BatMam et Robin + +Date: Sun Jul 12 10:00:00 UTC 2009 +*Par Dadouche* + +Il n'aura pas échappé à nos lecteurs, toujours très informés de la chose publique, que nous avons un nouveau Garde des Sceaux. +Michèle Alliot-Marie[1] a en effet été nommée Ministre d'Etat, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice et des Libertés. + +Et comme on n'est pas trop de deux pour s'occuper des Libertés (surtout quand on est en charge des prisons), il lui a été adjoint un Secrétaire d'Etat, Jean-Marie Bockel[2]. +Si nous avons connu dans un passé récent des Secrétaires d'Etat aux programmes immobiliers de la Justice ou aux droits des victimes, le Secrétariat d'Etat auprès du Ministre de la Justice et des Libertés est (à ma connaissance) une nouveauté[1[3]]. + +On attendait donc avec impatience de connaître le domaine de compétence du Secrétaire d'Etat. + +C'est un décret[4] paru hier qui nous renseigne. +Enfin, si on peut appeler ça renseigner. + +En effet, l'article 1er de ce texte dispose que *" M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'Etat à la justice, remplit toute mission et assure le suivi de tout dossier que lui confie le ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, auprès duquel il est délégué."*. + +Qui pourrait se traduire par "il fera ce qu'on lui laissera faire" + +Ce n'est pas sans précédent. +Si George Kiejman, Ministre Délégué auprès du Ministre de la Justice dans le gouvernement de Michel Rocard avait en 1990 des attributions[5] précises, telles que l'élaboration du nouveau code pénal, son successeur Michel Sapin, membre du gouvernement d'Edith Cresson, avait une fiche de poste[6] aussi élaborée que celle du nouveau Secrétaire d'Etat. + +Lequel Secrétaire d'Etat aurait déclaré[7] "Je serai transversal mais pas transparent". + +Sera-t-il le Robin de BatMam ? Ou Bernardo, le docteur Watson, Sancho Pança, Mini Me, Sganarelle, Q, Tinkerbell, Christian de Neuvillette, Han Solo (voire Chewbacca), Ron Weasley, Samwise Gamgee, Obélix ou Victoria Silvstedt ?[2[8]] + +L'avenir nous dira comment fonctionnera ce nouveau couple... + +Notes + +[1[9]] même si nous avons déjà connu des Ministres Délégués auprès du Ministre de la Justice + +[2[10]] après avoir dans un premier temps mis en note de qui ces personnages sont les *sidekicks* ou fidèles seconds, je me suis dit qu'il valait mieux laisser chercher (enfin, c'est pas très compliqué)... Ca occupera ceux qui sont en vacances et ça distraira ceux qui sont au boulot + +[1] http://www.justice.gouv.fr/index.php?rubrique=10016&ssrubrique=10019 +[2] http://www.justice.gouv.fr/index.php?rubrique=11585&ssrubrique=11586 +[3] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/12/#pnote-1426-1 +[4] http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=?cidTexte=JORFTEXT000020834911&dateTexte=&oldAction=rechJO&categorieLien=id +[5] http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000169187&fastPos=4&fastReqId=1837807558&categorieLien=id&oldAction=rechTexte +[6] http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000354883&fastPos=9&fastReqId=1071308680&categorieLien=id&oldAction=rechTexte +[7] http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2009/06/27/01016-20090627ARTFIG00206-mam-et-bockel-se-disputent-les-prisons-.php +[8] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/12/#pnote-1426-2 +[9] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/12/#rev-pnote-1426-1 +[10] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/12/#rev-pnote-1426-2 + +Feed: Journal d'un avocat + +Author: Dadouche +**************************************** +Item: Faut-il se chauffer au gaz pour être juge en Virginie occidentale ? + +Date: Fri Jul 10 00:19:00 UTC 2009 +Lors de sa récente session, la Cour suprême a rendu un arrêt important changeant de manière spectaculaire sa position sur la très délicate question de l'indépendance de fait des juges élus. + +Les juges exercent en démocratie le troisième pouvoir, le pouvoir judiciaire : celui de trancher un différend selon la loi. Cette mission essentielle en démocratie suppose deux qualités essentielles : l'indépendance, et la compétence. + +En démocratie, trois systèmes de désignation sont envisageables : la désignation par l'autorité publique (les modalités peuvent varier de la désignation discrétionnaire au concours, en passant par la désignation ratifiée), l'élection, et le tirage au sort. + +La France a recours à un panaché des trois systèmes. La majorité des juges administratifs et judiciaires sont désignés par l'autorité publique sur la base d'un concours (c'est un décret signé par le président de la République en personne qui leur confère leurs fonctions ; Chirac pour Gascogne, Dadouche, Sub lege libertas, Paxatagore et Lulu, René Coty pour Anatole). Certains de ces juges sont désignés par l'autorité publique sans concours (les “sur titre” ; par exemple, Rachida Dati n'a jamais passé le concours d'accès à l'ENM— mais la plupart des “sur titre” sont de très bons magistrats ; citons aussi les membres du Conseil constitutionnel, nommés discrétionnairement par les trois présidents de la République, du Sénat et de l'Assemblée nationale). Les conseillers prud'hommes sont élus par les salariés et les employeurs, de même que les juges de commerce le sont par les commerçants. Le jury d'assises est quant à lui tiré au sort[1] parmi le corps électoral. + +Ce dernier système peut surprendre, mais il est selon Montesquieu le plus démocratique puisqu'il respecte l'égalité des chances (même si dans tous les systèmes de droit, le tirage au sort est toujours tempéré tant par des restrictions pour l'accès au tirage —conditions d'âge et de probité— que par une influence sur le tirage —droit de récusation d'un juré tiré au sort. + +La désignation par l'autorité publique se fait en principe sur un critère de compétence technique. C'est le cas du concours, mode de désignation au mérite par excellence, mais aussi de la nomination par le pouvoir politique, qui si elle est encadrée par des contre-pouvoirs peut être satisfaisante. Ainsi les juges à la Cour Suprême des États-Unis sont-ils désignés par le président des États-Unis mais avec ratification par le Sénat ; les plus hauts postes de magistrats français sont soumis à l'avis (pour le parquet) ou à l'accord (pour le siège) du Conseil Supérieur de la Magistrature, ce qui rend particulièrement scandaleux le coup de force qui viendrait de se produire pour muter un procureur général, j'y reviendrai dans un prochain billet. + +Notons que les nominations au Conseil constitutionnel n'étaient soumises à aucun contrôle ni contre pouvoir jusqu'à la révision constitutionnelle de juillet 2008, ce qui était une carence à mon sens mais a permis d'éviter la politisation du Conseil. On verra ce que donnera la nouvelle procédure, qui n'a pas encore eu à s'appliquer (les prochaines nominations sont pour février 2010 avec le départ d'Olivier Dutheillet de Lamothe, Dominique Schnapper et Pierre Joxe. + +Aux États-Unis, qui vont nous occuper, 39 des 50 États de l'Union ont recours partiellement ou totalement à l'élection des juges et procureurs généraux. C'est donc un sujet sensible, qui reflète la méfiance traditionnelle du peuple américain envers l'État, et qui a ainsi voulu garder la mainmise sur la désignation de ceux chargés de dire le droit. + +L'invonvénient d'un tel système de désignation est qu'il se politise forcément. Les campagnes électorales pour élire tel juge ne sont pas toujours compatibles avec la dignité inhérente à la fonction, et l'argument de la promesse de sévérité (promesse tenue, les États-Unis ont un taux d'incarcération dix fois supérieur au nôtre) est un des plus porteurs. Se pose aussi la question de l'indépendance du juge, dont la campagne est financée par des gens susceptibles un jour d'être justiciables devant lui. Or un principe constitutionnel aux États-Unis est celui du procès équitable, le *due process of law*. + +Or la position de la Cour suprême a toujours été de dire que le juge ne doit pas voir son impartialité remise en cause à la légère : il prêtent serment de respecter la loi et la Constitution, et doivent bénéficier d'une présomption d'honnêteté. De fait, deux cas seulement constituent selon elle une situation objective où le juge doit se récuser : quand le juge a un intérêt financier dans le litige —*Tumey v. Ohio*, 273 U. S. 510, 523 (1927)— et quand le juge statue sur un délit d'audience (*contempt of court*) dont il a été la victime directe —*Mayberry v. Pennsylvania*, 400 U. S. 455 (1971). Ces décisions ont d'ailleurs été reprises dans des lois fédérales depuis lors. En dehors de ces cas, le demandeur en récusation doit prouver la partialité (*bias*) du juge, ce qui est très difficile, d'autant plus que généralement, il faut bien le dire, les juges se déportent volontiers quand ils estiment ne pas être neutres. + +Intéressons-nous à présent à l'industrie du charbon en Virginie occidentale. + +Ah, Charleston[1[2]], ton univers impitoya-able. Un géant du charbon y règne sur les Appalaches : Massey Energy®[3], sous la forme de sa succursale locale :A. T. Massey Coal Co., Inc. Massey est le 4e producteur de charbon des États-Unis avec 40 millions de tonnes par an (vous voyez que le réchauffement de la planète a de beaux jours devant lui), et le premier de la région des Apalaches. Face à Goliath, quatre David : Hugh Caperton, Harman Development Corp.,Harman Mining Corp., et Sovereign Coal Sales (que j'appellerai Caperton tout court, comme la Cour Suprême). Quatre petits exploitants de mines de charbon qui vont tous faire faillite à cause selon eux de manœuvres déloyales et illicites de Massey. + +Si en France, tout finit par des chansons, aux États-Unis, tout finit par des procès. Et pour cause : ça marche. Le géant se prend la pierre judiciaire en plein front. En août 2002, un jury déclare A.T. Massey coupable de comportements commerciaux déloyaux et illicites et le condamne à payer à Caperton 50 millions de dollars. En juin 2004, la cour d'appel rejette le recours de A.T. Massey par un arrêt cinglant qui établit formellement sa culpabilité. Massey forme un pourvoi en cassation devant la Cour Suprême de l'État de Virginie Occidentale. + +Or fin 2004 se tenaient les élections judiciaires à la Cour Suprême : le juge sortant était l'Honorable *Justice* McGraw, candidat à sa succession. Son principal adversaire était l'avocat Brent Benjamin. + +Le Groupe Massey va décider de soutenir le candidat Benjamin, farouche partisan du libre marché. Et quand je dis soutenir, je dis soutenir. Outre les 1.000 dollars, don maximum au candidat selon la loi de Virginie Occidentale, Massey va faire un don de 2.500.000 $ à une association qui s'opposait à McGraw et soutenait Benjamin. Le nom de l'association est, pour la petite histoire « Pour le Bien des Enfants ». En fait, c'était plutôt pour le bien des mineurs. + +Et pour faire bonne mesure, Massey va dépenser 500.000 $ en courriers et campagnes diverses appelant à faire des dons pour Benjamin. Hypocrisie de la législation américaine : on ne peut donner plus de 1000 dollars à un candidat mais on peut dépenser 500.000 $ pour encourager les gens à lui faire des dons plafonnés à 1000 $ chacun. Sachant que les comités de soutien des deux candidats ont dépensé à eux deux 2.000.000 $, Massey va dépenser 3 millions pour soutenir un candidat. + +Qui sera élu avec 53,3% des votes. Ramené au nombre de suffrages exprimés, cela fait 8 dollars par vote pour Massey. + +Une fois Brent Benjamin devenu *Justice* Benjamin, Massey forme son pourvoi en cassation en octobre 2005. Aussitôt, Caperton dépose une requête en suspicion légitime à l'encontre du *Justice* Benjamin, lui demandant de se déporter, le demandeur étant son principal soutien financier. En avril 2006, le *Justice* Benjamin rejette cette requête, s'estimant tout à fait impartial. + +Et en novembre 2007, la cour suprême annule le jugement, par trois voix contre deux. Trois voix, dont celle de Benjamin : son vote fut donc décisif. Dans l'opinion dissidente du *Justice* Albright, cosignée par le *Justice* Cookman, on peut lire ces lignes impitoyables “Non seulement l'opinion de la majorité ne repose sur aucun fait établi ou un précédent jurisprudentiel, mais elle est fondamentalement injuste. Malheureusement, la justice n'a été ni honorée ni servie par la majorité". Ambiance. ” + +Caperton n'en démordant pas, il porte son affaire devant la Cour Suprême. + +Qui va se déchirer à son tour mais, par un vote de 5 contre 4, donner raison à Caperton. L'argument central est le suivant : même si aucun élément ne permet d'affirmer la partialité du *Justice* Benjamin, il existe ici une telle probabilité de partialité (*probability of bias*) qu'il aurait dû se récuser. la femme de César ne doit pas être soupçonnée même si elle n'a rien à se reprocher : il en va de même de ses juges. À l'argument de l'atteinte de la confiance publique dans les juges et le risque de raz-de-marée de recours en récusation *Caperton*, le *Justice* Kennedy, qui a rédigé l*'Opinion* de la Cour réplique que non, il s'agit d'un cas d'espèce eu égard aux circonstances extrêmes (un soutien “disproportionné” du demandeur) + +Le *Chief Justice* Roberts, dissident, s'étouffe d'indignation, soutenu en cela par le bloc conservateur de la cour : les *Justice* Scalia, Alito, et Thomas (les *usual Suspects*). Le *Chief Justice* Roberts ne parvient pas à accepter cette décision ne reposant pas sur des critères objectifs (contrairement à *Tumey* ou *Mayberry*) mais sur l'appréciation du juge. Il soulève dans son opinion dissidente (page 28 et suivantes du pdf) 40 questions que cet arrêt laisse selon lui irrésolues. Certaines sont pertinentes (par exemple : et si le litige portait sur un enjeu de 10.000 $, soit bien moins que le soutien financier de la campagne, peut-on soupçonner Massey d'acheter son juge ?), tandis que d'autres sont teintées de mauvaise foi par une *reductio ad absurdum* classique : par exemple : “Et si un juge est élu sur une promesse de sévérité envers le crime, doit-il se récuser de toute affaire criminelle ?” ; et pourquoi pas l'obliger à se chauffer au gaz pour juger une entreprise de charbon (d'où le titre du billet). + +Les règles objectives dégagées par la Cour dans ses arrêts *Tumey* et *Mayberry* ont été reprises dans des textes de loi, ce qui montre au passage le respect à la limite de la crainte révérencielle du législateur américain envers le juge, tandis que le législateur français vote sans vergogne des lois pour contourner les objections du juge, fût-il constitutionnel (Rétention de sûreté, HADOPI 2…). Gageons que cette fois, le législateur américain se gardera bien de s'aventurer sur ce terrain glissant. + +Alors, Caperton, révolution jurisprudentielle ou cas d'espèce sans lendemain ? + +Prochain épisode : les anti-inflammatoires permettent-ils de voir des jeunes filles nues ? + +Notes + +[1[4]] Qui est comme tout le monde le sait la capitale de la Virginie Occidentale. + +[1] http://www.maitre-eolas.fr/post/2007/01/15/514-petit-vademecum-a-l-usage-des-jures-d-assises-1 +[2] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/06/#pnote-1415-1 +[3] http://www.masseyenergyco.com/ +[4] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/06/#rev-pnote-1415-1 + +Feed: Journal d'un avocat + +Author: Eolas +**************************************** +Item: Du remue-ménage + +Date: Wed Jul 08 22:32:00 UTC 2009 +Certains d'entre vous ont pu le vivre en direct, il y a eu de grosses coupures cet après midi, mais ca y est, la mue est faite : mon blog tourne sous Dotclear 2. + +Concrètement, vous ne verrez aucune différence, et c'est le but. La carrosserie reste la même, c'est le moteur qui a changé. Et celui-là ne cale plus en côte. Pour ceux qui en ont marre de mes périphrases : en principe, fini les erreurs 503 à répétition dès que les lecteurs se bousculaient au portillon. Le blog devrait tenir la charge : j'ai un serveur dédié qui fonctionne à l'urine de cycliste, un logiciel débuggé au napalm et une bande passante qui pourrait télécharger un porte-avion. + +Le site devrait s'afficher encore plus rapidement chez vous, surtout parce que j'ai enlevé des enjoliveurs qui consommaient beaucoup de ressources pour pas grand chose : le top des commentateurs, les billets les plus commentés. + +Il faut que je m'habitude à la nouvelle interface, qui ne va pas me faciliter la vie sur iPhone, que j'explique à mes commensaux comment entrer dans leur nouvelle demeure, bref, je suis un peu en rodage, mais tout devrait bientôt reprendre un rythme normal. + +Prochain chantier à la rentrée : le changement de carrosserie. Le thème actuel a été bricolé en express par Kozlika[1], que Saint PHP la bénisse, mais j'ai conscience que son minimalisme confine à la mocheté, il n'était pas fait pour durer deux ans et demi. + +Je vais passer à un graphisme en deux colonnes, une grosse à gauche pour les billets, une petite à droite pour le menu. Graphiquement, ce sera sobre et élégant ; je fais sous-traiter ça par un geek dans un sweatshop à l'autre bout du monde qui travaille pour une bouchée de pain pour une boîte française installée dans un paradis fiscal (j'ai bien suivi, François[2] ?). Pas de Flash®, toujours pas de pub, bref, le fond plus que la forme, comme d'habitude. + +Merci de m'indiquer toute anomalie que vous pourriez rencontrer : la chasse aux bugs est ouverte. Et on dit bravo et merci à Rémi. + +[1] http://kozlika.org/ +[2] http://padawan.info/fr/ + +Feed: Journal d'un avocat + +Author: Eolas +**************************************** +Item: Les cinq erreurs d'Authueil + +Date: Wed Jul 08 11:12:18 UTC 2009 +Mon ami Authueil reproche souvent aux juristes leur côté pinailleur. Je m'en voudrais de lui donner tort et vais relever cinq erreurs dans son dernier bille[1]t, dans lequel il exprime son approbation de la décision d'un proviseur ayant soumis la réinscription d'un lycéen en terminale dans son établissement à l'engagement de sa part de ne pas se livrer à nouveau à un blocage[2] comme il l'avait fait plus tôt dans l'année scolaire pour des motifs politiques. + +À titre de prolégomènes, je tiens à signaler que, au-delà de la cause politique qui les a motivé, je n'ai *aucune* sympathie pour les bloqueurs, que ce soit de fac, de lycée ou de maternelle. C'est une méthode illégale, violente, et une voie de fait d'une minorité qui impose par la force ses décisions à une majorité. C'est à mes yeux inadmissible. Et ne venez pas me parler de démocratie. J'ai assisté à des “ AG ” en amphi : outre le fait qu'un amphi ne contient qu'une patite portion des étudiants, la démocratie y est aussi spontanée qu'en Corée du Nord. + +Donc je désapprouve ce qu'a fait ce lycéen. + +Néanmoins je suis en désaccord avec Authueil sur 5 points. + +Ce lycéen a 17 ans, il n'a plus d'obligation scolaire, s'il veut intégrer un établissement scolaire, il doit en accepter les règles. + +Je note sur un coin de papier son âge. Nous avons affaire à un mineur. Un grand mineur, mais un mineur quand même. Je m'en servirai plus tard. Mais le fait qu'il ait dépassé l'âge de l'obligation scolaire est sans la moindre pertinence. Il n'a plus l'obligation de se scolariser, mais il en conserve la liberté, que le Code de l'éducation élève au rang de droit : + +*Le droit à l'éducation est garanti à chacun afin de lui permettre de développer sa personnalité, d'élever son niveau de formation initiale et continue, de s'insérer dans la vie sociale et professionnelle, d'exercer sa citoyenneté.* + +Article L.111-1, qui, mes lecteurs l'auront deviné, est le premier article du code (quand je parlerai "du code" dans ce billet, ce sera le Code de l'éducation). + +15 ou 17 ans, l'élève a autant de légitimité à vouloir suivre des études, et l'État doit lui en fournir les moyens. + +De même, l'obligation scolaire (art. L.131-1 du Code de l'Éducation[3]), de six à seize ans, ne dispense pas d'accepter les règles d'un établissement scolaire sous prétexte que l'élève n'a pas le choix d'être là. Tout établissement a un règlement intérieur qui s'impose aux élèves et aux enseignants. Et ce quel que soit leur âge (là, je pense surtout aux élèves) et leur capacité de compréhension des règles (là, je pense plus aux ados qu'aux maternelles). + +Bref, l'argument de l'âge est inopérant dans le sens de la démonstration d'Authueil. Vous allez voir, il va même plutôt dans le sens contraire. + +Vu qu'il a allègrement violé le règlement intérieur, et l'a clairement montré en devenant un représentant du mouvement, on peut comprendre les craintes du proviseur sur les risques de récidive. Qui trouverait à y redire s'il s'agissait d'un élève violent et isolé qui perturbe la vie du lycée par son indiscipline ? Pourquoi, parce que ces faits se seraient déroulés dans le cadre d'une action politique, il devrait être absout ? Une perturbation reste une perturbation et on peut très bien manifester et avoir une activité politique sans bloquer un établissement. + +Sur ce dernier point, je suis d'accord (bon pour pinailler jusqu'au bout, je dirai qu'on ne le peut pas, mais qu'on le doit). Mais ça s'arrête là. Le proviseur a des craintes ? Je lui recommande la verveine. Il y a des voies de droit pour sanctionner un élève. Et le chantage à la réinscription ne fait pas partie de cet arsenal (article R.511-13 du Code[4]). Car le proviseur n'a pas le pouvoir de sanction : il appartient au conseil de discipline (art. R.511-20 et s. du Code[5]) qu'il saisit et préside (ce qui au passage n'est pas conforme à la convention européenne des droits de l'homme qui exige la séparation des autorités de poursuite et de jugement). En exerçant ce chantage à la réinscription, le proviseur usurpe les prérogatives du Conseil de discipline, dont la composition vise précisément… à limiter le pouvoir coercitif du proviseur. + +Bref, pour sanctionner une violation de la loi par l'élève, le proviseur viole la loi. Les enseignants sont censés donner l'exemple, pas le suivre, non ? + +On est au lycée pour suivre des cours et si on est pas content de son lycée, on peut en changer, voire le quitter si on a l'âge requis. Rien à voir donc avec le monde du travail. + +Premier point : on est au lycée pour suivre des cours. Non. Pour draguer des filles (ou se faire draguer si on est une fille) et rigoler avec les potes/copines. + +Ensuite, je pourrais dire qu'on est dans une entreprise pour travailler, et si on n'est pas content de sa boîte, on peut en changer voire prendre sa retraite si on a l'âge requis. Bref, sur ces éléments de comparaison, ça ressemble un peu au monde du travail, le lycée. + +En fait, la différence essentielle, car elle existe, ce que les “ syndicats ” d'élèves ne comprennent pas, est ailleurs. Étudier n'est pas un métier, sauf pour Bruno Julliard, et l'élève n'a pas de contrepartie directe à son travail. Il en tire une instruction qui lui permettra plus tard d'accéder à des métiers pointus et donc mieux rémunérés. Le contrat de travail est un contrat d'échange direct : travail contre salaire. Cette relation existe d'ailleurs entre l'enseignant et l'Éducation Nationale, même si le statut est différent (l'enseignant est souvent un fonctionnaire). L'élève est l'usager d'un service public. Il jouit d'une prestation de service : l'enseignement et la mise à disposition des locaux. La seule chose qu'il doit est son assiduité et un comportement conforme au règlement intérieur. C'est là qu'on voit qu'en effet, le lycée et le monde du travail, ça n'a rien à voir. + +Quand les salariés manifestent pour des raisons de politique générale, ils ne bloquent pas pour autant leurs entreprises. Ils prennent une journée (de RTT, de congé, de grève...) et vont se joindre à la manif, sans empêcher leurs collègues non grévistes d'aller au travail si ça leur chante. + +En théorie. Les piquets de grève ne sont pas une légende. Oh, c'est illégal[6], bien sûr, comme séquestrer les patrons. Ou bloquer les lycées. Invoquer la différence des comportements est ici erroné puisque les deux comportements sont similaires. ce qui n'est pas un hasard : les lycéens et étudiants singent les moyens de lutte des ouvriers d'usines menacées de fermeture (quand bien même les études qu'ils suivent visent à s'assurer qu'ils n'entreront pas dans la même carrière que leurs glorieux aînés prolétaires). + +Il doit y avoir des limites. Ce proviseur a eu le courage d'en poser, qui m'apparaissent très raisonnables, puisque rien n'empêchera le lycéen d'avoir des activités politiques dans l'enceinte de l'établissement. On lui demande juste de ne pas perturber la scolarité de ses petits camarades, ce qui est la moindre des choses. + +Non, ce proviseur a au contraire manqué de courage. Il y a des limites, prévues par la loi. À lui de l'appliquer. Il aurait dû lancer une procédure disciplinaire contre tous les élèves bloqueurs, et ce dès le début du blocage. Pour leur permettre de présenter leur défense, de se faire assister de la personne de leur choix, y compris un avocat (art. D.511-32 du Code), et de comprendre que persévérer dans leur attitude les exposerait à un renvoi temporaire ou définitif et à une plainte au pénal, bienvenue dans la vraie vie. Car là aussi, rien n'est plus propice au passage à l'acte que la certitude de l'impunité que donne le nombre d'une part et la couardise des autorités d'autre part. + +Au lieu de cela, après avoir plié l'échine sur le moment, signant un aveu de faiblesse[1[7]], il emploie un moyen déloyal et illégal. Il attend que l'élève en question soit isolé, et le prend à la gorge administrativement en détournant ses pouvoirs (le proviseur ne tire d'aucun texte le droit de juger l'opportunité des réinscriptions). Sachant que l'élève en question est mineur, donc censé être plus protégé par la loi, on peut s'interroger sur la véritable vertu pédagogique. En outre, son engagement de bien se tenir (qui est de nature civile) est nul car obtenu par la violence (art. 1111 du Code civil —c.civ— : c'est signe ou tu n'auras pas d'établissement l'année prochaine), est lésionnaire pour le mineur (art. 1315 c.civ : il ne peut que lui nuire) et n'a aucune base légale dans le code de l'éducation. + +Enfin, il y a une certaine absurdité de demander à un élève ayant violé le règlement intérieur de s'engager à le respecter sous peine de sanction… sanction qui n'a pas été prise quand le règlement intérieur a été violé. + +Bref, une mesure illégale, inefficace et qui déshonore celui qui la prend. Vous l'aurez compris, je ne partage pas l'enthousiasme d'Authueil face à cette mesure. Le pinaillage des juristes, pour qui la fin ne justifie jamais les moyens, que ce soit un blocage de lycée ou de réinscription, en fait de bien sinistres personnages. + +PS : Je ne l'avais pas vu, mais Jules le dit mieux que moi[8]. + +Notes + +[1[9]] Si cette politique du roseau lui a été imposée par la voie hiérarchique, l'administration refusant toute confrontation, ma critique reste la même, mais se transmet par la voie hiérarchique au ministre. + +[1] http://authueil.org/?2009/07/07/1385-un-lycee-c-est-fait-pour-etudier +[2] http://www.rue89.com/2009/07/06/jai-17-ans-et-je-suis-exclu-car-jai-fait-blocage-contre-darcos +[3] http://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do;jsessionid=60B3026C9D802E35D68E59107A85B1A5.tpdjo16v_3?idSectionTA=LEGISCTA000006166564&cidTexte=LEGITEXT000006071191&dateTexte=20090708 +[4] http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=60B3026C9D802E35D68E59107A85B1A5.tpdjo16v_3?idArticle=LEGIARTI000020743424&cidTexte=LEGITEXT000006071191&dateTexte=20090708 +[5] http://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?idArticle=LEGIARTI000020743406&idSectionTA=LEGISCTA000020743408&cidTexte=LEGITEXT000006071191&dateTexte=20090708 +[6] http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=E840B93F5285A5802E4BB68FA74F9692.tpdjo07v_2?idArticle=LEGIARTI000006418459&cidTexte=LEGITEXT000006070719&dateTexte=20090212 +[7] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/08/#pnote-1474-1 +[8] http://dinersroom.eu/2823/refus-dinscription-dans-un-lycee-abus-de-pouvoir-ou-aveu-de-faiblesse/ +[9] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/08/#rev-pnote-1474-1 + +Feed: Journal d'un avocat + +Author: Eolas +**************************************** +Item: Ces gens sont des menteurs + +Date: Wed Jul 08 00:24:19 UTC 2009 +À écouter, à podcaster (iTunes[1], Lien RSS[2]), l'émission Les Pieds Sur Terre du 6 juillet 2009[3], diffusée sur France Culture, qui revient sur le fameux délit de solidarité, celui dont le ministre qui ne devrait pas exister nie l'existence. Pauline Maucort et Olivier Minot sont allés interviewer des gens qu'on a arrêté, placé en garde à vue, et oui, pour certains poursuivis et condamnés pour avoir aidé un étranger en situation irrégulière. Des acteurs, sans doute. + +Écoutez leurs élucubrations, c'est drôlement bien inventé et joué, tous ces détails : ils sont forts ces menteurs. + +Car bien sûr qu'Éric Besson dit vrai. + +JAMAIS en France la police aux frontières ne viendrait embarquer à 7 heures 45 du matin une dame qui recharge des téléphones portables en l'accusant d'un délit qui n'existe pas commis en bande organisée. AUCUN policier n'aurait la désarmante naïveté de lui dire avoir été gentil d'attendre 7 heures du matin, la procédure ouverte selon la loi Perben II pour délinquance organisée permettant une perquisition à toute heure de la nuit —art. 706-89 du code de procédure pénale (CPP)[4], sur autorisation du juge des libertés et de la détention (JLD)—, et écartant l'avocat, ce gêneur qui rassure les dames en garde à vue : art. 706-88 du CPP al. 6[5] : l'avocat n'est autorisé qu'à partir de 48 heures de garde à vue, soit bien plus que le nécessaire pour boucler une procédure pour trois portables, même si le policier tape les PV avec deux doigts), et d'en rajouter une louche en disant que vraiment, ils sont super sympas de ne pas lui avoir défoncé sa porte ni de ne pas l'avoir menotté (Oui, c'est à 15'10). C'est qu'elle a oublié de dire merci, cette ingrate. + +EN AUCUN CAS en France un religieux de 78 ans ne serait placé en garde à vue pour avoir transporté dans le coffre de sa voiture les bagages d'une famille qu'il accompagnait… acheter des billets de train. Jamais un policier n'aurait l'idée saugrenue de demander à un frère rédemptoriste[6] pourquoi il vient en aide à des démunis[1[7]]. + +COMMENT IMAGINER qu'en France, un citoyen soit arrêté pour avoir hébergé chez lui l'homme dont il était amoureux, et soit pour un soupçon de ces faits attaché à un mur pendant 17 heures ? C'est dangereux, un homo amoureux, mais quand même… Qui oserait croire qu'un procureur général fasse appel de la relaxe qui va suivre, et qu'une cour d'appel, fût-ce celle de Nîmes, même si celle de Douai l'a déjà fait, le condamne effectivement à 1000 euros d'amende, croyant utile d'ajouter que cet hébergement se faisait manifestement en contrepartie de faveurs sexuelles ? Au fait, monsieur le juge, votre femme, elle vous paye un loyer ? + +Non, c'est trop gros. + +Heureusement que le ministre du fifre et du pipeau est là pour rétablir la vérité, la Pravda ayant depuis longtemps failli à cette mission d'édification du peuple. + +Une superbe fiction, donc, mise en scène par Véronique Samouiloff. + +Mais pourquoi donc n'arrivè-je pas à applaudir ? + +Notes + +[1[8]] La réponse se trouve à l'article premier des Constitutions de la Congrégation du Très-Saint-Rédempteur : “ Son but est de continuer le Christ Sauveur en annonçant la Parole de Dieu aux pauvres, selon ce qu'il a dit de lui-même: «Il m'a envoyé évangéliser les pauvre» ” ; “Elle s'acquitte de cette tâche avec un élan missionnaire qui la porte vers les urgences pastorales en faveur des plus délaissés, surtout des pauvres, à qui elle s'efforce d'apporter la Bonne Nouvelle.” Ça signe la bande organisée. + +[1] itpc://radiofrance-podcast.net/podcast09/rss_10078.xml +[2] http://radiofrance-podcast.net/podcast09/rss_10078.xml +[3] http://sites.radiofrance.fr/chaines/france-culture2/emissions/pieds/fiche.php?diffusion_id=75188 +[4] http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=21288F4460998ABC5D9E44A5717A4D76.tpdjo07v_2?idArticle=LEGIARTI000006577803&cidTexte=LEGITEXT000006071154&dateTexte=20090212 +[5] http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=21288F4460998ABC5D9E44A5717A4D76.tpdjo07v_2?idArticle=LEGIARTI000006577802&cidTexte=LEGITEXT000006071154&dateTexte=20090212 +[6] http://www.cssr.com/francais/ +[7] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/08/#pnote-1473-1 +[8] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/08/#rev-pnote-1473-1 + +Feed: Journal d'un avocat + +Author: Eolas +**************************************** +Item: De l'art délicat de donner des leçons à qui n'a pas appris les siennes + +Date: Tue Jul 07 01:11:58 UTC 2009 +Un fait divers a fait quelque peu ricaner sur le web, une forme d'arroseur arrosé, internet tenant parfois d'une cour de récréation où on aime à rire aux dépens d'autrui (c'est toujours mieux comme métaphore que la plomberie[1]). + +Même si vous pourrez facilement retrouver le nom des protagonistes, puisqu'il est sans intérêt pour ma démonstration et que je ne souhaite pas exposer plus avant le dindon de la farce, je vais utiliser des pseudonymes. + +Géronte est un étudiant en informatique. Ce jour là, il doit passer un contrôle de connaissance (il ne s'agit pas d'un examen visant à la délivrance d'un diplôme, la chose a son importance) portant sur sa maîtrise d'un logiciel très (trop ?) utilisé sur internet. Le sujet tombe, et là, c'est le blanc. Chaque exercice noté implique l'utilisation d'une technique dont il n'arrive pas à se souvenir. + +Mais il découvre qu'il peut se connecter à internet depuis sa salle d'examen (l'examen a forcément lieu sur un ordinateur), quand bien même l'école avait dit avoir pris ses précaution pour que ce soit impossible. + +Il lance donc un appel au secours demandant de l'aide et promettant une récompense. + +Scapin, spécialiste de ce programme du fait de sa profession de graphiste indépendant, lui répond et lui propose son assistance. Géronte lui expose sa difficulté et lui propose de faire les exercices à sa place, contre une rémunération de 100 euros. + +Scapin tombe alors le masque et exposant qu'il n'a ni besoin d'argent, ni peur du paradoxe, lui demande 300 euros faute de quoi il téléphonera à son école pour révéler la triche en cours, capture d'écran de leurs échanges à l'appui. Géronte croit à une plaisanterie de quelqu'un ayant changé d'avis, et conclut l'échange par le sommet de la péroraison cicéronienne en rhétorique contemporaine : un [A] . + +Mais Scapin était sérieux. Il a appelé l'école, qui se dispose à prendre des sanctions contre cet élève. + +Internet est un théâtre, et le poulailler s'esclaffe de la Farce de Scapin sur ce pauvre Maître Géronte. + +Un seul ne rit pas à l'orchestre : votre serviteur. Il ne peut s'empêcher d'être amer dans cette saynète, où Scapin mérite peut-être plus les coups de bâton que Géronte. + +Géronte a voulu tricher, c'est certain. La fraude à un examen est un délit depuis la loi, toujours en vigueur, du 23 décembre 1901[2], puni de 3 ans de prison et 9000 euros d'amende ; mais *seulement* si l'examen est un concours d'accès à la fonction publique ou vise la délivrance d'un diplôme délivré par l'État, outre des sanctions disciplinaires d'interdiction provisoire de se présenter aux examens et concours (je n'ai pas retrouvé la référence des textes, si quelqu'un peut m'éclairer, je mettrai à jour). En dehors de ces cas, la fraude expose l'élève a des sanctions disciplinaires prononcées par son établissement pouvant aller jusqu'au renvoi. + +Ici, il s'agissait d'un contrôle de connaissance, interne à l'établissement. Le délit n'était donc pas constitué, mais la faute disciplinaire, oui. + +Foulant au pied tous mes principes, je mets un instant ma robe pour plaider gratuitement (Argh ! Je brûle ! Je brûle !) que ce que Géronte a fait est EXACTEMENT ce qu'un professionnel aurait fait à sa place : chercher de l'aide sur internet. Internet est un paradis pour informaticien (il y a même des femmes nues, d'ailleurs, c'est dire si la ressemblance est poussée), et quiconque a un souci peut trouver promptement du secours dans les forums spécialisés. La solidarité existe, et le mot de communauté prend ici tout son sens. J'en sais quelque chose y ayant eu assez recours pour rustiner mon blog (au fait, Rémi, ça avance, cet upgrade ?). Professionnellement, ce n'est pas tricher : c'est aller chercher l'information, disponible gratuitement, à charge de revanche. De fait, si Géronte n'avait pas voulu frimer en précisant qu'il était en examen, mais avait simplement demandé de l'aide, il l'aurait très probablement trouvée, sans qu'on lui pose de questions. Cela n'annule pas la triche mais en atténue la gravité. D'autant que face à cet échec, il a finalement rendu copie blanche, ou son équivalent en informatique (disque dur formaté ?). Géronte mérite une sanction, mais plutôt de l'ordre de l'avertissement. + +Tournons nos yeux vers Scapin. + +Qu'a-t-il fait ? Dénoncer un tricheur n'est pas répréhensible en soi. La dénonciation fut un sport national avant d'avoir mauvaise presse mais reste légale (bon, de là à la qualifier d'acte républicain, il faut pas exagérer, sauf à être un spécialiste de la chose[3]). + +Mais auparavant, il y a eu cette parole malheureuse : “ *ce qui serait encore mieux, ce serait 300 euros pour que je ne téléphone pas tout de suite à l'école en leur balançant les photos et le résumé du chat qu'on vient d'avoir.* ” + +Et là, le juriste ne peut s'empêcher de s'exclamer : « 312-10[4] ! » + +Code pénal, article 312-10 : Le chantage est le fait d'obtenir, en menaçant de révéler ou d'imputer des faits de nature à porter atteinte à l'honneur ou à la considération, soit une signature, un engagement ou une renonciation, soit la révélation d'un secret, soit la remise de fonds, de valeurs ou d'un bien quelconque. + +Le chantage est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75000 euros d'amende. + +Le fait de tricher à un contrôle est bien de nature à porter atteinte à l'honneur et à la considération du tricheur. Peu importe que le fait soit illicite et avéré : le chantage n'a pas à porter sur des faits licites ou mensongers : on peut parler de jurisprudence ancienne puisqu'il en a déjà été jugé par la chambre criminelle de la cour de cassation le 4 juillet 1874. + +Et, découvrant que Scapin a bel et bien prévenu l'école, le juriste s'écrie derechef : « 312-11[5] ! » + +Code pénal, article 312-11 : Lorsque l'auteur du chantage a mis sa menace à exécution, la peine est portée à sept ans d'emprisonnement et à 100.000 euros d'amende. + +Le poulailler ne rit plus, et interpellant l'orchestre, lui objecte : mais la loi sanctionne le fait d'obtenir les fonds, et là, Géronte n'a pas voulu payer, Scapin n'a rien obtenu ! + +Ce à quoi le juriste, décidément imperméable à l'humour, rétorque : « 312-12[6]. » + +Code pénal, article 312-12 : La tentative des délits prévus par la présente section est punie des mêmes peines. + +La tentative est constituée dès lors que, manifestée par un commencement d'exécution, elle n'a été suspendue ou n'a manqué son effet qu'en raison de circonstances indépendantes de la volonté de son auteur (article 121-5 du Code pénal[7]). Ici, la circonstance indépendante de la volonté du maître chanteur est que la victime du chantage n'a pas payé, qu'elle ait préféré subir les conséquences de sa fraude ou n'ait pas pris la menace au sérieux. + +Tourner en ridicule les tricheurs, pourquoi pas ? Encore qu'avec l'internet, donner le nom de la personne est le condamner à une infamie perpétuelle, ce qui est disproportionné, surtout pour une simple interrogation écrite. + +Mais commettre un délit à cette occasion me semble être une curieuse façon de se poser en donneur de leçon. + +(PS : Merci de ne pas citer les noms des protagonistes de cette affaire, le message serait immédiatement supprimé dans son intégralité, je ne vais pas m'amuser à faire de la correction). + +[1] http://www.numerama.com/magazine/13345-Pour-Denis-Olivennes-Internet-est-le-tout-a-l-egout-de-la-democratie.html +[2] http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=D500EE84AD95FEAE63B1B26BDF754333.tpdjo07v_1?cidTexte=LEGITEXT000006070890&dateTexte=29990101&categorieLien=cid +[3] http://tempsreel.nouvelobs.com/actualites/politique/20090207.OBS3630/ump__la_denonciation_est_un_devoir_republicain.html +[4] http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=2BBAFBF783A3CA27CA0769802F6BCADB.tpdjo07v_1?idArticle=LEGIARTI000006418180&cidTexte=LEGITEXT000006070719&dateTexte=20090212 +[5] http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=2BBAFBF783A3CA27CA0769802F6BCADB.tpdjo07v_1?idArticle=LEGIARTI000006418182&cidTexte=LEGITEXT000006070719&dateTexte=20090212 +[6] http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=2BBAFBF783A3CA27CA0769802F6BCADB.tpdjo07v_1?idArticle=LEGIARTI000006418183&cidTexte=LEGITEXT000006070719&dateTexte=20090212 +[7] http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=2BBAFBF783A3CA27CA0769802F6BCADB.tpdjo07v_1?idArticle=LEGIARTI000006417210&cidTexte=LEGITEXT000006070719&dateTexte=20090212 + +[A] http://www.maitre-eolas.fr/themes/default/smilies/wink.png + +Feed: Journal d'un avocat + +Author: Eolas +**************************************** +Item: Les ternes vitres de la République + +Date: Mon Jul 06 11:01:22 UTC 2009 +Alassane T. est mauritanien, il a 46 ans. Il habite Orléans, où il est laveur de vitres. Depuis 6 ans, il se rend une fois par mois au commissariat de police d'Orléans pour en nettoyer les carreaux. On l'y connait, on le salue et on le laisse circuler librement dans les bureaux. + +Un jour, un policier lui demande ses papiers. Pourquoi ? C'est toute la question, vous allez voir. Alassane, bien embêté, lui avoue qu'il est sans papier. S'ensuit la procédure standard : garde à vue pour séjour irrégulier, arrêté de reconduite à la frontière avec placement en centre de rétention pour 48 heures, classement sans suite de la procédure pour séjour irrégulier, la routine. + +Au bout des 48 heures, notre laveur de carreau étant toujours là, le préfet doit saisir le juge des libertés et de la détention d'une demande de prolongation du placement en rétention pour 15 jours max. C'est à cette occasion enfin et à cette occasion *seulement* que l'étranger, assisté d'un avocat, pourra faire valoir ses arguments sur la légalité de la procédure ayant abouti à sa situation. Ça vous paraît dur ? Il y a pire encore, vous allez voir. + +À cette occasion, son avocat soulève la nullité du contrôle d'identité initial. Un classique. + +Un policier ne peut pas demander ses papiers à qui il souhaite selon son envie. C'est l'article 78-2 du code de procédure pénale. J'en avais déjà parlé ici[1], je vous renvoie à cet article pour les règles applicables. + +Le commissariat d'Orléans n'est pas, après vérification auprès de l'IGN[2], à moins de 20 km d'une frontière : la frontière la plus proche, le périphérique sud, est à 120 km de là. Le procureur de la République n'avait certainement pas pris des instructions de procéder à des contrôles d'identité dans l'enceinte du commissariat pour rechercher des sans-papiers. Ne restait donc que le contrôle spontané. Il fallait donc établir qu'un laveur de carreau en train de laver des carreaux comme il le fait depuis 6 ans à cet endroit a une attitude constituant une raison plausible de soupçonner qu'il a commis ou tenté de commettre une infraction, ou qu'il se prépare à commettre un crime ou un délit, ou qu'il est susceptible de fournir des renseignements utiles à une enquête en cas de crime ou de délit, ou enfin qu'il fait l'objet de recherches ordonnées par une autorité judiciaire. + +Brisons tout de suite le suspens : le préfet n'y est pas parvenu. + +Le juge des libertés et de la détention annule le contrôle d'identité, au motif que “ le fait de venir laver les vitres d'un commissariat n'est pas une raison plausible de soupçonner que le laveur de vitres a commis ou tenté de commettre une infraction ”. Face à une telle motivation solide comme le granit, le parquet, qui a le sens de la pudeur, ne fait pas appel. Le contrôle d'identité était illégal : le policier n'avait aucun droit de demander ses papiers à Alassane. On peut s'offusquer de ces étrangers qui ne respectent pas la loi, mais à la condition de s'offusquer au moins autant quand ce sont les policiers qui le font, sous peine de perdre sa cohérence. + +Le contrôle étant nul, la garde à vue qui l'a suivi aussi, puisqu'elle n'a plus de raison d'être. Et le placement en rétention, qui en découle logiquement. Alassane est remis en liberté. + +*End of story*, justice est faite ? + +Pas du tout. + +Si vous avez suivi, vous avez dû tiquer. Le contrôle est d'identité est nul, la garde à vue aussi, le placement en rétention aussi… Mais *quid* de l'arrêté de reconduite à la frontière ? + +Eh bien il reste parfaitement valable. Conséquence logique et absurde de la séparation des autorités administratives et judiciaires[3] : le juge judiciaire, en charge de la liberté individuelle, a annulé tout ce qui a porté atteinte à la liberté d'Alassane. Mais sa situation administrative ne regarde que le juge administratif, qui est saisi d'un recours totalement autonome, sur la légalité de cet arrêté. Peu lui importe à lui dans quelles circonstances cet arrêté a été pris, même si c'est à l'occasion d'une violation de la procédure pénale à l'origine. Le préfet avait-il le droit d'éloigner Alassane, ou celui-ci peut-il invoquer des circonstances qui imposent sa régularisation ? Telle est la seule question qui intéresse le juge administratif. Il n'avait pas le droit de le priver de liberté ? Peu importe. Le juge judiciaire a déjà tranché la question. + +Le tribunal administratif d'Orléans,s'il a été saisi[1[4]], a dû statuer depuis longtemps : le contrôle d'identité a eu lieu le 10 juin, la notification de l'arrêté a dû avoir lieu le 11, recours déposé le 13 au plus tard (oui, c'est un samedi, et alors ?), le tribunal a dû statuer le 16 juin au plus tard, l'article L. 512-2 du CESEDA imposant au juge administratif un délai de 72 heures pour statuer sur le recours (même si ce délai, contrairement au délai de recours de 48 heures, n'est pas sanctionné : le juge peut statuer au-delà des 72 heures sans conséquences pour le dossier). Quelqu'un a des infos ? + +Car si le tribunal a estimé que l'arrêté de reconduite à la frontière était valable, le séjour illégal d'Alassane prendra[2[5]] fin grâce à une procédure illégale. + +Un partout, match nul. + +Notes + +[1[6]] Le recours doit impérativement être déposé dans les 48 heures de la notification. + +[2[7]] Je dois à la Vérité et à la Cour des comptes d'ajouter ici un peut-être, tant le taux d'exécution des reconduites à la frontière est bas, et en diminution constante[8] ; je me flatte d'y être un peu pour quelque chose. + +[1] http://maitre-eolas.fr/2009/05/15/1413-l-affaire-du-sarkozy-je-te-vois +[2] http://www.ign.fr/ +[3] http://maitre-eolas.fr/2007/07/13/665-le-grand-divorce-de-1790-la-separation-des-autorites-administratives-et-judiciaires +[4] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/06/#pnote-1468-1 +[5] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/06/#pnote-1468-2 +[6] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/06/#rev-pnote-1468-1 +[7] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/06/#rev-pnote-1468-2 +[8] http://lesactualitesdudroit.20minutes-blogs.fr/archive/2009/07/05/la-police-des-etrangers-brasse-trop-d-air.html + +Feed: Journal d'un avocat + +Author: Eolas +**************************************** +Item: « Sarkozy je te vois » : Prévenu, je te relaxe + +Date: Fri Jul 03 11:59:00 UTC 2009 +Épilogue de l’affaire de la célèbre saillie: «Sarkozy je te vois»: le juge de proximité de Marseille a relaxé l’enseignant poursuivi pour tapage diurne injurieux[1]. + +Le juge de proximité a estimé dans son jugement que si le propos pouvait être “ maladroit et déplacé ”, il “ ne revêt pas de caractère injurieux ”, ce qui relève en effet de l’évidence, mais pas tant que ça visiblement puisque l’officier du ministère public avait requis la condamnation à 100 euros d’amende. + +L’avocat du prévenu a déclaré à la presse que «le juge de proximité est suffisamment décrié pour que cette fois, on puisse lui rendre hommage, c’est avec beaucoup d’à propos et de maturité qu’il a motivé son jugement». + +Qu’il me soit permis de disconvenir. + +Si la relaxe me semblait en effet s’imposer, le juge n’avait pas à ménager la chèvre et le chou en convenant que le propos était maladroit et déplacé. + +Rappelons le propos: “ Sarkozy, je te vois ”. Maladroit? Déplacé? Et en quoi? Les jugements de valeur sont déplacés dans un jugement en droit. Un propos viole la loi ou ne le viole pas, le juge n’a pas à jouer les arbitres des élégances. Bien sûr, il y a des exceptions (en droit, il y a TOUJOURS des exceptions). Quand un propos a choqué l’opinion publique mais ne tombe pas sous le coup de la loi, le tribunal peut reconnaître que le propos pouvait choquer, est controversé, va contre une thèse officielle, etc. Il suffit de lire les jugements de relaxe dont ont pu bénéficier Jean-Marie Le Pen ou Dieudonné. Mais même en ce faisant, il ne porte pas vraiment de jugement de valeur mais constate une évidence et situe un contexte. + +Dans notre affaire, le propos n’a choqué personne. Je ne connais personne qui ait approuvé ces poursuites, pas même Frédéric Lefèbvre, ce qui n’est pas peu dire. Aucune précaution verbale ne s’imposait. + +Vouloir donc ménager la chèvre et le chou me paraît donc ici maladroit et déplacé. Une relaxe un peu plus cinglante aurait eu ma préférence. Parce que la liberté d’expression le vaut bien. + +[1] http://tempsreel.nouvelobs.com/speciales/societe/libertes_sous_pression/20090703.OBS2936/sarkozy_je_te_vois__le_jugement_rendu_ce_vendredi.html + +Feed: Journal d'un avocat + +Author: Eolas diff --git a/test/textwrapped_output/eolas.output b/test/textwrapped_output/eolas.output new file mode 100644 index 0000000..024ce95 --- /dev/null +++ b/test/textwrapped_output/eolas.output @@ -0,0 +1,3337 @@ +Type: atom +Encoding: UTF-8 +Title: Journal d'un avocat +Link: http://www.maitre-eolas.fr/ +Description: +Creator: + +**************************************** +Item: Eolas au Journal Officiel + +Date: Sun Jul 26 17:51:00 UTC 2009 +Il suffit de partir à la plage cinq minutes et la Gloire vient frapper +à votre porte. + +Assemblée Nationale, 2e séance du vendredi 24 juillet 2009. Extrait du +compte-rendu analytique[1]. + +*M. le président.* La parole est à Mme Catherine Lemorton, pour +soutenir l’amendement n° 174. + +*Mme Catherine Lemorton[2].* Permettez-moi de citer les explications +que donne Eolas, sur le site *Journal d’un avocat,* à propos de +l’avis du Conseil constitutionnel: «La loi HADOPI met en cause la +responsabilité de l’abonné par la simple constatation du piratage, +qui suffit à mettre en branle la machine à débrancher, sauf à ce que +l’abonné démontre que le piratage est dû à la fraude d’un tiers +(je laisse de côté la force majeure, qui exonère de toute +responsabilité sans qu’il soit besoin de le prévoir dans la loi, et +l’installation du logiciel mouchard, qui au contraire interdit *de +facto *à l’abonné d’invoquer la fraude d’un tiers). Preuve +impossible à rapporter. Ce renversement de la charge de la preuve +aboutit à faire de l’abonné mis en cause un coupable jusqu’à ce +qu’il prouve son innocence. C’est prévu par le code pénal nord +coréen, mais pas par le nôtre. Le législateur a imaginé ce +mécanisme anticonstitutionnellement.» Les événements des dernières +semaines ne donnent-ils pas raison à l’auteur de ces lignes? + +Ici, le transcripteur a oublié de noter les probables *acclamations sur +l’ensemble des bancs, le Président se lève et salue à +l’invocation de ce nom*. + +M. le rapporteur bâille. On comprend qu’il soit fatigué. Pour lui +éviter la peine d’une nouvelle sanction du Conseil constitutionnel, +je lui suggère d’émettre un avis favorable à l’amendement +n° 174, qui propose d’abroger l’article L. 336-3 du code de la +propriété intellectuelle. + +Hélas (je graisse): + +*(Les amendements identiques nos 17 rectifié, 169, 172, *174*, 176 et +845 ne sont pas adoptés.)* + +  + +Notre démocratie va mieux, assurément, mais ça n’est pas encore +ça. + +[1] +http://www.assemblee-nationale.fr/13/cri/2008-2009-extra/20091035.asp#P6779_8003 +[2] http://www.assemblee-nationale.fr/tribun/fiches_id/331753.asp + +Feed: Journal d'un avocat + +Author: Eolas +**************************************** +Item: Une journée particulière + +Date: Thu Jul 23 22:02:00 UTC 2009 +*Par Dadouche* + +*Préliminaire: Ce billet, c’est un peu mon dossier de l’été à +moi.* *Pas pour meubler en attendant la rentrée (Eolas ne s’arrête +jamais: grâce à son thé pour cyclistes il franchit tous les cols en +tête, alors que ses colocataires sont prêts à être ramassés par la +voiture balai), mais parce qu’il est long et pas d’une actualité +brûlante (quoique). Il n’intéressera peut-être pas tous les +lecteurs (oui je sais, on fait mieux comme teasing), mais ça fait +longtemps que j’avais envie de faire quelque chose à ce sujet.* + +Au cours d’une année riche en procès d’ampleur, la question de la +publicité des débats et de la façon dont les médias rendent compte +des procès et de leurs suites s’est posée à plusieurs reprises. On +a pu évoquer ici même[1] la question de la publicité restreinte +imposée par la loi pour le procès des meurtriers d’Ilan Halimi. +Le *Monde* a relaté avec circonspection[2] l’initiative de la +Nouvelle République du Centre Ouest, dont le site proposait un +*“live-blogging”* minute par minute du procès de Véronique +Courjault. +Un débat sur la publicité à donner aux libérations de condamnés +s’est même engagé sous un billet[3] de Sub Lege Libertas. + +Comment le public peut-il et doit-il être informé de ce qui se passe +dans les prétoires? + +L’évolution des médias, la place prépondérante de la télévision +(et la multiplication des chaînes), celle, montante, d’internet, ont +changé la donne dans ce domaine également. + +Pascal Robert-Diard a expliqué l’été dernier dans une (excellente) +émission[4] d’@rrêt sur image[1[5]] comment son blog lui permettait +de retrouver le côté feuilletonnage que les journaux papier ne peuvent +plus s’offrir. D’autres, comme Sylvie Véran[6] pour le Nouvel +Observateur[2[7]], lui ont emboîté le pas. + +Les créateurs de la chaîne thématique Planète Justice[8], née en +octobre 2007, n’ont quant à eux jamais caché leur souhait[9] de +pouvoir à terme entrer dans les prétoires et retransmettre des procès +et n’attendent que l’occasion de soulever à nouveau ce débat. + +*Quelles contraintes légales?* + +La question se pose sous plusieurs aspects + +- *les règles de publicité des débats* + +On peut penser que, pour pouvoir rendre compte d’une audience, encore +faut-il pouvoir y assister[3[10]]. Et la presse est à cet égard logée +à la même enseigne que le reste du public. + +Pour résumer, le principe général est que *les audiences sont +publiques*, s’agissant aussi bien des procédures pénales (articles +306[11], 400[12] et 535[13] du Code de procédure pénale) que de la +matière civile (article 22[14] du code de procédure civile). Tout +citoyen doit pouvoir voir comment la justice est rendue en son nom. + +Les exceptions à ce principe ne peuvent être prévues que par la loi +et sont motivées par des considérations de protection de l’ordre +public ou de délicatesse pour les parties: +- huis clos, qui peut être ordonné si la publicité est *“dangereuse +pour l’ordre ou les moeurs”* et qui est de droit si la victime de +certaines infractions le réclame +- publicité restreinte devant le tribunal pour enfants et la cour +d’assises des mineurs[4[15]] +- audience en chambre du conseil (en matière civile par exemple pour +les affaires familiales, l’assistance éducative ou les tutelles; en +matière pénale notamment pour les audiences relatives à +l’exécution de la peine, aussi bien les requêtes en exclusion du +bulletin n°2 du casier judiciaire que les débats devant le juge de +l’application des peines). + +- *les règles sur le compte rendu des débats* + +Audience publique ne signifie pas forcément audience dont on a le droit +de rendre compte. Et inversement. + +Les dispositions de l’article 39[16] de la loi de 1881 interdisent en +effet de rendre compte de certains procès en diffamation et des débats +*“concernant les questions de filiation, actions à fins de subsides, +procès en divorce, séparation de corps et nullités de mariage, +procès en matière d’avortement”*. Elles autorisent également les +juridictions civiles à interdire le compte rendu d’un procès, même +si le dispositif d’une décision peut toujours être publié. De +même, diverses dispositions interdisent de publier l’identité d’un +mineur poursuivi ou victime. + +En revanche, rien n’interdit de rendre compte par exemple d’un +procès pénal tenu à huis clos. + +- *les règles de captation des audiences* + +De quels outils un journaliste peut-il se munir pour rendre compte +d’un procès? +Jusqu’en 1954, il n’y avait pas de règles particulières. C’est +ainsi que durant le procès de Gaston Dominici en 1953, le nombre +d’appareils photographiques et surtout de flashs (à l’époque au +magnésium) incommoda le président des Assises, qui avait les yeux +sensibles (le pauvre). La retransmission radiophonique du réquisitoire +de l’avocat général n’arrangea pas les choses. + +Aussi, par une loi du 6 décembre 1954, des dispositions furent-elles +ajoutées à la Loi de 1881 sur la liberté de la presse, interdisant +l’emploi de tout appareil d’enregistrement dans les salles +d’audiences. Dans sa rédaction actuelle[17], il résulte de ce texte +que *“dès l’ouverture de l’audience des juridictions +administratives ou judiciaires, l’emploi de tout appareil permettant +d’enregistrer, de fixer ou de transmettre la parole ou l’image est +interdit. Le président fait procéder à la saisie de tout appareil et +du support de la parole ou de l’image utilisés en violation de cette +interdiction”*. + +Pour mémoire, précisons que Robert Badinter, épouvanté[18] à son +arrivée place Vendôme en 1981 par l’état des archives judiciaires +françaises, fit voter en 1984 une loi permettant la création +d’archives audiovisuelles[19], dont le fond est à ce jour assez peu +fourni, et que des autorisations sont ponctuellement données (dans un +cadre légal que j’ ignore) pour la réalisation de documentaires et +reportages sur le fonctionnement de la justice. + +Pour résumer, les dispositions de principe excluent de la salle +d’audience pendant les débats les appareils photos, caméras, +magnétophones et tout enregistreur. En revanche, cela n’empêche pas +la prise de notes, y compris sur un ordinateur, ni la transmission, en +différé ou en direct, de ces notes sur quelque support que ce soit. +D’où la légalité de l’opération menée par la *Nouvelle +République du Centre Ouest* lors du procès de Véronique +Courjault[5[20]]. + +*Un procès médiatique* + +Le procès de Véronique Courjault, justement, parlons-en. Il a été +couvert par plus de cent journalistes, auxquels étaient réservées la +moitié des places de la salle d’audience et de la salle de +retransmission, ainsi qu’une salle de presse, sans compter les +facilités de parking pour les cars régies[6[21]]. +Il a été le support de cette expérience de *live-blogging* dont on +entendra sûrement encore parler, et qui a donné lieu à +d’intéressants débats dans la *Ligne j@une[22]* de Guy Birenbaum sur +@si[7[23]] et dans *J’ai mes sources[24]* sur France Inter. +Il a été l’occasion pour une chaîne publique[25] de proposer sur +Facebook un quizz, avec cette question d’une délicatesse infinie: +“Véronique Courjault qui a avoué 3 infanticides échappera-t-elle à +la prison à vie à l’issue de son procès? “ +Et puis, pour couronner le tout, en plein procès, une autre chaîne +publique a cherché à résoudre l’ “énigme” dans une émission +exceptionnelle (et croyez bien que je n’emploie pas ici cet adjectif +dans un sens laudatif), mettant en scène un expert qui témoignait +encore quelques heures plus tôt devant la Cour d’Assises et +s’achevant par diverses considérations sur la peine à lui infliger. + +C’est parce que ce procès a conjugué tout ce qui se fait +aujourd’hui en matière de couverture d’un événement +judiciaire[8[26]] que j’ai trouvé intéressant de rechercher, pour +une journée du procès, différents compte rendus qui ont pu en être +faits, sur de multiples supports, et de voir les spécificités de +chaque type de traitement de la matière judiciaire, avec les +contraintes ou les contingences éditoriales qui sont propres à chaque +média. + +Il ne s’agit pas d’une recension exhaustive, ni liée à la qualité +(ou à un manque de qualité) de ces objets médiatiques. J’ai essayé +de trouver, pour chaque type de support, un ou deux comptes rendus (ou +ce qui peut en être l’équivalent) de sources différentes, en +privilégiant autant que possible les médias qui avaient fait une +couverture quotidienne de ce procès, et avec cette contrainte qu’ils +soient intégralement (adieu les radios) et gratuitement (adieu *Le +Monde*) disponibles en ligne. + +Je vous propose donc cette *journée particulière*, celle du 15 juin +2009 (choisie uniquement parce que c’est celle de cette fameuse +émission). + +Pour replanter le décor, quelques mots: Véronique Courjault +comparaît alors depuis le 9 juin 2009 devant la Cour d’Assises +d’Indre et Loire à Tours et est accusée de trois assassinats sur +mineurs de 15 ans, qui lui font encourir la réclusion criminelle à +perpétuité. Elle reconnaît avoir tué les 3 nouveaux-nés, à +l’issue de grossesses ignorées de tout son entourage. Durant les +premiers jours d’audience ont été abordés sa personnalité, +l’histoire de sa famille, ainsi que le déroulement des faits qui lui +sont reprochés. + +En ce lundi 15 juin comparaissent des experts qui sont intervenus dans +la procédures et des “sachants”, témoins cités par la défense ou +l’accusation pour s’exprimer sur le phénomène du déni de +grossesse ou des infanticides faisant suite à des grossesses cachées, +sans avoir cependant expertisé l’accusée. + +- *Le Live Blogging* + +Sur le site de la *Nouvelle République du Centre Ouest*, le *live +blogging* commence à 9 h 08 et s’achèvera à 20 h 30. Il est +consultable ici[27]. Près de 9 h 30 d’audience, les dépositions de 8 +experts et témoins, qui s’égrènent en 204 entrées successives, +taille Tweeter, du genre: + +13h03 Michel Dubec poursuit sur la préméditation qui n’existe pas en +général dans le cas d’infanticide, car il n’y a pas eu de +préparation à l’accouchement. Les infanticides se passent souvent +dans les toilettes, dans le lit, mais il n’y a pas préparation à la +dissimulation. L’entourage s’en rend compte rapidement. En +général, ce sont des accouchements faciles qui durent peu de temps. +Ces femmes n’accouchent pas, elles perdent du corps, elles perdent un +déchet. +13h08 On comprend facilement l’infanticide dans le cas d’un viol par +exemple. On comprend beaucoup moins les femmes qui n’ont aucune raison +de ne pas oser annoncer leur grossesse. C’est dans la personnalité, +dans quelque chose qui vient d’avant qu’on peut chercher les +réponses de ce mauvais déclic qui se passe. +13h16L’intervention de Michel Dubec permet de comprendre à quel +point toutes ces notions sont relatives. +13h21 Le président interroge Michel Dubec sur les indicateurs de la +dénégation et du déni: “On a du mal à se figurer que, sur neuf +mois, la pensée soit en permanence imperméable. Son hypothèse: “Il +y a des moments de résurgence de la conscience.” +13h30L’avocat général lui demande des précisions sur le déni de +grossesse. “Malheureusement, c’est devenu une formule, alors que +c’est un concept de travail qui ne clot ni le travail ni +l’interprétation”, répond Michel Dubec. C’est un mécanisme qui +peut être partiel, de nature psychotique chez quelqu’un qui n’est +pas psychotique. On peut tous à un moment avoir “des psychoses +fugitives. +13h33A la demande de Philippe Varin, Michel Dubec affirme une nouvelle +fois qu’une “mère infanticide n’accouche pas d’un bébé. Elle +laisse sortir du corps de son corps.” +13h39L’avocat général demande à Michel Dubec comment on peut +savoir s’il s’agit d’une psychose transitoire ou psychose +installée? Impossible de répondre, souligne Michel Dubec puisqu’il +n’a pas rencontré l’accusée. Ce thème sera évoqué demain. + +D’abord, franchement, c’est à la limite du lisible (pire que ce +billet). Au milieu de toutes ces informations qui se succèdent +quasiment minute par minute, on s’y perd un peu. +Le ton, parfois pédagogue, parfois pédant, qui anime le plus souvent +les dépositions d’expert et permet d’éviter le coup de pompe fatal +en audience, manque pour s’accrocher à ce qui n’est pas un verbatim +(chacun des deux journalistes qui a participé à ce travail inédit a +insisté là dessus) mais une retranscription, qui conduit +nécessairement à simplifier, qui peut laisser place à des contresens +(et je ne dis pas que ça a été le cas en l’espèce). +Sur les retranscriptions des moments plus chargés en émotion +(essentiellement les autres jours du procès), comme les interrogatoires +de l’accusée, les deux journalistes ont indiqué avoir tenté de +souligner les silences, les pleurs, les hésitations. + +La *Nouvelle République* a justifié son initiative en soulignant que +chaque jour un public nombreux se pressait au tribunal et ne pouvait +accéder à la salle d’audience faute de place (rappelons que la +moitié des places étaient occupées par des journalistes…). +Il est vrai que le procédé adopté permet au plus grand nombre (35000 +connexions sur l’ensemble du procès, dont 6000 le jour du verdict) de +savoir à peu près exactement ce qui a été dit, avec le filtre d’un +travail journalistique ainsi décrit par Jean-Christophe Solon au +*Monde*: *“Dès qu’on tape une phrase, elle est en ligne. On +n’est pas dans l’analyse, c’est du brut, mais on filtre tout de +même comme on le ferait sur le papier. Par exemple, lorsque c’est +trop intime, que ça touche les enfants, ou que l’on décrit +l’hystérectomie subie par Véronique Courjault, parce que ça +n’apporte rien au débat. On met seulement les temps forts.”*. + +Mais ce qui se dit au cours d’un procès, c’est un tout. Une +vérité se tisse au fil des audiences, des résonances ou des +contradictions apparaissent avec ce qu’a dit un autre témoin la +veille. +C’est d’ailleurs une autre objection majeure que l’on peut à mon +sens faire au *live blogging* d’un procès, particulièrement aux +Assises: cela bat en brèche une règle de procédure[28] importante, +selon laquelle les témoins ne peuvent pas assister à l’audience tant +qu’ils n’ont pas témoigné. Ils patientent, le jour de leur +convocation, dans une salle spéciale et un huissier vient les y +chercher sur instruction du Président. La procédure d’assises repose +sur l’oralité des débats, sur le fait que chacun vient à nouveau +porter son témoignage devant la Cour, de façon séparée pour en +préserver la sincérité. Si chaque témoin peut lire ce que les autres +ont dit la veille ou dans l’heure qui précède, cela peut dans +certains dossiers poser un vrai problème… + +- *Les quotidiens papiers nationaux* + +Au menu du jour, l’article[29] d’Isabelle Horlans dans France Soir +et celui[30] de Stéphane Durand-Souffland dans le Figaro, tous deux +vieux routiers de la chronique judiciaire[9[31]]. Dans leurs articles +intitulés respectivement *“Un psychiatre et un gynécologue +décryptent le mystère Courjault”* et *“Véronique Courjault marque +des points”*, ils retiennent de cette journée les auditions de Michel +Dubec[10[32]] et Israël Nisand[11[33]], qui semblent se compléter pour +expliquer les versants psychique et physique du “déni de +grossesse”. +Les deux journalistes pointent l’importance de ces auditions dans la +compréhension des faits reprochés à l’accusé, voire la place +essentielle qu’elles peuvent avoir pour sa ligne de défense. +L’article de Stéphane Durand-Souffland met particulièrement en +lumière les échos que le tableau clinique décrit par les deux experts +peut avoir avec tout ce qui a été dit les jours précédents sur +l’accusée et sa famille. + +Bref, de la chronique judiciaire “à l’ancienne” (ça n’a rien +de péjoratif, au contraire), avec ce qu’il faut d’impressions +d’audience imagées (*“L’accusée, blouse fleurie sous gilet rose, +chevelure lâche sur les épaules, semble enregistrer chaque parole, la +décortiquer et l’appliquer tel un baume sur son désarroi mal +exprimé.”* sous la plume d’Isabelle Horlans) et de mise en +perspective par rapport aux enjeux du procès ( *“Quoi qu’il en +soit, le procès de Véronique Courjault a connu, lundi, un tournant. La +cour entendra mardi matin, à la veille du verdict, les deux collèges +de psychiatres qui, eux, ont examiné l’accusée. Aucun n’a conclu +qu’elle souffrait d’un déni de grossesse proprement dit. Seul le +second envisage une relative altération de son discernement au moment +des accouchements dénaturés qui ont entraîné la mort des +nourrissons. Qui a raison? Question subsidiaire: comment rendre +justice aux bébés morts, sans accabler plus encore deux garçons, bien +vivants, attendant le retour d’une mère qui les a toujours +adorés?”* en conclusion pour Stéphane Durand-Souffland). + +Au final, sur 8 personnes entendues pendant la journée, 6 sont passées +à la trappe de la moulinette journalistique, soit (j’ai compté +grâce au *live blogging*!) 6 heures et 15 minutes d’audiences +perdues dans les limbes. Evidemment, le principe même d’un compte +rendu (et du travail journalistique), c’est de retenir la +substantifique moelle de ce qui a été dit, de faire un tri pour +retenir le plus signifiant, le plus important. Pourtant, aucun des deux +experts (manifestement brillants et pédagogues orateurs) abondamment +cités par les chroniqueurs n’a même rencontré Véronique Courjault +et n’a donc pu parler d’elle précisément. Et malgré tout, on a +bien le sentiment que c’est ce qui a été au coeur de l’audience +qui est là repris. + +L’art de la chronique judiciaire, c’est aussi de savoir relayer, en +leur donnant chair, les moments importants de l’audience. Mais +importants de quel point de vue? Peut-être pas de celui de +l’institution judiciaire, pour qui l’essentiel n’est pas +uniquement de comprendre ce qu’est le déni de grossesse, mais de +savoir si l’accusée était dans ce cas et dans quelle mesure cela +peut atténuer sa responsabilité et influer sur la peine qui sera +prononcée. D’où l’intérêt, pour la Cour et les jurés d’avoir, +eux, eu connaissance des conclusions des autres experts. + +- *les télévisions nationales* + +Les journaux de 20 heures de TFI et France 2 ont traité de cette +journée. +Sur TF1, c’est le neuvième sujet[34] du journal de Laurence Ferrari. +Signé de Dominique Lagrou-Sempère, il consiste pour la plus grande +part dans une interview du frère de l’accusée, avec une mention des +éléments apportés par les experts du jour sur le déni de grossesse +et une conclusion d’une trentaine de secondes de la journaliste +(filmée devant le Palais de Justice) sur le manque de réponse à la +question centrale du procès “Pourquoi l’infanticide? “. +Sur France 2, David Pujadas lance le sujet au bout de 20’21” et +laisse place (en douzième position) au reportage très classique de +Dominique Verdeilhan, spécialiste judiciaire de la chaîne[12[35]]. Lui +aussi retient les témoignages de Michel Dubec et Israël Nisand, +qu’il évoque sur fond d’images des intéressés hors de la salle +d’audience, avec la courte (et traditionnelle) interview du témoin +vedette entouré de caméras et de micros dans la salle des pas perdus. +La conclusion est elle aussi un passage obligé: après une courte +image d’un dessin d’audience représentant l’accusée, le +journaliste est filmé devant le Palais de Justice et résume les enjeux +du procès du jour, en rappelant les déclarations antérieures de +l’accusée. + +C’est la loi du genre judiciaire télévisuel: comment rendre compte +de ce dont on n’a pas le droit de faire des images? En faisant des +images “autour”. Quiconque a eu la douteuse chance de passer dans un +tribunal lors d’un procès médiatisé a vu les caméras et micros +plantés à l’extérieur de la salle d’audience, attendant qu’une +suspension leur livre leur content de déclarations des uns ou des +autres. +Les comptes rendus d’audience sont aussi généralement l’occasion +d’admirer l’architecture judiciaire française, tant les Palais sont +souvent filmés sous toute les coutures pour occuper l’image pendant +que le journaliste aborde le fond dans son commentaire. +TF1 a ici pu changer un peu l’ordinaire avec son interview, +certainement émouvante sur un plan humain, mais qui n’apprend pas +grand chose sur le déroulement de l’audience. Comme on n’a pas pu +avoir *in vivo* l’audition des membres de la famille de l’accusée, +on la reproduit *in vitro*. +Le format court des reportages (moins de deux minutes) ne permet pas non +plus de faire dans la dentelle, et ce sont les formules les plus fortes +qui demeurent. Mais ça n’est évidemment pas spécifique au genre +judiciaire. + +- *Les médias internet* + +Dans cette catégorie qui n’en est peut être pas vraiment une, je +range les médias qui n’ont d’existence que sur internet. Comme la +presse plus traditionnelle, ils ont chacun leur ligne éditoriale et des +façons de travailler assez différentes. Je ne cherche donc pas à +comparer les deux que j’ai retenus, le but étant surtout de voir si +le web peut avoir une spécificité dans le traitement de l’audience. +J’ai cherché les contenus autres que la traditionnelle resucée de la +dépêche AFP. + +Le post.fr[36] est un site d’actualité, alimenté tant par une +rédaction que par les internautes. On y trouve donc des choses très +diverses. +L’info[37] mise en ligne par la rédaction sur cette 5ème journée du +procès est une sorte de (très brève) synthèse (assumée) d’autres +médias, avec des liens vers le site de RMC et le live blogging de la +NRCO, en reprenant la question des divergences des experts. Comme quoi +on peut rendre compte d’une audience à laquelle on n’a pas assisté +(bien ou mal, c’est une autre question). +Le Post met aussi en ligne une “info brute”, c’est à dire écrite +par un “posteur” (ces infos brutes ne sont pas vérifiées par la +rédaction et n’engagent que l’opinion de leurs auteurs”), +intitulée “Affaire Courjault: la déposition d’un expert du déni +de grossesse”[38]. Son auteur y relate la déposition d’Israël +Nisand (censé être neutre puisqu’il n’a jamais rencontré +l’accusée), et dont on croit pouvoir comprendre qu’elle y a +assisté ou qu’en tout cas elle fait “comme si”[13[39]], puis +s’adresse *“à toutes les mères”*, leur demandant d’imaginer +*“un seul instant une grossesse ignorée”* et conclut sur +l’inutilité d’une peine de prison et la nécessité d’une +obligation de soins. Je m’interroge sur le statut de ce que le Post +qualifie d‘“info”, brute certes mais “info” quand même. + +Dans un registre très différent, Slate.fr[40] *“a pour ambition de +devenir l’un des principaux lieux en France d’analyses et de débats +dans les domaines politiques, économiques, sociaux, technologiques et +culturels”*. Il met en ligne des articles écrits par la rédaction, +des chroniques d’auteurs réguliers et des traductions d’articles de +son “grand frère” américain slate.com. +C’est Jean-Yves Nau qui a “couvert” le procès de Tours par des +billets (que j’appelle ainsi plutôt qu’articles parce que j’ai eu +l’impression d’un traitement plus proche du blog) quotidiens. Il a +publié, les 15 et 16 juin, deux billets consacrés à la cinquième +journée d’audience. +Le premier[41] est consacré à la matinée et aux experts que tout le +monde a oubliés et dont il pointe le jargon et le manque de clarté. Il +raconte dans la longueur certains moments d’audience, comme le +dialogue entre Me Henri Leclerc et l’une des experts (à laquelle il +taille un vrai costard). +C’est sans doute sa formation de médecin qui a conduit Jean-Yves Nau +à retenir également de cette journée d’audience ce qui lui +apparaît comme un rebondissement de l’affaire: le fait que +Véronique Courjault n’a pas pu étouffer ses enfants[42], en tout cas +selon les explications données par Israël Nisand. Il montre alors les +coulisses du procès: comment, à une suspension d’audience, les +avocats de la défense sont allés demander au témoin des +éclaircissements sur un point brièvement abordé dans son audition et +lui ont ensuite demandé de revenir à la barre, où il a expliqué que +le fait d’accoucher seule entraîne mécaniquement des manoeuvres qui +peuvent entraîner la mort du nouveau né, avant même qu’il soit +vraiment né. +Le compte rendu ici livré me paraît se rapprocher de ce feuilletonnage +cher à Pascale Robert-Diard, qui ne paraît possible que sur internet, +où les contraintes de bouclage, de rendez-vous obligé et d’espace +sont moins contingentes que dans les médias traditionnels. +La mention d’éléments personnels à l’auteur, l’emploi de la +première personne ( *“Je connais le Pr Israël Nisand de longue date +du fait, notamment, de petites divergences sur quelques sujets +essentiels de bioéthique. Durant la suspension d’audience je lui +rappelle que Véronique Courjault avait déclaré que les deux enfants +avaient «criés». Il répond qu’il s’agissait plus +vraisemblablement non pas d’un «cri»mais d’un «gasp».”*) est +aussi inhabituelle par rapport à un compte rendu d’audience +classique. + +- *Les médias locaux* + +Ce sont les médias locaux qui produisent le plus grand nombre de compte +rendus d’audience. +A de nombreuses audiences correctionnelles on peut voir le journaliste +local prendre des notes et on retrouve dans les colonnes du quotidien +régional quelques lignes sur des affaires judiciairement assez banales. +Les affaires d’Assises sont toujours couvertes. +“Nos” journalistes sont souvent de fins connaisseurs de “leur” +tribunal, “leurs” experts, “leurs” avocats, et du fonctionnement +judiciaire au quotidien, comme le montrent ici même les commentaires de +Didier Specq. +C’est pourquoi j’en fais une catégorie à part dans ce petit +exercice. + +D’après mes recherches (ou disons mon rapide furetage sur le toile), +la presse quotidienne locale à Tours se résume essentiellement à la +*Nouvelle République* qui, outre le quotidien papier, possède 40% de +TV Tours[43], la chaîne de télévision locale. Il y a bien sûr +également le bureau local de France 3 qui produit, outre des reportages +pour les éditions de F3 Paris Ile de France Centre, un décrochage +quotidien. + +Le compte rendu d’audience[44] de la NRCO “papier” (réalisé par +d’autres journalistes que ceux qui ont fait le *live blogging*, issus +de la rédaction multimédia), est assez classique (le triptyque +Dubec/Marinoupolos/Nisand) agrémenté de petits articles sur les à +côtés du procès: une rencontre[45] avec des “pointures” de la +chronique judiciaire[14[46]], une brève sur la longue expérience du +greffier[47] de la cour d’assises + +Les reportages de TV Tours[48] et de France 3 Val de Loire +Touraine[15[49]] ont en commun, outre le résumé de l’audience et les +images habituelles de salle d’audience et de salle des pas perdus, +d’avoir donné la parole à un expert local, seule interviewée. Les +experts “nationaux” ne sont qu’aperçus. Un reportage de France 3 +Ile de France Centre (cliquer “compte rendu d’audience” à la date +du 15 juin dans ce lien[50]) peut laisser penser que c’est parce que +seuls les médias nationaux ont pu approcher d’assez près les +sommités… + +Dans les médias locaux, on fait (logiquement) plutôt dans la +proximité: la locale de France 3 est présentée devant le Palais de +Justice, la médiatisation du procès est autant un sujet que le procès +lui même. + +- *Le pompon (faute de nom plus adéquat de catégorie)* + +Avec l’émission *Mots Croisés[51]* diffusée le 15 juin 2009, on est +devant un objet télévisuel très mal identifié. Sur le plateau +d’Yves Calvi ce soir là: Marie-Pierre Courtellemont, grand reporter +à France 3, “spécialiste” de cette affaire qu’elle suit et sur +laquelle elle prépare un second livre[16[52]], Daniel Zagury, expert +psychiatre, Pierre-Olivier Sur, avocat pénaliste, Violaine-Patricia +Galbert, psychothérapeute et assesseur au tribunal pour enfants de +Paris et le témoin vedette de la journée, Israël Nisand. Point commun +à tous ces invités: aucun d’eux n’a rencontré l’accusée ou +n’a en principe eu accès au dossier. + +Yves Calvi est un récidiviste du carambolage temporel dans cette +affaire[17[53]]. Le 16 octobre 2006, quelques jours après la mise en +examen de Véronique Courjault, il avait déjà consacré une émission +au thème “Quand une mère tue ses bébés”[54] (deux des invités +du 15 juin y étaient déjà et ont assez peu évolué), qui avait été +l’occasion d’un ramassis de spéculations et hypothèses, voire +d’affirmations péremptoires sur cette affaire alors que l’enquête +commençait à peine. + +Tout au long de cette nouvelle émission, il se défend de *“refaire +le procès”*. +Compliqué dans un débat intitulé *“Bébés congelés, le +procès”*, alors même qu’on commence par *“nous allons essayer +d’en savoir un peu plus sur ce procès pas comme les autres”* puis +qu’on invite les participants, après des généralités très +intéressantes (ce n’est pas ironique) sur le mécanisme du déni de +grossesse, à *“s’arrêter sur ce qu’on pourrait appeler le cas +Courjault”*(25’35”). +Chacun parle de l’audience comme s’il y avait assisté ( Daniel +Zagury 15’21”: *“ce qu’elle nous dit”*, Violaine-Patricia +Galbert 28’31”: *“le président a bien repris les différents +termes des dépositions”*). +On vérifie qu’on est bien dans les clous (Yves Calvi à Marie-Pierre +Courtellemont 30’20”: *“est ce que les débats au procès tournent +autour de ce qu’est notre conversation de ce soir?”*). +On s’interroge sur la psychologie du mari (Yves Calvi 47’41”) +*“qu’on voit quotidiennement venir défendre sa femme à la +télé”*(sic). +Et on termine sur la composition du jury, une proposition de +requalification (Yves Calvi 45’27”: *“c’est au minimum de la non +assistance à personne en danger”*) et les avis des uns et des autres +sur la peine à infliger. Sans compter cette perle de la journaliste qui +écrit un livre sur cette affaire et qui souligne à quel point la +médiatisation de l’affaire est déjà une terrible punition pour +l’accusée. Au final, sur une heure et six minutes d’émission, le +témoignage d’une femme ayant vécu un déni de grossesse était +probablement le moment le plus utile et intéressant. + +On voit bien les limites inhérentes à ce type d’émission avant +qu’une affaire soit définitivement jugée. Et plus généralement la +persistance de cette illusion du caractère pédagogique d’un procès +en particulier sur de grands sujets de société. Une affaire criminelle +est une affaire unique. Parce que c’était *cet* accusé, parce que +c’étaient *ces* circonstances, parfois parce que c’était *cette* +victime. + +Qu’une affaire judiciaire soit une des illustrations d’un débat de +société plus large, très bien, les prétoires sont un des reflets de +la société. Qu’elle en soit le point de départ, et il y a presque +toujours maldonne. Un procès, c’est quand même d’abord fait pour +juger une affaire particulière. Pas pour soigner la société ou faire +l’éducation des foules. + +*Avantage au blog?* + +Un bilan peut-il être dressé des comparaisons que je viens de faire? +Comme je ne me suis pas tapé tout ça pour rien, je vais m’y +employer: + +Le “débat” (qu’il soit télévisé ou radiophonique) me semble +une impasse, parce qu’il ne peut que reproduire le mécanisme du +procès. +Un asinaute[55] ne s’y est d’ailleurs pas trompé: *“Et soudain, +le déroulé de l’émission saute aux yeux, c’est celui d’un +procès: personnalité de l’accusée, discussion pro et contra sur les +faits et leur qualification, interprétation des actes de l’accusée, +énoncé de la peine”*. +Il me semble en tout cas nécessaire qu’il y ait un décalage dans le +temps et une forme plus documentaire, comme l’émission *Faites entrer +l’accusé* (dont on peut d’ailleurs supposer que le numéro +consacré à cette affaire est déjà sur les rails). + +Le compte rendu télévisé souffre de ne pas pouvoir montrer ce dont il +parle et tente de refaire une partie de l’audience à l’extérieur +de la salle en interrogeant les témoins, les victimes ou les avocats. +Et s’il était possible d’avoir des images de l’audience, il me +semble que le risque serait massif de ne retenir que le moment fort, +l’instant lacrymal, le témoignage scandaleux. +Une audience, c’est la vérité toute nue, parfois toute crue. Tout +dans un procès n’est d’ailleurs pas livré aux spectateurs qui sont +dans la salle, quand par exemple le président fait passer aux +assesseurs et aux jurés des photos (classiquement celles de +l’autopsie) ou un document tiré du dossier. S’il est légitime que +toute la réalité, si dure soit-elle, soit exposée à ceux qui vont +juger de l’affaire, l’afficher telle quelle, par petit bout, sur les +écrans du 20 heures serait à mon sens d’une grande violence. + +Le *live blogging* n’apporte aucune analyse. Il peut être un outil +pour qui veut suivre une audience dans la longueur, mais il pâtit du +manque de cette mise en relief qui résulte de l’oralité des +débats: le ton, la vitesse d’élocution qui change, les silences, +les regards, les réactions de l’accusé ou des avocats, la partie +civile qui quitte la salle parce que les paroles de l’accusé sont +insoutenables, bref, tout ce qui fait la vie d’une audience. +Le procédé va certainement se développer (on l’annonce déjà pour +le procès Clearstream) et évoluera peut être vers quelque chose de +plus élaboré, comme l’a fait la Dépêche du Midi pour le procès +AZF, avec un blog[56] assez proche d’une retranscription verbatim (en +apparence) mais d’une lecture plus aisée (un billet par audition ou +plaidoirie, introduit par une ou deux phrases résumant de qui il +s’agit) et sur une affaire avec des aspects techniques qui se prêtent +peut être mieux à l’exercice. + +C’est finalement le compte rendu écrit, qu’il émane de la presse +“traditionnelle” ou d’internet, qui me paraît le plus adapté aux +audiences. Le temps nécessaire à l’écriture, la distance +émotionnelle que permet l’écrit (par rapport à un extrait +audio-visuel d’une déposition) couplée à la possibilité de faire +vivre l’audience par le talent du journaliste, et même +l’illustration quasi-obligée par un dessin d’audience qui fait +également filtre par rapport à une image “réelle”, tout cela me +paraît imposer le recul indispensable au travail du chroniqueur +judiciaire qui, pour reprendre la formule de Paul Lefèvre dans la +*Ligne j@une*, *“n’est pas de dire ce qu’il se passe mais de dire +ce que signifie ce qu’il se passe”*. C’est évidemment un aspect +essentiel du travail journalistique en toute matière, mais cela me +semble particulièrement indispensable dans un univers aussi codé que +celui de la justice. + +Enfin, il me semble qu’Internet, et notamment le format blog, apporte +un plus. Ce média peut, quand il est utilisé avec talent et +déontologie, avoir les vertus de l’écrit en étant moins soumis aux +contraintes de longueur ou de fréquence du papier. Une condition +essentielle, et difficile à remplir avec le web, est cependant +d’afficher clairement la couleur pour savoir qui écrit et de quelle +place (ça non plus ça n’est pas propre au genre judiciaire), +information qu’on a implicitement quand on ouvre tel journal papier ou +qu’on branche telle chaîne de télévision. + +*A quand les raccords de maquillage aux suspensions d’audience?* + +Alors que le procès se fait à la télévision, que les paroles +prononcées à l’audience s’inscrivent sur nos écrans quasiment en +temps réel, qu’est ce qui justifie encore le bannissement des +caméras des salles d’audience et l’interdiction de la +retransmission des procès? + +D’autant qu’on est en train de franchir un nouveau pas, puisque des +documentaristes prépareraient des reconstitutions de procès[57]. Et +devinez pour quelle affaire on va expérimenter le procédé? + +Le débat sur la possibilité de filmer les audiences va bien au delà +de la question du matériau qui peut être à la disposition des +journalistes pour traiter d’une affaire. On évoque ainsi souvent le +droit pour les citoyens à voir (et donc contrôler) comment la justice +est rendue en leur nom, et le fait que la captation et la diffusion des +procès ne serait finalement qu’un changement d’échelle par rapport +à une chronique judiciaire “papier”. + +Une commission avait été réunie en 2003 pour proposer des solutions, +sous la présidence de Mme Linden, première présidente de la Cour +d’appel d’Angers. Son rapport[58], soigneusement enterré depuis, +proposait des solutions réfléchies et équilibrées et posait, bien +mieux que je ne saurais le faire synthétiquement à l’issue de ce +déjà très long billet, les enjeux majeurs de l’entrée des caméras +dans le prétoire. Je voudrais pour conclure en extraire ces lignes, +mises en exergue de la contribution de Pierre Rancé à cette +commission: + +“La Justice n’a pas à se projeter pour prouver qu‘elle n’a rien +à cacher. C’est au citoyen de venir constater que la Justice ne lui +cache rien. Il ne saurait entrer dans les prévisions des codes de +procédures civile et pénale d’assurer une publicité médiatique, +voire commerciale, aux audiences. Si les portes du procès restent +ouvertes, c’est afin que chacun puisse attester que le déroulement de +l’audience est transparent et que le principe du contradictoire est +respecté. La mise sur la place publique du procès est le contraire de +la publicité de l’audience.”. + +Notes + +[1[59]] eh oui, c’est réservé aux abonnés. C’est pas pour faire +de la pub (pas de pub chez Eolas), mais franchement 30 euros par an ça +vaut le coût… Pour s’abonner c’est là[60] + +[2[61]] pour les plus motivés, les comptes rendu des audiences du CSM +relatives à Fabrice Burgaud, écrit par Stéphane Arteta, sont +particulièrement intéressants, par exemple là[62] + +[3[63]] bien que des comptes rendus d’audience aient été faits sur +le procès de Youssouf Fofana et ses comparses, notamment sur le +blog[64] d’Elsa Vigoureux + +[4[65]] sauf si le mineur, devenu majeur le jour du procès, demande la +publicité des débats + +[5[66]] notons que c’est sur “interpellation” (pour ne pas dire +dénonciation) d’un journaliste de radio que la Chancellerie a été +amenée à prendre position sur cette question + +[6[67]] voir sur cela cet intéressant reportage[68] du club de la +Presse du Val de Loire + +[7[69]] celle là est en accès libre, mais ça n’empêche pas de +s’abonner[70] + +[8[71]] et certainement pas pour le fond du dossier, qui n’est pas +très différent de celui de beaucoup de dossiers d’infanticides +instruits et jugés chaque année par les juridictions françaises + +[9[72]] Stéphane Durand-Souffland est par ailleurs président de +l’association de la presse judiciaire + +[10[73]] expert psychiatre qui a publié en 1992 un ouvrage de +référence sur les infanticides, cité par l’avocat général + +[11[74]] gynécologue-obstétricien, expert, qui a lui aussi publié un +ouvrage sur le sujet, cité par la défense + +[12[75]] reportage que vous ne pourrez voir car, à l’heure où je +fais les ultimes corrections, il n’est plus en ligne. Heureusement, je +me le suis infusé plusieurs fois, il va falloir me faire confiance pour +le résumé… + +[13[76]] elle évoque “D’un côté, dans le box des accusés, une +femme que je me garderais bien de juger, accusée d’infanticide, de +l’autre le professeur Israël Nisand, spécialiste français du déni +de grossesse.” + +[14[77]] on peut aussi penser que faire ainsi intervenir des tiers qui +partageaient un avis pour le moins critique sur la conduite de +l’audience par le président a permis aux journalistes locaux de ne +pas se montrer eux mêmes frontalement critiques envers le président +qu’ils croisent à chaque session + +[15[78]] même problème que pour le 20 h de France 2 + +[16[79]] en fait, le temps que je corrige, relise, recorrige et rerelise +ce billet, elle a eu le temps de le publier[80] + +[17[81]] et pas que dans cette affaire, puisqu’il a notamment +consacré une émission[82] au procès Fofana quinze jours après le +début des audiences, en présence notamment de deux des avocats +concernés + +[1] +http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/04/30/1395-la-protection-des-mineurs-est-elle-soluble-dans-la-pedagogie +[2] +http://mobile.lemonde.fr/societe/article/2009/06/19/la-justice-en-direct-sur-le-net_1208839_3224.html +[3] +http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/06/26/1459-en-effleurant-ce-rai-de-lumiere-dune-porte-entrebaillee +[4] http://www.arretsurimages.net/contenu.php?id=927 +[5] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#pnote-1439-1 +[6] http://chroniquesjudiciaires.blogs.nouvelobs.com/ +[7] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#pnote-1439-2 +[8] http://www.planetejustice.fr/info/chaine.html +[9] http://www.ecrans.fr/Faites-entrer-Planete-Justice,2211.html +[10] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#pnote-1439-3 +[11] +http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=211B069ABD4B0640261FC35797319B12.tpdjo14v_2?idArticle=LEGIARTI000006576166&amp;cidTexte=LEGITEXT000006071154&amp;dateTexte=20090715 +[12] +http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=211B069ABD4B0640261FC35797319B12.tpdjo14v_2?idArticle=LEGIARTI000006576488&amp;cidTexte=LEGITEXT000006071154&amp;dateTexte=20090715 +[13] +http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=211B069ABD4B0640261FC35797319B12.tpdjo14v_2?idArticle=LEGIARTI000006576887&amp;cidTexte=LEGITEXT000006071154&amp;dateTexte=20090715 +[14] +http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=211B069ABD4B0640261FC35797319B12.tpdjo14v_2?idArticle=LEGIARTI000006410115&amp;cidTexte=LEGITEXT000006070716&amp;dateTexte=20090715 +[15] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#pnote-1439-4 +[16] +http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do;jsessionid=A35B8E6443678B34BB5C1AC438D1AD40.tpdjo09v_3?idArticle=LEGIARTI000006419766&amp;cidTexte=LEGITEXT000006070722&amp;dateTexte=20090714 +[17] +http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do;jsessionid=7AD49468F4C4C159784BA46AFEDC71D5.tpdjo04v_3?idArticle=LEGIARTI000006419761&amp;cidTexte=LEGITEXT000006070722&amp;dateTexte=20090712 +[18] http://www.ques2com.fr/pdf/1-e1.pdf +[19] +http://www.archives-judiciaires.justice.gouv.fr/index.php?rubrique=10774&amp;ssrubrique=10842 +[20] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#pnote-1439-5 +[21] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#pnote-1439-6 +[22] +http://www.dailymotion.com/relevance/search/courjault/video/x9qaof_07-stern-courjault-integrale_news +[23] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#pnote-1439-7 +[24] +http://sites.radiofrance.fr/franceinter/em/jaimessources/index.php?id=81499 +[25] +http://www.france-info.com/spip.php?article304003&amp;theme=81&amp;sous_theme=113 +[26] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#pnote-1439-8 +[27] +http://www.lanouvellerepublique.fr/dossiers/actu/index.php?dos=bb_seoul&amp;num=201304 +[28] +http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=A35B8E6443678B34BB5C1AC438D1AD40.tpdjo09v_3?idArticle=LEGIARTI000006576208&amp;cidTexte=LEGITEXT000006071154&amp;dateTexte=20090714 +[29] +http://www.francesoir.fr/faits-divers/2009/06/16/courjault-psychiatre.html +[30] +http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2009/06/16/01016-20090616ARTFIG00005-veronique-courjault-marque-des-points-.php +[31] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#pnote-1439-9 +[32] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#pnote-1439-10 +[33] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#pnote-1439-11 +[34] +http://videos.tf1.fr/jt-20h/le-frere-de-veronique-courjault-temoigne-4443759.html +[35] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#pnote-1439-12 +[36] http://www.lepost.fr +[37] +http://www.lepost.fr/article/2009/06/15/1578808_proces-courjault-deni-de-grossesse-ou-refus-de-maternite.html +[38] +http://www.lepost.fr/article/2009/06/16/1579895_affaire-courjault-la-deposition-d-un-expert-du-deni-de-grossesse.html +[39] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#pnote-1439-13 +[40] http://www.slate.fr/story/qui-sommes-nous +[41] +http://www.slate.fr/story/6607/courjault-veronique-psychologique-portrait-proces +[42] +http://www.slate.fr/story/6635/veronique-courjault-etouffer-bebes-justice-deni-grossesse +[43] http://fr.wikipedia.org/wiki/TV_Tours +[44] +http://www.lanouvellerepublique.fr/dossiers/actu/index.php?dos=bb_seoul&amp;rub=proces&amp;num=215364 +[45] +http://www.lanouvellerepublique.fr/dossiers/actu/index.php?dos=bb_seoul&amp;rub=proces&amp;num=215415 +[46] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#pnote-1439-14 +[47] +http://www.lanouvellerepublique.fr/dossiers/actu/index.php?dos=bb_seoul&amp;rub=proces&amp;num=215414 +[48] http://www.youtube.com/watch?v=Y1Od1qPDL4E +[49] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#pnote-1439-15 +[50] +http://paris-ile-de-france-centre.france3.fr/info/centre/Proc%C3%A8s-Courjault:d%C3%A9n%C3%A9gation-ou-d%C3%A9ni-de-grossesse-50776734.html +[51] +http://info.francetelevisions.fr/video-info/index-fr.php?id-video=manuel_ftvi_mc_20090615_160620090931_F2 +[52] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#pnote-1439-16 +[53] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#pnote-1439-17 +[54] http://mots-croises.france2.fr/25210858-fr.php +[55] http://www.arretsurimages.net/contenu.php?id=2066 +[56] http://blogazf.ladepeche.com/ +[57] +http://www.francesoir.fr/television/2009/07/04/tf1-proces-prime-time.html +[58] +http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/054000143/0000.pdf +[59] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#rev-pnote-1439-1 +[60] http://www.arretsurimages.net/abonnements.php +[61] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#rev-pnote-1439-2 +[62] +http://chroniquesjudiciaires.blogs.nouvelobs.com/archive/2009/02/03/new.html +[63] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#rev-pnote-1439-3 +[64] http://elsa-vigoureux.blogs.nouvelobs.com/ +[65] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#rev-pnote-1439-4 +[66] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#rev-pnote-1439-5 +[67] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#rev-pnote-1439-6 +[68] http://www.youtube.com/watch?v=brtNglEg1Ok +[69] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#rev-pnote-1439-7 +[70] http://www.arretsurimages.net/abonnements.php +[71] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#rev-pnote-1439-8 +[72] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#rev-pnote-1439-9 +[73] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#rev-pnote-1439-10 +[74] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#rev-pnote-1439-11 +[75] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#rev-pnote-1439-12 +[76] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#rev-pnote-1439-13 +[77] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#rev-pnote-1439-14 +[78] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#rev-pnote-1439-15 +[79] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#rev-pnote-1439-16 +[80] +http://www.hachette.com/livre/marie-pierre-courtellemont-les-bebes-congeles-de-seoul-335816.html +[81] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/23/#rev-pnote-1439-17 +[82] http://mots-croises.france2.fr/54100097-fr.php + +Feed: Journal d'un avocat + +Author: Dadouche +**************************************** +Item: Un mot du proprio + +Date: Thu Jul 23 00:05:00 UTC 2009 +Je pars quelques jours en vacances bien méritées au soleil. + +N’attendez donc pas de billet de ma part avant une quinzaine de jours. +Je laisse les clés aux colocs. + +Soyez sages. + +Feed: Journal d'un avocat + +Author: Eolas +**************************************** +Item: Comment prévoir ce que le juge va décider ? + +Date: Wed Jul 22 14:43:00 UTC 2009 +*Par Paxatagore* + +Aux Etats-Unis, les juges fédéraux sont nommés par le président des +Etats-Unis, à vie. Comme tout un paquet de hauts responsables, la +décision du Président doit être confirmée par le Sénat. Le Sénat +donne son accord après une audition, plus ou moins longue, de +l’impétrant par le comité judiciaire du Sénat. A cette occasion, on +discute de ses conceptions juridiques et, forcément, politique, de ses +précédentes décisions (s’il était déjà juge) ou de ce qu’il +pense de telles ou telles décisions importantes. C’est un exercice +délicat, parfois long, et le candidat a pour objectif d’éviter de se +lier les mains tout en se mettant le moins de monde à dos. Certains ne +passent pas la barre et sont désavoués par le Sénat. Notre hôte a +plusieurs fois évoqué, ces derniers jour, la procédure de nomination, +toujours en cours, de Mme Sonia Sottomayor, comme *justice* à la cour +suprême. + +Pour autant, il faut bien avoir à l’esprit que ce que le +candidat-juge peut dire pendant ces auditions n’a strictement aucune +valeur juridique. Il peut donner son avis sur plein de questions, y +compris la meilleure façon de cuisiner les petits pois, on ne pourra +pas par la suite le révoquer parce que les décisions qu’il rend ne +sont pas conformes à ce qu’on attendait de lui. C’est l’une des +grandes limites de l’exercice. Cette chronique[1] recense plusieurs +cas, fameux, dans l’histoire américaine, où des candidats choisis en +fonction des convictions qu’on leur supposait, se sont révélés avec +le temps bien différents. Le cas le plus récent est celui de David +Souter, nommé par les Républicains et qui faisait alors profession de +foi d’originalisme (une doctrine en vogue aux Etats-Unis qui veut +qu’on ne doive interpréter la Constitution que conformément à ce +que ses auteurs ont ou auraient voulu dire) et qui s’est révélé +être en fait beaucoup plus libéral (c’est-à-dire, dans le +vocabulaire politique américain et avec plein d’approximation: de +gauche). + +C’est tout le sel de ces auditions devant le Sénat: sonder le +candidat, sa profondeur, sa solidité, pour être à peu près certain +des décisions qu’il va rendre. + +On pourrait toutefois s’interroger sur la légitimité de ce +procédé. Après tout, nous autres Français, nous n’avons aucune +procédure de cet ordre. Les candidats à la magistrature sont +interrogés sur leurs compétences juridiques par le biais de concours, +qui sont corrigés par d’autres magistrats: à aucun moment le +pouvoir législatif n’intervient dans la sélection des juges (il faut +noter du reste qu’il y a trop de juges en France pour qu’il puisse +réellement procéder à un contrôle). Il en va de même pour les +conseillers d’Etat, issus de l’ENA ou nommés directement par le +gouvernement, ou encore des membres du conseil constitutionnel ou des +magistrats de la cour des comptes. + +Pourtant, ce procédé me paraît tout à fait légitime. Les décisions +qu’un juge va rendre ont des répercussions importantes, sur les +parties au procès évidemment mais plus généralement sur l’ensemble +de la société (du moins, de temps en temps). Il est légitime de la +part de la représentation nationale d’avoir une petite idée de +l’état d’esprit de celui ou de ceux qui vont rendre cette +décision. Les parties elles-mêmes peuvent souhaiter savoir “à +quelle sauce” elles vont être jugées, ne serait-ce que pour adapter +leur argumentation en conséquence. La *prévisibilité* d’une +décision de justice est un élément essentiel dans un Etat de droit: +chacun doit pouvoir raisonnablement pouvoir connaître l’étendue de +ses droits et de ses obligations. + +Il me semble que le système américain accepte parfaitement le fait que +le juge a des présupposés, de tous ordres et en tire les +conséquences: il faut mieux connaître les présupposés du juge, pour +pouvoir les combattre utilement le cas échéant. (Il faut prendre le +terme “présupposés” au sens large: ce peut être des préjugés +,au sens où l’on entend habituellement ce mot, mais aussi une opinion +sur une loi, une pratique juridique, des habitudes…). + +Comment fait le système français? Il tend largement à ignorer les +présupposés du juge, du moins en public. La formation des juges +n’ignore pas ce point: à l’ENM, on est sensibilisé à ce danger +et on est invité à le combattre. On appelle le juge à être son +propre garant, ce qui n’est pas vraiment satisfaisant. On cherche +ainsi à obtenir des juges qui sont plutôt “neutres”. De la même +façon, une bonne partie des présupposés de chaque juge lui viennent +de son appartenance à la magistrature: la formation et la cohabitation +avec les autres collègues amènent les juges à partager un certain +nombre de réflexes communs (dans une certaine mesure évidemment). +C’est une façon comme une autre d’assurer une certaine +prévisibilité des décisions. + +Il est frappant de voir à cet égard que le monde politique ignore +totalement cette question, qui pourtant explique largement le clivage +important existant entre le monde politique et le monde judiciaire. +Peut-être devrait-on instaurer un système similaire à celui des +Américains? Nos juges y gagneraient peut être en légitimité, les +hommes politiques seraient conduits aussi à s’interroger sur ce +qu’ils attendent d’un bon juge… Toutes sortes de réflexions qui +font actuellement défaut chez nous. + +[1] +http://news.lp.findlaw.com/ap/a/w/1154/07-20-2009/20090720003513_14.html + +Feed: Journal d'un avocat + +Author: Paxatagore +**************************************** +Item: Délit de solidarité : Éric Besson marque un point + +Date: Wed Jul 22 14:07:00 UTC 2009 +Le tribunal correctionnel de Rodez a relaxé aujourd’hui le Guinéen +poursuivi pour avoir hébergé un compatriote[1]. + +Éric Besson va pouvoir se pavaner en disant qu’il avait raison, que +ce délit n’existe pas puisque la justice a relaxé. Après avoir dit +en son temps que cette affaire était plus large qu’une simple aide au +séjour, ce qui était faux, comme d’habitude. + +Je n’ai pas les attendus du jugement, mais il semblerait (attention, +je suppute beaucoup) que la relaxe soit due au fait que l’étranger +hébergé était en instance de régularisation, puisqu’il a eu sa +carte de séjour le 22 juin (source: La Dépêche[2]). + +Le tribunal a pu estimer que la carte de séjour n’était pas +créatrice de droit mais constatait un droit au séjour pré-existant, +qu’elle ne fait que matérialiser (en droit, on dit qu’elle est +déclarative et non constitutive). Le raisonnement se tient s’il +s’agit d’une carte vie privée et familiale (art. L.313-11 du +CESEDA). + +Dès lors, le fait que le Guinéen n’ait pas eu de carte ne +caractérisait pas le séjour irrégulier mais n’était que la +conséquence des délais de délivrance du titre. + +Rappelons que le parquet avait requis 5 mois de prison avec sursis. + +[1] +http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/01/1467-si-eric-besson-n-existait-pas +[2] +http://www.ladepeche.fr/article/2009/07/22/643063-Rodez-Relaxe-pour-un-Guineen-juge-pour-hebergement-d-un-sans-papiers.html + +Feed: Journal d'un avocat + +Author: Eolas +**************************************** +Item: Le Général Sabroclère + +Date: Wed Jul 22 12:31:00 UTC 2009 +Il était une fois en République Boldzare un général, le général +Sabroclère, qui arriva au pouvoir en promettant de faire de l’armée +de son pays sa première priorité, car comme tout homme politique, il +n’avait que des priorités, ce qui l’obligeait à les numéroter +pour distinguer toutes ces choses qui passent en premier. + +Sa première idée fut de remplir les casernes. Il demanda à ses +sergents recruteurs de faire un effort sur la conscription, surtout +auprès des jeunes, et fit voter une loi qui décidait que ceux qui +avaient déjà fait leur service seraient obligés d’en faire un autre +plus long, de plusieurs années au minimum. + +Très vite, l’État major lui signala que les casernes étaient déjà +pleines, et plutôt vétustes. De plus, il n’y pas assez d’adjudants +pour s’occuper de ces recrues, ni assez d’armes pour les équiper, +puisque le Général Sabroclère avait repris à son compte la tradition +de ne jamais accorder un Drazibule (la monnaie boldzare) de plus au +budget de l’armée; car une armée trop puissante pourrait fomenter +des coups d’État. + +À toute demande de Drazibules, le grand Chancelier répondait: «Ce +n’est pas une question de moyens, mais de méthode», avant de +recommander des caisses de champagne pour son prochain cocktail. + +«Qu’importe, répondit donc le Général en haussant les épaules +dans la plus grande tradition boldzare, l’intendance suivra». + +Au bout de quelques années, l’Inspection Générale des Armés +Boldzare rendit un rapport constatant que 82.000 recrues attendaient +encore leur ordre d’incorporation, alors que les casernes ne comptent +que 53.000 lits dans les chambrées (et déjà, en en faisant dormir par +terre, on arrivait à incorporer 63.000 recrues, sans compter les 5000 +qui faisaient un service civil). + +Cela rendit furieux le Général Sabroclère qui semonça la Grande +Chambres des Acclamations, assemblée chargée d’applaudir le +Général quand il lui en prenait l’envie. + +Devant la Chambre des Acclamations, il déclara de son ton le plus +martial: + +«Comment peut-on parler d’Armée quand 82.000 recrues attendent leur +ordre d’incorporation?» + +La grande Chancelière annonça que face à cette situation +désastreuse, elle allait rédiger des instructions adressés aux +colonels et chefs de corps pour leur indiquer des bonnes pratiques +permettant d’incorporer plus de soldats, le tout sans acheter un seul +fusil. Il suffisait d’inscrire deux noms par ligne sur les cahiers +d’incorporation, de faire dormir la moitié des soldats le jour et +l’autre moitié la nuit, et de faire en sorte qu’un soldat tienne le +canon du fusil pour viser tandis que le second tiendrait la crosse et +serait en charge de presser la queue de détente pour faire feu. + +Ce fut ce jour là que la Chambre des Acclamations se révolta et face +à un tel niveau d’inconséquence, chassa le Général Sabroclère en +lui lançant à la figure les compte-rendus de séance reliés en cuir +de vachette depuis 1873 à nos jours. + +Ce conte trouve un écho dans notre actualité, avec dans le rôle du +Général Sabroclère, le président Sarkozy, dans celui de la grande +chancelière, Madame Alliot-Marie, dans celui de l’armée boldzare la +justice française et dans celui de la Chambre des Acclamations se +révoltant… Personne[1]. + +«*Comment peut-on parler de justice quand il y a 82000 peines non +exécutées parce qu’il n’y a pas de places dans les prisons?*» +Le chiffre avait été annoncé par Nicolas Sarkozy, devant le Congrès +de Versailles, le 22 juin. Il est tiré d’un rapport de l’inspection +générale des services judiciaires du mois de mars, que la ministre de +la justice et des libertés, Michèle Alliot-Marie devait diffuser aux +magistrats, mardi 21 juillet. + +Face à cette situation, qu’annonce le gouvernement? Va-t-on recruter +des juges d’application des peines, construire des établissements +supplémentaires et rénover les taudis qui en font office, pour +résorber un stock tel que si on ne mettait plus personne ne prison, un +an ne serait pas suffisant pour l’absorber? + +Ou bien… + +Mme Alliot-Marie, en recevant les chefs de cour, lundi 20 juillet, a +indiqué qu’elle adresserait “*une circulaire recensant les bonnes +pratiques qui peuvent être mises en œuvre sans délai*”. + +Les Boldzares ont plus de chance que nous. + +[1] +http://www.lemonde.fr/societe/article/2009/07/21/le-debat-sur-la-mauvaise-execution-des-peines-de-prison-est-relance_1221082_3224.html + +Feed: Journal d'un avocat + +Author: Eolas +**************************************** +Item: Quelques mots sur l'affaire Orelsan + +Date: Mon Jul 20 23:36:00 UTC 2009 +Ça me déman­geait depuis quel­ques mois de par­ler de cette +affaire. Sa nou­velle jeu­nesse cha­ren­taise m’en four­nit +l’occa­sion. + +Ainsi, les Tar­tuf­fes sont lâchés de nou­veau, et encore une fois, +une liberté fon­da­men­tale est fou­lée du pied au nom des +meilleu­res cau­ses. Et vous êtes priés d’applau­dir. + +Vous ne con­nais­sez pro­ba­ble­ment pas Auré­lien Coten­tin. +C’est un chan­teur de rap, qui a pris le nom de scène d’Orel­san. +Il a sorti au début de l’année son pre­mier album, *Perdu +d’avance*. + +Le rap est une forme d’expres­sion artis­ti­que appa­rue aux +États-Unis au début des années 80, même si ses raci­nes remon­tent +au blues. Il a évo­lué avec le temps mais aujourd’hui +pri­vi­lé­gie un style décla­ma­toire plus que chanté, mais sur +un rythme mar­telé se mariant à une musi­que où la part belle est +faite aux per­cus­sions. La musi­que est véri­ta­ble­ment un +sim­ple sup­port du texte qui est l’élé­ment cen­tral. +L’impro­vi­sa­tion est une tech­ni­que que se doit de +maî­tri­ser tout rap­peur qui se res­pecte. C’est une musi­que +popu­laire au sens premier du terme car elle ne néces­site pas de +savoir par­ti­cu­liè­re­ment bien chan­ter ni jouer d’un +ins­tru­ment (le rap uti­lise abon­dam­ment des musi­ques déjà +exis­tan­tes dont cer­tai­nes phra­ses sont extrai­tes pour être +*sam­plées* c’est-à-dire tour­ner en bou­cle sur le fond +ryth­mi­que pour don­ner à la chan­son un cachet unique. + +Voici trois exem­ples de chan­sons repri­ses dans des chan­sons de +rap, ladite chan­son la sui­vant immé­dia­te­ment. Mon­tez le +son, c’est les vacan­ces. Notez comme les percussions prennent le +dessus dans Walk This Way, par rapport aux guitares de la version rock. +rap[1][A] + +L’aspect musical étant secondaire, ce qui en veut pas dire qu’il +est négligé, le rap se concentre donc sur les paroles. Oui, le rap, ce +sont des chansons à texte: chaque chanson raconte une histoire. + +S’agissant d’une forme populaire très à la mode dans ce qu’on +appelle «les banlieues» pour ne pas se demander ce que c’est +exactement, ces chansons racontent des histoires de ces quartiers +difficiles où il fait bon ne pas vivre, avec les mots des personnes y +ayant grandi. Et dans les versions se voulant les plus dures, on y parle +en mots crus drogue et violence, on n’y aime pas la police, et on est +obsédé par le sexe. Mais tout y est rapport de force, comme dans la +vie quotidienne de ces villes, y compris l’amour. Confesser ses +sentiments, c’est confesser sa faiblesse. Alors l’amour y est +combat, et vengeance quand il prend fin. Le rap est sexiste, sans nul +doute. Mais il n’est, comme tout art, que le reflet de la vie. Et +surtout, surtout, le rap repose sur de la provocation. Il faut être le +premier à dire les pires choses pour se faire cette réputation de +mauvais garçon qui seul assurera le respect et le succès du groupe +auprès des “vrais” fans. MC Solaar, s’il fait danser aux +Planches, fait ricaner à Grigny. + +Revenons-en à Orelsan. Son album contient une chanson qui va faire +scandale, vous allez aisément comprendre pourquoi. Elle est intitulée +“Sale Pute”. Le thème est simple: un garçon qui aimait une fille +découvre accidentellement qu’elle le trompe et l’amour se +transforme en haine. Shakespeare a traité ce thème dans Othello, sauf +que la tromperie était imaginaire, mais elle aboutit à la mort.  + +Rien de tel ici, le chanteur débite une logorrhée d’imprécations à +l’encontre de la belle volage. Les paroles sont crues, brutales et +violentes. Vous pouvez écouter ici[2], vous êtes prévenus. + +Je reconnais que ce n’est pas du Ronsard. Cela dit, une rappeuse se +prétendant celle visée par la chanson a montré qu’elle pouvait +répondre sur le même registre[3], ce qui cette fois fait applaudir les +Chiennes de gardes. Comme quoi ce n’est pas un problème de mots, mais +de camp. + +Je ne sais comment un disque de rap a atterri sur les platines d’âmes +aussi bonnes que sensibles, mais ce texte a déchaîné des passions. +Sur internet, chez nombre de blogs féministes, avec appel à pétition +auprès du Printemps de Bourges, ou Orelsan devait se produire, +polémique reprise par des politiques, Christine Albanel, ministre de la +culture, dont on sait l’amour pour la liberté d’expression, +Marie-Georges Buffet, premier secrétaire du Parti Communiste qui lui +aussi s’est illustré sur ce front, et Valérie Létard, secrétaire +d’État à la solidarité, qui a appelé les plate-formes de vidéo en +ligne à la «responsabilité», façon de dire qu’elle ne prendrait +pas les siennes, en leur demandant d’ôter ce clip. Dieu merci, elle +n’a pas été écoutée. + +Orelsan a tenté de désamorcer la polémique, en publiant un +communiqué apaisant: + +*cette œuvre de fiction a été créée dans des conditions très +spécifiques relatives à une rupture sentimentale”*: *“En aucun +cas ce texte n’est une lettre de menaces, une promesse de violence ou +une apologie du passage à l’acte, poursuit le communiqué. Conscient +que cette chanson puisse heurter, Orelsan a décidé il y a quelques +mois de ne pas la faire figurer dans son album ni dans ses concerts, ne +souhaitant l’imposer à personne”.* + +Hélas, il en va en politique comme dans les banlieues, un aveu de +faiblesse déclenche la curée. On pouvait faire ployer ce jeune homme +mal élevé? Nul besoin d’engager une hasardeuse action en justice, +tous les moyens sont bons pour participer au triomphe du politiquement +correct. Ultime épisode: Ségolène Royal qui fait pression sur le +festival des Francofolies de la Rochelle, avec semble-t-il un chantage +aux subventions sur la direction, la présidente de la région menaçant +de remettre en cause les 400.000 euros de subventions annuelles que la +région verse au festival si le rappeur s’y produisait[4]. Vous aurez +noté qu’Orelsan avait d’ores et déjà retiré cette chanson de son +répertoire: il était donc hors de question que le chanteur chantât +cette chanson. Peu importe, tout comme il importe peu que ce chantage +aux subvention excède les pouvoirs de la présidente en ce que le +pouvoir budgétaire appartient au Conseil Régional. Quand on veut +censurer, qu’importe le respect dû à la loi. + +Et la polémique entre pro- et anti-Orelsan fait rage. + +Alors que les choses soient claires. Cette polémique, je me refuse à y +participer. + +Parce qu’il n’y en a pas. Ce qui s’est passé porte un nom: la +censure. C’est inacceptable, et je ne vois pas quel argument +parviendrait à me convaincre que la liberté d’expression serait +réservé à un art approuvé, un art officiel. Dès lors, ce qu’il +chante m’est indifférent. + +Orelsan est un chanteur. Qu’il chante ce qu’il souhaite. Ça ne vous +plaît pas? À moi non plus. Personne ne vous oblige à l’écouter. +Rien ne vous autorise à le contraindre à se taire. + +Interdire un chanteur, ça s’est déjà vu. On trouve toujours +d’excellentes raisons pour le faire. Boris Vian s’est vu empêcher +de chanter sa chanson le Déserteur. Brassens a scandalisé avec son +gorille qui sodomise un juge. Aujourd’hui, tous les magistrats +chantonnent cette chanson en pouffant en imaginant leur premier +président ou leur procureur général entre les pattes du primate. + +— Mais Orelsan n’est pas Vian ou Brassens, me dira-t-on. + +Je ne le crois pas non plus, mais la question n’est pas là. La +liberté d’expression n’est pas soumise à une condition de mérite +de l’œuvre. Mérite qui était nié à Brassens et à Vian en leur +temps, d’ailleurs. La nouveauté est que cette fois, c’est l’État +décentralisé qui est intervenu pour obtenir cette censure alors que +Vian, c’était des anciens combattants agissants de leur propre chef, +avec une passivité complice des autorités. En ce sens, ce qui se passe +est pire encore. + +— Mais ses paroles sont discriminatoires et appellent à la violence +contre les femmes, ajoutera-t-on. + +Ah? Mais alors, portez plainte, c’est un délit. Allez en justice, +obtenez sa condamnation. Mais non, personne ne le fera, car la vérité +est que ces paroles ne tombent pas sous le coup de la loi. Il ne dit pas +que toutes les femmes sont des sales putes, mais que la copine +imaginaire du personnage tout aussi imaginaire qui chante en est une car +elle le trompe. Et tout le monde se souvient des déboires de l’ancien +ministre de l’intérieur qui a tenté de faire condamner Hamé, +chanteur du groupe La Rumeur qui avait accusé la police de se livrer à +des violences. Un fiasco: relaxe, confirmée en appel, sous les +applaudissements de la cour de cassation. Les politiques ont compris +qu’il ne fallait pas comtper sur les juges pour se prêter à ces +basses-œuvres. + +— Eh bien pour légal que ce soit, ça n’en est pas moins +scandaleux. + +Oui, c’est le but. Et d’ailleurs, en cherchant un peu, vous +trouverez pire (à tout point de vue). Le groupe TTC[5] par exemple. Les +chanteuses de rap ne sont pas en reste, Yelle ayant connu un grand +succès en répondant à Cuizinier, chanteur du groupe TTC sus-nommé. +Un grand moment de poésie. + +Cuizinier avec ton petit sexe entoure de poils roux +Je n’arrive pas a croire que tu puisses croire qu’on veuille de toi +Je n’y crois pas même dans le noir, même si tu gardes ton pyjama +  Mêmesi tu gardes ton peignoir, en forme de tee-shirt ringard +Garde ta chemise ça limitera les dégâts bataaaaaaaard + +Je veux te voir +Dans un film pornographique +En action avec ta bite +Forme potatoes ou bien frites +Pour tout savoir +Sur ton anatomie +Sur ton cousin Teki +Et vos accessoires fetiches + +Ringard, bataaaaaaard, bite, frite: les rimes sont pauvres. + +Le rap, c’est ça aussi. Pas seulement ça, mais ça en fait partie. +Et je prie pour que ceux qu’Orelsan épouvante ne découvrent jamais +l’existence du Death Metal. + +Personne n’est obligé d’écouter, nul n’a à interdire. + +Car c’est quelque chose qu’on ne répétera jamais assez. La +liberté d’expression est *toujours *la première attaquée, parce que +c’est la plus fragile. Il y a toujours une bonne cause qui justifie +que ÇA, non, décidément, on ne peut pas le laisser dire. Le respect +dû aux morts tués à l’ennemi, le respect dû à la justice, le +respect dû à la femme. Tout ça, ça l’emporte sur le respect dû à +la liberté, cette sale pute. Et les atteintes qu’elle a d’ores et +déjà subies, au nom de causes infiniment nobles (comme la lutte contre +le négationisme), me paraissent déjà excessives. + +Laissez tomber Orelsan, et un jour, c’est votre discours qui +dérangera. + +Les Révolutionnaires l’ont dit il y a presque 220 ans jour pour +jour: + +La libre communication des pensées et des opinions *est un des droits +les plus précieux de l’Homme*: tout Citoyen peut donc parler, +écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette +liberté, dans les cas déterminés par la Loi. + +Ils l’ont écrit à une époque où tout texte, pour paraître et +être représenté publiquement, devait au préalable être approuvé +par le Roi. C’est cette autorisation qui s’appelait la Censure. Et +c’est exactement cela que ce comportement vise à rétablir. Alors +peut-être que des féministes, des militants des droits des femmes +trouveront que leur cause, qui est bonne, est tellement bonne qu’elle +justifie ce rétablissement. + +Qu’ils sachent qu’ils me trouveront toujours sur leur chemin pour +leur barrer la route. Aux côtés d’Orelsan. + +À condition qu’il ne chante pas. + +[1] http://jiwa.fr/playlist/rap-393620.html +[2] http://www.youtube.com/watch?v=fSOeeXGMWwg +[3] http://chiennesdegarde.com/ActionMars2009-Orelsan.html#1erPitbulle +[4] +http://www.sudouest.com/accueil/actualite/article/638886/mil/4765307.html +[5] http://www.youtube.com/watch?v=09T_PTPtn_s + +[A] +http://counters.gigya.com/wildfire/IMP/CXNID=2000002.0NXC/bT*xJmx*PTEyMjAzMjUxNDIyNjImcHQ9MTIyMDMyNTE*NTU3MyZwPTMwODM*MSZkPSZuPSZnPTE=.gif + +Feed: Journal d'un avocat + +Author: Eolas +**************************************** +Item: Les anti-inflammatoires permettent-ils de voir des jeunes filles nues ? + +Date: Sun Jul 19 22:23:00 UTC 2009 +La Cour Suprême se penche parfois sur des questions fondamentales, sans +mauvais jeu de mot. L'une d'entre elles est celle de la *privacy*, mal +traduit par “vie privée”, le concept de *privacy* étant plus +large que cela. Il s'agit du droit reconnu à tout individu de garder +secret ce qui la concerne, et de ne révéler publiquement ou aux +autorités que ce qu'elle veut bien révéler, sans pouvoir être forcé +de révéler plus. Cela inclut notre vie privée, mais aussi +l'intégrité corporelle et le patrimoine (la perquisition, la +réquisition d'un bien est une atteinte à la *privacy*).  + +Ce droit est consacré par le Quatrième amendement à la Constitution +des États-Unis. + +Le droit des citoyens d’être garantis dans leurs personne, domicile, +papiers et effets, contre les perquisitions et saisies non motivées +ne sera pas violé, et aucun mandat ne sera délivré, si ce n’est +sur présomption sérieuse, corroborée par serment ou déclaration +solennelle, ni sans qu’il décrive avec précision le lieu à +fouiller et les personnes ou les choses à saisir. + +Quand, dans nos séries préférées, un citoyen refuse d'ouvrir la +porte à un policier qui n'aurait pas « un mandat » +(*search warrant*), il invoque le Quatrième amendement. Le policier ne +peut en effet entrer de force que pour des raisons ne souffrant pas +discussion (cris d'au secours, coups de feu, traces de sang +récentes…), ou si un juge l'y a au préalable autorisé, en +délimitant strictement les lieux à fouiller et les choses +recherchées. Il existe l'équivalent de notre enquête de flagrance, si +le policier a pu constater de l'extérieur l'existence d'une infraction +sur le point, en train ou venant de se réaliser, qui autorise aussi son +intervention. Le juge américain exerce un contrôle de +proportionnalité et de nécessité de la mesure, qui ne s'applique pas +qu'aux policiers mais à toute personne exerçant une parcelle de +l'autorité publique. Comme les enseignants. + +Là encore, on voit comment les rédacteurs de la Constitution ont eu le +souci constant de protéger les générations à venir des abus +possibles de l'autorité, y compris celle confiée aux États et à +l'État fédéral. S'il est un point résumant toute la différence +culturelle entre la France et les États-Unis, c'est bien celui-là : +les américains ont compris depuis le début que l'État était un tyran +potentiel et ont voulu s'en protéger, tandis que les Français le +voient comme le gardien de l'intérêt général, expression de la +majorité et qui ne peut donc mal faire. Hobbes contre Rousseau. La +leçon de 1941 n'ayant que peu servi, les droits individuels s'effacent +dans notre tradition face à la puissance de l'État. Heureusement, nous +avons l'Europe qui a introduit ces protections individuelles face à la +puissance de l'Autorité dans notre droit. + +Et c'est sans se douter qu'elle allait être plutôt brutalement +confrontée à cette tendance à la tyrannie de celui qui a une parcelle +d'autorité que la jeune Savana Redding, alors âgée de 13 ans, s'est +rendue à son cours de math du collège public[1] de Safford[2], 8900 +habitants, dans le Comté de Graham, Arizona, (c'est +ce bâtiment-là[3])ce jour d'octobre 2003. + +Le règlement de l'école est plutôt rigoureux. Sur la liste des choses +interdites dans l'enceinte de l'établissement se trouvent divers objets +parmi lesquels, je ne sais pourquoi, les anti-inflammatoires, qu'ils +soient sur ordonnance (*prescription drug*) que sans ordonnance +(*over-the-counter*). Je sais que l'anglais utilise le même mot pour +les médicaments et les drogues (je ne dis pas que c'est à tort), mais +tout de même, si un pharmacien ou un médecin pouvait m'expliquer +pourquoi, il me paierait de ma peine.  + +Au beau milieu du cours, l'assistant du principal du collège, Kerry +Wilson, fit irruption et demanda à Savana Redding de le suivre dans son +bureau. Là, on lui présenta un organiseur lui appartenant (une sorte +de gros agenda se fermant par une fermeture-éclair) contenant divers +objets prohibés par le règlement de l'école : couteaux, marqueur +indélébile, briquets, et, *horresco referens*, une cigarette. +Interrogée sur ces objets, elle déclara que l'organiseur lui +appartenait bien mais qu'elle l'avait prêté il y a quelques jours à +une amie, Marissa Glines. Elle nia que ces objets fussent siens.  + +L'assistant du principal sortit alors les éléments les plus accablants +: 4 pilules d'Ibuprofène® 400mg (anti-inflammatoire vendu uniquement +sur ordonnance) et une de Naproxène® 200mg, un anti-inflammatoire +vendu sans ordonnance, médicaments dont la détention est interdite +sans autorisation préalable de la direction de l'établissement. Kerry +Wilson informa alors Savana Redding que des sources confidentielles +(vous verrez plus loin lesquelles) l'avait informé que Savana Redding +distribuerait ces pillules dans l'établissement. Ce que Savanna Redding +nia farouchement. Kerry Wilson lui demanda si elle acceptait que l'on +fouillât ses affaires personnelles, ce qu'elle accepta. Kerry Wilson +appela alors une assistante administrative, Helen Romero, et tous deux +fouillèrent le sac à dos de Savana, sans rien trouver. + +Notons d'ores et  déjà que jusqu'à présent, une jeune fille de 13 +ans est seule confrontée à des adultes, sans que ses représentants +légaux (c'est ainsi que les juristes appellent les parents) ne soient +informés. Il est permis de tiquer (mais vous verrez qu'à ce stade, le +juge américain ne froncera pas les sourcils). Mais l'affaire va prendre +un tour proprement incroyable. + +En effet, Kerry Wilson ne va pas s'avouer vaincu. Il va ordonner à +Helen Romero de conduire Savana chez l'infirmière de l'école pour +qu'elle fouillât ses vêtements. Savana Redding dut donc, en la +présence constante d'Helen Romera et de l'infirmière Peggy Schwallier +(mais hors la présence de Kerry Wilson pour des raisons qui vont être +de plus en plus évidentes), ôter sa veste, ses chaussettes, et ses +chaussures. Laissée ainsi en t-shirt et pantalon "*stretch*" (donc +sans la moindre poche), elle attendit que les deux femmes eussent fini +d'examiner ses vêtements. Chou blanc. Décidément têtues, les deux +femmes lui firent ôter son pantalon, son t-shirt, et ne trouvant +toujours rien, son soutien-gorge, qu'elle dut tenir à bout de bras et +secouer, puis lui firent tirer sur l'élastique de sa culotte, +révélant ainsi sa poitrine et sa région pelvienne. Aucune pilule ne +fut découverte. + +April Redding, la mère de Savana, fut d'une grande modération dans son +approbation de la chose, et poursuivit aussitôt en justice l'école, +Wilson, Romero et Schwallier (Ah, la Sainte femme…), pour violation du +Quatrième amendement (donc compétence du juge fédéral). La Cour de +District rejeta la plainte de madame Redding, estimant qu'il n'y avait +pas eu violation du Quatrième amendement du fait de l'Immunité +Qualifiée (*Qualified Immunity*), exception (au sens juridique de moyen +de défense) qui exonère de leur responsabilité des personnes +investies de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service +publique qui auraient violé les droits constitutionnels d'une personne, +si une personne raisonnable (*reasonnable person*) n'aurait pas dans la +même situation réalisé cette illégalité, ce qui est exclu quand le +droit protégeant la personne fouillée est clairement établi. Les +juristes reconnaîtront ici une appréciation *in +abstracto, *la *reasonnable person *de nos amis américains n'étant +autre que notre* bonus pater familias.* + +En appel, la cour d'appel fédérale confirma ce rejet en formation +restreinte (*panel*, composé de trois juges), qui fut porté devant la +formation plénière (*en banc*). Attention, vous allez découvrir le +raisonnement gigogne qu'affectionnent les juges américains. + +La formation plénière appliqua le test en deux étapes fixé par la +jurisprudence de la cour suprême : *Saucier v. Katz*, 533 U. S. 194, +200 (2001). D'abord, la fouille était-elle illégale ? Ensuite, cette +illégalité était-elle évidente ? + +Sur l'illégalité, oui, répond la cour, au regard des critères de +fouille des élèves des écoles fixés par l'arrêt *New Jersey v. T. +L. O.*, 469 U. S. 325 (1985). Cet arrêt de 1985 a posé le principe que +le droit des école de maintenir l'ordre était une cause légitime +pouvant l'emporter que le droit à la *privacy*, donc que la direction +pouvait effectuer une fouille sans mandat de justice à condition que +soit rempli… un test en deux étapes. Il faut l'école ait une +suspicion raisonnable (*reasonnable suspicion*), caractérisée par (1) +le fait que l'action était justifiée dès son début (une fouille ne +saurait être justifiée par le fait qu'elle a permis de découvrir +quelque chose) et (2) que la fouille était proportionnelle aux +circonstances ayant justifié cette cette fouille à son commencement. +Ici, selon la cour d'appel, si l'organiseur justifiait la fouille, le +caractère proportionnel faisait défaut  + +Cette fouille était illégale, mais la direction en avait-elle +conscience ? +Oui, répond encore la cour d'appel, estimant qu'ici, il était +clairement établi que le droit à la *privacy* de la collégienne +s'opposait à une telle fouille. Motif un peu vague, me direz-vous à +raison ,ce qui explique que l'affaire soit remontée à la Cour +Suprême. + +Et la Cour a statué le 25 juin dernier, dans un arrêt *Safford +Unified School District #1, et al, v April Redding,* 557 U. S. ____ +(2009)[4] (pdf), en confirmant que la fouille était illégale.  + +La cour commence par reconnaître que le règlement de l'école, aussi +strict soit-il, est légal et sensé : les enseignants ne sont pas des +pharmaciens, ne peuvent reconnaître des médicaments, et l'effet de +substances actives sur des organismes juvéniles ne sont pas anodins. +Sans parler de la prohibition des armes, du tabac ou du marqueur +indélébile, qui sert plus à dégrader qu'à s'exprimer. + +Puis elle va entrer dans les détails de ce qui s'est passé ce jour +funeste. C'est sur dénonciation d'un élève ayant été malade après +avoir pris une pilule que lui a remis Marissa Glines que Kerry Wilson a +mené son enquête. Il a fait appeler Marissa Glines hors de sa classe +et a saisi l'organiseur qui était en sa possession, avec les objets que +nous avons vu. Il a ensuite convoqué Marissa Glines et, en présence +d'Helen Romero, lui a fait vider ses poches. Où furent découvertes les +pilules d'Ibuprofène (blanches) et une de Naproxène (bleue), et une +lame de rasoir. Kerry Wilson demanda à Marissa Glines qui lui avait +donné cette pilule bleue. Marissa répondit qu'elle avait dû se +glisser avec celles qu'*elle* lui avait données. Qui est ce "*elle*", +demanda Wilson ? Savana Redding répondit Marissa Glines (qui elle aussi +subit une fouille corporelle qui ne donna rien.  + +La Cour va constater que c'est sur la foi de ce seul témoignage, sans +questions plus poussées pour savoir s'il y avait une probabilité que +Savana Redding eût en sa possession actuelle d'autres pilules +prohibées, et après qu'une fouille de ses affaires personnelles n'ait +rien donné, que Kerry Wilson va ordonner qu'il soit procédé à la +fouille corporelle. + +Or si cette fouille du sac à dos et des vêtements était justifiée +aux yeux de la Cour vu les éléments en la possession des autorités +scolaires et son caractère relativement peu intrusif (notez le +contrôle de proportionnalité), ce que d'ailleurs Savana Redding n'a +jamais contesté d'ailleurs, la fouille corporelle atteint un tel degré +de gravité dans l'atteinte à la *privacy* que la Cour doit invoquer +le test en deux étapes de l'arrêt T.L.O. Et la Cour constate que les +indices ayant conduit à décider de la mesure, donc sa justification +dès le début, étaient largement insuffisants pour justifier une telle +atteinte. Non, le fait de lutter contre le trafic d'anti-inflammatoires, +cette cause fût-elle légitime, ne permet pas de contraindre une jeune +fille mineure à se déshabiller. Cette disproportion caractérise la +violation du Quatrième amendement, par 8 voix contre 1 (Seul Clarence +Thomas a disconvenu), ce qui en fait un des rares arrêts de cette +session adopté à une large majorité. + +Cependant, ajoute la cour, la jurisprudence concernant les fouilles +scolaires est actuellement tellement controversée qu'on ne peut dire +que la loi est clairement établie en la matière (de fait, la série de +tests en deux étapes à faire aboutit à déchirer les juges : peut-on +demander à des enseignants d'être plus sages qu'eux en cette matière +très juridique ?). Dès lors, la Cour Suprême accorde l'Immunité +Qualifiée à l'assistant du principal, à l'assistante administrative +et à l'infirmière scolaire. Seule l'école est déclarée responsable. +Un juriste français dirait que la faute des trois personnels +enseignants n'est pas détachable du service. + +Cet arrêt, outre le fait qu'il me permet de faire un titre de billet +avec les mots « jeune fille nue » qui va faire beaucoup pour augmenter +le nombre de visiteurs clients potentiels, trouve un écho en France où +le Gouvernement s'interrogeait il y a peu sur la possibilité de créer +un corps spécifique d'agents pour fouiller les cartables des +élèves[5], et où des fouilles spectaculaires[6] ont eu lieu dans le +cadre d'opérations anti-drogue menées par la gendarmerie, avec des +chiens et même des fouilles à corps. Ce que les parents d'élève +n'apprécient guère, et on peut les comprendre.  + +La solution française, aboutissant à ne pas vouloir attribuer de +pouvoirs de police aux enseignants (alors que rien ne s'y oppose, et +même que les principes généraux du droit administratif le permettent) +et à réserver cela à la police aboutit à un résultat plus +traumatisant encore pour les élèves tout en renforçant une image +d'impuissance nuisant à l'autorité. Je ne sais pas si elle est due à +une résistance des enseignants qui ne voudraient pas de ce pouvoir, ou +à un choix de l'État qui veut réserver toute coercition à la police, +au risque de détériorer son image, en soulignant la répression au +détriment de la protection qui est pourtant l'essence de la police. Une +solution raisonnable est cependant difficile à trouver, les juges +américains se déchirant eux-même sur l'encadrement de ce pouvoir de +police. Voilà un thème de débat qui mériterait la sérénité et le +dépassement des clivages politiques.  + +Prochaine épisode de notre rubrique de droit américain : Horatio Caine +va-t-il devoir s'acheter une cravate ? + +[1] http://www.saffordusd.k12.az.us/ +[2] +http://maps.google.fr/maps?f=q&source=s_q&hl=fr&q=Stafford,+Safford,+Graham,+Arizona+85546,+%C3%89tats-Unis&sll=48.853851,2.341823&sspn=0.007822,0.01929&ie=UTF8&cd=1&geocode=FTH19AEd_uB1-Q&split=0&ll=32.824211,-109.709473&spn=10.22136,19.753418&z=6&iwloc=A +[3] +http://maps.google.fr/maps?f=q&source=s_q&hl=fr&geocode=&q=734+11th+street,+Safford,+Graham,+Arizona+85546,+%C3%89tats-Unis&sll=32.691543,-109.473438&sspn=0.076424,0.154324&ie=UTF8&ll=32.827655,-109.715352&spn=0.009989,0.01929&z=16&iwloc=A&layer=c&cbll=32.827654,-109.715454&panoid=dgXWY9pGqkkk2dp3zsaRAA&cbp=12,3.18,,0,4.46 +[4] http://www.supremecourtus.gov/opinions/08pdf/08-479.pdf +[5] +http://www.liberation.fr/societe/0101568773-fouille-des-cartables-en-vue +[6] +http://www.ouest-france.fr/actu/actuDet_-Fouilles-musclees-de-gendarmes-dans-des-colleges-du-Gers_39382-759508_actu.Htm + +Feed: Journal d'un avocat + +Author: Eolas +**************************************** +Item: Un petit tour aux "compas" + +Date: Sun Jul 19 14:16:00 UTC 2009 +Sylvie Véran, chroniqueuse judiciaire au Nouvel Observateur et +blogueuse (j'ai déjà eu l'occasion de dire combien, pour les +chroniqueurs judiciaires, le blog est un complément idéal de leurs +articles papiers, la contrainte de place disparaissant), vous propose +d'assister à quelques audiences de comparution immédiate à Paris[1], +et pas n'importe lesquelles, celles du 15 16 juillet, qui comme son nom +l'indique, est le *sur*lendemain du 14. + +Neuf dossiers, neufs trajectoires qui se croisent, fruit du hasard des +audiences et des accidents de la vie. + +Un petit mot sur le premier dossier : Rachid a dû passer en comparution +immédiate la semaine précédente. Il a sagement demandé un délai (de +deux à six semaines, art. 397-1 du CPP) pour être jugé vu ce qu'il +risque (et encore, il y a une probable récidive, avec peine plancher à +la clé). Le tribunal a décidé de le maintenir en détention jusqu'à +la date de son jugement, fixée au 30 juillet. Or la détention +provisoire est… provisoire. Tout détenu en provisoire a le droit de +demander à tout moment sa remise en liberté au juge actuellement en +charge du dossier (juge d'instruction, tribunal, cour d'appel…). Il a +dû former une demande de remise en liberté dès son arrivée en maison +d'arrêt, jugée le 15 juillet. Demande rejetée. Elle n'était pas +nécessairement vouée à l'échec (quoi que… Une réitération, +peut-être une récidive, 45 jours après être sorti de deux ans de +prison, C'est largement suffisant pour que le parquet invoque le risque +de réitération) car le prévenu a eu une semaine pour réunir des +justificatifs de domicile qu'il n'a pas pu forcément réunir lors de sa +première comparution. + +Sur le dossier de Zakarias D., je n'ai pas d'élément à vous donner +sur ce qui pose problème dans le dossier, désolé.  + +Sur David D., il s'en sort très bien avec ses 3 mois fermes. Il aurait +pu être condamné à dix ans, avec un minimum théorique de deux ans, +et la prison ferme était obligatoire pour le juge. Les peines +planchers, dont vous verrez ici le caractère nécessaire et dissuasif. +Bienvenue dans le monde réel. + +Enfin, sur l'affaire Lamine A., j'aurais été l'avocat, j'aurais +plaidé que c'était une citation d'Orelsan.  + +Bonne lecture et bon dimanche. + +[1] +http://chroniquesjudiciaires.blogs.nouvelobs.com/archive/2009/07/17/tgi.html + +Feed: Journal d'un avocat + +Author: Eolas +**************************************** +Item: Brèves du samedi + +Date: Sat Jul 18 08:52:00 UTC 2009 +Quelques suivis d'articles antérieurs. + +Rue89 nous apprend[1] que le lycéen qui faisait l'objet de pressions[2] +à la légalité douteuse de la part de son proviseur a pu se +réinscrire dans son lycée sans condition. Le proviseur a probablement +compris qu'il avait tort quand le ministre de l'Éducation nationale, +Luc Chatel, l'a soutenu. + +Les auditions de Sonia Sotomayor devant le Sénat ont pris fin. Sa +confirmation ne fait plus aucun doute : elle n'a pas craqué et n'a pas +gaffé. Les auditions ont duré 7 heures par jour durant 4 jours, avec +des pauses toutes les deux heures, Sonia Sotomayor étant diabétique +insulinodépendante, même si deux seulement ont été consacrés à +ouïr l'impétrante. Le premier jour a été consacré aux déclarations +préliminaires des sénateurs (en *shorter* : les démocrates ont dit +qu'elle était merveilleuse, et les républicains indignes de ce poste). +Mention spéciale au sénateur Lindsey Graham (Républicain, Caroline du +Sud), pour une belle leçon de fair play et de réalisme politique alors +que ses collègues se plaçaient dans l'opposition à outrance :  + +— C'est ici une affaire principalement politique. Ceci étant dit, +certains de mes collègues de l'autre bord politique ont voté pour la +confirmation des juges Alito ou Roberts sachant que ce n'étaient pas +ceux qu'ils auraient choisi. Je saurai m'en souvenir le moment venu. À +moins que vous ne craquiez complètement, vous serez confirmée. (…) +Je ne sais pas encore comment je vais voter, mais les élections +comptent. Et nous avons perdu. + +Les points contentieux abordés ont été les suivants :  + +*Ricci v DeStefano* : C'était le point le plus sensible. ce sont donc +les démocrates qui l'ont abordé, pour ne pas laisser le plaisir à un +sénateur hostile. Sotomayor a répondu qu'elle avait appliqué la +jurisprudence existant alors, et que la décision de la Cour Suprême a +reviré la jurisprudence en appliquant de nouveaux critères. Sur la +question raciale, elle a répondu assez finement que laffaire Ricci +n'était pas une affaire de discrimination raciale mais de contestation +d'un concours public et de responsabilité de la puissance publique.  + +*La sage dame hispanique* : C'est le seul point sur lequel elle a +concédé du terrain, par une retraite prudente. Elle a expliqué avoir +voulu faire un jeu de mot sur une phrase du *Justice* Sandra Day +O'Connor selon laquelle un homme sage et une dame sage aboutiraient aux +mêmes conclusions sans que leur sexe ne perturbe leur jugement. Elle a +reconnu que sa tentative est tombée à plat et a été mal +interprétée. + +*L'avortement* : sujet sensible, car c'est un arrêt de la cour +suprême *Roe v Wade* qui a légalisé l'avortement en 1973 aux +États-Unis, etla Cour Suprême est actuellement majoritairement +conservatrice et pourrait renverser cette jurisprudence. C'est un sujet +qui divise également en deux, et donc un terrain idéal pour attaquer +l'impartialité. Sotomayor a refusé de prendre position, se réfugiant +derrière le respect dû à la loi. Et Roe v Wade fait partie de la loi +aujourd'hui, point. Il est à noter que la requérante, qui avait pris +le pseudonyme Jane Roe pour protéger son anonymat, était présente +dans la salle. Mais elle est depuis devenue une farouche militante +anti-avortement, sous son vrai nom de Norma McCorvey. À cinq reprises +des militants anti-avortement ont perturbé les auditions en la traitant +de tueuse de bébés, dont Norma McCorvey, qui a été expulsée de la +salle. + +*Le Second Amendement* : le droit de porter des armes est une question +sensible aux États-Unis. Sotomayor a habilement détourné l'entretien +sur le terrain de la légitime défense, qu'elle connaît parfaitement, +et qui est ourement juridique. + +*Les juges et la politique* : Les républicains lui reprochaient une +citation où elle laissait entendre que les juges avaient un rôle +politique. Sotomayor a, avec une patience digne d'un chargé de TD de +première année, expliqué au sénateur que la jurisprudence des cours +supérieures a en effet un rôle créateur de droit (surtout aux +États-Unis, où ce sont des arrêts de la cour suprême qui ont +institué le contrôle de constitutionnalité, l'avortement, aboli la +peine de mort avant de la rétablir) et qu'un sénateur qui s'en +émouvrait découvrirait deux siècles de droit américain. + +Le vote aura lieu le 21 juillet. + +J'en profite pour vos signaler le trajet de Sonia Sotomayor. Née dans +une famille pauvre porto-ricaine à New-York, elle a perdu son père à +l'âge de neuf ans. Sa mère étudiait dur pour devenir infirmière +diplômée, et elle et ses deux enfants travaillaient tous les trois sur +la table de la cuisine. Sonia Sotomayor a étudié dans les écoles +publiques de son quartier, obtenu une bourse pour Princeton (qu'elle a +fini *summa cum laude*) puis Yale. Elle a travaillé comme procureur à +New York, et ses talents l'ont faite passer des dossiers correctionnels +aux dossiers criminels en deux ans (elle avait 27 ans). Après un court +passage dans le privé, elle est devenue juge fédérale et exerce ces +fonctions depuis 17 ans, ce qui en fait une des candidates à la cour +suprême parmi les plus expérimentés. Et son frère est devenu +médecin. Si Sonia Sotomayor mérite le plus grand respect, j'en dirais +au moins autant pour sa mère. + +Dans l'affaire Scapin v Géronte[3], Scapin s'est fendu d'un droit de +réponse sur son blog[4]. Je vous signale le billet, sans le reprendre +ici car il révèle les noms des intéressés, et je ne souhaite pas +participer à la propagation de leur identité sur le net qui n'oublie +rien. + +Dans l'affaire Fofana, on apprend hier que Youssouf Fofana a fait appel. +Ce n'est pas une bonne nouvelle pour ses co-accusés, mais pas tellement +non plus pour la famille d'Ilan Halimi qui va devoir à nouveau subir +pendant deux mois ses provocations et ses jets de chaussure. Bon courage +aux nombreux confrères qui vont se succéder pour le défendre, +Youssouf Fofana ayant eu plus d'avocats que Liz Taylor n'a eu de maris. + +En fait, je ne vois pas pour qui c'est une bonne nouvelle. Mon petit +doigt me dit que le parquet général de Paris a le blues, n'ayant pas +apprécié qu'on lui torde le bras, et qui plus est par un simple coup +de fil du directeur des affaires criminelles et des grâces. Je plains +l'avocat général d'appel, qui est dans une très mauvaise position +pour soutenir un appel dont tout le monde sait qu'il n'était pas +souhaité par le parquet. + +J'ai fermé les commentaires sous le billet principal. Les commentaires, +c'est comme les sushis, c'est bon si c'est frais. + +Mon cher ami Éric Besson a commencé sa cure de réalité. S'il ne +démord pas que le délit de solidarité n'existe pas, il explique être +prêt à modifier légèrement la loi[5]. Encore un effort, Éric, tu y +es presque.  + +Bon week end. + +[1] +http://www.rue89.com/2009/07/17/tristan-sadeghi-lyceen-bloqueur-finalement-inscrit-en-terminale +[2] +http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/08/1474-les-cinq-erreurs-d-authueil +[3] +http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/07/1472-de-l-art-delicat-de-donner-des-lecons-a-qui-n-a-pas-appris-les-siennes +[4] http://soymalau.com/blog/2009/07/09/ +[5] +http://www.lemonde.fr/societe/article/2009/07/17/delit-de-solidarite-eric-besson-pret-a-modifier-legerement-la-loi_1220181_3224.html#xtor=RSS-3208 + +Feed: Journal d'un avocat + +Author: Eolas +**************************************** +Item: Appel dans l'affaire Halimi : la faute de MAM + +Date: Wed Jul 15 12:00:00 UTC 2009 +Ainsi, à la demande de la famille d'Ilan Halimi, le Garde des Sceaux a +demandé au parquet de faire appel du verdict dans l'affaire Fofana. +Cela a surpris plusieurs de mes lecteurs qui m'ont écrit pour me dire +leur étonnement face à cette ingérence du pouvoir politique dans les +affaires de la Justice. + +C'est qu'évidemment, à force d'entendre les politiques esquiver toute +question qui les dérangent ayant trait avec la justice en invoquant la +séparation des pouvoirs et une mystérieuse prohibition de commenter +l'action de la justice, on est surpris quand, l'opportunité politique +l'exigeant, ils s'en affranchissent avec la même vigueur qu'ils +l'invoquaient la veille. + +Le Garde des Sceaux est tout à fait dans son droit. Ce qui ne veut pas +dire qu'elle a raison. + +Rappelons donc les règles de l'appel en matière criminel. + +*Première règle : l'appel n'est possible qu'une fois. + +* + +La loi prévoit qu'une cour d'assises d'appel statue alors, la +différence étant qu'elle est composée d'un jury de 12 jurés au lieu +de 9, les règles de majorité pour les votes de culpabilité changeant +aussi (8 voix en première instance, 10 voix en appel, mais le seuil +reste strictement le même : deux tiers des voix). Le verdict de la cour +d'assises d'appel ne peut faire l'objet que d'un pourvoi en cassation. +Ça aura son importance dans notre affaire, vous allez voir. + +*Deuxième règle : chacun fait appel pour ce qui le concerne.* + +Il y a trois parties (au sens de partie prenante, acteur) au procès : +deux obligatoires et une facultative. + +À tout seigneur tout honneur, le ministère public, sans qui on ne +serait pas là. C'est lui qui est à l'origine des poursuites, et si +l'affaire vient pour être jugée, c'est que l'instruction a renforcé +sa conviction de la culpabilité de l'accusé. À l'audience, il est +l'avocat de la société, qui seule a le droit de punir, doit se +protéger des individus dangereux et sanctionner les comportements +contraires à la loi. D'où son titre d'*avocat général*, par +opposition à l'avocat particulier qu'est celui de la défense. Son +rôle est de démontrer la culpabilité et de requérir la peine qui lui +semble adaptée à la gravité du crime. Ce dernier point relève de sa +totale liberté de parole. Là aussi, cela aura son importance. +Évidemment, si les débats révèlent l'innocence de l'accusé, rien +n'interdit à l'avocat général de requérir l'acquittement, et il est +même de son devoir de le faire (Ce fut le cas lors du procès de +Richard Roman en 1992, qui a vu un avocat général, Michel Legrand, qui +porte bien son nom, initialement convaincu de la culpabilité de Roman, +requérir l'acquittement après le spectaculaire effondrement du dossier +à l'audience). + +La défense ensuite, incarnée d'abord par l'accusé, et ensuite par son +avocat. L'avocat de la défense est le contradicteur de l'avocat +général. Selon les affaires, sa stratégie peut être soit de viser +l'acquittement, en démontrant l'innocence ou du moins en instillant le +doute dans l'esprit de la Cour, soit, si les faits sont établis et +reconnus, de proposer une peine qui naturellement mettra en avant la +réinsertion de l'accusé sur les considérations purement répressives. + +Enfin, éventuellement, la partie civile, qui est la victime ou, dans le +cas où celle-ci est décédée, ses héritiers (c'est le cas ici : Ilan +Halimi étant décédé sans enfants, ce sont ses parents qui sont ses +héritiers). Elle demande l'indemnisation de son préjudice, et pour +cela doit comme indispensable préalable démontrer la culpabilité. Il +n'est pas d'usage que la partie civile s'aventure sur le terrain de la +peine à prononcer, prérogative du parquet, mais ce n'est pas +formellement interdit. + +Je dis que la partie civile est une partie éventuelle car rien ne +l'oblige à se constituer partie civile, et parfois, il n'y en a tout +simplement pas (ex : trafic de stupéfiant criminel). + +Le parquet peut faire appel sur la culpabilité et la peine (article +380-2 du CPP[1]). Son appel ne vise qu'à renverser un acquittement ou +à l'aggravation de la condamnation. Si seul le parquet est appelant, le +mieux que puisse espérer la défense est la confirmation pure et +simple. C'est un appel *a maxima*. + +Le condamné peut faire appel (un acquitté ne peut pas faire appel de +son acquittement). Cet appel vise à la diminution de la peine voire à +l'acquittement. Si seul le condamné fait appel, le pire qu'il puisse +lui arriver est la confirmation pure et simple; C'est un appel *a +minima*. (article 380-6 du CPP[2]) + +La partie civile peut faire appel des dommages-intérêts qui lui ont +été accordés. Si seule la partie civile fait appel, l'appel est jugé +par la chambre des appels correctionnels (art. 380-5 du CPP[3]). La +partie civile peut faire appel d'un acquittement, mais si le parquet ne +fait pas appel, l'accusé est définitivement acquitté, il ne peut +faire l'objet d'une peine. La chambre des appels correctionnels peut +toutefois constater que l'infraction était constituée et prononcer des +dommages-intérêts. + +L'usage veut que le parquet fasse systématiquement appel quand le +condamné fait appel, afin de donner à la cour d'assises d'appel les +plein-pouvoirs : aller de l'acquittement jusqu'à la peine maximale. De +même, quand le parquet fait appel, l'accusé se dépêche de faire un +appel incident afin de pouvoir espérer voir sa peine réduite en appel. + +Cet appel provoqué par l'appel de l'autre partie s'appelle un *appel +incident*, par opposition à l'appel *principal*. L'appel principal doit +être formé dans les 10 jours de la condamnation (art.380-9 du CPP[4]), +l'appel incident, dans un délai de cinq jours à compter de l'appel +principal (art.380-10 du CPP[5]). Ce délai de cinq jours est +indépendant et peut expirer au-delà des dix jours de l'appel principal +; exemple : j'ai un client condamné le 1er du mois — C'est un exemple +bien sûr, dans la vraie vie, il aurait été acquitté—, je peux +faire appel principal jusqu'au 11, comme le parquet. Si je fais appel le +11, le parquet a jusqu'au 16 pour faire appel incident. + +La décision du parquet de faire appel se prend en interne. Elle est +toujours concertée car ce n'est pas une décision à prendre à la +légère : l'avocat général, mécontent du verdict, ne peut aller +former un appel *ab irato*, sous peine de se retrouver convoqué chez +son chef le procureur général qui va lui chanter pouilles. De manière +générale, les appels d'une condamnation sont très rares. Le parquet a +tendance à considérer que la Cour savait ce qu'elle faisait en +prononçant telle peine, et qu'il n'a pas à imposer sa vision des +choses au jury populaire qui n'est autre que le peuple souverain. Il +n'en va autrement que si un acquittement a été prononcé alors que le +parquet est convaincu de la culpabilité (le parquet n'aime pas les +erreurs judiciaires...) ou qu'il y a une disproportion telle entre la +gravité des faits et la légèreté de la peine qu'il estime qu'un +appel est nécessaire. + +Autant dire que dans cette affaire, les probabilités d'un appel +spontané du parquet étaient nulles. + +*MAM avait-elle le droit de demander au parquet de faire appel ?* + +Oui. Elle tire ce pouvoir de l'article 5 de l'ordonnance n°58-1270 du +22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la +magistrature[6].    + +Les magistrats du parquet sont placés sous la direction et le contrôle +de leurs chefs hiérarchiques et sous l'autorité du garde des sceaux, +ministre de la justice. A l'audience, leur parole est libre. C'est à +dire qu'on peut tout à fait imaginer que dans cette affaire, l'avocat +général conclure l'audience d'appel en disant que les peines +prononcées en première instance lui paraissent satisfaisantes et +demander à la cour de les confirmer. + +Alors, si tout cela est conforme au droit, d'où vient mon chagrin ? + +Il se situe sur le terrain non pas du droit mais politique, ce qui +réjouira mon ami Authueil[7], dévoré d'angoisse à l'idée que je ne +pense qu'en juriste. + +C'est qu'en agissant ainsi, MAM ne s'est pas comportée en garde des +sceaux, mais en valet des victimes, s'inscrivant dans la droite ligne de +sa prédécesseuse, les robes Dior en moins. + +L'action publique ne doit pas être inféodée aux déceptions des +victimes. Elle en est autonome, et ce n'est pas pour rien. Ce n'est pas +la victime qui demande la punition, c'est la société. La victime est +dépouillée de son droit de vengeance depuis que tout citoyen a +renoncé à son droit de se faire justice à lui même, et plus +largement de recourir à la violence, en confiant le monopole de la +justice à l'État, en charge de la protection des citoyens. Et la +société doit garder son droit de dire à la victime : non, ça suffit. +Ce n'est pas lui faire violence, et je crois même que c'est le plus +souvent pour son bien. Car il est des cadeaux faits avec la meilleure +volonté du monde qui sont en fait des cadeaux empoisonnés. Et ici, +nous risquons d'en avoir un triste exemple. + +Ainsi, l'instruction donnée au parquet est de faire appel des +condamnations inférieures aux réquisitions du parquet. Philippe +Bilger[8], dont mes lecteurs savent l'estime non feinte que je lui +porte, rougira de la confiance qui lui est ainsi portée, puique ses +réquisitions sont pour la Chancellerie l'Alpha et l'Oméga, en ce +qu'elle estime que la Cour s'est nécessairement trompée chaque fois +qu'elle ne les a pas suivies. Passons cependant sur l'incohérence +consistant à ne pas tenir compte du fait que le même avocat général +s'estime satisfait du verdict. Il serait bon de se tenir à jour, place +Vendôme. + +Mais personne ne semble s'être interrogé sur les conséquences de ce +choix. + +Il signifie que, sauf à ce qu'il fasse appel, Youssouf Fofana ne sera +pas présent en appel (enfin, si : il viendra comme témoin), de même +qu'une bonne moitié des accusés (13 sur 27). C'est donc l'ombre du +premier procès qui sera rejouée. + +De plus, les 13 accusés concernés vont tous faire appel incident (ils +n'ont rien à perdre et tout à gagner à le faire). Et les absents +ayant toujours tort, ils vont pouvoir à l'envi charger Fofana pour se +décharger de leur fardeau de la culpabilité. Et un accusé provocateur +comme Fofana ayant tendance à enfoncer ses co-accusés, il est +parfaitement possible que les peines soient réduites en appel. La +défense a un coup à jouer et elle le jouera. Je ne dis pas que cette +tactique sera mensongère ou trompeuse : si ça se trouve, certains +accusés ont réellement été enfoncés par Fofana, dont l'absence leur +permettra d'être jugés plus équitablement, et condamnés plus +légèrement. + +La mère de la victime semble considérer comme une évidence qu'un +procès en appel lui donnera satisfaction, considération qui semble +chez certain l'emporter sur toute autre. Croyez-vous qu'un échec en +appel allégera sa douleur ? Car ce nouveau verdict sera définitif : +pas de nouvel appel, pas de désistement pour revenir à la première +décision. Il ne restera que le pourvoi en cassation pour faire annuler +le verdict, mais uniquement si le droit n'a pas été respecté (or le +*quantum *de la peine est une question de pur fait que la cour de +cassation se refuse à examiner). Et c'est MAM qui en portera la +responsabilité. + +Demeure ensuite la question du huis clos. Deux des accusés étant +mineurs au moment des faits, le huis clos était de droit à leur +demande (art. 306 du CPP[9]) . Et l'un d'entre eux est concerné par +l'appel (il a été condamné à 9 ans quand le parquet en requérait... +10 à 12) : donc l'appel aura lieu à huis-clos, alors qu'il aurait +suffit de ne pas faire appel de sa condamnation pour obtenir la +publicité des débats. Pour un an de différence entre les +réquisitions et la peine. Voilà ce qui se passe quand un ministre agit +dans la précipitation médiatique. + +Là où l'affaire tourne à la farce, c'est quand l'avocat de la partie +civile rêve à voix haute d'une modification de la loi pour permettre +la publicité des débats (encore une fois, voyez à quoi elle tient +ici...). Voici que la victime demande qu'on fasse appel pour elle et +qu'on change la loi par la même occasion. Je passerai sur le fait que +l'avocat en question était l'avocat du RPR dont le garde des sceaux fut +la dernière présidente, car je me refuse à croire qu'en République, +des choix publics tinssent à ce genre de considération. Mais je +tremble quand même que ce souhait soit suivi d'effet, deux députés +qu'on ne peut soupçonner d'être indifférents à l'opinion publique +ayant déposé une proposition de loi dans ce sens (Messieurs Barouin et +Lang). Si le législatif aussi se met à jouer les larbins des victimes, +il ne reste que le judiciaire pour garder la tête froide. + +Je me contenterai donc de regretter que ce ministre ait raté sa +première occasion de se comporter en vrai Garde des Sceaux plutôt +qu'en valet des victimes, ait manqué de réfléchir avant d'agir, et +que visiblement personne dans cette affaire ne se soit interrogé à la +Chancellerie pour savoir ce qu'on avait à reprocher à ce procès, +remarquablement conduit de l'avis général par une formidable +présidente, Nadia Ajjan, et ce qui leur permettait d'estimer que leur +opinion valait mieux que celle de neuf jurés et trois juges qui ont +assistés aux 29 jours de débat et ont délibéré trois jours durant +pour fixer ces peines, très légèrement inférieures aux réquisitions +du parquet (à croire que les plaidoiries de la défense servent à +quelque chose...). + +La mémoire d'Ilan Halimi méritait mieux que ce cirque. + +[1] +http://legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=6CA974A0521C9F47F5F06F154493326E.tpdjo09v_3?idArticle=LEGIARTI000006576363&cidTexte=LEGITEXT000006071154&dateTexte=20090715 +[2] +http://legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=6CA974A0521C9F47F5F06F154493326E.tpdjo09v_3?idArticle=LEGIARTI000006576375&cidTexte=LEGITEXT000006071154&dateTexte=20090715 +[3] +http://legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=6CA974A0521C9F47F5F06F154493326E.tpdjo09v_3?idArticle=LEGIARTI000006576374&cidTexte=LEGITEXT000006071154&dateTexte=20090715 +[4] +http://legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=6CA974A0521C9F47F5F06F154493326E.tpdjo09v_3?idArticle=LEGIARTI000006576378&cidTexte=LEGITEXT000006071154&dateTexte=20090715 +[5] +http://legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=6CA974A0521C9F47F5F06F154493326E.tpdjo09v_3?idArticle=LEGIARTI000006576379&cidTexte=LEGITEXT000006071154&dateTexte=20090715 +[6] +http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/15/Ordonnance%20n%C2%B058-1270%20du%2022%20d%C3%A9cembre%201958%20portant%20loi%20organique%20relative%20au%20statut%20de%20la%20magistrature.%20%20%20 +[7] http://authueil.org/?2009/07/08/1387-adresse-aux-juristes +[8] http://www.philippebilger.com/blog/2009/07/eloge-du-calme.html +[9] +http://legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=1A810C154EBE14003A2984513DD3860B.tpdjo09v_3?idArticle=LEGIARTI000006576166&cidTexte=LEGITEXT000006071154&dateTexte=20090715 + +Feed: Journal d'un avocat + +Author: Eolas +**************************************** +Item: Les procédures pénales d'exceptions vivent-elles leurs dernières heures ? + +Date: Mon Jul 13 08:13:00 UTC 2009 +Je n'ose y croire, tant j'en ai rêvé, mais là, la cour européenne +des droits de l'homme semble sonner le glas d'un aspect parmi les plus +scandaleux de la procédure pénale française, qui pourtant n'en manque +pas. + +Par un arrêt Salduz c. Turquie du 27 novembre 2008 (Requête no +36391/02[1]), la Grande Chambre de la Cour a condamné la Turquie pour +violation du droit à un procès équitable pour une loi qui refusait +l'accès à un avocat au stade de l'enquête de police en raison de son +objet qui, vous l'aurez deviné puisqu'il permet de porter atteitne aux +droits de l'homme sous les applaudissements de l'opinion publique, est +de lutter contre le terrorisme.  + +En l'espèce, c'est un mineur kurde, soupçonné d'avoir ourdi deux +odieux attentats terroristes, en l'espèce avoir participé à une +manifestation du Parti des Travailleurs du Kurdistan, organisation +illégale (qui est bel et bien une organisation terroriste violente), en +soutien au chef de ce parti, Abdullah Öcalan, incarcéré depuis 1999, + ET d'avoir accroché une banderolle sur un pont ainsi rédigée : +"Longue vie à notre chef Apo", Apo ("Tonton" en kurde) étant le surnom +d'Öcalan. + +Comme vous le voyez, c'est presque aussi grave que d'abîmer des +caténaires de la SNCF. + + Après six mois de détention provisoire, il fut déclaré coupable +sur la base de ses déclarations en garde à vue (faites sans avoir pu +bénéficier du conseil d'un avocat), quand bien même il les avait +rétractées par la suite (sur le conseil de son fourbe avocat, ce pire +ennemi de la vérité, de l'ordre public et de l'autorité de l'État) +et condamné à 4 ans et six mois de prison, ramenés à 2 ans et demi +et raison de sa minorité.  + +Je passe sur la procédure d'appel qui n'était pas non plus conforme +aux standards de la Convention. + +Les passages de l'arrêt qui ont retenu mon attention en ce qu'elles +peuvent concerner la France sont ceux-ci. Après avoir rappelé que la +Cour veille à ce que les droits garantis par l'article 6 de la +Convention européenne des droits de l'homme soient effectifs et +concrets, la Cour affirme que (j'ai ôté les références +jurisprudentielles pour alléger le texte ; les gras sont de moi) :  + +54. La Cour souligne l'importance du stade de l'enquête pour la +préparation du procès, dans la mesure où les preuves obtenues durant +cette phase déterminent le cadre dans lequel l'infraction imputée sera +examinée au procès (*...*). Parallèlement, un accusé se trouve +souvent dans une situation particulièrement vulnérable à ce stade de +la procédure, effet qui se trouve amplifié par le fait que la +législation en matière de procédure pénale tend à devenir de plus +en plus complexe, notamment en ce qui concerne les règles régissant la +collecte et l'utilisation des preuves. *Dans la plupart des cas, cette +vulnérabilité particulière ne peut être compensée de manière +adéquate que par l'assistance d'un avocat, dont la tâche consiste +notamment à faire en sorte que soit respecté le droit de tout accusé +de ne pas s'incriminer lui-même.* Ce droit présuppose que, dans une +affaire pénale, l'accusation cherche à fonder son argumentation sans +recourir à des éléments de preuve obtenus par la contrainte ou les +pressions au mépris de la volonté de l'accusé. Un prompt accès à un +avocat fait partie des garanties procédurales auxquelles la Cour prête +une attention particulière lorsqu'elle examine la question de savoir si +une procédure a ou non anéanti la substance même du droit de ne pas +contribuer à sa propre incrimination (…). La Cour prend également +note à cet égard des nombreuses recommandations du CPT (Comité +européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements +inhumains ou dégradants-NdA) soulignant que le droit de tout détenu à +l'obtention de conseils juridiques constitue une garantie fondamentale +contre les mauvais traitements. *Toute exception à la jouissance de ce +droit doit être clairement circonscrite et son application strictement +limitée dans le temps. Ces principes revêtent une importance +particulière dans le cas des infractions graves, car c'est face aux +peines les plus lourdes que le droit à un procès équitable doit être +assuré au plus haut degré possible par les sociétés démocratiques.* + +* +* + +Une petite pause ici. Le droit français a été mis en conformité avec +la Convention européenne des droits de l'homme par la loi du 4 janvier +1993 en prévoyant que tout gardé à vue a droit a l'assistance d'un +avocat. La loi, comme effrayée de sa propre audace, a toutefois prévu +que ce droit se résumait à un entretien de trente minutes sans que +l'avocat ait accès au dossier. Un changement de majorité s'étant +produit en mars de la même année, une loi du 24 août 1993 va +repousser l'intervention de cet avocat à la 21e heure de garde à vue, +parce que sékomsa. Cela permettait de tenir éloigné ce gêneur dont +la tâche, non mais je vous demande un peu, consiste à faire en sorte +que soit respecté le droit de tout accusé de ne pas s'incriminer +lui-même. En juin 2000, la loi a enfin permis à l'avocat d'intervenir +dès le début de la garde à vue. Mais là encore, changement de +majorité en 2002 et en mars 2004, une loi revient sur ce point en +repoussant l'intervention de l'avocat à la 48e heure en matière de +terrorisme, de trafic de stupéfiant et de délinquance organisée. + +Je rappelle que des affaires comme celles de Julien Coupat ont été +traitées selon cette procédure d'exception, de même que la plupart +des gardes à vue des délits de solidarité qui n'existent pas : la +dame arrêtée à son domicile pour avoir rechargé des téléphones +mobiles d'étrangers a été interpellée pour aide au séjour *en bande +organisée*. Quand bien même l'affaire va probablement aboutir à un +classement sans suite, elle n'a pas eu droit à l'assistance d'un avocat +pendant ses 14 heures de garde à vue.  + +Permettez à l'État de s'affranchir des libertés fondamentales en +matière de terrorisme ou de délinquance organisée, et ne vous +étonnez pas qu'un jour, il vous accuse d'un de ces faits pour +s'affranchir d'avoir à respecter les vôtres. + +Donc, l'intervention de l'avocat est repoussée de 48 heures dans trois +série de cas. Systématiquement. Revenons-en à notre arrêt de la +Cour. + +55.  Dans ces conditions, la Cour estime que, pour que le droit à un +procès équitable consacré par l'article 6 § 1 demeure suffisamment +« concret et effectif » (…), *il faut, en règle générale, que +l'accès à un avocat soit consenti dès le premier interrogatoire d'un +suspect par la police, sauf à démontrer, à la lumière des +circonstances particulières de l'espèce, qu'il existe des raisons +impérieuses de restreindre ce droit.* Même lorsque des raisons +impérieuses peuvent exceptionnellement justifier le refus de l'accès +à un avocat, pareille restriction – quelle que soit sa justification +– ne doit pas indûment préjudicier aux droits découlant pour +l'accusé de l'article 6 (voir, mutatis mutandis, Magee, précité, § +44). *Il est en principe porté une atteinte irrémédiable aux droits +de la défense lorsque des déclarations incriminantes faites lors d'un +interrogatoire de police subi sans assistance possible d'un avocat sont +utilisées pour fonder une condamnation.* + +Arrêtez-moi si je me trompe (mais pas selon la procédure de +délinquance organisée s'il vous plaît) : la cour dit qu'elle veut +bien qu'on repousse l'intervention de l'avocat, mais elle doit avoir +lieu en tout état de cause avant le premier interrogatoire de police, +sauf à ce que des circonstances particulières au cas d'espèce (et non +une règle de procédure générale appliquée systématiquement) font +qu'il existe des raisons impérieuses de restreindre ce droit. + +Or les procédures françaises d'exception repoussent à la 48e heure +cette intervention de l'avocat, systématiquement, et des +interrogatoires du suspect ont bien évidemment lieu pendant ce laps de +temps. C'est même le but : obtenir des aveux avant qu'un baveux vienne +lui dire de se taire. + +Conclusion logique : les procédures française d'exception ne sont pas +conformes à la Convention européenne des droits de l'homme. Toutes les +personnes qui ont avoué des faits dans ce laps de 48 heures peuvent +demander une indemnisation pour violation de leurs droits, et la +révision de leur procès (art. 626-1 du CPP[2]) si elles ont été +condamnées sur la base de ces aveux, car leur procédure est présumée +avoir porté une atteinte irrémédiable à leurs droits de la défense. + +Peut-être vois-je midi à ma porte car depuis 2004, où j'ai participé +aux manifestations des avocats contre ce volet de la loi Perben II, je +suis convaincu que cette procédure est contraire aux droits de l'homme. +Je lirai donc avec intérêt tout point de vue contradictoire visant à +démontrer que je me trompe. + +Car si tel n'est pas le cas, le 27 novembre 2008 fut une belle journée +pour les droits de l'homme. + +[1] +http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/view.asp?item=1&portal=hbkm&action=html&highlight=36391/02&sessionid=26557937&skin=hudoc-fr +[2] +http://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do;jsessionid=3CE6A4CED79C87428AA3D2450626E35A.tpdjo05v_3?idSectionTA=LEGISCTA000006138100&cidTexte=LEGITEXT000006071154&dateTexte=20020713 + +Feed: Journal d'un avocat + +Author: Eolas +**************************************** +Item: BatMam et Robin + +Date: Sun Jul 12 10:00:00 UTC 2009 +*Par Dadouche* + +Il n'aura pas échappé à nos lecteurs, toujours très informés de la +chose publique, que nous avons un nouveau Garde des Sceaux. +Michèle Alliot-Marie[1] a en effet été nommée Ministre d'Etat, Garde +des Sceaux, Ministre de la Justice et des Libertés. + +Et comme on n'est pas trop de deux pour s'occuper des Libertés (surtout +quand on est en charge des prisons), il lui a été adjoint un +Secrétaire d'Etat, Jean-Marie Bockel[2]. +Si nous avons connu dans un passé récent des Secrétaires d'Etat aux +programmes immobiliers de la Justice ou aux droits des victimes, le +Secrétariat d'Etat auprès du Ministre de la Justice et des Libertés +est (à ma connaissance) une nouveauté[1[3]]. + +On attendait donc avec impatience de connaître le domaine de +compétence du Secrétaire d'Etat. + +C'est un décret[4] paru hier qui nous renseigne. +Enfin, si on peut appeler ça renseigner. + +En effet, l'article 1er de ce texte dispose que *" M. Jean-Marie Bockel, +secrétaire d'Etat à la justice, remplit toute mission et assure le +suivi de tout dossier que lui confie le ministre d'Etat, garde des +sceaux, ministre de la justice et des libertés, auprès duquel il est +délégué."*. + +Qui pourrait se traduire par "il fera ce qu'on lui laissera faire" + +Ce n'est pas sans précédent. +Si George Kiejman, Ministre Délégué auprès du Ministre de la Justice +dans le gouvernement de Michel Rocard avait en 1990 des attributions[5] +précises, telles que l'élaboration du nouveau code pénal, son +successeur Michel Sapin, membre du gouvernement d'Edith Cresson, avait +une fiche de poste[6] aussi élaborée que celle du nouveau Secrétaire +d'Etat. + +Lequel Secrétaire d'Etat aurait déclaré[7] "Je serai transversal mais +pas transparent". + +Sera-t-il le Robin de BatMam ? Ou Bernardo, le docteur Watson, Sancho +Pança, Mini Me, Sganarelle, Q, Tinkerbell, Christian de Neuvillette, +Han Solo (voire Chewbacca), Ron Weasley, Samwise Gamgee, Obélix ou +Victoria Silvstedt ?[2[8]] + +L'avenir nous dira comment fonctionnera ce nouveau couple... + +Notes + +[1[9]] même si nous avons déjà connu des Ministres Délégués +auprès du Ministre de la Justice + +[2[10]] après avoir dans un premier temps mis en note de qui ces +personnages sont les *sidekicks* ou fidèles seconds, je me suis dit +qu'il valait mieux laisser chercher (enfin, c'est pas très +compliqué)... Ca occupera ceux qui sont en vacances et ça distraira +ceux qui sont au boulot + +[1] +http://www.justice.gouv.fr/index.php?rubrique=10016&ssrubrique=10019 +[2] +http://www.justice.gouv.fr/index.php?rubrique=11585&ssrubrique=11586 +[3] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/12/#pnote-1426-1 +[4] +http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=?cidTexte=JORFTEXT000020834911&dateTexte=&oldAction=rechJO&categorieLien=id +[5] +http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000169187&fastPos=4&fastReqId=1837807558&categorieLien=id&oldAction=rechTexte +[6] +http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000354883&fastPos=9&fastReqId=1071308680&categorieLien=id&oldAction=rechTexte +[7] +http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2009/06/27/01016-20090627ARTFIG00206-mam-et-bockel-se-disputent-les-prisons-.php +[8] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/12/#pnote-1426-2 +[9] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/12/#rev-pnote-1426-1 +[10] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/12/#rev-pnote-1426-2 + +Feed: Journal d'un avocat + +Author: Dadouche +**************************************** +Item: Faut-il se chauffer au gaz pour être juge en Virginie occidentale ? + +Date: Fri Jul 10 00:19:00 UTC 2009 +Lors de sa récente session, la Cour suprême a rendu un arrêt +important changeant de manière spectaculaire sa position sur la très +délicate question de l'indépendance de fait des juges élus. + +Les juges exercent en démocratie le troisième pouvoir, le pouvoir +judiciaire : celui de trancher un différend selon la loi. Cette +mission essentielle en démocratie suppose deux qualités +essentielles : l'indépendance, et la compétence. + +En démocratie, trois systèmes de désignation sont envisageables : la +désignation par l'autorité publique (les modalités peuvent varier de +la désignation discrétionnaire au concours, en passant par la +désignation ratifiée), l'élection, et le tirage au sort. + +La France a recours à un panaché des trois systèmes. La majorité des +juges administratifs et judiciaires sont désignés par l'autorité +publique sur la base d'un concours (c'est un décret signé par le +président de la République en personne qui leur confère leurs +fonctions ; Chirac pour Gascogne, Dadouche, Sub lege libertas, +Paxatagore et Lulu, René Coty pour Anatole). Certains de ces juges sont +désignés par l'autorité publique sans concours (les “sur +titre” ; par exemple, Rachida Dati n'a jamais passé le concours +d'accès à l'ENM— mais la plupart des “sur titre” sont de très +bons magistrats ; citons aussi les membres du Conseil constitutionnel, +nommés discrétionnairement par les trois présidents de la +République, du Sénat et de l'Assemblée nationale). Les conseillers +prud'hommes sont élus par les salariés et les employeurs, de même que +les juges de commerce le sont par les commerçants. Le jury d'assises +est quant à lui tiré au sort[1] parmi le corps électoral. + +Ce dernier système peut surprendre, mais il est selon Montesquieu le +plus démocratique puisqu'il respecte l'égalité des chances (même si +dans tous les systèmes de droit, le tirage au sort est toujours +tempéré tant par des restrictions pour l'accès au tirage +—conditions d'âge et de probité— que par une influence sur le +tirage —droit de récusation d'un juré tiré au sort. + +La désignation par l'autorité publique se fait en principe sur un +critère de compétence technique. C'est le cas du concours, mode de +désignation au mérite par excellence, mais aussi de la nomination par +le pouvoir politique, qui si elle est encadrée par des contre-pouvoirs +peut être satisfaisante. Ainsi les juges à la Cour Suprême des +États-Unis sont-ils désignés par le président des États-Unis mais +avec ratification par le Sénat ; les plus hauts postes de magistrats +français sont soumis à l'avis (pour le parquet) ou à l'accord (pour +le siège) du Conseil Supérieur de la Magistrature, ce qui rend +particulièrement scandaleux le coup de force qui viendrait de se +produire pour muter un procureur général, j'y reviendrai dans un +prochain billet. + +Notons que les nominations au Conseil constitutionnel n'étaient +soumises à aucun contrôle ni contre pouvoir jusqu'à la révision +constitutionnelle de juillet 2008, ce qui était une carence à mon sens +mais a permis d'éviter la politisation du Conseil. On verra ce que +donnera la nouvelle procédure, qui n'a pas encore eu à s'appliquer +(les prochaines nominations sont pour février 2010 avec le départ +d'Olivier Dutheillet de Lamothe, Dominique Schnapper et Pierre Joxe. + +Aux États-Unis, qui vont nous occuper, 39 des 50 États de l'Union ont +recours partiellement ou totalement à l'élection des juges et +procureurs généraux. C'est donc un sujet sensible, qui reflète la +méfiance traditionnelle du peuple américain envers l'État, et qui a +ainsi voulu garder la mainmise sur la désignation de ceux chargés de +dire le droit. + +L'invonvénient d'un tel système de désignation est qu'il se politise +forcément. Les campagnes électorales pour élire tel juge ne sont pas +toujours compatibles avec la dignité inhérente à la fonction, et +l'argument de la promesse de sévérité (promesse tenue, les +États-Unis ont un taux d'incarcération dix fois supérieur au nôtre) +est un des plus porteurs. Se pose aussi la question de l'indépendance +du juge, dont la campagne est financée par des gens susceptibles un +jour d'être justiciables devant lui. Or un principe constitutionnel aux +États-Unis est celui du procès équitable, le *due process of law*. + +Or la position de la Cour suprême a toujours été de dire que le juge +ne doit pas voir son impartialité remise en cause à la légère : il +prêtent serment de respecter la loi et la Constitution, et doivent +bénéficier d'une présomption d'honnêteté. De fait, deux cas +seulement constituent selon elle une situation objective où le juge +doit se récuser : quand le juge a un intérêt financier dans le +litige —*Tumey v. Ohio*, 273 U. S. 510, 523 (1927)— et quand le juge +statue sur un délit d'audience (*contempt of court*) dont il a été la +victime directe —*Mayberry v. Pennsylvania*, 400 U. S. 455 (1971). Ces +décisions ont d'ailleurs été reprises dans des lois fédérales +depuis lors. En dehors de ces cas, le demandeur en récusation doit +prouver la partialité (*bias*) du juge, ce qui est très difficile, +d'autant plus que généralement, il faut bien le dire, les juges se +déportent volontiers quand ils estiment ne pas être neutres. + +Intéressons-nous à présent à l'industrie du charbon en Virginie +occidentale. + +Ah, Charleston[1[2]], ton univers impitoya-able. Un géant du charbon y +règne sur les Appalaches : Massey Energy®[3], sous la forme de sa +succursale locale :A. T. Massey Coal Co., Inc. Massey est le 4e +producteur de charbon des États-Unis avec 40 millions de tonnes par an +(vous voyez que le réchauffement de la planète a de beaux jours devant +lui), et le premier de la région des Apalaches. Face à Goliath, quatre +David : Hugh Caperton, Harman Development Corp.,Harman Mining Corp., et +Sovereign Coal Sales (que j'appellerai Caperton tout court, comme la +Cour Suprême). Quatre petits exploitants de mines de charbon qui vont +tous faire faillite à cause selon eux de manœuvres déloyales et +illicites de Massey. + +Si en France, tout finit par des chansons, aux États-Unis, tout finit +par des procès. Et pour cause : ça marche. Le géant se prend la +pierre judiciaire en plein front. En août 2002, un jury déclare A.T. +Massey coupable de comportements commerciaux déloyaux et illicites et +le condamne à payer à Caperton 50 millions de dollars. En juin 2004, +la cour d'appel rejette le recours de A.T. Massey par un arrêt cinglant +qui établit formellement sa culpabilité. Massey forme un pourvoi en +cassation devant la Cour Suprême de l'État de Virginie Occidentale. + +Or fin 2004 se tenaient les élections judiciaires à la Cour +Suprême : le juge sortant était l'Honorable *Justice* McGraw, +candidat à sa succession. Son principal adversaire était l'avocat +Brent Benjamin. + +Le Groupe Massey va décider de soutenir le candidat Benjamin, farouche +partisan du libre marché. Et quand je dis soutenir, je dis soutenir. +Outre les 1.000 dollars, don maximum au candidat selon la loi de +Virginie Occidentale, Massey va faire un don de 2.500.000 $ à une +association qui s'opposait à McGraw et soutenait Benjamin. Le nom de +l'association est, pour la petite histoire « Pour le Bien des Enfants +». En fait, c'était plutôt pour le bien des mineurs. + +Et pour faire bonne mesure, Massey va dépenser 500.000 $ en courriers +et campagnes diverses appelant à faire des dons pour Benjamin. +Hypocrisie de la législation américaine : on ne peut donner plus de +1000 dollars à un candidat mais on peut dépenser 500.000 $ pour +encourager les gens à lui faire des dons plafonnés à 1000 $ chacun. +Sachant que les comités de soutien des deux candidats ont dépensé à +eux deux 2.000.000 $, Massey va dépenser 3 millions pour soutenir un +candidat. + +Qui sera élu avec 53,3% des votes. Ramené au nombre de suffrages +exprimés, cela fait 8 dollars par vote pour Massey. + +Une fois Brent Benjamin devenu *Justice* Benjamin, Massey forme son +pourvoi en cassation en octobre 2005. Aussitôt, Caperton dépose une +requête en suspicion légitime à l'encontre du *Justice* Benjamin, lui +demandant de se déporter, le demandeur étant son principal soutien +financier. En avril 2006, le *Justice* Benjamin rejette cette requête, +s'estimant tout à fait impartial. + +Et en novembre 2007, la cour suprême annule le jugement, par trois voix +contre deux. Trois voix, dont celle de Benjamin : son vote fut donc +décisif. Dans l'opinion dissidente du *Justice* Albright, cosignée par +le *Justice* Cookman, on peut lire ces lignes impitoyables “Non +seulement l'opinion de la majorité ne repose sur aucun fait établi ou +un précédent jurisprudentiel, mais elle est fondamentalement injuste. +Malheureusement, la justice n'a été ni honorée ni servie par la +majorité". Ambiance. ” + +Caperton n'en démordant pas, il porte son affaire devant la Cour +Suprême. + +Qui va se déchirer à son tour mais, par un vote de 5 contre 4, donner +raison à Caperton. L'argument central est le suivant : même si aucun +élément ne permet d'affirmer la partialité du *Justice* Benjamin, il +existe ici une telle probabilité de partialité (*probability of bias*) +qu'il aurait dû se récuser. la femme de César ne doit pas être +soupçonnée même si elle n'a rien à se reprocher : il en va de même +de ses juges. À l'argument de l'atteinte de la confiance publique dans +les juges et le risque de raz-de-marée de recours en récusation +*Caperton*, le *Justice* Kennedy, qui a rédigé l*'Opinion* de la Cour +réplique que non, il s'agit d'un cas d'espèce eu égard aux +circonstances extrêmes (un soutien “disproportionné” du demandeur) + +Le *Chief Justice* Roberts, dissident, s'étouffe d'indignation, soutenu +en cela par le bloc conservateur de la cour : les *Justice* Scalia, +Alito, et Thomas (les *usual Suspects*). Le *Chief Justice* Roberts ne +parvient pas à accepter cette décision ne reposant pas sur des +critères objectifs (contrairement à *Tumey* ou *Mayberry*) mais sur +l'appréciation du juge. Il soulève dans son opinion dissidente (page +28 et suivantes du pdf) 40 questions que cet arrêt laisse selon lui +irrésolues. Certaines sont pertinentes (par exemple : et si le litige +portait sur un enjeu de 10.000 $, soit bien moins que le soutien +financier de la campagne, peut-on soupçonner Massey d'acheter son juge +?), tandis que d'autres sont teintées de mauvaise foi par une *reductio +ad absurdum* classique : par exemple : “Et si un juge est élu sur +une promesse de sévérité envers le crime, doit-il se récuser de +toute affaire criminelle ?” ; et pourquoi pas l'obliger à se +chauffer au gaz pour juger une entreprise de charbon (d'où le titre du +billet). + +Les règles objectives dégagées par la Cour dans ses arrêts *Tumey* +et *Mayberry* ont été reprises dans des textes de loi, ce qui montre +au passage le respect à la limite de la crainte révérencielle du +législateur américain envers le juge, tandis que le législateur +français vote sans vergogne des lois pour contourner les objections du +juge, fût-il constitutionnel (Rétention de sûreté, HADOPI 2…). +Gageons que cette fois, le législateur américain se gardera bien de +s'aventurer sur ce terrain glissant. + +Alors, Caperton, révolution jurisprudentielle ou cas d'espèce sans +lendemain ? + +Prochain épisode : les anti-inflammatoires permettent-ils de voir des +jeunes filles nues ? + +Notes + +[1[4]] Qui est comme tout le monde le sait la capitale de la Virginie +Occidentale. + +[1] +http://www.maitre-eolas.fr/post/2007/01/15/514-petit-vademecum-a-l-usage-des-jures-d-assises-1 +[2] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/06/#pnote-1415-1 +[3] http://www.masseyenergyco.com/ +[4] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/06/#rev-pnote-1415-1 + +Feed: Journal d'un avocat + +Author: Eolas +**************************************** +Item: Du remue-ménage + +Date: Wed Jul 08 22:32:00 UTC 2009 +Certains d'entre vous ont pu le vivre en direct, il y a eu de grosses +coupures cet après midi, mais ca y est, la mue est faite : mon blog +tourne sous Dotclear 2. + +Concrètement, vous ne verrez aucune différence, et c'est le but. La +carrosserie reste la même, c'est le moteur qui a changé. Et celui-là +ne cale plus en côte. Pour ceux qui en ont marre de mes périphrases : +en principe, fini les erreurs 503 à répétition dès que les lecteurs +se bousculaient au portillon. Le blog devrait tenir la charge : j'ai un +serveur dédié qui fonctionne à l'urine de cycliste, un logiciel +débuggé au napalm et une bande passante qui pourrait télécharger un +porte-avion. + +Le site devrait s'afficher encore plus rapidement chez vous, surtout +parce que j'ai enlevé des enjoliveurs qui consommaient beaucoup de +ressources pour pas grand chose : le top des commentateurs, les billets +les plus commentés. + +Il faut que je m'habitude à la nouvelle interface, qui ne va pas me +faciliter la vie sur iPhone, que j'explique à mes commensaux comment +entrer dans leur nouvelle demeure, bref, je suis un peu en rodage, mais +tout devrait bientôt reprendre un rythme normal. + +Prochain chantier à la rentrée : le changement de carrosserie. Le +thème actuel a été bricolé en express par Kozlika[1], que Saint PHP +la bénisse, mais j'ai conscience que son minimalisme confine à la +mocheté, il n'était pas fait pour durer deux ans et demi. + +Je vais passer à un graphisme en deux colonnes, une grosse à gauche +pour les billets, une petite à droite pour le menu. Graphiquement, ce +sera sobre et élégant ; je fais sous-traiter ça par un geek dans un +sweatshop à l'autre bout du monde qui travaille pour une bouchée de +pain pour une boîte française installée dans un paradis fiscal (j'ai +bien suivi, François[2] ?). Pas de Flash®, toujours pas de pub, bref, +le fond plus que la forme, comme d'habitude. + +Merci de m'indiquer toute anomalie que vous pourriez rencontrer : la +chasse aux bugs est ouverte. Et on dit bravo et merci à Rémi. + +[1] http://kozlika.org/ +[2] http://padawan.info/fr/ + +Feed: Journal d'un avocat + +Author: Eolas +**************************************** +Item: Les cinq erreurs d'Authueil + +Date: Wed Jul 08 11:12:18 UTC 2009 +Mon ami Authueil reproche souvent aux juristes leur côté pinailleur. +Je m'en voudrais de lui donner tort et vais relever cinq erreurs dans +son dernier bille[1]t, dans lequel il exprime son approbation de la +décision d'un proviseur ayant soumis la réinscription d'un lycéen en +terminale dans son établissement à l'engagement de sa part de ne pas +se livrer à nouveau à un blocage[2] comme il l'avait fait plus tôt +dans l'année scolaire pour des motifs politiques. + +À titre de prolégomènes, je tiens à signaler que, au-delà de la +cause politique qui les a motivé, je n'ai *aucune* sympathie pour les +bloqueurs, que ce soit de fac, de lycée ou de maternelle. C'est une +méthode illégale, violente, et une voie de fait d'une minorité qui +impose par la force ses décisions à une majorité. C'est à mes yeux +inadmissible. Et ne venez pas me parler de démocratie. J'ai assisté à +des “ AG ” en amphi : outre le fait qu'un amphi ne contient qu'une +patite portion des étudiants, la démocratie y est aussi spontanée +qu'en Corée du Nord. + +Donc je désapprouve ce qu'a fait ce lycéen. + +Néanmoins je suis en désaccord avec Authueil sur 5 points. + +Ce lycéen a 17 ans, il n'a plus d'obligation scolaire, s'il veut +intégrer un établissement scolaire, il doit en accepter les règles. + +Je note sur un coin de papier son âge. Nous avons affaire à un mineur. +Un grand mineur, mais un mineur quand même. Je m'en servirai plus tard. +Mais le fait qu'il ait dépassé l'âge de l'obligation scolaire est +sans la moindre pertinence. Il n'a plus l'obligation de se scolariser, +mais il en conserve la liberté, que le Code de l'éducation élève au +rang de droit : + +*Le droit à l'éducation est garanti à chacun afin de lui permettre de +développer sa personnalité, d'élever son niveau de formation initiale +et continue, de s'insérer dans la vie sociale et professionnelle, +d'exercer sa citoyenneté.* + +Article L.111-1, qui, mes lecteurs l'auront deviné, est le premier +article du code (quand je parlerai "du code" dans ce billet, ce sera le +Code de l'éducation). + +15 ou 17 ans, l'élève a autant de légitimité à vouloir suivre des +études, et l'État doit lui en fournir les moyens. + +De même, l'obligation scolaire (art. L.131-1 du Code de +l'Éducation[3]), de six à seize ans, ne dispense pas d'accepter les +règles d'un établissement scolaire sous prétexte que l'élève n'a +pas le choix d'être là. Tout établissement a un règlement intérieur +qui s'impose aux élèves et aux enseignants. Et ce quel que soit leur +âge (là, je pense surtout aux élèves) et leur capacité de +compréhension des règles (là, je pense plus aux ados qu'aux +maternelles). + +Bref, l'argument de l'âge est inopérant dans le sens de la +démonstration d'Authueil. Vous allez voir, il va même plutôt dans le +sens contraire. + +Vu qu'il a allègrement violé le règlement intérieur, et l'a +clairement montré en devenant un représentant du mouvement, on peut +comprendre les craintes du proviseur sur les risques de récidive. Qui +trouverait à y redire s'il s'agissait d'un élève violent et isolé +qui perturbe la vie du lycée par son indiscipline ? Pourquoi, parce +que ces faits se seraient déroulés dans le cadre d'une action +politique, il devrait être absout ? Une perturbation reste une +perturbation et on peut très bien manifester et avoir une activité +politique sans bloquer un établissement. + +Sur ce dernier point, je suis d'accord (bon pour pinailler jusqu'au +bout, je dirai qu'on ne le peut pas, mais qu'on le doit). Mais ça +s'arrête là. Le proviseur a des craintes ? Je lui recommande la +verveine. Il y a des voies de droit pour sanctionner un élève. Et le +chantage à la réinscription ne fait pas partie de cet arsenal (article +R.511-13 du Code[4]). Car le proviseur n'a pas le pouvoir de sanction : +il appartient au conseil de discipline (art. R.511-20 et s. du Code[5]) +qu'il saisit et préside (ce qui au passage n'est pas conforme à la +convention européenne des droits de l'homme qui exige la séparation +des autorités de poursuite et de jugement). En exerçant ce chantage à +la réinscription, le proviseur usurpe les prérogatives du Conseil de +discipline, dont la composition vise précisément… à limiter le +pouvoir coercitif du proviseur. + +Bref, pour sanctionner une violation de la loi par l'élève, le +proviseur viole la loi. Les enseignants sont censés donner l'exemple, +pas le suivre, non ? + +On est au lycée pour suivre des cours et si on est pas content de son +lycée, on peut en changer, voire le quitter si on a l'âge requis. Rien +à voir donc avec le monde du travail. + +Premier point : on est au lycée pour suivre des cours. Non. Pour +draguer des filles (ou se faire draguer si on est une fille) et rigoler +avec les potes/copines. + +Ensuite, je pourrais dire qu'on est dans une entreprise pour travailler, +et si on n'est pas content de sa boîte, on peut en changer voire +prendre sa retraite si on a l'âge requis. Bref, sur ces éléments de +comparaison, ça ressemble un peu au monde du travail, le lycée. + +En fait, la différence essentielle, car elle existe, ce que les “ +syndicats ” d'élèves ne comprennent pas, est ailleurs. Étudier +n'est pas un métier, sauf pour Bruno Julliard, et l'élève n'a pas de +contrepartie directe à son travail. Il en tire une instruction qui lui +permettra plus tard d'accéder à des métiers pointus et donc mieux +rémunérés. Le contrat de travail est un contrat d'échange direct : +travail contre salaire. Cette relation existe d'ailleurs entre +l'enseignant et l'Éducation Nationale, même si le statut est +différent (l'enseignant est souvent un fonctionnaire). L'élève est +l'usager d'un service public. Il jouit d'une prestation de service : +l'enseignement et la mise à disposition des locaux. La seule chose +qu'il doit est son assiduité et un comportement conforme au règlement +intérieur. C'est là qu'on voit qu'en effet, le lycée et le monde du +travail, ça n'a rien à voir. + +Quand les salariés manifestent pour des raisons de politique +générale, ils ne bloquent pas pour autant leurs entreprises. Ils +prennent une journée (de RTT, de congé, de grève...) et vont se +joindre à la manif, sans empêcher leurs collègues non grévistes +d'aller au travail si ça leur chante. + +En théorie. Les piquets de grève ne sont pas une légende. Oh, c'est +illégal[6], bien sûr, comme séquestrer les patrons. Ou bloquer les +lycées. Invoquer la différence des comportements est ici erroné +puisque les deux comportements sont similaires. ce qui n'est pas un +hasard : les lycéens et étudiants singent les moyens de lutte des +ouvriers d'usines menacées de fermeture (quand bien même les études +qu'ils suivent visent à s'assurer qu'ils n'entreront pas dans la même +carrière que leurs glorieux aînés prolétaires). + +Il doit y avoir des limites. Ce proviseur a eu le courage d'en poser, +qui m'apparaissent très raisonnables, puisque rien n'empêchera le +lycéen d'avoir des activités politiques dans l'enceinte de +l'établissement. On lui demande juste de ne pas perturber la scolarité +de ses petits camarades, ce qui est la moindre des choses. + +Non, ce proviseur a au contraire manqué de courage. Il y a des limites, +prévues par la loi. À lui de l'appliquer. Il aurait dû lancer une +procédure disciplinaire contre tous les élèves bloqueurs, et ce dès +le début du blocage. Pour leur permettre de présenter leur défense, +de se faire assister de la personne de leur choix, y compris un avocat +(art. D.511-32 du Code), et de comprendre que persévérer dans leur +attitude les exposerait à un renvoi temporaire ou définitif et à une +plainte au pénal, bienvenue dans la vraie vie. Car là aussi, rien +n'est plus propice au passage à l'acte que la certitude de l'impunité +que donne le nombre d'une part et la couardise des autorités d'autre +part. + +Au lieu de cela, après avoir plié l'échine sur le moment, signant un +aveu de faiblesse[1[7]], il emploie un moyen déloyal et illégal. Il +attend que l'élève en question soit isolé, et le prend à la gorge +administrativement en détournant ses pouvoirs (le proviseur ne tire +d'aucun texte le droit de juger l'opportunité des réinscriptions). +Sachant que l'élève en question est mineur, donc censé être plus +protégé par la loi, on peut s'interroger sur la véritable vertu +pédagogique. En outre, son engagement de bien se tenir (qui est de +nature civile) est nul car obtenu par la violence (art. 1111 du Code +civil —c.civ— : c'est signe ou tu n'auras pas d'établissement +l'année prochaine), est lésionnaire pour le mineur (art. 1315 c.civ : +il ne peut que lui nuire) et n'a aucune base légale dans le code de +l'éducation. + +Enfin, il y a une certaine absurdité de demander à un élève ayant +violé le règlement intérieur de s'engager à le respecter sous peine +de sanction… sanction qui n'a pas été prise quand le règlement +intérieur a été violé. + +Bref, une mesure illégale, inefficace et qui déshonore celui qui la +prend. Vous l'aurez compris, je ne partage pas l'enthousiasme d'Authueil +face à cette mesure. Le pinaillage des juristes, pour qui la fin ne +justifie jamais les moyens, que ce soit un blocage de lycée ou de +réinscription, en fait de bien sinistres personnages. + +PS : Je ne l'avais pas vu, mais Jules le dit mieux que moi[8]. + +Notes + +[1[9]] Si cette politique du roseau lui a été imposée par la voie +hiérarchique, l'administration refusant toute confrontation, ma +critique reste la même, mais se transmet par la voie hiérarchique au +ministre. + +[1] +http://authueil.org/?2009/07/07/1385-un-lycee-c-est-fait-pour-etudier +[2] +http://www.rue89.com/2009/07/06/jai-17-ans-et-je-suis-exclu-car-jai-fait-blocage-contre-darcos +[3] +http://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do;jsessionid=60B3026C9D802E35D68E59107A85B1A5.tpdjo16v_3?idSectionTA=LEGISCTA000006166564&cidTexte=LEGITEXT000006071191&dateTexte=20090708 +[4] +http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=60B3026C9D802E35D68E59107A85B1A5.tpdjo16v_3?idArticle=LEGIARTI000020743424&cidTexte=LEGITEXT000006071191&dateTexte=20090708 +[5] +http://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?idArticle=LEGIARTI000020743406&idSectionTA=LEGISCTA000020743408&cidTexte=LEGITEXT000006071191&dateTexte=20090708 +[6] +http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=E840B93F5285A5802E4BB68FA74F9692.tpdjo07v_2?idArticle=LEGIARTI000006418459&cidTexte=LEGITEXT000006070719&dateTexte=20090212 +[7] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/08/#pnote-1474-1 +[8] +http://dinersroom.eu/2823/refus-dinscription-dans-un-lycee-abus-de-pouvoir-ou-aveu-de-faiblesse/ +[9] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/08/#rev-pnote-1474-1 + +Feed: Journal d'un avocat + +Author: Eolas +**************************************** +Item: Ces gens sont des menteurs + +Date: Wed Jul 08 00:24:19 UTC 2009 +À écouter, à podcaster (iTunes[1], Lien RSS[2]), l'émission Les +Pieds Sur Terre du 6 juillet 2009[3], diffusée sur France Culture, qui +revient sur le fameux délit de solidarité, celui dont le ministre qui +ne devrait pas exister nie l'existence. Pauline Maucort et Olivier Minot +sont allés interviewer des gens qu'on a arrêté, placé en garde à +vue, et oui, pour certains poursuivis et condamnés pour avoir aidé un +étranger en situation irrégulière. Des acteurs, sans doute. + +Écoutez leurs élucubrations, c'est drôlement bien inventé et joué, +tous ces détails : ils sont forts ces menteurs. + +Car bien sûr qu'Éric Besson dit vrai. + +JAMAIS en France la police aux frontières ne viendrait embarquer à 7 +heures 45 du matin une dame qui recharge des téléphones portables en +l'accusant d'un délit qui n'existe pas commis en bande organisée. +AUCUN policier n'aurait la désarmante naïveté de lui dire avoir été +gentil d'attendre 7 heures du matin, la procédure ouverte selon la loi +Perben II pour délinquance organisée permettant une perquisition à +toute heure de la nuit —art. 706-89 du code de procédure pénale +(CPP)[4], sur autorisation du juge des libertés et de la détention +(JLD)—, et écartant l'avocat, ce gêneur qui rassure les dames en +garde à vue : art. 706-88 du CPP al. 6[5] : l'avocat n'est autorisé +qu'à partir de 48 heures de garde à vue, soit bien plus que le +nécessaire pour boucler une procédure pour trois portables, même si +le policier tape les PV avec deux doigts), et d'en rajouter une louche +en disant que vraiment, ils sont super sympas de ne pas lui avoir +défoncé sa porte ni de ne pas l'avoir menotté (Oui, c'est à 15'10). +C'est qu'elle a oublié de dire merci, cette ingrate. + +EN AUCUN CAS en France un religieux de 78 ans ne serait placé en garde +à vue pour avoir transporté dans le coffre de sa voiture les bagages +d'une famille qu'il accompagnait… acheter des billets de train. Jamais +un policier n'aurait l'idée saugrenue de demander à un frère +rédemptoriste[6] pourquoi il vient en aide à des démunis[1[7]]. + +COMMENT IMAGINER qu'en France, un citoyen soit arrêté pour avoir +hébergé chez lui l'homme dont il était amoureux, et soit pour un +soupçon de ces faits attaché à un mur pendant 17 heures ? C'est +dangereux, un homo amoureux, mais quand même… Qui oserait croire +qu'un procureur général fasse appel de la relaxe qui va suivre, et +qu'une cour d'appel, fût-ce celle de Nîmes, même si celle de Douai +l'a déjà fait, le condamne effectivement à 1000 euros d'amende, +croyant utile d'ajouter que cet hébergement se faisait manifestement en +contrepartie de faveurs sexuelles ? Au fait, monsieur le juge, votre +femme, elle vous paye un loyer ? + +Non, c'est trop gros. + +Heureusement que le ministre du fifre et du pipeau est là pour +rétablir la vérité, la Pravda ayant depuis longtemps failli à cette +mission d'édification du peuple. + +Une superbe fiction, donc, mise en scène par Véronique Samouiloff. + +Mais pourquoi donc n'arrivè-je pas à applaudir ? + +Notes + +[1[8]] La réponse se trouve à l'article premier des Constitutions de +la Congrégation du Très-Saint-Rédempteur : “ Son but est de +continuer le Christ Sauveur en annonçant la Parole de Dieu aux pauvres, +selon ce qu'il a dit de lui-même: «Il m'a envoyé évangéliser les +pauvre» ” ; “Elle s'acquitte de cette tâche avec un élan +missionnaire qui la porte vers les urgences pastorales en faveur des +plus délaissés, surtout des pauvres, à qui elle s'efforce d'apporter +la Bonne Nouvelle.” Ça signe la bande organisée. + +[1] itpc://radiofrance-podcast.net/podcast09/rss_10078.xml +[2] http://radiofrance-podcast.net/podcast09/rss_10078.xml +[3] +http://sites.radiofrance.fr/chaines/france-culture2/emissions/pieds/fiche.php?diffusion_id=75188 +[4] +http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=21288F4460998ABC5D9E44A5717A4D76.tpdjo07v_2?idArticle=LEGIARTI000006577803&cidTexte=LEGITEXT000006071154&dateTexte=20090212 +[5] +http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=21288F4460998ABC5D9E44A5717A4D76.tpdjo07v_2?idArticle=LEGIARTI000006577802&cidTexte=LEGITEXT000006071154&dateTexte=20090212 +[6] http://www.cssr.com/francais/ +[7] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/08/#pnote-1473-1 +[8] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/08/#rev-pnote-1473-1 + +Feed: Journal d'un avocat + +Author: Eolas +**************************************** +Item: De l'art délicat de donner des leçons à qui n'a pas appris les siennes + +Date: Tue Jul 07 01:11:58 UTC 2009 +Un fait divers a fait quelque peu ricaner sur le web, une forme +d'arroseur arrosé, internet tenant parfois d'une cour de récréation +où on aime à rire aux dépens d'autrui (c'est toujours mieux comme +métaphore que la plomberie[1]). + +Même si vous pourrez facilement retrouver le nom des protagonistes, +puisqu'il est sans intérêt pour ma démonstration et que je ne +souhaite pas exposer plus avant le dindon de la farce, je vais utiliser +des pseudonymes. + +Géronte est un étudiant en informatique. Ce jour là, il doit passer +un contrôle de connaissance (il ne s'agit pas d'un examen visant à la +délivrance d'un diplôme, la chose a son importance) portant sur sa +maîtrise d'un logiciel très (trop ?) utilisé sur internet. Le sujet +tombe, et là, c'est le blanc. Chaque exercice noté implique +l'utilisation d'une technique dont il n'arrive pas à se souvenir. + +Mais il découvre qu'il peut se connecter à internet depuis sa salle +d'examen (l'examen a forcément lieu sur un ordinateur), quand bien +même l'école avait dit avoir pris ses précaution pour que ce soit +impossible. + +Il lance donc un appel au secours demandant de l'aide et promettant une +récompense. + +Scapin, spécialiste de ce programme du fait de sa profession de +graphiste indépendant, lui répond et lui propose son assistance. +Géronte lui expose sa difficulté et lui propose de faire les exercices +à sa place, contre une rémunération de 100 euros. + +Scapin tombe alors le masque et exposant qu'il n'a ni besoin d'argent, +ni peur du paradoxe, lui demande 300 euros faute de quoi il +téléphonera à son école pour révéler la triche en cours, capture +d'écran de leurs échanges à l'appui. Géronte croit à une +plaisanterie de quelqu'un ayant changé d'avis, et conclut l'échange +par le sommet de la péroraison cicéronienne en rhétorique +contemporaine : un [A] . + +Mais Scapin était sérieux. Il a appelé l'école, qui se dispose à +prendre des sanctions contre cet élève. + +Internet est un théâtre, et le poulailler s'esclaffe de la Farce de +Scapin sur ce pauvre Maître Géronte. + +Un seul ne rit pas à l'orchestre : votre serviteur. Il ne peut +s'empêcher d'être amer dans cette saynète, où Scapin mérite +peut-être plus les coups de bâton que Géronte. + +Géronte a voulu tricher, c'est certain. La fraude à un examen est un +délit depuis la loi, toujours en vigueur, du 23 décembre 1901[2], puni +de 3 ans de prison et 9000 euros d'amende ; mais *seulement* si +l'examen est un concours d'accès à la fonction publique ou vise la +délivrance d'un diplôme délivré par l'État, outre des sanctions +disciplinaires d'interdiction provisoire de se présenter aux examens et +concours (je n'ai pas retrouvé la référence des textes, si quelqu'un +peut m'éclairer, je mettrai à jour). En dehors de ces cas, la fraude +expose l'élève a des sanctions disciplinaires prononcées par son +établissement pouvant aller jusqu'au renvoi. + +Ici, il s'agissait d'un contrôle de connaissance, interne à +l'établissement. Le délit n'était donc pas constitué, mais la faute +disciplinaire, oui. + +Foulant au pied tous mes principes, je mets un instant ma robe pour +plaider gratuitement (Argh ! Je brûle ! Je brûle !) que ce que +Géronte a fait est EXACTEMENT ce qu'un professionnel aurait fait à sa +place : chercher de l'aide sur internet. Internet est un paradis pour +informaticien (il y a même des femmes nues, d'ailleurs, c'est dire si +la ressemblance est poussée), et quiconque a un souci peut trouver +promptement du secours dans les forums spécialisés. La solidarité +existe, et le mot de communauté prend ici tout son sens. J'en sais +quelque chose y ayant eu assez recours pour rustiner mon blog (au fait, +Rémi, ça avance, cet upgrade ?). Professionnellement, ce n'est pas +tricher : c'est aller chercher l'information, disponible gratuitement, +à charge de revanche. De fait, si Géronte n'avait pas voulu frimer en +précisant qu'il était en examen, mais avait simplement demandé de +l'aide, il l'aurait très probablement trouvée, sans qu'on lui pose de +questions. Cela n'annule pas la triche mais en atténue la gravité. +D'autant que face à cet échec, il a finalement rendu copie blanche, ou +son équivalent en informatique (disque dur formaté ?). Géronte +mérite une sanction, mais plutôt de l'ordre de l'avertissement. + +Tournons nos yeux vers Scapin. + +Qu'a-t-il fait ? Dénoncer un tricheur n'est pas répréhensible en +soi. La dénonciation fut un sport national avant d'avoir mauvaise +presse mais reste légale (bon, de là à la qualifier d'acte +républicain, il faut pas exagérer, sauf à être un spécialiste de la +chose[3]). + +Mais auparavant, il y a eu cette parole malheureuse : “ *ce qui +serait encore mieux, ce serait 300 euros pour que je ne téléphone pas +tout de suite à l'école en leur balançant les photos et le résumé +du chat qu'on vient d'avoir.* ” + +Et là, le juriste ne peut s'empêcher de s'exclamer : « 312-10[4] ! +» + +Code pénal, article 312-10 : Le chantage est le fait d'obtenir, en +menaçant de révéler ou d'imputer des faits de nature à porter +atteinte à l'honneur ou à la considération, soit une signature, un +engagement ou une renonciation, soit la révélation d'un secret, soit +la remise de fonds, de valeurs ou d'un bien quelconque. + +Le chantage est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75000 euros +d'amende. + +Le fait de tricher à un contrôle est bien de nature à porter atteinte +à l'honneur et à la considération du tricheur. Peu importe que le +fait soit illicite et avéré : le chantage n'a pas à porter sur des +faits licites ou mensongers : on peut parler de jurisprudence ancienne +puisqu'il en a déjà été jugé par la chambre criminelle de la cour +de cassation le 4 juillet 1874. + +Et, découvrant que Scapin a bel et bien prévenu l'école, le juriste +s'écrie derechef : « 312-11[5] ! » + +Code pénal, article 312-11 : Lorsque l'auteur du chantage a mis sa +menace à exécution, la peine est portée à sept ans d'emprisonnement +et à 100.000 euros d'amende. + +Le poulailler ne rit plus, et interpellant l'orchestre, lui objecte : +mais la loi sanctionne le fait d'obtenir les fonds, et là, Géronte n'a +pas voulu payer, Scapin n'a rien obtenu ! + +Ce à quoi le juriste, décidément imperméable à l'humour, +rétorque : « 312-12[6]. » + +Code pénal, article 312-12 : La tentative des délits prévus par la +présente section est punie des mêmes peines. + +La tentative est constituée dès lors que, manifestée par un +commencement d'exécution, elle n'a été suspendue ou n'a manqué son +effet qu'en raison de circonstances indépendantes de la volonté de son +auteur (article 121-5 du Code pénal[7]). Ici, la circonstance +indépendante de la volonté du maître chanteur est que la victime du +chantage n'a pas payé, qu'elle ait préféré subir les conséquences +de sa fraude ou n'ait pas pris la menace au sérieux. + +Tourner en ridicule les tricheurs, pourquoi pas ? Encore qu'avec +l'internet, donner le nom de la personne est le condamner à une infamie +perpétuelle, ce qui est disproportionné, surtout pour une simple +interrogation écrite. + +Mais commettre un délit à cette occasion me semble être une curieuse +façon de se poser en donneur de leçon. + +(PS : Merci de ne pas citer les noms des protagonistes de cette +affaire, le message serait immédiatement supprimé dans son +intégralité, je ne vais pas m'amuser à faire de la correction). + +[1] +http://www.numerama.com/magazine/13345-Pour-Denis-Olivennes-Internet-est-le-tout-a-l-egout-de-la-democratie.html +[2] +http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=D500EE84AD95FEAE63B1B26BDF754333.tpdjo07v_1?cidTexte=LEGITEXT000006070890&dateTexte=29990101&categorieLien=cid +[3] +http://tempsreel.nouvelobs.com/actualites/politique/20090207.OBS3630/ump__la_denonciation_est_un_devoir_republicain.html +[4] +http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=2BBAFBF783A3CA27CA0769802F6BCADB.tpdjo07v_1?idArticle=LEGIARTI000006418180&cidTexte=LEGITEXT000006070719&dateTexte=20090212 +[5] +http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=2BBAFBF783A3CA27CA0769802F6BCADB.tpdjo07v_1?idArticle=LEGIARTI000006418182&cidTexte=LEGITEXT000006070719&dateTexte=20090212 +[6] +http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=2BBAFBF783A3CA27CA0769802F6BCADB.tpdjo07v_1?idArticle=LEGIARTI000006418183&cidTexte=LEGITEXT000006070719&dateTexte=20090212 +[7] +http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=2BBAFBF783A3CA27CA0769802F6BCADB.tpdjo07v_1?idArticle=LEGIARTI000006417210&cidTexte=LEGITEXT000006070719&dateTexte=20090212 + +[A] http://www.maitre-eolas.fr/themes/default/smilies/wink.png + +Feed: Journal d'un avocat + +Author: Eolas +**************************************** +Item: Les ternes vitres de la République + +Date: Mon Jul 06 11:01:22 UTC 2009 +Alassane T. est mauritanien, il a 46 ans. Il habite Orléans, où il est +laveur de vitres. Depuis 6 ans, il se rend une fois par mois au +commissariat de police d'Orléans pour en nettoyer les carreaux. On l'y +connait, on le salue et on le laisse circuler librement dans les +bureaux. + +Un jour, un policier lui demande ses papiers. Pourquoi ? C'est toute la +question, vous allez voir. Alassane, bien embêté, lui avoue qu'il est +sans papier. S'ensuit la procédure standard : garde à vue pour +séjour irrégulier, arrêté de reconduite à la frontière avec +placement en centre de rétention pour 48 heures, classement sans suite +de la procédure pour séjour irrégulier, la routine. + +Au bout des 48 heures, notre laveur de carreau étant toujours là, le +préfet doit saisir le juge des libertés et de la détention d'une +demande de prolongation du placement en rétention pour 15 jours max. +C'est à cette occasion enfin et à cette occasion *seulement* que +l'étranger, assisté d'un avocat, pourra faire valoir ses arguments sur +la légalité de la procédure ayant abouti à sa situation. Ça vous +paraît dur ? Il y a pire encore, vous allez voir. + +À cette occasion, son avocat soulève la nullité du contrôle +d'identité initial. Un classique. + +Un policier ne peut pas demander ses papiers à qui il souhaite selon +son envie. C'est l'article 78-2 du code de procédure pénale. J'en +avais déjà parlé ici[1], je vous renvoie à cet article pour les +règles applicables. + +Le commissariat d'Orléans n'est pas, après vérification auprès de +l'IGN[2], à moins de 20 km d'une frontière : la frontière la plus +proche, le périphérique sud, est à 120 km de là. Le procureur de la +République n'avait certainement pas pris des instructions de procéder +à des contrôles d'identité dans l'enceinte du commissariat pour +rechercher des sans-papiers. Ne restait donc que le contrôle spontané. +Il fallait donc établir qu'un laveur de carreau en train de laver des +carreaux comme il le fait depuis 6 ans à cet endroit a une attitude +constituant une raison plausible de soupçonner qu'il a commis ou tenté +de commettre une infraction, ou qu'il se prépare à commettre un crime +ou un délit, ou qu'il est susceptible de fournir des renseignements +utiles à une enquête en cas de crime ou de délit, ou enfin qu'il fait +l'objet de recherches ordonnées par une autorité judiciaire. + +Brisons tout de suite le suspens : le préfet n'y est pas parvenu. + +Le juge des libertés et de la détention annule le contrôle +d'identité, au motif que “ le fait de venir laver les vitres d'un +commissariat n'est pas une raison plausible de soupçonner que le laveur +de vitres a commis ou tenté de commettre une infraction ”. Face à +une telle motivation solide comme le granit, le parquet, qui a le sens +de la pudeur, ne fait pas appel. Le contrôle d'identité était +illégal : le policier n'avait aucun droit de demander ses papiers à +Alassane. On peut s'offusquer de ces étrangers qui ne respectent pas la +loi, mais à la condition de s'offusquer au moins autant quand ce sont +les policiers qui le font, sous peine de perdre sa cohérence. + +Le contrôle étant nul, la garde à vue qui l'a suivi aussi, +puisqu'elle n'a plus de raison d'être. Et le placement en rétention, +qui en découle logiquement. Alassane est remis en liberté. + +*End of story*, justice est faite ? + +Pas du tout. + +Si vous avez suivi, vous avez dû tiquer. Le contrôle est d'identité +est nul, la garde à vue aussi, le placement en rétention aussi… Mais +*quid* de l'arrêté de reconduite à la frontière ? + +Eh bien il reste parfaitement valable. Conséquence logique et absurde +de la séparation des autorités administratives et judiciaires[3] : le +juge judiciaire, en charge de la liberté individuelle, a annulé tout +ce qui a porté atteinte à la liberté d'Alassane. Mais sa situation +administrative ne regarde que le juge administratif, qui est saisi d'un +recours totalement autonome, sur la légalité de cet arrêté. Peu lui +importe à lui dans quelles circonstances cet arrêté a été pris, +même si c'est à l'occasion d'une violation de la procédure pénale à +l'origine. Le préfet avait-il le droit d'éloigner Alassane, ou +celui-ci peut-il invoquer des circonstances qui imposent sa +régularisation ? Telle est la seule question qui intéresse le juge +administratif. Il n'avait pas le droit de le priver de liberté ? Peu +importe. Le juge judiciaire a déjà tranché la question. + +Le tribunal administratif d'Orléans,s'il a été saisi[1[4]], a dû +statuer depuis longtemps : le contrôle d'identité a eu lieu le 10 +juin, la notification de l'arrêté a dû avoir lieu le 11, recours +déposé le 13 au plus tard (oui, c'est un samedi, et alors ?), le +tribunal a dû statuer le 16 juin au plus tard, l'article L. 512-2 du +CESEDA imposant au juge administratif un délai de 72 heures pour +statuer sur le recours (même si ce délai, contrairement au délai de +recours de 48 heures, n'est pas sanctionné : le juge peut statuer +au-delà des 72 heures sans conséquences pour le dossier). Quelqu'un a +des infos ? + +Car si le tribunal a estimé que l'arrêté de reconduite à la +frontière était valable, le séjour illégal d'Alassane prendra[2[5]] +fin grâce à une procédure illégale. + +Un partout, match nul. + +Notes + +[1[6]] Le recours doit impérativement être déposé dans les 48 heures +de la notification. + +[2[7]] Je dois à la Vérité et à la Cour des comptes d'ajouter ici un +peut-être, tant le taux d'exécution des reconduites à la frontière +est bas, et en diminution constante[8] ; je me flatte d'y être un peu +pour quelque chose. + +[1] +http://maitre-eolas.fr/2009/05/15/1413-l-affaire-du-sarkozy-je-te-vois +[2] http://www.ign.fr/ +[3] +http://maitre-eolas.fr/2007/07/13/665-le-grand-divorce-de-1790-la-separation-des-autorites-administratives-et-judiciaires +[4] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/06/#pnote-1468-1 +[5] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/06/#pnote-1468-2 +[6] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/06/#rev-pnote-1468-1 +[7] http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/06/#rev-pnote-1468-2 +[8] +http://lesactualitesdudroit.20minutes-blogs.fr/archive/2009/07/05/la-police-des-etrangers-brasse-trop-d-air.html + +Feed: Journal d'un avocat + +Author: Eolas +**************************************** +Item: « Sarkozy je te vois » : Prévenu, je te relaxe + +Date: Fri Jul 03 11:59:00 UTC 2009 +Épilogue de l’affaire de la célèbre saillie: «Sarkozy je te +vois»: le juge de proximité de Marseille a relaxé l’enseignant +poursuivi pour tapage diurne injurieux[1]. + +Le juge de proximité a estimé dans son jugement que si le propos +pouvait être “ maladroit et déplacé ”, il “ ne revêt pas de +caractère injurieux ”, ce qui relève en effet de l’évidence, mais +pas tant que ça visiblement puisque l’officier du ministère public +avait requis la condamnation à 100 euros d’amende. + +L’avocat du prévenu a déclaré à la presse que «le juge de +proximité est suffisamment décrié pour que cette fois, on puisse lui +rendre hommage, c’est avec beaucoup d’à propos et de maturité +qu’il a motivé son jugement». + +Qu’il me soit permis de disconvenir. + +Si la relaxe me semblait en effet s’imposer, le juge n’avait pas à +ménager la chèvre et le chou en convenant que le propos était +maladroit et déplacé. + +Rappelons le propos: “ Sarkozy, je te vois ”. Maladroit? +Déplacé? Et en quoi? Les jugements de valeur sont déplacés dans un +jugement en droit. Un propos viole la loi ou ne le viole pas, le juge +n’a pas à jouer les arbitres des élégances. Bien sûr, il y a des +exceptions (en droit, il y a TOUJOURS des exceptions). Quand un propos a +choqué l’opinion publique mais ne tombe pas sous le coup de la loi, +le tribunal peut reconnaître que le propos pouvait choquer, est +controversé, va contre une thèse officielle, etc. Il suffit de lire +les jugements de relaxe dont ont pu bénéficier Jean-Marie Le Pen ou +Dieudonné. Mais même en ce faisant, il ne porte pas vraiment de +jugement de valeur mais constate une évidence et situe un contexte. + +Dans notre affaire, le propos n’a choqué personne. Je ne connais +personne qui ait approuvé ces poursuites, pas même Frédéric +Lefèbvre, ce qui n’est pas peu dire. Aucune précaution verbale ne +s’imposait. + +Vouloir donc ménager la chèvre et le chou me paraît donc ici +maladroit et déplacé. Une relaxe un peu plus cinglante aurait eu ma +préférence. Parce que la liberté d’expression le vaut bien. + +[1] +http://tempsreel.nouvelobs.com/speciales/societe/libertes_sous_pression/20090703.OBS2936/sarkozy_je_te_vois__le_jugement_rendu_ce_vendredi.html + +Feed: Journal d'un avocat + +Author: Eolas