diff --git a/brice/brice1684/gdpBrice1684.tei.xml b/brice/brice1684/gdpBrice1684.tei.xml index 81cb425..442596e 100644 --- a/brice/brice1684/gdpBrice1684.tei.xml +++ b/brice/brice1684/gdpBrice1684.tei.xml @@ -16,27 +16,17 @@ Brice, Germain (1653?-1727) - - - Marianne - Cojannot-Le Blanc - - - Histoire des Arts & Représentations - HAR - EA 4414 - responsable scientifique - - - Université Paris-Ouest Nanterre-La Défense - Paris 10 - professeur d’histoire de l’art - - - - Labex Les Passés dans le Présent - 2013-2018 - + + Marianne + Cojannot-Le Blanc + Histoire des Arts & Représentations + HAR EA 4414 + responsable scientifique + Université Paris-Ouest Nanterre-La Défense Paris 10 professeur d’histoire de l’art + + Labex Les Passés dans le Présent 2013-2018 modélisation XML-TEI @@ -81,41 +71,33 @@ - première édition électronique, 2013-2018 - + première édition électronique, 2013-2018 - - Histoire des Arts & Représentations - HAR - EA 4414 -
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Texte de la licence

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L’édition des Guides de Paris fait partie d’un programme de recherche sur les historiens de l’art et les corpus numériques.

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La syntaxe originale du manuscrit a été respectée en suivant les indications de Bernard Barbiche, Conseils pour l’édition des textes de l’époque moderne (XVIe-XVIIIe siècle).

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La syntaxe originale du manuscrit a été respectée en suivant les indications de Bernard Barbiche, Conseils pour l’édition des textes de l’époque moderne (XVIe-XVIIIe siècle).

Pour les ouvrages imprimés, il n’a pas été tenu compte de l’hyphénation.

@@ -198,8 +180,7 @@ France - Text - + Text @@ -210,2556 +191,4804 @@ - + - - Description Nouvelle - de ce qu’il y a de plus remarquable - dans la ville de Paris. + Description Nouvelle + de ce qu’il y a de plus remarquable + dans la ville de Paris. - par M. B*** - + par M. B*** Tome Premier. - + - A Paris, Chez Nicolas Le Gras, au troisième Pilier de la Grand’Salle du Palais, à L, couronnée. - - M. DC. LXXXIV. - + A Paris, Chez Nicolas Le Gras, au troisième Pilier de la Grand’Salle du Palais, à L, couronnée. + M. DC. LXXXIV. Avec Privilège du Roy. - Vivien, Conseiller-Secrétaire du Roi, Couronne de France & de ses Finances. + Vivien, Conseiller-Secrétaire du Roi, Couronne de France & de ses Finances. -
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- + Avertissement

- Personne ne doute que Paris ne soit à présent une des plus grandes & des plus belles villes du monde. La magnificence de ses bâtimens ; son étendue ; le nombre presque infini des ses habitans, entre lesquels il s’en trouve dont la richesse peut égaler celle de quelques souverains ; et enfin le concours perpétuel de toutes les nations de l’Europe, qui viennent avec un extrême empressement étudier les manières françoises & remarquer ce qu’il y a de plus singulier, toutes ces choses font qu’elle doit estre considérée comme une ville qui n’a pas de pareille. Cependant, il arrive fort souvent que peu de personnes en remarquent toutes les véritables beautez, & principalement les étrangers, qui se plaignent que l’on ne les peut connoistre sans en faire une étude particulière & sans se donner la peine de - Avertissementchercher avec soin ce qui mérite de d’estre veu. Aucune description n’ayant encore paru qui ait pu les instruire, c’est en leur faveur, & pour satisfaire leur curiosité, que l’on a entrepris de décrire en abrégé ce qu’il y a de plus beau & de plus singulier dans cette fameuse ville. Cette description leur sera d’autant plus utile, qu’ils pouront eux-mesme s’en éclaircir sur les lieux qui leur seront marquez, & qu’ils pouront examiner les choses sur lesquelles ils passeroient sans doute, si l’on ne leur faisoit observer. Mais pour rendre la chose plus facile, l’on a suivy les quartiers & les ruës autant qu’il a esté possible, afin que dans une mesme course on pût voir plusieurs belles choses.

-

On n’entreprend pas de faire une description exacte. Il est presque impossible d’y réussir, quelque application que l’on y donne, l’on ne veut seulement que rapporter ce qu’il y a de plus remarquable & ce qui mérite d’estre regardé avec quelque sorte de distinction. Le dessein n’a pas esté non plus de faire la recherche des antiquitez, parce que Gilles Corozet, le père du Breuil & quelques autres l’ont fait bien mieux que l’on ne pouvoit le faire, & qu’il faut consulter si l’on veut sçavoir les origines ou les fondations. Ces mesmes auteurs raportent les épitaphes & les histoires particulières, qui auroient grossi considérablement ce volume si l’on s’estoit obligé de les copier ; outre qu’il est fort peu nécessaire à un étranger de sçavoir ces sortes de choses, qui ne doivent estre considérées que comme des monuments particuliers qui ne servent de rien à l’histoire publique pour laquelle ils voyagent. Ils aimeront bien mieux sans doute la description d’un cabinet, d’une bibliothèque ou d’un appartement bâti à la moderne, que la lecture des épitaphes du charnier des Saints-Innocens, dont ils ne s’aviseront jamais de faire le déchifrement.

-

On sera sans doute surpris de j’aye osé entreprendre une chose aussi difficile que celle-cy, à la veue de tant de sçavant dont Paris abonde ; mais aprés tout, quoique je n’aye pas réussi, ce me sera néanmoins une gloire assez grande, si je puis inspirer à quelque auteur habile le dessein d’un ouvrage qui réponde en quelque manière à la réputation de cette grande ville.

-

Cependant, comme dans la suite on pourra s’instruire plus particulièrement de certaines choses que l’on n’a pu découvrir, on sera en mesme temps fort obligé à ceux qui ont des mémoires particuliers, s’ils ont la bonté de les communiquer & d’en avertir le libraire qui a imprimé ce livre, afin que l’on puisse les aller consulter, s’ils veulent bien le permettre.

- + Personne ne doute que Paris ne soit à présent une des plus grandes & des plus belles villes du monde. La magnificence de ses bâtimens ; son étendue ; le nombre presque infini des ses habitans, entre lesquels il s’en trouve dont la richesse peut égaler celle de quelques souverains ; et enfin le concours perpétuel de toutes les nations de l’Europe, qui viennent avec un extrême empressement étudier les manières françoises & remarquer ce qu’il y a de plus singulier, toutes ces choses font qu’elle doit estre considérée comme une ville qui n’a pas de pareille. Cependant, il arrive fort souvent que peu de personnes en remarquent toutes les véritables beautez, & principalement les étrangers, qui se plaignent que l’on ne les peut connoistre sans en faire une étude particulière & sans se donner la peine de Avertissementchercher avec soin ce qui mérite de d’estre veu. Aucune description n’ayant encore paru qui ait pu les instruire, c’est en leur faveur, & pour satisfaire leur curiosité, que l’on a entrepris de décrire en abrégé ce qu’il y a de plus beau & de plus singulier dans cette fameuse ville. Cette description leur sera d’autant plus utile, qu’ils pouront eux-mesme s’en éclaircir sur les lieux qui leur seront marquez, & qu’ils pouront examiner les choses sur lesquelles ils passeroient sans doute, si l’on ne leur faisoit observer. Mais pour rendre la chose plus facile, l’on a suivy les quartiers & les ruës autant qu’il a esté possible, afin que dans une mesme course on pût voir plusieurs belles choses.

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On n’entreprend pas de faire une description exacte. Il est presque impossible d’y réussir, quelque application que l’on y donne, l’on ne veut seulement que rapporter ce qu’il y a de plus remarquable & ce qui mérite d’estre regardé avec quelque sorte de distinction. Le dessein n’a pas esté non plus de faire la recherche des antiquitez, parce que Gilles Corozet, le père du Breuil & quelques autres l’ont fait bien mieux que l’on ne pouvoit le faire, & qu’il faut consulter si l’on veut sçavoir les origines ou les fondations. Ces mesmes auteurs raportent les épitaphes & les histoires particulières, qui auroient grossi considérablement ce volume si l’on s’estoit obligé de les copier ; outre qu’il est fort peu nécessaire à un étranger de sçavoir ces sortes de choses, qui ne doivent estre considérées que comme des monuments particuliers qui ne servent de rien à l’histoire publique pour laquelle ils voyagent. Ils aimeront bien mieux sans doute la description d’un cabinet, d’une bibliothèque ou d’un appartement bâti à la moderne, que la lecture des épitaphes du charnier des Saints-Innocens, dont ils ne s’aviseront jamais de faire le déchifrement.

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On sera sans doute surpris de j’aye osé entreprendre une chose aussi difficile que celle-cy, à la veue de tant de sçavant dont Paris abonde ; mais aprés tout, quoique je n’aye pas réussi, ce me sera néanmoins une gloire assez grande, si je puis inspirer à quelque auteur habile le dessein d’un ouvrage qui réponde en quelque manière à la réputation de cette grande ville.

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Cependant, comme dans la suite on pourra s’instruire plus particulièrement de certaines choses que l’on n’a pu découvrir, on sera en mesme temps fort obligé à ceux qui ont des mémoires particuliers, s’ils ont la bonté de les communiquer & d’en avertir le libraire qui a imprimé ce livre, afin que l’on puisse les aller consulter, s’ils veulent bien le permettre.

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1 - - Description nouvellede ce qu’il y a de plus remarquableDans la ville de Paris + + Description nouvellede ce qu’il y a de plus remarquableDans la ville de Paris

- Avant que d’entrer en matière, il ne sera pas hors de propos de dire quelque chose de l’origine de Paris. Si cette grande ville n’est pas une des plus anciennes de l’Europe, au moins elle se peut vanter que César en a parlé fort avantageusement dans le sixième livre de ses commentaires, où - 2 - Description nouvelle il dit, qu’après avoir subjugué plusieurs nations des Gaules, il fut obligé de mettre le siège devant Paris, qui pour lors estoit enfermé dans les deux bras de la Seine, où tous les habitans des lieux circonvoisins s’étoient réfugiez. Là, ces peuples se défendirent avec tant d’opignatreté & de résistance, qu’il fut contraint de ramasser le plus qu’il put de ses troupes, pour les attaquer & pour les combattre. Il est vray qu’il les vainquit, mais ce ne fut qu’avec beaucoup de peine & après de sanglans combats, & enfin, pour les réduire entièrement & pour les contenir sous son obeïssance, il fit bâtir le Grand Châtelet, où il mit une forte garnison. Mais on voit dans quelques autres historiens que Julien l’Apostat s’estant réfugié dans les Gaules, & mesme demeura longtemps à Paris dans l’endroit où est à présent l’hôtel de Cluny + Avant que d’entrer en matière, il ne sera pas hors de propos de dire quelque chose de l’origine de Paris. Si cette grande ville n’est pas une des plus anciennes de l’Europe, au moins elle se peut vanter que César en a parlé fort avantageusement dans le sixième livre de ses commentaires, où 2 Description nouvelle il dit, qu’après avoir subjugué plusieurs nations des Gaules, il fut obligé de mettre le siège devant Paris, qui pour lors estoit enfermé dans les deux bras de la Seine, où tous les habitans des lieux circonvoisins s’étoient réfugiez. Là, ces peuples se défendirent avec tant d’opignatreté & de résistance, qu’il fut contraint de ramasser le plus qu’il put de ses troupes, pour les attaquer & pour les combattre. Il est vray qu’il les vainquit, mais ce ne fut qu’avec beaucoup de peine & après de sanglans combats, & enfin, pour les réduire entièrement & pour les contenir sous son obeïssance, il fit bâtir le Grand Châtelet, où il mit une forte garnison. Mais on voit dans quelques autres historiens que Julien l’Apostat s’estant réfugié dans les Gaules, & mesme demeura longtemps à Paris dans l’endroit où est à présent l’hôtel de Cluny Epistolae Juliani Imperatoris - , il fit bâtir cette manière de forteresse pour tenir en - de la ville de Paris - 3bride tous les peuples circonvoisins qui estoient très remüans. Après tout, il est vray que l’on n’a pas une fort grande certitude de toutes ces choses, à cause de l’ignorance des siècles qui nous ont précédé, qui ont enlevé les mémoires sur lesquels on pourroit faire quelques fondemens s’ils estoient passez jusqu’à nous.

-

Pour le nom de cette ville, les uns disent qu’elle a esté appellée Lutecia du nom du roy Lucus, qui estoit très illustre parmy les anciens Gaulois ; les autres, à cause du mot latin Lutum, qui signifie boue, peut-estre parce que sa situation estant entre deux bras de rivière, il y avoit toujours beaucoup d’eau & de boue, & c’est sans doute pour cette raison que l’on nomme encore à présens le marché Palud, un petit espace qui se trouve au bout du Petit Pont, entre la rue Neuve-de-Nostre-Dame & la rue de la Calande. D’autres auteurs disent que le nom de Paris pourroit - 4 bien avoir esté formé d’un terme grec Παρά, qui signifie proche, & du nom de la déesse Isis, qui avoit autrefois un temple dans l’endroit où est à présent l’église de Saint-Germain-des-Prez, dont Paris n’estoit pas fort éloigné ; & le village d’Issy proche de Vaugirard a peut-estre aussi conservé son nom à cause que cette déesse y avoit un temple desservy par des prestres, pour la subsistance desquels il y avoit autour quelques terres affectées qui appartiennent mesme encore à présent aux religieux de Sainte-Geneviève-du-Mont. Cependant, Isis n’estoit par la seule divinité qui fût adorée dans le territoire de Paris, Cybèle y avoit aussi des temples, & pour soutenir cette conjecture on peut remarquer icy ce qu’on a découvert depuis quelques années dans le jardin de M. Berrier, qui demeure proche Saint-Eustache dans la rue Coquillière. Comme l’on fut obligé de creuser la terre assez avant pour faire les fondemens d’une muraille, on - 5trouva les restes d’une vieille tour, avec un buste de bronze qui représentoit la teste d’une femme, un peu plus grosse que le naturel, couronnée d’un château composé de quatre tours, avec leurs créneaux antiques, de la mesme manière que l’on en voit sur les anciens bas reliefs de Rome, ou bien sur les médailles où la déesse Cybèle est représentée, que l’on invoquoit pour la fécondité de la terre & que les Poètes appelloient Turrita Mater. Tous les antiquaires qui ont veu cette pièce ne doutent nullement de son antiquité ; entre les autres, le révérend père Du Moulinet, un des plus habiles hommes du royaume dans ces sortes de choses, a fait imprimer un petit discours pour faire voir que cette teste pouroit avoir servy dans quelque temple bâty à cet endroit, où cette déesse estoit adorée ; & mesme dans la bibliothèque de Sainte-Geneviéve l’on en conserve une copie en plâtre, que l’on a fait mouler avec toute l’exactitude possi - 6ble sur l’original, qui est à présent dans le cabinet de monsieur le procureur général + , il fit bâtir cette manière de forteresse pour tenir en de la ville de Paris 3bride tous les peuples circonvoisins qui estoient très remüans. Après tout, il est vray que l’on n’a pas une fort grande certitude de toutes ces choses, à cause de l’ignorance des siècles qui nous ont précédé, qui ont enlevé les mémoires sur lesquels on pourroit faire quelques fondemens s’ils estoient passez jusqu’à nous.

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Pour le nom de cette ville, les uns disent qu’elle a esté appellée Lutecia du nom du roy Lucus, qui estoit très illustre parmy les anciens Gaulois ; les autres, à cause du mot latin Lutum, qui signifie boue, peut-estre parce que sa situation estant entre deux bras de rivière, il y avoit toujours beaucoup d’eau & de boue, & c’est sans doute pour cette raison que l’on nomme encore à présens le marché Palud, un petit espace qui se trouve au bout du Petit Pont, entre la rue Neuve-de-Nostre-Dame & la rue de la Calande. D’autres auteurs disent que le nom de Paris pourroit 4 bien avoir esté formé d’un terme grec Παρά, qui signifie proche, & du nom de la déesse Isis, qui avoit autrefois un temple dans l’endroit où est à présent l’église de Saint-Germain-des-Prez, dont Paris n’estoit pas fort éloigné ; & le village d’Issy proche de Vaugirard a peut-estre aussi conservé son nom à cause que cette déesse y avoit un temple desservy par des prestres, pour la subsistance desquels il y avoit autour quelques terres affectées qui appartiennent mesme encore à présent aux religieux de Sainte-Geneviève-du-Mont. Cependant, Isis n’estoit par la seule divinité qui fût adorée dans le territoire de Paris, Cybèle y avoit aussi des temples, & pour soutenir cette conjecture on peut remarquer icy ce qu’on a découvert depuis quelques années dans le jardin de M. Berrier, qui demeure proche Saint-Eustache dans la rue Coquillière. Comme l’on fut obligé de creuser la terre assez avant pour faire les fondemens d’une muraille, on 5trouva les restes d’une vieille tour, avec un buste de bronze qui représentoit la teste d’une femme, un peu plus grosse que le naturel, couronnée d’un château composé de quatre tours, avec leurs créneaux antiques, de la mesme manière que l’on en voit sur les anciens bas reliefs de Rome, ou bien sur les médailles où la déesse Cybèle est représentée, que l’on invoquoit pour la fécondité de la terre & que les Poètes appelloient Turrita Mater. Tous les antiquaires qui ont veu cette pièce ne doutent nullement de son antiquité ; entre les autres, le révérend père Du Moulinet, un des plus habiles hommes du royaume dans ces sortes de choses, a fait imprimer un petit discours pour faire voir que cette teste pouroit avoir servy dans quelque temple bâty à cet endroit, où cette déesse estoit adorée ; & mesme dans la bibliothèque de Sainte-Geneviéve l’on en conserve une copie en plâtre, que l’on a fait mouler avec toute l’exactitude possi 6ble sur l’original, qui est à présent dans le cabinet de monsieur le procureur général De Harley - , cet illustre magistrat qui connoist si parfaitement le prix des belles choses. Mais il y a encore d’autres étymologies que celle-là, entr’autres celle de Pâris, roy des Gaulois, dont les états s’étendoient icy autour, d’où vient que selon quelques-uns les habitans des villages circonvoisins estoient nommez Parisii ou Parisiaci.

-

Au reste, il seroit trop long de parler des divers accroissemens de cette ville, que l’on peut facilement s’imaginer qu’elle n’a pas toujours esté de la grandeur & de l’étendue dont elle est à présent. Sous le règne de Clovis, elle estoit encore enfermée entre les deux bras de la Seine, c’est à dire qu’elle n’occupoit que l’isle du Palais, qui est ce que l’on nomme à présent la Cité, avec quelques maisons sur le bord de la rivière du côté de l’église de Saint-Germain-l’Auxer - 7rois, où estoit pour lors un bois que l’on appeloit la forest des Charbonniers. Mais cependant, quoy qu’elle fût fort petite pour lors, elle ne laissoit pas d’estre considérée comme une place de très grande importance, puis que dans le partage que les enfants de Clovis firent du royaume, ils convinrent entr’eux que Paris demeureroit neutre, sans appartenir à pas un des quatre, & que celuy qui y entreroit sans la permission des trois autres perdroit la part qu’il y pouvoit prétendre.

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Sous la seconde race, elle devint un peu plus considérable. L’on commença à bâtir sur tous les bords de la Seine, autour de l’église de Sainte-Geneviève, que Clovis avoit fait élever au-dessus de la place Maubert, où depuis Charlemagne logea les sçavans qu’il avoit fait venir de Grèce et d’Italie, proche Saint-Martin-des-Champs ; & enfin en divers autres lieux de la campagne d’alentour.

- + , cet illustre magistrat qui connoist si parfaitement le prix des belles choses. Mais il y a encore d’autres étymologies que celle-là, entr’autres celle de Pâris, roy des Gaulois, dont les états s’étendoient icy autour, d’où vient que selon quelques-uns les habitans des villages circonvoisins estoient nommez Parisii ou Parisiaci.

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Au reste, il seroit trop long de parler des divers accroissemens de cette ville, que l’on peut facilement s’imaginer qu’elle n’a pas toujours esté de la grandeur & de l’étendue dont elle est à présent. Sous le règne de Clovis, elle estoit encore enfermée entre les deux bras de la Seine, c’est à dire qu’elle n’occupoit que l’isle du Palais, qui est ce que l’on nomme à présent la Cité, avec quelques maisons sur le bord de la rivière du côté de l’église de Saint-Germain-l’Auxer 7rois, où estoit pour lors un bois que l’on appeloit la forest des Charbonniers. Mais cependant, quoy qu’elle fût fort petite pour lors, elle ne laissoit pas d’estre considérée comme une place de très grande importance, puis que dans le partage que les enfants de Clovis firent du royaume, ils convinrent entr’eux que Paris demeureroit neutre, sans appartenir à pas un des quatre, & que celuy qui y entreroit sans la permission des trois autres perdroit la part qu’il y pouvoit prétendre.

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Sous la seconde race, elle devint un peu plus considérable. L’on commença à bâtir sur tous les bords de la Seine, autour de l’église de Sainte-Geneviève, que Clovis avoit fait élever au-dessus de la place Maubert, où depuis Charlemagne logea les sçavans qu’il avoit fait venir de Grèce et d’Italie, proche Saint-Martin-des-Champs ; & enfin en divers autres lieux de la campagne d’alentour.

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Mais sous la troisième race, elle augmenta beaucoup d’avantage. Philippe Auguste la fit paver partout, & un financier nommé Girard de Pouisy y remit de son propre fond onze mille marcs d’argent, sans qu’il y fût contraint par le roy, avec lequel il avoit gagné sans doute cette grande somme ; ce qui fut un exemple de générosité tout à fait extraordinaire, comme monsieur de Mézeray le rapporte sous l’année 1185 dans son Histoire de France in-4°. Ce roy fit aussi enfermer de murailles tous les quartiers : celuy de l’Université, depuis le bord de la Seine, en commençant par la porte de Saint-Bernard ou de la Tournelle, en montant derrière Sainte-Geneviève jusqu’à la porte Saint-Jacques, & en descendant de suite vers la rivière, à l’endroit où est à présent le collège des Quatre-Nations, où estoit la porte de Nesle, qui a esté abatue il n’y a pas longtemps pour élargir ce quartier.

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Du côté du septentrion, elle estoit - 9aussi entourée de murailles, qui avoient à peu prés la mesme étendue. Il y avoit autrefois une porte proche l’endroit où sont les Quinze-Vingts, qui répondoit à la porte Neuve sur le bord de l’eau abatue depuis quelques années, proche de laquelle estoit une tour fort haute ; une autre dans la rue Coquillière, au bout de la rue de Grenelle ; dans la rue Saint-Denys, proche la fontaine de la Reine, celle que l’on nommoit la porte aux Peintres ; une dans la rue de saint Martin, qui estoit au bout de la rue au Ours ; & une autre enfin proche du cimetière de Saint-Jean, que l’on appelloit la porte Bodais, parce qu’elle conduisoit au château de ce nom, qui estoit à l’endroit où est le village de Saint-Maur-des-Fossez, au delà de Charenton. Depuis ce temps-là, cette grande ville s’est beaucoup augmentée & tous les jours elle s’étendoit dans la campagne. Mais depuis quelques temps, pour de très grandes considérations, on a fait planter - 10 des bornes au-delà desquelles il n’est pas permis de bâtir. Il faut considérer qu’estant ainsi bornée comme elle est, son estendue est d’autant plus remarquable qu’il ne s’y trouve aucun espace qui ne soit autant remply de maisons qu’il ne peut estre, où il se trouve toujours plusieurs familles ensemble, ce qu’on ne voit que rarement dans les autres villes, à cause que chacun veut estre logé en particulier, & que l’on n’y trouve point de maisons à sept étages, commes elles sont autour du Palais, proche le Grand Châtelet & aux environs de la Halle, dans lesquelles les moindres espaces sont occupez & louez chèrement.

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Voilà tout ce que l’on peut dire en général de Paris. Maintenant, il faut en parler d’une manière plus particulière.

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Mais sous la troisième race, elle augmenta beaucoup d’avantage. Philippe Auguste la fit paver partout, & un financier nommé Girard de Pouisy y remit de son propre fond onze mille marcs d’argent, sans qu’il y fût contraint par le roy, avec lequel il avoit gagné sans doute cette grande somme ; ce qui fut un exemple de générosité tout à fait extraordinaire, comme monsieur de Mézeray le rapporte sous l’année 1185 dans son Histoire de France in-4°. Ce roy fit aussi enfermer de murailles tous les quartiers : celuy de l’Université, depuis le bord de la Seine, en commençant par la porte de Saint-Bernard ou de la Tournelle, en montant derrière Sainte-Geneviève jusqu’à la porte Saint-Jacques, & en descendant de suite vers la rivière, à l’endroit où est à présent le collège des Quatre-Nations, où estoit la porte de Nesle, qui a esté abatue il n’y a pas longtemps pour élargir ce quartier.

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Du côté du septentrion, elle estoit 9aussi entourée de murailles, qui avoient à peu prés la mesme étendue. Il y avoit autrefois une porte proche l’endroit où sont les Quinze-Vingts, qui répondoit à la porte Neuve sur le bord de l’eau abatue depuis quelques années, proche de laquelle estoit une tour fort haute ; une autre dans la rue Coquillière, au bout de la rue de Grenelle ; dans la rue Saint-Denys, proche la fontaine de la Reine, celle que l’on nommoit la porte aux Peintres ; une dans la rue de saint Martin, qui estoit au bout de la rue au Ours ; & une autre enfin proche du cimetière de Saint-Jean, que l’on appelloit la porte Bodais, parce qu’elle conduisoit au château de ce nom, qui estoit à l’endroit où est le village de Saint-Maur-des-Fossez, au delà de Charenton. Depuis ce temps-là, cette grande ville s’est beaucoup augmentée & tous les jours elle s’étendoit dans la campagne. Mais depuis quelques temps, pour de très grandes considérations, on a fait planter 10 des bornes au-delà desquelles il n’est pas permis de bâtir. Il faut considérer qu’estant ainsi bornée comme elle est, son estendue est d’autant plus remarquable qu’il ne s’y trouve aucun espace qui ne soit autant remply de maisons qu’il ne peut estre, où il se trouve toujours plusieurs familles ensemble, ce qu’on ne voit que rarement dans les autres villes, à cause que chacun veut estre logé en particulier, & que l’on n’y trouve point de maisons à sept étages, commes elles sont autour du Palais, proche le Grand Châtelet & aux environs de la Halle, dans lesquelles les moindres espaces sont occupez & louez chèrement.

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Voilà tout ce que l’on peut dire en général de Paris. Maintenant, il faut en parler d’une manière plus particulière.

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- - - Le Louvre - + + Le Louvre

- Les historiens disent que ce palais a esté commencé par Philippes Auguste en l’année 1214, qui fit faire la grosse tour où Ferrand comte de Flandre fut mis en prison après la fameuse bataille de Bouvines, que ce roy gagna glorieusement sur ce comte qui s’estoit revolté contre luy. Dans le siècle passé, ou voïoit encore cette tour qui avoit servy non seulement à garder les trésors de ce prince, mais aussi qui avoit esté bâtie pour recevoir les hommages & le serment de fidélité de ceux qui relevoient de la couronne ; ou plutost comme l’on peut croire, elle estoit le siège seigneural duquel dépendoient plusieurs fiefs, car on sçait que nos ancestres avoient - 12la coutume de bâtir toujours dans leurs châteaux une grande tour, sur laquelle ils en élevoient une autre petite, que l’on nommoit le donjon, qui faisoit la marque de la seigneurie ; & sans doute que celle du Louvre estoit considérée de cette manière. Elle fut renversée lorsque François premier fit commencer ce qu’on appelle à présent le vieux Louvre, mais la mort l’empêcha de faire beaucoup de choses qu’il estoit proposé. Henry II, son fils, poussa l’ouvrage plus avant sur les desseins de son père, & pour la conduite de ce bâtiment il se servit de l’abbé de Clagny & de Jean Gougeon, tous deux parisiens & des plus habiles architectes de leur temps, puisque le peu de choses que l’on voit d’eux passe pour la plus régulière & la plus belle architecture du monde. Ils furent préférez à l’illustre Sébastien Sorlio, qu’on avoit fait venir exprés d’Italie, mais qui eut le chagrin de voir que l’on ne suivit pas ses desseins. - 13On voit dans la salle des Cent-Suisses - une espèce de tribune de l’ouvrage de Jean Gougeon, soutenue de quatre cariatides, d’un dessein si régulier & si bien imaginé que M. Perrault de l’Académie royale des sciences l’a fait graver dans la traduction des œuvres de Vitruve, où il l’a proposé comme modèle achevé. Voici l’inscription qu’Henry II fit mettre sur une des portes :

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- Henricus II. Christianiss. Vetustate collapsum refici coep. A. Pat. Francisco I. R. Christianis mortui Sanctiss parent. memor. Pientiss. Filius absolvit an. asal. Christi MDXXXXVIII.

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- Louis trézième, qui n’avoit que de grands desseins, fit élever le gros pavillon qui est au-dessus de la por - 14te. Le sieur Mercier eut la conduite de cet ouvrage, où il suivit la première ordonnance ; mais ayant esté obligé de l’élever plus que le corps du bâtiment, sur l’ordre corinthien & composite, il mit un ordre cariatide qu’il imita de celuy de la salle des Cent-Suisses dont on a parlé, sur lequel il posa un double fronton. L’ancienne porte du Louvre est sous ce pavillon, dont la voûte est soutenue par deux rangs de colonnes ioniques d’une seule pièce, disposées deux à deux, qui sont très remarquables pour leur grandeur. La cour qui se trouve au milieu de ce bâtiment est grande & parfaitement quarrée. Le roy en a fait élever trois aisles qui ne sont pas encore achevées. L’ouvrage est à trois rangs de colonnes corinthiennes & composites, & le comble du bâtiment est en terrasse, ce qui paroît d’une beauté & d’une magnificence surprenante. La grande porte est du côté de Saint-Germain-l’Auxerois. Elle est au milieu d’une longue façade revêtue de - 15colonnes corinthiennes deux à deux d’une très belle grandeur, qui, estant hors d’œuvre, forment un grand portique de chaque côté de la porte, sur laquelle est le fronton composé seulement de deux pierres d’une seule pièce, qui ont chacune cinquante pieds de longueur. Une grande terrasse règne sur cette face, de laquelle on peut découvrir tout Paris.

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Il y a dans le vieux Louvre plusieurs choses à voir :

- + Les historiens disent que ce palais a esté commencé par Philippes Auguste en l’année 1214, qui fit faire la grosse tour où Ferrand comte de Flandre fut mis en prison après la fameuse bataille de Bouvines, que ce roy gagna glorieusement sur ce comte qui s’estoit revolté contre luy. Dans le siècle passé, ou voïoit encore cette tour qui avoit servy non seulement à garder les trésors de ce prince, mais aussi qui avoit esté bâtie pour recevoir les hommages & le serment de fidélité de ceux qui relevoient de la couronne ; ou plutost comme l’on peut croire, elle estoit le siège seigneural duquel dépendoient plusieurs fiefs, car on sçait que nos ancestres avoient 12la coutume de bâtir toujours dans leurs châteaux une grande tour, sur laquelle ils en élevoient une autre petite, que l’on nommoit le donjon, qui faisoit la marque de la seigneurie ; & sans doute que celle du Louvre estoit considérée de cette manière. Elle fut renversée lorsque François premier fit commencer ce qu’on appelle à présent le vieux Louvre, mais la mort l’empêcha de faire beaucoup de choses qu’il estoit proposé. Henry II, son fils, poussa l’ouvrage plus avant sur les desseins de son père, & pour la conduite de ce bâtiment il se servit de l’abbé de Clagny & de Jean Gougeon, tous deux parisiens & des plus habiles architectes de leur temps, puisque le peu de choses que l’on voit d’eux passe pour la plus régulière & la plus belle architecture du monde. Ils furent préférez à l’illustre Sébastien Sorlio, qu’on avoit fait venir exprés d’Italie, mais qui eut le chagrin de voir que l’on ne suivit pas ses desseins. 13On voit dans la salle des Cent-Suisses une espèce de tribune de l’ouvrage de Jean Gougeon, soutenue de quatre cariatides, d’un dessein si régulier & si bien imaginé que M. Perrault de l’Académie royale des sciences l’a fait graver dans la traduction des œuvres de Vitruve, où il l’a proposé comme modèle achevé. Voici l’inscription qu’Henry II fit mettre sur une des portes :

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Henricus II. Christianiss. Vetustate collapsum refici coep. A. Pat. Francisco I. R. Christianis mortui Sanctiss parent. memor. Pientiss. Filius absolvit an. asal. Christi MDXXXXVIII.

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Louis trézième, qui n’avoit que de grands desseins, fit élever le gros pavillon qui est au-dessus de la por 14te. Le sieur Mercier eut la conduite de cet ouvrage, où il suivit la première ordonnance ; mais ayant esté obligé de l’élever plus que le corps du bâtiment, sur l’ordre corinthien & composite, il mit un ordre cariatide qu’il imita de celuy de la salle des Cent-Suisses dont on a parlé, sur lequel il posa un double fronton. L’ancienne porte du Louvre est sous ce pavillon, dont la voûte est soutenue par deux rangs de colonnes ioniques d’une seule pièce, disposées deux à deux, qui sont très remarquables pour leur grandeur. La cour qui se trouve au milieu de ce bâtiment est grande & parfaitement quarrée. Le roy en a fait élever trois aisles qui ne sont pas encore achevées. L’ouvrage est à trois rangs de colonnes corinthiennes & composites, & le comble du bâtiment est en terrasse, ce qui paroît d’une beauté & d’une magnificence surprenante. La grande porte est du côté de Saint-Germain-l’Auxerois. Elle est au milieu d’une longue façade revêtue de 15colonnes corinthiennes deux à deux d’une très belle grandeur, qui, estant hors d’œuvre, forment un grand portique de chaque côté de la porte, sur laquelle est le fronton composé seulement de deux pierres d’une seule pièce, qui ont chacune cinquante pieds de longueur. Une grande terrasse règne sur cette face, de laquelle on peut découvrir tout Paris.

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Il y a dans le vieux Louvre plusieurs choses à voir :

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- - Le cabinet des tableaux - + Le cabinet des tableaux

- Le lieu où sont les tableaux du roy est dans un appartement qui se trouve assez proche du bout de la grande galerie. Il seroit difficile d’en trouver un plus grand nombre & de plus rares en quelques endroit de l’Europe que ce puisse estre. Il y en a de tous les fameux maistres d’Ita - 16lie, de Flandre & des autres endroits, que le roy a fait graver & dont on a deux gros volumes. Mais depuis quelques temps, l’on a transporté une grande partie à Versailles, pour embellir ce magnifique palais. Cependant, il en reste encore plusieurs de divers maistres, entr’autres, la Cène de Paul Véronèse, qui est un tableau extraordinairement grand ; aussi bien que les batailles de monsieur Le Brun, sur lesquelles on a fait de très belles tapisseries. Les pièces du Pousin - + Le lieu où sont les tableaux du roy est dans un appartement qui se trouve assez proche du bout de la grande galerie. Il seroit difficile d’en trouver un plus grand nombre & de plus rares en quelques endroit de l’Europe que ce puisse estre. Il y en a de tous les fameux maistres d’Ita 16lie, de Flandre & des autres endroits, que le roy a fait graver & dont on a deux gros volumes. Mais depuis quelques temps, l’on a transporté une grande partie à Versailles, pour embellir ce magnifique palais. Cependant, il en reste encore plusieurs de divers maistres, entr’autres, la Cène de Paul Véronèse, qui est un tableau extraordinairement grand ; aussi bien que les batailles de monsieur Le Brun, sur lesquelles on a fait de très belles tapisseries. Les pièces du Pousin + y sont conservées soigneusement, aussi bien que celles de quelques autres peintres françois, dont il est le premier sans contredit.

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- On travaille en sculpture en deux endroits différens du Louvre. M. Girardon a son atelier sous le cabinet des tableaux, où l’on voit quelques statues que l’on achève pour Versailles. C’est dans ce lieu que celles de la grotte ont été faites. L’on y remarquera le modelle du tombeau du cardinal de Richelieu, qui - 17doit estre placé dans l’église de la Sorbonne.

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On travaille en sculpture en deux endroits différens du Louvre. M. Girardon a son atelier sous le cabinet des tableaux, où l’on voit quelques statues que l’on achève pour Versailles. C’est dans ce lieu que celles de la grotte ont été faites. L’on y remarquera le modelle du tombeau du cardinal de Richelieu, qui 17doit estre placé dans l’église de la Sorbonne.

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- - Au bout de la place qui est devant la porte sous le pavillon du côté de la rue Saint-Honoré, il faut aller voir les statues qui doivent estre mises au tombeau de monsieur de Turenne, que le roy fait faire à Saint-Denys. On y pourra aussi remarquer plusieurs belles choses qui sont toutes du dessein & de l’imagination de monsieur de Mercy, un des plus excellens sculpteurs du royaume. Il travaille à présent à faire quelques figures destinées pour le tombeau de M. le duc de Noailles à Saint-Paul. Le sieur Renaudin a aussi son attelier proche M. Girardon, que mérite bien d’estre vu des curieux.

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+ Au bout de la place qui est devant la porte sous le pavillon du côté de la rue Saint-Honoré, il faut aller voir les statues qui doivent estre mises au tombeau de monsieur de Turenne, que le roy fait faire à Saint-Denys. On y pourra aussi remarquer plusieurs belles choses qui sont toutes du dessein & de l’imagination de monsieur de Mercy, un des plus excellens sculpteurs du royaume. Il travaille à présent à faire quelques figures destinées pour le tombeau de M. le duc de Noailles à Saint-Paul. Le sieur Renaudin a aussi son attelier proche M. Girardon, que mérite bien d’estre vu des curieux.

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- On ne doit pas surtout négliger de voir avant de sortir du Louvre la salle où s’assemble les messieurs de l’Académie françoise, que - 18le roy honore d’une protection si particulière qu’il a voulu qu’ils s’assemblassent dans son propre palais. Cette illustre académie est composée de personne sçavantes qui travaillent incessamment à perfectionner la langue françoise. Ils s’assemblent trois fois par semaine. Voicy les noms de ceux qui la composent à présent :

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On ne doit pas surtout négliger de voir avant de sortir du Louvre la salle où s’assemble les messieurs de l’Académie françoise, que 18le roy honore d’une protection si particulière qu’il a voulu qu’ils s’assemblassent dans son propre palais. Cette illustre académie est composée de personne sçavantes qui travaillent incessamment à perfectionner la langue françoise. Ils s’assemblent trois fois par semaine. Voicy les noms de ceux qui la composent à présent :

- - M. de Besons, conseiller d’Estat ; - - M. Corneille ; - - M. Doujat ; - - M. Charpentier ; - - M. l’abbé Tallement, premier aumônier de Madame ; - - M. le duc de Coislin ; - - M. l’abbé Pélisson, maistre des requestes ; - - M. l’évêque d’Acs ; - - M. le cardinal d’Estrées ; - - M. de Renouard de Villayer, conseiller d’Estat ; - - M. l’abbé de Furetières ; - - M. de Segrais ; - - M. Le Clerc ; - + M. de Besons, conseiller d’Estat ; + M. Corneille ; + M. Doujat ; + M. Charpentier ; + M. l’abbé Tallement, premier aumônier de Madame ; + M. le duc de Coislin ; + M. l’abbé Pélisson, maistre des requestes ; + M. l’évêque d’Acs ; + M. le cardinal d’Estrées ; + M. de Renouard de Villayer, conseiller d’Estat ; + M. l’abbé de Furetières ; + M. de Segrais ; + M. Le Clerc ; + 19 - - M. le duc de Saint-Aignan ; - - M. le comte de Bussy ; - - M. l’abbé Testu ; - - M. l’abbé Tallement, prieur de Saint-Albin ; - - M. Boyer ; - - M. le marquis d’Angeau, gouverneur de Touraine ; - - M. l’abbé Regnier des Marais ; - - M. l’abbé de La Chambre ; - - M. Quinaut, auditeur des comptes ; - - M. l’archevesque de Paris ; - - M. l’évesque de Meaux, cy-devant précepteur de monseigneur le Dauphin & premier aumônier de madame la Dauphine ; - - M. Perault, controlleur des bâtimens ; - - M. l’abbé Fléchier, aumônier de madame la Dauphine ; - - M. Racine, trésorier de France ; - - M. l’abbé Gallois ; - - M. de Benserade ; - - M. l’abbé Huet, cy-devant sous-précepteur de monseigneur le Dauphin ; - + M. le duc de Saint-Aignan ; + M. le comte de Bussy ; + M. l’abbé Testu ; + M. l’abbé Tallement, prieur de Saint-Albin ; + M. Boyer ; + M. le marquis d’Angeau, gouverneur de Touraine ; + M. l’abbé Regnier des Marais ; + M. l’abbé de La Chambre ; + M. Quinaut, auditeur des comptes ; + M. l’archevesque de Paris ; + M. l’évesque de Meaux, cy-devant précepteur de monseigneur le Dauphin & premier aumônier de madame la Dauphine ; + M. Perault, controlleur des bâtimens ; + M. l’abbé Fléchier, aumônier de madame la Dauphine ; + M. Racine, trésorier de France ; + M. l’abbé Gallois ; + M. de Benserade ; + M. l’abbé Huet, cy-devant sous-précepteur de monseigneur le Dauphin ; + 20 - - M. Roze, secrétaire du cabinet du roy ; - - M. Cordemoy, lecteur de monsieur le Dauphin ; - - M. le président de Mesme ; - - M. l’abbé Colbert, coadjudeur de Rouen ; - - M. l’abbé de Lavau, bibliothéquaire du cabinet du roy ; - - M. Verjus, plénipotentiaire à la diète de Ratisbonne ; - - M. de Novion, premier président au Parlement de Paris ; - - M. l’abbé Danjau ; - - M. Barbier d’Haucour ; - - M. - + M. Roze, secrétaire du cabinet du roy ; + M. Cordemoy, lecteur de monsieur le Dauphin ; + M. le président de Mesme ; + M. l’abbé Colbert, coadjudeur de Rouen ; + M. l’abbé de Lavau, bibliothéquaire du cabinet du roy ; + M. Verjus, plénipotentiaire à la diète de Ratisbonne ; + M. de Novion, premier président au Parlement de Paris ; + M. l’abbé Danjau ; + M. Barbier d’Haucour ; + M. -

Tous les deux ans, le jour de feste de Saint-Louis, on y distribue deux médailles d’or pour le prix de l’éloquence & et de la poésie, ce qui fait qu’un grand nombre de personnes composent dans l’une & dans l’autre pour les obtenir. Le mesme jour, tous les ans, ces messieurs font chanter une messe en musique, après laquelle le panégyrique du mesme saint est - 21prononcé par quelque habile prédicateur. Monsieur l’abbé Pelisson a fait l’histoire de l’Académie françoise, & l’a écrite avec tant de politesse & d’agrément que ce livre passe pour un des plus beaux & des mieux écrits qu’il y ait dans la langue françoise. Ils ont quelques tableaux dans leurs salles, un est de la Sainte Vierge ; un autre du roy en habit de sacre ; le portrait du cardinal de Richelieu, le fondateur de l’Académie françoise ; celuy du chancellier Séguier, qui s’en déclara protecteur après la mort de ce grand ministre ; & enfin un autre de la reine Christine de Suède, qui venoit aux assemblées, où elle faisoit paroître son génie extraordinaire pour toutes les belles choses.

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Tous les deux ans, le jour de feste de Saint-Louis, on y distribue deux médailles d’or pour le prix de l’éloquence & et de la poésie, ce qui fait qu’un grand nombre de personnes composent dans l’une & dans l’autre pour les obtenir. Le mesme jour, tous les ans, ces messieurs font chanter une messe en musique, après laquelle le panégyrique du mesme saint est 21prononcé par quelque habile prédicateur. Monsieur l’abbé Pelisson a fait l’histoire de l’Académie françoise, & l’a écrite avec tant de politesse & d’agrément que ce livre passe pour un des plus beaux & des mieux écrits qu’il y ait dans la langue françoise. Ils ont quelques tableaux dans leurs salles, un est de la Sainte Vierge ; un autre du roy en habit de sacre ; le portrait du cardinal de Richelieu, le fondateur de l’Académie françoise ; celuy du chancellier Séguier, qui s’en déclara protecteur après la mort de ce grand ministre ; & enfin un autre de la reine Christine de Suède, qui venoit aux assemblées, où elle faisoit paroître son génie extraordinaire pour toutes les belles choses.

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- Dans une salle au travers de laquelle il faut passer pour y aller, on voit deux modèles que l’on a fait pour le grand escalier du Louvre, dont le plus beau est du fameux Mansard, l’autre est de M. du Veau, ce - 22luy-là mesme qui a donné le dessein des nouveaux bâtimens de Vincennes ; mais celuy du premier l’emporte infiniment sur l’autre en grandeur de goût & dans la hardiesse du dessein.

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Dans une salle au travers de laquelle il faut passer pour y aller, on voit deux modèles que l’on a fait pour le grand escalier du Louvre, dont le plus beau est du fameux Mansard, l’autre est de M. du Veau, ce 22luy-là mesme qui a donné le dessein des nouveaux bâtimens de Vincennes ; mais celuy du premier l’emporte infiniment sur l’autre en grandeur de goût & dans la hardiesse du dessein.

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- Dans le vieux jeu de paume qui est resté au milieu de la cour, on travaille à un modèle d’une statue du roy à cheval, élevée sur un grand rocher, avec des ennemis abatus à ses pieds & quatre fleuves dessus qui abandonnent leurs urnes, épouvanvez de voir ce grand monarque arrivé au sommet de sa gloire. On ne peut rien de plus grand que cet ouvrage, & si on l’exécute de la mesme manière on ne verra point en Europe un plus magnifique monument. Il est du dessein de M. Girardon.

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Dans le vieux jeu de paume qui est resté au milieu de la cour, on travaille à un modèle d’une statue du roy à cheval, élevée sur un grand rocher, avec des ennemis abatus à ses pieds & quatre fleuves dessus qui abandonnent leurs urnes, épouvanvez de voir ce grand monarque arrivé au sommet de sa gloire. On ne peut rien de plus grand que cet ouvrage, & si on l’exécute de la mesme manière on ne verra point en Europe un plus magnifique monument. Il est du dessein de M. Girardon.

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- - Le garde-meuble - + Le garde-meuble

- Sur le bord de la rivière, au coin de la rue des Poulies, est le garde-meuble, dans une vieille maison que l’on nommoit autrefois l’hôtel du Petit-Bourbon, à cause que les princes de cette maison y demeuroient. Le dehors n’a rien de beau & c’est dans ce lieu que l’on conserve les meubles précieux de la couronne. L’on y voit une quantité surprenante de tapisseries antiques et modernes. Il y en a que François premier a fait faire, dont les desseins sont de Jules Romain, & qui ont esté travaillées à Anvers, par un maistre fameux de ce temps-là qui estoit en très grande réputation. Elles représentent les actes des Apostres & l’histoire du grand Scipion. Le roy en a fait faire beaucoup aux Gobelins, qui sont enrichies d’or & d’argent, sur les desseins de M. Le Brun, - 24 & il y en a un si grand nombre qu’on en peut compter jusqu’à vingt-quatre mille aunes, sans comprendre un grand tapis de pié d’ouvrage à la turc, qui a esté travaillé dans une manufacture établie exprès au bout du cours de la Reine, que l’on nomme la Savonnerie & qui devoit estre de la longueur de la grande galerie du Louvre, mais qui n’est pas encore achevé. Avec ces choses, on voit plusieurs vases de pierre précieuse, comme d’agate, d’aunix, de jade, de cornaline & de cristal de roche, qui sont admirables pour leur grandeur & pour la délicatesse du travail ; quelques branches de corail, mais entr’autres très grande, noire comme de l’ébène, ce qui est très rare ; des petits cabinets de cristal de roche & d’ambre garni d’or & de pierreries ; mais ce qu’il faut remarquer est une grande nef d’or enrichie de diamans du plus bel ouvrage du sieur Balin & que l’on estime cent mille écus. Après, on peut voir la - 25vaisselle d’argent, composée de plusieurs bassins, où l’histoire du roy est représentée en cizelure. Ils sont si pesans qu’il faut deux hommes pour les porter sur des civières de mesmes ouvrage & de mesme matière. Il y a des tables, des guéridons, des bordures de miroir, des lustres extraordinairement grands, des orangers, deux grandes cuves qui on servi au baptême de monseigneur le Dauphin, des girandoles, des chenets, des cassolettes ou des parfums, & généralement toutes sortes de pièces d’orfèvrerie d’une pesanteur & d’un ouvrage admirable, & dont la quantité est surprenante. Elle est presque toute du fameux monsieur Balin, dont on a parlé cy-devant. C’étoit le premier homme de ce siècle pour le travail de l’argent. Il est mort depuis cinq ou six ans. On montre aussi des lits en broderie, très riches, avec quelques tentures d’alcôves de la mesme manière. On verra encore dans le - 26mesme lieu le bufet de François premier, composé de quelques pièces de vermeil doré assez bien travaillées. Dans une chambre particulière, on conserve quantité d’armes très curieuses, de toutes façons, entre autres, l’armure que François premieravoit à la fameuse journée de Pavie , où l’on voit sur la cuirasse les coups qu’il receut avant de se rendre aux Espagnols, à qui il vendit chèrement sa liberté. Il y a aussi un fusil dont la ville de Paris a fait présent à monseigneur le Dauphin & que l’on conserve à cause que c’est la première arme à feu dont il a fait son essay. Enfin, les curieux & les avares trouveront icy de quoy se satisfaire, car outre la beauté singulière du travail, on y voit une très grande quantité d’or & d’argent, qui est un très grand régal à ceux qui se laissent éblouir à l’éclat du métal, plûtost qu’à la délicatesse de l’ouvrage. Depuis quelques temps, le roy a fait transporter à Versailles - - 27les plus belles pièces du garde-meuble ; cependant, il en reste encore beaucoup qui méritent bien d’estre veuës.

+ Sur le bord de la rivière, au coin de la rue des Poulies, est le garde-meuble, dans une vieille maison que l’on nommoit autrefois l’hôtel du Petit-Bourbon, à cause que les princes de cette maison y demeuroient. Le dehors n’a rien de beau & c’est dans ce lieu que l’on conserve les meubles précieux de la couronne. L’on y voit une quantité surprenante de tapisseries antiques et modernes. Il y en a que François premier a fait faire, dont les desseins sont de Jules Romain, & qui ont esté travaillées à Anvers, par un maistre fameux de ce temps-là qui estoit en très grande réputation. Elles représentent les actes des Apostres & l’histoire du grand Scipion. Le roy en a fait faire beaucoup aux Gobelins, qui sont enrichies d’or & d’argent, sur les desseins de M. Le Brun, 24 & il y en a un si grand nombre qu’on en peut compter jusqu’à vingt-quatre mille aunes, sans comprendre un grand tapis de pié d’ouvrage à la turc, qui a esté travaillé dans une manufacture établie exprès au bout du cours de la Reine, que l’on nomme la Savonnerie & qui devoit estre de la longueur de la grande galerie du Louvre, mais qui n’est pas encore achevé. Avec ces choses, on voit plusieurs vases de pierre précieuse, comme d’agate, d’aunix, de jade, de cornaline & de cristal de roche, qui sont admirables pour leur grandeur & pour la délicatesse du travail ; quelques branches de corail, mais entr’autres très grande, noire comme de l’ébène, ce qui est très rare ; des petits cabinets de cristal de roche & d’ambre garni d’or & de pierreries ; mais ce qu’il faut remarquer est une grande nef d’or enrichie de diamans du plus bel ouvrage du sieur Balin & que l’on estime cent mille écus. Après, on peut voir la 25vaisselle d’argent, composée de plusieurs bassins, où l’histoire du roy est représentée en cizelure. Ils sont si pesans qu’il faut deux hommes pour les porter sur des civières de mesmes ouvrage & de mesme matière. Il y a des tables, des guéridons, des bordures de miroir, des lustres extraordinairement grands, des orangers, deux grandes cuves qui on servi au baptême de monseigneur le Dauphin, des girandoles, des chenets, des cassolettes ou des parfums, & généralement toutes sortes de pièces d’orfèvrerie d’une pesanteur & d’un ouvrage admirable, & dont la quantité est surprenante. Elle est presque toute du fameux monsieur Balin, dont on a parlé cy-devant. C’étoit le premier homme de ce siècle pour le travail de l’argent. Il est mort depuis cinq ou six ans. On montre aussi des lits en broderie, très riches, avec quelques tentures d’alcôves de la mesme manière. On verra encore dans le 26mesme lieu le bufet de François premier, composé de quelques pièces de vermeil doré assez bien travaillées. Dans une chambre particulière, on conserve quantité d’armes très curieuses, de toutes façons, entre autres, l’armure que François premieravoit à la fameuse journée de Pavie , où l’on voit sur la cuirasse les coups qu’il receut avant de se rendre aux Espagnols, à qui il vendit chèrement sa liberté. Il y a aussi un fusil dont la ville de Paris a fait présent à monseigneur le Dauphin & que l’on conserve à cause que c’est la première arme à feu dont il a fait son essay. Enfin, les curieux & les avares trouveront icy de quoy se satisfaire, car outre la beauté singulière du travail, on y voit une très grande quantité d’or & d’argent, qui est un très grand régal à ceux qui se laissent éblouir à l’éclat du métal, plûtost qu’à la délicatesse de l’ouvrage. Depuis quelques temps, le roy a fait transporter à Versailles 27les plus belles pièces du garde-meuble ; cependant, il en reste encore beaucoup qui méritent bien d’estre veuës.

- - - Le palais des Tuileries - + + Le palais des Tuileries

- Après avoir vu ces choses, il faut prendre le chemin du palais des Tuileries, qui règne le long du jardin sur une mesme ligne. Il est composé aux extrémitez de deux gros pavillons quarrez ornez de pilastres composites & d’un gros pavillon en forme de dôme au milieu, sous lequel est le sallon & l’escalier qui conduit aux appartemens. Il faut remarquer que le milieu de ce bâtiment, à sçavoir : le gros pavillon, les deux terrasses avec les deux petits pavillons qui les terminent, ont esté élevez par les soins de Catherine de Médicis, qui s’entendoit très bien en architecture, comme on le voit par toutes ces pièces qui sont d’une - 28très belle proportion, selon l’ordre ionique & corinthien, aux endroits où il a falu trois rangs de colonnes avec un attique au-dessus. Elle se servit pour exécuter ses desseins de Philibert de Lorme & de Jean Bulan, qui estoient des premiers hommes de leur siècle. Le reste du bâtiment a esté fait par Henry IV & par Louis XIV, qui de nos jours l’a fait réparer comme on le voit. Il y a avoit autrefois sous le pavillon du milieu un grand escalier qui étoit une des plus belles pièces qui fût au monde pour sa disposition & pour sa hardiesse surprenante du trait dont le mesme Philibert de Lorme avoit donné le dessein. Mais on l’a renversé au grand regret des curieux, afin de conserver à la cour la belle veuë des Tuileries & pour ménager le grand sallon, dont on avoit besoin pour l’appartment du roy, qui, aussi bien que celui de la reine & celui de monseigneur le Dauphin, est enrichie de peintures, où les plus habiles maî - 29tres de France ont travaillé. Dans une galerie qui règne le long de l’appartement du roy, du côté de la cour, on verra plusieurs cabinets enrichis de miniatures & de cizelures très fines, avec quelques tables de pierres rapportées qui sont très belles, entr’autres un grande, sur laquelle une salamandre est représentée, qui estoit la devise de François premier, ce qui fait croire qu’elle luy a appartenu. Il y en a aussi quelques-unes de marbre de Sicile, d’une seule pièce, dont la couleur est d’une variété admirable. Cette galerie a souvent servi aux audiances des ambassadeurs, & pour lors elle estoit ornée de tapisseries très riches & d’autres meubles précieux.

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Dans les salles d’en bas, on conserve un grand nombre de statues antiques de marbre & le bust du roy que fit le cavalier Bernin lorsqu’il vint de Rome exprès pour donner des desseins du Louvre. On y pourra aussi voir des plans en élévation des plus for - 30tes places de l’Europe, que l’on a tirez avec tout le soin & toute l’exactitude possible.

+ Après avoir vu ces choses, il faut prendre le chemin du palais des Tuileries, qui règne le long du jardin sur une mesme ligne. Il est composé aux extrémitez de deux gros pavillons quarrez ornez de pilastres composites & d’un gros pavillon en forme de dôme au milieu, sous lequel est le sallon & l’escalier qui conduit aux appartemens. Il faut remarquer que le milieu de ce bâtiment, à sçavoir : le gros pavillon, les deux terrasses avec les deux petits pavillons qui les terminent, ont esté élevez par les soins de Catherine de Médicis, qui s’entendoit très bien en architecture, comme on le voit par toutes ces pièces qui sont d’une 28très belle proportion, selon l’ordre ionique & corinthien, aux endroits où il a falu trois rangs de colonnes avec un attique au-dessus. Elle se servit pour exécuter ses desseins de Philibert de Lorme & de Jean Bulan, qui estoient des premiers hommes de leur siècle. Le reste du bâtiment a esté fait par Henry IV & par Louis XIV, qui de nos jours l’a fait réparer comme on le voit. Il y a avoit autrefois sous le pavillon du milieu un grand escalier qui étoit une des plus belles pièces qui fût au monde pour sa disposition & pour sa hardiesse surprenante du trait dont le mesme Philibert de Lorme avoit donné le dessein. Mais on l’a renversé au grand regret des curieux, afin de conserver à la cour la belle veuë des Tuileries & pour ménager le grand sallon, dont on avoit besoin pour l’appartment du roy, qui, aussi bien que celui de la reine & celui de monseigneur le Dauphin, est enrichie de peintures, où les plus habiles maî 29tres de France ont travaillé. Dans une galerie qui règne le long de l’appartement du roy, du côté de la cour, on verra plusieurs cabinets enrichis de miniatures & de cizelures très fines, avec quelques tables de pierres rapportées qui sont très belles, entr’autres un grande, sur laquelle une salamandre est représentée, qui estoit la devise de François premier, ce qui fait croire qu’elle luy a appartenu. Il y en a aussi quelques-unes de marbre de Sicile, d’une seule pièce, dont la couleur est d’une variété admirable. Cette galerie a souvent servi aux audiances des ambassadeurs, & pour lors elle estoit ornée de tapisseries très riches & d’autres meubles précieux.

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Dans les salles d’en bas, on conserve un grand nombre de statues antiques de marbre & le bust du roy que fit le cavalier Bernin lorsqu’il vint de Rome exprès pour donner des desseins du Louvre. On y pourra aussi voir des plans en élévation des plus for 30tes places de l’Europe, que l’on a tirez avec tout le soin & toute l’exactitude possible.

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L’autre moitié du bâtiment du côté de la rue Saint-Honoré contient la chapelle, qui n’est pas achevée ; & le théâtre, autrement nommé la place des machines, où l’on représentoit les comédies devant toute la cour, & dont Psyché a esté la dernière, qui après plusieurs années de représentation attiroit toujours une foule d’admirateurs, & après laquelle est venue d’Italie l’invention des opéra, qui ont fait cesser le récit sérieux mêlé de musique & d’entrées de balet, pour faire place au chant & à la musique entière sur quelque matière que ce puisse estre. Ce théâtre est sans contredit le plus magnifique de l’Europe, sans en excepter mesme celuy du duc de Parme dont on fait tant de cas. L’on ne peut rien désirer de mieux disposé. Chacun y peut voir & entendre fort commodément. L’espace qui est derrière pour les - 31machines a beaucoup d’étendue. Pour les ornements, on ne les a pas épargnez. Tout est peint en marbre & les loges sont soutenues par des colonnes, dont les chapiteaux & les soubassemens sont dorez, aussi bien que le plafon, qui est d’une très belle sculpture.

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L’autre moitié du bâtiment du côté de la rue Saint-Honoré contient la chapelle, qui n’est pas achevée ; & le théâtre, autrement nommé la place des machines, où l’on représentoit les comédies devant toute la cour, & dont Psyché a esté la dernière, qui après plusieurs années de représentation attiroit toujours une foule d’admirateurs, & après laquelle est venue d’Italie l’invention des opéra, qui ont fait cesser le récit sérieux mêlé de musique & d’entrées de balet, pour faire place au chant & à la musique entière sur quelque matière que ce puisse estre. Ce théâtre est sans contredit le plus magnifique de l’Europe, sans en excepter mesme celuy du duc de Parme dont on fait tant de cas. L’on ne peut rien désirer de mieux disposé. Chacun y peut voir & entendre fort commodément. L’espace qui est derrière pour les 31machines a beaucoup d’étendue. Pour les ornements, on ne les a pas épargnez. Tout est peint en marbre & les loges sont soutenues par des colonnes, dont les chapiteaux & les soubassemens sont dorez, aussi bien que le plafon, qui est d’une très belle sculpture.

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Les veuës de tout ce palais sont sur le jardin des Tuileries, à qui il sert d’une perspectives magnifique, en bornant agréablement toutes les allées par une face de bâtiment de très belle architecture. Ce jardin est à présent un des plus régulier de l’Europe, quoy qu’il ne soit pas encore orné de statues & de fontaines comme il le sera quelque jour. Il y a un théâtre découvert, qui a toutes les parties qui luy sont nécessaires & déterminées par les Anciens, comme l’on voit dans ceux de Rome. On y a planté des arbres qui font le mesme effet que les décorations ordinaires. Il est fort grand & peut contenir beau - 32coup de monde. De l’autre côté de la grande allée est la statue de la Vérité, élevée sur un grand pié-d’estal, de la manière d’un fameux sculpteur nommé Villefranche, originaire de Cambray. C’est monsieur Le Nostre qui a donné le dessein des Tuilleries & qui conduit les ouvrages merveilleux de jardinage qui sont à Versailles. Il ne faut pas manquer d’aller voir son cabinet, qui est très bien garny de tableaux & de busts de marbre qui la pluspart viennent d’Italie, entr’autres, on y distinguera un tableau de médiocre grandeur du Dominicain qui représente Adam & Ève dans le paradis terrestre, qui est estimé un des plus beaux morceaux de Paris.

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Les veuës de tout ce palais sont sur le jardin des Tuileries, à qui il sert d’une perspectives magnifique, en bornant agréablement toutes les allées par une face de bâtiment de très belle architecture. Ce jardin est à présent un des plus régulier de l’Europe, quoy qu’il ne soit pas encore orné de statues & de fontaines comme il le sera quelque jour. Il y a un théâtre découvert, qui a toutes les parties qui luy sont nécessaires & déterminées par les Anciens, comme l’on voit dans ceux de Rome. On y a planté des arbres qui font le mesme effet que les décorations ordinaires. Il est fort grand & peut contenir beau 32coup de monde. De l’autre côté de la grande allée est la statue de la Vérité, élevée sur un grand pié-d’estal, de la manière d’un fameux sculpteur nommé Villefranche, originaire de Cambray. C’est monsieur Le Nostre qui a donné le dessein des Tuilleries & qui conduit les ouvrages merveilleux de jardinage qui sont à Versailles. Il ne faut pas manquer d’aller voir son cabinet, qui est très bien garny de tableaux & de busts de marbre qui la pluspart viennent d’Italie, entr’autres, on y distinguera un tableau de médiocre grandeur du Dominicain qui représente Adam & Ève dans le paradis terrestre, qui est estimé un des plus beaux morceaux de Paris.

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Il faut remarquer que le vieux Louvre est joint au palais des Tuileries par la longue galerie qui règne le long de la rivière, dans le bout qui a esté commencé autrefois. Il y a quelques peintures & quelques ornemens du dessein de monsieur Pous - 33sin, mais qui furent trouvez trop petits pour le lieu où ils sont placez ; ce qui fut cause que l’ouvrage demeura imparfait comme il est. Le commencement de cette galerie est de Philibert de Lorme, & le reste de Métezeau, celuy-là mesme qui entreprit la digue de La Rochelle, qui fut la principale cause de la prise de cette ville rebelle. Voicy un épigramme que l’on fit en sa faveur sur ce sujet :

- - - Hæretico palmam retulit Methezaus ab hoste, - Cum Rupellanas aggere cinxit aquas. - Dicitur Archimedes terram potuissemovere, - Æquora qui potuit sistere, non minor est. - - + +

Il faut remarquer que le vieux Louvre est joint au palais des Tuileries par la longue galerie qui règne le long de la rivière, dans le bout qui a esté commencé autrefois. Il y a quelques peintures & quelques ornemens du dessein de monsieur Pous 33sin, mais qui furent trouvez trop petits pour le lieu où ils sont placez ; ce qui fut cause que l’ouvrage demeura imparfait comme il est. Le commencement de cette galerie est de Philibert de Lorme, & le reste de Métezeau, celuy-là mesme qui entreprit la digue de La Rochelle, qui fut la principale cause de la prise de cette ville rebelle. Voicy un épigramme que l’on fit en sa faveur sur ce sujet :

+ + Hæretico palmam retulit Methezaus ab hoste, + Cum Rupellanas aggere cinxit aquas. + Dicitur Archimedes terram potuissemovere, + Æquora qui potuit sistere, non minor est. +
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La salle des antiques se trouve sous le bout de cette galerie. Elle est inscrustée de marbre & pleine de statues antiques, des plus belles & des plus rares que l’on puisse voir. Le roy les a fait graver toutes par Melan - , & l’on en a deux grand volumes in-folio, aussi bien que - 34des tableaux dont on a parlé.

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Les appartements qui sont sous la galerie sont occupez par diverses personnes illustres qui travaillent pour le roy, qui leur donne ces logements.

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La salle des antiques se trouve sous le bout de cette galerie. Elle est inscrustée de marbre & pleine de statues antiques, des plus belles & des plus rares que l’on puisse voir. Le roy les a fait graver toutes par Melan + , & l’on en a deux grand volumes in-folio, aussi bien que 34des tableaux dont on a parlé.

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Les appartements qui sont sous la galerie sont occupez par diverses personnes illustres qui travaillent pour le roy, qui leur donne ces logements.

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- - L’Imprimerie roïale y est aussi, dont le sieur Mabre-Cramoisy est le directeur, où il y a un petit cabinet tout rempli de livres imprimés dans ce lieu.

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L’Imprimerie roïale y est aussi, dont le sieur Mabre-Cramoisy est le directeur, où il y a un petit cabinet tout rempli de livres imprimés dans ce lieu.

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- - Monsieur Silvestre, fameux graveur ; M. Melan, dont on voit des gravures extraordinaires ; M. Coepel, peintre ; M. Hérard ; M. Valdor, y sont logez. M. Cassiny y a aussi une chambre, quoy qu’il demeure ordinairement dans l’Observatoire. Monsieur l’abbé Siry, si connu à cause des beaux mémoires italiens qu’il nous a donné sur l’histoire ; mademoiselle Stella, chez laquelle il y a de très beaux tableaux du Poussin ; monsieur Bain, fameux émailleur, qui a trouvé le secret de donner à l’émail le brillant & la - 35beauté des pierres précieuses, & qui a entre ses mains un grand bassin d’or pour le roy, orné de moulures sur les bords, & qui sera sans doute une très belle pièce quand il sera achevé, pour l’ouvrage & pour la matière, car il reviendra à cent mille francs. Il fait ordinairement des boëttes à montre & divers ouvrages de cette sorte. Tout proche est M. Boul, qui fait des ouvrages de marqueterie extraordinairement bien travaillez & que les curieux conservent soigneusement. Messieurs Sanson, les fils du fameux géographe, y sont aussi logez. Ils travaillent incessamment & donnent de temps en temps quelque chose de nouveau sur la géographie.

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Monsieur Silvestre, fameux graveur ; M. Melan, dont on voit des gravures extraordinaires ; M. Coepel, peintre ; M. Hérard ; M. Valdor, y sont logez. M. Cassiny y a aussi une chambre, quoy qu’il demeure ordinairement dans l’Observatoire. Monsieur l’abbé Siry, si connu à cause des beaux mémoires italiens qu’il nous a donné sur l’histoire ; mademoiselle Stella, chez laquelle il y a de très beaux tableaux du Poussin ; monsieur Bain, fameux émailleur, qui a trouvé le secret de donner à l’émail le brillant & la 35beauté des pierres précieuses, & qui a entre ses mains un grand bassin d’or pour le roy, orné de moulures sur les bords, & qui sera sans doute une très belle pièce quand il sera achevé, pour l’ouvrage & pour la matière, car il reviendra à cent mille francs. Il fait ordinairement des boëttes à montre & divers ouvrages de cette sorte. Tout proche est M. Boul, qui fait des ouvrages de marqueterie extraordinairement bien travaillez & que les curieux conservent soigneusement. Messieurs Sanson, les fils du fameux géographe, y sont aussi logez. Ils travaillent incessamment & donnent de temps en temps quelque chose de nouveau sur la géographie.

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- Le balancier du roy est aussi en cet endroit. C’est où l’on fait des médailles & des jetons d’or, d’argent & de cuivre. M. l’abbé Bizot, un des plus intelligens & des plus habiles curieux de Paris, en a eu la direction autrefois, après le fameux - 36Varin. L’on ne peut rien désirer de plus curieux que son cabinet, qui est tout remply de tableaux, de médailles antiques et modernes, d’agates, de figures de bronze, de porcelaine & de mille autres choses de cette sorte.

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La petite écurie occupe le reste. Elle est très longue & remplie de fort beaux chevaux.

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Le balancier du roy est aussi en cet endroit. C’est où l’on fait des médailles & des jetons d’or, d’argent & de cuivre. M. l’abbé Bizot, un des plus intelligens & des plus habiles curieux de Paris, en a eu la direction autrefois, après le fameux + 36Varin. L’on ne peut rien désirer de plus curieux que son cabinet, qui est tout remply de tableaux, de médailles antiques et modernes, d’agates, de figures de bronze, de porcelaine & de mille autres choses de cette sorte.

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La petite écurie occupe le reste. Elle est très longue & remplie de fort beaux chevaux.

- - - Saint-Germain-l’Auxerrois - + + Saint-Germain-l’Auxerrois

- On peut dire icy quelque chose de Saint-Germain-l’Auxerrois, la paroisse du Louvre. Elle est une des plus anciennes de Paris, puisque Childebert en est le fondateur, aussi bien que de Saint-Germain-des-Prez, qu’il dédia l’une & l’autre à saint Vincent, parce qu’il y mit quelques portions des reliques de ce saint qu’il apporta d’Espagne - . Il y a pour le jour des grandes festes des or - 37nemens magnifiques que la reine mère a donnez, qui sont d’une étoffe d’or & d’argent très riche, dont la république de Gennes avoit fait présent à cette illustre reine, qui les donna aussitost à cette église. Les autres choses les plus remarquable sont la tribune, du dessein de Germain Pilon, qui estoit estimé dans le siècle passé pour le plus habile homme de France en sculpture & en architecture ; & la chapelle de monsieur le marquis de Rosteing, où il y a des busts de marbre de quelques personnes illustres de cette maison. Dans la chambre où s’assemblent les marguilliers est une très belle copie d’une Cène de Léonard de Vincy, qui estoit autrefois dans l’église sans que l’on en remarquast la beauté ; mais quand on sçeut que le cavalier Bernin l’avoit admirée, on la mit aussitost dans cette chambre, afin de la mieux conserver. Les personnes les plus considérables qui sont enterrées dans cette église sont - 38 - monsieur Seguin, qui en estoit doïen & très sçavant dans la connoissance des médailles ; Joachim du Bellay, un des plus fameux poètes de son temps ; monsieur Varin, qui y est aussi, un des plus habiles graveurs en médailles que la France ait eu ; monsieur Balin, fameux orfèvre dont on a parlé, c’est luy qui a donné le dessein des beaux ornemens où les histoires de l’Ancien & du Nouveau Testatment sont représentées dans les cartouches d’un travail admirable. On voit aussi le tombeau de mademoiselle Sylvestre, représentée en peinture sur un marbre noir, appliqué sur un pilier derrière le chœur, de la manière de monsieur Le Brun. Dans les petites chapelles, on y pourra remarquer quelques tableauxde Le Sueur que les curieux estiment.

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Il y a un païsage en perspective de Francisque que l’on doit aller voir dans une des maisons du cloître.

- + On peut dire icy quelque chose de Saint-Germain-l’Auxerrois, la paroisse du Louvre. Elle est une des plus anciennes de Paris, puisque Childebert en est le fondateur, aussi bien que de Saint-Germain-des-Prez, qu’il dédia l’une & l’autre à saint Vincent, parce qu’il y mit quelques portions des reliques de ce saint qu’il apporta d’Espagne + . Il y a pour le jour des grandes festes des or 37nemens magnifiques que la reine mère a donnez, qui sont d’une étoffe d’or & d’argent très riche, dont la république de Gennes avoit fait présent à cette illustre reine, qui les donna aussitost à cette église. Les autres choses les plus remarquable sont la tribune, du dessein de Germain Pilon, qui estoit estimé dans le siècle passé pour le plus habile homme de France en sculpture & en architecture ; & la chapelle de monsieur le marquis de Rosteing, où il y a des busts de marbre de quelques personnes illustres de cette maison. Dans la chambre où s’assemblent les marguilliers est une très belle copie d’une Cène de Léonard de Vincy, qui estoit autrefois dans l’église sans que l’on en remarquast la beauté ; mais quand on sçeut que le cavalier Bernin l’avoit admirée, on la mit aussitost dans cette chambre, afin de la mieux conserver. Les personnes les plus considérables qui sont enterrées dans cette église sont 38 monsieur Seguin, qui en estoit doïen & très sçavant dans la connoissance des médailles ; Joachim du Bellay, un des plus fameux poètes de son temps ; monsieur Varin, qui y est aussi, un des plus habiles graveurs en médailles que la France ait eu ; monsieur Balin, fameux orfèvre dont on a parlé, c’est luy qui a donné le dessein des beaux ornemens où les histoires de l’Ancien & du Nouveau Testatment sont représentées dans les cartouches d’un travail admirable. On voit aussi le tombeau de mademoiselle Sylvestre, représentée en peinture sur un marbre noir, appliqué sur un pilier derrière le chœur, de la manière de monsieur Le Brun. Dans les petites chapelles, on y pourra remarquer quelques tableauxde Le Sueur que les curieux estiment.

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Il y a un païsage en perspective de Francisque que l’on doit aller voir dans une des maisons du cloître.

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Dans le grand espace qui est entre le vieux Louvre & le palais des Tuilleries sont plusieurs belles maisons, entr’autres :

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Dans le grand espace qui est entre le vieux Louvre & le palais des Tuilleries sont plusieurs belles maisons, entr’autres :

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- , où demeure l’illustre maréchal de ce nom. Au dehors il ne paroît pas beaucoup, cependant les dedans sont fort propres & l’escalier surtout est d’un très beau dessein. Dans la rue de Saint-Thomas-du-Louvre est :

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, où demeure l’illustre maréchal de ce nom. Au dehors il ne paroît pas beaucoup, cependant les dedans sont fort propres & l’escalier surtout est d’un très beau dessein. Dans la rue de Saint-Thomas-du-Louvre est :

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- , autrefois l’hôtel d’Épernon, à qui il manque une aile toute entière. Ce qui est achevé est d’un fort beau dessein, principalement le portail d’ordre ionique, comme tout le reste du bâtiment, qui méritoit une place au-devant pour luy donner plus de veuë. Les appartemens en sont commodes & le jardin agréable, quoy qu’il soit enfermé de tous côtez.

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Il ne faut pas négliger d’y voir dans une des chambres un plafon peint par M. Mignard, que l’on estime beaucoup.

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, autrefois l’hôtel d’Épernon, à qui il manque une aile toute entière. Ce qui est achevé est d’un fort beau dessein, principalement le portail d’ordre ionique, comme tout le reste du bâtiment, qui méritoit une place au-devant pour luy donner plus de veuë. Les appartemens en sont commodes & le jardin agréable, quoy qu’il soit enfermé de tous côtez.

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Il ne faut pas négliger d’y voir dans une des chambres un plafon peint par M. Mignard, que l’on estime beaucoup.

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Dans le cul-de-sac voisin est la maison de M. de Guitry, qui est très jolie.

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Dans la mesme rue de Saint-Thomas est aussi :

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Dans le cul-de-sac voisin est la maison de M. de Guitry, qui est très jolie.

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Dans la mesme rue de Saint-Thomas est aussi :

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- , que l’on nommoit auparavant l’hôtel de Rambouillet, autrefois le séjour agréable des muses, & qui sert encore aujourd’huy de retraite & d’azile à tous les beaux esprits, par la protection favorable que leur donne M. le duc de Montausier, cy-devant gouverneur de monseigneur le Dauphin.

-

Après avoir satisfait sa curiosité sur le sujet du Louvre, où l’on peut encore observer plusieurs choses particulières, qu’on ne s’est pas ataché de décrire à cause de la longueur où cette desciption auroit engagé. L’on doit commencer par l’endroit le plus proche.

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, que l’on nommoit auparavant l’hôtel de Rambouillet, autrefois le séjour agréable des muses, & qui sert encore aujourd’huy de retraite & d’azile à tous les beaux esprits, par la protection favorable que leur donne M. le duc de Montausier, cy-devant gouverneur de monseigneur le Dauphin.

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Après avoir satisfait sa curiosité sur le sujet du Louvre, où l’on peut encore observer plusieurs choses particulières, qu’on ne s’est pas ataché de décrire à cause de la longueur où cette desciption auroit engagé. L’on doit commencer par l’endroit le plus proche.

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- - - Le quartier de Saint-Honoré - + + Le quartier de Saint-Honoré
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- - Ce quartier commence par la rue de Saint-Denis, où il y a d’abord une belle suite de maisons bâties d’une mesme symétrie par les soins des chanoines de Saint-Germain-l’Auxerrois, qui en tirent un revenu considérable. Cet endroit a esté élargi sur le cimetière des Saints-Innocens qui est derrière, dont on dit que les charniers qui sont autour ont esté bâtis des confiscations que l’on fit du bien des Juifs lorsqu’ils furent chassez de Paris sous le règne de Philippe Auguste. Il n’est peut-être point de lieu au monde où il y ait un plus grand nombre de corps enterrez ; ce qui fut cause que l’ambassadeur d’Espagne qui estoit à Paris pendant la - 42Ligue conseilla aux Bourgeois, que la famine pressoit cruellement, de faire broyer les os des morts de ce cimetière pour en faire du pain, mais ce conseil ne fut pas suivy, venant d’un espagnol railleur. M. de Mézeray, si connu des sçavans à cause de sa belle Histoire de France, y est enterré. On voit dans ce lieu une pyramide ornée de bas-reliefs, fort estimée, sur laquelle il y a une croix qui fut élevée dans le siècle passé, pendant l’horrible confusion de la Ligue. Il y a aussi dans ce mesme lieu un squelette de l’ouvrage de Germain Pilon. Plus avant on trouve :

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+ Ce quartier commence par la rue de Saint-Denis, où il y a d’abord une belle suite de maisons bâties d’une mesme symétrie par les soins des chanoines de Saint-Germain-l’Auxerrois, qui en tirent un revenu considérable. Cet endroit a esté élargi sur le cimetière des Saints-Innocens qui est derrière, dont on dit que les charniers qui sont autour ont esté bâtis des confiscations que l’on fit du bien des Juifs lorsqu’ils furent chassez de Paris sous le règne de Philippe Auguste. Il n’est peut-être point de lieu au monde où il y ait un plus grand nombre de corps enterrez ; ce qui fut cause que l’ambassadeur d’Espagne qui estoit à Paris pendant la 42Ligue conseilla aux Bourgeois, que la famine pressoit cruellement, de faire broyer les os des morts de ce cimetière pour en faire du pain, mais ce conseil ne fut pas suivy, venant d’un espagnol railleur. M. de Mézeray, si connu des sçavans à cause de sa belle Histoire de France, y est enterré. On voit dans ce lieu une pyramide ornée de bas-reliefs, fort estimée, sur laquelle il y a une croix qui fut élevée dans le siècle passé, pendant l’horrible confusion de la Ligue. Il y a aussi dans ce mesme lieu un squelette de l’ouvrage de Germain Pilon. Plus avant on trouve :

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- , où l’on dit que la reine Brunehault fut traînée à la queue d’une cavalle indomtée, par l’ordre de Clotaire ; mais cette histoire n’est pas bien prouvée & les historiens font douter si cette reine a esté la plus illustre ou la plus méchante de son siècle, car il s’en trouve autant - 43qui disent du bien d’elle, que d’autres qui en disent du mal. Saint Grégoire le Grand, pape ; Grégoire de Tours ; Fortunatus, évêque de Poitiers ; Paul Æmile du Tillet, évêque de Meaux ; & Pasquier, dans ses Recherches de la France, luy donnent des louanges. Ceux qui la condamnent sont Aimoin ; Gaguin, ministre de général des Mathurins ; Belleforest ; du Haillant ; & Vigner, dont les autoritez sont fortes dans l’histoire. Ainsi, l’on auroit de la peine à prendre l’affirmative sur le sujet de cette grande princesse, qui a fait parler d’elle plus qu’aucune reine de France n’a peut-estre jamais fait. Plus bas sont :

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, où l’on dit que la reine Brunehault fut traînée à la queue d’une cavalle indomtée, par l’ordre de Clotaire ; mais cette histoire n’est pas bien prouvée & les historiens font douter si cette reine a esté la plus illustre ou la plus méchante de son siècle, car il s’en trouve autant 43qui disent du bien d’elle, que d’autres qui en disent du mal. Saint Grégoire le Grand, pape ; Grégoire de Tours ; Fortunatus, évêque de Poitiers ; Paul Æmile du Tillet, évêque de Meaux ; & Pasquier, dans ses Recherches de la France, luy donnent des louanges. Ceux qui la condamnent sont Aimoin ; Gaguin, ministre de général des Mathurins ; Belleforest ; du Haillant ; & Vigner, dont les autoritez sont fortes dans l’histoire. Ainsi, l’on auroit de la peine à prendre l’affirmative sur le sujet de cette grande princesse, qui a fait parler d’elle plus qu’aucune reine de France n’a peut-estre jamais fait. Plus bas sont :

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- , qui occupent le lieu où étoit autrefois l’hôtel des Bouchages. Quoy que leur église ne soit pas achevée, elle ne laisse pas pour cela d’estre très belle & d’un dessein fort régulier. Il y a sur leur grand autel un tabernacle d’un goût magnifique d’architecture, dont les colonnes sont - 44d’un marbre de Sicile admirable. C’est un dôme fort élevé, accompagné de quatre portiques soutenus de six colonnes composites hors-d’oeuvre, dont les ornemens sont parfaitement bien ménagez & les proportions fort justes. Une grande fabrique sur ce modèle pouroit contenter les gens les plus difficiles en architecture. Le cardinal de Berulle est enterré dans une chapelle, où l’on pourra voir son tombeau, sur lequel il est représenté en marbre blanc. Il a esté leur fondateur comme tout le monde sçait. Ces pères ont une très belle biblothèque dans un lieu à la vérité un peu obscur, mais cependant qui n’en est pas moins curieuse, parce qu’elle contient un grand nombre d’excellens volumes, imprimez & manuscrits, entre lesquels il y en a un bon nombre de grecs & d’arabes, qui leur ont esté donnéz par monsieur de Sancy, ambassadeur de France à la Porte, qui dans tout le temps de son ambassa - 45de fit une recherche exacte de tout ce qu’il y avoit de plus rare à Constantinople resté des Grecs & que la barbarie des Turcs avoit épargné. Cette bibliothèque ne peut estre mieux qu’entre les mains de ces pères, parce que parmy eux il se trouve des personnes d’une très profonde doctrine, comme il paroît dans leurs ouvrages qui sont recherchez de tout ce qu’il y a de sçavant. On pourroit nommer icy le père Le Cointe & le père Senault, qui ont laissé tous deux de si beaux écrits, l’un sur l’histoire & l’autre sur la philosophie morale ; le père Malbranche, qui a fait la Recherche de la vérité ; le père Thomassin, qui a donné la Discipline de l’Église en trois volumes in-folio -  ; le père Dubois, qui travaille encore, par ordre de monseigneur l’Archevêque, à l’histoire ecclésiastique de Paris. Cette congrégation fournit encore les plus habiles prédicateurs. Monsieur l’évêque d’Agen, qui faisoit tant de bruit sous - 46le nom du père Mascaron, dont les sermons estoient courus avec empressement ; le père Le Boust ; & le père Hubert, qui a presché un caresme à Nostre-Dame avec un concours très grand & l’année dernière à la cour ; sans parler du père Morin & de quelques autres fameux qui vivoient il n’y a pas encore longtemps.

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Au sortir des pères de l’Oratoire, en suivant toujours la rue Saint-Honoré, on doit entrer dans :

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, qui occupent le lieu où étoit autrefois l’hôtel des Bouchages. Quoy que leur église ne soit pas achevée, elle ne laisse pas pour cela d’estre très belle & d’un dessein fort régulier. Il y a sur leur grand autel un tabernacle d’un goût magnifique d’architecture, dont les colonnes sont 44d’un marbre de Sicile admirable. C’est un dôme fort élevé, accompagné de quatre portiques soutenus de six colonnes composites hors-d’oeuvre, dont les ornemens sont parfaitement bien ménagez & les proportions fort justes. Une grande fabrique sur ce modèle pouroit contenter les gens les plus difficiles en architecture. Le cardinal de Berulle est enterré dans une chapelle, où l’on pourra voir son tombeau, sur lequel il est représenté en marbre blanc. Il a esté leur fondateur comme tout le monde sçait. Ces pères ont une très belle biblothèque dans un lieu à la vérité un peu obscur, mais cependant qui n’en est pas moins curieuse, parce qu’elle contient un grand nombre d’excellens volumes, imprimez & manuscrits, entre lesquels il y en a un bon nombre de grecs & d’arabes, qui leur ont esté donnéz par monsieur de Sancy, ambassadeur de France à la Porte, qui dans tout le temps de son ambassa 45de fit une recherche exacte de tout ce qu’il y avoit de plus rare à Constantinople resté des Grecs & que la barbarie des Turcs avoit épargné. Cette bibliothèque ne peut estre mieux qu’entre les mains de ces pères, parce que parmy eux il se trouve des personnes d’une très profonde doctrine, comme il paroît dans leurs ouvrages qui sont recherchez de tout ce qu’il y a de sçavant. On pourroit nommer icy le père Le Cointe & le père Senault, qui ont laissé tous deux de si beaux écrits, l’un sur l’histoire & l’autre sur la philosophie morale ; le père Malbranche, qui a fait la Recherche de la vérité ; le père Thomassin, qui a donné la Discipline de l’Église en trois volumes in-folio +  ; le père Dubois, qui travaille encore, par ordre de monseigneur l’Archevêque, à l’histoire ecclésiastique de Paris. Cette congrégation fournit encore les plus habiles prédicateurs. Monsieur l’évêque d’Agen, qui faisoit tant de bruit sous 46le nom du père Mascaron, dont les sermons estoient courus avec empressement ; le père Le Boust ; & le père Hubert, qui a presché un caresme à Nostre-Dame avec un concours très grand & l’année dernière à la cour ; sans parler du père Morin & de quelques autres fameux qui vivoient il n’y a pas encore longtemps.

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Au sortir des pères de l’Oratoire, en suivant toujours la rue Saint-Honoré, on doit entrer dans :

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- , que le peuple a nommé Palais Royal parce que le roy y a esté élevé. L’hôtel de Sillery estoit autrefois dans la petite place qui est devant la porte que le cardinal de Richelieu fit abatre pour donner plus de beauté à son palais, qu’il faisoit bâtir sur les desseins du sieur Mercier & qui eût donné un peu plus d’élévation à ses bâtimens. Aussi, c’est la seule chose qui manque à celuy-cy, qui du reste est très com - 47mode. Il est composé de deux cours quarrées, dont la première & la plus petite est entourés de bâtimens. La seconde est séparée du jardin par une suite d’arcades qui soutiennent une galerie découverte qui joint les deux ailes. Aux travers de ces arcades qui sont fermées de grilles de fer, on voit le jardin, dressé par monsieur Le Nostre sur le modèle des Tuileries. Pour les appartemens, ils sont beaux & fort commodes, & toute la cour y a longtemps logé pendant la régence. Il faut voir surtout la galerie, où le cardinal de Richelieu a fait peindre tous les hommes illustres de France, depuis Suger, abbé de Saint-Denys, jusqu’à son ministère, c’est à dire de l’histoire de France, depuis Louis le Jeune jusqu’au règne de Louis XIII. Monsieur le duc d’Orléans y demeure à présent, quoy qu’il appartienne encore au roy, à qui le cardinal de Richelieu le laissa par son testament, avec cinq cent mille écus & la belle tenture de tapisse - 48rie que l’on expose à la grande feste de Dieu.

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, que le peuple a nommé Palais Royal parce que le roy y a esté élevé. L’hôtel de Sillery estoit autrefois dans la petite place qui est devant la porte que le cardinal de Richelieu fit abatre pour donner plus de beauté à son palais, qu’il faisoit bâtir sur les desseins du sieur Mercier & qui eût donné un peu plus d’élévation à ses bâtimens. Aussi, c’est la seule chose qui manque à celuy-cy, qui du reste est très com 47mode. Il est composé de deux cours quarrées, dont la première & la plus petite est entourés de bâtimens. La seconde est séparée du jardin par une suite d’arcades qui soutiennent une galerie découverte qui joint les deux ailes. Aux travers de ces arcades qui sont fermées de grilles de fer, on voit le jardin, dressé par monsieur Le Nostre sur le modèle des Tuileries. Pour les appartemens, ils sont beaux & fort commodes, & toute la cour y a longtemps logé pendant la régence. Il faut voir surtout la galerie, où le cardinal de Richelieu a fait peindre tous les hommes illustres de France, depuis Suger, abbé de Saint-Denys, jusqu’à son ministère, c’est à dire de l’histoire de France, depuis Louis le Jeune jusqu’au règne de Louis XIII. Monsieur le duc d’Orléans y demeure à présent, quoy qu’il appartienne encore au roy, à qui le cardinal de Richelieu le laissa par son testament, avec cinq cent mille écus & la belle tenture de tapisse 48rie que l’on expose à la grande feste de Dieu.

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- Il ne faut pas oublier d’aller voir le cabinet de monsieur le chevalier de Lorraine, où il y a des tableaux très curieux des meilleurs maîtres. Il est proche du jardin, ce qui ne contribue pas peu à sa beauté.

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Il ne faut pas oublier d’aller voir le cabinet de monsieur le chevalier de Lorraine, où il y a des tableaux très curieux des meilleurs maîtres. Il est proche du jardin, ce qui ne contribue pas peu à sa beauté.

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- Dans une salle de ce palais est le théâtre où l’on représente les opéra du fameux M. de Lully, qui attirent tous les jours une foule de personnes qui aiment la musique. On ne donne point en Europe de plus agréables spectacles, soit pour la dance, soit pour la symphonie, ou enfin pour la singularité des habits ; mais ce que l’on doit considérer davantage est l’accord merveilleux de la musique françoise avec l’italienne, qui avoit esté regardée auparavant comme une chose impossible & ou cependant cet auteur a très bien réussi, aussi le goûst du siècle a sçu récompenser son génie extraordinaire, car il tire un très grand profit de la représen - 49tation de ses pièces, dont les vers sont ordinairement de monsieur Quinault, de l’Académie françoise. Monsieur Corneille le Jeune y a aussi travaillé & c’est luy qui a fait Bellorophon. En continuant son chemin, on trouve :

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Dans une salle de ce palais est le théâtre où l’on représente les opéra du fameux M. de Lully, qui attirent tous les jours une foule de personnes qui aiment la musique. On ne donne point en Europe de plus agréables spectacles, soit pour la dance, soit pour la symphonie, ou enfin pour la singularité des habits ; mais ce que l’on doit considérer davantage est l’accord merveilleux de la musique françoise avec l’italienne, qui avoit esté regardée auparavant comme une chose impossible & ou cependant cet auteur a très bien réussi, aussi le goûst du siècle a sçu récompenser son génie extraordinaire, car il tire un très grand profit de la représen 49tation de ses pièces, dont les vers sont ordinairement de monsieur Quinault, de l’Académie françoise. Monsieur Corneille le Jeune y a aussi travaillé & c’est luy qui a fait Bellorophon. En continuant son chemin, on trouve :

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- , que saint Louis fit bâtir autrefois pour trois cens gentilhommes aveugles qu’il ramena de la Terre sainte, où ils avoient perdu la veuë en combattant contre les Sarazins. Sur la porte de l’église de cet hôpital, il y a une statue de ce saint roy, quoique mal faite, qui lui ressemble très bien, ce que prétendent les Antiquaires. Plus avant dans la mesme rue est :

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, que saint Louis fit bâtir autrefois pour trois cens gentilhommes aveugles qu’il ramena de la Terre sainte, où ils avoient perdu la veuë en combattant contre les Sarazins. Sur la porte de l’église de cet hôpital, il y a une statue de ce saint roy, quoique mal faite, qui lui ressemble très bien, ce que prétendent les Antiquaires. Plus avant dans la mesme rue est :

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- , qui est la paroisse de tout ce quartier, où il y a un très beau crucifix de monsieur Anguerre.

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, qui est la paroisse de tout ce quartier, où il y a un très beau crucifix de monsieur Anguerre.

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- est un peu plus haut, où il n’y a pas de grandes curiositez, si ce n’est la - 50bibliothèque, qui est une des plus jolies de Paris.

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est un peu plus haut, où il n’y a pas de grandes curiositez, si ce n’est la 50bibliothèque, qui est une des plus jolies de Paris.

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- On pourra voir ensuite le portail d’ordre ionique de la maison de monsieur Pussort, conseiller d’Estat, bâti nouvellement, avec un attique au-dessus, dans lequel sont les armes du maître du logis. C’est un morceau d’architecture d’un très bon goûst. La maison au dedans est belle, surtout du côté du jardin, qui est très beau & très agréable.

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On pourra voir ensuite le portail d’ordre ionique de la maison de monsieur Pussort, conseiller d’Estat, bâti nouvellement, avec un attique au-dessus, dans lequel sont les armes du maître du logis. C’est un morceau d’architecture d’un très bon goûst. La maison au dedans est belle, surtout du côté du jardin, qui est très beau & très agréable.

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- se trouve fort proche du mesme côté. Henry III les fit venir du Languedoc, au nombre de soixante, avec le bien-heureux Jean de La Barrière, auteur de la réforme de l’ordre de saint Bernard. D’abord, ils logèrent aux bois de Vincennes, en attendant que cette maison qu’on leur bâtissoit fût achevée. La grande porte qui donne sur la rue Saint-Honoré est nouvellement bâtie. Elle est composée de quatre colonnes corinthiennes qui soutiennent un fronton - 51où sont les armes de France. La première cour, qui sert comme de parvis à l’église, est fort jolie & le bâtiment qui est sur la porte par où l’on entre n’est pas mal ordonné. Le portail de l’église est un des plus régulier de tout Paris & c’est le premier coup d’essay de monsieur Mansard. Il y a deux ordres de colonnes, ioniques & corinthiennes, canellées & accompagnées d’ornemens. Dans l’église, il y a quelques chapelles assez belles, entre autres celle de monsieur le marquis de Rostaing, embelie à peu près comme celle de Saint-Germain-l’Auxerrois, avec des colonnes & des busts de marbre. À côté du grand autel, on trouvera un tombeau à l’antique, de marbre blanc, où il y a une grande urne de mesme, très bien travaillée. Quoiqu’il soit sans épitaphe, on juge par les armes qui sont sur le devant qu’il appartient à l’illustre maison de Rohan. Le chœur où chantent les religieux, derrière le grand autel, - 52est orné de tableaux qui représentent les principales action de la vie de Nostre Seigneur.

-

Ces pères ont des ornemens magnifiques qui ont esté donnez, aussi bien que leur argenterie, par des personnes de considérations. Ils ont une bibliothèque qui n’est pas des plus nombreuses, mais cependant où il y a des livres curieux. Dans leur cloistre, on verra des peintures qui représentent la vie de saint Bernard, leur instituteur. Parmy ces religieux, il y a des prédicateurs célèbres, comme le révérend - père dom Cosme, à présent évêque de Lombez ; la révérend - père Hierosme ; & quelques autres.

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On passera ensuite devant les Capucins, où il n’y rien de remarquable, pour aller voir :

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se trouve fort proche du mesme côté. Henry III les fit venir du Languedoc, au nombre de soixante, avec le bien-heureux Jean de La Barrière, auteur de la réforme de l’ordre de saint Bernard. D’abord, ils logèrent aux bois de Vincennes, en attendant que cette maison qu’on leur bâtissoit fût achevée. La grande porte qui donne sur la rue Saint-Honoré est nouvellement bâtie. Elle est composée de quatre colonnes corinthiennes qui soutiennent un fronton 51où sont les armes de France. La première cour, qui sert comme de parvis à l’église, est fort jolie & le bâtiment qui est sur la porte par où l’on entre n’est pas mal ordonné. Le portail de l’église est un des plus régulier de tout Paris & c’est le premier coup d’essay de monsieur Mansard. Il y a deux ordres de colonnes, ioniques & corinthiennes, canellées & accompagnées d’ornemens. Dans l’église, il y a quelques chapelles assez belles, entre autres celle de monsieur le marquis de Rostaing, embelie à peu près comme celle de Saint-Germain-l’Auxerrois, avec des colonnes & des busts de marbre. À côté du grand autel, on trouvera un tombeau à l’antique, de marbre blanc, où il y a une grande urne de mesme, très bien travaillée. Quoiqu’il soit sans épitaphe, on juge par les armes qui sont sur le devant qu’il appartient à l’illustre maison de Rohan. Le chœur où chantent les religieux, derrière le grand autel, 52est orné de tableaux qui représentent les principales action de la vie de Nostre Seigneur.

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Ces pères ont des ornemens magnifiques qui ont esté donnez, aussi bien que leur argenterie, par des personnes de considérations. Ils ont une bibliothèque qui n’est pas des plus nombreuses, mais cependant où il y a des livres curieux. Dans leur cloistre, on verra des peintures qui représentent la vie de saint Bernard, leur instituteur. Parmy ces religieux, il y a des prédicateurs célèbres, comme le révérend + père dom Cosme, à présent évêque de Lombez ; la révérend + père Hierosme ; & quelques autres.

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On passera ensuite devant les Capucins, où il n’y rien de remarquable, pour aller voir :

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- . Ces religieuses demeuroient autrefois dans la rue de la Mortellerie, où elles estoient hospitalières sous le nom d’Haudriettes, à cause qu’un certain Estienne Haudry, écuyer du - 53 - roi saint Louis, les avoit fondées en ce lieu pour servir & pour héberger les pauvres malades, comme disent les historiens. Mais se trouvant trop pressées dans cette rue, elles sont venues se loger en cet endroit, où elles ont changé de nom en changeant de situation. Depuis quelques années, elles ont fait élever de grands bâtimens, & surtout leur église, qui est un dôme, ou coupole à la romaine, fort élevé, sans aucuns accompagnemens ; dont le dedans est orné de grands pilastres corinthiens qui soutiennent une corniche sur laquelle est un rang de croisées, entre lesquelles il y a des tableaux de la vie de Sainte Vierge assez bien peints. Mais le plafon du dôme est ce qu’il faut remarquer, qui est de M. de La Fosse. Il représente une Assomption avec plusieurs anges qui suivent & qui enlèvent la Sainte Vierge, d’une hardiesse & d’une disposition la plus belle du monde. On doit regarder cette pièce comme - 54une des plus achevées de Paris. Le chœur des religieuses est assez beau, mais on a de la peine à le voir à cause de la grande grille qui le sépare de l’église, qui n’est pas mal copiée sur celle du Val-de-Grâce. En sortant, il faut regarder le portique soutenu sur huit colonnes corinthiennes avec un fronton & une corniche, dont les sculptures ne sont pas encore achevées. Tout ce bâtiment est du dessein de M. Hérard, directeur de l’Académie des peintres, que le roy entretient à Rome.

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. Ces religieuses demeuroient autrefois dans la rue de la Mortellerie, où elles estoient hospitalières sous le nom d’Haudriettes, à cause qu’un certain Estienne Haudry, écuyer du 53 roi saint Louis, les avoit fondées en ce lieu pour servir & pour héberger les pauvres malades, comme disent les historiens. Mais se trouvant trop pressées dans cette rue, elles sont venues se loger en cet endroit, où elles ont changé de nom en changeant de situation. Depuis quelques années, elles ont fait élever de grands bâtimens, & surtout leur église, qui est un dôme, ou coupole à la romaine, fort élevé, sans aucuns accompagnemens ; dont le dedans est orné de grands pilastres corinthiens qui soutiennent une corniche sur laquelle est un rang de croisées, entre lesquelles il y a des tableaux de la vie de Sainte Vierge assez bien peints. Mais le plafon du dôme est ce qu’il faut remarquer, qui est de M. de La Fosse. Il représente une Assomption avec plusieurs anges qui suivent & qui enlèvent la Sainte Vierge, d’une hardiesse & d’une disposition la plus belle du monde. On doit regarder cette pièce comme 54une des plus achevées de Paris. Le chœur des religieuses est assez beau, mais on a de la peine à le voir à cause de la grande grille qui le sépare de l’église, qui n’est pas mal copiée sur celle du Val-de-Grâce. En sortant, il faut regarder le portique soutenu sur huit colonnes corinthiennes avec un fronton & une corniche, dont les sculptures ne sont pas encore achevées. Tout ce bâtiment est du dessein de M. Hérard, directeur de l’Académie des peintres, que le roy entretient à Rome.

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- Après cette course, l’on ne doit pas aller plus loin, car il n’y a rien de considérable dans le faux-bourg de Saint-Honoré, si ce n’est l’atelier de monsieur Anguerre, où il y a quelques ouvrages de sculpture, & la pépinière, où l’on voit au printemps de très belles fleurs. Elle appartient au roy, qui l’a fait faire afin de fournir aux Tuileries toutes les fleurs dont on a besoin pour garnir les parterres. Il y a aussi un - 55grand nombre d’orangers qui sont très bien entretenus.

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Devant les filles de l’Assomption, est :

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Après cette course, l’on ne doit pas aller plus loin, car il n’y a rien de considérable dans le faux-bourg de Saint-Honoré, si ce n’est l’atelier de monsieur Anguerre, où il y a quelques ouvrages de sculpture, & la pépinière, où l’on voit au printemps de très belles fleurs. Elle appartient au roy, qui l’a fait faire afin de fournir aux Tuileries toutes les fleurs dont on a besoin pour garnir les parterres. Il y a aussi un 55grand nombre d’orangers qui sont très bien entretenus.

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Devant les filles de l’Assomption, est :

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- , qui appartient à monsieur le maréchal de Luxembourg, qui y demeure, dont le jardin est fort agréable. Ensuite sont :

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, qui appartient à monsieur le maréchal de Luxembourg, qui y demeure, dont le jardin est fort agréable. Ensuite sont :

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- , qui ont esté fondées par Henry IV, suivant la pieuse intention de Louise de Loraine, veuve de Henry III. Elles vivent d’une manière très austère. À côté de leur porte, l’on a bâti une fontaine sur laquelle sont ces deux vers de monsieur de Santeuil.

- - - Tot loca sacra inter pura est quæ labitur unda, - Hanc non impuro, quisquis es, ore bibas. 1674. - - +

, qui ont esté fondées par Henry IV, suivant la pieuse intention de Louise de Loraine, veuve de Henry III. Elles vivent d’une manière très austère. À côté de leur porte, l’on a bâti une fontaine sur laquelle sont ces deux vers de monsieur de Santeuil.

+ + Tot loca sacra inter pura est quæ labitur unda, + Hanc non impuro, quisquis es, ore bibas. 1674. +
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- est après, qui occupe un long espace sur la rue. Il a esté bâti par le duc de Vendôme, fils naturel de Henry - 56IV, qui y a toujours demeuré. À présent il n’est pas habité. Le dedans est fort beau & la face du grand escalier qui est du dessein de M. Mansard est orné de plusieurs colonnes, qui en entrant font un bel effet. Le jardin est grand, mais il est négligé, comme tout le reste de la maison. Monsieur le duc de Vendôme, gouverneur de Provence & petit-fils de celui dont on vient de parler, demeure à présent dans le Temple, avec monsieur le grand prieur de France, son frère.

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- La rue Saint-Honoré parcourue, il faut prendre le quartier le plus proche, qui est celui de la butte Saint-Roch.

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est après, qui occupe un long espace sur la rue. Il a esté bâti par le duc de Vendôme, fils naturel de Henry 56IV, qui y a toujours demeuré. À présent il n’est pas habité. Le dedans est fort beau & la face du grand escalier qui est du dessein de M. Mansard est orné de plusieurs colonnes, qui en entrant font un bel effet. Le jardin est grand, mais il est négligé, comme tout le reste de la maison. Monsieur le duc de Vendôme, gouverneur de Provence & petit-fils de celui dont on vient de parler, demeure à présent dans le Temple, avec monsieur le grand prieur de France, son frère.

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La rue Saint-Honoré parcourue, il faut prendre le quartier le plus proche, qui est celui de la butte Saint-Roch.

- - - Le quartier de la butte Saint-Roch - + + Le quartier de la butte Saint-Roch

- Pour voir ce quartier de suite, on peut commencer par la rue de Richelieu. En entrant, on trouvera d’abord main droite :

- + Pour voir ce quartier de suite, on peut commencer par la rue de Richelieu. En entrant, on trouvera d’abord main droite :

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- - Le palais Brion - + Le palais Brion

- Le peuple le nomme ainsi à cause que monsieur le duc d’Amville, comte de Brion, y a demeuré quelque temps. Ce bâtiment fait une partie du Palais Royal, & a esté commencé par le cardinal de Richelieu, qui l’avoit destiné pour y mettre sa bibliothèque. Le roy, depuis quelques années, y a logé deux académies : celle de peinture & celle d’architecture. La première fût établie par M. des Noyers, sous la direction de M. de Chambray, frère de M. de Chant-Loup, duquel on voit d’excellens ouvrages imprimez, entre autres, le Paralelle de l’Architecture ancienne avec la moderne, le Palladio traduit en françois, &c. Cette académie fut rétablie par monsieur le chancellier Séguier, à la mort duquel on fit un si beau catafalque aux pères de l’Oratoire aux dépens de cette compagnie, comme à leur - 58 protecteur. Monsieur Colbert luy succéda en cette charge & à l’affection qu’il luy portoit. Tous les jours, on expose un homme nud, qui est le modèle, que le jeunes écoliers dessinent pour apprendre de la nature mesme le grand art de la peinture, qui demande une étude très assidue. La grande salle où s’assemble ceux qui la composent est remplie de quantité de tableaux des plus habiles maîtres de cette académie, de toutes les pièces qui ont mérité ce prix, que l’on distribue pour donner de l’émulation aux jeunes peintres ; & de celles qui ont servi de chef-d’œuvre à ceux qui ont voulu estre reçus. Les portraits et les busts de quelques personnes qui ont contribué à son établissement y sont aussi. Comme la peinture n’est pas la seule chose que l’on y exerce, & que la sculpture en est aussi, l’on a fait venir de Rome des modèles en plâtre des plus belles statues antiques, comme de la Florence, de l’Hercule Farnèze, de la Vé - 59nus Médicis, des athlètes & de quelques autres. On y verra aussi des bas-reliefs des sculpteurs qui se sont distinguez d’entre les autres. Voicy les noms de ceux qui composent à présens cette académie :

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- Monsieur Le Brun, escuyer, premier peintre du roy, chancelier & principal recteur de l’Académie.

+ Le peuple le nomme ainsi à cause que monsieur le duc d’Amville, comte de Brion, y a demeuré quelque temps. Ce bâtiment fait une partie du Palais Royal, & a esté commencé par le cardinal de Richelieu, qui l’avoit destiné pour y mettre sa bibliothèque. Le roy, depuis quelques années, y a logé deux académies : celle de peinture & celle d’architecture. La première fût établie par M. des Noyers, sous la direction de M. de Chambray, frère de M. de Chant-Loup, duquel on voit d’excellens ouvrages imprimez, entre autres, le Paralelle de l’Architecture ancienne avec la moderne, le Palladio traduit en françois, &c. Cette académie fut rétablie par monsieur le chancellier Séguier, à la mort duquel on fit un si beau catafalque aux pères de l’Oratoire aux dépens de cette compagnie, comme à leur 58 protecteur. Monsieur Colbert luy succéda en cette charge & à l’affection qu’il luy portoit. Tous les jours, on expose un homme nud, qui est le modèle, que le jeunes écoliers dessinent pour apprendre de la nature mesme le grand art de la peinture, qui demande une étude très assidue. La grande salle où s’assemble ceux qui la composent est remplie de quantité de tableaux des plus habiles maîtres de cette académie, de toutes les pièces qui ont mérité ce prix, que l’on distribue pour donner de l’émulation aux jeunes peintres ; & de celles qui ont servi de chef-d’œuvre à ceux qui ont voulu estre reçus. Les portraits et les busts de quelques personnes qui ont contribué à son établissement y sont aussi. Comme la peinture n’est pas la seule chose que l’on y exerce, & que la sculpture en est aussi, l’on a fait venir de Rome des modèles en plâtre des plus belles statues antiques, comme de la Florence, de l’Hercule Farnèze, de la Vé 59nus Médicis, des athlètes & de quelques autres. On y verra aussi des bas-reliefs des sculpteurs qui se sont distinguez d’entre les autres. Voicy les noms de ceux qui composent à présens cette académie :

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Monsieur Le Brun, escuyer, premier peintre du roy, chancelier & principal recteur de l’Académie.

Recteurs - - M. Anguier, peintre ; - - M. Girardon, sculpteur. + M. Anguier, peintre ; + M. Girardon, sculpteur. Adjoints à recteurs - - M. de Sève l’Aîné, peintre ; - - M. Desjardin, sculpteur. + M. de Sève l’Aîné, peintre ; + M. Desjardin, sculpteur. Conseillers-professeurs - - M. Beaubrun, peintre, professeur & trésorier ; - - M. Buistier, sculpteur ; - - M. Mauperché, peintre ; - - M. Buiret, sculpteur ; - - M. Coyel, peintre. + M. Beaubrun, peintre, professeur & trésorier ; + M. Buistier, sculpteur ; + M. Mauperché, peintre ; + M. Buiret, sculpteur ; + M. Coyel, peintre. - + 60 Professeurs - - M. Regnaudin, sculpteur ; - - M. Pailler, peintre ; - - M. de Sève, peintre ; - - M. Blanchard, peintre ; - - M. de La Fosse, peintre ; - - M. Le Hongre, sculpteur ; - - M. Coyzevaux, scupteur ; - - M. Houasse, peintre ; - - M. Tubby, sculpteur ; - - M. Audran, peintre ; - - M.Jouvenet, peintre ; - - M. Montaigne, peintre. + M. Regnaudin, sculpteur ; + M. Pailler, peintre ; + M. de Sève, peintre ; + M. Blanchard, peintre ; + M. de La Fosse, peintre ; + M. Le Hongre, sculpteur ; + M. Coyzevaux, scupteur ; + M. Houasse, peintre ; + M. Tubby, sculpteur ; + M. Audran, peintre ; + M.Jouvenet, peintre ; + M. Montaigne, peintre. Adjoints à professeurs - - M. Corneille l’Aîné, peintre ; - - M. Rabon, sculpteur ; - - M. Monier, peintre ; - - M. Massou, sculpteur ; - - M. Verdier, peintre ; - - M. Licherye, peintre ; - - M. de Nameur, peintre. + M. Corneille l’Aîné, peintre ; + M. Rabon, sculpteur ; + M. Monier, peintre ; + M. Massou, sculpteur ; + M. Verdier, peintre ; + M. Licherye, peintre ; + M. de Nameur, peintre. - + 61 - Professeurs en géométrie, perspective & anatomie - - M. Leclerc, graveur, professeur en géométrie & perspective ; - - M. Friquet, peintre, professeur en anatomie. + Professeurs en géométrie, perspective & anatomie + M. Leclerc, graveur, professeur en géométrie & perspective ; + M. Friquet, peintre, professeur en anatomie. Conseillers - - M. Rousselet, graveur ; - - M. Yvart, peintre ; - - M. Tortebat, peintre ; - - M. Rabon, peintre ; - - M. Silvestre, graveur ; - - M. Edelinck, graveur ; - - M. Baptiste Monoyé, peintre ; - - M. Hérault, peintre ; - - M. Vandermeulin, peintre ; - - M. Audran, graveur ; - - M. Guérin, secrétaire ; - - M. de Saint-Georges, historiographe ; - - M. Joblo, aide à professeur en géométrie ; - - M. Le Maire, peintre ; - - M. Vleugels, peintre ; - - M. Valet, graveur ; - - M. Picard, graveur ; - + M. Rousselet, graveur ; + M. Yvart, peintre ; + M. Tortebat, peintre ; + M. Rabon, peintre ; + M. Silvestre, graveur ; + M. Edelinck, graveur ; + M. Baptiste Monoyé, peintre ; + M. Hérault, peintre ; + M. Vandermeulin, peintre ; + M. Audran, graveur ; + M. Guérin, secrétaire ; + M. de Saint-Georges, historiographe ; + M. Joblo, aide à professeur en géométrie ; + M. Le Maire, peintre ; + M. Vleugels, peintre ; + M. Valet, graveur ; + M. Picard, graveur ; + 62 - - M. Huilliot, peintre ; - - M. Genoelle, peintre ; - - M. Legros, sculpteur ; - - M. Mainer, sculpteur ; - - M. Vignon, peintre ; - - M. Mazeline, sculpteur ; - - M. Hallier, peintre ; - - M. Garnier, peintre ; - - M. Bourguignon, peintre ; - - M. Mignard, peintre ; - - M. Lalemant, peintre ; - - M. Cotelle, peintre ; - - M. Armand, peintre ; - - M. Baudet, graveur ; - - M. Nocret, peintre ; - - M. de Trois, peintre ; - - M. Corneille, peintre ; - - M. Bonnemer, peintre ; - - M. Facus, peintre ; - - M. Tiger, peintre ; - - M. Lambert, peintre ; - - M. Le Comte, sculpteur ; - - M. Fredemontagne, peintre ; - - M. Lespingola, sculpteur ; - - M. Natié, peintre ; - - M. Chéron, peintre ; - + M. Huilliot, peintre ; + M. Genoelle, peintre ; + M. Legros, sculpteur ; + M. Mainer, sculpteur ; + M. Vignon, peintre ; + M. Mazeline, sculpteur ; + M. Hallier, peintre ; + M. Garnier, peintre ; + M. Bourguignon, peintre ; + M. Mignard, peintre ; + M. Lalemant, peintre ; + M. Cotelle, peintre ; + M. Armand, peintre ; + M. Baudet, graveur ; + M. Nocret, peintre ; + M. de Trois, peintre ; + M. Corneille, peintre ; + M. Bonnemer, peintre ; + M. Facus, peintre ; + M. Tiger, peintre ; + M. Lambert, peintre ; + M. Le Comte, sculpteur ; + M. Fredemontagne, peintre ; + M. Lespingola, sculpteur ; + M. Natié, peintre ; + M. Chéron, peintre ; + 63 - - M. Parossel, peintre ; - - M. de La Mare Richard + M. Parossel, peintre ; + M. de La Mare Richard , peintre ; - - M. Boulogne, peintre ; - - M. Allegrein, peintre ; - - M. Loir, graveur ; - - M. Masson, graveur ; - - M. Manier fils, sculpteur ; - - M. Flamand, sculpteur ; - - M. Vancleve, sculpteur ; - - M. Vanbecq, peintre ; - - M. Rabon fils, peintre ; - - M. Beville, peintre ; - - M. Cornu, sculpteur ; - - M. Boulongne le Jeune, peintre ; - - M. Le Blon, peintre ; - - M. Toutin, peintre ; - - M. Coypel fils, peintre ; - - M. Benoist, peintre ; - - M. Arnoul, peintre ; - - M. Giffard, graveur ; - - M. Person, peintre ; - - M. Alexandre, peintre ; - - M. Prou, sculpteur ; - - M. Carré, peintre ; - - M. Hallé, peintre ; - - M. Lemoine, peintre, décorateur. + M. Boulogne, peintre ; + M. Allegrein, peintre ; + M. Loir, graveur ; + M. Masson, graveur ; + M. Manier fils, sculpteur ; + M. Flamand, sculpteur ; + M. Vancleve, sculpteur ; + M. Vanbecq, peintre ; + M. Rabon fils, peintre ; + M. Beville, peintre ; + M. Cornu, sculpteur ; + M. Boulongne le Jeune, peintre ; + M. Le Blon, peintre ; + M. Toutin, peintre ; + M. Coypel fils, peintre ; + M. Benoist, peintre ; + M. Arnoul, peintre ; + M. Giffard, graveur ; + M. Person, peintre ; + M. Alexandre, peintre ; + M. Prou, sculpteur ; + M. Carré, peintre ; + M. Hallé, peintre ; + M. Lemoine, peintre, décorateur. - + 64
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- Dans une galerie basse, l’on conserve quantité de busts & de statues antiques que le roy a fait venir d’Italie. Il y en a un nombre très considérable, qui sont rangez sur des degrez en manière d’amphithéâtre. Dans le mesme lieu, il y a un modèle en plâtre de la belle colonne que le sénat & le peuple romain consacrèrent à la mémoire de l’empereur Trajan, qui est le plus beau monument resté de l’ancienne grandeur de Rome, où l’on connoist le mieux la perfection où les Anciens avoient porté le dessein. Le roy l’a fait tirer avec une dépense très grande, & il en a coûté prés de deux cens mille francs. François premier avoit fait la mesme chose dans le dessein d’en faire élever une de mesme à Fontainebleau. Mais la mort l’ayant prévenu, les creux furent si négligez que l’on s’en servit pour bâtir une écurie. M. Félibien a le soin de ces choses & de les placer dans la situation qui leur convient. Per - 65sonne ne s’y entend mieux que luy, comme on le peut connoître par les beaux ouvrages qu’il a donnez. On dira dans son lieu combien les sçavans luy sont obligez des livres dont il a enrichi la république des lettres, comme du dictionnaire des arts, de la vie des peintres, qu’il a fait faire en quatre volumes parfaitement bien écrits, sans lesquels on n’auroit presque rien sur ce sujet, & plusieurs pièces détachées sur divers sujets d’architecture & de peinture.

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Dans une galerie basse, l’on conserve quantité de busts & de statues antiques que le roy a fait venir d’Italie. Il y en a un nombre très considérable, qui sont rangez sur des degrez en manière d’amphithéâtre. Dans le mesme lieu, il y a un modèle en plâtre de la belle colonne que le sénat & le peuple romain consacrèrent à la mémoire de l’empereur Trajan, qui est le plus beau monument resté de l’ancienne grandeur de Rome, où l’on connoist le mieux la perfection où les Anciens avoient porté le dessein. Le roy l’a fait tirer avec une dépense très grande, & il en a coûté prés de deux cens mille francs. François premier avoit fait la mesme chose dans le dessein d’en faire élever une de mesme à Fontainebleau. Mais la mort l’ayant prévenu, les creux furent si négligez que l’on s’en servit pour bâtir une écurie. M. Félibien a le soin de ces choses & de les placer dans la situation qui leur convient. Per 65sonne ne s’y entend mieux que luy, comme on le peut connoître par les beaux ouvrages qu’il a donnez. On dira dans son lieu combien les sçavans luy sont obligez des livres dont il a enrichi la république des lettres, comme du dictionnaire des arts, de la vie des peintres, qu’il a fait faire en quatre volumes parfaitement bien écrits, sans lesquels on n’auroit presque rien sur ce sujet, & plusieurs pièces détachées sur divers sujets d’architecture & de peinture.

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- La seconde académie logée dans le palais Brion, qui occupe les appartemens qui sont au fond de la cour, est celle d’architecture, que le roy a établie en 1672 & qu’il a mise sous l’autorité du surintendant des bâtimens, dont l’illustre monsieur Blondel est le directeur, qui a eu l’honneur d’enseigner les mathématiques à monseigneur le Dauphin, & duquel on parlera plus au long lorsqu’on fera la description de son - 66 cabinet, qui est un des plus beaux de Paris. C’est aussi luy qui donne des leçons publiques d’architecture dans ce mesme lieu. La salle où s’assemblent ceux qui la composent est ornée de desseins curieux & on y distinguera entre les autres le modèle que le cavalier Bernin fit du Louvre, lorsque le roy le fit venir exprès de Rome pour ce sujet.

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La seconde académie logée dans le palais Brion, qui occupe les appartemens qui sont au fond de la cour, est celle d’architecture, que le roy a établie en 1672 & qu’il a mise sous l’autorité du surintendant des bâtimens, dont l’illustre monsieur Blondel est le directeur, qui a eu l’honneur d’enseigner les mathématiques à monseigneur le Dauphin, & duquel on parlera plus au long lorsqu’on fera la description de son 66 cabinet, qui est un des plus beaux de Paris. C’est aussi luy qui donne des leçons publiques d’architecture dans ce mesme lieu. La salle où s’assemblent ceux qui la composent est ornée de desseins curieux & on y distinguera entre les autres le modèle que le cavalier Bernin fit du Louvre, lorsque le roy le fit venir exprès de Rome pour ce sujet.

-

- Au milieu de la cour, on a placé un cheval de bronze un peu plus grand que le naturel, que le roy a fait venir de Nancy. Il est élevé sur un pié-d’estal, en attendant qu’on le mette dans un lieu plus exposé à la veue du public.

-

En sortant de ce lieu, il faut aller chez monsieur de La Fosse, qui demeure vis-à-vis, où l’on verra des ouvrages de peinture de sa manière, que l’on estime beaucoup.

-

Il faut remarquer en poursuivant son chemin que la rue de Richelieu, pour sa longueur & pour la - 67beauté des maisons qui sont toutes bâties sur une mesme ligne, est une des plus belles & des plus régulières de Paris. Elle prend son nom du grand cardinal de Richelieu, parce qu’il l’a fit augmenter sous son ministère considérablement, & qu’il fit élever la porte du bout qui mène hors de la ville, du côté de Montmartre. Dans la mesme rue, ces vers sont gravez sur une fontaine, qui sont aussi de M. de Santeuil.

- - - Qui quonquam tenuit magnum moderamen aquarum, - - Richelius, fonti plauderet ipse novo. 1674 - - - -

Plus avant est la maison de M. Mignard. Il a chez luy des choses qui satisferont les curieux. Ensuite on doit aller à :

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Au milieu de la cour, on a placé un cheval de bronze un peu plus grand que le naturel, que le roy a fait venir de Nancy. Il est élevé sur un pié-d’estal, en attendant qu’on le mette dans un lieu plus exposé à la veue du public.

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En sortant de ce lieu, il faut aller chez monsieur de La Fosse, qui demeure vis-à-vis, où l’on verra des ouvrages de peinture de sa manière, que l’on estime beaucoup.

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Il faut remarquer en poursuivant son chemin que la rue de Richelieu, pour sa longueur & pour la 67beauté des maisons qui sont toutes bâties sur une mesme ligne, est une des plus belles & des plus régulières de Paris. Elle prend son nom du grand cardinal de Richelieu, parce qu’il l’a fit augmenter sous son ministère considérablement, & qu’il fit élever la porte du bout qui mène hors de la ville, du côté de Montmartre. Dans la mesme rue, ces vers sont gravez sur une fontaine, qui sont aussi de M. de Santeuil.

+ + Qui quonquam tenuit magnum moderamen aquarum, + Richelius, fonti plauderet ipse novo. 1674 + +

Plus avant est la maison de M. Mignard. Il a chez luy des choses qui satisferont les curieux. Ensuite on doit aller à :

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- , qui porte le nom d’un commandeur de Malte qui l’a fait bâtir après en avoir acheté la place de l’abbé de Saint-Victor, qui en estoit le seigneur. - 68C’est un des ouvrages de monsieur Mansard, où il paroist le plus de dessein. La porte est de bon goust & l’escalier est fort éclairé, ce qui le rend agréable. Les appartemens sont grands & fort élevez, mais à dire le vray, ils ne sont pas si commodes qu’ils sont beaux. Du côté du jardin, il y a deux petits cabinets soutenus sur des colonnes avec beaucoup d’art & d’industrie, mais trop petits pour la grosseur des colonnes qui les soutiennent. Tout joignant est :

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, qui porte le nom d’un commandeur de Malte qui l’a fait bâtir après en avoir acheté la place de l’abbé de Saint-Victor, qui en estoit le seigneur. 68C’est un des ouvrages de monsieur Mansard, où il paroist le plus de dessein. La porte est de bon goust & l’escalier est fort éclairé, ce qui le rend agréable. Les appartemens sont grands & fort élevez, mais à dire le vray, ils ne sont pas si commodes qu’ils sont beaux. Du côté du jardin, il y a deux petits cabinets soutenus sur des colonnes avec beaucoup d’art & d’industrie, mais trop petits pour la grosseur des colonnes qui les soutiennent. Tout joignant est :

-

- . Il y a bien des choses à considérer dans cette maison, mais surtout l’escalier & la salle d’audience. Pour les appartemens, ils sont des mieux disposez & on ne peut guère désirer de plus beaux meubles que ceux qui y sont. Les riches tapisseries, les lustres, les tables, les miroirs d’argent, les lits en broderie, & enfin tout ce qui contribue à la magnificence & à la propreté, s’y voit ordonné d’une très belle manière. La - 69face du bâtiment du côté du jardin & du coté de la cour se répondent bien & sont toutes deux d’une belle symétrie. On ne doit pas négliger de voir en passant les ferrures des portes, qui sont fort bien travaillées & entretenues avec tant de soin qu’il semble qu’elles soient d’argent.

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. Il y a bien des choses à considérer dans cette maison, mais surtout l’escalier & la salle d’audience. Pour les appartemens, ils sont des mieux disposez & on ne peut guère désirer de plus beaux meubles que ceux qui y sont. Les riches tapisseries, les lustres, les tables, les miroirs d’argent, les lits en broderie, & enfin tout ce qui contribue à la magnificence & à la propreté, s’y voit ordonné d’une très belle manière. La 69face du bâtiment du côté du jardin & du coté de la cour se répondent bien & sont toutes deux d’une belle symétrie. On ne doit pas négliger de voir en passant les ferrures des portes, qui sont fort bien travaillées & entretenues avec tant de soin qu’il semble qu’elles soient d’argent.

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- Vis-à-vis de cet hôtel est une longue galerie où estoit autrefois la bibliothèque du cardinal Mazarin, qui est à présent dans le collège des Quatre-Nations. L’écurie estoit dessous. Monsieur le duc de Nevers occupe des chambres qui sont à l’extrémité, où il y a quelques plafons assez bien peints. On a depuis peu rompu cette galerie pour faire place à une rue qui perce de la rue Vivien dans celle de Richelieu, à laquelle on a donné le nom de M. Colbert.

-

Au bout de la rue de Richelieu, on entre dans la rue de Saint-Augustin, ainsi nommé du nom des religieux de ce saint, autrement ap - 70pellez les Petits Pères, qui sont au bout & qui en occupent une partie.

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Vis-à-vis de cet hôtel est une longue galerie où estoit autrefois la bibliothèque du cardinal Mazarin, qui est à présent dans le collège des Quatre-Nations. L’écurie estoit dessous. Monsieur le duc de Nevers occupe des chambres qui sont à l’extrémité, où il y a quelques plafons assez bien peints. On a depuis peu rompu cette galerie pour faire place à une rue qui perce de la rue Vivien dans celle de Richelieu, à laquelle on a donné le nom de M. Colbert.

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Au bout de la rue de Richelieu, on entre dans la rue de Saint-Augustin, ainsi nommé du nom des religieux de ce saint, autrement ap 70pellez les Petits Pères, qui sont au bout & qui en occupent une partie.

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- Il y a dans cette rue des très belles maisons. Vis-à-vis les Filles-de-Saint-Thomas, le sieur Douilly, receveur de la généralité de Poitiers, en a fait bâtir une depuis trois ou quatre ans où il a dépensé cent mille écus. On peut dire aussi qu’il n’y manque rien, qu’un peu d’étendue ; mais il estoit impossible de luy en donner davantage parce qu’elle se trouve enfermée entre les Petits Pères & la rue Vivien. Au reste, tout en est beau : l’escalier est fort clair & fort grand, & la porte taillée en voussure est d’une très belle proportion. On ne dit rien des meubles, parce qu’il est facile de s’imaginer qu’une maison d’une si grande apparence en est suffisamment garnie & que la beauté du dedans répond à celle du dehors. Dans la mesme rue est :

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Il y a dans cette rue des très belles maisons. Vis-à-vis les Filles-de-Saint-Thomas, le sieur Douilly, receveur de la généralité de Poitiers, en a fait bâtir une depuis trois ou quatre ans où il a dépensé cent mille écus. On peut dire aussi qu’il n’y manque rien, qu’un peu d’étendue ; mais il estoit impossible de luy en donner davantage parce qu’elle se trouve enfermée entre les Petits Pères & la rue Vivien. Au reste, tout en est beau : l’escalier est fort clair & fort grand, & la porte taillée en voussure est d’une très belle proportion. On ne dit rien des meubles, parce qu’il est facile de s’imaginer qu’une maison d’une si grande apparence en est suffisamment garnie & que la beauté du dedans répond à celle du dehors. Dans la mesme rue est :

-

- . Cette maison a longtemps passé pour - 71 une des plus belle de Paris. Elle appartenoit autrefois au sieur Monerot, qui n’épargnoit rien pour la rendre superbe. Elle a conservé sa beauté, car il y a encore des meubles magnifiques. Depuis qu’elle appartient à monsieur le duc de Gramont, la veue est du côté de Montmartre, ce qui luy donne beaucoup d’agrément.

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. Cette maison a longtemps passé pour 71 une des plus belle de Paris. Elle appartenoit autrefois au sieur Monerot, qui n’épargnoit rien pour la rendre superbe. Elle a conservé sa beauté, car il y a encore des meubles magnifiques. Depuis qu’elle appartient à monsieur le duc de Gramont, la veue est du côté de Montmartre, ce qui luy donne beaucoup d’agrément.

-

- - L’hôtel de Grancé - , qui est proche, n’est pas si magnifique, mais il est fort commode & fort agréable, à cause de son jardin qui estoit un des plus propres de Paris du vivant du maréchal de ce nom. Cet hôtel a appartenu au sieur Thévenin, qui estoit un homme fort curieux.

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L’hôtel de Grancé + , qui est proche, n’est pas si magnifique, mais il est fort commode & fort agréable, à cause de son jardin qui estoit un des plus propres de Paris du vivant du maréchal de ce nom. Cet hôtel a appartenu au sieur Thévenin, qui estoit un homme fort curieux.

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n’est pas éloignée. On y voyoit autrefois une belle bibliothèque & elle estoit ornée de plusieurs beaux meubles & de tableaux fort curieux, mais le maître ayant changé de fortune, toutes ces belles choses ont été dispersées.

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, & quelques autres qui ont la veue de la campagne, ne sont pas désagréables.

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- , intendant de monsieur le duc d’Orléans, qui est vis-à-vis, est une des plus achevées que l’on puisse voir. La face du côté de la cour est d’une très grande régularité, ornée dans le fond d’une manière de portique, dont les colonnes sont ioniques, avec des vases dessus, entourés de festons & d’autres ornemens ; ce qui arrête en entrant agréablement la veue. Autour de la cour, il y a des busts d’empereurs placez entre les arcades qui soutiennent le bâtiment. L’escalier est très grand, avec une balustrade de bois peint en marbre blanc, travaillée avec beaucoup de dessein. Les bas-reliefs qui sont sur les portes des appartemens, quoy qu’il ne soient que de plâtre, ne laissent pas de donner beaucoup d’ornement. Il y a aussi dans cette mai - 73son un cabinet de livres très bien choisis. En sortant, il ne faut pas négliger de remarquer la grande porte, qui est très bien ménagée sur un plan fort bizare.

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, intendant de monsieur le duc d’Orléans, qui est vis-à-vis, est une des plus achevées que l’on puisse voir. La face du côté de la cour est d’une très grande régularité, ornée dans le fond d’une manière de portique, dont les colonnes sont ioniques, avec des vases dessus, entourés de festons & d’autres ornemens ; ce qui arrête en entrant agréablement la veue. Autour de la cour, il y a des busts d’empereurs placez entre les arcades qui soutiennent le bâtiment. L’escalier est très grand, avec une balustrade de bois peint en marbre blanc, travaillée avec beaucoup de dessein. Les bas-reliefs qui sont sur les portes des appartemens, quoy qu’il ne soient que de plâtre, ne laissent pas de donner beaucoup d’ornement. Il y a aussi dans cette mai 73son un cabinet de livres très bien choisis. En sortant, il ne faut pas négliger de remarquer la grande porte, qui est très bien ménagée sur un plan fort bizare.

- - - La rue Vivien - + + La rue Vivien

- Il y a dans cette rue plusieurs grandes maisons. Celle où demeure monsieur Desmarais, intendant des finances & neveu de monsieur Colbert, mérite entre autres d’estre considérée ; mais surtout :

+ Il y a dans cette rue plusieurs grandes maisons. Celle où demeure monsieur Desmarais, intendant des finances & neveu de monsieur Colbert, mérite entre autres d’estre considérée ; mais surtout :

- - Le cabinet du roy - + Le cabinet du roy

La maison où il est n’a qu’une fort commune apparence, & au dehors on auroit de la peine à croire qu’elle contienne tant de belles choses.

-

Premièrement, on y conserve la bibliothèque du roy, qui estoit au - 74trefois à Fontainebleau, que Charles V avoit commencée & qui a esté augmentée par François premier & par Catherine de Médicis. Mais depuis quelques temps, on l’a rendu bien plus nombreuse, puisqu’à présent on y conte plus de cinquante mille volumes, entre lesquels il s’y trouve douze ou quinze milles manuscrits hébreux, grecs, arabes, syriaques, latins, françois, & presque de toutes les langues. Pour des livres imprimez, il n’y en a point de quelque rareté qu’ils puissent estre dont on ne trouve quelque exemplaire. L’on y voit des manuscrits de saint Cyprien, que Catherine de Médicis apporta de Florence, avec d’autre livres très rares, qu’elle tira de la fameuse bibliothèque de Laurent de Médicis. Il y en a encore d’autres sur l’histoire de France que l’on a conservés avec beaucoup de soin & dont on a fait une recherche toute particulière. Monsieur le duc de Béthune - - 75en a fourni une quantité très considérable, touchant les plus importantes négociations qui se sont faites depuis François premier jusqu’au ministère du cardinal de Richelieu. Tous ces volumes sont parfaitement reliez en maroquin du Levant, de couleur de feu, dorez sur tranche, avec les armes du roy sur la couverture. Les estampes y ont aussi leur place. On en conserve plusieurs grands volumes qui ont esté assemblez par monsieur l’abbé de Marolles, le plus curieux de son siècle dans ces sortes de choses. Tous les maîtres sont rangez par classe : les italiens, les flamans, les hollandois & les françois ; & on peut sans beaucoup de peine étudier leur manières & observer la différence des goûts de ces maîtres, qui sont parvenus à la perfection de la peinture par des routes fort différentes. Pour des miniatures, il y en a quelques volumes antiques très bien conservez, dans lesquels on peut remarquer - 76la singularité des habits de nos ancestres & leur bizare imagination pour le dessein. Mais ce qu’il y a de plus beau dans ce genre, ce sont plusieurs recueils d’animaux & de plantes, dessinez sur le velin, après nature, par monsieur Robert, qui a longtemps travaillé pour rendre cet ouvrage en l’estat où il est. Ensuite, on verra un fort grand volume in-folio, où il y a de toutes sortes de poissons marins, dont les Estats d’Hollande firent présent au cardinal Mazarin, après une longue négociation où ce ministre leur avoit rendu quelque bon office. On l’a mis après sa mort dans ce cabinet. Enfin, on peu trouver dans cette bibliothèque tout ce que l’on peut désirer sur quelque sujet que ce puisse estre. Monsieur le prieur de Nogent-le-Rotrou, fils de monsieur Colbert, en est le bibliothécaire & M. Carcavi en est gardien. M. Clément est sous luy, qui a le soin de mettre les livres dans l’ordre où - 77ils sont & d’en conserver le catalogue.

-

Les livres ne sont pas les seules curiositez que l’on voit dans ce lieu, les médailles en sont une des plus belles parties. Il y en a de toutes les façons, antiques & modernes, & on en conte jusqu’à vingt-mille. Il est certain qu’il n’y a pas en Italie un amas plus considérable. Elles sont arangées selon l’ordre des temps, dans des petits cabinets de bois de cèdre, sur des tiroirs dorez avec propreté. La suite greque du bas-empire est si complète que le sçavant M. du Cange a composé dessus son Histoire bizantine, le dernier volume qu’il a donné. Pour les modernes, toutes celles qui se peuvent trouver, non seulement des papes, des rois, des princes d’Allemagne & d’Italie, mais de quelque nation que ce puisse estre, y sont ; mesme jusqu’à des jetons, dont on conserve un grand nombre, qui marquent quelque évènement d’Hi - 78stoire. Il y a aussi un grand nombre de belles agates antiques, entre autres une qui représente le grand Constantin couronné de laurier, extraordinairement rare par la variété de ses couleurs & par sa grandeur ; outre qu’elle est du temps de cet empereur, comme en conviennent généralement tous les antiquaires. Il y en a encore beaucoup d’autres qui représentent diverses choses particulières.

-

Mais une des plus belles & des plus singulières raretez de cabinet, au sentiment de tout le monde, est le tombeau de Childéric, quatrième roy de France, qui vivoit en 458, auquel Clovis succéda. On découvrit ce monument à Tournay en l’année 1653, lorsqu’on fut obligé de creuser la terre proche de l’église cathédrale, dans le vieux cimetière, pour jetter les fondemens d’une sacristie que l’on vouloit bâtir. On trouva d’abord le squelette d’un cheval, & puis tout proche, une lon - 79gue pierre en manière de tombe, que les ouvriers furent obligez de casser pour la tirer ; mais ils furent surpris de voir dessous les os d’un homme arangez selon leur situation naturelle. La curiosité les poussa à examiner la chose de plus près, & enfin ils trouvèrent parmi ces ossemens quantité de médailles d’or greques du bas-empire, avec un grand nombre de mouches de mesme, dont les ailes estoient à demi-ouvertes & enrichies de cornalines. Le bruit de cette découverte se répandit bien-tost par toute la ville, & les chanoines de l’église cathédrale y vinrent pour sçavoir ce que ce pouvoit estre. Enfin, avec ces choses, on trouva encore une espèce d’agrafe, une grosse boucle & la teste d’un bœuf aussi en or, qui estoit apparemment le simulacre de la divinité que l’on adoroit en ce temps-là. Il y a voit aussi une épée dont la garniture estoit de mesme. Mais ce qui fit reconnoître que c’estoit - 80effectivement le tombeau du roy Childebert fut une bague d’or sur laquelle estoit gravée en creux une teste avec ces mots :

- -

Sigillum Childerici Regis.

-
-

On ne dit pas qu’il y avoit encore des tablettes avec une éguille d’or, le fer d’une hache d’armes presque tout consumé de rouille, avec une boule de cristal grosse environ comme un œuf, qui avoit servi dans sa maladie à luy rafraichir la bouche, ou à quelque autre usage inconnu dans ce siècle. Toutes ces choses furent recueillies avec un soin extrême, & l’archiduc qui pour lors estoit le gouverneur des Païs-Bas, ayant appris cette découverte, voulut avoir ce précieux monument pour le mettre dans son cabinet. Les chanoines de Tournay ne purent luy refuser, mais enfin ce prince estant mort, l’empereur en eut la possession. L’électeur de Cologne avoit fait tout son possible pour le tirer des mains de l’archiduc. Après sa mort, il le deman - 81da à l’empereur, qu’il le luy envoya aussi-tost qu’il le put avoir. Il en fit présent au roy, qu’il l’a fait mettre dans son cabinet, où l’on le conserve comme un monument de la haute antiquité de la monarchie françoise, & de l’origine des fleurs de lis, contre ce qu’en a écrit Chiflet dans son Anastasis Childerici, auquel monsieur de Saint-Amant a très bien répondu pour luy faire voir que ces mouches que l’on trouva dans ce tombeau estoient des fleurs de lis & non pas des abeilles, comme cet auteur le prétendoit.

-

Sous M. Carcavi, dont on a déjà parlé, M. Vaillant est employé pour les médailles, qui a esté plusieurs fois au Levant pour en chercher. Il a donné depuis quelques années au public une Histoire du royaume des Séleucides, en latin, tirée des médailles de ce cabinet ; ce qui fait voir qu’il possède cette science à fond. Il a mesme rendu de très grand services aux sçavants, en leur expliquant de certaines - 82choses qu’ils auroient eu de la peine à déchifrer sans son secours. On verra encore sur la cheminée quelques antiquitez, commes des lacrimatoires, dont les Anciens se servoient pour recueillir les larmes de ceux qui pleuroient aux funérailles, & qu’ils enfermoient dans des tombeaux ; des lampes, des petites idoles & plusieurs choses de cette sorte.

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Premièrement, on y conserve la bibliothèque du roy, qui estoit au 74trefois à Fontainebleau, que Charles V avoit commencée & qui a esté augmentée par François premier & par Catherine de Médicis. Mais depuis quelques temps, on l’a rendu bien plus nombreuse, puisqu’à présent on y conte plus de cinquante mille volumes, entre lesquels il s’y trouve douze ou quinze milles manuscrits hébreux, grecs, arabes, syriaques, latins, françois, & presque de toutes les langues. Pour des livres imprimez, il n’y en a point de quelque rareté qu’ils puissent estre dont on ne trouve quelque exemplaire. L’on y voit des manuscrits de saint Cyprien, que Catherine de Médicis apporta de Florence, avec d’autre livres très rares, qu’elle tira de la fameuse bibliothèque de Laurent de Médicis. Il y en a encore d’autres sur l’histoire de France que l’on a conservés avec beaucoup de soin & dont on a fait une recherche toute particulière. Monsieur le duc de Béthune 75en a fourni une quantité très considérable, touchant les plus importantes négociations qui se sont faites depuis François premier jusqu’au ministère du cardinal de Richelieu. Tous ces volumes sont parfaitement reliez en maroquin du Levant, de couleur de feu, dorez sur tranche, avec les armes du roy sur la couverture. Les estampes y ont aussi leur place. On en conserve plusieurs grands volumes qui ont esté assemblez par monsieur l’abbé de Marolles, le plus curieux de son siècle dans ces sortes de choses. Tous les maîtres sont rangez par classe : les italiens, les flamans, les hollandois & les françois ; & on peut sans beaucoup de peine étudier leur manières & observer la différence des goûts de ces maîtres, qui sont parvenus à la perfection de la peinture par des routes fort différentes. Pour des miniatures, il y en a quelques volumes antiques très bien conservez, dans lesquels on peut remarquer 76la singularité des habits de nos ancestres & leur bizare imagination pour le dessein. Mais ce qu’il y a de plus beau dans ce genre, ce sont plusieurs recueils d’animaux & de plantes, dessinez sur le velin, après nature, par monsieur Robert, qui a longtemps travaillé pour rendre cet ouvrage en l’estat où il est. Ensuite, on verra un fort grand volume in-folio, où il y a de toutes sortes de poissons marins, dont les Estats d’Hollande firent présent au cardinal Mazarin, après une longue négociation où ce ministre leur avoit rendu quelque bon office. On l’a mis après sa mort dans ce cabinet. Enfin, on peu trouver dans cette bibliothèque tout ce que l’on peut désirer sur quelque sujet que ce puisse estre. Monsieur le prieur de Nogent-le-Rotrou, fils de monsieur Colbert, en est le bibliothécaire & M. Carcavi en est gardien. M. Clément est sous luy, qui a le soin de mettre les livres dans l’ordre où 77ils sont & d’en conserver le catalogue.

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Les livres ne sont pas les seules curiositez que l’on voit dans ce lieu, les médailles en sont une des plus belles parties. Il y en a de toutes les façons, antiques & modernes, & on en conte jusqu’à vingt-mille. Il est certain qu’il n’y a pas en Italie un amas plus considérable. Elles sont arangées selon l’ordre des temps, dans des petits cabinets de bois de cèdre, sur des tiroirs dorez avec propreté. La suite greque du bas-empire est si complète que le sçavant M. du Cange a composé dessus son Histoire bizantine, le dernier volume qu’il a donné. Pour les modernes, toutes celles qui se peuvent trouver, non seulement des papes, des rois, des princes d’Allemagne & d’Italie, mais de quelque nation que ce puisse estre, y sont ; mesme jusqu’à des jetons, dont on conserve un grand nombre, qui marquent quelque évènement d’Hi 78stoire. Il y a aussi un grand nombre de belles agates antiques, entre autres une qui représente le grand Constantin couronné de laurier, extraordinairement rare par la variété de ses couleurs & par sa grandeur ; outre qu’elle est du temps de cet empereur, comme en conviennent généralement tous les antiquaires. Il y en a encore beaucoup d’autres qui représentent diverses choses particulières.

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Mais une des plus belles & des plus singulières raretez de cabinet, au sentiment de tout le monde, est le tombeau de Childéric, quatrième roy de France, qui vivoit en 458, auquel Clovis succéda. On découvrit ce monument à Tournay en l’année 1653, lorsqu’on fut obligé de creuser la terre proche de l’église cathédrale, dans le vieux cimetière, pour jetter les fondemens d’une sacristie que l’on vouloit bâtir. On trouva d’abord le squelette d’un cheval, & puis tout proche, une lon 79gue pierre en manière de tombe, que les ouvriers furent obligez de casser pour la tirer ; mais ils furent surpris de voir dessous les os d’un homme arangez selon leur situation naturelle. La curiosité les poussa à examiner la chose de plus près, & enfin ils trouvèrent parmi ces ossemens quantité de médailles d’or greques du bas-empire, avec un grand nombre de mouches de mesme, dont les ailes estoient à demi-ouvertes & enrichies de cornalines. Le bruit de cette découverte se répandit bien-tost par toute la ville, & les chanoines de l’église cathédrale y vinrent pour sçavoir ce que ce pouvoit estre. Enfin, avec ces choses, on trouva encore une espèce d’agrafe, une grosse boucle & la teste d’un bœuf aussi en or, qui estoit apparemment le simulacre de la divinité que l’on adoroit en ce temps-là. Il y a voit aussi une épée dont la garniture estoit de mesme. Mais ce qui fit reconnoître que c’estoit 80effectivement le tombeau du roy Childebert fut une bague d’or sur laquelle estoit gravée en creux une teste avec ces mots :

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Sigillum Childerici Regis.

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On ne dit pas qu’il y avoit encore des tablettes avec une éguille d’or, le fer d’une hache d’armes presque tout consumé de rouille, avec une boule de cristal grosse environ comme un œuf, qui avoit servi dans sa maladie à luy rafraichir la bouche, ou à quelque autre usage inconnu dans ce siècle. Toutes ces choses furent recueillies avec un soin extrême, & l’archiduc qui pour lors estoit le gouverneur des Païs-Bas, ayant appris cette découverte, voulut avoir ce précieux monument pour le mettre dans son cabinet. Les chanoines de Tournay ne purent luy refuser, mais enfin ce prince estant mort, l’empereur en eut la possession. L’électeur de Cologne avoit fait tout son possible pour le tirer des mains de l’archiduc. Après sa mort, il le deman 81da à l’empereur, qu’il le luy envoya aussi-tost qu’il le put avoir. Il en fit présent au roy, qu’il l’a fait mettre dans son cabinet, où l’on le conserve comme un monument de la haute antiquité de la monarchie françoise, & de l’origine des fleurs de lis, contre ce qu’en a écrit Chiflet dans son Anastasis Childerici, auquel monsieur de Saint-Amant a très bien répondu pour luy faire voir que ces mouches que l’on trouva dans ce tombeau estoient des fleurs de lis & non pas des abeilles, comme cet auteur le prétendoit.

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Sous M. Carcavi, dont on a déjà parlé, M. Vaillant est employé pour les médailles, qui a esté plusieurs fois au Levant pour en chercher. Il a donné depuis quelques années au public une Histoire du royaume des Séleucides, en latin, tirée des médailles de ce cabinet ; ce qui fait voir qu’il possède cette science à fond. Il a mesme rendu de très grand services aux sçavants, en leur expliquant de certaines 82choses qu’ils auroient eu de la peine à déchifrer sans son secours. On verra encore sur la cheminée quelques antiquitez, commes des lacrimatoires, dont les Anciens se servoient pour recueillir les larmes de ceux qui pleuroient aux funérailles, & qu’ils enfermoient dans des tombeaux ; des lampes, des petites idoles & plusieurs choses de cette sorte.

-

- , pour laquelle le roy a fait bâtir l’Observatoire, s’assemble dans cette maison. Il en sera parlé en son lieu. Les sçavans qui la composent travaillent à la recherche des choses naturelles & aux mathématiques. Comme ce sont des personnes d’une science extraordinaire, on ne sera pas fâché de sçavoir leurs noms, que voicy :

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, pour laquelle le roy a fait bâtir l’Observatoire, s’assemble dans cette maison. Il en sera parlé en son lieu. Les sçavans qui la composent travaillent à la recherche des choses naturelles & aux mathématiques. Comme ce sont des personnes d’une science extraordinaire, on ne sera pas fâché de sçavoir leurs noms, que voicy :

- - M. Duclos, physicien ; - - M. Carcavi, mathématicien ; - - M. Hughens, mathématicien ; - - M. Blondel, mathématicien ; - + M. Duclos, physicien ; + M. Carcavi, mathématicien ; + M. Hughens, mathématicien ; + M. Blondel, mathématicien ; + 83 - - M. Perault, physicien ; - - M. du Hamel, secrétaire de l’Académie ; - - M. l’abbé Gallois, mathématicien ; - - M. Mariotte, mathématicien ; - - M. Cassini, mathématicien ; - - M. du Vernay, physicien ; - - M. Bourdelin, chymiste ; - - M. Dodart, physicien ; - - M. Borelli, mathématicien ; - - M. de La Hire, mathématicien ; - - M. Pothenot, mathématicien ; - - M. Sideleau, mathématicien ; - - M. l’abbé de Lanion, mathématicien ; - - M. Couplet, mathématicien. + M. Perault, physicien ; + M. du Hamel, secrétaire de l’Académie ; + M. l’abbé Gallois, mathématicien ; + M. Mariotte, mathématicien ; + M. Cassini, mathématicien ; + M. du Vernay, physicien ; + M. Bourdelin, chymiste ; + M. Dodart, physicien ; + M. Borelli, mathématicien ; + M. de La Hire, mathématicien ; + M. Pothenot, mathématicien ; + M. Sideleau, mathématicien ; + M. l’abbé de Lanion, mathématicien ; + M. Couplet, mathématicien. -

Voicy les noms de ceux qui sont morts depuis environ 1666, qu’elle fut établie par monsieur Colbert, par les sollicitations de M. Duclos & de l’abbé du Bourzay.

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Voicy les noms de ceux qui sont morts depuis environ 1666, qu’elle fut établie par monsieur Colbert, par les sollicitations de M. Duclos & de l’abbé du Bourzay.

- - M. de La Chambre, physicien ; - - M. Frenicle, mathématicien ; - - M. Pequet, physicien ; - - M. Roberval, physicien ; - - M. l’abbé Picard, mathématicien ; - + M. de La Chambre, physicien ; + M. Frenicle, mathématicien ; + M. Pequet, physicien ; + M. Roberval, physicien ; + M. l’abbé Picard, mathématicien ; + 84 - - M. Gaïen, physicien ; - - M. Marchand, physicien ; + M. Gaïen, physicien ; + M. Marchand, physicien ; -

Il y a dans leur salle un grand miroir d’acier qui fait des effets surprenans lorsqu’il est exposé au soleil. Dans un cabinet tout proche, il y a une momie que l’on a apportée d’Égypte, mais depuis quelques temps on ne la laisse plus voir, à cause qu’elle est rompue.

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Toutes ces salles sont remplies de livres en blanc, que les auteurs sont obligez de donner pour obtenir leurs privilèges, ce qui fait que tous les jours le nombre en augmente.

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Il y a dans leur salle un grand miroir d’acier qui fait des effets surprenans lorsqu’il est exposé au soleil. Dans un cabinet tout proche, il y a une momie que l’on a apportée d’Égypte, mais depuis quelques temps on ne la laisse plus voir, à cause qu’elle est rompue.

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Toutes ces salles sont remplies de livres en blanc, que les auteurs sont obligez de donner pour obtenir leurs privilèges, ce qui fait que tous les jours le nombre en augmente.

- - - La rue des Petits-Champs - -

- De la rue Vivien dont on vient de parler, il faut aller dans la rue des Petits-Champs, qui est au bout. La première chose que l’on y trouve - 85de remarquable en commençant par la rue Saint-Honoré est :

+ + La rue des Petits-Champs +

De la rue Vivien dont on vient de parler, il faut aller dans la rue des Petits-Champs, qui est au bout. La première chose que l’on y trouve 85de remarquable en commençant par la rue Saint-Honoré est :

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- , où demeure monsieur de La Vrillière, de Château-Neuf, un des quatre secrétaires d’État. Cet hôtel est un des plus beaux de Paris, & des mieux exposez à la veue, à cause que la rue des Fossez est vis-à-vis. La porte, qui est soutenue de colonnes doriques, avec des statues assises sur des piédestaux, qui sont au-dessus. Le devant du logis est en terrasse, qui joint les deux ailes. La cour est parfaitement quarrée & la face du bâtiment a toute la beauté que l’on peut désirer, les ornemens qui y sont estant distribuez avec une proportion très juste. Pour les appartemens, outre qu’ils sont ornez de dorure & de sculpture, les meubles en sont magnifiques, entre autres on y voit une tenture de tapisserie qui représente les douze mois de l’année, d’un dessein très singulier. La galerie est remplie - 86d’excellens tableaux des plus habiles maîtres. Il y en a un du Bassan qui est fort estimé, que tous les curieux admirent. Cette belle maison est du dessein de François Mansard. Presque vis-à-vis est :

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, où demeure monsieur de La Vrillière, de Château-Neuf, un des quatre secrétaires d’État. Cet hôtel est un des plus beaux de Paris, & des mieux exposez à la veue, à cause que la rue des Fossez est vis-à-vis. La porte, qui est soutenue de colonnes doriques, avec des statues assises sur des piédestaux, qui sont au-dessus. Le devant du logis est en terrasse, qui joint les deux ailes. La cour est parfaitement quarrée & la face du bâtiment a toute la beauté que l’on peut désirer, les ornemens qui y sont estant distribuez avec une proportion très juste. Pour les appartemens, outre qu’ils sont ornez de dorure & de sculpture, les meubles en sont magnifiques, entre autres on y voit une tenture de tapisserie qui représente les douze mois de l’année, d’un dessein très singulier. La galerie est remplie 86d’excellens tableaux des plus habiles maîtres. Il y en a un du Bassan qui est fort estimé, que tous les curieux admirent. Cette belle maison est du dessein de François Mansard. Presque vis-à-vis est :

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- , où monsieur Fouquet a demeuré quelques temps, & après luy monsieur le maréchal de Turenne. C’est une des plus logeables maisons qui se trouve. M. Perault, controlleur des bâtimens, en occupe une partie qu’il a fait accommoder fort proprement.

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, où monsieur Fouquet a demeuré quelques temps, & après luy monsieur le maréchal de Turenne. C’est une des plus logeables maisons qui se trouve. M. Perault, controlleur des bâtimens, en occupe une partie qu’il a fait accommoder fort proprement.

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- est ensuite. Il a cela de particulier qu’il est de tous côtez entourré de rues. Il est vaste & commode, & le jardin fort agréable. Le sieur Le Fèvre d’Orléans en a esté l’architecte. Les meubles avec cela en sont magnifiques. En suivant toujours la mesme rue, on verra :

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est ensuite. Il a cela de particulier qu’il est de tous côtez entourré de rues. Il est vaste & commode, & le jardin fort agréable. Le sieur Le Fèvre d’Orléans en a esté l’architecte. Les meubles avec cela en sont magnifiques. En suivant toujours la mesme rue, on verra :

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- , où demeuroit deffunt monsieur Colbert, minsitre & secrétaire d’État, & con - 87troleur général des finances. Il paroît dans cette maison une très grande régularité avec un bon goût tout particulier. La cour est quarrée & les bâtimens sont d’une propreté qu’on ne trouve guère ailleurs. Les appartemens sont disposez avec un discernement merveilleux, mais ce qui se distingue le plus est la porte du côté de la cour, qui est coupée en voussure d’une manière très sçavante, avec un bust du roy dans le fond de la main du cavalier Bernin. Cette pièce est dans son genre une des plus belles & des mieux entendues que l’on puisse voir. La bibliothèque ne fait pas un des moindres ornemens de cette hôtel. Elle est une des plus belles que nous aïons à présent par le nombre des livres qui la composent, & principalement de manuscrits que l’on ne trouve point ailleurs. Il y a entre autres une bible très ancienne, du temps de l’empereur Charles le Chau - 88ve - , avec une grande quantité de volumes des négociations de monsieur le cardinal Mazarin, qui occupent tout le bout de la galerie du côté du logis. Monsieur l’abbé Baluze en est le bibliothécaire. Ce sçavant homme est si connu par toute l’Europe, qu’il n’est pas nécessaire de faire icy son éloge. Il a mis au jour des ouvrages qui marquent assez sa profonde érudition, entre autres : Capitularia Regum Francorum, en trois volume in-folio ; quelques sçavante dissertations sur des sujets contestez ; & enfin des pièces que le temps avoit cachées & qu’il déterre tous les jours avec une étude très grande, pour les donner au public sous le nom de Miscellanea, qu’il accompagne de préfaces qui instruisent de la vie & du mérite des auteurs de qui elle viennent. Il tire la pluspart de ces belles chose des manuscrits de cette bibliothèque.

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, où demeuroit deffunt monsieur Colbert, minsitre & secrétaire d’État, & con 87troleur général des finances. Il paroît dans cette maison une très grande régularité avec un bon goût tout particulier. La cour est quarrée & les bâtimens sont d’une propreté qu’on ne trouve guère ailleurs. Les appartemens sont disposez avec un discernement merveilleux, mais ce qui se distingue le plus est la porte du côté de la cour, qui est coupée en voussure d’une manière très sçavante, avec un bust du roy dans le fond de la main du cavalier Bernin. Cette pièce est dans son genre une des plus belles & des mieux entendues que l’on puisse voir. La bibliothèque ne fait pas un des moindres ornemens de cette hôtel. Elle est une des plus belles que nous aïons à présent par le nombre des livres qui la composent, & principalement de manuscrits que l’on ne trouve point ailleurs. Il y a entre autres une bible très ancienne, du temps de l’empereur Charles le Chau 88ve + , avec une grande quantité de volumes des négociations de monsieur le cardinal Mazarin, qui occupent tout le bout de la galerie du côté du logis. Monsieur l’abbé Baluze en est le bibliothécaire. Ce sçavant homme est si connu par toute l’Europe, qu’il n’est pas nécessaire de faire icy son éloge. Il a mis au jour des ouvrages qui marquent assez sa profonde érudition, entre autres : Capitularia Regum Francorum, en trois volume in-folio ; quelques sçavante dissertations sur des sujets contestez ; & enfin des pièces que le temps avoit cachées & qu’il déterre tous les jours avec une étude très grande, pour les donner au public sous le nom de Miscellanea, qu’il accompagne de préfaces qui instruisent de la vie & du mérite des auteurs de qui elle viennent. Il tire la pluspart de ces belles chose des manuscrits de cette bibliothèque.

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- est à côté. On l’a joint à l’hôtel - 89 Colbert depuis quelques temps, & comme il a esté rebâti depuis peu, il est beaucoup plus commode & plus propre qu’il n’estoit auparavant.

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est à côté. On l’a joint à l’hôtel 89 Colbert depuis quelques temps, & comme il a esté rebâti depuis peu, il est beaucoup plus commode & plus propre qu’il n’estoit auparavant.

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- , maistres des requeste & intendant de justice dans la généralité de Paris, est dans la mesme suite, du côté de la rue du Mail. On y peut voir la fameuse bibliothèque de Messieurs de Thou. Le nom des illustres maîtres à qui elle a appartenu doit inspirer de l’estime & de la curiosité, & par le catalogue que l’on a imprimé on peut facilement juger qu’elle est nombreuse & remplie de livres rares. M. Quesnel, qui en a le soin, luy a donné tout l’ordre qu’elle pouvoit désirer, & elle n’a rien perdu de la beauté & de la réputation qu’elle avoit lorsqu’elle appartenoit à Messieurs de Thou, & mesme on fait espérer qu’elle sera publique, comme elle a esté autrefois. En reprenant la route de la rue des Petits-Champs, on ira voir :

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, maistres des requeste & intendant de justice dans la généralité de Paris, est dans la mesme suite, du côté de la rue du Mail. On y peut voir la fameuse bibliothèque de Messieurs de Thou. Le nom des illustres maîtres à qui elle a appartenu doit inspirer de l’estime & de la curiosité, & par le catalogue que l’on a imprimé on peut facilement juger qu’elle est nombreuse & remplie de livres rares. M. Quesnel, qui en a le soin, luy a donné tout l’ordre qu’elle pouvoit désirer, & elle n’a rien perdu de la beauté & de la réputation qu’elle avoit lorsqu’elle appartenoit à Messieurs de Thou, & mesme on fait espérer qu’elle sera publique, comme elle a esté autrefois. En reprenant la route de la rue des Petits-Champs, on ira voir :

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- . Il n’y a point de lieu dans Paris où il y ait plus de curiositez ni qui soit rempli d’une plus grande quantité de meubles prétieux que celuy-cy. La face du logis du côté de la cour est de brique & de pierre de taille, avec deux statues de marbre blanc qui font un bel effet en entrant. L’escalier à main droite conduit aux appartemens, qui sont composez de plusieurs chambres, dont les plafons sont ornez de dorures & de peintures des meilleurs maîtres du temps. Pour des meubles, on y en voit partout des magnifiques, & dont on change à chaque saison de l’année. Toute l’orfèvrerie d’une de ces chambre consiste en un grand lustre, des chennets & quelques autres pièces qui sont du dessein du fameux cavalier Bernin ; ce que les curieux estiment infiniment plus que le métal dont elles sont fabriquées. Après avoir passé plusieurs autres chambres de plein pié tendues de riches tapisseries - 91rehaussée d’or & d’argent, on entre dans une longue galerie remplie de chaque côté de cabinets garnis de pierreries, & cizelures d’or & d’argent, qui sont sur des tables de marbre, ou de pièce rapportées. On y verra aussi des vases de jaspe & d’albastre de diverses grandeurs, avec des petites statues de bronze d’un travail exquis. Le plancher de cette galerie est couvert d’un tapis de Turquie, tout d’une pièce, d’une longueur extraordinaire. Les appartemens d’en bas ne sont pas moins magnifiques. Toutes les salles qui le composent sont pleines de cabinets d’Alemagne, & de la Chine, avec des coffres de vernis du Japon d’une légèreté & d’une odeur admirable. Il y a outre cela un grand nombre de statues de marbre que l’on a fait venir d’Italie avec une dépence extraordinaire. Sur une table de ces salles, on remarquera une petite figure de mesme matière, haute environ d’un demi-pié, qui représente une Cibelle - 92qui tient un livre à la main, que l’on estime beaucoup.

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Dans une autre chambre qui est proche, il y a de grandes tables de porphire & de marbre. La galerie basse & le sallon par où on doit entrer pour y passer sont aussi remplies de bust & de statues antiques. Cette galerie est de la mesme longeur que celle dont on a déjà parlé. Enfin, on ne sçauroit trouver ensemble une plus grande variété de belles choses, des orloges, des pendules extraordinaires, des statues d’argent & de vermeil doré, des vases de mesme matière, & en grand nombre. Le jour de la Feste-Dieu l’on expose une partie des riches tapisseries de cette hôtel, & il y en a suffisamment pour tendre une rue presque entière.

-

Devant la porte, on met les belles housses en broderie d’or & d’argent que le cardinal Mazarin fit faire pour les cérémonies du mariage du roy. Elles sont d’une magnificence - 93surprenante. Celles des mulets & des chevaux de main sont brodées sur du velours rouge, avec les armes de la maison au milieu & des devises aux coins, accompagnées d’ornemens. Enfin, on ne sçauroit dire tout ce qu’il y a de beau & de riche dans ce magnifique palais. Plus avant est :

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. Il n’y a point de lieu dans Paris où il y ait plus de curiositez ni qui soit rempli d’une plus grande quantité de meubles prétieux que celuy-cy. La face du logis du côté de la cour est de brique & de pierre de taille, avec deux statues de marbre blanc qui font un bel effet en entrant. L’escalier à main droite conduit aux appartemens, qui sont composez de plusieurs chambres, dont les plafons sont ornez de dorures & de peintures des meilleurs maîtres du temps. Pour des meubles, on y en voit partout des magnifiques, & dont on change à chaque saison de l’année. Toute l’orfèvrerie d’une de ces chambre consiste en un grand lustre, des chennets & quelques autres pièces qui sont du dessein du fameux cavalier Bernin ; ce que les curieux estiment infiniment plus que le métal dont elles sont fabriquées. Après avoir passé plusieurs autres chambres de plein pié tendues de riches tapisseries 91rehaussée d’or & d’argent, on entre dans une longue galerie remplie de chaque côté de cabinets garnis de pierreries, & cizelures d’or & d’argent, qui sont sur des tables de marbre, ou de pièce rapportées. On y verra aussi des vases de jaspe & d’albastre de diverses grandeurs, avec des petites statues de bronze d’un travail exquis. Le plancher de cette galerie est couvert d’un tapis de Turquie, tout d’une pièce, d’une longueur extraordinaire. Les appartemens d’en bas ne sont pas moins magnifiques. Toutes les salles qui le composent sont pleines de cabinets d’Alemagne, & de la Chine, avec des coffres de vernis du Japon d’une légèreté & d’une odeur admirable. Il y a outre cela un grand nombre de statues de marbre que l’on a fait venir d’Italie avec une dépence extraordinaire. Sur une table de ces salles, on remarquera une petite figure de mesme matière, haute environ d’un demi-pié, qui représente une Cibelle + 92qui tient un livre à la main, que l’on estime beaucoup.

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Dans une autre chambre qui est proche, il y a de grandes tables de porphire & de marbre. La galerie basse & le sallon par où on doit entrer pour y passer sont aussi remplies de bust & de statues antiques. Cette galerie est de la mesme longeur que celle dont on a déjà parlé. Enfin, on ne sçauroit trouver ensemble une plus grande variété de belles choses, des orloges, des pendules extraordinaires, des statues d’argent & de vermeil doré, des vases de mesme matière, & en grand nombre. Le jour de la Feste-Dieu l’on expose une partie des riches tapisseries de cette hôtel, & il y en a suffisamment pour tendre une rue presque entière.

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Devant la porte, on met les belles housses en broderie d’or & d’argent que le cardinal Mazarin fit faire pour les cérémonies du mariage du roy. Elles sont d’une magnificence 93surprenante. Celles des mulets & des chevaux de main sont brodées sur du velours rouge, avec les armes de la maison au milieu & des devises aux coins, accompagnées d’ornemens. Enfin, on ne sçauroit dire tout ce qu’il y a de beau & de riche dans ce magnifique palais. Plus avant est :

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- , qui appartenoit auparavant à monsieur de Béchamel, marquis de Nointel. Elle est très bien bâtie. Les dedans sont d’une propreté extraordinaire, aussi bien que le jardin & l’escalier, qui sont des plus beaux de Paris. Mais ce qu’il faut remarquer est la belle perspective peinte par le sieur Rousseau sur un des mur de la cour. Elle est dans son genre la plus belle chose du royaume, & on ne voit rien qui satisfasse plus agréablement la veue que la magnifique architecture qui y est représentée. On trouve ensuite :

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, qui appartenoit auparavant à monsieur de Béchamel, marquis de Nointel. Elle est très bien bâtie. Les dedans sont d’une propreté extraordinaire, aussi bien que le jardin & l’escalier, qui sont des plus beaux de Paris. Mais ce qu’il faut remarquer est la belle perspective peinte par le sieur Rousseau sur un des mur de la cour. Elle est dans son genre la plus belle chose du royaume, & on ne voit rien qui satisfasse plus agréablement la veue que la magnifique architecture qui y est représentée. On trouve ensuite :

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- , que feu monsieur de Lionne, marquis de Berni, - 94, secrétaire d’État, fit bâtir de fond en comble. Il se servit du sieur Le Veau, architecte du roy. À présent, monsieur le maréchal de Villeroy & monsieur le duc son fils y demeurent. Les dehors de cet hôtel sont d’une très belle ordonnance, ornez d’architecture. Les dedans sont fort commodes & le jardin qui est derrière donne un très bon air à cette maison. On avoit résolu d’y bâtir une bibliothèque, mais la mort du maître arrivée un peu trop-tost a empêché que ce dessein n’ai esté exécuté.

-

Il y a fort proche une grande maison nouvellement bâtie, qui fait le coin de la rue Sainte-Anne, qui appartient à monsieur de Grand-Maison, cy-devant trésorier de l’extraordinaire des guerres, qui n’a rien épargné pour la rendre belle comme elle est.

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, que feu monsieur de Lionne, marquis de Berni, 94, secrétaire d’État, fit bâtir de fond en comble. Il se servit du sieur Le Veau, architecte du roy. À présent, monsieur le maréchal de Villeroy & monsieur le duc son fils y demeurent. Les dehors de cet hôtel sont d’une très belle ordonnance, ornez d’architecture. Les dedans sont fort commodes & le jardin qui est derrière donne un très bon air à cette maison. On avoit résolu d’y bâtir une bibliothèque, mais la mort du maître arrivée un peu trop-tost a empêché que ce dessein n’ai esté exécuté.

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Il y a fort proche une grande maison nouvellement bâtie, qui fait le coin de la rue Sainte-Anne, qui appartient à monsieur de Grand-Maison, cy-devant trésorier de l’extraordinaire des guerres, qui n’a rien épargné pour la rendre belle comme elle est.

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- , dont on a parlé au sujet de l’Opéra, est presque vis-à-vis. Elle est ornée - 95au dehors de grands pilastres corinthiens.

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, dont on a parlé au sujet de l’Opéra, est presque vis-à-vis. Elle est ornée 95au dehors de grands pilastres corinthiens.

- - Dans la rue Sainte-Anne - + + Dans la rue Sainte-Anne

- Sont les Nouvelles Converties, dont la maison a esté bâtie depuis dix ou douze ans, des libéralités de quelques personnes de qualité, ent’autres du fameux monsieur de Turenne, pour y loger les familles qui embrassent nostre religion. Leur église est petite & il n’y a rien de curieux à y remarquer.

+ Sont les Nouvelles Converties, dont la maison a esté bâtie depuis dix ou douze ans, des libéralités de quelques personnes de qualité, ent’autres du fameux monsieur de Turenne, pour y loger les familles qui embrassent nostre religion. Leur église est petite & il n’y a rien de curieux à y remarquer.

-

- est dans ce quartier, à l’extrémité de la rue Saint-Augustin. Le roy Louis XIII en a esté le fondateur & même leur a donné de quoy comencer le bâtiment de leur église, qui n’est pas achevée. Il n’y a rien à voir chez eux. Sur la fontaine qui est à leur porte, on - 96lit cette inscription :

- - - Quæ dat aquas, saxo latet hospita nympha sub imo. - Sic tu cum dederis dona, latere velis. - -

- M. DC. LXXVIV. -

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Dans la rue des Fossez qui est fort proche est :

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est dans ce quartier, à l’extrémité de la rue Saint-Augustin. Le roy Louis XIII en a esté le fondateur & même leur a donné de quoy comencer le bâtiment de leur église, qui n’est pas achevée. Il n’y a rien à voir chez eux. Sur la fontaine qui est à leur porte, on 96lit cette inscription :

+ + Quæ dat aquas, saxo latet hospita nympha sub imo. + Sic tu cum dederis dona, latere velis. +

M. DC. LXXVIV.

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Dans la rue des Fossez qui est fort proche est :

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- , où demeure monsieur de Pompone, cy-devant secrétaire d’État. C’étoit auparavant l’hôtel de l’Hôpital, qui appartenoit à monsieur le maréchal de ce nom.

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Sans beaucoup s’éloigner des lieux dont on vient de parler, il faut aller à :

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, où demeure monsieur de Pompone, cy-devant secrétaire d’État. C’étoit auparavant l’hôtel de l’Hôpital, qui appartenoit à monsieur le maréchal de ce nom.

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Sans beaucoup s’éloigner des lieux dont on vient de parler, il faut aller à :

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- . Cet hôtel appartient à madame la princesse de Carignan & à madame la duchesse de Nemours, toutes deux héritières de feu monsieur le comte de Soissons, Louis de Bourbon, prince de sang. Catherine de Médicis le fit bâtir pour s’y retirer après la mort de son mari, Henry second, & y demeura longtemps pendant son veuvage. Les de - 97hors en sont assez simples, cependant les appartemens sont beaux & très bien ornez. Le jardin est un des grands de Paris & garni de beaux orangers. Il y a une grosse colonne élevée dans un des coins de la cour qui a un petit escalier pratiqué dans son épaisseur à l’imitation de la colonne Trajan à Rome. L’on dit qu’elle a esté bâtie par Catherine de Médicis, qui estoit très sçavante en astrologie & qui y montoit souvent pour faire des observations. Les long des murs de cet hôtel est la chapelle de la Reine, à cause qu’elle a esté élevé en mesme temps que le reste du bâtiment & que Catherine de Médicis y venoit souvent entendre la messe en public. Tout proche est la rue de Grenelle, où est :

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. Cet hôtel appartient à madame la princesse de Carignan & à madame la duchesse de Nemours, toutes deux héritières de feu monsieur le comte de Soissons, Louis de Bourbon, prince de sang. Catherine de Médicis le fit bâtir pour s’y retirer après la mort de son mari, Henry second, & y demeura longtemps pendant son veuvage. Les de 97hors en sont assez simples, cependant les appartemens sont beaux & très bien ornez. Le jardin est un des grands de Paris & garni de beaux orangers. Il y a une grosse colonne élevée dans un des coins de la cour qui a un petit escalier pratiqué dans son épaisseur à l’imitation de la colonne Trajan à Rome. L’on dit qu’elle a esté bâtie par Catherine de Médicis, qui estoit très sçavante en astrologie & qui y montoit souvent pour faire des observations. Les long des murs de cet hôtel est la chapelle de la Reine, à cause qu’elle a esté élevé en mesme temps que le reste du bâtiment & que Catherine de Médicis y venoit souvent entendre la messe en public. Tout proche est la rue de Grenelle, où est :

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- . C’étoit autrefois l’hôtel de Bellegarde, que le duc de ce nom avoit fait bâtir lorsqu’il étoit grand écuyer de France sous - 98 - Henry IV, qui l’employa en de grandes négociations & qui l’envoya à Florence pour son mariage avec Marie de Médicis. Monsieur le chancelier Séguier l’augmenta considérablement aussi-tost qu’il y vint loger, & c’est luy qui a fait élever la belle galerie qui occupe un des cotez du jardin. Les dedans en sont très beaux & la menuiserie est une des mieux travaillées que l’on puisse désirer : tout est doré & garni de tableaux du sieur Voëte, que l’on estimoit dans son temps pour un bon peintre. Il y a aussi des païsages de la manière de quelques autres bon maistres qui sont admirables. Ce qu’il y avoit de remarquable dans cette galerie pendant la vie de monsieur le Chancelier étoit un grand nombre de porcelaines qui regnoient tout autour sur la corniche, & qui faisoient le plus bel effet du monde. Il auroit esté difficile d’en trouver dans un autre endroit une plus grande quantité & de mieux choisies. Il y a avoit aussi des cabinets - 99qui étoient entre la croisée d’un costé & d’autre. Au bout de cette galerie, on entre à main gauche dans une chambre qui estoit richement tapissée, où l’on voyoit plusieurs pièces d’orfèvrerie très grandes, entr’autres une grande bordure fort bien travaillée, où estoit le portrait de feu monsieur le Chancelier peint par monsieur Le Brun.

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On y pouvoit aussi remarquer un cabinet d’ébène enrichi d’agates antiques qui représentoient des têtes d’empereurs, & dans un petit cabinet tout proche, un nombre d’aimaux très considérables, en vazes & en tableaux, des meilleurs maîtres d’Italie & de ceux que l’on faisoit à Limoges dans le siècle passé. Madame la Chancelière, qui est morte depuis peu, avoit un cabinet de cristaux des plus curieusement taillés, avec une grand nombre de montres & d’orloges, enrichies de pierreries. Il y avoit en Europe peu de maisons où il y eût une plus grande - 100quantité de vaiselle d’argent. On y pouvoit voir un service de vermeil doré très magnifique, dont toutes les pièces étoient d’une grandeur & d’un travail extraordinaire. Mais ce qui faisoit le plus bel ornement de cette magnifique maison étoit la nombreuse bibliothèque, estimée près de deux cens mille écus, qui avoit esté commencé par monsieur le président Séguier, qui la laissa par testament à monsieur le Chancelier son neveu. Elle étoit sur la galerie dont on a parlé. L’on ne dira pas qu’elle estoit remplie de livres très curieux, il est facile de se l’imaginer, puis qu’elle avoit esté amasée par le plus habile homme de ce siècle, & pour tout dire, par celuy que l’Académie françoise choisit pour son protecteur après la mort du grand cardinal de Richelieu, & dans l’hôtel de qui elle s’est assemblée jusqu’à ce que le roy l’ait logée au Louvre, où elle est à présent. Il y avoit un grand nombre de manuscrits très - 101rares, citez par les auteurs qui s’en sont servis dans leurs ouvrages ; & quelque jour l’on en pourra voir le catalogue, qui n’a pas encore paru jusqu’à présent, mais ce ne sera que lorsque l’inventaire se fera & quand tous ces beaux livres, qui on esté assemblés avec tant de peine pendant plusieurs années par les plus grands hommes de leur temps, seront vendus en public & dispersez à tous ceux qui y voudront mettre le prix qu’on en demandera. Voilà l’état où se trouvoit cet hôtel pendant la vie de monsieur le chancelier Séguier, qui a occupé cette grande charge l’espace de plusieurs années, avec un aplaudissement universel & pendant des temps très difficiles.

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Au bout de la rue de Grenelle, on trouve :

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. C’étoit autrefois l’hôtel de Bellegarde, que le duc de ce nom avoit fait bâtir lorsqu’il étoit grand écuyer de France sous 98 Henry IV, qui l’employa en de grandes négociations & qui l’envoya à Florence pour son mariage avec Marie de Médicis. Monsieur le chancelier Séguier l’augmenta considérablement aussi-tost qu’il y vint loger, & c’est luy qui a fait élever la belle galerie qui occupe un des cotez du jardin. Les dedans en sont très beaux & la menuiserie est une des mieux travaillées que l’on puisse désirer : tout est doré & garni de tableaux du sieur Voëte, que l’on estimoit dans son temps pour un bon peintre. Il y a aussi des païsages de la manière de quelques autres bon maistres qui sont admirables. Ce qu’il y avoit de remarquable dans cette galerie pendant la vie de monsieur le Chancelier étoit un grand nombre de porcelaines qui regnoient tout autour sur la corniche, & qui faisoient le plus bel effet du monde. Il auroit esté difficile d’en trouver dans un autre endroit une plus grande quantité & de mieux choisies. Il y a avoit aussi des cabinets 99qui étoient entre la croisée d’un costé & d’autre. Au bout de cette galerie, on entre à main gauche dans une chambre qui estoit richement tapissée, où l’on voyoit plusieurs pièces d’orfèvrerie très grandes, entr’autres une grande bordure fort bien travaillée, où estoit le portrait de feu monsieur le Chancelier peint par monsieur Le Brun.

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On y pouvoit aussi remarquer un cabinet d’ébène enrichi d’agates antiques qui représentoient des têtes d’empereurs, & dans un petit cabinet tout proche, un nombre d’aimaux très considérables, en vazes & en tableaux, des meilleurs maîtres d’Italie & de ceux que l’on faisoit à Limoges dans le siècle passé. Madame la Chancelière, qui est morte depuis peu, avoit un cabinet de cristaux des plus curieusement taillés, avec une grand nombre de montres & d’orloges, enrichies de pierreries. Il y avoit en Europe peu de maisons où il y eût une plus grande 100quantité de vaiselle d’argent. On y pouvoit voir un service de vermeil doré très magnifique, dont toutes les pièces étoient d’une grandeur & d’un travail extraordinaire. Mais ce qui faisoit le plus bel ornement de cette magnifique maison étoit la nombreuse bibliothèque, estimée près de deux cens mille écus, qui avoit esté commencé par monsieur le président Séguier, qui la laissa par testament à monsieur le Chancelier son neveu. Elle étoit sur la galerie dont on a parlé. L’on ne dira pas qu’elle estoit remplie de livres très curieux, il est facile de se l’imaginer, puis qu’elle avoit esté amasée par le plus habile homme de ce siècle, & pour tout dire, par celuy que l’Académie françoise choisit pour son protecteur après la mort du grand cardinal de Richelieu, & dans l’hôtel de qui elle s’est assemblée jusqu’à ce que le roy l’ait logée au Louvre, où elle est à présent. Il y avoit un grand nombre de manuscrits très 101rares, citez par les auteurs qui s’en sont servis dans leurs ouvrages ; & quelque jour l’on en pourra voir le catalogue, qui n’a pas encore paru jusqu’à présent, mais ce ne sera que lorsque l’inventaire se fera & quand tous ces beaux livres, qui on esté assemblés avec tant de peine pendant plusieurs années par les plus grands hommes de leur temps, seront vendus en public & dispersez à tous ceux qui y voudront mettre le prix qu’on en demandera. Voilà l’état où se trouvoit cet hôtel pendant la vie de monsieur le chancelier Séguier, qui a occupé cette grande charge l’espace de plusieurs années, avec un aplaudissement universel & pendant des temps très difficiles.

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Au bout de la rue de Grenelle, on trouve :

, dans laquelle il y a deux belles maisons.

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- Celle de monsieur de Bullion & celle de feu Monsieur d’Herval, contrôleur général des finances. Cette - 102dernière a esté bâtie avec beaucoup de soin. On y voit des peintures de monsieur Mignard & un lit avec des meubles tout à fait riches. Elle est dans l’endroit où étoient autrefois les écuries de l’hôtel d’Épernon.

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Dans la rue Coqueron, au bout de la rue du Bouloy, est :

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Celle de monsieur de Bullion & celle de feu Monsieur d’Herval, contrôleur général des finances. Cette 102dernière a esté bâtie avec beaucoup de soin. On y voit des peintures de monsieur Mignard & un lit avec des meubles tout à fait riches. Elle est dans l’endroit où étoient autrefois les écuries de l’hôtel d’Épernon.

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Dans la rue Coqueron, au bout de la rue du Bouloy, est :

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- , dont les dehors sont propres & les meubles fort beaux. Il appartenoit autrefois à monsieur de Fontenay-Mareuil, si connu par ses fameuses ambassades, & surtout par celle de Rome.

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, dont les dehors sont propres & les meubles fort beaux. Il appartenoit autrefois à monsieur de Fontenay-Mareuil, si connu par ses fameuses ambassades, & surtout par celle de Rome.

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Plus avant est , bâtie seulement depuis quatre ou cinq ans, où il a fait de la dépense. Elle est d’une très grande apparence du côté de la cour, & les appartemens disposez en enfilades sont magnifiquement meublés de tapisseries, de chenets d’argent, avec des garnitures de cheminée de mesme. Tout enfin y est d’une très grande propreté & rien n’y manqueroit si l’escalier - 103avoit un peu plus de jour ; mais dans la disposition où il est, il a esté impossible de luy en donner davantage.

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Plus avant est , bâtie seulement depuis quatre ou cinq ans, où il a fait de la dépense. Elle est d’une très grande apparence du côté de la cour, & les appartemens disposez en enfilades sont magnifiquement meublés de tapisseries, de chenets d’argent, avec des garnitures de cheminée de mesme. Tout enfin y est d’une très grande propreté & rien n’y manqueroit si l’escalier 103avoit un peu plus de jour ; mais dans la disposition où il est, il a esté impossible de luy en donner davantage.

- - - L’église de Saint-Eustache - + + L’église de Saint-Eustache

- Cette église étoit seulement autrefois une petite chapelle dédiée à sainte Agnès, qui dépendoit du chapitre de Saint-Germain-l’Auxerrois. Le bâtiment, comme l’on le voit, fut commencé en l’année 1521 & la première pierre fut mise par le prévost de Paris nommé Jean de La Barre. Il est à présent le plus grand & le plus spacieux du royaume. La grandeur de toute la fabrique ; le nombre des piliers, qui sont à la vérité un peu trop pressez ; & la hauteur des voûtes, avec les chapelles qui sont tout autour, ces choses ensemble rendent cet édifice magnifique. Entr’autres choses, les - 104deux chapelles qui sont de chaque côté de la grande porte doivent être regardées : l’une est destinée pour le baptême, peinte par monsieur Mignard, & l’autre pour le mariage, par monsieur de La Fosse. Monsieur Colbert a contribué à leur embellissement. Dans celle où l’on se marie est le modèle du grand portail qui doit estre élevé dans cette église. Il sera d’une dépense très considérable. La chaire du prédicateur est assez bien travaillée, mais cependant elle n’approche pas de celle de Saint-Estienne-du-Mont, que l’on a voulu imiter. Il y a au-dessus un grand tableau qui représente l’apparition de Nostre Seigneur, que monsieur Colbert a donné, comme il paroist par ses armes qui sont au bas, qui est de la manière de monsieur Le Brun. À un des piliers de la nef en entrant à main gauche, on voit un grand bas-relief de marbre blanc sur un fond noir, qui est l’épitaphe du fameux monsieur de La Chambre, si célèbre pour ses beaux - 105écrits, qui est représenté dans un médaillon que tient l’Immortalité, & pour le désigner & le mieux faire connoistre, il y a un cartel au-dessus où sont gravez ces mots tirez de l’Écriture :

- -

Spes illorum immortalitate plena est.

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Cette belle pièce est du sieur Baptiste Turcy, qui l’a fait d’après un dessein de monsieur Le Brun. Les autres choses qui sont dans cette église sont de peu de considération. Monsieur le chancelier Séguier & monsieur de Buillon, surintendant des finances sous le ministère du cardinal de Richelieu, ont contribué à sa perfection. Monsieur de La Mothe Le Vayer, précepteur de Monsieur, si connu par ses rares écrits ; monsieur l’abbé de Bourfay de l’Académie françoise, y sont enterrez.

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- + Cette église étoit seulement autrefois une petite chapelle dédiée à sainte Agnès, qui dépendoit du chapitre de Saint-Germain-l’Auxerrois. Le bâtiment, comme l’on le voit, fut commencé en l’année 1521 & la première pierre fut mise par le prévost de Paris nommé Jean de La Barre. Il est à présent le plus grand & le plus spacieux du royaume. La grandeur de toute la fabrique ; le nombre des piliers, qui sont à la vérité un peu trop pressez ; & la hauteur des voûtes, avec les chapelles qui sont tout autour, ces choses ensemble rendent cet édifice magnifique. Entr’autres choses, les 104deux chapelles qui sont de chaque côté de la grande porte doivent être regardées : l’une est destinée pour le baptême, peinte par monsieur Mignard, & l’autre pour le mariage, par monsieur de La Fosse. Monsieur Colbert a contribué à leur embellissement. Dans celle où l’on se marie est le modèle du grand portail qui doit estre élevé dans cette église. Il sera d’une dépense très considérable. La chaire du prédicateur est assez bien travaillée, mais cependant elle n’approche pas de celle de Saint-Estienne-du-Mont, que l’on a voulu imiter. Il y a au-dessus un grand tableau qui représente l’apparition de Nostre Seigneur, que monsieur Colbert a donné, comme il paroist par ses armes qui sont au bas, qui est de la manière de monsieur Le Brun. À un des piliers de la nef en entrant à main gauche, on voit un grand bas-relief de marbre blanc sur un fond noir, qui est l’épitaphe du fameux monsieur de La Chambre, si célèbre pour ses beaux 105écrits, qui est représenté dans un médaillon que tient l’Immortalité, & pour le désigner & le mieux faire connoistre, il y a un cartel au-dessus où sont gravez ces mots tirez de l’Écriture :

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Spes illorum immortalitate plena est.

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Cette belle pièce est du sieur Baptiste Turcy, qui l’a fait d’après un dessein de monsieur Le Brun. Les autres choses qui sont dans cette église sont de peu de considération. Monsieur le chancelier Séguier & monsieur de Buillon, surintendant des finances sous le ministère du cardinal de Richelieu, ont contribué à sa perfection. Monsieur de La Mothe Le Vayer, précepteur de Monsieur, si connu par ses rares écrits ; monsieur l’abbé de Bourfay de l’Académie françoise, y sont enterrez.

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- Dans la rue Coquillière, assez proche de Saint-Eustache, est la maison de monsieur Berrier, secrétaire du Conseil, dans le jardin de laquelle on a trouvé le bust de Cybèle dont on a parlé. La porte, qui n’a pas une grande apparence au dehors, est d’une beauté singulière au dedans, ornée de pillastres corinthiens d’un goût admirable. Le garde des sceaux de Chateau-Neuf y a demeuré.

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Voilà les choses principales que l’on peut voir dans ce quartier.

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Dans la rue Coquillière, assez proche de Saint-Eustache, est la maison de monsieur Berrier, secrétaire du Conseil, dans le jardin de laquelle on a trouvé le bust de Cybèle dont on a parlé. La porte, qui n’a pas une grande apparence au dehors, est d’une beauté singulière au dedans, ornée de pillastres corinthiens d’un goût admirable. Le garde des sceaux de Chateau-Neuf y a demeuré.

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Voilà les choses principales que l’on peut voir dans ce quartier.

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- est derrière Saint-Eustache. Presque à l’extrémité de cette rue est la petite église de Saint-Joseph, dans le cimetière de laquelle est enterré le fameux Molière, si célèbre à cause de ses comédies.

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est derrière Saint-Eustache. Presque à l’extrémité de cette rue est la petite église de Saint-Joseph, dans le cimetière de laquelle est enterré le fameux Molière, si célèbre à cause de ses comédies.

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- est proche. C’est un lieu que l’on doit éviter à cause des embarras continuels qui y sont. On y faisoit autrefois justice comme on fait - 107à présent à la Grève, & on lit dans l’histoire de Charles VI - que le prévost de Paris nommé Montaigu, qui estoit aussi grand trésorier, y eut la teste tranchée, au grand regret des Parisiens, par la brigue du duc de Bourgogne, quoique ce fût un fort homme de bien. Mais le roi, aïant horreur d’une si cruelle injustice qui s’estoit faite en son nom dans le temps qu’il avoit l’esprit aliéné, réhabilita sa mémoire & toute sa famille ; & les Célestins de Paris, ausquels il avoit donné son château de Marcousy, l’allèrent détacher du gibet de Monfaucon quatre mois après sa mort, & lui aïant fait une pompe funèbre des plus magnifiques, ils le portèrent à Marcousy, où ils lui dressèrent un tombeau que l’on voit encore à présent ; ce qui fut un rare exemple de reconnoissance & de générosité pour des moines, à ce que dit Juvénal des Ursins, archevêque de Reims, historien fidèle de ce règne-là.

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est proche. C’est un lieu que l’on doit éviter à cause des embarras continuels qui y sont. On y faisoit autrefois justice comme on fait 107à présent à la Grève, & on lit dans l’histoire de Charles VI + que le prévost de Paris nommé Montaigu, qui estoit aussi grand trésorier, y eut la teste tranchée, au grand regret des Parisiens, par la brigue du duc de Bourgogne, quoique ce fût un fort homme de bien. Mais le roi, aïant horreur d’une si cruelle injustice qui s’estoit faite en son nom dans le temps qu’il avoit l’esprit aliéné, réhabilita sa mémoire & toute sa famille ; & les Célestins de Paris, ausquels il avoit donné son château de Marcousy, l’allèrent détacher du gibet de Monfaucon quatre mois après sa mort, & lui aïant fait une pompe funèbre des plus magnifiques, ils le portèrent à Marcousy, où ils lui dressèrent un tombeau que l’on voit encore à présent ; ce qui fut un rare exemple de reconnoissance & de générosité pour des moines, à ce que dit Juvénal des Ursins, archevêque de Reims, historien fidèle de ce règne-là.

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Proche de la rue Montorgueil est , que les anciens ducs de ce nom donnèrent à la confrérie de la Passion, qui se tient dans l’église de l’hôpital de la Trinité dans la rue Saint-Denis, à la charge que l’on y représenteroit des pièces de dévotion. Mais depuis ce temps-là le goûst estant changé, on y a introduit les pièces profanes & à présent les comédiens italiens en sont en possession, depuis la réunion des deux troupes françoises que le roi fit il y a trois ou quatre ans. Ce théâtre est peut-estre un des plus anciens d’Europe, car on croit qu’il y a six cens ans qu’on y donne des spectacles. Autrefois, la comédie n’estoit représentée que par des troupes errantes de pèlerins du Saint-Sépulcre de Jérusalem, que l’on nomma depuis Jongleurs, qui n’aïant aucune résidence assurée faisoient aux coins des rues le récit des avantures qu’ils avoient eu dans leur voïages - 109& le peuple, touché des dangers qu’ils avoient encourus, leur faisoient des aumônes considérables. Comme on trouvoit quelque sorte de plaisir à les entendre parler, les anciens ducs de Bourgognes leur donnèrent une salle dans leur hôtel, où tout le monde venoit les entendre plus commodement. Mais dans la suite, ces pièces de dévotion dégénérèrent en pièces profanes, & devinrent en effet si profanes que ce n’estoit plus que des farces & des représentations fort déréglées, de sorte que le christianisme ne pouvoit plus honnestement les souffrir. Cela dura pendant la grossièreté de ces siècles, et c’est ce qui donne encore lieu, à ceux qui ne sçavent pas la différence qu’il y a de cette ancienne comédie avec celle qu’on nous représente aujourd’hui, de les confondre indifféremment. Cependant par les soins du grand cardinal de Richelieu, la comédie a tellement changé de face qu’il n’y reste plus - 110rien de ce qui la faisoit autrefois condammer.

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Proche de la rue Montorgueil est , que les anciens ducs de ce nom donnèrent à la confrérie de la Passion, qui se tient dans l’église de l’hôpital de la Trinité dans la rue Saint-Denis, à la charge que l’on y représenteroit des pièces de dévotion. Mais depuis ce temps-là le goûst estant changé, on y a introduit les pièces profanes & à présent les comédiens italiens en sont en possession, depuis la réunion des deux troupes françoises que le roi fit il y a trois ou quatre ans. Ce théâtre est peut-estre un des plus anciens d’Europe, car on croit qu’il y a six cens ans qu’on y donne des spectacles. Autrefois, la comédie n’estoit représentée que par des troupes errantes de pèlerins du Saint-Sépulcre de Jérusalem, que l’on nomma depuis Jongleurs, qui n’aïant aucune résidence assurée faisoient aux coins des rues le récit des avantures qu’ils avoient eu dans leur voïages 109& le peuple, touché des dangers qu’ils avoient encourus, leur faisoient des aumônes considérables. Comme on trouvoit quelque sorte de plaisir à les entendre parler, les anciens ducs de Bourgognes leur donnèrent une salle dans leur hôtel, où tout le monde venoit les entendre plus commodement. Mais dans la suite, ces pièces de dévotion dégénérèrent en pièces profanes, & devinrent en effet si profanes que ce n’estoit plus que des farces & des représentations fort déréglées, de sorte que le christianisme ne pouvoit plus honnestement les souffrir. Cela dura pendant la grossièreté de ces siècles, et c’est ce qui donne encore lieu, à ceux qui ne sçavent pas la différence qu’il y a de cette ancienne comédie avec celle qu’on nous représente aujourd’hui, de les confondre indifféremment. Cependant par les soins du grand cardinal de Richelieu, la comédie a tellement changé de face qu’il n’y reste plus 110rien de ce qui la faisoit autrefois condammer.

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- - - La rue Montmartre est jointe à la rue Montorgueil par diverses rues, mais la principale est la rue de Cléri, où est la maison de monsieur Bertelot, intendant de la maison de madame la Dauphine. Elle est composée de deux cours, qui se joignent, d’un dessein fort particulier. Les meubles en sont très beaux.

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+ La rue Montmartre est jointe à la rue Montorgueil par diverses rues, mais la principale est la rue de Cléri, où est la maison de monsieur Bertelot, intendant de la maison de madame la Dauphine. Elle est composée de deux cours, qui se joignent, d’un dessein fort particulier. Les meubles en sont très beaux.

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- - Celle du sieur Roland, bâtie sur les desseins de monsieur des Argues, fameux architecte, est fort proche. Par le dehors, on juge aisément qu’elle appartient à un homme qui se connoît en belles choses, mais les dedans & la face du bâtiment du côté de la cour surpassent tout le reste. L’on ne peut rien de plus régulier ni de mieux proportionné que l’escalier, qui est sur un plan fort bizare & où l’architecte à eu besoin de toute son étude pour réussir comme il a fait.

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Celle du sieur Roland, bâtie sur les desseins de monsieur des Argues, fameux architecte, est fort proche. Par le dehors, on juge aisément qu’elle appartient à un homme qui se connoît en belles choses, mais les dedans & la face du bâtiment du côté de la cour surpassent tout le reste. L’on ne peut rien de plus régulier ni de mieux proportionné que l’escalier, qui est sur un plan fort bizare & où l’architecte à eu besoin de toute son étude pour réussir comme il a fait.

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Voilà tout ce qu’il y a dans ce quartier. Si on y remarque encore quelques autres choses dont on n’ait point parlé, c’est qu’elles ont paru de si peu de considération qu’on n’a pas jugé à propos d’en faire mention. Ensuite, on doit aller à :

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Voilà tout ce qu’il y a dans ce quartier. Si on y remarque encore quelques autres choses dont on n’ait point parlé, c’est qu’elles ont paru de si peu de considération qu’on n’a pas jugé à propos d’en faire mention. Ensuite, on doit aller à :

- - - La rue Saint-Denis - + + La rue Saint-Denis

- Cette rue commence au Grand Châtelet, qui est au bout du pont au Change, comme on a déjà dit. C’est dans ce lieu où l’on rend la justice civile & criminelle de la ville & prévosté de Paris. Cette juridiction est à présent divisée en deux parties, selon le cours de la rivière, qui la sépare en ancien & nouveau Châtelet, & cela est à cause que les officiers ont chacun leur district particulier.

+ Cette rue commence au Grand Châtelet, qui est au bout du pont au Change, comme on a déjà dit. C’est dans ce lieu où l’on rend la justice civile & criminelle de la ville & prévosté de Paris. Cette juridiction est à présent divisée en deux parties, selon le cours de la rivière, qui la sépare en ancien & nouveau Châtelet, & cela est à cause que les officiers ont chacun leur district particulier.

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- qui est proche est la plus ancienne de tout Paris ; mesme autrefois elle estoit la seule. Elle appartenoit à une com - 112munauté de bourgeois, qui faisoient une espèce de petite république, séparée entre-eux, qui avoient beaucoup de crédit & d’autorité parmi les habitans. Souvent mesme, il est arrivé de grands désordres par le mécontentement de ces gens-là, qui suivoient la passion des factieux sous le règne de Charles VI. À présent, l’on a réuni cette boucherie au domaine. Plus avant est :

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qui est proche est la plus ancienne de tout Paris ; mesme autrefois elle estoit la seule. Elle appartenoit à une com 112munauté de bourgeois, qui faisoient une espèce de petite république, séparée entre-eux, qui avoient beaucoup de crédit & d’autorité parmi les habitans. Souvent mesme, il est arrivé de grands désordres par le mécontentement de ces gens-là, qui suivoient la passion des factieux sous le règne de Charles VI. À présent, l’on a réuni cette boucherie au domaine. Plus avant est :

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- , dont les religieuses logent une nuit les pauvres filles qui sont sans condition. Elles sont aussi obligées de faire enterrer les corps de ceux que l’on trouve morts en divers endroits & que l’on expose quelques jours au Châtelet pour estre reconnus.

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, dont les religieuses logent une nuit les pauvres filles qui sont sans condition. Elles sont aussi obligées de faire enterrer les corps de ceux que l’on trouve morts en divers endroits & que l’on expose quelques jours au Châtelet pour estre reconnus.

- est fort proche. C’estoit autrefois un prieuré de filles dépendant de l’abbaye d’Almanèche en Normandie, dans le diocèse de Séez, mais à présent c’est une église collégiale - 113 où il y a huit ou dix chanoines qui y font l’office. En poursuivant le mesme chemin, on trouvera :

+ est fort proche. C’estoit autrefois un prieuré de filles dépendant de l’abbaye d’Almanèche en Normandie, dans le diocèse de Séez, mais à présent c’est une église collégiale 113 où il y a huit ou dix chanoines qui y font l’office. En poursuivant le mesme chemin, on trouvera :

- - La fontaine des Saints-Innocens - + La fontaine des Saints-Innocens

- Cette fontaine fait le coin de la rue aux fers, qui est pleine de marchands d’étoffes de soie. Elle est l’admiration de tout ce qu’il y a de sçavans en architecture & en sculpture, & sans doute elle est une des plus belles choses que l’on puisse voir, à cause des basses tailles qui sont d’un dessein & d’une exécution la plus sçavante du monde. La pluspart représentent des nymphes dans diverses situations, qui versent de l’eau de leurs urnes. Le chevalier Bernin, qui estoit d’un goûst assez difficile, admira cet ouvrage & confessa qu’il n’avoit rien vu de si beau dans toute la France. Elle est du fameux Jean Gougeon, qui l’acheva en l’année 1550. On y voit - 114 cette inscription au dessous :

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Fontium nymphis.

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+ Cette fontaine fait le coin de la rue aux fers, qui est pleine de marchands d’étoffes de soie. Elle est l’admiration de tout ce qu’il y a de sçavans en architecture & en sculpture, & sans doute elle est une des plus belles choses que l’on puisse voir, à cause des basses tailles qui sont d’un dessein & d’une exécution la plus sçavante du monde. La pluspart représentent des nymphes dans diverses situations, qui versent de l’eau de leurs urnes. Le chevalier Bernin, qui estoit d’un goûst assez difficile, admira cet ouvrage & confessa qu’il n’avoit rien vu de si beau dans toute la France. Elle est du fameux Jean Gougeon, qui l’acheva en l’année 1550. On y voit 114 cette inscription au dessous :

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Fontium nymphis.

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- est un peu plus haut. Elle a esté bâtie pour les pèlerins du Saint-Sépulchre de Jérusalem, qu’on y logeoit autrefois quelques jours. À présent, c’est une église collégiale dont les chanoines sont à la collation du chapitre de Notre-Dame. L’autel est d’une très belle menuiserie & le tableau qui est dessus, dont monsieur Colbert a fait présent, est de Monsieur Le Brun.

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est un peu plus haut. Elle a esté bâtie pour les pèlerins du Saint-Sépulchre de Jérusalem, qu’on y logeoit autrefois quelques jours. À présent, c’est une église collégiale dont les chanoines sont à la collation du chapitre de Notre-Dame. L’autel est d’une très belle menuiserie & le tableau qui est dessus, dont monsieur Colbert a fait présent, est de Monsieur Le Brun.

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- . Cette église se trouve un peu après. On verra dans une des chapelles le tombeau de la mère de feu monsieur le premier président de Lamoignon, qui est d’un très beau travail de marbre, du dessein de monsieur Girardon, avec un bas-relief que l’on estime beaucoup. Le tableau du grand autel est aussi fort estimé, à cause qu’il est du Porbus, peintre célèbre.

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. Cette église se trouve un peu après. On verra dans une des chapelles le tombeau de la mère de feu monsieur le premier président de Lamoignon, qui est d’un très beau travail de marbre, du dessein de monsieur Girardon, avec un bas-relief que l’on estime beaucoup. Le tableau du grand autel est aussi fort estimé, à cause qu’il est du Porbus, peintre célèbre.

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- est un peu plus haut & de l’autre côté de la rue. Il a esté fondé des libéralitez de quelques bourgeois qui en demandèrent la permission à Louis Hutin en 1315. Il estoit autrefois destiné pour loger des voyageurs qui passoient pour aller à Saint-Jacques en Galice. À présent, le revenu est appliqué aux Invalides.

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On ne dit rien de l’hôpital de la Trinité ny de l’église de Saint-Sauveur, parce qu’il n’y a rien de curieux, non plus qu’aux Filles Pénitentes & aux Filles-Dieu, qui ont esté bâties & fondées par saint Louis. Chez ces dernières, on pourra voir le grand autel qu’elles ont fait élever depuis peu sur le dessein de celui de Saint-Martin-des-Champs.

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est un peu plus haut & de l’autre côté de la rue. Il a esté fondé des libéralitez de quelques bourgeois qui en demandèrent la permission à Louis Hutin en 1315. Il estoit autrefois destiné pour loger des voyageurs qui passoient pour aller à Saint-Jacques en Galice. À présent, le revenu est appliqué aux Invalides.

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On ne dit rien de l’hôpital de la Trinité ny de l’église de Saint-Sauveur, parce qu’il n’y a rien de curieux, non plus qu’aux Filles Pénitentes & aux Filles-Dieu, qui ont esté bâties & fondées par saint Louis. Chez ces dernières, on pourra voir le grand autel qu’elles ont fait élever depuis peu sur le dessein de celui de Saint-Martin-des-Champs.

- - La statue du roy - + La statue du roy

- Dans l’hôtel de Saint-Chaumont, où demeure monsieur le maréchal de La Feuillade, on doit aller voir la belle - 116statue du roy que cet illustre maréchal fait faire avec une dépense très considérable. Elle représente le roy vêtu à la romaine, avec une couronne de laurier sur sa teste. Elle est haute de onze ou douze piez & d’un seul bloc de marbre : le plus grand que l’on ait encore vu à Paris. Le pié-d’estal sur lequel elle sera posée doit estre fort élevé, & aux quatre faces on y doit mettre des bas-reliefs de bronze qui représentent l’histoire de quelques grands évènements de ce règne, à sçavoir : la prise de Bezançon, le fameux passage du Rhin, la paix générale de Nimègne & la satisfaction que l’Espagne fit au roy en 1661, sur ce qui se passa à Londres touchant monsieur le maréchal d’Estrade, qui pour lors étoit ambassadeur de France en Angleterre. Quatre captifs seront couchez sur des armes antiques & chargez de chaînes. Mais depuis quelque temps, le dessein de la statue a esté changé : elle doit estre - 117de bronze & le roy sera vêtu des habits dont on se sert au sacre, que l’on conserve dans le trésor de Saint-Denis, avec une Immortalité derrière, qui luy mettra une couronne de laurier sur la teste. Ce monument est d’un dessein magnifique & le sieur des Jardins y travaille sans relâche depuis plus de trois ans. On ne sçait pas encore en quel lieu cette belle statue sera placée & l’on en cherche un où elle puisse estre exposée comme il faut à la veue du public. On dit pourtant que monsieur le maréchal de La Feuillade, qui en fait toute la dépense pour marquer à la postérité la reconnoissance qu’il a des bienfaits dont le roy l’a comblé, a acheté depuis peu l’hôtel de la Ferté-Seneterre la somme de quatre-vingt mille écus, pour en faire une place au milieu de laquelle on la mettra. Monsieur de Santeuil, chanoine de Saint-Victor, un des plus habiles hommes de ce siècle pour les inscriptions en vers, travaille à en - 118faire de belles, qui expliqueront à la postérité les merveilles du règne d’à présent.

+ Dans l’hôtel de Saint-Chaumont, où demeure monsieur le maréchal de La Feuillade, on doit aller voir la belle + 116statue du roy que cet illustre maréchal fait faire avec une dépense très considérable. Elle représente le roy vêtu à la romaine, avec une couronne de laurier sur sa teste. Elle est haute de onze ou douze piez & d’un seul bloc de marbre : le plus grand que l’on ait encore vu à Paris. Le pié-d’estal sur lequel elle sera posée doit estre fort élevé, & aux quatre faces on y doit mettre des bas-reliefs de bronze qui représentent l’histoire de quelques grands évènements de ce règne, à sçavoir : la prise de Bezançon, le fameux passage du Rhin, la paix générale de Nimègne & la satisfaction que l’Espagne fit au roy en 1661, sur ce qui se passa à Londres touchant monsieur le maréchal d’Estrade, qui pour lors étoit ambassadeur de France en Angleterre. Quatre captifs seront couchez sur des armes antiques & chargez de chaînes. Mais depuis quelque temps, le dessein de la statue a esté changé : elle doit estre 117de bronze & le roy sera vêtu des habits dont on se sert au sacre, que l’on conserve dans le trésor de Saint-Denis, avec une Immortalité derrière, qui luy mettra une couronne de laurier sur la teste. Ce monument est d’un dessein magnifique & le sieur des Jardins y travaille sans relâche depuis plus de trois ans. On ne sçait pas encore en quel lieu cette belle statue sera placée & l’on en cherche un où elle puisse estre exposée comme il faut à la veue du public. On dit pourtant que monsieur le maréchal de La Feuillade, qui en fait toute la dépense pour marquer à la postérité la reconnoissance qu’il a des bienfaits dont le roy l’a comblé, a acheté depuis peu l’hôtel de la Ferté-Seneterre la somme de quatre-vingt mille écus, pour en faire une place au milieu de laquelle on la mettra. Monsieur de Santeuil, chanoine de Saint-Victor, un des plus habiles hommes de ce siècle pour les inscriptions en vers, travaille à en 118faire de belles, qui expliqueront à la postérité les merveilles du règne d’à présent.

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Un peu plus haut, on trouvera une fontaine nouvellement bâtie où ces vers sont gravez :

- - - Qui fontez aperit, qui flumina dividit urbi, - Ille est quem domitis Rhenus adorat aquis. - - +

Un peu plus haut, on trouvera une fontaine nouvellement bâtie où ces vers sont gravez :

+ + Qui fontez aperit, qui flumina dividit urbi, + Ille est quem domitis Rhenus adorat aquis. +
- - La porte Saint-Denis - + La porte Saint-Denis

- De toutes les nouvelles portes que les échevins ont fait élever depuis qu’ils ont entrepris par l’ordre du roy d’embellir la ville de Paris, celle-cy est la plus magnifique. Elle est élevée sur les fondemens de l’ancienne qui estoit très incommode. Le corps de la nouvelle est haut de soixante & onze piez, & a la mesme largeur. L’ouverture qui fait la porte est de vingt-quatre de chaque côté. Elle est accompagné de pyramides chargées de trophées d’ar - 119mes, qui sont attachez dans l’épaisseur de l’ouvrage, sous le pié-d’estal desquels on a pratiqué une petite porte pour aider à la grande qui est au milieu. Sur le cintre est un grand bas-relief qui représente, du côté de la ville, le passage du Rhin, & du côté du faux-bourg, la prise de Mastrich ; & afin de rendre la chose plus claire, sous chaque pyramides, ces inscriptions sont gravées sur des tables de marbres blanc. Du côté de la ville :

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Emendata male memori Batavorum gente. Praef. et ædil. poni cc. Ann. R. S. H. M DCLXXII.

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Quod diebus vix Sexaginta Rhenum, Vahalim, Mosam, Isolam superavit. Subegit Provincias tres, cepit urbes munitas Quadraginta.

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Du côté du faux-bourg, ces deux-cy.

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Quod Trajectum ad MosamXIII diebus cepit.

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Præf. et ædil. poni cc.Ann. R. S. H. M DCLXXIII.

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La frise de chaque côté est chargée de cette inscription en grosses lettres d’or : -

- Ludovico Magno.

- Cette porte est d’une magnifique apparence, & dans son genre elle est un des plus beaux ouvrages qu’il y ait au monde. Le dessus est découvert à la manière des anciens arcs de triomphes que l’on voit à Rome. C’est monsieur Bondel qui en a donné le dessein, aussi bien que des nouvelles portes & tous les embellissemens que l’on a fait dans Paris depuis quelques années. Les - 121 inscriptions que l’on y lit sont aussi de luy, qui font connoître par leur beauté que ce sçavant homme est habile en toutes choses.

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Dans le faux-bourg, on doit aller voir :

+ De toutes les nouvelles portes que les échevins ont fait élever depuis qu’ils ont entrepris par l’ordre du roy d’embellir la ville de Paris, celle-cy est la plus magnifique. Elle est élevée sur les fondemens de l’ancienne qui estoit très incommode. Le corps de la nouvelle est haut de soixante & onze piez, & a la mesme largeur. L’ouverture qui fait la porte est de vingt-quatre de chaque côté. Elle est accompagné de pyramides chargées de trophées d’ar 119mes, qui sont attachez dans l’épaisseur de l’ouvrage, sous le pié-d’estal desquels on a pratiqué une petite porte pour aider à la grande qui est au milieu. Sur le cintre est un grand bas-relief qui représente, du côté de la ville, le passage du Rhin, & du côté du faux-bourg, la prise de Mastrich ; & afin de rendre la chose plus claire, sous chaque pyramides, ces inscriptions sont gravées sur des tables de marbres blanc. Du côté de la ville :

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Emendata male memori Batavorum gente. Praef. et ædil. poni cc. Ann. R. S. H. M DCLXXII.

Quod diebus vix Sexaginta Rhenum, Vahalim, Mosam, Isolam superavit. Subegit Provincias tres, cepit urbes munitas Quadraginta.

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Du côté du faux-bourg, ces deux-cy.

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Quod Trajectum ad MosamXIII diebus cepit.

Præf. et ædil. poni cc.Ann. R. S. H. M DCLXXIII.

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La frise de chaque côté est chargée de cette inscription en grosses lettres d’or :

Ludovico Magno.

+ Cette porte est d’une magnifique apparence, & dans son genre elle est un des plus beaux ouvrages qu’il y ait au monde. Le dessus est découvert à la manière des anciens arcs de triomphes que l’on voit à Rome. C’est monsieur Bondel qui en a donné le dessein, aussi bien que des nouvelles portes & tous les embellissemens que l’on a fait dans Paris depuis quelques années. Les 121 inscriptions que l’on y lit sont aussi de luy, qui font connoître par leur beauté que ce sçavant homme est habile en toutes choses.

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Dans le faux-bourg, on doit aller voir :

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- . Depuis quelques années, ces pères ont fait élever de grands bâtimens pour loger leur nombreuse communauté. Autrefois, c’estoit une maladrerie, c’est à dire un hôpital destiné à loger ceux qui estoient affligez de ladrerie ; mais dans ces derniers siècles cette maladie ayant cessé, ces maisons ont esté converties en d’autres usages, & celle-cy estant tombée entre les mains du père Vincent de Paul, instituteur de la Mission. Il en a fait le chef d’ordre de toute sa congrégation, dont l’institut est d’aller dans les villages instruire les pauvres païsans & d’enseigner aux jeunes clercs les cérémonies de l’Église ; d’où vient qu’aux quatre ordinations de l’année, tous ceux qui - 122se présentent à l’archevêché pour recevoir les ordres doivent y passer onze jours pour estre instruits & exhortez, & mesme ces pères sont obligez de les nourrir tous gratuitement pendant ce temps-là, parce que c’est à cette condition qu’on leur a accordé la jouissance de plusieurs terres qui sont autour de leur maison.

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. Depuis quelques années, ces pères ont fait élever de grands bâtimens pour loger leur nombreuse communauté. Autrefois, c’estoit une maladrerie, c’est à dire un hôpital destiné à loger ceux qui estoient affligez de ladrerie ; mais dans ces derniers siècles cette maladie ayant cessé, ces maisons ont esté converties en d’autres usages, & celle-cy estant tombée entre les mains du père Vincent de Paul, instituteur de la Mission. Il en a fait le chef d’ordre de toute sa congrégation, dont l’institut est d’aller dans les villages instruire les pauvres païsans & d’enseigner aux jeunes clercs les cérémonies de l’Église ; d’où vient qu’aux quatre ordinations de l’année, tous ceux qui 122se présentent à l’archevêché pour recevoir les ordres doivent y passer onze jours pour estre instruits & exhortez, & mesme ces pères sont obligez de les nourrir tous gratuitement pendant ce temps-là, parce que c’est à cette condition qu’on leur a accordé la jouissance de plusieurs terres qui sont autour de leur maison.

- - - La rue Saint-Martin - + + La rue Saint-Martin

Cette rue est une des plus longues & des plus droites de Paris.

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- est au commencement. Elle est remarquable par sa haute tour, qui a esté bâtie de l’argent que l’on confisca aux juifs lorsqu’ils furent chassez de Paris. On dit que Flamel, célèbre chymiste, y est enterré, qui avoit trouvé le secret de la pierre philisophale sous le règne de Philippe Auguste ; mais il y a plus d’apparence de croire ceux qui pensent que les Juifs ayant esté chassez de Paris, il - 123profita de l’argent qu’ils luy avoient laissé en dépost, dont il fit bâtir la grande tour de cette église & les charniers des Saint-Innocens, comme on l’a dit en son lieu. Jean Fernel, médecin de Henry II, y est aussi enterré. On estime fort le crucifix qui est sur la porte du chœur, de l’ouvrage de Sarazin.

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est au commencement. Elle est remarquable par sa haute tour, qui a esté bâtie de l’argent que l’on confisca aux juifs lorsqu’ils furent chassez de Paris. On dit que Flamel, célèbre chymiste, y est enterré, qui avoit trouvé le secret de la pierre philisophale sous le règne de Philippe Auguste ; mais il y a plus d’apparence de croire ceux qui pensent que les Juifs ayant esté chassez de Paris, il 123profita de l’argent qu’ils luy avoient laissé en dépost, dont il fit bâtir la grande tour de cette église & les charniers des Saint-Innocens, comme on l’a dit en son lieu. Jean Fernel, médecin de Henry II, y est aussi enterré. On estime fort le crucifix qui est sur la porte du chœur, de l’ouvrage de Sarazin.

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+ + Additions page 122 du premier volume

- Dans l’église de Saint-Jacques-de-la-Boucherie proche le Grand Châtelet, est le tombeau de l’illustre de Jean Fernel, dont on lit l’épitaphe derrière le chœur. Il estoit premier médecin de Henri II & sans doute un des plus sçavant hommes en médecine qui ait jamais paru en France, comme l’on le peut aisément juger par les merveilleuses choses qu’il fit sur les personnes roïales,& principalement sur Catherine de Médicis, où il fit voir ce que peut la force de l’art sur la nature mesme, quand une fois un homme est assez habile pour le posséder comme il faut.

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Deo immortali opt. max. etChristo Jesuhominum Salvatori sacrum.

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- - Joanni Fernelio Ambianensi Henrici II Galliarum Regis Consiliario & - Addidionsprimo Medico nobilissimo atque optimo reconditarum & penitus abditarum rerum scrutatori & explicatori subtilissimo, multorum salutarium medicamentorum inventori, veræ germanæque Medicinæ restitutori, summo ingenio exquisitaque doctrina Mathematico, in omni genere Philosophiæ claro, omnibus ingenuis artibus instructo, temporatissimis sanctissimisque moribusque prædito, socero suo pientissimo Philibertus Bariotius, supplicum Libellorum in Regia Magister, magnique Regis Consilii Præses affinitate gener, pietate filius, mœrens posuit. Anno à salute mortalibus restituta.

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Obiit XXVI. Aprilis anno M. D. LVIII. - Vixit annos LII.

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+ Dans l’église de Saint-Jacques-de-la-Boucherie proche le Grand Châtelet, est le tombeau de l’illustre de Jean Fernel, dont on lit l’épitaphe derrière le chœur. Il estoit premier médecin de Henri II & sans doute un des plus sçavant hommes en médecine qui ait jamais paru en France, comme l’on le peut aisément juger par les merveilleuses choses qu’il fit sur les personnes roïales,& principalement sur Catherine de Médicis, où il fit voir ce que peut la force de l’art sur la nature mesme, quand une fois un homme est assez habile pour le posséder comme il faut.

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Deo immortali opt. max. etChristo Jesuhominum Salvatori sacrum.

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+ Joanni Fernelio Ambianensi Henrici II Galliarum Regis Consiliario & Addidionsprimo Medico nobilissimo atque optimo reconditarum & penitus abditarum rerum scrutatori & explicatori subtilissimo, multorum salutarium medicamentorum inventori, veræ germanæque Medicinæ restitutori, summo ingenio exquisitaque doctrina Mathematico, in omni genere Philosophiæ claro, omnibus ingenuis artibus instructo, temporatissimis sanctissimisque moribusque prædito, socero suo pientissimo Philibertus Bariotius, supplicum Libellorum in Regia Magister, magnique Regis Consilii Præses affinitate gener, pietate filius, mœrens posuit. Anno à salute mortalibus restituta.

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Obiit XXVI. Aprilis anno M. D. LVIII. + Vixit annos LII.

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- estoit autrefois nommé Saint-Pierre, mais saint Médéric, natif d’Autun en Bourgogne, de l’ordre de saint Benoist, y estant mort en odeur de sainteté, elle en prit le nom à l’imitation de quelques autres églises. À présent elle est collégiale, composée de douze chanoines qui sont obligez d’aller aux grandes processions de Notre-Dame à cause que cette église en dépend. Plus avant on trouve :

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estoit autrefois nommé Saint-Pierre, mais saint Médéric, natif d’Autun en Bourgogne, de l’ordre de saint Benoist, y estant mort en odeur de sainteté, elle en prit le nom à l’imitation de quelques autres églises. À présent elle est collégiale, composée de douze chanoines qui sont obligez d’aller aux grandes processions de Notre-Dame à cause que cette église en dépend. Plus avant on trouve :

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- , où demeure une communauté de prestres. Autrefois c’estoit un hôpital destiné pour les pauvres femmes malades, fondé par deux célèbres - 124joueur de violons en 1330.

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, où demeure une communauté de prestres. Autrefois c’estoit un hôpital destiné pour les pauvres femmes malades, fondé par deux célèbres 124joueur de violons en 1330.

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Vis-à-vis est la maison qui a servy de bureau à la Compagnie des Indes orientales, qui est remarquable par quelques figures qui sont sur la porte. Ensuite est :

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, que l’on a réparé depuis peu & qui appartient à présent à des particuliers. Après on verra :

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- , fondé par le roi Robert, qui avoit son palais tout proche & dans le lieu mesme où Saint-Martin est bâti à présent. Cette église est une paroisse fort grande & fort peuplée. Monsieur Gassendi, un des plus fameux philosophes de ces derniers siècles, y est enterré dans la chapelle de Monsieur de Monmort. Monsieur Bernier, si connu par sa profonde érudition & par les beaux voyages qu’il a fait aux Indes, où mesme il a demeuré longtemps, a traduit des ouvrages en françois, pour la satisfaction & pour le soulagement de ceux qui n’entendent pas la langue latine. Tout proche est :

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, fondé par le roi Robert, qui avoit son palais tout proche & dans le lieu mesme où Saint-Martin est bâti à présent. Cette église est une paroisse fort grande & fort peuplée. Monsieur Gassendi, un des plus fameux philosophes de ces derniers siècles, y est enterré dans la chapelle de Monsieur de Monmort. Monsieur Bernier, si connu par sa profonde érudition & par les beaux voyages qu’il a fait aux Indes, où mesme il a demeuré longtemps, a traduit des ouvrages en françois, pour la satisfaction & pour le soulagement de ceux qui n’entendent pas la langue latine. Tout proche est :

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- . Ce monastère est tout entouré de hautes murailles antiques avec des tours d’espace en espace. L’église, comme le reste du couvent, marque une haute antiquité. Mais le grand autel est à la moderne, du dessein de Mansard. Il est composé de quatre colonnes corinthiennes de marbre, d’une disposition & d’une proportion digne d’un aussi grand maître qu’il estoit. L’ordre de saint Benoist est en possession de cette maison depuis très longtemps, & Monsieur l’abbé de Lionne, fils du secrétaire d’État, jouit de ce prieuré qui est fort considérable par son grand revenu. On croit qu’il a esté fondé par Philippe premier ou par le roy Robert, son père, qui y ont tenu leur cour. Mais on voit dans quelques auteurs qu’il y avoit déjà des bâtimens fort anciens que ces rois firent réparer pour y demeurer.

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. Ce monastère est tout entouré de hautes murailles antiques avec des tours d’espace en espace. L’église, comme le reste du couvent, marque une haute antiquité. Mais le grand autel est à la moderne, du dessein de Mansard. Il est composé de quatre colonnes corinthiennes de marbre, d’une disposition & d’une proportion digne d’un aussi grand maître qu’il estoit. L’ordre de saint Benoist est en possession de cette maison depuis très longtemps, & Monsieur l’abbé de Lionne, fils du secrétaire d’État, jouit de ce prieuré qui est fort considérable par son grand revenu. On croit qu’il a esté fondé par Philippe premier ou par le roy Robert, son père, qui y ont tenu leur cour. Mais on voit dans quelques auteurs qu’il y avoit déjà des bâtimens fort anciens que ces rois firent réparer pour y demeurer.

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- , aussi bien que le faux-bourg qui est de ce - 126côté, reçoit son nom du prieuré dont on vient de parler. Elle a esté élevée en 1674, presque en mesme temps que la porte Saint-Denis. C’est une manière d’arc de triomphe de trois porte, dont celle du milieu est un peu plus élevée que les deux autres. L’ouvrage est environ de cinquante piés de face & d’autant de hauteur. L’architecture est de bossage rustique, cizelée avec des bas-reliefs au-dessus des cintres & un grand entablement dorique composé, sur lequel est un attique où sont ces inscriptions :

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- Ludovico Magno. vesontione sequanisque bis captis. et Fractis Germanorum, Hispanorum et Batavorum exercitibus Præ. et ædil. poni cc. Ann. R. S. H. M DCLXXIV.

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, aussi bien que le faux-bourg qui est de ce 126côté, reçoit son nom du prieuré dont on vient de parler. Elle a esté élevée en 1674, presque en mesme temps que la porte Saint-Denis. C’est une manière d’arc de triomphe de trois porte, dont celle du milieu est un peu plus élevée que les deux autres. L’ouvrage est environ de cinquante piés de face & d’autant de hauteur. L’architecture est de bossage rustique, cizelée avec des bas-reliefs au-dessus des cintres & un grand entablement dorique composé, sur lequel est un attique où sont ces inscriptions :

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Ludovico Magno. vesontione sequanisque bis captis. et Fractis Germanorum, Hispanorum et Batavorum exercitibus Præ. et ædil. poni cc. Ann. R. S. H. M DCLXXIV.

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127 -

Du côté du faux-bourg on lit celle-cy :

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- Ludovico Magno. Quod Limburgo capto. Impotentes hostium minas ubique repressit. Præf. et ædil. ponicc.Ann. R. S. H. M. DCLXXIV.

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Le rempart qui joint cette porte à celle de Saint-Denis est planté d’une large allée d’arbres, qui dans quelques années formeront un cours fort agréable. Le dessein est de la continuer ainsi tout autour de la ville & mesme derrière le Temple, jusques à la porte Saint-Antoine. L’ouvrage est déjà achevé, en sorte que les carosses peuvent aller commodément depuis la porte Saint-Denis jusqu’à la Bastille. Le public est obligé de ces beaux ouvrages à M. Blondel, qui en a donné le dessein, comme on a déjà dit.

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Dans le faux-bourg on peut aller voir :

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Du côté du faux-bourg on lit celle-cy :

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Ludovico Magno. Quod Limburgo capto. Impotentes hostium minas ubique repressit. Præf. et ædil. ponicc.Ann. R. S. H. M. DCLXXIV.

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Le rempart qui joint cette porte à celle de Saint-Denis est planté d’une large allée d’arbres, qui dans quelques années formeront un cours fort agréable. Le dessein est de la continuer ainsi tout autour de la ville & mesme derrière le Temple, jusques à la porte Saint-Antoine. L’ouvrage est déjà achevé, en sorte que les carosses peuvent aller commodément depuis la porte Saint-Denis jusqu’à la Bastille. Le public est obligé de ces beaux ouvrages à M. Blondel, qui en a donné le dessein, comme on a déjà dit.

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Dans le faux-bourg on peut aller voir :

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- . C’estoit autrefois une abbaye de l’ordre de saint Benoist, qui est à présent une paroisse qui s’étend fort avant dans la ville. La porte de cette église est assez belle & l’autel est d’un dessein très particulier, que le sçavant M. Le Pauvre, si connu pour ses beaux ouvrages d’architectures, a donné. Les ornemens & les statues qui y sont méritent qu’on les examine. Tout proche est :

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. C’estoit autrefois une abbaye de l’ordre de saint Benoist, qui est à présent une paroisse qui s’étend fort avant dans la ville. La porte de cette église est assez belle & l’autel est d’un dessein très particulier, que le sçavant M. Le Pauvre, si connu pour ses beaux ouvrages d’architectures, a donné. Les ornemens & les statues qui y sont méritent qu’on les examine. Tout proche est :

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, que l’on ouvre le jour de la feste de ce saint & qui dure ordinairement un mois entier. Elle se tenoit il n’y a pas longtemps dans le faux-bourg, mais les pères de Saint-Lazare ayant fait bâtir des Loges dans une place qui leur appartenoit, ils ont obligé les marchands de les venir occuper, ce qui leur rapporte un revenu considérable. Vis-à-vis est :

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- , qui est assez propre. On y doit aller voir quelques peintures du frère Luc, - 129grand imitateur de Raphaël, entre autres le tableau du grand autel. La bibliothèque est aussi assez belle & les livres en sont reliez assez proprement.

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, qui est assez propre. On y doit aller voir quelques peintures du frère Luc, 129grand imitateur de Raphaël, entre autres le tableau du grand autel. La bibliothèque est aussi assez belle & les livres en sont reliez assez proprement.

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- est derrière ce monastère. Il a esté fondé par Henry IV en 1607 pour les pestiférez. À présent les convalescens de l’Hôtel-Dieu y vont prendre l’air pendant quelques semaines.

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est derrière ce monastère. Il a esté fondé par Henry IV en 1607 pour les pestiférez. À présent les convalescens de l’Hôtel-Dieu y vont prendre l’air pendant quelques semaines.

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- est dans la campagne voisine. C’étoit autrefois le lieu où l’on exposoit les scélérats au dernier suplice. C’est à présent où l’on les enterre. Après cette course, il faut rentrer dans la ville & commencer par le quartier le plus proche : -

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est dans la campagne voisine. C’étoit autrefois le lieu où l’on exposoit les scélérats au dernier suplice. C’est à présent où l’on les enterre. Après cette course, il faut rentrer dans la ville & commencer par le quartier le plus proche :

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- - - La rue Sainte-Avoye - -

- - SaintLouis, dont la piété éclatoit en toutes choses, y fit bâtir un hôpital pour les vieilles femmes infirmes, qui estoient servies par des Béguines ou par des filles qui suivoient la Règle de sainte Bègue, originaire de Flandres, dont l’église estoit dédiées à sainte Avoye ; ce qui fit que cette rue en prit le nom, qu’elle a conservé malgré le changement de cet hôpital, qui a esté depuis converti en un monastère de religieuses de l’ordre de saint Augustin.

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Avant que d’entrer dans cette rue, il faut voir :

+ + La rue Sainte-Avoye +

+ SaintLouis, dont la piété éclatoit en toutes choses, y fit bâtir un hôpital pour les vieilles femmes infirmes, qui estoient servies par des Béguines ou par des filles qui suivoient la Règle de sainte Bègue, originaire de Flandres, dont l’église estoit dédiées à sainte Avoye ; ce qui fit que cette rue en prit le nom, qu’elle a conservé malgré le changement de cet hôpital, qui a esté depuis converti en un monastère de religieuses de l’ordre de saint Augustin.

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Avant que d’entrer dans cette rue, il faut voir :

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- , dans la rue de Saint-Médéric, par où il faut passer. Elle est bâtie avec beaucoup de régularité. La face du bâtiment du côté de la cour est ornée de pilastres & la porte est en bossage avec quelques - 131sculptures qui font un fort bel effet. Les dedans sont de la mesme manière & cette maison, dans toutes ses parties, peut passer pour une des plus belles que l’on puisse voir. Il y a de très bons tableaux & le maître si connoît des mieux de Paris.

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Delà, on peut aller dans dans la rue Sainte-Avoye. L’on verra d’abord la maison du sieur Titon, qui est fort proprement bâtie.

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, dans la rue de Saint-Médéric, par où il faut passer. Elle est bâtie avec beaucoup de régularité. La face du bâtiment du côté de la cour est ornée de pilastres & la porte est en bossage avec quelques 131sculptures qui font un fort bel effet. Les dedans sont de la mesme manière & cette maison, dans toutes ses parties, peut passer pour une des plus belles que l’on puisse voir. Il y a de très bons tableaux & le maître si connoît des mieux de Paris.

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Delà, on peut aller dans dans la rue Sainte-Avoye. L’on verra d’abord la maison du sieur Titon, qui est fort proprement bâtie.

-

- Un peu plus haut & proche la fontaine, dans une maison qui n’a aucune apparence, qui appartient à présent à M. de Marillac, il faut demander à voir l’escalier : la seule chose de tout le logis qui mérite que l’on s’y arreste. Si on l’examine comme il faut, l’on verra qu’il n’y a rien de mieux imaginé & que la disposition en est tout à fait singulière. Tous les curieux conviennent qu’il y a peu de choses à Paris qui en approche, & quoy qu’il ne soit que de plâtre, il ne laisse pas de surpasser ceux qui ont esté bâtis - 132avec beaucoup de soins, d’une plus riche matière.

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Plus avant & du mesme côté est :

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Un peu plus haut & proche la fontaine, dans une maison qui n’a aucune apparence, qui appartient à présent à M. de Marillac, il faut demander à voir l’escalier : la seule chose de tout le logis qui mérite que l’on s’y arreste. Si on l’examine comme il faut, l’on verra qu’il n’y a rien de mieux imaginé & que la disposition en est tout à fait singulière. Tous les curieux conviennent qu’il y a peu de choses à Paris qui en approche, & quoy qu’il ne soit que de plâtre, il ne laisse pas de surpasser ceux qui ont esté bâtis 132avec beaucoup de soins, d’une plus riche matière.

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Plus avant & du mesme côté est :

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- L’hôtel de Montmorency, qui a retenu le nom des illustres maîtres à qui il appartenoit autrefois. C’est où demeure à présent monsieur le président de Mesmes. Quoy que les dehors en soient gotiques, les appartemens sont d’une très belle disposition, en haut & en bas, en enfilade, qui ont les veues sur le jardin. Il y a aussi une bibliothèque des mieux fournies & cette maison a des agrémens que l’on a de la peine à trouver dans un autre endroit.

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L’hôtel de Montmorency, qui a retenu le nom des illustres maîtres à qui il appartenoit autrefois. C’est où demeure à présent monsieur le président de Mesmes. Quoy que les dehors en soient gotiques, les appartemens sont d’une très belle disposition, en haut & en bas, en enfilade, qui ont les veues sur le jardin. Il y a aussi une bibliothèque des mieux fournies & cette maison a des agrémens que l’on a de la peine à trouver dans un autre endroit.

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- est vis-à-vis. Il a esté bâti par feu monsieur le comte d’Avaux, si célèbre par les fameuses ambassades où il a esté emploïé. Le bâtiment en est fort grand & élevé avec magnificence. La cour est parfaitement quarrée, entourée de quatre ailes qui sont ornées de grands pilastres corinthiens qui prennent depuis le rez-de-chaussée - 133jusqu’au comble de l’édifice ; ce qui forme une apparence la plus belle & la plus grande que l’on puisse désirer. En entrant, on peut voir le jardin, qui paroît au travers de la porte, qui perce sur la cour.

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est vis-à-vis. Il a esté bâti par feu monsieur le comte d’Avaux, si célèbre par les fameuses ambassades où il a esté emploïé. Le bâtiment en est fort grand & élevé avec magnificence. La cour est parfaitement quarrée, entourée de quatre ailes qui sont ornées de grands pilastres corinthiens qui prennent depuis le rez-de-chaussée 133jusqu’au comble de l’édifice ; ce qui forme une apparence la plus belle & la plus grande que l’on puisse désirer. En entrant, on peut voir le jardin, qui paroît au travers de la porte, qui perce sur la cour.

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- En allant plus avant, dans la rue Michel-le-Comte que l’on trouvera à main gauche, il y a un sculpteur nommé Bertrand, chez lequel on trouvera quelques morceaux assez bien dessinez. Il réussit en bas-relief de plâtre pour les cheminées & il en a fait quelques-uns qui sont estimez. En reprenant la rue de Sainte-Avoye, au bout est :

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En allant plus avant, dans la rue Michel-le-Comte que l’on trouvera à main gauche, il y a un sculpteur nommé Bertrand, chez lequel on trouvera quelques morceaux assez bien dessinez. Il réussit en bas-relief de plâtre pour les cheminées & il en a fait quelques-uns qui sont estimez. En reprenant la rue de Sainte-Avoye, au bout est :

- - Le Temple - + Le Temple

- Ce vieux bâtiment retient encore son nom des chevaliers templiers de Jérusalem à qui il appartenoit autrefois. On sçait la cruelle disgrâce qui leur arriva sous le règne de Philippes-le-Bel. Les croisades ayant cessé à cause de l’inva - 134sion universelle des Turcs par toute la Palestine, ces chevaliers, dont l’institut estoit de conduire les voïageurs aux lieux saints, s’en croyant exemts parce qu’il y avoit trop de périls à essuïer, cela leur donna occasion d’amasser de grandes richesses, qui les rendirent si orgueilleux & les plongèrent dans une telles dissolution, que le pape Clément V & Philippe-le-Bel, s’il faut s’en rapporter à l’histoire, pour les châtier de leurs crimes & de leurs débauches scandaleuses, convinrent ensemble de ruiner & d’abolir entièrement cet ordre. Ils commencèrent par le grand maître, que le pape, sous un prétexte spécieux, fit venir de l’isle de Chypre avec deux de ses compagnons qui estoient des plus illustres de l’ordre. Aussi-tost qu’ils furent arrivez à Paris, on les mit dans les prisons, & après avoir souffert des tourments horribles & avoir confessé les crimes atroces dont on prétend qu’il furent con - 135vaincus, on les condamna à estre brûlez vifs dans la place de Grève.

-

On raconte, mais sans beaucoup de certitude, que sur le point d’estre exécutez, Molay, qui estoit le grand maître, adjourna le pape & le roy à comparoître devant Dieu dans l’année. Que cette circonstance soit véritable ou non, il est certain que le pape mourut avant les quarante jours & que le roy ne vécut pas jusqu’à la fin de l’année.

-

- Le Temple depuis ce temps-là demeura aux rois par confiscation, qui y tinrent leur cour & qui en on fait ensuite une donation aux chevaliers hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem ; lesquels enfin l’ont choisi pour leur maison provinciale de la langue de France. Monsieur le commandeur de Vendôme en est à présent grand prieur ; ce qui luy rapporte tous les ans plus de vingt mille écus. Le lieu est fort spacieux, entouré de murailles antiques soutenues de tours. La mai - 136son qu’il occupe a esté bâtie depuis quelques temps par monsieur de Souvray, aussi grand prieur de France, fils du maréchal de Souvray, gouverneur de Louis XIII ; mais la mort l’a empêché d’achever cet édifice. Ce qui paroît est du dessein du sieur du Lisle, habile architecte, qui auroit entouré la cour d’une galerie soutenue de colonnes, dont on voit déjà quelques commencements, si le maître eut vécu plus longtemps. Le logis est au fond de cette cour, avec deux escaliers dans les deux pavillons des ailes. Toutes ces choses sont d’une très belle symétrie.

+ Ce vieux bâtiment retient encore son nom des chevaliers templiers de Jérusalem à qui il appartenoit autrefois. On sçait la cruelle disgrâce qui leur arriva sous le règne de Philippes-le-Bel. Les croisades ayant cessé à cause de l’inva 134sion universelle des Turcs par toute la Palestine, ces chevaliers, dont l’institut estoit de conduire les voïageurs aux lieux saints, s’en croyant exemts parce qu’il y avoit trop de périls à essuïer, cela leur donna occasion d’amasser de grandes richesses, qui les rendirent si orgueilleux & les plongèrent dans une telles dissolution, que le pape Clément V & Philippe-le-Bel, s’il faut s’en rapporter à l’histoire, pour les châtier de leurs crimes & de leurs débauches scandaleuses, convinrent ensemble de ruiner & d’abolir entièrement cet ordre. Ils commencèrent par le grand maître, que le pape, sous un prétexte spécieux, fit venir de l’isle de Chypre avec deux de ses compagnons qui estoient des plus illustres de l’ordre. Aussi-tost qu’ils furent arrivez à Paris, on les mit dans les prisons, & après avoir souffert des tourments horribles & avoir confessé les crimes atroces dont on prétend qu’il furent con 135vaincus, on les condamna à estre brûlez vifs dans la place de Grève.

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On raconte, mais sans beaucoup de certitude, que sur le point d’estre exécutez, Molay, qui estoit le grand maître, adjourna le pape & le roy à comparoître devant Dieu dans l’année. Que cette circonstance soit véritable ou non, il est certain que le pape mourut avant les quarante jours & que le roy ne vécut pas jusqu’à la fin de l’année.

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Le Temple depuis ce temps-là demeura aux rois par confiscation, qui y tinrent leur cour & qui en on fait ensuite une donation aux chevaliers hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem ; lesquels enfin l’ont choisi pour leur maison provinciale de la langue de France. Monsieur le commandeur de Vendôme en est à présent grand prieur ; ce qui luy rapporte tous les ans plus de vingt mille écus. Le lieu est fort spacieux, entouré de murailles antiques soutenues de tours. La mai 136son qu’il occupe a esté bâtie depuis quelques temps par monsieur de Souvray, aussi grand prieur de France, fils du maréchal de Souvray, gouverneur de Louis XIII ; mais la mort l’a empêché d’achever cet édifice. Ce qui paroît est du dessein du sieur du Lisle, habile architecte, qui auroit entouré la cour d’une galerie soutenue de colonnes, dont on voit déjà quelques commencements, si le maître eut vécu plus longtemps. Le logis est au fond de cette cour, avec deux escaliers dans les deux pavillons des ailes. Toutes ces choses sont d’une très belle symétrie.

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- Dans l’enclos du Temple, on doit aller voir la maison de monsieur Fremont d’Ablancour - , qui est un bijou. Autrefois, il y avoit plusieurs joalliers en ce lieu qui contrefaisoient très bien les pierreries. Mais depuis quelques années on les en a fait sortir. Il est encore à remarquer que tous les ouvriers qui y travaillent sont exemts de la visite que - 137les jurez des communautez de la ville font ordinairement ; ce qui est cause qu’il s’y en réfugie un très grand nombre qui ne sont point maîtres. Vis-à-vis est le monastère :

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Dans l’enclos du Temple, on doit aller voir la maison de monsieur Fremont d’Ablancour + , qui est un bijou. Autrefois, il y avoit plusieurs joalliers en ce lieu qui contrefaisoient très bien les pierreries. Mais depuis quelques années on les en a fait sortir. Il est encore à remarquer que tous les ouvriers qui y travaillent sont exemts de la visite que 137les jurez des communautez de la ville font ordinairement ; ce qui est cause qu’il s’y en réfugie un très grand nombre qui ne sont point maîtres. Vis-à-vis est le monastère :

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, dont le portail est à deux rangs de pilastres avec des statues & des ornemens assez bien ordonnez. Le dedans de cette église n’est pas mal propre.

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La porte de la ville qui conduit à la campagne de ce côté est abatue, & sans doute qu’à sa place l’on en élèvera une aussi belle que les autres nouvelles.

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La porte de la ville qui conduit à la campagne de ce côté est abatue, & sans doute qu’à sa place l’on en élèvera une aussi belle que les autres nouvelles.

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- - - La rue du Grand-Chantier - + + La rue du Grand-Chantier
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- - Pour voir cette rue de suite, on peut commencer par la petite rue des Deux-Portes, dans laquelle on trouvera une maison nouvellement bâtie qui appartient au sieur Provost, secrétaire du roy, lequel a employé beaucoup de soin & d’argent pour la rendre belle comme elle est, dans un des plus vilains endroits de Paris. Du côté de la cour, elle est ornée de pilastres ioniques & de sculptures fort bien exécutées. L’escalier qui est au milieu est clair autant qu’il le peut estre, mais ce qu’il y a de plus singulier & de plus beau dans cette maison, est un grand cabinet dont la menuiserie est ornée de pilastres dorez, entre lesquels sont des panneaux de marqueterie qui représentent des vases pleins de fleurs. Ce qui est encore de plus particulier, c’est que le plafon - 139& le parquet sont du mesme ouvrage de rapport. Toutes ces pièces font un effet d’autant plus beau qu’on ne s’est encore rien imaginé de pareil, & que c’est presque la seule chose que l’on ait à Paris de cette sorte.

-

Dans la rue qui se trouve au bout de celle où est cette maison, on voit :

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+ Pour voir cette rue de suite, on peut commencer par la petite rue des Deux-Portes, dans laquelle on trouvera une maison nouvellement bâtie qui appartient au sieur Provost, secrétaire du roy, lequel a employé beaucoup de soin & d’argent pour la rendre belle comme elle est, dans un des plus vilains endroits de Paris. Du côté de la cour, elle est ornée de pilastres ioniques & de sculptures fort bien exécutées. L’escalier qui est au milieu est clair autant qu’il le peut estre, mais ce qu’il y a de plus singulier & de plus beau dans cette maison, est un grand cabinet dont la menuiserie est ornée de pilastres dorez, entre lesquels sont des panneaux de marqueterie qui représentent des vases pleins de fleurs. Ce qui est encore de plus particulier, c’est que le plafon 139& le parquet sont du mesme ouvrage de rapport. Toutes ces pièces font un effet d’autant plus beau qu’on ne s’est encore rien imaginé de pareil, & que c’est presque la seule chose que l’on ait à Paris de cette sorte.

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Dans la rue qui se trouve au bout de celle où est cette maison, on voit :

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- . C’estoit autrefois la maison d’un juif, qui par une impiété exécrable fit brûler une hostie consacrée & qui la perça de plusieurs coups de couteaux. Mais pas un miracle singulier, elle fut recueillie par une vieille femme qui la porta au curé de Saint-Jean, où depuis elle a esté conservée avec beaucoup de vénération. Ce malheureux juif fut brûlé tout vif & on donna sa maison aux pères Carmes, qui depuis ce temps-là y ont toujours demeuré. Le sçavant Papirius Masson, dont les doctes écrits sont - 140si connu des gens de lettres, y est enterré. Messieurs les chevaliers de Saint-Lazare y font leurs assemblées & messieurs de l’Académie françoise y font faire les services pour ceux qui meurent de leur compagnie.

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. C’estoit autrefois la maison d’un juif, qui par une impiété exécrable fit brûler une hostie consacrée & qui la perça de plusieurs coups de couteaux. Mais pas un miracle singulier, elle fut recueillie par une vieille femme qui la porta au curé de Saint-Jean, où depuis elle a esté conservée avec beaucoup de vénération. Ce malheureux juif fut brûlé tout vif & on donna sa maison aux pères Carmes, qui depuis ce temps-là y ont toujours demeuré. Le sçavant Papirius Masson, dont les doctes écrits sont 140si connu des gens de lettres, y est enterré. Messieurs les chevaliers de Saint-Lazare y font leurs assemblées & messieurs de l’Académie françoise y font faire les services pour ceux qui meurent de leur compagnie.

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- La rue des Billetes finit à , qui prend son nom d’un couvent qui y est, que saint Louis fonda en 1268, dans lequel il mit des religieux mandians de l’ordre de saint Augustin. Mais depuis ce temps-là plusieurs personnes de piété leur faisant du bien considérablement, ils n’ont plus esté à la queste, pour ne la pas oster à ceux qui en avoient besoin. À présent ils vivent de leurs revenus. La menuiserie de leur autel est fort jolie, mais ce qu’il faut remarquer est un bas-relief de marbre placé sur les chaires des religieux qui est de monsieur Sarazin & que l’on estime beaucoup. Delà on entrera dans La rue du Grand-Chantier. La première chose qu’on y découvre est :

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La rue des Billetes finit à , qui prend son nom d’un couvent qui y est, que saint Louis fonda en 1268, dans lequel il mit des religieux mandians de l’ordre de saint Augustin. Mais depuis ce temps-là plusieurs personnes de piété leur faisant du bien considérablement, ils n’ont plus esté à la queste, pour ne la pas oster à ceux qui en avoient besoin. À présent ils vivent de leurs revenus. La menuiserie de leur autel est fort jolie, mais ce qu’il faut remarquer est un bas-relief de marbre placé sur les chaires des religieux qui est de monsieur Sarazin & que l’on estime beaucoup. Delà on entrera dans La rue du Grand-Chantier. La première chose qu’on y découvre est :

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+ 141
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- , qui a esté bâti par les princes de cette maison, qui eurent tant de part aux grands événemens du siècle passé que leur histoire en fait une des plus considérables parties ; surtout du règne de Henri III, qui fit mourir Henri de Guise & le cardinal son frère dans son château de Blois, où les estats estoient assemblez alors, pour remédier aux désordres qui troubloient le repos de la France.

-

Cet hôtel occupe un grand terrain. La porte est à l’antique, accompagnée de deux grosses tours rondes rondes. Pour les appartemens, ils sont fort beaux depuis les réparations considérables que l’on y a faites. Autrefois, l’on y voïoit des meubles magnifiques, entre lesquels estoit une tenture de tapisserie qui représente les douze mois de l’année, d’un très rare ouvrage, qui est à présent au garde-meuble du roy & dont monsieur Colbert a fait faire une très belle copie. Mademoiselle - 237de Guise, qui demeure à présent dans cet hôtel, a un cabinet des plus curieux de Paris, où il y a plusieurs pièces de filigrame garnies de pierreries, & des miniatures très fines. L’on y voit aussi quantité de pièces de bois de sainte Lucie qui représente divers sujets de dévotion, taillez fort délicatement ; sans parler encore de quelques autres curiositez à peu près de cette sorte. Vis-à-vis est :

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, qui a esté bâti par les princes de cette maison, qui eurent tant de part aux grands événemens du siècle passé que leur histoire en fait une des plus considérables parties ; surtout du règne de Henri III, qui fit mourir Henri de Guise & le cardinal son frère dans son château de Blois, où les estats estoient assemblez alors, pour remédier aux désordres qui troubloient le repos de la France.

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Cet hôtel occupe un grand terrain. La porte est à l’antique, accompagnée de deux grosses tours rondes rondes. Pour les appartemens, ils sont fort beaux depuis les réparations considérables que l’on y a faites. Autrefois, l’on y voïoit des meubles magnifiques, entre lesquels estoit une tenture de tapisserie qui représente les douze mois de l’année, d’un très rare ouvrage, qui est à présent au garde-meuble du roy & dont monsieur Colbert a fait faire une très belle copie. Mademoiselle 237de Guise, qui demeure à présent dans cet hôtel, a un cabinet des plus curieux de Paris, où il y a plusieurs pièces de filigrame garnies de pierreries, & des miniatures très fines. L’on y voit aussi quantité de pièces de bois de sainte Lucie qui représente divers sujets de dévotion, taillez fort délicatement ; sans parler encore de quelques autres curiositez à peu près de cette sorte. Vis-à-vis est :

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- , qui est assez propre. Le portail sera beau lorsqu’il sera achevé & l’autel est d’une menuiserie qui n’est pas mal travaillée. L’institut de ces pères est d’aller en Barbarie racheter des captifs, comme font les Mathurins ; ce qu’ils font par le secours considérable que leur fournissent des personnes de piété, en leur donnant des sommes pour ce sujet.

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, qui est assez propre. Le portail sera beau lorsqu’il sera achevé & l’autel est d’une menuiserie qui n’est pas mal travaillée. L’institut de ces pères est d’aller en Barbarie racheter des captifs, comme font les Mathurins ; ce qu’ils font par le secours considérable que leur fournissent des personnes de piété, en leur donnant des sommes pour ce sujet.

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- , qui est destiné pour les pauvres enfans orphelins, fut fondé par Marguerite - 143reine de Navarre, sœur de François I, en l’année 1534. Depuis quelques années, il a esté réuni à l’Hôpital général.

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, qui est destiné pour les pauvres enfans orphelins, fut fondé par Marguerite + 143reine de Navarre, sœur de François I, en l’année 1534. Depuis quelques années, il a esté réuni à l’Hôpital général.

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Il faut remarquer que cette rue est remplie de belles maisons, entre lesquelles on en peut voir une du dessein de Mansard qui fait le coin de la rue des Quatre-Fils. La face en très belle & ornée de quantité de vases. Celle de Monsieur de Grand-Maison est assez proche, où l’on trouvera de très beaux tableaux & une quantité considérable de porcelaines des plus fines & des mieux choisies. Le maître à qui elle appartient est d’un goûst très délicat pour les belles choses.

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À l’extrémité de cette rue, on voit la grande tour quarrée du Temple, accompagnée de quatre autres rondes, qui sont fort élevées & qui paroissoient de fort loin. Elles servoient autrefois d’arsenal avant que celui qui est proche les Célestins fut bâti.

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Il faut remarquer que cette rue est remplie de belles maisons, entre lesquelles on en peut voir une du dessein de Mansard qui fait le coin de la rue des Quatre-Fils. La face en très belle & ornée de quantité de vases. Celle de Monsieur de Grand-Maison est assez proche, où l’on trouvera de très beaux tableaux & une quantité considérable de porcelaines des plus fines & des mieux choisies. Le maître à qui elle appartient est d’un goûst très délicat pour les belles choses.

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À l’extrémité de cette rue, on voit la grande tour quarrée du Temple, accompagnée de quatre autres rondes, qui sont fort élevées & qui paroissoient de fort loin. Elles servoient autrefois d’arsenal avant que celui qui est proche les Célestins fut bâti.

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- - La vieille rue du Temple - + La vieille rue du Temple

- Cette rue commence à la rue Saint-Antoine. La première chose qui y paroît est :

+ Cette rue commence à la rue Saint-Antoine. La première chose qui y paroît est :

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- , qui est un grand bâtiment fort bien construit, composé de quatre ailes avec une grande cour au milieu. Il a esté bâti par le deffunt maréchal de ce nom, surintendant des finances & grand maistre de l’artillerie de France sous Louis XIII. Monsieur Pelletier, controlleur général des finances, y demeure. L’on découvre ensuite :

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, qui est un grand bâtiment fort bien construit, composé de quatre ailes avec une grande cour au milieu. Il a esté bâti par le deffunt maréchal de ce nom, surintendant des finances & grand maistre de l’artillerie de France sous Louis XIII. Monsieur Pelletier, controlleur général des finances, y demeure. L’on découvre ensuite :

-

- , maître des requestes. C’est icy où il faut que les curieux se reposent & qu’il se donnent le loisir de considérer les belles choses qui y sont, parce que tout ce qui - 145est dans cette maison mérite d’estre examiné soigneusement. La porte d’abord dispose à tout le reste. Elle est ornée dans le fond de satues. La menuiserie mesme est chargée de très beaux bas-reliefs & la serrurerie est d’un travail très particulier & entretenue avec beaucoup de soin. La cour est à la vérité petite, mais le vestibule que l’on trouve à main droite est quelque chose de curieux. Il est orné de colonnes & de busts, & pavé de marbre. Cependant l’escalier est quelque chose de plus beau. Le haut est ouvert en lanterne, avec un balcon doré & un plafon au-dessus chargé de sculptures & d’ornemens des mieux imaginez, & deux grande statues dans le pallier. Ensuite, l’on entre dans la grande salle ouverte des deux cotez, avec des tableaux entre les croisées qui représentent des troupeaux dans des grottes sur le bord de la mer, qui sont d’un dessein très singulier & qui - 146occupent agréablement la veue. Ce qui mérite d’estre considéré avec plus d’attention est le plafon, au milieu duquel il y a un grand tableau peint par un excellent maître, accompagné d’une frise chargée d’ornemens de stuc sur un font d’or, dont le travail est merveilleux. On y voit des vases antiques ornez de triomphes, accompagné de sphinx, de brasiers, de masques, & en un mot, de toutes sortes de grotesques d’une bizarerie & d’une imagination tout à fait belle. Une grande corniche règne tout autour de cette salle, dont la sculpture est admirable. Dans le fond est la cheminée, de la mesme manière, toute dorée avec un grand trophée à la romaine dessus. Ensuite on entre dans une antichambre où il y a de grands miroirs, & delà dans la chambre, dont le plafons & les ornemens sont encore plus beaux & plus riches que tout ce que l’on a déjà dit. Les meubles sont de velours, couleur de - 147 rose, brodez d’or & d’argent, & la tapisserie qui est au fond de l’alcove est d’une broderie extraordinairement riche. Le parquet de l’estrade est de marqueterie, où au milieu de divers ornemens sont les armes du maître du logis. À main gauche est la chapelle, qui est petite à la vérité, mais en récompense embellie autant qu’elle le peut estre de toutes les choses qui y conviennent. Les tableaux qui y sont ont esté peints par de très bons maîtres.

-

À main droite, l’on entre dans le cabinet, la dernière pièce de cet appartement & la plus belle de toutes. Il est garni au lieu de tapisseries d’une menuiserie parfaitement bien dorée, sur les panneaux de laquelle sont des vases avec des festons de fleurs d’après nature & divers petits oiseaux qui volent autour, de la manière de Vanbouck, un des plus habiles hommes de son temps pour ces sortes d’ouvrages. Le plafon & la cheminée sont ornez de mesme. Toutes les chambres - 148dont on vient de parler donnent sur une cour, dont l’enfoncement est orné d’architecture & de figures, avec des perspectives peintes à fresque. De l’autre côté est le second appartement, qui est joint à celuy-cy. D’abord, on y trouve une chambre magnifique, à l’italienne, dont le plafon est ouvert en coupole, de figure octogone, avec une balustrade en haut très bien dorée. Sur la cheminée il y a un bas-relief peint en couleur de bronze, d’un travail extraordinairement beau, qui représente Jason faisant un sacrifice sur le bord de mer pour obtenir un heureux retour en son païs après avoir enlevé la Toison d’or.

-

De cette chambre, on se rend dans la galerie, dont les côtez sont revêtus de pilastres corinthiens & de tableaux qui représentent la fable de Psiché peints par Corneille, aussi bien que le plafon qui est un des plus beaux que l’on puisse désirer. Il y a une petite bibliothèque à - 149main droite, dont les ornemens conviennent parfaitement bien à la disposition du lieu. Enfin, rien ne manque à cette belle maison, tout y est d’une propreté surprenante & l’on n’y voit rien qui ne soit magnifique & qui ne mérite d’estre considéré avec admiration ; car les choses ausquelles on prend le moins garde dans les autres endroits ont icy leur beauté particulière, comme les entablement des fenestres, qui sont de bois de cèdre rapportez d’ébéne & d’yvoire ; les serrures & les verrouils des portes sont d’un acier poli & travaillé aussi délicatement que si c’estoit de l’argent ; sans parler des meubles comme des tables et des miroirs, qui sont enrichis d’écaille de tortue & d’ivoire & garnis de moulures de cuivres doré à feu, ciselez très délicatement.

-

On ne trouvera point dans un autre endroit des ornemens peints avec plus de délicatesse & finit avec plus de travail. Enfin, ceux qui auront - 150examiné toutes ces beautez conviendront qu’on ne peut pas assemblez plus de belles choses dans un si petit espace, & que le maistre à qui elles appartiennent n’a pu les mettre dans l’estat où elles sont sans une dépence considérable & sans une connoissance très parfaite de tout ce qu’il y a de plus beau. Cette belle maison est du dessein du sieur Cottard. Vis-à-vis est :

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, maître des requestes. C’est icy où il faut que les curieux se reposent & qu’il se donnent le loisir de considérer les belles choses qui y sont, parce que tout ce qui 145est dans cette maison mérite d’estre examiné soigneusement. La porte d’abord dispose à tout le reste. Elle est ornée dans le fond de satues. La menuiserie mesme est chargée de très beaux bas-reliefs & la serrurerie est d’un travail très particulier & entretenue avec beaucoup de soin. La cour est à la vérité petite, mais le vestibule que l’on trouve à main droite est quelque chose de curieux. Il est orné de colonnes & de busts, & pavé de marbre. Cependant l’escalier est quelque chose de plus beau. Le haut est ouvert en lanterne, avec un balcon doré & un plafon au-dessus chargé de sculptures & d’ornemens des mieux imaginez, & deux grande statues dans le pallier. Ensuite, l’on entre dans la grande salle ouverte des deux cotez, avec des tableaux entre les croisées qui représentent des troupeaux dans des grottes sur le bord de la mer, qui sont d’un dessein très singulier & qui 146occupent agréablement la veue. Ce qui mérite d’estre considéré avec plus d’attention est le plafon, au milieu duquel il y a un grand tableau peint par un excellent maître, accompagné d’une frise chargée d’ornemens de stuc sur un font d’or, dont le travail est merveilleux. On y voit des vases antiques ornez de triomphes, accompagné de sphinx, de brasiers, de masques, & en un mot, de toutes sortes de grotesques d’une bizarerie & d’une imagination tout à fait belle. Une grande corniche règne tout autour de cette salle, dont la sculpture est admirable. Dans le fond est la cheminée, de la mesme manière, toute dorée avec un grand trophée à la romaine dessus. Ensuite on entre dans une antichambre où il y a de grands miroirs, & delà dans la chambre, dont le plafons & les ornemens sont encore plus beaux & plus riches que tout ce que l’on a déjà dit. Les meubles sont de velours, couleur de 147 rose, brodez d’or & d’argent, & la tapisserie qui est au fond de l’alcove est d’une broderie extraordinairement riche. Le parquet de l’estrade est de marqueterie, où au milieu de divers ornemens sont les armes du maître du logis. À main gauche est la chapelle, qui est petite à la vérité, mais en récompense embellie autant qu’elle le peut estre de toutes les choses qui y conviennent. Les tableaux qui y sont ont esté peints par de très bons maîtres.

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À main droite, l’on entre dans le cabinet, la dernière pièce de cet appartement & la plus belle de toutes. Il est garni au lieu de tapisseries d’une menuiserie parfaitement bien dorée, sur les panneaux de laquelle sont des vases avec des festons de fleurs d’après nature & divers petits oiseaux qui volent autour, de la manière de Vanbouck, un des plus habiles hommes de son temps pour ces sortes d’ouvrages. Le plafon & la cheminée sont ornez de mesme. Toutes les chambres 148dont on vient de parler donnent sur une cour, dont l’enfoncement est orné d’architecture & de figures, avec des perspectives peintes à fresque. De l’autre côté est le second appartement, qui est joint à celuy-cy. D’abord, on y trouve une chambre magnifique, à l’italienne, dont le plafon est ouvert en coupole, de figure octogone, avec une balustrade en haut très bien dorée. Sur la cheminée il y a un bas-relief peint en couleur de bronze, d’un travail extraordinairement beau, qui représente Jason faisant un sacrifice sur le bord de mer pour obtenir un heureux retour en son païs après avoir enlevé la Toison d’or.

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De cette chambre, on se rend dans la galerie, dont les côtez sont revêtus de pilastres corinthiens & de tableaux qui représentent la fable de Psiché peints par Corneille, aussi bien que le plafon qui est un des plus beaux que l’on puisse désirer. Il y a une petite bibliothèque à 149main droite, dont les ornemens conviennent parfaitement bien à la disposition du lieu. Enfin, rien ne manque à cette belle maison, tout y est d’une propreté surprenante & l’on n’y voit rien qui ne soit magnifique & qui ne mérite d’estre considéré avec admiration ; car les choses ausquelles on prend le moins garde dans les autres endroits ont icy leur beauté particulière, comme les entablement des fenestres, qui sont de bois de cèdre rapportez d’ébéne & d’yvoire ; les serrures & les verrouils des portes sont d’un acier poli & travaillé aussi délicatement que si c’estoit de l’argent ; sans parler des meubles comme des tables et des miroirs, qui sont enrichis d’écaille de tortue & d’ivoire & garnis de moulures de cuivres doré à feu, ciselez très délicatement.

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On ne trouvera point dans un autre endroit des ornemens peints avec plus de délicatesse & finit avec plus de travail. Enfin, ceux qui auront 150examiné toutes ces beautez conviendront qu’on ne peut pas assemblez plus de belles choses dans un si petit espace, & que le maistre à qui elles appartiennent n’a pu les mettre dans l’estat où elles sont sans une dépence considérable & sans une connoissance très parfaite de tout ce qu’il y a de plus beau. Cette belle maison est du dessein du sieur Cottard. Vis-à-vis est :

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, qui est à présent converti en un couvent de religieuses de l’ordre de saint Augustin.

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- À main gauche dans la rue des Blancs-Manteaux, on verra le couvent qui luy donne son nom, où il n’y a rien de singulier si ce n’est le pavé du chœur qui est tout de marbre. À présent ce sont des religieux de saint Benoist qui l’occupent. Autrefois, ils estoient nommez Guillemins, ayant esté fondez par saint Guilaume, qui leur avoit ordonné de porter un manteau blanc, qu’ils ont quitté depuis.

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À main gauche dans la rue des Blancs-Manteaux, on verra le couvent qui luy donne son nom, où il n’y a rien de singulier si ce n’est le pavé du chœur qui est tout de marbre. À présent ce sont des religieux de saint Benoist qui l’occupent. Autrefois, ils estoient nommez Guillemins, ayant esté fondez par saint Guilaume, qui leur avoit ordonné de porter un manteau blanc, qu’ils ont quitté depuis.

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Le reste de la vieille rue du Temple ne fournit rien de considérable.

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Delà, on peut entrer dans la rue Barbette où est :

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Le reste de la vieille rue du Temple ne fournit rien de considérable.

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Delà, on peut entrer dans la rue Barbette où est :

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- , qui est assez proche de l’endroit où estoit autrefois le palais d’Isabeau de Bavières, femme de Charles VI roy de France, proche duquel arriva le meurtre de Louis duc d’Orléans, qui fut tué par le duc de Bourgogne, qui fut la cause des divisions de ces deux maisons, & l’origine des troubles épouvantables qui ravagèrent la France pendant plusieurs années & qui ne finirent que sous la fin du règne de Charles VII.

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, qui est assez proche de l’endroit où estoit autrefois le palais d’Isabeau de Bavières, femme de Charles VI roy de France, proche duquel arriva le meurtre de Louis duc d’Orléans, qui fut tué par le duc de Bourgogne, qui fut la cause des divisions de ces deux maisons, & l’origine des troubles épouvantables qui ravagèrent la France pendant plusieurs années & qui ne finirent que sous la fin du règne de Charles VII.

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Proche les capucins du Marais, dans la rue de Touraine, il y a une grande perspective dans le jardin du sieur Turmeny, qui paroît assez belle. C’est un quadran au soleil sur un morceau d’architecture rustique dans les arbres. De loin elle fait un fort bel effet.

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Proche les capucins du Marais, dans la rue de Touraine, il y a une grande perspective dans le jardin du sieur Turmeny, qui paroît assez belle. C’est un quadran au soleil sur un morceau d’architecture rustique dans les arbres. De loin elle fait un fort bel effet.

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- Sur la fontaine de la rue de Poi - 152tou assez proche, on lit cette inscription :

- - - Hic numphae agrestes effundite civibus urnas, - Urbanas prætor vos dedit esse deas - -

- M DC LXXV. -

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Sur la fontaine de la rue de Poi 152tou assez proche, on lit cette inscription :

+ + Hic numphae agrestes effundite civibus urnas, + Urbanas prætor vos dedit esse deas +

M DC LXXV.

-

De la vieille rue du Temple on se peut rendre dans la grande rue Saint-Louis en passant par la rue de la Couture-Saint-Gervais, où est une magnifique maison bâtie par le sieur Aubert, dans laquelle demeure à présent monsieur l’ambassadeur de Venise. Elle est une des plus belles & des plus logeables, & l’escalier est des mieux disposez que l’on puisse voir. Tous les ornemens qui y sont font un très bel effet.

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De la vieille rue du Temple on se peut rendre dans la grande rue Saint-Louis en passant par la rue de la Couture-Saint-Gervais, où est une magnifique maison bâtie par le sieur Aubert, dans laquelle demeure à présent monsieur l’ambassadeur de Venise. Elle est une des plus belles & des plus logeables, & l’escalier est des mieux disposez que l’on puisse voir. Tous les ornemens qui y sont font un très bel effet.

- - - La rue Saint-Louis - + + La rue Saint-Louis

La première chose que l’on trouve au bout de cette rue est :

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- , de l’ordre de saint Benoist, dont l’église est assez propre. l’autel est orné de tableaux qui représente en pièce l’histoire de la Passion de Notre Seigneur. Ensuite on pourra aller à :

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, de l’ordre de saint Benoist, dont l’église est assez propre. l’autel est orné de tableaux qui représente en pièce l’histoire de la Passion de Notre Seigneur. Ensuite on pourra aller à :

-

- , grand aumonier de France ; qui estoit autrefois l’hôtel de Turenne, où il y a un morceau d’architecture de l’invention du sieur des Argues digne d’admiration. L’on y peut voir à présent une nombreuse bibliothèque & des meubles magnifiques. Du mesme côté est :

-

- , qui est grand est très bien bâti, & plusieurs autres maisons jusqu’à la Place royale qui sont d’une agréable symétrie & qui rendent cette rue d’une grande égalité partout. On y a bâti une fontaine depuis quelques années, où sont deux tri - 154tons en sculpture, au bas desquels sont des vers de Monsieur de Santueil. -

- - - Foelic sorte tua, Naïas amabilis, - Dignum, quo feueres, nacta situm loci, - Cui tot splendida tecta - Fluctu lambere contigit. - Te Triton geminus personat æmula - Concha, te celebrat nomine regiam, - Hac tu Sorte superba, - Labi non eris immemor. - - +

, grand aumonier de France ; qui estoit autrefois l’hôtel de Turenne, où il y a un morceau d’architecture de l’invention du sieur des Argues digne d’admiration. L’on y peut voir à présent une nombreuse bibliothèque & des meubles magnifiques. Du mesme côté est :

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, qui est grand est très bien bâti, & plusieurs autres maisons jusqu’à la Place royale qui sont d’une agréable symétrie & qui rendent cette rue d’une grande égalité partout. On y a bâti une fontaine depuis quelques années, où sont deux tri 154tons en sculpture, au bas desquels sont des vers de Monsieur de Santueil.

+ + Foelic sorte tua, Naïas amabilis, + Dignum, quo feueres, nacta situm loci, + Cui tot splendida tecta + Fluctu lambere contigit. + Te Triton geminus personat æmula + Concha, te celebrat nomine regiam, + Hac tu Sorte superba, + Labi non eris immemor. +
- - - La Place royale - + + La Place royale

- Cette place fut bâtie sous le règne de Henry le Grand. Les maisons qui sont autour sont très belles & toutes d’une mesme symétrie. Elles occupent le lieu mesme qui avoit servi de jardins au palais - 155des Tournelles, qui étoit autrefois du côté du rempart où François le second & quelques rois qui l’avoient précédé avoient tenu leur cour. Catherine de Médicis, à cause du funeste accident arrivé à Henry second, son mary, qui fut blessé à mort par le comte de Montgommery, dans ce malheureux tournoy que l’on faisoit dans la rue Saint-Antoine pour la réjouissance du mariage d’Isabelle de France avec Philippe second roi d’Espagne, vendit ce palais qui avoit esté bâti par Charles V à divers particuliers qui y bâtirent des maisons, & la rue mesme qui est proche du rempart en a retenu le nom.

+ Cette place fut bâtie sous le règne de Henry le Grand. Les maisons qui sont autour sont très belles & toutes d’une mesme symétrie. Elles occupent le lieu mesme qui avoit servi de jardins au palais 155des Tournelles, qui étoit autrefois du côté du rempart où François le second & quelques rois qui l’avoient précédé avoient tenu leur cour. Catherine de Médicis, à cause du funeste accident arrivé à Henry second, son mary, qui fut blessé à mort par le comte de Montgommery, dans ce malheureux tournoy que l’on faisoit dans la rue Saint-Antoine pour la réjouissance du mariage d’Isabelle de France avec Philippe second roi d’Espagne, vendit ce palais qui avoit esté bâti par Charles V à divers particuliers qui y bâtirent des maisons, & la rue mesme qui est proche du rempart en a retenu le nom.

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- La place dont nous venons de parler est parfaitement quarrée, composée de trente-six pavillons élevez d’une mesme symétrie, dont la maçonnerie est de brique & de pierres de taille sur une longue suite d’arcades, à la faveur desquelles on peut aller à couvert autour. Dans l’espace qui est au milieu, on a laissé un grand - 156préau que l’on travaille à présent à convertir en jardin, qui doit estre enfermé d’une palissade de fer, où personne n’entrera que ceux des maisons de la place qui en auront la clef. On dit qu’il en coûte cent pistoles à chaque maison, ce qu’on peut facilement croire à cause de la grande quantité de fer qu’il a falu employer. Au milieu de ce jardin est la statue de bronze à cheval de Louis XIII, élevée sur un grand pié-d’estal de marbre blanc, aux faces duquel on lit sur le devant ces inscriptions :

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Pour la glorieuse et immortelle mémoire du très grand et très invincible Louis le Juste - XIII du nom, roi de France et de Navarre - Armand cardinal duc de Richelieu, son principal Ministre dans tous ses illustres et heureux desseins. - 157Comblé d’honneur et de bienfaits d’un si généreux monarque, a fait élever cette statue Pour une marque éternelle de son zèle, de sa fidélite et de sa reconnoissance. - 1639.

-
-

Sur le derrière du côté des Minimes :

- -

- Ludovico XIII christianissimo Galliæ et Navarre Regi Justo, Pio, foelici, victori, triumphatori semper augusto - Armandus Cardinalis Dux Richelius, Præcipuorum regni onerum adjutor Et administer Domino optime merito, principique Munificentissimo, Fidei suæ, devotionis, Et ob innumera beneficia, immensosque Honores sibi collatos Perenne grati animi monumentum, Hanc statuam equestrem ponendam Curavit. anno domini 1639.

-
- +

La place dont nous venons de parler est parfaitement quarrée, composée de trente-six pavillons élevez d’une mesme symétrie, dont la maçonnerie est de brique & de pierres de taille sur une longue suite d’arcades, à la faveur desquelles on peut aller à couvert autour. Dans l’espace qui est au milieu, on a laissé un grand 156préau que l’on travaille à présent à convertir en jardin, qui doit estre enfermé d’une palissade de fer, où personne n’entrera que ceux des maisons de la place qui en auront la clef. On dit qu’il en coûte cent pistoles à chaque maison, ce qu’on peut facilement croire à cause de la grande quantité de fer qu’il a falu employer. Au milieu de ce jardin est la statue de bronze à cheval de Louis XIII, élevée sur un grand pié-d’estal de marbre blanc, aux faces duquel on lit sur le devant ces inscriptions :

+

Pour la glorieuse et immortelle mémoire du très grand et très invincible Louis le Juste + XIII du nom, roi de France et de Navarre Armand cardinal duc de Richelieu, son principal Ministre dans tous ses illustres et heureux desseins. 157Comblé d’honneur et de bienfaits d’un si généreux monarque, a fait élever cette statue Pour une marque éternelle de son zèle, de sa fidélite et de sa reconnoissance. + 1639.

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Sur le derrière du côté des Minimes :

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Ludovico XIII christianissimo Galliæ et Navarre Regi Justo, Pio, foelici, victori, triumphatori semper augusto + Armandus Cardinalis Dux Richelius, Præcipuorum regni onerum adjutor Et administer Domino optime merito, principique Munificentissimo, Fidei suæ, devotionis, Et ob innumera beneficia, immensosque Honores sibi collatos Perenne grati animi monumentum, Hanc statuam equestrem ponendam Curavit. anno domini 1639.

+ 158

À main droite :

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Pour Louis le Juste - Sonnet.

- - - Que ne peut la Vertu, que ne peut le courage ? - J’ay donné pour jamais l’Hérésie en son fort, - Du Tage impérieux j’ay fait trembler le bord. - Et du Rhin jusqu’à l’Èbre a crû mon héritage. - J’ai sauvé par mon bras l’Europe d’esclavage : - Et si tant de travaux n’eussent hasté mon sort ; - J’eusse attaqué l’Asie, & d’un pieux effort, - J’eusse du Saint Tombeau vangé le long servage. - - Armand, le grand Armand, l’âme de mes exploits, - Porta de toutes parts mes armes & mes loix, - - 159 - Et donna tout l’éclat aux rayons de ma gloire. - Enfin il m’éleva ce pompeux monument, - Où pour rendre à son nom, mémoire pour mémoire ; - Je veux qu’avec le mien, il vive incessament. - -
+

Pour Louis le Juste Sonnet.

+ + Que ne peut la Vertu, que ne peut le courage ? + J’ay donné pour jamais l’Hérésie en son fort, + Du Tage impérieux j’ay fait trembler le bord. + Et du Rhin jusqu’à l’Èbre a crû mon héritage. + J’ai sauvé par mon bras l’Europe d’esclavage : + Et si tant de travaux n’eussent hasté mon sort ; + J’eusse attaqué l’Asie, & d’un pieux effort, + J’eusse du Saint Tombeau vangé le long servage. + Armand, le grand Armand, l’âme de mes exploits, + Porta de toutes parts mes armes & mes loix, + + 159 + Et donna tout l’éclat aux rayons de ma gloire. + Enfin il m’éleva ce pompeux monument, + Où pour rendre à son nom, mémoire pour mémoire ; + Je veux qu’avec le mien, il vive incessament. +

De l’autre côté à gauche :

- - - Quod bellator hydros pacem spirare rebelles, - Deplumes trepidare aquilas, mitescere pardos, - Et depressa jugo submittere colla leones, - Despectat Lodoicus, equo sublimis aheno, - Non digiti, no artifices fevere camini, - Sed virtus & plena Deo fortuna peregit, - - Armandus vindex fidei, pacisque sequester, - Augustum curavit opus ; populisque verendam - - 160 - Regali voluit statuam consurgere circo. - Ut post civilis depulsa pericula belli, - Et circum domitos armis civilibus hostes, - Æternum domina Lodoicus in urbe triumphet. - - -

Ce cheval est un des plus beaux ouvrages que l’on puisse voir. Le fameux Daniel de Voltere, italien & un des plus habiles sculpteurs de son temps, l’avoit fait pour Henri second, mais il ne put estre élevé pour ce roi à cause des divers troubles où la France fut plongée dans les règnes suivants.

-

Les plus considérables maisons de cette place, & dans lesquelles on peut voir quelques curiositez, sont :

+ + Quod bellator hydros pacem spirare rebelles, + Deplumes trepidare aquilas, mitescere pardos, + Et depressa jugo submittere colla leones, + Despectat Lodoicus, equo sublimis aheno, + Non digiti, no artifices fevere camini, + Sed virtus & plena Deo fortuna peregit, + Armandus vindex fidei, pacisque sequester, + Augustum curavit opus ; populisque verendam + + 160 + Regali voluit statuam consurgere circo. + Ut post civilis depulsa pericula belli, + Et circum domitos armis civilibus hostes, + Æternum domina Lodoicus in urbe triumphet. + +

Ce cheval est un des plus beaux ouvrages que l’on puisse voir. Le fameux Daniel de Voltere, italien & un des plus habiles sculpteurs de son temps, l’avoit fait pour Henri second, mais il ne put estre élevé pour ce roi à cause des divers troubles où la France fut plongée dans les règnes suivants.

+

Les plus considérables maisons de cette place, & dans lesquelles on peut voir quelques curiositez, sont :

-

- , où il y a de très excellens tableaux de divers maîtres, mais surtout de Rubens, fameux peintre flamand, dont les ouvrages sont très estimez des curieux à cause de la beauté dessein & de la vivacté du co - 161loris, où il a réussi mieux qu’aucun peintre n’a jamais fait. L’on en trouve dans cet hôtel un plus grand nombre qu’en aucun endroit de Paris. Il y a avec cela des meubles très riches.

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, où il y a de très excellens tableaux de divers maîtres, mais surtout de Rubens, fameux peintre flamand, dont les ouvrages sont très estimez des curieux à cause de la beauté dessein & de la vivacté du co 161loris, où il a réussi mieux qu’aucun peintre n’a jamais fait. L’on en trouve dans cet hôtel un plus grand nombre qu’en aucun endroit de Paris. Il y a avec cela des meubles très riches.

-

- , gouverneur de Touraine, sur la muraille de laquelle il y a une perspective qui représente un morceau d’architecture dans une forest d’une manière très excellente. Avec cela on peut voir dans le fond du jardin un petit pavillon qui n’est pas mal bâti. Le grand escalier est fort clair & tout le reste du logis est d’une grande propreté. Ce qui fait connoistre que cette maison appartient à une personne d’un goûst délicat.

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, gouverneur de Touraine, sur la muraille de laquelle il y a une perspective qui représente un morceau d’architecture dans une forest d’une manière très excellente. Avec cela on peut voir dans le fond du jardin un petit pavillon qui n’est pas mal bâti. Le grand escalier est fort clair & tout le reste du logis est d’une grande propreté. Ce qui fait connoistre que cette maison appartient à une personne d’un goûst délicat.

-

- est presque vis-à-vis, de l’autre côté de la place. L’on y a bâti une aile toute entière depuis quelques années, où l’on a observé beaucoup de régularité. Au fond de la cour est le jardin - 162avec des jets-d’eau & une perspective dans le fond qui répond à la porte & qui fait en entrant le plus bel effet du monde. Monsieur le duc de Chaunes, gouverneur de Bretagne, y demeure.

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est presque vis-à-vis, de l’autre côté de la place. L’on y a bâti une aile toute entière depuis quelques années, où l’on a observé beaucoup de régularité. Au fond de la cour est le jardin 162avec des jets-d’eau & une perspective dans le fond qui répond à la porte & qui fait en entrant le plus bel effet du monde. Monsieur le duc de Chaunes, gouverneur de Bretagne, y demeure.

- - Le couvent des Minines - + Le couvent des Minines

- Ces Pères ont esté instalez en cet endroit en 1590. Leur église est une des plus propres & des plus claires ; & quoique le portail n’en ait pas esté achevé, il ne laisse pas d’être fort remarquable, à cause que le fameux Mansard en a donné le dessein. Les colonnes du premier ordre sont doriques, & ces pères ayant besoin d’une tribune, en ont fait élever une sur ce portail, qu’ils ont ornée de colonnes en dehors, qui ne répondent guères à ce qui avoit esté commencé par un si habile maître. Leur autel est aussi un des mieux entendus, avec des colonnes corinthiennes de marbre noir cannelées, - 163qui sont les seules que l’on voye en France de cette manière. Les ornemens n’y sont pas superflus : la statue de la Sainte Vierge est d’un côté & celle de saint François de Paule - , le fondateur de ces pères, est de l’autre, & toutes deux sont d’une bonne manière. Il y a plusieurs chapelles à voir dans cette église : celle de M. le duc de La Vieville, dont l’autel est tout de marbre & où il y a des tombeaux de mesme matière de quelques personnes de cette maison. Celle de monsieur le Camus, dont la menuiserie est dorée avec beaucoup de propreté.

-

À côté du grand autel est celle de Saint-François-de-Paule, où la vie de ce saint a esté peinte par le sieur Voëte. Vis-à-vis est celle de Monsieur de Jay, premier président au Parlement, & enfin celle où est le tombeau de madame la duchesse d’Angoulesme, qui est très bien ornée de figures de marbre. Au dedans de la maison, on doit aller voir la - 164bibliothèque, où il y a des livres qui ne sont pas mal conditionnez. Mais ce qui est de plus remarquable est une suite de rituels, amassée par monsieur de Launoy, docteur en théologie, qui a passé pour un des plus sçavans critiques de nostre temps dans les antiquitez de l’Église, & qui par sa profonde science a débrouillé beaucoup de choses dont nous n’avions que des idées fort confuses. Il est enterré dans l’église de ces pères, ausquels par testament il a laissé deux cens écus & la moitié de sa bibliothèque. Voicy l’épitaphe que monsieur Clément, conseiller en la Cour des aydes, a fait pour luy, que l’on doit mettre au-dessus de son tombeau :

- -

D. O. M.

-

Hic jacet Joannes Launoïus, Constantiensis, Parisiensis Theologus, Qui veritatis assertor perpetuus, jurium - 165Ecclesiæ & Regis acerrimus vindex vitam Innoxiam exegit. Opes neglexit & quantulumeunque, ut relicturus, Satis habuit. Multa scripsit nulla spe, nullo timore. Optimam famam, maximamque venerationem apud probos adeptus est. Annum septimum & septuagesimus decessit. Animam Christo consignavit die 10 Martii Anno 1678.

-

Hoc monimentum amico jucundissimoPoni curavit Nicolaus le Camus - Supremæ Subsidiorum Curiæ Princeps.

-
-

Il y a aussi dans cette bibliothèque quelques pièces d’optique du fameux père de Niseron, parisien, un des plus sçavants hommes qui ait peut-estre jamais paru dans cette science, & qui en a laissé un volume fort estimé. C’est aussi lui qui a fait peindre dans les dortoirs de cette mai - 166son la figure de saint Jean & de la Madelaine qui occupent toutes les longueurs de deux galeries & dont on ne se peut appercevoir que dans une certaine proportion ou en regardant d’un point marqué. Ce sçavant homme eut donné bien d’autres choses au public si la mort ne l’eust enlevé dans un âge où il ne commençoit encore qu’à faire connoîstre son merveilleux génie.

-

Le réfectoir de ce couvent est assez beau, & depuis quelques années on y a peint tout autour des païsages ou des solitudes qui entretiennent en mangeant l’esprit des religieux dans l’éloignement du monde. On sçait que ces pères vivent dans une grande austérité & que l’esprit de leur institut renferme presque tout ce que les autres ordres ont de rigoureux.

-

Avant que de sortir du Marais du Temple, il faut remarquer que la plupart des maisons de ce quartier ont esté bâties depuis cinquante ou - 167soixante ans & que le terrain qu’elles occupent estoit autrefois de grands jardins & des marais, qui fournissoient à la ville de Paris, d’herbes potagères. À présent c’est un beau quartier dont les logements sont très commodement bâtis, où il loge grand nombre de personnes de considération.

+ Ces Pères ont esté instalez en cet endroit en 1590. Leur église est une des plus propres & des plus claires ; & quoique le portail n’en ait pas esté achevé, il ne laisse pas d’être fort remarquable, à cause que le fameux Mansard en a donné le dessein. Les colonnes du premier ordre sont doriques, & ces pères ayant besoin d’une tribune, en ont fait élever une sur ce portail, qu’ils ont ornée de colonnes en dehors, qui ne répondent guères à ce qui avoit esté commencé par un si habile maître. Leur autel est aussi un des mieux entendus, avec des colonnes corinthiennes de marbre noir cannelées, 163qui sont les seules que l’on voye en France de cette manière. Les ornemens n’y sont pas superflus : la statue de la Sainte Vierge est d’un côté & celle de saint François de Paule + , le fondateur de ces pères, est de l’autre, & toutes deux sont d’une bonne manière. Il y a plusieurs chapelles à voir dans cette église : celle de M. le duc de La Vieville, dont l’autel est tout de marbre & où il y a des tombeaux de mesme matière de quelques personnes de cette maison. Celle de monsieur le Camus, dont la menuiserie est dorée avec beaucoup de propreté.

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À côté du grand autel est celle de Saint-François-de-Paule, où la vie de ce saint a esté peinte par le sieur Voëte. Vis-à-vis est celle de Monsieur de Jay, premier président au Parlement, & enfin celle où est le tombeau de madame la duchesse d’Angoulesme, qui est très bien ornée de figures de marbre. Au dedans de la maison, on doit aller voir la 164bibliothèque, où il y a des livres qui ne sont pas mal conditionnez. Mais ce qui est de plus remarquable est une suite de rituels, amassée par monsieur de Launoy, docteur en théologie, qui a passé pour un des plus sçavans critiques de nostre temps dans les antiquitez de l’Église, & qui par sa profonde science a débrouillé beaucoup de choses dont nous n’avions que des idées fort confuses. Il est enterré dans l’église de ces pères, ausquels par testament il a laissé deux cens écus & la moitié de sa bibliothèque. Voicy l’épitaphe que monsieur Clément, conseiller en la Cour des aydes, a fait pour luy, que l’on doit mettre au-dessus de son tombeau :

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D. O. M.

Hic jacet Joannes Launoïus, Constantiensis, Parisiensis Theologus, Qui veritatis assertor perpetuus, jurium 165Ecclesiæ & Regis acerrimus vindex vitam Innoxiam exegit. Opes neglexit & quantulumeunque, ut relicturus, Satis habuit. Multa scripsit nulla spe, nullo timore. Optimam famam, maximamque venerationem apud probos adeptus est. Annum septimum & septuagesimus decessit. Animam Christo consignavit die 10 Martii Anno 1678.

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Hoc monimentum amico jucundissimoPoni curavit Nicolaus le Camus + Supremæ Subsidiorum Curiæ Princeps.

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Il y a aussi dans cette bibliothèque quelques pièces d’optique du fameux père de Niseron, parisien, un des plus sçavants hommes qui ait peut-estre jamais paru dans cette science, & qui en a laissé un volume fort estimé. C’est aussi lui qui a fait peindre dans les dortoirs de cette mai 166son la figure de saint Jean & de la Madelaine qui occupent toutes les longueurs de deux galeries & dont on ne se peut appercevoir que dans une certaine proportion ou en regardant d’un point marqué. Ce sçavant homme eut donné bien d’autres choses au public si la mort ne l’eust enlevé dans un âge où il ne commençoit encore qu’à faire connoîstre son merveilleux génie.

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Le réfectoir de ce couvent est assez beau, & depuis quelques années on y a peint tout autour des païsages ou des solitudes qui entretiennent en mangeant l’esprit des religieux dans l’éloignement du monde. On sçait que ces pères vivent dans une grande austérité & que l’esprit de leur institut renferme presque tout ce que les autres ordres ont de rigoureux.

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Avant que de sortir du Marais du Temple, il faut remarquer que la plupart des maisons de ce quartier ont esté bâties depuis cinquante ou 167soixante ans & que le terrain qu’elles occupent estoit autrefois de grands jardins & des marais, qui fournissoient à la ville de Paris, d’herbes potagères. À présent c’est un beau quartier dont les logements sont très commodement bâtis, où il loge grand nombre de personnes de considération.

- - - La rue Saint-Antoine - -

- Après le Marais du Temple, on doit aller voir la rue Saint-Antoine : une des plus longues & des plus belles de la ville, & qui est ordinairement destinée aux cortèges & aux entrées des ambassadeurs. Ce fut par cette rue que la reine fit sa première entrée & où se fit aussi la superbe marche du carousel de l’an - 168née 1661. Le légat du pape qui vint à Paris en l’année 1664, à qui l’on fit une entrée magnifique, y passa pour se rendre à l’église Nostre-Dame. Dans les siècles passez, elle estoit destiné aux mesmes choses. Nos rois y faisoient leurs courses de bagues, leurs joustes & leurs tournois, mais depuis le fatal accident qui arriva à Henry second, ces sortes de festes ont esté abolie.

-

Pour voir cette rue de suite, on peut commencer par :

-
- - La Grève - + + La rue Saint-Antoine +

Après le Marais du Temple, on doit aller voir la rue Saint-Antoine : une des plus longues & des plus belles de la ville, & qui est ordinairement destinée aux cortèges & aux entrées des ambassadeurs. Ce fut par cette rue que la reine fit sa première entrée & où se fit aussi la superbe marche du carousel de l’an 168née 1661. Le légat du pape qui vint à Paris en l’année 1664, à qui l’on fit une entrée magnifique, y passa pour se rendre à l’église Nostre-Dame. Dans les siècles passez, elle estoit destiné aux mesmes choses. Nos rois y faisoient leurs courses de bagues, leurs joustes & leurs tournois, mais depuis le fatal accident qui arriva à Henry second, ces sortes de festes ont esté abolie.

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Pour voir cette rue de suite, on peut commencer par :

+
+ + La Grève

Cette place est la seule de Paris où se donnent les spectacles publiques de réjouissance. C’est dans ce lieu où l’on fait les jeux de joye la veille de la feste de Saint-Jean-Baptiste ou lorsque la France a remporté quelque avantage sur les ennemis.

-

- occupe toute une face de cette place. Il a - 169esté bâti sous le règne de François premier, qui y mit la première pierre. L’architecture se sent encore un peu du gothique, c’est à dire qu’elle n’est pas tout à fait du goûst d’à présent, où l’on étudie les proportions des Grecs & des Romains avec plus de soin & d’exactitude, & où l’on tâche tous les jours de rétablir cette belle science dans la perfection où elle estoit sous le règne d’Auguste. La statue en bronze de Henry IV - est sur la porte, représenté à cheval en demi-bosse, sur un fond de marbre noir. Le cheval est copié d’après celui de Marc Aurèle du Capitole. La cour est petite & entourée de bâtimens d’une mesme symétrie. Sous une arcade du fond il y a une statue du roy habillé en Hercule, qui tient à ces pieds la Discorde, qui avoit voulu troubler les commencemens de son heureux règne. Sur les faces du pié-d’estal qui est de marbre, aussi bien que la statue, on a mis des inscriptions que l’on n’a pas - 170jugé à propos de mettre icy, parce qu’elles ne contiennent rien de particulier & qu’elles ne rapportent aucun fait d’histoire qui instruise les curieux.

-

Dans les salles, il y a quelques tableaux qui représentent en habit de cérémonie les prévost des marchands & des eschevins du siècle passé & ceux de celuy-cy. Aux deux bouts de la grande salle, sur les deux cheminées qui y sont, il y a des portraits du roy en habit royal avec son sceptre & sa main de justice. C’est dans cette salle où l’on s’assemble pour l’élection des prévost des marchands & des eschevins. Les fenestres estant sur la Grève, lorsqu’il y a quelque réjouissance publique les personnes de la première qualité y sont placées, & quelquefois elles y sont régalées magnifiquement aux dépens de la ville.

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occupe toute une face de cette place. Il a 169esté bâti sous le règne de François premier, qui y mit la première pierre. L’architecture se sent encore un peu du gothique, c’est à dire qu’elle n’est pas tout à fait du goûst d’à présent, où l’on étudie les proportions des Grecs & des Romains avec plus de soin & d’exactitude, & où l’on tâche tous les jours de rétablir cette belle science dans la perfection où elle estoit sous le règne d’Auguste. La statue en bronze de Henry IV + est sur la porte, représenté à cheval en demi-bosse, sur un fond de marbre noir. Le cheval est copié d’après celui de Marc Aurèle du Capitole. La cour est petite & entourée de bâtimens d’une mesme symétrie. Sous une arcade du fond il y a une statue du roy habillé en Hercule, qui tient à ces pieds la Discorde, qui avoit voulu troubler les commencemens de son heureux règne. Sur les faces du pié-d’estal qui est de marbre, aussi bien que la statue, on a mis des inscriptions que l’on n’a pas 170jugé à propos de mettre icy, parce qu’elles ne contiennent rien de particulier & qu’elles ne rapportent aucun fait d’histoire qui instruise les curieux.

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Dans les salles, il y a quelques tableaux qui représentent en habit de cérémonie les prévost des marchands & des eschevins du siècle passé & ceux de celuy-cy. Aux deux bouts de la grande salle, sur les deux cheminées qui y sont, il y a des portraits du roy en habit royal avec son sceptre & sa main de justice. C’est dans cette salle où l’on s’assemble pour l’élection des prévost des marchands & des eschevins. Les fenestres estant sur la Grève, lorsqu’il y a quelque réjouissance publique les personnes de la première qualité y sont placées, & quelquefois elles y sont régalées magnifiquement aux dépens de la ville.

-

- Pour rendre l’entrée de la Grève plus commode, depuis cinq ou six ans l’on a percé un chemin du pont de Nostre-Dame à cette place, le - 171long de la rivière, que l’on a revêtu d’un très beau quay de pierre de taille. On a bâti sur ce quay des maisons de mesme symétrie, qui sont occupées par des marchands. C’est sous la prévosté de monsieur Pelletier, à présent controlleur général des finances, que ce bel ouvrage a esté entrepris, & tout ce qui a esté exécuté sous son administration a esté autant pour la commodité du public que pour la magnificence de la ville ; aussi le peuple, pour luy marquer une reconnoissance éternelle, l’a nommé de nouveau le quay Pelletier, quoique par une modestie qui a peu d’exemples il n’ait jamais voulu souffrir que son nom parût dans les ouvrages qui ont esté construits par ses ordres. À l’entrée du côté du pont de Nostre-Dame, on trouve cette inscription sur un quadre de marbre noir, au-dessus duquel est le portrait du roy en médaillon. :

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Pour rendre l’entrée de la Grève plus commode, depuis cinq ou six ans l’on a percé un chemin du pont de Nostre-Dame à cette place, le 171long de la rivière, que l’on a revêtu d’un très beau quay de pierre de taille. On a bâti sur ce quay des maisons de mesme symétrie, qui sont occupées par des marchands. C’est sous la prévosté de monsieur Pelletier, à présent controlleur général des finances, que ce bel ouvrage a esté entrepris, & tout ce qui a esté exécuté sous son administration a esté autant pour la commodité du public que pour la magnificence de la ville ; aussi le peuple, pour luy marquer une reconnoissance éternelle, l’a nommé de nouveau le quay Pelletier, quoique par une modestie qui a peu d’exemples il n’ait jamais voulu souffrir que son nom parût dans les ouvrages qui ont esté construits par ses ordres. À l’entrée du côté du pont de Nostre-Dame, on trouve cette inscription sur un quadre de marbre noir, au-dessus duquel est le portrait du roy en médaillon. :

+ 172 - -

Auspiciis - Ludovici Magni - hanc ripam fædam nuper et inviam nunc publicum iter et ornamentum urbis F. CC. Præf. et Ædil. Ann. R. S. H. M DC LXXV.

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De la Grève l’on doit passer proche :

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Auspiciis Ludovici Magni + hanc ripam fædam nuper et inviam nunc publicum iter et ornamentum urbis F. CC. Præf. et Ædil. Ann. R. S. H. M DC LXXV.

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De la Grève l’on doit passer proche :

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- , qui estoit autrefois une chapelle dépendante de Saint-Gervais, & qui esté bâtie comme on la voit sous le règne de Charles le Bel en 1326. Ce qui mérite d’y estre vu est la voûte qui soutient les orgues, qui est d’un trait tout à fait hardy, & la petite porte d’ordre ionique du côté du cloîstre.

-

Voicy un épitaphe que les curieux ne seront pas fâchés de lire & qu’ils trouveront assez extraordi - 173naire. Il est proche du crucifix de cette église.

- -

Cy repose Alain Veau, celuy auquel l’intégrité & fidélité au maniment des finances sous le roy François I, Henry II, François II & Charles IX, a pour une heureuse récompense acquis sans envie, ce beau titre de trésorier sans reproche, il décéda le 1 de Juin 1575.

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Passant priez pour luy.

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, qui estoit autrefois une chapelle dépendante de Saint-Gervais, & qui esté bâtie comme on la voit sous le règne de Charles le Bel en 1326. Ce qui mérite d’y estre vu est la voûte qui soutient les orgues, qui est d’un trait tout à fait hardy, & la petite porte d’ordre ionique du côté du cloîstre.

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Voicy un épitaphe que les curieux ne seront pas fâchés de lire & qu’ils trouveront assez extraordi 173naire. Il est proche du crucifix de cette église.

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Cy repose Alain Veau, celuy auquel l’intégrité & fidélité au maniment des finances sous le roy François I, Henry II, François II & Charles IX, a pour une heureuse récompense acquis sans envie, ce beau titre de trésorier sans reproche, il décéda le 1 de Juin 1575.

Passant priez pour luy.

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- est un peu plus avant. Elle est une des plus anciennes paroisses de Paris, comme il se voit dans l’histoire de saint Germain, évêque de cette ville, qui vivoit en 578, en faveur duquel il s’y fit un miracle, à ce que rapporte Fortunatus évêque de Poitiers dans son histoire. Le corps de cette église est fort bien bâti selon le goûst gotique, avec des voûtes tout à fait élevées & des chapelles tout autour. Dans une qui est sous la croisée à main gauche, on pourra voir - 174 - quelques peintures de la manière de Le Sueur, qui estoit un des plus excellens peintres de ce siècle après le fameux Poussin, & duquel on aura sujet de parler plus amplement. Les grisailles des vitres qui représentent le martyre de saint Gervais et le tableau de l’autel sont de lui. Les tapisseries que l’on expose les grandes festes sont très bien travaillées, les originaux sont dans la nef, qui ont esté peints par le mesme Le Sueur & par Champagne. Elles représentent l’histoire de saint Gervais & de saint Protais, & la manière dont leur corps saint furent trouvez à Milan par les prières de saint Ambroise, qui en fait mention dans ses Épistres.

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Mais ce n’est pas ce qui doit le plus arrester les curieux. Le superbe portail de cette église les occupera bien plus agréablement & leur fera avouer qu’il ne se peut rien voir ailleurs de plus beau ny de plus régulier. Il est composé de trois ordres grecs l’un - 175 sur l’autre, c’est-à-dire du dorique, du ionique & du corinthien, dont les proportions sont si belles & si justes qu’au sentiment mesme du fameux cavalier Bernin, on n’a rien de plus achevé & de plus parfait dans toute l’Europe. Les colonnes en sont cannelées sans estre accompagnées d’autres ornemens que de ceux qui leur sont propres. Tous ces trois ordres font une fabrique d’une très grande hauteur & tout à fait agréable à la veue. Si la place qui est devant estoit plus spacieuse, il ne manqueroit rien à cet ouvrage pour le faire paroître dans toute la gloire au sieur de Brosse, le même qui a donné les desseins du palais du Luxembourg & du temple de Charenton. Cependant, on croit qu’il n’a pas esté le seul & que Clément Métezeau fut emploïé avec lui ; celui-là mesme qui avoit entrepris la digue de la Rochelle, comme on a déjà dit au sujet de la grande galerie du Lou - 176vre, & qui estoit un des plus habiles architectes qui fût de son temps. Il estoit d’une famille considérable de Dreux & fort estimé du cardinal de Richelieu, qui se connoissoit parfaitement en gens de mérite. Monsieur de Fourcy, conseiller au Parlement & intendant général des bâtimens sous Louis XIII, père de monsieur le président de Fourcy, qui se distingue à présent plus par son mérite é par sa probité que par dignité de sa charge, estoit pour lors marguillier d’honneur de cette église. Ce fut lui qui entreprit ce grand ouvrage, avec M. d’Onon & M. de Saint-Genis, qui estoient en charge avec lui. Louis XIII voulut y mettre la première pierre & en fort peu de temps ce merveilleux édifice fut achevé comme on le voit.

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est un peu plus avant. Elle est une des plus anciennes paroisses de Paris, comme il se voit dans l’histoire de saint Germain, évêque de cette ville, qui vivoit en 578, en faveur duquel il s’y fit un miracle, à ce que rapporte Fortunatus évêque de Poitiers dans son histoire. Le corps de cette église est fort bien bâti selon le goûst gotique, avec des voûtes tout à fait élevées & des chapelles tout autour. Dans une qui est sous la croisée à main gauche, on pourra voir 174 quelques peintures de la manière de Le Sueur, qui estoit un des plus excellens peintres de ce siècle après le fameux Poussin, & duquel on aura sujet de parler plus amplement. Les grisailles des vitres qui représentent le martyre de saint Gervais et le tableau de l’autel sont de lui. Les tapisseries que l’on expose les grandes festes sont très bien travaillées, les originaux sont dans la nef, qui ont esté peints par le mesme Le Sueur & par Champagne. Elles représentent l’histoire de saint Gervais & de saint Protais, & la manière dont leur corps saint furent trouvez à Milan par les prières de saint Ambroise, qui en fait mention dans ses Épistres.

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Mais ce n’est pas ce qui doit le plus arrester les curieux. Le superbe portail de cette église les occupera bien plus agréablement & leur fera avouer qu’il ne se peut rien voir ailleurs de plus beau ny de plus régulier. Il est composé de trois ordres grecs l’un 175 sur l’autre, c’est-à-dire du dorique, du ionique & du corinthien, dont les proportions sont si belles & si justes qu’au sentiment mesme du fameux cavalier Bernin, on n’a rien de plus achevé & de plus parfait dans toute l’Europe. Les colonnes en sont cannelées sans estre accompagnées d’autres ornemens que de ceux qui leur sont propres. Tous ces trois ordres font une fabrique d’une très grande hauteur & tout à fait agréable à la veue. Si la place qui est devant estoit plus spacieuse, il ne manqueroit rien à cet ouvrage pour le faire paroître dans toute la gloire au sieur de Brosse, le même qui a donné les desseins du palais du Luxembourg & du temple de Charenton. Cependant, on croit qu’il n’a pas esté le seul & que Clément Métezeau fut emploïé avec lui ; celui-là mesme qui avoit entrepris la digue de la Rochelle, comme on a déjà dit au sujet de la grande galerie du Lou 176vre, & qui estoit un des plus habiles architectes qui fût de son temps. Il estoit d’une famille considérable de Dreux & fort estimé du cardinal de Richelieu, qui se connoissoit parfaitement en gens de mérite. Monsieur de Fourcy, conseiller au Parlement & intendant général des bâtimens sous Louis XIII, père de monsieur le président de Fourcy, qui se distingue à présent plus par son mérite é par sa probité que par dignité de sa charge, estoit pour lors marguillier d’honneur de cette église. Ce fut lui qui entreprit ce grand ouvrage, avec M. d’Onon & M. de Saint-Genis, qui estoient en charge avec lui. Louis XIII voulut y mettre la première pierre & en fort peu de temps ce merveilleux édifice fut achevé comme on le voit.

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- Depuis l’église Saint-Gervais dont nous venons de parler jusqu’au milieu de la rue Saint-Antoine, il n’y a rien de considérable. On passe devant le cimetière saint Jean, qui - 177 est à présent un marché, dans le mesme lieu où estoit autrefois l’hôtel de Pierre de Craon, qui assassina le connétable Olivier du Clisson sous Charles VI, dont la maison fut démolie & rasée en 1392 en punition de cet attentat. Ensuite est :

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Depuis l’église Saint-Gervais dont nous venons de parler jusqu’au milieu de la rue Saint-Antoine, il n’y a rien de considérable. On passe devant le cimetière saint Jean, qui 177 est à présent un marché, dans le mesme lieu où estoit autrefois l’hôtel de Pierre de Craon, qui assassina le connétable Olivier du Clisson sous Charles VI, dont la maison fut démolie & rasée en 1392 en punition de cet attentat. Ensuite est :

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- , qui a une très belle face sur la rue, ornée de trois balcons. La maçonnerie est en bossage avec des ornemens assez beaux. La porte est grande & quoique la cour soit fort petite, elle est cependant entourée de bâtimens où les ordres architecturaux ne sont pas mal exécutez. L’escalier est soutenu de colonnes & embelli de plusieurs ornemens. Pour les appartemens, ils sont fort agréables & entourez d’une longue balustrade de fer qui conduit tout autour de la cour, qui sert de dégagement. Lorsqu’il y a eu quelque grand spectacle à voir dans la rue Saint-Antoine, cette belle maison a servi aux personnes de la maison - 178roïale. Au fameux carousel qui se fit en l’année 1661, grand nombre de princesses & de dames de la cour s’y allèrent placer pour voir passer ce cortège magnifique, qui venoit de la Place roïale, où ils s’étoient assemblés, pour aller dans la place devant le palais des Tuileries, dans laquelle les courses se devoient faire. Vis-à-vis est :

-

- , qui n’a rien de beau, & mesme qui par sa simplicité fait assez connoître qu’elle a autrefois servi à un hôpital fondé pour ceux qui estoient affligez d’une maladie épidémique, que l’on nommoit le feu de saint Antoine, qui a cessé depuis deux ou trois siècles. La confrérie de saint Antoine est établie depuis fort longtemps dans cette église. Mais elle est fort décheue de ce qu’elle estoit autrefois, car nous voïons que sous le règne de Charles VI, qui la fonda, tous les grands seigneurs de la cour s’y enrôlèrent à son exemple - 179 & firent des présens considérables en faveur de ce saint. La communauté de ces pères est petite & ne passe par ordinairement le nombre de vingt religieux. Ils sont chanoines réguliers de saint Augustin & portent en forme de croix la lettre T sur la poitrine. Leur chef d’ordre est en Dauphiné, assez proche de Vienne. Du mesme côté est :

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, qui a une très belle face sur la rue, ornée de trois balcons. La maçonnerie est en bossage avec des ornemens assez beaux. La porte est grande & quoique la cour soit fort petite, elle est cependant entourée de bâtimens où les ordres architecturaux ne sont pas mal exécutez. L’escalier est soutenu de colonnes & embelli de plusieurs ornemens. Pour les appartemens, ils sont fort agréables & entourez d’une longue balustrade de fer qui conduit tout autour de la cour, qui sert de dégagement. Lorsqu’il y a eu quelque grand spectacle à voir dans la rue Saint-Antoine, cette belle maison a servi aux personnes de la maison 178roïale. Au fameux carousel qui se fit en l’année 1661, grand nombre de princesses & de dames de la cour s’y allèrent placer pour voir passer ce cortège magnifique, qui venoit de la Place roïale, où ils s’étoient assemblés, pour aller dans la place devant le palais des Tuileries, dans laquelle les courses se devoient faire. Vis-à-vis est :

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, qui n’a rien de beau, & mesme qui par sa simplicité fait assez connoître qu’elle a autrefois servi à un hôpital fondé pour ceux qui estoient affligez d’une maladie épidémique, que l’on nommoit le feu de saint Antoine, qui a cessé depuis deux ou trois siècles. La confrérie de saint Antoine est établie depuis fort longtemps dans cette église. Mais elle est fort décheue de ce qu’elle estoit autrefois, car nous voïons que sous le règne de Charles VI, qui la fonda, tous les grands seigneurs de la cour s’y enrôlèrent à son exemple 179 & firent des présens considérables en faveur de ce saint. La communauté de ces pères est petite & ne passe par ordinairement le nombre de vingt religieux. Ils sont chanoines réguliers de saint Augustin & portent en forme de croix la lettre T sur la poitrine. Leur chef d’ordre est en Dauphiné, assez proche de Vienne. Du mesme côté est :

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- , où nos rois ont fait autrefois leur demeure, comme quelques historiens semblent le faire croire ; mais cependant d’autres veulent que le palais des Tournelles fut ainsi nommé avant que d’estre rebâti par François premier, qui y fit mettre un grand nombre de petites tours sur les murailles. Enfin, cet hôtel est à présent occupé par madame de Chavigny, veuve du secrétaire d’Estat de ce nom. Il est un des plus grands que l’on puisse voir à Paris. Les appartemens sont sur un jardin, magnifiquement meublez. Les peintures & - 180 les beaux ornemens y sont en abondance. La cour est grande & peut contenir plusieurs carrosses, cependant ce qui manque à cet hôtel est un grand escalier. Monsieur de Chavigny avoit dessein d’en faire élever un & de continuer encore quelques autres ouvrages qui lui manquent, mais la mort luy ôta les moïens d’exécuter ce qu’il se proposoit. Cela n’empesche pas cependant que cette maison ne soit des plus logeable & des plus commodes, & qu’elle ne soit mesme délicieuse dans la saison de l’esté, par l’agréable odeur des orangers que l’on y respire particulièrement dans les appartemens d’en bas, qui sont contigus au jardin.

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, où nos rois ont fait autrefois leur demeure, comme quelques historiens semblent le faire croire ; mais cependant d’autres veulent que le palais des Tournelles fut ainsi nommé avant que d’estre rebâti par François premier, qui y fit mettre un grand nombre de petites tours sur les murailles. Enfin, cet hôtel est à présent occupé par madame de Chavigny, veuve du secrétaire d’Estat de ce nom. Il est un des plus grands que l’on puisse voir à Paris. Les appartemens sont sur un jardin, magnifiquement meublez. Les peintures & 180 les beaux ornemens y sont en abondance. La cour est grande & peut contenir plusieurs carrosses, cependant ce qui manque à cet hôtel est un grand escalier. Monsieur de Chavigny avoit dessein d’en faire élever un & de continuer encore quelques autres ouvrages qui lui manquent, mais la mort luy ôta les moïens d’exécuter ce qu’il se proposoit. Cela n’empesche pas cependant que cette maison ne soit des plus logeable & des plus commodes, & qu’elle ne soit mesme délicieuse dans la saison de l’esté, par l’agréable odeur des orangers que l’on y respire particulièrement dans les appartemens d’en bas, qui sont contigus au jardin.

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+ 181
- - Les Grands Jésuites - -

- - L’église de ces pères est dédiée à saint Louis, & une des plus belles & des mieux décorées de Paris. Elle est bâtie à la moderne, avec un grand dôme ou coupole, qui s’élève au-dessus. L’ordre corinthien est observé partout fort régulièrement & le portail est très bien exposé parce qu’il est vis-à-vis la rue de Sainte-Catherine. Il est composé de trois ordres de colonnes corinthiennes l’un sur l’autre, qui font environ vingt-deux toises de hauteur. Les ornemens n’y ont point esté épargnez, car tous les endroits de cet édifice sont chargez de palmes, de feuillages & de chifres, qui sont une confusion qui ne plaît pas aux délicats en architecture. On voit par cette inscription qui est sur la frise du premier ordre que - 182 - le cardinal de Richelieu a contribué à la fabrique de ce portail.

- -

- Sancto Ludovico Regi. - Ludovicus XIII Rex basilicam : Armandus Cardina lis dux de Richelieu, basilicæ frontem posuit.

-

- 1634.

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-

- Louis XIII y mit la première pierre, accompagné de M. de Gondy, premier archevêque de Paris, sur laquelle estoit cette inscription :

- -

D. O. M. - S. Ludovico - Qui totum orbem in templum Dei armis, animisque destinavit. - Ludovicus XIII. - Hoc templum erexit : Ut quem Gallia coluit ut Regem, amavit ut patrem, Hic veneretur ut coelitem. - Anno M DC XXVII.

-
- + Les Grands Jésuites +

+ L’église de ces pères est dédiée à saint Louis, & une des plus belles & des mieux décorées de Paris. Elle est bâtie à la moderne, avec un grand dôme ou coupole, qui s’élève au-dessus. L’ordre corinthien est observé partout fort régulièrement & le portail est très bien exposé parce qu’il est vis-à-vis la rue de Sainte-Catherine. Il est composé de trois ordres de colonnes corinthiennes l’un sur l’autre, qui font environ vingt-deux toises de hauteur. Les ornemens n’y ont point esté épargnez, car tous les endroits de cet édifice sont chargez de palmes, de feuillages & de chifres, qui sont une confusion qui ne plaît pas aux délicats en architecture. On voit par cette inscription qui est sur la frise du premier ordre que 182 le cardinal de Richelieu a contribué à la fabrique de ce portail.

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Sancto Ludovico Regi. Ludovicus XIII Rex basilicam : Armandus Cardina lis dux de Richelieu, basilicæ frontem posuit.

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1634.

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Louis XIII y mit la première pierre, accompagné de M. de Gondy, premier archevêque de Paris, sur laquelle estoit cette inscription :

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D. O. M. S. Ludovico + Qui totum orbem in templum Dei armis, animisque destinavit. + Ludovicus XIII. + Hoc templum erexit : Ut quem Gallia coluit ut Regem, amavit ut patrem, Hic veneretur ut coelitem. + Anno M DC XXVII.

+ 183 -

Le dedans de cette église répond très bien au dehors. Une galerie règne sur toutes les chapelles avec une balustrade de fer sur l’ensemble de la corniche, à la faveur de laquelle on peut aller tout autour. Le grand autel est à trois rangs de colonnes corinthiennes de marbre noir, dont les chapiteaux sont de bronze doré. De chaque côté sont les statues de saint Louis & de Charlemagne, mais à dire le vray cet autel est un peu trop bas, ce qui le rend triste & obscur. Cependant, les jours de festes qu’il est fort éclairé de lumières, le défaut est moins remarquable. Le tabernacle que l’on découvre ces jours-là est d’argent, orné de feuillages & d’ornemens de vermeil doré, d’un travail qui surpasse le prix de la matière. On ne voit point dans aucune église de Paris un plus grand grand nombre de reliquaires, de vases d’argent, de chandeliers, de girandoles, de parfums & d’autres choses sem - 184blables, & toutes ces pièces sont d’argent ou de vermeil doré. Il y en a mesme quelques-unes d’or. Mais ce qui est plus considérable est un grand soleil d’or enrichi de diamans & de grosses perles, d’un prix très considérable. Les ornemens sont presque de la mesme beauté. Ils en ont un qui représente l’Adoration des trois rois, dont la broderie est de perles, & d’autres d’un ouvrage très rare, où l’or & l’argent n’a point esté épargné. Enfin rien ne manque à la magnificence de cet autel, joint à cela que ces pères ont des sacristains très habiles qui inventent tous les jours des manières de l’embellir. Toutes les chapelles sont ornez de colonnes de marbre & de tableaux qui représentent quelques actions des saints qui y sont révérez. À côté du grand autel, à main gauche sous une arcade, est le cœur de Louis XIII, que deux grands anges soutiennent sous une couronne de vermeil doré. On a mis deux - 185inscriptions que voicy. Sur les pilliers des côtez :

- -

Augustissimum - Ludovici XIII - justi regis, basilicæ hujus fundatoris magnifici cor, angelorum hic in manibus, in coelo in manu Dei.

-
-

Vis-à-vis est cette seconde inscription qui fait voir que ce monument a esté élevé par les soins religieux d’Anne d’Autriche, son illustre épouse :

- -

Serenissima - Anna Austrica - - Ludovici XIV - regis mater et regina regens. - 185Prædilecti conjugis sui cordi regio amoris hoc monumentum P.anno salutis - M DC XLIII.

-
-

Il y a quatre bas-relief de marbre blanc qui représentent les vertus cardinales, qui sont fort bien exécutez. Sous le dôme, du mesme côté, est un monument magnifique dressé à la mémoire de Henry de Bourbon, prince de Condé, que monsieur Perrault, qui avoit esté son intendant, par un généreux motif de reconnoissance a fait élever avec beaucoup de dépense à la gloire de ce prince. Ce sont quatre vertus de bronze grande comme le naturel, assises sur des piés-d’estaux de marbre noir, avec des bas-reliefs aussi de bronze qui représentent les belles actions de ce prince, qui sont autour de la chapelle au lieu d’une balustrade, sur - 187un appui de marbre noir. Aux deux côtez de l’ouverture qui sert d’entrée, il y a deux amours, l’un desquel tient un bouclier sur lequel sont les armes de Bourbon & l’autre une table où cette inscription est gravée :

- -

- Henrico Borbonio - Condæo primo regii sanguinis principi, cujus cor hic conditum - Joannes Perrault, in suprema regiarum rationum curia præsses, principi olim a secretis quærens de publica privataque jactura parcius dolere, posuit anno M DC LXIII.

-
-

Toutes les pièces sont de bronze & parfaitement bien travaillées. Monsieur Sarazin, de qui elles sont, y a fait paroître son beau génie pour - 188le dessein. Ce monument renferme le cœur de ce généreux prince, que les pères jésuites avoient déjà longtemps avant sa mort, car tout le monde sçait que la maison de Bourbon a toujours eu une affection très particulière pour cette compagnie. Le cardinal de Bourbon, oncle de Henry le Grand, fur le premier qui les établit à Paris. Il acheta l’hôtel d’Amville la somme des treize mille livres, que les receveurs de l’abbaye de Saint-Germain lui avancèrent pour ce sujet, & en mourant il laissa sa bibliothèque à ses pères, qui estoit composée de livres très bien conditionnez ; mais jusqu’au règne de Louis le Juste ils n’avoient qu’une petite chapelle & une maison fort incommode. Ce grand roi, dont la piété estoit extraordinaire, fit commencer leur église comme on la voit & le cardinal de Richelieu contribua beaucoup à sa perfection, comme l’on a dit. Ce fut le frère Marlange, lyonnois, de cette com - 189pagnie, qui en donna le dessein, mais l’ouvrage fut conduit par le père de Rant, lorrain, qui diminua beaucoup de choses qui estoient dans le premier dessein.

-

Je ne diray rien à la louange de cette société, outre que ce seroit m’écarter de mon sujet ; cette matière est réservée à des plumes plus éloquentes que la mienne. J’avertiray seulement le lecteur que ceux de cette maison qui font à présent le plus de bruit sont le père Bourdaloue, dont les sermons sont fort courus & écoutez avec beaucoup de fruit & d’applaudissement. Son vray caractère est la morale, qu’il débite avec une éloquence si délicate, si vive & si pénétrante, qu’il enlève tous les auditeurs. Le père Girou, dans un genre tout différent de prêcher, ne fait pas moins de louanges. Le père Ménetrier, qui avec la sçavante manière de prêcher, possède encore divers beaux talens. Il a donné un - 190grand nombre de volumes sur la science du blazon, qu’il a réduit en principes infiniment plus clairs & plus méthodiques qu’aucun autre auteur qui ait écrit avant lui sur cette matière. On a de lui depuis peu l’origine des Opera - & il en promet d’autres qui seront sans doute receus du public avec autant d’applaudissement que ceux qu’il a déjà donnez. Le père Jourdan est aussi de cette maison. Il a composé l’origine de la maison roïale de France, en trois volumes in-quarto, que Cramoisi a imprimez, où l’on peut apprendre beaucoup de particularitez touchant l’histoire de France, que les auteurs modernes avoient négligez ou n’avoient pas découvert.

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Le dedans de cette église répond très bien au dehors. Une galerie règne sur toutes les chapelles avec une balustrade de fer sur l’ensemble de la corniche, à la faveur de laquelle on peut aller tout autour. Le grand autel est à trois rangs de colonnes corinthiennes de marbre noir, dont les chapiteaux sont de bronze doré. De chaque côté sont les statues de saint Louis & de Charlemagne, mais à dire le vray cet autel est un peu trop bas, ce qui le rend triste & obscur. Cependant, les jours de festes qu’il est fort éclairé de lumières, le défaut est moins remarquable. Le tabernacle que l’on découvre ces jours-là est d’argent, orné de feuillages & d’ornemens de vermeil doré, d’un travail qui surpasse le prix de la matière. On ne voit point dans aucune église de Paris un plus grand grand nombre de reliquaires, de vases d’argent, de chandeliers, de girandoles, de parfums & d’autres choses sem 184blables, & toutes ces pièces sont d’argent ou de vermeil doré. Il y en a mesme quelques-unes d’or. Mais ce qui est plus considérable est un grand soleil d’or enrichi de diamans & de grosses perles, d’un prix très considérable. Les ornemens sont presque de la mesme beauté. Ils en ont un qui représente l’Adoration des trois rois, dont la broderie est de perles, & d’autres d’un ouvrage très rare, où l’or & l’argent n’a point esté épargné. Enfin rien ne manque à la magnificence de cet autel, joint à cela que ces pères ont des sacristains très habiles qui inventent tous les jours des manières de l’embellir. Toutes les chapelles sont ornez de colonnes de marbre & de tableaux qui représentent quelques actions des saints qui y sont révérez. À côté du grand autel, à main gauche sous une arcade, est le cœur de Louis XIII, que deux grands anges soutiennent sous une couronne de vermeil doré. On a mis deux 185inscriptions que voicy. Sur les pilliers des côtez :

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Augustissimum Ludovici XIII + justi regis, basilicæ hujus fundatoris magnifici cor, angelorum hic in manibus, in coelo in manu Dei.

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Vis-à-vis est cette seconde inscription qui fait voir que ce monument a esté élevé par les soins religieux d’Anne d’Autriche, son illustre épouse :

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Serenissima Anna Austrica Ludovici XIV + regis mater et regina regens. 185Prædilecti conjugis sui cordi regio amoris hoc monumentum P.anno salutis + M DC XLIII.

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Il y a quatre bas-relief de marbre blanc qui représentent les vertus cardinales, qui sont fort bien exécutez. Sous le dôme, du mesme côté, est un monument magnifique dressé à la mémoire de Henry de Bourbon, prince de Condé, que monsieur Perrault, qui avoit esté son intendant, par un généreux motif de reconnoissance a fait élever avec beaucoup de dépense à la gloire de ce prince. Ce sont quatre vertus de bronze grande comme le naturel, assises sur des piés-d’estaux de marbre noir, avec des bas-reliefs aussi de bronze qui représentent les belles actions de ce prince, qui sont autour de la chapelle au lieu d’une balustrade, sur 187un appui de marbre noir. Aux deux côtez de l’ouverture qui sert d’entrée, il y a deux amours, l’un desquel tient un bouclier sur lequel sont les armes de Bourbon & l’autre une table où cette inscription est gravée :

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Henrico Borbonio + Condæo primo regii sanguinis principi, cujus cor hic conditum + Joannes Perrault, in suprema regiarum rationum curia præsses, principi olim a secretis quærens de publica privataque jactura parcius dolere, posuit anno M DC LXIII.

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Toutes les pièces sont de bronze & parfaitement bien travaillées. Monsieur Sarazin, de qui elles sont, y a fait paroître son beau génie pour 188le dessein. Ce monument renferme le cœur de ce généreux prince, que les pères jésuites avoient déjà longtemps avant sa mort, car tout le monde sçait que la maison de Bourbon a toujours eu une affection très particulière pour cette compagnie. Le cardinal de Bourbon, oncle de Henry le Grand, fur le premier qui les établit à Paris. Il acheta l’hôtel d’Amville la somme des treize mille livres, que les receveurs de l’abbaye de Saint-Germain lui avancèrent pour ce sujet, & en mourant il laissa sa bibliothèque à ses pères, qui estoit composée de livres très bien conditionnez ; mais jusqu’au règne de Louis le Juste ils n’avoient qu’une petite chapelle & une maison fort incommode. Ce grand roi, dont la piété estoit extraordinaire, fit commencer leur église comme on la voit & le cardinal de Richelieu contribua beaucoup à sa perfection, comme l’on a dit. Ce fut le frère Marlange, lyonnois, de cette com 189pagnie, qui en donna le dessein, mais l’ouvrage fut conduit par le père de Rant, lorrain, qui diminua beaucoup de choses qui estoient dans le premier dessein.

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Je ne diray rien à la louange de cette société, outre que ce seroit m’écarter de mon sujet ; cette matière est réservée à des plumes plus éloquentes que la mienne. J’avertiray seulement le lecteur que ceux de cette maison qui font à présent le plus de bruit sont le père Bourdaloue, dont les sermons sont fort courus & écoutez avec beaucoup de fruit & d’applaudissement. Son vray caractère est la morale, qu’il débite avec une éloquence si délicate, si vive & si pénétrante, qu’il enlève tous les auditeurs. Le père Girou, dans un genre tout différent de prêcher, ne fait pas moins de louanges. Le père Ménetrier, qui avec la sçavante manière de prêcher, possède encore divers beaux talens. Il a donné un 190grand nombre de volumes sur la science du blazon, qu’il a réduit en principes infiniment plus clairs & plus méthodiques qu’aucun autre auteur qui ait écrit avant lui sur cette matière. On a de lui depuis peu l’origine des Opera + & il en promet d’autres qui seront sans doute receus du public avec autant d’applaudissement que ceux qu’il a déjà donnez. Le père Jourdan est aussi de cette maison. Il a composé l’origine de la maison roïale de France, en trois volumes in-quarto, que Cramoisi a imprimez, où l’on peut apprendre beaucoup de particularitez touchant l’histoire de France, que les auteurs modernes avoient négligez ou n’avoient pas découvert.

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- Dans la petite place qui est vis-à-vis, on a réparé la fontaine que l’on appeloit autrefois la fontaine de Biragues, où cette inscription est gravée :

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Dans la petite place qui est vis-à-vis, on a réparé la fontaine que l’on appeloit autrefois la fontaine de Biragues, où cette inscription est gravée :

+ 191 - - - Siccatos latices et ademptum fontis honorem - Officio Ædiles restituere suo. - - Ob reditum aquarum. - -

- M DC XXVII.

+ + Siccatos latices et ademptum fontis honorem + Officio Ædiles restituere suo. + Ob reditum aquarum. +

M DC XXVII.

- - - La rue de la Couture ou de la Cloture-Sainte-Catherine - + + La rue de la Couture ou de la Cloture-Sainte-Catherine

Cette rue est vis-à-vis le portail des Jésuites. L’on doit aller voir :

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- , qui lui donne son nom. Elle a esté bâtie sous le règne de saint Louis. Il y a quelques tombeaux assez considérables : celui du chancelier d’Orgemont, qui vivoit sous Charles V & dont il est beaucoup parlé durant l’histoire de ce règne ; celui du cardinal de Biragues, milanois, qui - 192est enterré proche de sa femme. Il estoit chancelier sous Charles IX & Henry III, & fort renommé à cause de sa grande équité & de sa modération, qui disoit de lui-mesme qu’il estoit cardinal sous titre, prestre sans bénéfice & chancelier sans sceaux, mais d’autres ajoûtoient, juge sans juridiction & magistrat sans autorité. Il mourut âgé de soixante & quatorze ans en 1583. Son tombeau est dans une chapelle. Il est tout de marbre très bien travaillé, orné de colonnes corinthiennes & de feuillages de bronze doré. Les chanoines réguliers de l’ordre de saint Augustin de la congrégation de Sainte-Geneviève-du-Mont occupent cette maison. La porte de l’église est fort jolie, ornée d’architecture en pilastres, entre lesquels il y a des statues & des bas-relief au-dessus qui font un assez bel effet en entrant, quoique les règles de l’art n’y soient pas observées, ny selon l’usage ordinaire qui défend de mettre des - 193triglifes sur une frize soutenue par des colonnes corinthiennes. Plus avant on verra :

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, qui lui donne son nom. Elle a esté bâtie sous le règne de saint Louis. Il y a quelques tombeaux assez considérables : celui du chancelier d’Orgemont, qui vivoit sous Charles V & dont il est beaucoup parlé durant l’histoire de ce règne ; celui du cardinal de Biragues, milanois, qui 192est enterré proche de sa femme. Il estoit chancelier sous Charles IX & Henry III, & fort renommé à cause de sa grande équité & de sa modération, qui disoit de lui-mesme qu’il estoit cardinal sous titre, prestre sans bénéfice & chancelier sans sceaux, mais d’autres ajoûtoient, juge sans juridiction & magistrat sans autorité. Il mourut âgé de soixante & quatorze ans en 1583. Son tombeau est dans une chapelle. Il est tout de marbre très bien travaillé, orné de colonnes corinthiennes & de feuillages de bronze doré. Les chanoines réguliers de l’ordre de saint Augustin de la congrégation de Sainte-Geneviève-du-Mont occupent cette maison. La porte de l’église est fort jolie, ornée d’architecture en pilastres, entre lesquels il y a des statues & des bas-relief au-dessus qui font un assez bel effet en entrant, quoique les règles de l’art n’y soient pas observées, ny selon l’usage ordinaire qui défend de mettre des 193triglifes sur une frize soutenue par des colonnes corinthiennes. Plus avant on verra :

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- , dont la porte est du fameux Gougeon. Elle est en bossage avec deux bas-reliefs au-dessus. Cet ouvrage a esté si fort admiré des sçavants, que le grand Mansard, ayant esté emploïé pour achever cette porte, ne voulut point toucher à ce qui avoit esté commencé par cet habile maître. Il se contenta d’accommoder le second étage tel qu’on le voit, & qui n’est pas mesme achevé. Le bâtiment du côté de la cour est embelli de grandes figures à demi-reliefs qui sont parfaitement bien dessinées. Tout proche est :

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, dont la porte est du fameux Gougeon. Elle est en bossage avec deux bas-reliefs au-dessus. Cet ouvrage a esté si fort admiré des sçavants, que le grand Mansard, ayant esté emploïé pour achever cette porte, ne voulut point toucher à ce qui avoit esté commencé par cet habile maître. Il se contenta d’accommoder le second étage tel qu’on le voit, & qui n’est pas mesme achevé. Le bâtiment du côté de la cour est embelli de grandes figures à demi-reliefs qui sont parfaitement bien dessinées. Tout proche est :

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- , dont l’architecture est composée de grands pillastres corinthiens qui occupent toute la hauteur du bâtiment & qui sont les premiers que l’on ait élevé à Paris de cette manière. Aussi ont-ils servi de modèle aux - 194architectes qui les ont copiées dans les ouvrages qu’ils ont faits depuis.

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, dont l’architecture est composée de grands pillastres corinthiens qui occupent toute la hauteur du bâtiment & qui sont les premiers que l’on ait élevé à Paris de cette manière. Aussi ont-ils servi de modèle aux 194architectes qui les ont copiées dans les ouvrages qu’ils ont faits depuis.

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- - Au bout de la rue Sainte-Catherine, dont on vient de parler, on ne doit pas manquer d’aller voir la maison de monsieur de Ville, architecte, qui n’a rien oublié pour lui donner de l’agrément & de la propreté. L’escalier est dans les côtés de la cour. Au fond du jardin, il y a cinq statues : le Laocoon, un Hercule, une Flore, Junon & Jupiter, qui sont de très bonnes copies des statues de Rome & qui viennent de Saint-Mandé proche Vincennes, où monsieur Fouquet les avoit fait mettre, qui estoit, comme l’on sçait, très délicat pour les bonnes choses. Il y en a encore huit autres pareilles à celles-ci qui sont dans une salle basse de cette maison & qui ne sont pas encore placées.

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Après ce détour, on doit revenir dans la rue Saint-Antoine pour voir :

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+ Au bout de la rue Sainte-Catherine, dont on vient de parler, on ne doit pas manquer d’aller voir la maison de monsieur de Ville, architecte, qui n’a rien oublié pour lui donner de l’agrément & de la propreté. L’escalier est dans les côtés de la cour. Au fond du jardin, il y a cinq statues : le Laocoon, un Hercule, une Flore, Junon & Jupiter, qui sont de très bonnes copies des statues de Rome & qui viennent de Saint-Mandé proche Vincennes, où monsieur Fouquet les avoit fait mettre, qui estoit, comme l’on sçait, très délicat pour les bonnes choses. Il y en a encore huit autres pareilles à celles-ci qui sont dans une salle basse de cette maison & qui ne sont pas encore placées.

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Après ce détour, on doit revenir dans la rue Saint-Antoine pour voir :

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- , dont le bâtiment est très régulier. La porte - 195est accompagnée de colonnes doriques sur lesquelles on a laissé une plate-forme afin de donner plus d’air à la cour & de ne point ôter les veues aux appartemens du fonds, qui sont très bien meublez & disposez fort régulièrement.

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, dont le bâtiment est très régulier. La porte 195est accompagnée de colonnes doriques sur lesquelles on a laissé une plate-forme afin de donner plus d’air à la cour & de ne point ôter les veues aux appartemens du fonds, qui sont très bien meublez & disposez fort régulièrement.

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- sont plus avant, & proche l’hôtel de Maïenne, qui fait le coin de la rue du Petit-Musc. Leur église est petite, mais des plus jolie de Paris. C’est un dôme raisonnablement élevé, soutenu en dedans de pilastres corinthiens & de quatre arcades. Le grand autel est sous celle du fond, qui répond à la porte. Le tabernacle est d’un très bel ouvrage & le tableau qui représente la Visitation est d’un excellent maître. Sur cet autel, les jours de feste on expose une grande quantité de riches pièces d’orpheverie & un ornemens, au milieu duquel est le portrait de saint François de Salles, leur instituteur, tout garni de grosses per - 196les. Le chœur où elles chantent occupe un des côtez, & la chapelle de ce saint un autre. Cette église est de l’invention du fameux Mansard, ainsi elle ne sçauroit donner qu’une grande satisfaction aux curieux.

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En sortant de cette église on découvre :

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sont plus avant, & proche l’hôtel de Maïenne, qui fait le coin de la rue du Petit-Musc. Leur église est petite, mais des plus jolie de Paris. C’est un dôme raisonnablement élevé, soutenu en dedans de pilastres corinthiens & de quatre arcades. Le grand autel est sous celle du fond, qui répond à la porte. Le tabernacle est d’un très bel ouvrage & le tableau qui représente la Visitation est d’un excellent maître. Sur cet autel, les jours de feste on expose une grande quantité de riches pièces d’orpheverie & un ornemens, au milieu duquel est le portrait de saint François de Salles, leur instituteur, tout garni de grosses per 196les. Le chœur où elles chantent occupe un des côtez, & la chapelle de ce saint un autre. Cette église est de l’invention du fameux Mansard, ainsi elle ne sçauroit donner qu’une grande satisfaction aux curieux.

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En sortant de cette église on découvre :

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- , qui fait face à toute la rue Sainte-Antoine. C’est une citadelle antique composée de huit tours rondes & fort élevée, dont le dessus est en terrasse, entre lesquelles il y a une cour qui sert de promenade aux prisonniers les moins maltraitez. Elle fut bâtie sous le règne de Charles VI en 1360, par un nommé Jacques Aubriot, prévost de Paris. À présent, elle sert de prison à ceux qui sont criminels d’État, & monsieur de Bezemeaux, qui en est le gouverneur, est obligé d’entretenir une compagnie de soldats pour garder la place.

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, qui fait face à toute la rue Sainte-Antoine. C’est une citadelle antique composée de huit tours rondes & fort élevée, dont le dessus est en terrasse, entre lesquelles il y a une cour qui sert de promenade aux prisonniers les moins maltraitez. Elle fut bâtie sous le règne de Charles VI en 1360, par un nommé Jacques Aubriot, prévost de Paris. À présent, elle sert de prison à ceux qui sont criminels d’État, & monsieur de Bezemeaux, qui en est le gouverneur, est obligé d’entretenir une compagnie de soldats pour garder la place.

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+ 197
- - La porte Saint-Antoine - + La porte Saint-Antoine

- Cette porte est à côté de la Bastille & conduit au faux-bourg du mesme nom. Elle fût bâtie pour Henri II & lui fut dédiée comme un arc de triomphe. Depuis quelques années on l’a embellie considérablement, en abbatant une autre vieille porte qui estoit proche, qui causoit des embarras continuels, & en accompagnant celle-ci de deux autres nouvelles, qui rendent le chemin plus facile & qui donnent une plus libre entrée aux carosses & charois. On voit par une petite inscription que l’on a conservée que c’est un ouvrage de Métezeau, digne père de celui dont on a parlé, & qui estoit un homme d’un extraordinaire habileté, comme on le peut aisément juger par l’ouvrage de cette porte, qui est dans son genre une des plus belles choses que l’on puisse voir. Le fameux monsieur Blondel, qui a eu - 198le soin d’ordonner les nouveaux ouvrages que l’on a fait à Paris, n’a pas jugé que l’on pût rien faire de plus beau, & s’est contenté de faire une ouverture de chaque côté, afin de donner plus de dégagement à celle du milieu. La plus belle face regarde le faux-bourg. Elle est en bossage rustique, avec un grand entablement dorique qui règne sur tout l’ouvrage, sur lequel est un attique. La statue du roi est dessus, & deux petites pyramides aux extremitez. Ces inscriptions sont gravées sur l’attique.

- -

- Ludovico Magno - præfectus et ædiles, Ann. R. S. H. M DC LXXII.

-

Quod urbem auxit, ornavit, locupletavit. P. C.

-
-

Mais ce que les curieux estiment davantage sont deux morceaux de - 199sculptures qui sont autour du ceintre du premier ouvrage & quelques figures de la manière de Jean Goujon qui représente des fleuves & des déietez antiques. Du côté de la ville, on a fait la mesme chose en imitant la voussure de la porte du milieu, que les architectes ont trouvée si singulière & si belle que celle-ci a donné son nom à toutes les autres portes que l’on a faite depuis.

-

Entre les trois arcades qui sont les portes, on a mis en bas-relief une copie de la médaille que la ville a fait fraper pour le roi, qui représente sa majesté avec cette inscription :

- -

- Ludovicus Magnus - Francorum et Navarræ rex. PP. 1671.

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Le revers de la mesme médaille est de l’autre côté, où une vertu assise est représentée, qui s’appuie sur un bouclier où sont les armes de la ville, avec cette légende :

- + Cette porte est à côté de la Bastille & conduit au faux-bourg du mesme nom. Elle fût bâtie pour Henri II & lui fut dédiée comme un arc de triomphe. Depuis quelques années on l’a embellie considérablement, en abbatant une autre vieille porte qui estoit proche, qui causoit des embarras continuels, & en accompagnant celle-ci de deux autres nouvelles, qui rendent le chemin plus facile & qui donnent une plus libre entrée aux carosses & charois. On voit par une petite inscription que l’on a conservée que c’est un ouvrage de Métezeau, digne père de celui dont on a parlé, & qui estoit un homme d’un extraordinaire habileté, comme on le peut aisément juger par l’ouvrage de cette porte, qui est dans son genre une des plus belles choses que l’on puisse voir. Le fameux monsieur Blondel, qui a eu 198le soin d’ordonner les nouveaux ouvrages que l’on a fait à Paris, n’a pas jugé que l’on pût rien faire de plus beau, & s’est contenté de faire une ouverture de chaque côté, afin de donner plus de dégagement à celle du milieu. La plus belle face regarde le faux-bourg. Elle est en bossage rustique, avec un grand entablement dorique qui règne sur tout l’ouvrage, sur lequel est un attique. La statue du roi est dessus, & deux petites pyramides aux extremitez. Ces inscriptions sont gravées sur l’attique.

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Ludovico Magno + præfectus et ædiles, Ann. R. S. H. M DC LXXII.

Quod urbem auxit, ornavit, locupletavit. P. C.

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Mais ce que les curieux estiment davantage sont deux morceaux de 199sculptures qui sont autour du ceintre du premier ouvrage & quelques figures de la manière de Jean Goujon qui représente des fleuves & des déietez antiques. Du côté de la ville, on a fait la mesme chose en imitant la voussure de la porte du milieu, que les architectes ont trouvée si singulière & si belle que celle-ci a donné son nom à toutes les autres portes que l’on a faite depuis.

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Entre les trois arcades qui sont les portes, on a mis en bas-relief une copie de la médaille que la ville a fait fraper pour le roi, qui représente sa majesté avec cette inscription :

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Ludovicus Magnus + Francorum et Navarræ rex. PP. 1671.

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Le revers de la mesme médaille est de l’autre côté, où une vertu assise est représentée, qui s’appuie sur un bouclier où sont les armes de la ville, avec cette légende :

+ 200 - -

Fælicitas publica.

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Fælicitas publica.

Et au-dessous :

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- Lutetia.

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Entre la porte & le bastion, on a esté obligé de faire une rampe de quarante-huit piez de large pour rendre l’accèz du rampart plus facile. À l’entrée proche la porte d’un petit jardin fort régulièrement dressé, on a placé cette inscription à deux faces sur le côté qui regarde le faux-bourg :

- -

- Ludovicus Magnus - promotis imperii finibus ultra rhenum, alpes et pyrenæos pomoerium hoc more prisco propagavit Ann. R. S. H. M DC LXX.

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Lutetia.

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Entre la porte & le bastion, on a esté obligé de faire une rampe de quarante-huit piez de large pour rendre l’accèz du rampart plus facile. À l’entrée proche la porte d’un petit jardin fort régulièrement dressé, on a placé cette inscription à deux faces sur le côté qui regarde le faux-bourg :

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Ludovicus Magnus + promotis imperii finibus ultra rhenum, alpes et pyrenæos pomoerium hoc more prisco propagavit Ann. R. S. H. M DC LXX.

+ 201 -

Du côté de la ville on lit la suivante :

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- Ludovicus Magnus - et vindicatas conjugis augustæ dotales urbes valida munitione cinxit et hoc vallum civium deliciis destinari jussit. Ann. R. S. H. M DC LXXI.

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-

Le rampart est planté de quatre rangée d’arbre qui forment un cours fort agréable, qui conduit jusques à la porte Saint-Martin. Il est composé d’une allée & de deux contre-allées. Celle du milieu est de soixante piez & les deux autres de dix-huit à vingt piez de large. La porte Saint-Louis bâtie de neuf se trouve presque au milieu, sur laquelle est cette inscription :

- -

- Ludovico Magno - avo divo Ludovico. Ann. R. S. H. M DC LXXIV.

-
-

Tous ces travaux sont du dessein de monsieur Blondel & ces belles inscriptions sont aussi de lui.

-

Hors la porte Saint-Antoine, à l’entrée du faux-bourg, on a fait une grande esplanade ronde, sur laquelle on a mis deux grandes statues assises sur des trophées d’armes.

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Du côté de la ville on lit la suivante :

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Ludovicus Magnus + et vindicatas conjugis augustæ dotales urbes valida munitione cinxit et hoc vallum civium deliciis destinari jussit. Ann. R. S. H. M DC LXXI.

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Le rampart est planté de quatre rangée d’arbre qui forment un cours fort agréable, qui conduit jusques à la porte Saint-Martin. Il est composé d’une allée & de deux contre-allées. Celle du milieu est de soixante piez & les deux autres de dix-huit à vingt piez de large. La porte Saint-Louis bâtie de neuf se trouve presque au milieu, sur laquelle est cette inscription :

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Ludovico Magno + avo divo Ludovico. Ann. R. S. H. M DC LXXIV.

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Tous ces travaux sont du dessein de monsieur Blondel & ces belles inscriptions sont aussi de lui.

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Hors la porte Saint-Antoine, à l’entrée du faux-bourg, on a fait une grande esplanade ronde, sur laquelle on a mis deux grandes statues assises sur des trophées d’armes.

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- Tout le faux-bourg Saint-Antoine consiste seulement en trois longues rues, à sçavoir : la grande rue de Saint-Antoine, qui est au milieu ; la rue de Charonne ; & la rue de Charenton. Dans celle du milieu, qui est la plus belle, on voit le nouvel hôpital bâti pour les enfans trouvez. Plusieurs personnes de piété ont contribué à cette belle charité, & entre autres madame la chancelière d’Aligre, qui y a mesme un appartement. L’église & les bâtiment de la maison ne sont pas encore achevez.

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Tout le faux-bourg Saint-Antoine consiste seulement en trois longues rues, à sçavoir : la grande rue de Saint-Antoine, qui est au milieu ; la rue de Charonne ; & la rue de Charenton. Dans celle du milieu, qui est la plus belle, on voit le nouvel hôpital bâti pour les enfans trouvez. Plusieurs personnes de piété ont contribué à cette belle charité, & entre autres madame la chancelière d’Aligre, qui y a mesme un appartement. L’église & les bâtiment de la maison ne sont pas encore achevez.

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- est plus avant. C’est elle qui donne son nom à tout le quartier. On raconte plu - 203sieurs histoires très singulières touchant sa fondation, mais comme elles ne sont pas du goûst de ce siècle, l’on n’a pas jugé à propos de les rapporter. La maison commença à estre bâtie en l’année 1193 & fut achevée sous le règne de saint Louis, qui assista à sa dédicace avec la reine Blanche de Castille, sa mère. L’ordre de Cîteaux y estoit déjà introduit par la solicitation de Odo de Suilly, évêque de Paris. Cette abbaye est nombreuse & fort bien réglée. L’abbesse se nomme madame Molé de Champlâtreux, d’une des plus illustres maisons de la robe, fille de feu monsieur le premier président Molé, garde des sceaux de France. L’église n’a rien de considérable que les tombeaux de deux princesses, toutes deux filles de Charles VI, qui sont de chaque côté du grand autel.

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est plus avant. C’est elle qui donne son nom à tout le quartier. On raconte plu 203sieurs histoires très singulières touchant sa fondation, mais comme elles ne sont pas du goûst de ce siècle, l’on n’a pas jugé à propos de les rapporter. La maison commença à estre bâtie en l’année 1193 & fut achevée sous le règne de saint Louis, qui assista à sa dédicace avec la reine Blanche de Castille, sa mère. L’ordre de Cîteaux y estoit déjà introduit par la solicitation de Odo de Suilly, évêque de Paris. Cette abbaye est nombreuse & fort bien réglée. L’abbesse se nomme madame Molé de Champlâtreux, d’une des plus illustres maisons de la robe, fille de feu monsieur le premier président Molé, garde des sceaux de France. L’église n’a rien de considérable que les tombeaux de deux princesses, toutes deux filles de Charles VI, qui sont de chaque côté du grand autel.

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- À l’entrée de la rue au-dessus de cette abbaye est la manufacture des glaces de miroirs, qui venoient - 204autrefois de Venise, mais monsieur Colbert, ayant observé que ce commerce faisoit sortir beaucoup d’argent hors du roïaume, a étably cette manufacture, qui a eu un très heureux succès, comme toutes les autres choses que ce ministre a entrepris. Il y a un grand nombre d’ouvriers qui travaillent incessament, les uns à polir les glaces avec du grez, les autres avec de l’émeri & d’autres à faire les bizeaux. On ne s’en sert point d’autres à présent à Paris, & ce qui sort de leurs mains est aussi beau que ce qui venoit autrefois de Venise avec des frais infiniment plus grands. Ces ouvriers sont rangez dans des galeries autour d’une grande cour quarrée & on a fait faire exprès ce bâtiment qui a toutes les commoditez qu’il doit avoir.

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À l’entrée de la rue au-dessus de cette abbaye est la manufacture des glaces de miroirs, qui venoient 204autrefois de Venise, mais monsieur Colbert, ayant observé que ce commerce faisoit sortir beaucoup d’argent hors du roïaume, a étably cette manufacture, qui a eu un très heureux succès, comme toutes les autres choses que ce ministre a entrepris. Il y a un grand nombre d’ouvriers qui travaillent incessament, les uns à polir les glaces avec du grez, les autres avec de l’émeri & d’autres à faire les bizeaux. On ne s’en sert point d’autres à présent à Paris, & ce qui sort de leurs mains est aussi beau que ce qui venoit autrefois de Venise avec des frais infiniment plus grands. Ces ouvriers sont rangez dans des galeries autour d’une grande cour quarrée & on a fait faire exprès ce bâtiment qui a toutes les commoditez qu’il doit avoir.

+ + + 205
- - L’arc de triomphe - + L’arc de triomphe

- Proche l’endroit où l’on voit l’arc de triomphe, on avoit dressé un trône magnifique à la reine lorsqu’elle fit son entrée en 1660, & comme cet endroit est le plus élevé de tout ce quartier, on y a placé ce bel édifice ; quoiqu’il ne soit élevé qu’à la hauteur des piez-d’estaux des colonnes. On peut juger par la beauté du modèle qui n’est que de plâtre que ce sera un des plus illustres monumens de toute l’Europe. C’est un grand ouvrage de deux faces, ouvert de trois portes, entre chacune desquelles il y a deux colonnes corinthiennes, qui toutes ensemble font le nombre de huit à chaque face ; & deux aux extrémitez sur l’épaisseur. On a mis sur les entablemens de grands trophées d’armes, où il y a des esclaves enchaînez. Le dessus de tout l’ouvrage est en plate-forme, au milieu de laquelle est un grand - 206pié-d’estal où la statue du roi à cheval doit estre placée. Tous les ornemens de ce bel édifice apprendront à la postérité les glorieuses actions de la vie du roi, qui seront représentées dans les médaillons que l’on placera dans les entre-colonemens. Cet arc de triomphe surpassera sans doute tous ceux que l’on voit à Rome & dans d’autres endroits d’Italie, qui sont restez de l’Antiquité, & on verra dans celui-ci plus de régularité, plus de dessein & plus de grandeur. La solidité de l’ouvrage répondra à sa beauté. On s’est servi des plus dures & des plus grandes pierres que l’on a pu trouver, qui sont rangées de telle manière qu’elles ne paroissent que par la plus petite face, & qui sont jointes sans ciment & sans aucune autre matière. Enfin on n’a rien oublié pour en faire un des plus illustres manumens de ce siècle.

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- + Proche l’endroit où l’on voit l’arc de triomphe, on avoit dressé un trône magnifique à la reine lorsqu’elle fit son entrée en 1660, & comme cet endroit est le plus élevé de tout ce quartier, on y a placé ce bel édifice ; quoiqu’il ne soit élevé qu’à la hauteur des piez-d’estaux des colonnes. On peut juger par la beauté du modèle qui n’est que de plâtre que ce sera un des plus illustres monumens de toute l’Europe. C’est un grand ouvrage de deux faces, ouvert de trois portes, entre chacune desquelles il y a deux colonnes corinthiennes, qui toutes ensemble font le nombre de huit à chaque face ; & deux aux extrémitez sur l’épaisseur. On a mis sur les entablemens de grands trophées d’armes, où il y a des esclaves enchaînez. Le dessus de tout l’ouvrage est en plate-forme, au milieu de laquelle est un grand 206pié-d’estal où la statue du roi à cheval doit estre placée. Tous les ornemens de ce bel édifice apprendront à la postérité les glorieuses actions de la vie du roi, qui seront représentées dans les médaillons que l’on placera dans les entre-colonemens. Cet arc de triomphe surpassera sans doute tous ceux que l’on voit à Rome & dans d’autres endroits d’Italie, qui sont restez de l’Antiquité, & on verra dans celui-ci plus de régularité, plus de dessein & plus de grandeur. La solidité de l’ouvrage répondra à sa beauté. On s’est servi des plus dures & des plus grandes pierres que l’on a pu trouver, qui sont rangées de telle manière qu’elles ne paroissent que par la plus petite face, & qui sont jointes sans ciment & sans aucune autre matière. Enfin on n’a rien oublié pour en faire un des plus illustres manumens de ce siècle.

+ + 207
- - Le château de Vincennes - + Le château de Vincennes

- Quoique l’on ait pas dessein dans cette description de parler des belles maisons des environs de Paris, cependant on est obligé de dire quelque chose de Vincennes à cause de la proximité. Il est au bout de la grande allée d’arbres que l’on a tirée vis-à-vis l’arc de triomphe & qui sert d’avenue à ce château, qui se trouve à l’extrémité & qui borne la veue de côté fort agréablement. Tout l’ouvrage est quarré, entouré de fossez revêtus & assez profonds. Il est composé de plusieurs tours élevées, dont une est plus haute que les autres, que l’on nomme le donjon. Philippe Auguste a esté le premier qui fit faire le parc, dans lequel il fit mettre quantité de bestes fauves que Henri roi d’Angleterre lui envoya de Normandie, dont il estoit pour lors en possession. Philippe de Valois & le roi Jean son - 208fils, firent continuer l’ouvrage, mais il ne put estre achevé que sous le règne de Charles V dit le Sage, qui le mit en état où il est. On y a fait des augmentations très considérables & la cour y a souvent logé longtemps. Les deux grandes ailes du bâtiment moderne que l’on y voit du côté du parc sont en pilastres doriques, du dessein de monsieur du Vau. Dehors & dedans elles sont magnifiques & ont quelque chose de grand, mais ce qui est de plus remarquable est la grande porte qui conduit au parc, qui est du mesme ordre, avec des statues de chaque côté qui sont très belles. La chapelle a esté fondée par Charles V & le corps de monsieur le cardinal Mazarin, mort dans ce château, y est en dépôt jusqu’à ce que celle du collège des Quatre-Nations soit achevée, dans laquelle on lui doit élever un tombeau, comme il a ordonné par son testament. Il faut remarquer les belles vitres de cette chapelle, - 209qui sont fort estimées parce qu’on n’en voit guère de pareilles en Italie ni ailleurs. Plusieurs rois ont fait aussi leur séjour dans ce lieu. Saint Louis, qui se déroboit souvent à la foule de sa cour pour vaquer plus facilement aux exercices de piété, y alloit passer des jours de retraite. On dit qu’il n’y a pas longtemps que l’on voïoit encore dans le parc un gros chesne sous lequel ce bon prince donnoit audiance à ceux qui se présentoient pour lui demander justice, & qu’il envoïoit mesme des héraults par la campagne pour avertir ceux qui avoient besoin de réclamer son autorité contre l’oppression des grands qui les maltraitoient. C’est ce qu’un sçavant prédicateur a fort bien remarqué dans un éloquent panégyrique qu’il fit le jour de la feste de ce saint, dans l’église des Grands Jésuites, qui lui est dédiées.

+ Quoique l’on ait pas dessein dans cette description de parler des belles maisons des environs de Paris, cependant on est obligé de dire quelque chose de Vincennes à cause de la proximité. Il est au bout de la grande allée d’arbres que l’on a tirée vis-à-vis l’arc de triomphe & qui sert d’avenue à ce château, qui se trouve à l’extrémité & qui borne la veue de côté fort agréablement. Tout l’ouvrage est quarré, entouré de fossez revêtus & assez profonds. Il est composé de plusieurs tours élevées, dont une est plus haute que les autres, que l’on nomme le donjon. Philippe Auguste a esté le premier qui fit faire le parc, dans lequel il fit mettre quantité de bestes fauves que Henri roi d’Angleterre lui envoya de Normandie, dont il estoit pour lors en possession. Philippe de Valois & le roi Jean son 208fils, firent continuer l’ouvrage, mais il ne put estre achevé que sous le règne de Charles V dit le Sage, qui le mit en état où il est. On y a fait des augmentations très considérables & la cour y a souvent logé longtemps. Les deux grandes ailes du bâtiment moderne que l’on y voit du côté du parc sont en pilastres doriques, du dessein de monsieur du Vau. Dehors & dedans elles sont magnifiques & ont quelque chose de grand, mais ce qui est de plus remarquable est la grande porte qui conduit au parc, qui est du mesme ordre, avec des statues de chaque côté qui sont très belles. La chapelle a esté fondée par Charles V & le corps de monsieur le cardinal Mazarin, mort dans ce château, y est en dépôt jusqu’à ce que celle du collège des Quatre-Nations soit achevée, dans laquelle on lui doit élever un tombeau, comme il a ordonné par son testament. Il faut remarquer les belles vitres de cette chapelle, 209qui sont fort estimées parce qu’on n’en voit guère de pareilles en Italie ni ailleurs. Plusieurs rois ont fait aussi leur séjour dans ce lieu. Saint Louis, qui se déroboit souvent à la foule de sa cour pour vaquer plus facilement aux exercices de piété, y alloit passer des jours de retraite. On dit qu’il n’y a pas longtemps que l’on voïoit encore dans le parc un gros chesne sous lequel ce bon prince donnoit audiance à ceux qui se présentoient pour lui demander justice, & qu’il envoïoit mesme des héraults par la campagne pour avertir ceux qui avoient besoin de réclamer son autorité contre l’oppression des grands qui les maltraitoient. C’est ce qu’un sçavant prédicateur a fort bien remarqué dans un éloquent panégyrique qu’il fit le jour de la feste de ce saint, dans l’église des Grands Jésuites, qui lui est dédiées.

-

- À l’entrée du parc est la ménagerie, où l’on nourit plusieurs bestes farouches que l’on fait battre sou - 210vent les unes contre les autres dans une cour, autour de laquelle il y a des galeries qui servent à regarder ce spectacle en sûreté.

-

Derrière la ménagerie, vis-à-vis une des portes du parc, sont les religieuse de Saint-Mandé, qui estoient autrefois à la Saussaïe au-delà de Villejuif. Cette maison appartenoit autrefois à monsieur Fouquet.

+

À l’entrée du parc est la ménagerie, où l’on nourit plusieurs bestes farouches que l’on fait battre sou 210vent les unes contre les autres dans une cour, autour de laquelle il y a des galeries qui servent à regarder ce spectacle en sûreté.

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Derrière la ménagerie, vis-à-vis une des portes du parc, sont les religieuse de Saint-Mandé, qui estoient autrefois à la Saussaïe au-delà de Villejuif. Cette maison appartenoit autrefois à monsieur Fouquet.

-

- Voilà tout ce qu’on peut voir de ce côté. En rentrant dans le faux-bourg, on peut aller se promener dans le jardin des Piquepuces, qui est dans les premières maisons. Il y a des grottes de rocailles qui ne sont pas mal travaillées. Dans leur réfectoire, ils ont des tableaux de Monsieur Le Brun & ce couvent est un des plus agréables de Paris, quoique ce ne soit qu’un ouvrage de ce siècle.

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Voilà tout ce qu’on peut voir de ce côté. En rentrant dans le faux-bourg, on peut aller se promener dans le jardin des Piquepuces, qui est dans les premières maisons. Il y a des grottes de rocailles qui ne sont pas mal travaillées. Dans leur réfectoire, ils ont des tableaux de Monsieur Le Brun & ce couvent est un des plus agréables de Paris, quoique ce ne soit qu’un ouvrage de ce siècle.

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- De ce mesme côté, en prenant le chemin de la villes, on passera devant Rambouillet, dont le jardin est fort agréable, composé de - 211plusieurs allées de charmilles & d’un grand parterre au milieu duquel il y a une fontaine.

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De ce mesme côté, en prenant le chemin de la villes, on passera devant Rambouillet, dont le jardin est fort agréable, composé de 211plusieurs allées de charmilles & d’un grand parterre au milieu duquel il y a une fontaine.

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- Tout proche de Reuilli est la maison de Monsieur de Chantelou, maistre d’hôtel du roy, qui a les plus beaux tableaux de Poussin que l’on puisse voir, entre autres les Sept Sacremens, dont on a fait tant de copies & que le sieur Pesne a gravez à l’eau-forte. Tous les sçavans conviennent que ce sont sans contredit les plus beaux tableaux & les mieux dessinez qu’il y ait au monde, si l’on en excepte les pièces de quelques maistres d’Italie.

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Tout proche de Reuilli est la maison de Monsieur de Chantelou, maistre d’hôtel du roy, qui a les plus beaux tableaux de Poussin que l’on puisse voir, entre autres les Sept Sacremens, dont on a fait tant de copies & que le sieur Pesne a gravez à l’eau-forte. Tous les sçavans conviennent que ce sont sans contredit les plus beaux tableaux & les mieux dessinez qu’il y ait au monde, si l’on en excepte les pièces de quelques maistres d’Italie.

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- De l’autre côté du faux-bourg on doit aller à la maison du sieur Titon, secrétaire du roi, dans la rue de Montreuil. Elle est une des plus jolies que l’on puisse voir, & comme le maître à qui elle appartient est un homme riche & de bon goûst, on peut s’imaginer que rien n’y manque, aussi est-elle très agréable. Du côté du jardin, aussi bien que du - 212côté de la cour, les faces en sont très belles.

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De l’autre côté du faux-bourg on doit aller à la maison du sieur Titon, secrétaire du roi, dans la rue de Montreuil. Elle est une des plus jolies que l’on puisse voir, & comme le maître à qui elle appartient est un homme riche & de bon goûst, on peut s’imaginer que rien n’y manque, aussi est-elle très agréable. Du côté du jardin, aussi bien que du 212côté de la cour, les faces en sont très belles.

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- Dans la rue de Charonne on en trouvera aussi une autre qui appartient à monsieur de Folville, qui l’a fait bâtir depuis fort peu de temps. Le dessus est en terrasse à l’italienne, avec des vases & des statues sur les entablemens. C’est une espèce de gros pavillon à quatre faces, au milieu duquel est un salon ouvert de quatre côtez, qui partage le logis en autant de parties. La beauté est pareille du côté du jardin & du côté de la cour. Le jardin est assez grand & entretenu fort soigneusement. Les étrangers ne doivent pas négliger d’aller voir ces deux maisons, car il est certain qu’on n’en peut guère voir de plus propres & où les beautez de l’architecture moderne soient appliquées avec plus de soin & plus d’agrément. Voilà tout ce qu’on peut remarquer de plus curieux dans le faux-bourg saint Antoine.

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La première chose que l’on peut - 213voir en rentrant dans la ville est :

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Dans la rue de Charonne on en trouvera aussi une autre qui appartient à monsieur de Folville, qui l’a fait bâtir depuis fort peu de temps. Le dessus est en terrasse à l’italienne, avec des vases & des statues sur les entablemens. C’est une espèce de gros pavillon à quatre faces, au milieu duquel est un salon ouvert de quatre côtez, qui partage le logis en autant de parties. La beauté est pareille du côté du jardin & du côté de la cour. Le jardin est assez grand & entretenu fort soigneusement. Les étrangers ne doivent pas négliger d’aller voir ces deux maisons, car il est certain qu’on n’en peut guère voir de plus propres & où les beautez de l’architecture moderne soient appliquées avec plus de soin & plus d’agrément. Voilà tout ce qu’on peut remarquer de plus curieux dans le faux-bourg saint Antoine.

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La première chose que l’on peut 213voir en rentrant dans la ville est :

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- , où il y a un assez beau jardin avec une longue allée d’arbres qui règne tout du long du fossé. Proche du mail, il y a quelques appartemens assez beaux qui règnent sur trois cours fort spacieuses, dont les veues sont sur la rivière. La grande salle entre autres est embellie d’un plafond de monsieur Mignard. Monsieur le duc du Lude occupe à présent ce logement, comme grand maître de l’artillerie de France. Autrefois, on faisoit la fonderie des pièces d’artillerie dans l’Arsenal, mais à présent on la fait dans les villes frontières, à cause de la proximité des lieux où l’on en a besoin. Sur la porte sont ces deux vers :

- - - Ætna hæc Henrico Vulcania tela ministrat, - Tela Giganteos debellatura furores, - - -
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, où il y a un assez beau jardin avec une longue allée d’arbres qui règne tout du long du fossé. Proche du mail, il y a quelques appartemens assez beaux qui règnent sur trois cours fort spacieuses, dont les veues sont sur la rivière. La grande salle entre autres est embellie d’un plafond de monsieur Mignard. Monsieur le duc du Lude occupe à présent ce logement, comme grand maître de l’artillerie de France. Autrefois, on faisoit la fonderie des pièces d’artillerie dans l’Arsenal, mais à présent on la fait dans les villes frontières, à cause de la proximité des lieux où l’on en a besoin. Sur la porte sont ces deux vers :

+ + Ætna hæc Henrico Vulcania tela ministrat, + Tela Giganteos debellatura furores, + +
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- est dans la rue de la Cerisaie, qui conduit à une des portes de l’Arsenal. On ne doit pas manquer d’y aller voir des meubles magnifiques qui y sont ; & il n’y a pas longtemps qu’il y avoit des plus beaux tableaux du roïaume, que feu monsieur le duc L’Ediguières avoit assemblez avec beaucoup de soin & de discernement, mais qui ont passé en d’autres mains après sa mort.

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est dans la rue de la Cerisaie, qui conduit à une des portes de l’Arsenal. On ne doit pas manquer d’y aller voir des meubles magnifiques qui y sont ; & il n’y a pas longtemps qu’il y avoit des plus beaux tableaux du roïaume, que feu monsieur le duc L’Ediguières avoit assemblez avec beaucoup de soin & de discernement, mais qui ont passé en d’autres mains après sa mort.

- - Les Célestins - + Les Célestins

- Autrefois, ce couvent appartenoit aux Carmes de la place Maubert, & les Célestins estoient où sont à présent les Carmes ; mais ces derniers, pour s’approcher de l’Université, abandonnèrent le lieu & firent un échange avec les Célestins. Le premier qui les fonda fut un bourgeois de Paris, nommé Jacques Marcel, qui acheta en l’année 1318 la somme de cinq cens livres la - 215place que les Carmes avoient abandonnée pour la donner aux Célestins. Charles V surnommé le Sage les augmenta beaucoup & fit bâtir leur église comme on la voit à présent & y mit la première pierre. Ce roi ne se contenta pas de cela, il leur donna des rentes considérables qui depuis ce temps-là ont esté faites par des grands seigneurs, & surtout par Louis duc d’Orléans,, frère de Charles V, qui fut assassiné par le duc de Bourgogne, son cousin germain, en sortant du palais d’Isabeau de Bavière, sa belle-sœur. Ce prince avoit une affection toute particulière pour ces pères & il leur fit plus de bien que personne ne leur en avoit fait depuis leur fondation. Aussi après sa mort, son corps fut porté dans la chapelle qu’il avoit fait bâtir pour lui & pour sa famille. Mais avant que d’entrer dans l’église, on doit passer par le petit - 216cloistre qui est aprfaitement quarré & bâti très proprement. Il est tout voûté & orné de sculptures. Les colonnes qui soutiennent les arcades ont des chapiteaux très bien travaillez. C’est un ouvrage du siècle passé qui auroit beaucoup plus coûté dans celui-ci, car on dit que toute la dépence ne monta qu’à vingt neuf mille francs. Dans un des coins on doit lire l’épitaphe d’Antoine Perez, secrétaire de Philippe second, roi d’Espagne, qui estant tombé dans la disgrâce de son maistre, vint chercher un azile en France, où il mena une vie privée. Il mourut à Paris en l’an 1611 & il fut enterré dans cet endroit. Voici son épitaphe :

- -

Hic jacet Illust. D. Anthonius Perez olim Philippo secundo Hispaniarum Regi à secretioribus consiliis. Cujus odium male auspicatum effugiens, ad Henricum quartum Galliarum regem invictissimum se contulit, cujusque beneficentiam expertus est, demum Parisiis diem clausit Ann. S. M DC XI.

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- + Autrefois, ce couvent appartenoit aux Carmes de la place Maubert, & les Célestins estoient où sont à présent les Carmes ; mais ces derniers, pour s’approcher de l’Université, abandonnèrent le lieu & firent un échange avec les Célestins. Le premier qui les fonda fut un bourgeois de Paris, nommé Jacques Marcel, qui acheta en l’année 1318 la somme de cinq cens livres la 215place que les Carmes avoient abandonnée pour la donner aux Célestins. Charles V surnommé le Sage les augmenta beaucoup & fit bâtir leur église comme on la voit à présent & y mit la première pierre. Ce roi ne se contenta pas de cela, il leur donna des rentes considérables qui depuis ce temps-là ont esté faites par des grands seigneurs, & surtout par Louis duc d’Orléans,, frère de Charles V, qui fut assassiné par le duc de Bourgogne, son cousin germain, en sortant du palais d’Isabeau de Bavière, sa belle-sœur. Ce prince avoit une affection toute particulière pour ces pères & il leur fit plus de bien que personne ne leur en avoit fait depuis leur fondation. Aussi après sa mort, son corps fut porté dans la chapelle qu’il avoit fait bâtir pour lui & pour sa famille. Mais avant que d’entrer dans l’église, on doit passer par le petit 216cloistre qui est aprfaitement quarré & bâti très proprement. Il est tout voûté & orné de sculptures. Les colonnes qui soutiennent les arcades ont des chapiteaux très bien travaillez. C’est un ouvrage du siècle passé qui auroit beaucoup plus coûté dans celui-ci, car on dit que toute la dépence ne monta qu’à vingt neuf mille francs. Dans un des coins on doit lire l’épitaphe d’Antoine Perez, secrétaire de Philippe second, roi d’Espagne, qui estant tombé dans la disgrâce de son maistre, vint chercher un azile en France, où il mena une vie privée. Il mourut à Paris en l’an 1611 & il fut enterré dans cet endroit. Voici son épitaphe :

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Hic jacet Illust. D. Anthonius Perez olim Philippo secundo Hispaniarum Regi à secretioribus consiliis. Cujus odium male auspicatum effugiens, ad Henricum quartum Galliarum regem invictissimum se contulit, cujusque beneficentiam expertus est, demum Parisiis diem clausit Ann. S. M DC XI.

+ 217 -

L’église de ces pères est tout à fait gotique & n’a rien de beau pour sa structure. L’autel n’est guère mieux orné, mais cependant les jours de festes on y expose des ornemens très riches, d’une étoffe antique d’or & d’argent, ou en broderie, qui sont juger par leur beauté que dans les siècles passez on avoit déjà l’industrie & le goût de ces sortes de choses. Messieurs les secrétaires du roy tiennent leur confrérie dans cette église. On sçait que cette compagnie est une des plus célèbres, par le nombre des personnes considérables qui la composent & pour les grands privilèges que leurs charges leur donnent, dont le plus beau est le titre de noblesse. Ils ont un poële noir des plus riches que l’on puisse voir, fait par un italien que le cardinal Mazarin avoit fait venir Exprès pour donner des desseins de broderie qu’il faisoit faire. Il est de velours noir avec une grande croix d’argent & des car - 218touches aux extrémitez, où il y a des devises travaillées fort délicatement.

-

Ensuite on doit aller voir les tombeaux qui sont dans la chapelle d’Orléans. À l’entrée de la porte à main gauche, on remarquera une grande colonne torse de marbre blanc, ornée de feuillages & de moulures, prises dans l’œuvre, aussi bien que le chapiteau qui est composite, sur lequel est une urne de bronze où est le cœur du connétable Anne de Montmorency, qui mourut glorieusement de blessures qu’il avoit receues à la bataille de Saint-Denis, qui se donna contre les Huguenots le 14 novembre de l’année 1567. Ce brave seigneur y fut blessé de six coups, dont le dernier seul estoit mortel. On raconte une chose de lui, qu’estant à l’agonie un cordelier l’exhortant à la mort avec trop de violence & d’importunité, il le pria de le laisser un peu en repos, en lui disant qu’il n’avoit pas vécu quatre-vingt ans sans avoir appris à mou - 219rir un quart-d’heure. Sa pompe funèbre fut magnifique & égale à celle des rois, car son effigie fut portée comme on a coutume de faire aux obsèques des rois ou de leurs enfans. Cette belle colonne est élevée sur un pié-d’estal de marbre rouge & accompagnée de trois statues de bronze, qui représentent les vertus. L’épée roïale dont le connestable est le gardien, avec les autres marques cette dignité, y sont aussi représentées sur le marbre. On y lit quelques inscriptions en vers françois, qui dans leurs temps ont esté fort estimés, mais que l’on a négligé de raporter ici parce qu’elles ne sont pas du goût d’à présent. Ce monument est un des plus beaux & des plus singuliers que l’on puisse voir : l’ouvrage de la colonnes est tout à fait particulier & on dit que le sculpteur a esté plus de quinze ans à le faire.

-

Le corps de ce grand connestable est dans l’église de ville de Montmorency, à quatre lieues de Paris, où on lui a - 220élevé un mausolée des plus beaux du roïaume & dont on poura parler quelque jour. Au milieu de cette chapelle est le tombeau du duc d’Orléans, pour lequel elle a esté particulièrement bâtie. Il n’a rien du tout de magnifique. L’on y voit seulement la représentation en marbre de quatre personnes couchées, à sçavoir de Louis duc d’Orléans, qui fut assassiné ; & de Valentine sa femme, qui mourut deux ans après son mari, de douleur & de tristesse, après avoir fait tout ce qu’elle avoit pu pour tirer vangeance de la perfidie du duc de Bourgogne & après avoir intéressé dans sa querelle le dauphin Charles contre sa propre mère & le Parlement, qui cita ce duc à comparoistre en personne. Le Clergé et l’Université, qui compatissoient à sa douleur, firent inutilement leur possible pour lui faire avoir satisfaction. La France est obligée à cette princesse du droit incontestable qu’elle a sur le duché de Milan, - 221qu’elle lui a apporté par son mariage avec le duc d’Orléans, dont Louis XII & François premier descendoient. Elle estoit fille de Jean Galeas, duc de Milan, qui laissa deux princes, lesquels moururent sans enfans mâles, ce qui rendit cette princesse héritière présomptive de ce duché. Ces vers sont gravez proche sa statue :

- - - Quæ mulier Ducis Insubrii pulcherrima proles ; - Jus Mediolæni, sceptraque dote dedit. - - -

Les deux autres figures de ce tombeau qui sont couchées de chaque côté sont celles de Charles duc d’Orléans, fils aîné de celui, dont on vient de parler, père de Louis XII, & l’autre de Philippe comte de Vertus, son frère, qui mourut sans se marier. Toutes ces figures sont de marbre & ont esté faites par les soins religieux de Louis XII qui, à cause de la douceur de son règne & - 222de la bonté qu’il avoit pour ses sujets, mérita d’estre appellé le père de son peuple, titre d’autant plus illustre & glorieux que l’empereur Auguste & les plus grands rois de la terre ont souhaité le pouvoir mériter. Au bout de ce tombeau, du côté de l’autel est le cœur de Henri second, dans une urne de bronze doré que trois vertus soutiennent sur leur teste, qui sont de marbre & de la meilleure manière de Germain Pilon. Ceux qui s’y connoissent admirent cette pièce à cause de la beauté du dessein. Et l’on dit qu’un curieux du siècle passé offrit d’en faire faire une copie le plus exactement qu’il se pouroit & de donner encore dix mille écus de retour si on vouloit lui donner. Le pié-d’estal de ces trois figures, qui proprement n’en font qu’une, est en triangle en façon de trépié. Elles sont de grandeur naturelle, d’un seul bloc de marbre & se tiennent par la main. Les draperies & l’air des testes en sont admirables. On connoît bien - 223par-là que le siècle passé égaloit celui-ci en délicatesse de travail & en beauté de dessein.

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À l’autre bout est le cœur de François second, sur une haute colonne de marbre blanc de laquelle il sort des flâmes, qui est accompagnée de trois amours qui renversent leur flambeaux. Elle est élevée sur un pié de porphire, aux faces duquel on lit des inscriptions, entre autres une qui marque que ce roi avoit épousé Marie Stuart, qui eut la teste trachée en Angleterre par la jalousie d’Elisabeth. Il mourut à Orléans âgé seulement de seize ans, le dixième décembre 1560. Le cœur de Charles IX, son frère, qui mourut à Vincennes - le jour de la Pentecoste de l’année 1572, est aussi sous ce mesme monument. Le long de la muraille à main droite, est le tombeau d’une princesse qui estoit sœur de Valentine de Milan. Celui de l’admiral Chabot, de la façon de Paul Ponce, y est aussi, dont les ouvrages - 224sont fort estimez ; & celui d’un prince de la maison de Rohan. Ces deux derniers, quoique de différente manière, sont très beau. On y voit l’effigie de ceux qui y sont enterrez, d’une façon très bien imaginée. Proche la porte qui conduit de cette chapelle à la nef est une grande colonne de marbre blanc chargée de chiffres & de sculptures qui appartient à l’illustre maison de Cossé-Brissac, comme il paroît par l’épitaphe. Elle a esté élevée pour Timoléon de Cossé-Brissac. Mais ce qui se distingue le plus dans cette chapelle, & ce qui frape plus agréablement la veue, est la belle pyramide de la maison de Longueville, de la manière de monsieur d’Anguierre, où sont les cœurs de plusieurs personnes de cette illustre maison. Elle est chargée de trophées & accompagnée de quatre vertus de marbre blanc. Sur le pié-d’estal sont deux bas-reliefs dorez à feu, qui représentent deux actions les plus remar - 225quables du duc de Longueville, pour qui ce monument a esté élevé avec une dépence très considérable. Il faut pas négliger de remarquer le tableau qui est sur l’autel, il est de François Salujati, boulonois, peintre fort célèbre, dont les ouvrages sont recherchez en Italie. Derrière cette chapelle, il y en a encore une autre petite que monsieur le marquis de Rostaing a fait bâtir, mais où il n’y a rien qui mérite d’attirer les curieux. Dans la nef de cette église est le tombeau des ancestres de monsieur le duc de Gesvres, où il y a des statues à genouil, de marbre, en habit du temps, fort bien travaillées & surtout celui de monsieur le duc de Trèmes, son père. Dans une des chapelles est celui de monsieur de La Trémouille ; & vis-à-vis celui de monsieur Zamet, évêque de Langres ; à côté duquel on poura voir celui de Carolus Magnus, représenté assis, la teste panchée sur son bras gauche, qui est de Paul Ponce, célèbre scul - 226pteur, comme on l’a déjà dit. Dans la chapelle où est le tombeau de monsieur le duc de La Trémouille, il y a sur l’autel une très belle Madeleine de Mignard, dont a déjà parlé. Dans l’intérieur de la maison, il n’y a rien du tout de curieux. Ces pères ont entrepris un grand bâtiment depuis peu de temps, qui est presque achevé, où ils seront fort commodément logez. Leurs jardins sont assez beaux & dans un petit proche de la vigne on verra une grotte de rocaille, qu’un jeune religieux à le soin d’entretenir. Le cabinet du père Augereau, dans le petit jardin tout proche, mérite d’estre vu. Il y a des tableaux assez bons & de belles estampes. Ce père se connoist fort bien en ces sortes de choses, mais il n’a pas la commodité d’en amasser davantage.

-

On doit sçavoir que ces religieux sont fort réguliers & qu’ils ne mangent jamais de viande, s’ils ne sont ma - 227lades ou éloignez de deux lieues de leur maison. Ils tiennent beaucoup de l’ordre de Cîteaux, dont ils sont une branche.

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Tout proche sur le bord de la rivière on verra :

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L’église de ces pères est tout à fait gotique & n’a rien de beau pour sa structure. L’autel n’est guère mieux orné, mais cependant les jours de festes on y expose des ornemens très riches, d’une étoffe antique d’or & d’argent, ou en broderie, qui sont juger par leur beauté que dans les siècles passez on avoit déjà l’industrie & le goût de ces sortes de choses. Messieurs les secrétaires du roy tiennent leur confrérie dans cette église. On sçait que cette compagnie est une des plus célèbres, par le nombre des personnes considérables qui la composent & pour les grands privilèges que leurs charges leur donnent, dont le plus beau est le titre de noblesse. Ils ont un poële noir des plus riches que l’on puisse voir, fait par un italien que le cardinal Mazarin avoit fait venir Exprès pour donner des desseins de broderie qu’il faisoit faire. Il est de velours noir avec une grande croix d’argent & des car 218touches aux extrémitez, où il y a des devises travaillées fort délicatement.

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Ensuite on doit aller voir les tombeaux qui sont dans la chapelle d’Orléans. À l’entrée de la porte à main gauche, on remarquera une grande colonne torse de marbre blanc, ornée de feuillages & de moulures, prises dans l’œuvre, aussi bien que le chapiteau qui est composite, sur lequel est une urne de bronze où est le cœur du connétable Anne de Montmorency, qui mourut glorieusement de blessures qu’il avoit receues à la bataille de Saint-Denis, qui se donna contre les Huguenots le 14 novembre de l’année 1567. Ce brave seigneur y fut blessé de six coups, dont le dernier seul estoit mortel. On raconte une chose de lui, qu’estant à l’agonie un cordelier l’exhortant à la mort avec trop de violence & d’importunité, il le pria de le laisser un peu en repos, en lui disant qu’il n’avoit pas vécu quatre-vingt ans sans avoir appris à mou 219rir un quart-d’heure. Sa pompe funèbre fut magnifique & égale à celle des rois, car son effigie fut portée comme on a coutume de faire aux obsèques des rois ou de leurs enfans. Cette belle colonne est élevée sur un pié-d’estal de marbre rouge & accompagnée de trois statues de bronze, qui représentent les vertus. L’épée roïale dont le connestable est le gardien, avec les autres marques cette dignité, y sont aussi représentées sur le marbre. On y lit quelques inscriptions en vers françois, qui dans leurs temps ont esté fort estimés, mais que l’on a négligé de raporter ici parce qu’elles ne sont pas du goût d’à présent. Ce monument est un des plus beaux & des plus singuliers que l’on puisse voir : l’ouvrage de la colonnes est tout à fait particulier & on dit que le sculpteur a esté plus de quinze ans à le faire.

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Le corps de ce grand connestable est dans l’église de ville de Montmorency, à quatre lieues de Paris, où on lui a 220élevé un mausolée des plus beaux du roïaume & dont on poura parler quelque jour. Au milieu de cette chapelle est le tombeau du duc d’Orléans, pour lequel elle a esté particulièrement bâtie. Il n’a rien du tout de magnifique. L’on y voit seulement la représentation en marbre de quatre personnes couchées, à sçavoir de Louis duc d’Orléans, qui fut assassiné ; & de Valentine sa femme, qui mourut deux ans après son mari, de douleur & de tristesse, après avoir fait tout ce qu’elle avoit pu pour tirer vangeance de la perfidie du duc de Bourgogne & après avoir intéressé dans sa querelle le dauphin Charles contre sa propre mère & le Parlement, qui cita ce duc à comparoistre en personne. Le Clergé et l’Université, qui compatissoient à sa douleur, firent inutilement leur possible pour lui faire avoir satisfaction. La France est obligée à cette princesse du droit incontestable qu’elle a sur le duché de Milan, 221qu’elle lui a apporté par son mariage avec le duc d’Orléans, dont Louis XII & François premier descendoient. Elle estoit fille de Jean Galeas, duc de Milan, qui laissa deux princes, lesquels moururent sans enfans mâles, ce qui rendit cette princesse héritière présomptive de ce duché. Ces vers sont gravez proche sa statue :

+ + Quæ mulier Ducis Insubrii pulcherrima proles ; + Jus Mediolæni, sceptraque dote dedit. + +

Les deux autres figures de ce tombeau qui sont couchées de chaque côté sont celles de Charles duc d’Orléans, fils aîné de celui, dont on vient de parler, père de Louis XII, & l’autre de Philippe comte de Vertus, son frère, qui mourut sans se marier. Toutes ces figures sont de marbre & ont esté faites par les soins religieux de Louis XII qui, à cause de la douceur de son règne & 222de la bonté qu’il avoit pour ses sujets, mérita d’estre appellé le père de son peuple, titre d’autant plus illustre & glorieux que l’empereur Auguste & les plus grands rois de la terre ont souhaité le pouvoir mériter. Au bout de ce tombeau, du côté de l’autel est le cœur de Henri second, dans une urne de bronze doré que trois vertus soutiennent sur leur teste, qui sont de marbre & de la meilleure manière de Germain Pilon. Ceux qui s’y connoissent admirent cette pièce à cause de la beauté du dessein. Et l’on dit qu’un curieux du siècle passé offrit d’en faire faire une copie le plus exactement qu’il se pouroit & de donner encore dix mille écus de retour si on vouloit lui donner. Le pié-d’estal de ces trois figures, qui proprement n’en font qu’une, est en triangle en façon de trépié. Elles sont de grandeur naturelle, d’un seul bloc de marbre & se tiennent par la main. Les draperies & l’air des testes en sont admirables. On connoît bien 223par-là que le siècle passé égaloit celui-ci en délicatesse de travail & en beauté de dessein.

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À l’autre bout est le cœur de François second, sur une haute colonne de marbre blanc de laquelle il sort des flâmes, qui est accompagnée de trois amours qui renversent leur flambeaux. Elle est élevée sur un pié de porphire, aux faces duquel on lit des inscriptions, entre autres une qui marque que ce roi avoit épousé Marie Stuart, qui eut la teste trachée en Angleterre par la jalousie d’Elisabeth. Il mourut à Orléans âgé seulement de seize ans, le dixième décembre 1560. Le cœur de Charles IX, son frère, qui mourut à Vincennes + le jour de la Pentecoste de l’année 1572, est aussi sous ce mesme monument. Le long de la muraille à main droite, est le tombeau d’une princesse qui estoit sœur de Valentine de Milan. Celui de l’admiral Chabot, de la façon de Paul Ponce, y est aussi, dont les ouvrages 224sont fort estimez ; & celui d’un prince de la maison de Rohan. Ces deux derniers, quoique de différente manière, sont très beau. On y voit l’effigie de ceux qui y sont enterrez, d’une façon très bien imaginée. Proche la porte qui conduit de cette chapelle à la nef est une grande colonne de marbre blanc chargée de chiffres & de sculptures qui appartient à l’illustre maison de Cossé-Brissac, comme il paroît par l’épitaphe. Elle a esté élevée pour Timoléon de Cossé-Brissac. Mais ce qui se distingue le plus dans cette chapelle, & ce qui frape plus agréablement la veue, est la belle pyramide de la maison de Longueville, de la manière de monsieur d’Anguierre, où sont les cœurs de plusieurs personnes de cette illustre maison. Elle est chargée de trophées & accompagnée de quatre vertus de marbre blanc. Sur le pié-d’estal sont deux bas-reliefs dorez à feu, qui représentent deux actions les plus remar 225quables du duc de Longueville, pour qui ce monument a esté élevé avec une dépence très considérable. Il faut pas négliger de remarquer le tableau qui est sur l’autel, il est de François Salujati, boulonois, peintre fort célèbre, dont les ouvrages sont recherchez en Italie. Derrière cette chapelle, il y en a encore une autre petite que monsieur le marquis de Rostaing a fait bâtir, mais où il n’y a rien qui mérite d’attirer les curieux. Dans la nef de cette église est le tombeau des ancestres de monsieur le duc de Gesvres, où il y a des statues à genouil, de marbre, en habit du temps, fort bien travaillées & surtout celui de monsieur le duc de Trèmes, son père. Dans une des chapelles est celui de monsieur de La Trémouille ; & vis-à-vis celui de monsieur Zamet, évêque de Langres ; à côté duquel on poura voir celui de Carolus Magnus, représenté assis, la teste panchée sur son bras gauche, qui est de Paul Ponce, célèbre scul 226pteur, comme on l’a déjà dit. Dans la chapelle où est le tombeau de monsieur le duc de La Trémouille, il y a sur l’autel une très belle Madeleine de Mignard, dont a déjà parlé. Dans l’intérieur de la maison, il n’y a rien du tout de curieux. Ces pères ont entrepris un grand bâtiment depuis peu de temps, qui est presque achevé, où ils seront fort commodément logez. Leurs jardins sont assez beaux & dans un petit proche de la vigne on verra une grotte de rocaille, qu’un jeune religieux à le soin d’entretenir. Le cabinet du père Augereau, dans le petit jardin tout proche, mérite d’estre vu. Il y a des tableaux assez bons & de belles estampes. Ce père se connoist fort bien en ces sortes de choses, mais il n’a pas la commodité d’en amasser davantage.

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On doit sçavoir que ces religieux sont fort réguliers & qu’ils ne mangent jamais de viande, s’ils ne sont ma 227lades ou éloignez de deux lieues de leur maison. Ils tiennent beaucoup de l’ordre de Cîteaux, dont ils sont une branche.

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Tout proche sur le bord de la rivière on verra :

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- , qui appartient à monsieur Fieubet, conseiller d’État ordinaire & chancelier de feu la reine ; qui l’a fait rebâtir depuis trois ou quatre ans. On ne peut guères désirer une maison plus propre que celle-ci pour les dedans & pour les dehors. L’escalier est fort clair & orné de busts entre les croisées. Les appartemens sont en enfilade comme on les demande à présent. D’un côté ils ont la veue sur le jardin & de l’autre sur la rivière. Les meubles sont de la mesme propreté dans les appartemens d’en haut & d’en bas. La grande perspective sur le mur voisin est très belle, elle est peinte à fresque avec beaucoup d’imagination. Elle représente une architecture composée de deux arcades, - 228entre lesquelles il y a des colonnes & une statue de héros entre deux. Sur tout l’ouvrage il y a un quadran au soleil, autour duquel sont plusieurs figures : une femme entre les autres, qui arrache les plumes à la queue d’un cocq pour marquer les heures sur une table, & le temps au-dessus qui semble approuver son action. Toutes les couleurs s’en conservent très bien contre l’ordinaire des peintures exposées aux injures de l’air, qui durent fort peu de temps ; surtout à Paris où l’air est fort humide en hyver & la sécheresse de l’esté très grande, en sorte que le plastre a de la peine à résister a ces extrémitez. Elle est de M. Rousseau, qui a fait celle de monsieur de Saint-Pouange.

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Dans la mesme suite on trouvera :

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, qui appartient à monsieur Fieubet, conseiller d’État ordinaire & chancelier de feu la reine ; qui l’a fait rebâtir depuis trois ou quatre ans. On ne peut guères désirer une maison plus propre que celle-ci pour les dedans & pour les dehors. L’escalier est fort clair & orné de busts entre les croisées. Les appartemens sont en enfilade comme on les demande à présent. D’un côté ils ont la veue sur le jardin & de l’autre sur la rivière. Les meubles sont de la mesme propreté dans les appartemens d’en haut & d’en bas. La grande perspective sur le mur voisin est très belle, elle est peinte à fresque avec beaucoup d’imagination. Elle représente une architecture composée de deux arcades, 228entre lesquelles il y a des colonnes & une statue de héros entre deux. Sur tout l’ouvrage il y a un quadran au soleil, autour duquel sont plusieurs figures : une femme entre les autres, qui arrache les plumes à la queue d’un cocq pour marquer les heures sur une table, & le temps au-dessus qui semble approuver son action. Toutes les couleurs s’en conservent très bien contre l’ordinaire des peintures exposées aux injures de l’air, qui durent fort peu de temps ; surtout à Paris où l’air est fort humide en hyver & la sécheresse de l’esté très grande, en sorte que le plastre a de la peine à résister a ces extrémitez. Elle est de M. Rousseau, qui a fait celle de monsieur de Saint-Pouange.

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Dans la mesme suite on trouvera :

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, dont l’entrée est triste, quoique le dedans soit assez logeable.

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- , qui est - 230 la paroisse du quartier, est dans la mesme rue qui vient aboutir proche cet hôtel. Autrefois, elle estoit la paroisse roïale lorsque les rois demeuroient au palais des Tournelles. Elle a esté bâtie comme on la voit sous le règne de Charles VI.

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En prenant le chemin de l’isle de Nostre-Dame, on peut encore voir :

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, qui est 230 la paroisse du quartier, est dans la mesme rue qui vient aboutir proche cet hôtel. Autrefois, elle estoit la paroisse roïale lorsque les rois demeuroient au palais des Tournelles. Elle a esté bâtie comme on la voit sous le règne de Charles VI.

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En prenant le chemin de l’isle de Nostre-Dame, on peut encore voir :

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- , qui est dans la rue des Barrières. Elles sont de l’ordre de sainte Claire. Saint Louis avoit mis autrefois des béguines dans cette maison, c’est à dire des religieuses de l’ordre de sainte Begue, flamande d’origine, qui avoient une coeffure qui leur cachoit presque tout le visage. Mais sous le règne de Louis XI, la reine Charlotte y introduisit le Tiers ordre saint François avec la réforme ; & le roi Charles VIII, son fils, fit bâtir pour les religieux la maison qui est proche & qui n’en est séparée que par - 230le passage qui mène à l’église. Il n’y a point à Paris un couvent de religieuses plus austère que celui-ci. Outre qu’elles ne mangent jamais de viande & qu’elles ne portent point de linge, elles se lèvent à minuit & vont nuds-piez, sans sandales & sans aucune chaussures, avec l’étroite observance d’un silence perpétuel. Aussi l’on ne peut voir un couvent où il y ait plus de vertu & un plus grand désintéressement pour les choses du siècle. Ces bonnes religieuses ne songent au monde que lorsqu’elles prient Dieu pour les désordres qui s’y commettent, & comme elles ne vivent que des aumônes qu’on leur fait, elles n’ont point d’autres recours qu’à la providence, qui ne leur manque jamais, parce qu’il se trouve à Paris un grand nombre de personnes de piété qui leur font des charitez dont elles subsistent. On ne parle presque jamais à elles & au milieu de Paris elles sont retirées du monde, comme si elles estoient dans la solitude la plus affreuse, ce qui fait - 231que l’on ne voit presque jamais de carosses à leur porte. Lorsqu’elles sont obligées de parler à leurs plus proche parens, cela se doit faire dans l’église parce que dans toute la maison il n’y a que ce seul parloir. Le tombeau des illustres ancêtres de monsieur l’archevêque de Paris, qui ont paru avec éclat dans les plus grands emplois, est dans une chapelle.

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, qui est dans la rue des Barrières. Elles sont de l’ordre de sainte Claire. Saint Louis avoit mis autrefois des béguines dans cette maison, c’est à dire des religieuses de l’ordre de sainte Begue, flamande d’origine, qui avoient une coeffure qui leur cachoit presque tout le visage. Mais sous le règne de Louis XI, la reine Charlotte y introduisit le Tiers ordre saint François avec la réforme ; & le roi Charles VIII, son fils, fit bâtir pour les religieux la maison qui est proche & qui n’en est séparée que par 230le passage qui mène à l’église. Il n’y a point à Paris un couvent de religieuses plus austère que celui-ci. Outre qu’elles ne mangent jamais de viande & qu’elles ne portent point de linge, elles se lèvent à minuit & vont nuds-piez, sans sandales & sans aucune chaussures, avec l’étroite observance d’un silence perpétuel. Aussi l’on ne peut voir un couvent où il y ait plus de vertu & un plus grand désintéressement pour les choses du siècle. Ces bonnes religieuses ne songent au monde que lorsqu’elles prient Dieu pour les désordres qui s’y commettent, & comme elles ne vivent que des aumônes qu’on leur fait, elles n’ont point d’autres recours qu’à la providence, qui ne leur manque jamais, parce qu’il se trouve à Paris un grand nombre de personnes de piété qui leur font des charitez dont elles subsistent. On ne parle presque jamais à elles & au milieu de Paris elles sont retirées du monde, comme si elles estoient dans la solitude la plus affreuse, ce qui fait 231que l’on ne voit presque jamais de carosses à leur porte. Lorsqu’elles sont obligées de parler à leurs plus proche parens, cela se doit faire dans l’église parce que dans toute la maison il n’y a que ce seul parloir. Le tombeau des illustres ancêtres de monsieur l’archevêque de Paris, qui ont paru avec éclat dans les plus grands emplois, est dans une chapelle.

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- Un peu plus avant est l’hôtel de sens, dont la porte est d’une assez belle gotique. Autrefois les archevêques de cette ville qui estoient métropolitain de Paris y tenoient leur siège, mais sous le pontificat du pape Urbain VIII, Paris aïant esté démembré de cet archevesché, cet hôtel a esté occupé par des particuliers qui en rendent les loïers à l’archevesque de Sens.

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Ensuite il faut passer sur le pont Marie pour aller dans l’isle Nostre-Dame. On remarquera en passant que ce pont n’est pas rempli de mai - 232sons comme il le devroit estre, parce qu’en l’année 1657, au mois de mars, la rivière estant extraordinairement débordée emporta deux arches la nuit ; ce qui causa une perte très considérable de personnes & de biens, qui périrent misérablement. On le nomme ainsi parce que l’entrepreneur qui conduisit l’ouvrage en 1614 s’appelloit Marie.

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Un peu plus avant est l’hôtel de sens, dont la porte est d’une assez belle gotique. Autrefois les archevêques de cette ville qui estoient métropolitain de Paris y tenoient leur siège, mais sous le pontificat du pape Urbain VIII, Paris aïant esté démembré de cet archevesché, cet hôtel a esté occupé par des particuliers qui en rendent les loïers à l’archevesque de Sens.

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Ensuite il faut passer sur le pont Marie pour aller dans l’isle Nostre-Dame. On remarquera en passant que ce pont n’est pas rempli de mai 232sons comme il le devroit estre, parce qu’en l’année 1657, au mois de mars, la rivière estant extraordinairement débordée emporta deux arches la nuit ; ce qui causa une perte très considérable de personnes & de biens, qui périrent misérablement. On le nomme ainsi parce que l’entrepreneur qui conduisit l’ouvrage en 1614 s’appelloit Marie.

- - - L’isle Nostre-Dame - -

- - L’isle Nostre-Dame prend son nom de l’Église de Paris, à qui elle appartient en propre. Toutes les maisons qu’on y voit sont un ouvrage de ce siècle. Ce n’estoit auparavant qu’une prairie où toutes sortes de gens s’alloient promener, au milieu de laquelle estoit une petite chapelle dédiée à saint Louis. À présent, elle est toute revêtue d’un quay de pierre de taille très solide & remplie de maisons fort bien - 233bâties, parmi lesquelles il s’en trouve de magnifique & qui pouroient estre comparées aux plus beaux palais, surtout celles qui sont à la pointe du côté de l’orient, où la Seine se sépare en deux bras pour former l’isle. Les rues en sont droites & finissent toutes sur le bord de la rivière.

+ + L’isle Nostre-Dame +

+ L’isle Nostre-Dame prend son nom de l’Église de Paris, à qui elle appartient en propre. Toutes les maisons qu’on y voit sont un ouvrage de ce siècle. Ce n’estoit auparavant qu’une prairie où toutes sortes de gens s’alloient promener, au milieu de laquelle estoit une petite chapelle dédiée à saint Louis. À présent, elle est toute revêtue d’un quay de pierre de taille très solide & remplie de maisons fort bien 233bâties, parmi lesquelles il s’en trouve de magnifique & qui pouroient estre comparées aux plus beaux palais, surtout celles qui sont à la pointe du côté de l’orient, où la Seine se sépare en deux bras pour former l’isle. Les rues en sont droites & finissent toutes sur le bord de la rivière.

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- La première maison que l’on doit voir en entrant du côté du pont Marie est celle de monsieur de Grand-Maison, qui paroist solidement bâtie & dont les dedans sont très beaux. En allant plus avant on trouve :

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La première maison que l’on doit voir en entrant du côté du pont Marie est celle de monsieur de Grand-Maison, qui paroist solidement bâtie & dont les dedans sont très beaux. En allant plus avant on trouve :

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- , président à la Chambre des comptes, dont la principale entrée est sur la rue Saint-Louis, qui traverse l’isle d’un bout à l’autre. Cette maison est magnifique dans tout ce qu’elle contient. La porte est grande & élevée, & l’ouvrage de la serrurerie est tout à fait extraordinaire, - 234mais ce n’est pas à quoi il faut le plus s’arrester. La cour, des quatre côtez, est ornée d’une face de logis admirable, revêtue de grands pilastres ioniques qui prennent depuis le bas jusqu’au comble du bâtiment, avec des vases qui sont sur l’entablement. L’escalier est dans le fond de la cour, à deux rangs de colonnes, au travers desquelles le jour se répand sur les degrez sans que rien y serve d’obstacle. Le premier appartement est composé de plusieurs chambres de suite qui ont la veue sur la rivière du côté du jardin, en sorte que dans un jour serain on peut découvrir six ou sept lieues de païs, ce qui est un agrément très considérable. On verra dans ces appartemens des plafons des mieux peints, surtout dans la dernière chambre, qui est tout entière de Le Sueur, qui dans un âge peu avancé donnoit l’espérance d’égaler un jour les plus grands peintres de l’Italie, comme on l’a reconnu dans les dernières pièces qu’il a faite. Ce que - 235l’on voit de lui dans cette maison est ce qu’il a fait de plus beau, principalement les tableaux qui sont dans l’alcoves, qui représentent des muses qui font un concert. Le plafon est presque de la mesme beauté. Les meubles de cet appartement sont très riches. De là, on doit aller dans la galerie, qui est dans le mesme plein-pié. Tout ce que l’on invente ordinairement pour l’ornement des plus belles galeries se trouve dans celle-ci : la dorure sur une sculpture délicatement travaillée, avec un plafon enrichi de tableaux des meilleurs maistres, entre lesquels il y en a quelques-uns de Le Sueur, dont on vient de parler, & que l’on distinguera très facilement, quoique ceux qui ne sont pas de lui ne soient pas à négliger, étant très bien peints. La porte par laquelle on y entre est soutenue en dedans par deux colonnes corinthiennes toutes dorées. Les côtez sont presque de la mesme façon, avec des païsages & des pillastres - 236du mesme ordre, entre lesquels il y a des busts de marbre sur des tableaux de mesme, & le bout enfin se termine à une petite terrasse en balcon qui domine sur la rivière. Les appartemens d’en bas ne sont pas si bien ornez, quoiqu’ils aïent leur agrément. Dans le jardin, on verra quelques statues assez belle, & il ne faut pas oublier d’aller voir l’orangerie, qui en hiver est dans une salle où l’on se peut promener sans peine. Tout proche, il y en a une autre qui n’en est séparée que par une grande cloison vitrée, au travers de laquelle on peut avoir le plaisir de voir la verdure au milieu de l’hiver. La face du logis du côté du jardin est de la mesme symétrie & de la mesme ordonnance que celle de la cour, ce qui donne à cette maison un air de grandeur qui paroît de fort loin & qui fait un fort bel effet lorsqu’on entre par eau à Paris du côté de Charenton. Tout proche est 

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, président à la Chambre des comptes, dont la principale entrée est sur la rue Saint-Louis, qui traverse l’isle d’un bout à l’autre. Cette maison est magnifique dans tout ce qu’elle contient. La porte est grande & élevée, & l’ouvrage de la serrurerie est tout à fait extraordinaire, 234mais ce n’est pas à quoi il faut le plus s’arrester. La cour, des quatre côtez, est ornée d’une face de logis admirable, revêtue de grands pilastres ioniques qui prennent depuis le bas jusqu’au comble du bâtiment, avec des vases qui sont sur l’entablement. L’escalier est dans le fond de la cour, à deux rangs de colonnes, au travers desquelles le jour se répand sur les degrez sans que rien y serve d’obstacle. Le premier appartement est composé de plusieurs chambres de suite qui ont la veue sur la rivière du côté du jardin, en sorte que dans un jour serain on peut découvrir six ou sept lieues de païs, ce qui est un agrément très considérable. On verra dans ces appartemens des plafons des mieux peints, surtout dans la dernière chambre, qui est tout entière de Le Sueur, qui dans un âge peu avancé donnoit l’espérance d’égaler un jour les plus grands peintres de l’Italie, comme on l’a reconnu dans les dernières pièces qu’il a faite. Ce que 235l’on voit de lui dans cette maison est ce qu’il a fait de plus beau, principalement les tableaux qui sont dans l’alcoves, qui représentent des muses qui font un concert. Le plafon est presque de la mesme beauté. Les meubles de cet appartement sont très riches. De là, on doit aller dans la galerie, qui est dans le mesme plein-pié. Tout ce que l’on invente ordinairement pour l’ornement des plus belles galeries se trouve dans celle-ci : la dorure sur une sculpture délicatement travaillée, avec un plafon enrichi de tableaux des meilleurs maistres, entre lesquels il y en a quelques-uns de Le Sueur, dont on vient de parler, & que l’on distinguera très facilement, quoique ceux qui ne sont pas de lui ne soient pas à négliger, étant très bien peints. La porte par laquelle on y entre est soutenue en dedans par deux colonnes corinthiennes toutes dorées. Les côtez sont presque de la mesme façon, avec des païsages & des pillastres 236du mesme ordre, entre lesquels il y a des busts de marbre sur des tableaux de mesme, & le bout enfin se termine à une petite terrasse en balcon qui domine sur la rivière. Les appartemens d’en bas ne sont pas si bien ornez, quoiqu’ils aïent leur agrément. Dans le jardin, on verra quelques statues assez belle, & il ne faut pas oublier d’aller voir l’orangerie, qui en hiver est dans une salle où l’on se peut promener sans peine. Tout proche, il y en a une autre qui n’en est séparée que par une grande cloison vitrée, au travers de laquelle on peut avoir le plaisir de voir la verdure au milieu de l’hiver. La face du logis du côté du jardin est de la mesme symétrie & de la mesme ordonnance que celle de la cour, ce qui donne à cette maison un air de grandeur qui paroît de fort loin & qui fait un fort bel effet lorsqu’on entre par eau à Paris du côté de Charenton. Tout proche est 

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- , aussi président de la Chambre des comptes. Cette maison est encore mieux située que celle dont on vient de parler, parce qu’elle est sur la pointe de l’isle & que la rivière est des deux côtez. Elle est aussi beaucoup plus grande & plus spatieuse. La maçonnerie, quoique sans aucun ordre d’architecture à cause des ornemens qui y sont placez, est d’une très belle apparence. L’escalier est à main gauche dans un des coins de la cour, bâti avec beaucoup de solidité comme tout le reste du logis, où l’on n’a pas épargné les voûtes dans les endroits qui pouvoient en avoir besoin. Cette maison est grande & peut fournir toutes les comoditez nécessaires au logement d’un grand seigneur. La basse-cour est séparée du reste, en sorte qu’elle ne peut causer aucune incommodité. Pour la beauté & l’agrément des dedans, elle l’emporte encore sur celle dont on - 238vient de parler, parce que les veues en sont plus étendues, & des fenestres il semble que tous les bateaux qui arrivent incessamment pour la subsistance de Paris viennent prendre terre au pié, & on les voit se diviser d’un côté & d’autre pour aller au port Saint-Paul ou au port de la Tournelle, où on les décharge ordinairement. Les meubles sont magnifiques : des lits en broderie très riches, des chenets, des tables, des lustres, des miroirs, & des garnitures de cheminée d’orfèvrerie, des tapisseries rehaussées d’or & d’argent, toutes ces choses s’y voient en abondance. Les peintures sont aussi des plus belles puisqu’elles sont de M. Le Brun, qui est à présent le premier peintre du roïaume. La galerie qui est à main gauche est toute de lui. Les côtez, au lieu de menuiserie, sont couverts de peintures à fresque qui occupent longtemps les curieux qui les regardent, qui ont un extrême plaisir de voir dans ces belles pièces - 239ce que l’on va chercher en Italie avec tant d’empressement. Les appartemens d’en bas sont fort agréables. Il y a des bains & une salle très commode en esté à cause de la fraîcheur qu’il y fait. Enfin rien ne manque à cette maison & on y trouve toutes les commoditez que l’on peut désirer, de quelque manière qu’elles puissent estre ; celui qui l’a fait bâtir n’ayant point épargné les plus grosses dépences pour la rendre telle qu’elle est à présent.

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, aussi président de la Chambre des comptes. Cette maison est encore mieux située que celle dont on vient de parler, parce qu’elle est sur la pointe de l’isle & que la rivière est des deux côtez. Elle est aussi beaucoup plus grande & plus spatieuse. La maçonnerie, quoique sans aucun ordre d’architecture à cause des ornemens qui y sont placez, est d’une très belle apparence. L’escalier est à main gauche dans un des coins de la cour, bâti avec beaucoup de solidité comme tout le reste du logis, où l’on n’a pas épargné les voûtes dans les endroits qui pouvoient en avoir besoin. Cette maison est grande & peut fournir toutes les comoditez nécessaires au logement d’un grand seigneur. La basse-cour est séparée du reste, en sorte qu’elle ne peut causer aucune incommodité. Pour la beauté & l’agrément des dedans, elle l’emporte encore sur celle dont on 238vient de parler, parce que les veues en sont plus étendues, & des fenestres il semble que tous les bateaux qui arrivent incessamment pour la subsistance de Paris viennent prendre terre au pié, & on les voit se diviser d’un côté & d’autre pour aller au port Saint-Paul ou au port de la Tournelle, où on les décharge ordinairement. Les meubles sont magnifiques : des lits en broderie très riches, des chenets, des tables, des lustres, des miroirs, & des garnitures de cheminée d’orfèvrerie, des tapisseries rehaussées d’or & d’argent, toutes ces choses s’y voient en abondance. Les peintures sont aussi des plus belles puisqu’elles sont de M. Le Brun, qui est à présent le premier peintre du roïaume. La galerie qui est à main gauche est toute de lui. Les côtez, au lieu de menuiserie, sont couverts de peintures à fresque qui occupent longtemps les curieux qui les regardent, qui ont un extrême plaisir de voir dans ces belles pièces 239ce que l’on va chercher en Italie avec tant d’empressement. Les appartemens d’en bas sont fort agréables. Il y a des bains & une salle très commode en esté à cause de la fraîcheur qu’il y fait. Enfin rien ne manque à cette maison & on y trouve toutes les commoditez que l’on peut désirer, de quelque manière qu’elles puissent estre ; celui qui l’a fait bâtir n’ayant point épargné les plus grosses dépences pour la rendre telle qu’elle est à présent.

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- En sortant, on doit prendre son chemin le long du quai Dauphin, autrement le quay des Balcons, dont les maisons ont presque toutes des balcons qui sortent des fenestres ; mais une entre les autres mérite d’estre considérée, qui est celle où demeure monsieur l’abbé de Sainte-Croix, maistre des requestes, que feu M. Hesselin, qui de son temps passoit pour un homme des plus curieux, a fait bâtir avec beaucoup de soin sur les desseins du - 240 - sieur Le Vau. La face en est d’une très belle disposition, sans estre embarrassée d’ornemens inutile ; & dans le dedans il y a des très beaux plafons, avec des cheminées des mieux travaillées. La cour est, à la vérité, un peu triste, mais ce défaut est avantageusement réparé par la symétrie du bâtiment de ce côté-là & par la belle veue du devant.

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En sortant, on doit prendre son chemin le long du quai Dauphin, autrement le quay des Balcons, dont les maisons ont presque toutes des balcons qui sortent des fenestres ; mais une entre les autres mérite d’estre considérée, qui est celle où demeure monsieur l’abbé de Sainte-Croix, maistre des requestes, que feu M. Hesselin, qui de son temps passoit pour un homme des plus curieux, a fait bâtir avec beaucoup de soin sur les desseins du 240 sieur Le Vau. La face en est d’une très belle disposition, sans estre embarrassée d’ornemens inutile ; & dans le dedans il y a des très beaux plafons, avec des cheminées des mieux travaillées. La cour est, à la vérité, un peu triste, mais ce défaut est avantageusement réparé par la symétrie du bâtiment de ce côté-là & par la belle veue du devant.

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- est assez proche, dont l’escalier est très beau, soutenu de colonnes ioniques & orné de bas-reliefs. La face du côté de la cour est embellie d’une architecture parfaitement belle. Elle a esté bâties par monsieur d’Alisi.

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Après avoir vu cette maison, on doit aller à

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est assez proche, dont l’escalier est très beau, soutenu de colonnes ioniques & orné de bas-reliefs. La face du côté de la cour est embellie d’une architecture parfaitement belle. Elle a esté bâties par monsieur d’Alisi.

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Après avoir vu cette maison, on doit aller à

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- , quoiqu’elle ne soit pas encore achevée. Ce qui est commencé est d’une très belle architecture. La porte est soutenue par des colonnes doriques & lorsque cette église sera dans son - 241 entier, elle méritera d’estre comparée aux plus belles, à cause du dessein & de la régularité dont on l’a conduite. Le sieur du Vau - en a donné les premiers desseins. M. Champagne, habile peintre, estant marguillier, eut le soin des ornemens d’architecture qui y sont & M. Le Duc a conduit l’ouvrage en l’état où il est.

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, quoiqu’elle ne soit pas encore achevée. Ce qui est commencé est d’une très belle architecture. La porte est soutenue par des colonnes doriques & lorsque cette église sera dans son 241 entier, elle méritera d’estre comparée aux plus belles, à cause du dessein & de la régularité dont on l’a conduite. Le sieur du Vau + en a donné les premiers desseins. M. Champagne, habile peintre, estant marguillier, eut le soin des ornemens d’architecture qui y sont & M. Le Duc a conduit l’ouvrage en l’état où il est.

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- On doit sortir de l’isle Nostre-Dame par le pont de la Tournelle, bâti de pierre de taille sur le modèle du pont Neuf, avec deux levées de chaque côté pour la commodité des gens de pié. Ensuite à main gauche on verra :

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On doit sortir de l’isle Nostre-Dame par le pont de la Tournelle, bâti de pierre de taille sur le modèle du pont Neuf, avec deux levées de chaque côté pour la commodité des gens de pié. Ensuite à main gauche on verra :

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- , embellie depuis quelques années, aussi sur les desseins de monsieur Blondel. De chaque côté, on y a mis de grands bas-reliefs qui occupent toutes les deux faces. Du côté de la ville, le roi est représenté qui répand l’abondance sur ses sujets, & sur l’attique au-dessus, on lit cette inscription :

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, embellie depuis quelques années, aussi sur les desseins de monsieur Blondel. De chaque côté, on y a mis de grands bas-reliefs qui occupent toutes les deux faces. Du côté de la ville, le roi est représenté qui répand l’abondance sur ses sujets, & sur l’attique au-dessus, on lit cette inscription :

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- Ludovico Magno - abundantia parta. Præf. & Ædil. poni CC. Ann. R. S. H. M DC. LXX.

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Sur la face du côté du faux-bourg, le roi est représenté habillé en divinité antique, qui tient le gouvernail d’un grand navire qui va à pleine voiles, avec cette autre inscription :

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- Ludovico Magno - providentiæ. Præf. & Ædil. poni CC. Ann. R. S. H. M DC. LXX.

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Le long de la rivière, entre les chantiers qui y sont, il y a une maison d’un particulier qui est très bien bâtie, composée de deux pavillons avec un corps de logis dans le milieu, où est l’escalier qui communique à l’un & à l’autre, & qui a une - 243jolie face du côté de la cour. Cette maison est tournée du côté de la campagne, ce qui en rend les veues fort agréables. Les appartemens en sont commodes & ornez de menuiseries dorées & peintes en marbre de diverses couleurs. Elle est la plus belle de tout ce quartier.

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Par la rue de Seine qui passe proche les murailles de cette maison, on peut aller à :

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Ludovico Magno + abundantia parta. Præf. & Ædil. poni CC. Ann. R. S. H. M DC. LXX.

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Sur la face du côté du faux-bourg, le roi est représenté habillé en divinité antique, qui tient le gouvernail d’un grand navire qui va à pleine voiles, avec cette autre inscription :

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Ludovico Magno + providentiæ. Præf. & Ædil. poni CC. Ann. R. S. H. M DC. LXX.

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Le long de la rivière, entre les chantiers qui y sont, il y a une maison d’un particulier qui est très bien bâtie, composée de deux pavillons avec un corps de logis dans le milieu, où est l’escalier qui communique à l’un & à l’autre, & qui a une 243jolie face du côté de la cour. Cette maison est tournée du côté de la campagne, ce qui en rend les veues fort agréables. Les appartemens en sont commodes & ornez de menuiseries dorées & peintes en marbre de diverses couleurs. Elle est la plus belle de tout ce quartier.

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Par la rue de Seine qui passe proche les murailles de cette maison, on peut aller à :

- - Saint-Victor - + Saint-Victor

- C’est une célèbre abbaye de chanoines réguliers de l’ordre de saint Augustin, dont monsieur de Coislin, évesque d’Orléans, premier aumônier du roi & frère de monsieur le duc de Coislin, est abbé. Elle est très ancienne & mesme on n’est pas bien certain de sa première fondation. On sçait seulement que le roi Louis le Gros fit élever une grand église en l’année 1113 dans ce lieu, où il n’y avoit auparavant - 244qu’une fort petite chapelle ; & on lit dans l’Histoire de l’Église de Paris que Thomas de Champeaux, chanoisne de Nostre-Dame, & célèbre professeur en théologie, estant entré en querelle avec un de ses disciples nommé Abaillard, se retira avec quelques-uns de des écoliers proche la petite chapelle de Saint-Victor, & qu’il y prit l’habit de chanoine régulier ; ce qui pourroit avoir commencé avec cette abbaïe, qui depuis ce temps-là s’est toujours augmentée. Cela arriva environ en l’année 1105. Il est fort parlé de la querelle de ce Thomas de Champeaux avec Abaillard dans l’histoire de ce temps-là, & l’on en raconte des particularitez fort singulières, qu’il seroit hors d’œuvre de raporter ici.

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Ce qu’il y a de plus curieux à voir est la bibliothèque, qui est nombreuse & remplie des meilleurs livres que l’on puisse trouver. Il y a aussi des manuscrits qui sont dans le grand cabinet du bout. Elle a esté - 245considérablement augmentée par monsieur Bouchet, conseiller au Parlement, à condition qu’elle seroit publique pour toutes sortes de personnes plus souvent qu’elle ne l’estoit auparavant ; ce qui la rend d’une très grande utilité & d’un merveilleux secours pour les studieux, qui y peuvent venir trois fois la semaine : le lundi, le mercredi & le vendredi, & y demeurer toute la journée si bon leur semble. Elle est la seule de tout Paris qui soit ouverte de cette manière, mais on espère que dans quelques temps il y en aura d’autres qui fourniront le mesme secours. Dans le reste de la maison on ne trouvera rien de fort curieux. Il y a dans l’église une grande dévotion à Nostre-Dame de Bon Secours & à saint Clair, évesque d’Autun, que l’on invoque pour le mal des yeux. Il se rencontre des personnes sçavantes parmi messieurs de Saint-Victor, entre autres monsieur de Santeuil, presque le seul de la France qui en - 246tende à faire des inscriptions en vers pour les monumens publics. Il est d’une extraordinaire habileté dans cette science, & toutes celles que l’on voit de lui sont tout à fait belles. Hugues de saint Victor, célèbre théologien, estoit aussi de cette maison.

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Après avoir vu l’abbaïe de Saint-Victor on ira au Jardin du roi ; on passera avant que d’y arriver devant :

+ C’est une célèbre abbaye de chanoines réguliers de l’ordre de saint Augustin, dont monsieur de Coislin, évesque d’Orléans, premier aumônier du roi & frère de monsieur le duc de Coislin, est abbé. Elle est très ancienne & mesme on n’est pas bien certain de sa première fondation. On sçait seulement que le roi Louis le Gros fit élever une grand église en l’année 1113 dans ce lieu, où il n’y avoit auparavant 244qu’une fort petite chapelle ; & on lit dans l’Histoire de l’Église de Paris que Thomas de Champeaux, chanoisne de Nostre-Dame, & célèbre professeur en théologie, estant entré en querelle avec un de ses disciples nommé Abaillard, se retira avec quelques-uns de des écoliers proche la petite chapelle de Saint-Victor, & qu’il y prit l’habit de chanoine régulier ; ce qui pourroit avoir commencé avec cette abbaïe, qui depuis ce temps-là s’est toujours augmentée. Cela arriva environ en l’année 1105. Il est fort parlé de la querelle de ce Thomas de Champeaux avec Abaillard dans l’histoire de ce temps-là, & l’on en raconte des particularitez fort singulières, qu’il seroit hors d’œuvre de raporter ici.

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Ce qu’il y a de plus curieux à voir est la bibliothèque, qui est nombreuse & remplie des meilleurs livres que l’on puisse trouver. Il y a aussi des manuscrits qui sont dans le grand cabinet du bout. Elle a esté 245considérablement augmentée par monsieur Bouchet, conseiller au Parlement, à condition qu’elle seroit publique pour toutes sortes de personnes plus souvent qu’elle ne l’estoit auparavant ; ce qui la rend d’une très grande utilité & d’un merveilleux secours pour les studieux, qui y peuvent venir trois fois la semaine : le lundi, le mercredi & le vendredi, & y demeurer toute la journée si bon leur semble. Elle est la seule de tout Paris qui soit ouverte de cette manière, mais on espère que dans quelques temps il y en aura d’autres qui fourniront le mesme secours. Dans le reste de la maison on ne trouvera rien de fort curieux. Il y a dans l’église une grande dévotion à Nostre-Dame de Bon Secours & à saint Clair, évesque d’Autun, que l’on invoque pour le mal des yeux. Il se rencontre des personnes sçavantes parmi messieurs de Saint-Victor, entre autres monsieur de Santeuil, presque le seul de la France qui en 246tende à faire des inscriptions en vers pour les monumens publics. Il est d’une extraordinaire habileté dans cette science, & toutes celles que l’on voit de lui sont tout à fait belles. Hugues de saint Victor, célèbre théologien, estoit aussi de cette maison.

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Après avoir vu l’abbaïe de Saint-Victor on ira au Jardin du roi ; on passera avant que d’y arriver devant :

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, qui fait partie du grand Hôpital général, où l’on entretient un grand nombre de jeunes garçons & de jeunes filles que l’on occupe à travailler à divers ouvrages, & surtout les filles qui font du point de France, dont l’on tire aisément de quoi les entretenir.

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- - Le Jardin du roi - + Le Jardin du roi

- Ce jardin n’est rempli que de plantes médicinales très curieuses, que l’on y entretient avec un très grand soin aux dépens du roi. Dans certains mois de l’année, on y donne des leçons de botanique où tout le monde est receu gratuitement. Il y a un docteur en médecine gagé pour cela, qui pour l’ordinaire est distingué des autres par son sçavoir. Cette explication se fait à six heures du matin dans les endroits du jardin où les simples sont plantez. On doit remarquer que la moitié de ce jardin est occupé par une éminence, autour de laquelle on a pratiqué une allée qui monte tout autour en ligne spirale, qui est bordée d’une pallissade d’arbustes. Sur le plus haut de cette éminence, il y a un acacias, duquel on découvre une veue qui s’étend sur la rivière & sur le faux-bourg Saint-Antoine. En entrant à main gauche dans la - 248cour est le laboratoire, où l’on travaille aussi en chymie publiquement, dans certains mois de l’année. Les compositions qui s’y font se distribuent à tous les pauvres qui en ont besoin.

+ Ce jardin n’est rempli que de plantes médicinales très curieuses, que l’on y entretient avec un très grand soin aux dépens du roi. Dans certains mois de l’année, on y donne des leçons de botanique où tout le monde est receu gratuitement. Il y a un docteur en médecine gagé pour cela, qui pour l’ordinaire est distingué des autres par son sçavoir. Cette explication se fait à six heures du matin dans les endroits du jardin où les simples sont plantez. On doit remarquer que la moitié de ce jardin est occupé par une éminence, autour de laquelle on a pratiqué une allée qui monte tout autour en ligne spirale, qui est bordée d’une pallissade d’arbustes. Sur le plus haut de cette éminence, il y a un acacias, duquel on découvre une veue qui s’étend sur la rivière & sur le faux-bourg Saint-Antoine. En entrant à main gauche dans la 248cour est le laboratoire, où l’on travaille aussi en chymie publiquement, dans certains mois de l’année. Les compositions qui s’y font se distribuent à tous les pauvres qui en ont besoin.

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- Mais ce qui est le plus curieux est le cabinet de M. Du Vernay, de l’Académie royale des sciences, un des premiers hommes du roïaume pour les dissections & pour l’anatomie. Peu de gens ont esté plus avant que lui dans cette sorte d’opération, où il a fait un grand nombre de découvertes qui lui ont acquis une grande réputation. En hiver, il travaille publiquement dans la grande salle disposée en amphithéâtre, dans laquelle il peut tenir un grand nombre de personnes. M. Daquin, premier médecin du roi, a l’intendance & l’administration de ce jardin. C’est lui qui nomme les docteurs en médecine & en chirurgie qui doivent donner les leçons de chymie & de dissection, & il a une pension du roi pour ce sujet. Le surintendant des bâ - 249timens est le maître absolu & c’est sous son autorité que toutes ces choses s’y font. Au sortir de ce lieu on peut aller à :

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Mais ce qui est le plus curieux est le cabinet de M. Du Vernay, de l’Académie royale des sciences, un des premiers hommes du roïaume pour les dissections & pour l’anatomie. Peu de gens ont esté plus avant que lui dans cette sorte d’opération, où il a fait un grand nombre de découvertes qui lui ont acquis une grande réputation. En hiver, il travaille publiquement dans la grande salle disposée en amphithéâtre, dans laquelle il peut tenir un grand nombre de personnes. M. Daquin, premier médecin du roi, a l’intendance & l’administration de ce jardin. C’est lui qui nomme les docteurs en médecine & en chirurgie qui doivent donner les leçons de chymie & de dissection, & il a une pension du roi pour ce sujet. Le surintendant des bâ 249timens est le maître absolu & c’est sous son autorité que toutes ces choses s’y font. Au sortir de ce lieu on peut aller à :

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- , quoique pour les délicat ce ne soit pas un objet fort agréable que de voir des pauvres, cependant c’est une chose curieuses & surprenante tout ensemble d’en voir un si grand nombre de toutes façons & tous âges, dont les diverses misères sont soulagées avec tant de soin & de charité que rien ne leur manque que la seule liberté. Cette grande maison, qui contient plus de six mille personnes, paroît en entrant comme une petite ville, à cause de la quantité & de la diversité des bâtimens ; quoique ce ne soit qu’un ouvrage de ce siècle, dont la charité seule entretient tous les pauvres qui y sont. L’église n’a esté bâtie que depuis sept ou huit ans. Elle est d’un dessein tour à fait particulier. C’est un grand dôme octogone, élevé - 250sur des arcades, à chaque face duquel on a placé huit nefs ou huit espaces, pour contenir tous les pauvres. L’autel se trouve justement au milieu, sous le dôme, ce qui fait qu’on le voit de huit côtez, pour la commodité de tout le monde. Il n’y a rien de magnifique dans l’ouvrage, seulement le portique par où entrent les personnes du dehors est soutenu de quelques colonnes ioniques, avec un petit attique au-dessus ; mais qui ne sont pas d’un goûst extraordinaire. À chaque côté de ce vestibule, il y a un pavillon où logent les ecclésiastiques qui servent cette chapelle & qui administrent les sacremens aux pauvres. Il faut sçavoir qu’on occupe presque toutes les jeunes filles de cet hôpital, qui sont en très grand nombre, à faire du point de France : les unes le brodent, les autres font les brides & d’autre le fond, ce qui fait qu’il en sort beaucoup de leurs main en peu de temps, dont on fait un débit - 251considérable. Le premier président de Bellièvre a esté un de ceux qui s’est le plus emploïé pour la fondation de ce grand hôpital, que l’on croïoit impossible à cause du nombre excessif des pauvres que l’on voïoit courir les rues & les églises de Paris, ce qui incommodoit fort le public. Cependant, cet illustre magistrat, aidé du cardinal Mazarin, la duchesse d’Aiguillon & de quelques autres personnes d’autorité, en vint heureusement à bout & y fit renfermer tous ceux qui se trouvèrent demander l’aumône ou qui ne pouvoient gagner leur vie.

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Presque vis-à-vis la porte, dans une grande place qui se trouve dans cet endroit, on tient le marché aux chevaux, le mercredi & le samedi de chaque semaine.

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, quoique pour les délicat ce ne soit pas un objet fort agréable que de voir des pauvres, cependant c’est une chose curieuses & surprenante tout ensemble d’en voir un si grand nombre de toutes façons & tous âges, dont les diverses misères sont soulagées avec tant de soin & de charité que rien ne leur manque que la seule liberté. Cette grande maison, qui contient plus de six mille personnes, paroît en entrant comme une petite ville, à cause de la quantité & de la diversité des bâtimens ; quoique ce ne soit qu’un ouvrage de ce siècle, dont la charité seule entretient tous les pauvres qui y sont. L’église n’a esté bâtie que depuis sept ou huit ans. Elle est d’un dessein tour à fait particulier. C’est un grand dôme octogone, élevé 250sur des arcades, à chaque face duquel on a placé huit nefs ou huit espaces, pour contenir tous les pauvres. L’autel se trouve justement au milieu, sous le dôme, ce qui fait qu’on le voit de huit côtez, pour la commodité de tout le monde. Il n’y a rien de magnifique dans l’ouvrage, seulement le portique par où entrent les personnes du dehors est soutenu de quelques colonnes ioniques, avec un petit attique au-dessus ; mais qui ne sont pas d’un goûst extraordinaire. À chaque côté de ce vestibule, il y a un pavillon où logent les ecclésiastiques qui servent cette chapelle & qui administrent les sacremens aux pauvres. Il faut sçavoir qu’on occupe presque toutes les jeunes filles de cet hôpital, qui sont en très grand nombre, à faire du point de France : les unes le brodent, les autres font les brides & d’autre le fond, ce qui fait qu’il en sort beaucoup de leurs main en peu de temps, dont on fait un débit 251considérable. Le premier président de Bellièvre a esté un de ceux qui s’est le plus emploïé pour la fondation de ce grand hôpital, que l’on croïoit impossible à cause du nombre excessif des pauvres que l’on voïoit courir les rues & les églises de Paris, ce qui incommodoit fort le public. Cependant, cet illustre magistrat, aidé du cardinal Mazarin, la duchesse d’Aiguillon & de quelques autres personnes d’autorité, en vint heureusement à bout & y fit renfermer tous ceux qui se trouvèrent demander l’aumône ou qui ne pouvoient gagner leur vie.

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Presque vis-à-vis la porte, dans une grande place qui se trouve dans cet endroit, on tient le marché aux chevaux, le mercredi & le samedi de chaque semaine.

- - Les Gobelins - + Les Gobelins

- Cette maison est presque des dernières du faux-bourd Saint-Mar - 252cel. C’est icy où il faut que les curieux emploient tout ce qu’ils ont d’application pour observer toutes les belles choses qui y sont, puisqu’il n’est guère de lieu en Europe où il y en ait tant à voir ; mais afin d’en donner quelques idée plus juste, il faut en faire une description.

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Premièrement, il n’est pas inutile de sçavoir que cette maison a esté de tout temps remplie d’excellens ouvriers, & qu’autrefois elle estoit occupée par de célèbres teinturiers en laine, dont le premier a esté un certain Gilles Gobelin, lequel, à ce qu’on dit, trouva le secret de la belle écarlate, ou du moins qu’il l’apporta à Paris ; d’où vient qu’elle a esté nommé depuis ce temps-là l’écarlate des Gobelins. Cette maison en a retenu le nom, aussi bien que la petite rivière qui coule derrière, qui a une vertu toute particulière pour cette teinture & que l’on nommoit auparavant la rivière de Bièvre. Les Hollandois ont fait tout - 253leur possible pour en découvrir le secret, mais ils n’en ont jamais pu venir à bout, avec toute leur industrie & toute la dépence qu’ils ont faite ; cependant ils en approchent un peu, mais ils ne peuvent arriver au degré de perfection où nos teinturiers mettent cette belle couleur, qui en font un très grand débit par toute l’Europe & mesme presque par tout le monde ; car il en passe beaucoup dans les Indes & dans l’Amérique, mais sans rien dire davantage de cette maison & de la vertu de la rivière des Gobelins. Il faut parler des choses que l’on y voit à présent. Il est bon de sçavoir que tous les ouvriers qui y sont travaillent seulement pour le roi & que tous les ouvrages qui s’y font sont pour la décoration & pour l’ornement des maisons roïales. Il y a quelques années que le nombre en estoit beaucoup plus grand, mais la quantité prodigieuse d’ouvrages qu’ils font a esté la cause que l’on en a retranché beau - 254coup, parce que les garde-meuble du roi se sont trouvez suffisamment remplis, en sorte que l’on peut dire à présent qu’il n’est point de prince dans toute l’Europe qui ait plus d’orfèvrie ni de tapisseries.

-

La première chose qui est à voir, sont les tableaux, qui sont presque tous du fameux monsieur Le Brun - , le plus habile peintre de France, & dont les ouvrages sont recherchez & admirez de tous ceux qui se connoissent en la peinture. Aussi le roi, pour le récompenser de la grande application avec laquelle il travaille incessamment & pour donner de l’émulation à ceux qui pouroient avoir quelque génie pour le dessein, ne s’est pas contenté de lui donner de grosses pensions & de le déclarer intendant de tous les ouvrages de peinture & de sculpture qu’il fait faire, & de le nommer directeur de l’Académie roïale de peinture, il l’a encore annobli par des lettres patentes. Les principa - 255les pièces de cet excellent maître sont à Versailles. Le grand escalier est presque tout de lui & il travaille encore à présent à la grande galerie qui occupe la face du bâtiment du côté du jardin. Dans le Louvre, il y a aussi divers plafons de sa manières. Dans l’église de Nostre-Dame, on verra deux tableaux, dont l’un représente le martyre de saint Estienne & l’autre le crucifiment de saint Pierre, qui sont tous les deux au-dessus du chœur, au côtez du grand autel, & que l’on distingue facilement des autres. Aux Carmélites du faux-bourg Saint-Jacques, le second grand tableau, qui représente la Madelaine au piez de Nostre Seigneur chez Simon le Lépreux, & un autre de cette mesme sainte dans une chapelle de la mesme église, qui fut admiré de la reine mère, qui commença en voïant cette pièce à concevoir de l’estime pour M. Le Brun, qui peu après se fit connoistre à la cour par le moïen du - 256 - chancelier Séguier, dont il estoit fort estimé. La plupart des ouvrages qui se font dans les Gobelins sont de son dessein & c’est lui qui en a la conduite. Son cabinet est un des plus curieux que l’on puisse voir, dans lequel il conserve des tableaux des plus excellents maîtres & diverses pièces rares qui ont du raport avec la peinture. Je diray encore à la gloire de monsieur Le Brun, qu’il a sous lui plusieurs autres peintres qui ne font autre chose que copier ses cartons & travailler sur ses desseins.

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La seconde chose que l’on verra dans ce lieu sont les tapisseries. Parmi le grand nombre d’ouvriers qui travaillent à ces sortes d’ouvrages, il y a plusieurs flamands qui égalent les plus renommez du siècle passé, qui estoient à Anvers. L’on ne peut rien voir de plus beau que ce qui sort de leurs mains, soit en histoire, soit en païsage, où l’or & l’argent est emploïé avec profusion, - 257& il y a des pièces qui en sont toutes rehaussées. Quand on aura bien examiné ces choses, on conviendra qu’il n’est point de lieu au monde où l’on travaille mieux & où l’on entende la nuance des laines plus parfaitement. C’est encore monsieur Le Brun qui en donne les desseins & ce sont la plupart de ses tableaux que l’on copie. Depuis quelques temps, on a aussi copié quelques-uns des plus beaux du Poussin, le premier homme de nostre siècle, sans contredit ; entre autres, le petit Moïse, du cabinet de feu madame Lescot ; Le rocher du désert d’où sort une fontaine, qui appartenoit à défunt monsieur Dreux, conseiller au Grand Conseil ; & deux autres tableaux du cabinet de M. le chevalier de Lorraine, l’un qui représente le passage de la mer Rouge & l’autre l’Adoration du Veau d’or. On en a fait autant de quelques pièces de Raphaël & de Michel-Ange. Mais une des plus belles & des plus curieuses choses est l’histoire - 258du roi, représentée en diverses pièces dont on peut faire plusieurs tentures, où sont représentées ses principales actions, comme les batailles qu’il a gagné & les villes qu’il a prises, les cérémonies de son mariage, le renouvellement d’alliance avec les députez des treize cantons des Suisses & divers autres évènements à peu près de cette sorte. Les bordures de ces pièces sont à fond d’or avec des grotesques & des devises aux coins, & au milieu des chiffres qui sont de soie de couleur, qui font un bel effet sur l’or où elles sont appliquées. Le sieur Gens & le sieur Le Févre ont l’intendance sur ceux qui travaillent à la haute lice, & les sieurs Mozin & de La Croix conduisent les ouvriers de la basse lice.

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Après les tapisseries, on pourra aller dans un lieu où l’on travaille en cizelure sur le cuivre pour des cabinets & pour d’autres choses à peu près de cette sorte. C’est là où l’on a fait les belles serrures que l’on - 259voit à Versailles & au Louvre, qui sont travaillées avec tant de délicatesse.

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Dans la première grande cour par laquelle on passera pour aller voir les choses dont on vient de parler, on manquera pas d’entrer chez le sieur Loir & chez le sieur Villiers, tous deux fameux orfèvres, qui travaillent incessamment pour le roi. Il se trouve souvent entre leurs mains des pièces de grande conséquence & c’est-là où l’on a fait ces deux balustres d’alcôve qui sont à Versailles devant le lit du roi & devant celui de la Reine. On sçait de quel beauté de travail & de quelle richesse ils sont, puisqu’ils reviennent chacun à deux cens mille écus. Il sont d’argent solide sans aucun soutien dans les piez-d’estaux & dans les barreaux, que l’épaisseur du métail, qui a esté emploïé avec profusion.

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Proche les orfèvres, dans la mesme cour à main droite, on trouvera des ouvrages tout à fait extraordi - 260naires du sieur Branquier & du sieur Ferdinand de Meliori, qu’on a fait venir tous deux d’Italie pour travailler à une espèce de mozaïque, qui coûte beaucoup de temps & de dépence. C’est une manière de tableaux dont les couleurs différentes sont de pierres rapportées, qui représentent des figures très ressemblantes & fort bien dessignées. Le plus souvent ces pièces sont composée d’agates, de lapis, de jade & de cornaline, qui font les couleurs plus vives & plus brillantes que la peinture ordinaire & qui sont jointes avec une espèce de mastic très dur. On les place ordinairement sur des cabinets d’ébène ou sur des tables de prix. Chez un de ses ouvriers, il y a un petit jardin derrière sa maison qui est assez joli, où il y a quelques ornemens de rocailles & de coquillages.

-

Après avoir examiné toutes ces choses, on reviendra par le mesme chemin pour aller voir d’autres curiositez qui sont dans une cour séparée. Il y a deux - 261atteliers où travaillent des sculpteurs, dont l’un est conduit par le sieur Baptiste, dans lequel est la statue de monsieur de Turenne, en marbre blanc, que l’on doit mettre à Saint-Denis, sur le tombeau qui le roi lui fait élever ; & une grande muse plus haute que nature, d’une très belle attitude, destinée pour estre mise à Versailles, avec d’autres statues de la mesme grandeur. L’autre attelier est conduit par le sieur Coefvau, qui travaille ordinairement après nature & qui a fait des busts & d’autres figures imitées. C’est le mesme qui a fait le bust du roi qui est dans le grand escalier de Versailles.

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Après ces choses, on ira chez les brodeurs, qui sont dans une salle proche de laquelle on passe pour aller à la grande cour. Ils travaillent à diverses pièces, où la richesse de la matière le dispute ordinairement avec la beauté du travail.

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Tout proche, il y a encore quelques sculpteurs dans deux salles bas - 262ses, où on voit des morceaux en marbre & mesme en plomb pour les fontaines de Versailles. Outre les choses que l’on vient de dire, il se trouve beaucoup d’autres curiositez dans cette grande maison, que les curieux y pouront remarquer & qu’il seroit trop long d’expliquer en particulier. On a déjà dit qu’il y avoit de toutes sortes d’excellens ouvriers que l’on a fait venir de différens endroit. Parmi ceux-là, il ne faut pas oublier M. Audrean, un des plus habiles graveurs de son temps. Il a gravé à l’eau forte & au burin toutes les grandes pièces de M. Le Brun, comme le triomphe du grand Constantin, la bataille de Maxence, toute l’histoire d’Alexandre en cinq grande pièces, & divers autres morceaux de ce grand peintre. Tout ce qu’on a vu de lui est d’une singulière beauté & d’une exactitude de dessein la plus correcte du monde ; ce qui fait que les choses qui sortent de ses mains se vendent beaucoup - 263plus cher que ce qui paroît des autres, & souvent mesme il est difficile d’en avoir parce que l’on réserve les plus belles épreuves pour le cabinet du roi. Il a aussi gravé quelques pièces du fameux Poussin, que les curieux conservent dans leur cabinets. Le sieur Le Clerc y est aussi, qui est très habile & très estimé dans ce genre. Voilà ce qu’il y a de plus curieux dans les Gobelins.

+ Cette maison est presque des dernières du faux-bourd Saint-Mar 252cel. C’est icy où il faut que les curieux emploient tout ce qu’ils ont d’application pour observer toutes les belles choses qui y sont, puisqu’il n’est guère de lieu en Europe où il y en ait tant à voir ; mais afin d’en donner quelques idée plus juste, il faut en faire une description.

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Premièrement, il n’est pas inutile de sçavoir que cette maison a esté de tout temps remplie d’excellens ouvriers, & qu’autrefois elle estoit occupée par de célèbres teinturiers en laine, dont le premier a esté un certain Gilles Gobelin, lequel, à ce qu’on dit, trouva le secret de la belle écarlate, ou du moins qu’il l’apporta à Paris ; d’où vient qu’elle a esté nommé depuis ce temps-là l’écarlate des Gobelins. Cette maison en a retenu le nom, aussi bien que la petite rivière qui coule derrière, qui a une vertu toute particulière pour cette teinture & que l’on nommoit auparavant la rivière de Bièvre. Les Hollandois ont fait tout 253leur possible pour en découvrir le secret, mais ils n’en ont jamais pu venir à bout, avec toute leur industrie & toute la dépence qu’ils ont faite ; cependant ils en approchent un peu, mais ils ne peuvent arriver au degré de perfection où nos teinturiers mettent cette belle couleur, qui en font un très grand débit par toute l’Europe & mesme presque par tout le monde ; car il en passe beaucoup dans les Indes & dans l’Amérique, mais sans rien dire davantage de cette maison & de la vertu de la rivière des Gobelins. Il faut parler des choses que l’on y voit à présent. Il est bon de sçavoir que tous les ouvriers qui y sont travaillent seulement pour le roi & que tous les ouvrages qui s’y font sont pour la décoration & pour l’ornement des maisons roïales. Il y a quelques années que le nombre en estoit beaucoup plus grand, mais la quantité prodigieuse d’ouvrages qu’ils font a esté la cause que l’on en a retranché beau 254coup, parce que les garde-meuble du roi se sont trouvez suffisamment remplis, en sorte que l’on peut dire à présent qu’il n’est point de prince dans toute l’Europe qui ait plus d’orfèvrie ni de tapisseries.

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La première chose qui est à voir, sont les tableaux, qui sont presque tous du fameux monsieur Le Brun + , le plus habile peintre de France, & dont les ouvrages sont recherchez & admirez de tous ceux qui se connoissent en la peinture. Aussi le roi, pour le récompenser de la grande application avec laquelle il travaille incessamment & pour donner de l’émulation à ceux qui pouroient avoir quelque génie pour le dessein, ne s’est pas contenté de lui donner de grosses pensions & de le déclarer intendant de tous les ouvrages de peinture & de sculpture qu’il fait faire, & de le nommer directeur de l’Académie roïale de peinture, il l’a encore annobli par des lettres patentes. Les principa 255les pièces de cet excellent maître sont à Versailles. Le grand escalier est presque tout de lui & il travaille encore à présent à la grande galerie qui occupe la face du bâtiment du côté du jardin. Dans le Louvre, il y a aussi divers plafons de sa manières. Dans l’église de Nostre-Dame, on verra deux tableaux, dont l’un représente le martyre de saint Estienne & l’autre le crucifiment de saint Pierre, qui sont tous les deux au-dessus du chœur, au côtez du grand autel, & que l’on distingue facilement des autres. Aux Carmélites du faux-bourg Saint-Jacques, le second grand tableau, qui représente la Madelaine au piez de Nostre Seigneur chez Simon le Lépreux, & un autre de cette mesme sainte dans une chapelle de la mesme église, qui fut admiré de la reine mère, qui commença en voïant cette pièce à concevoir de l’estime pour M. Le Brun, qui peu après se fit connoistre à la cour par le moïen du 256 chancelier Séguier, dont il estoit fort estimé. La plupart des ouvrages qui se font dans les Gobelins sont de son dessein & c’est lui qui en a la conduite. Son cabinet est un des plus curieux que l’on puisse voir, dans lequel il conserve des tableaux des plus excellents maîtres & diverses pièces rares qui ont du raport avec la peinture. Je diray encore à la gloire de monsieur Le Brun, qu’il a sous lui plusieurs autres peintres qui ne font autre chose que copier ses cartons & travailler sur ses desseins.

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La seconde chose que l’on verra dans ce lieu sont les tapisseries. Parmi le grand nombre d’ouvriers qui travaillent à ces sortes d’ouvrages, il y a plusieurs flamands qui égalent les plus renommez du siècle passé, qui estoient à Anvers. L’on ne peut rien voir de plus beau que ce qui sort de leurs mains, soit en histoire, soit en païsage, où l’or & l’argent est emploïé avec profusion, 257& il y a des pièces qui en sont toutes rehaussées. Quand on aura bien examiné ces choses, on conviendra qu’il n’est point de lieu au monde où l’on travaille mieux & où l’on entende la nuance des laines plus parfaitement. C’est encore monsieur Le Brun qui en donne les desseins & ce sont la plupart de ses tableaux que l’on copie. Depuis quelques temps, on a aussi copié quelques-uns des plus beaux du Poussin, le premier homme de nostre siècle, sans contredit ; entre autres, le petit Moïse, du cabinet de feu madame Lescot ; Le rocher du désert d’où sort une fontaine, qui appartenoit à défunt monsieur Dreux, conseiller au Grand Conseil ; & deux autres tableaux du cabinet de M. le chevalier de Lorraine, l’un qui représente le passage de la mer Rouge & l’autre l’Adoration du Veau d’or. On en a fait autant de quelques pièces de Raphaël & de Michel-Ange. Mais une des plus belles & des plus curieuses choses est l’histoire + 258du roi, représentée en diverses pièces dont on peut faire plusieurs tentures, où sont représentées ses principales actions, comme les batailles qu’il a gagné & les villes qu’il a prises, les cérémonies de son mariage, le renouvellement d’alliance avec les députez des treize cantons des Suisses & divers autres évènements à peu près de cette sorte. Les bordures de ces pièces sont à fond d’or avec des grotesques & des devises aux coins, & au milieu des chiffres qui sont de soie de couleur, qui font un bel effet sur l’or où elles sont appliquées. Le sieur Gens & le sieur Le Févre ont l’intendance sur ceux qui travaillent à la haute lice, & les sieurs Mozin & de La Croix conduisent les ouvriers de la basse lice.

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Après les tapisseries, on pourra aller dans un lieu où l’on travaille en cizelure sur le cuivre pour des cabinets & pour d’autres choses à peu près de cette sorte. C’est là où l’on a fait les belles serrures que l’on 259voit à Versailles & au Louvre, qui sont travaillées avec tant de délicatesse.

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Dans la première grande cour par laquelle on passera pour aller voir les choses dont on vient de parler, on manquera pas d’entrer chez le sieur Loir & chez le sieur Villiers, tous deux fameux orfèvres, qui travaillent incessamment pour le roi. Il se trouve souvent entre leurs mains des pièces de grande conséquence & c’est-là où l’on a fait ces deux balustres d’alcôve qui sont à Versailles devant le lit du roi & devant celui de la Reine. On sçait de quel beauté de travail & de quelle richesse ils sont, puisqu’ils reviennent chacun à deux cens mille écus. Il sont d’argent solide sans aucun soutien dans les piez-d’estaux & dans les barreaux, que l’épaisseur du métail, qui a esté emploïé avec profusion.

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Proche les orfèvres, dans la mesme cour à main droite, on trouvera des ouvrages tout à fait extraordi 260naires du sieur Branquier & du sieur Ferdinand de Meliori, qu’on a fait venir tous deux d’Italie pour travailler à une espèce de mozaïque, qui coûte beaucoup de temps & de dépence. C’est une manière de tableaux dont les couleurs différentes sont de pierres rapportées, qui représentent des figures très ressemblantes & fort bien dessignées. Le plus souvent ces pièces sont composée d’agates, de lapis, de jade & de cornaline, qui font les couleurs plus vives & plus brillantes que la peinture ordinaire & qui sont jointes avec une espèce de mastic très dur. On les place ordinairement sur des cabinets d’ébène ou sur des tables de prix. Chez un de ses ouvriers, il y a un petit jardin derrière sa maison qui est assez joli, où il y a quelques ornemens de rocailles & de coquillages.

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Après avoir examiné toutes ces choses, on reviendra par le mesme chemin pour aller voir d’autres curiositez qui sont dans une cour séparée. Il y a deux 261atteliers où travaillent des sculpteurs, dont l’un est conduit par le sieur Baptiste, dans lequel est la statue de monsieur de Turenne, en marbre blanc, que l’on doit mettre à Saint-Denis, sur le tombeau qui le roi lui fait élever ; & une grande muse plus haute que nature, d’une très belle attitude, destinée pour estre mise à Versailles, avec d’autres statues de la mesme grandeur. L’autre attelier est conduit par le sieur Coefvau, qui travaille ordinairement après nature & qui a fait des busts & d’autres figures imitées. C’est le mesme qui a fait le bust du roi qui est dans le grand escalier de Versailles.

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Après ces choses, on ira chez les brodeurs, qui sont dans une salle proche de laquelle on passe pour aller à la grande cour. Ils travaillent à diverses pièces, où la richesse de la matière le dispute ordinairement avec la beauté du travail.

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Tout proche, il y a encore quelques sculpteurs dans deux salles bas 262ses, où on voit des morceaux en marbre & mesme en plomb pour les fontaines de Versailles. Outre les choses que l’on vient de dire, il se trouve beaucoup d’autres curiositez dans cette grande maison, que les curieux y pouront remarquer & qu’il seroit trop long d’expliquer en particulier. On a déjà dit qu’il y avoit de toutes sortes d’excellens ouvriers que l’on a fait venir de différens endroit. Parmi ceux-là, il ne faut pas oublier M. Audrean, un des plus habiles graveurs de son temps. Il a gravé à l’eau forte & au burin toutes les grandes pièces de M. Le Brun, comme le triomphe du grand Constantin, la bataille de Maxence, toute l’histoire d’Alexandre en cinq grande pièces, & divers autres morceaux de ce grand peintre. Tout ce qu’on a vu de lui est d’une singulière beauté & d’une exactitude de dessein la plus correcte du monde ; ce qui fait que les choses qui sortent de ses mains se vendent beaucoup 263plus cher que ce qui paroît des autres, & souvent mesme il est difficile d’en avoir parce que l’on réserve les plus belles épreuves pour le cabinet du roi. Il a aussi gravé quelques pièces du fameux Poussin, que les curieux conservent dans leur cabinets. Le sieur Le Clerc y est aussi, qui est très habile & très estimé dans ce genre. Voilà ce qu’il y a de plus curieux dans les Gobelins.

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- Delà, on rentrera dans la ville par le faux-bourg Saint-Marcel & l’on passera devant l’église du mesme nom, qui a esté fondée par Roland comte de Blaye, neveu de Charlemagne, qui y fit beaucoup de biens en donnant de grands privilèges aux chanoines qui la servoient. Autrefois cette église estoit sous le titre de Saint-Clément, mais le corps de saint Marcel évêque de Paris y aïant esté trouvé, elle en prit le nom, qu’elle a toujours conservé depuis. Le fameux Pierre Lombard, surnom - 264le maistre des sentences, y est enterré. Voici son épitaphe :

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Hic jacet Magister Petrus Lombardus, Parisiensis Episcopus, qui composit Librum Sententiarum, Glossas Psalmorum, & Epistolarum ; cujus obitus dies est 13 Cal. Augusti Anno 1164.

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Il y a encore dans ce faubourg :

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Delà, on rentrera dans la ville par le faux-bourg Saint-Marcel & l’on passera devant l’église du mesme nom, qui a esté fondée par Roland comte de Blaye, neveu de Charlemagne, qui y fit beaucoup de biens en donnant de grands privilèges aux chanoines qui la servoient. Autrefois cette église estoit sous le titre de Saint-Clément, mais le corps de saint Marcel évêque de Paris y aïant esté trouvé, elle en prit le nom, qu’elle a toujours conservé depuis. Le fameux Pierre Lombard, surnom 264le maistre des sentences, y est enterré. Voici son épitaphe :

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Hic jacet Magister Petrus Lombardus, Parisiensis Episcopus, qui composit Librum Sententiarum, Glossas Psalmorum, & Epistolarum ; cujus obitus dies est 13 Cal. Augusti Anno 1164.

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Il y a encore dans ce faubourg :

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- . Le couvent des religieuses a esté fondé premièrement à Troyes par Thibaut VII comte de Champagne & de Brie, mais il fut transporté à Paris fort peu de temps après, à cause de l’incommodité du lieu où il estoit situé. Marguerite de Provence, femme de saint Louis, fit commencer l’église comme on la voit, & Blanche, sa fille, veuve du roi de Castille, s’y fit religieuse & donna de grands biens pour l’augmentation de cette maison. Elle fit bâtir le cloistre, où sont encore ses armes en divers - 265endroits. Ces religieuses suivent l’ordre de saint François, à peu près comme les Cordeliers du grand couvent de Paris. Il n’y a rien de singulier à voir dans leur église, non plus que dans celle de :

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. Le couvent des religieuses a esté fondé premièrement à Troyes par Thibaut VII comte de Champagne & de Brie, mais il fut transporté à Paris fort peu de temps après, à cause de l’incommodité du lieu où il estoit situé. Marguerite de Provence, femme de saint Louis, fit commencer l’église comme on la voit, & Blanche, sa fille, veuve du roi de Castille, s’y fit religieuse & donna de grands biens pour l’augmentation de cette maison. Elle fit bâtir le cloistre, où sont encore ses armes en divers 265endroits. Ces religieuses suivent l’ordre de saint François, à peu près comme les Cordeliers du grand couvent de Paris. Il n’y a rien de singulier à voir dans leur église, non plus que dans celle de :

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- , la paroisse du quartier, où il arriva dans le siècle passé un tumulte furieux excité par les Calvinistes, qui vinrent les armes à la main pour massacrer les Catholiques qui estoient à vespres, à cause que le bruit des cloches de cette églises les avoit empesché d’entendre leur prêche qui se faisoit dans une maison voisine ; mais ils furent punis de leur témérité, car les bourgeois, ayant pris les armes, en tuèrent plusieurs qui se trouvèrent sous leurs mains. Cet événement commença à Paris la haine & l’aversion des Catholiques contre les prétendus reformez, & les historiens ont remarqué que les Calvinistes, depuis ce temps-là, levèrent le masque & allèrent armez dans les - 266rues de Paris. Mais les Catholiques ne le pouvant souffrir, cela donna occasion à un très grand nombre de désordres qui arrivèrent dans la suite.

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- Monsieur Patru, dont on a un volume de ploidoïers extrèmement beaux, est enterré dans cette église. M. d’Allencourt avoit tant d’estime pour lui, qui en mourant il lui recommanda la correction de ses ouvrages.

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, la paroisse du quartier, où il arriva dans le siècle passé un tumulte furieux excité par les Calvinistes, qui vinrent les armes à la main pour massacrer les Catholiques qui estoient à vespres, à cause que le bruit des cloches de cette églises les avoit empesché d’entendre leur prêche qui se faisoit dans une maison voisine ; mais ils furent punis de leur témérité, car les bourgeois, ayant pris les armes, en tuèrent plusieurs qui se trouvèrent sous leurs mains. Cet événement commença à Paris la haine & l’aversion des Catholiques contre les prétendus reformez, & les historiens ont remarqué que les Calvinistes, depuis ce temps-là, levèrent le masque & allèrent armez dans les 266rues de Paris. Mais les Catholiques ne le pouvant souffrir, cela donna occasion à un très grand nombre de désordres qui arrivèrent dans la suite.

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Monsieur Patru, dont on a un volume de ploidoïers extrèmement beaux, est enterré dans cette église. M. d’Allencourt avoit tant d’estime pour lui, qui en mourant il lui recommanda la correction de ses ouvrages.

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- Dans le mesme quartier, proche la petite église de Saint-Hypolite, il y a une vieille maison bâtie du temps de - saint Louis, qui n’est pas éloignée de la rivière des Gobelins, où ce bon roi alloit quelquefois passer des heures de solitude pour faire ses prières. On dit que sous Charles VI il y arriva un accident fâcheux qui fut en partie la cause de l’aliénation d’esprit dont ce prince fut affligé presque pendant tout son règne. Voici comme on raconte la chose : les Parisiens, qui ont toujours fait gloire d’aimer passionnément leur roi, voulurent régaler Charles VI d’un ballet dans cette mai - 267son au retour d’une grande victoire qu’il venoit de remporter contre les Flamans qui s’estoient révoltez contre leur prince. Le roi donc s’estant trouvé à cette fête avec beaucoup de seigneurs déguisez en sauvages & vêtus de toille poissée, convertre de filasse, en forme de poil, & si bien ajustée au corps qu’il sembloit que ce fût une peau naturelle ; comme le roi dançoit avec les jeunes seigneurs, un de la troupe approchant trop près d’un flambeau que tenoit un prince qui vouloit reconnoîstre le roi entre les autres, le feu prit à la filasse avec violence & comme ils estoient tout attachez les uns aux autres, le roi n’en pût estre garanti qu’en se jettant, tout couvert de flames, entre les bras de la duchesse de Berry, qui se trouva la heureusement, qui étouffa le feu en l’envelopant dans sa grande robe. Tous ceux de la mesme bande furent étouffez ou rôtis & moururent deux jour après. Le roi seul fut - 268sauvé & Nantouillet qui se jetta dans une cuve pleine d’eau qui se trouva-là proche. Depuis ce funeste accident, Charles devint fort chagrin & fort mélancolique, & l’idée d’un si grand péril lui prépara le cerveau à la manie, qui lui prit proche la ville du Mans, ainsi que monsieur de Mezeray le raconte. Voilà tout ce qu’on peut voir dans ce faux-bourg.

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Dans le mesme quartier, proche la petite église de Saint-Hypolite, il y a une vieille maison bâtie du temps de + saint Louis, qui n’est pas éloignée de la rivière des Gobelins, où ce bon roi alloit quelquefois passer des heures de solitude pour faire ses prières. On dit que sous Charles VI il y arriva un accident fâcheux qui fut en partie la cause de l’aliénation d’esprit dont ce prince fut affligé presque pendant tout son règne. Voici comme on raconte la chose : les Parisiens, qui ont toujours fait gloire d’aimer passionnément leur roi, voulurent régaler Charles VI d’un ballet dans cette mai 267son au retour d’une grande victoire qu’il venoit de remporter contre les Flamans qui s’estoient révoltez contre leur prince. Le roi donc s’estant trouvé à cette fête avec beaucoup de seigneurs déguisez en sauvages & vêtus de toille poissée, convertre de filasse, en forme de poil, & si bien ajustée au corps qu’il sembloit que ce fût une peau naturelle ; comme le roi dançoit avec les jeunes seigneurs, un de la troupe approchant trop près d’un flambeau que tenoit un prince qui vouloit reconnoîstre le roi entre les autres, le feu prit à la filasse avec violence & comme ils estoient tout attachez les uns aux autres, le roi n’en pût estre garanti qu’en se jettant, tout couvert de flames, entre les bras de la duchesse de Berry, qui se trouva la heureusement, qui étouffa le feu en l’envelopant dans sa grande robe. Tous ceux de la mesme bande furent étouffez ou rôtis & moururent deux jour après. Le roi seul fut 268sauvé & Nantouillet qui se jetta dans une cuve pleine d’eau qui se trouva-là proche. Depuis ce funeste accident, Charles devint fort chagrin & fort mélancolique, & l’idée d’un si grand péril lui prépara le cerveau à la manie, qui lui prit proche la ville du Mans, ainsi que monsieur de Mezeray le raconte. Voilà tout ce qu’on peut voir dans ce faux-bourg.

-

- Les portes par où l’on entre sont celles de Saint-Victor, proche de l’abbaïe de ce nom dont on a parlé. Elle a esté réparée depuis peu, mais non pas avec autant de dépence que les autres. On a seulement représenté en basse taille sur le cintre un grand vaisseau de guerre, que la ville prend pour ses armes, avec cette inscription au bas :

- -

Quæ non maria?

-
-

L’autre porte est celle de Saint-Marcel, derrière Sainte-Geneviève-du-Mont.

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Les portes par où l’on entre sont celles de Saint-Victor, proche de l’abbaïe de ce nom dont on a parlé. Elle a esté réparée depuis peu, mais non pas avec autant de dépence que les autres. On a seulement représenté en basse taille sur le cintre un grand vaisseau de guerre, que la ville prend pour ses armes, avec cette inscription au bas :

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Quæ non maria?

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L’autre porte est celle de Saint-Marcel, derrière Sainte-Geneviève-du-Mont.

-

- Tout proche sur le fossé entre les - 269deux portes, on ne doit pas manquer d’aller voir les tableaux du sieur de Troyes, que le roi envoya en Bavière pour faire le portrait de madame la Dauphine. Il est peu de peintres qui réussissent mieux que lui en portraits, ce qui lui attire la pratique de la plupart des personnes de qualité, qui se font tirer de sa main.

-

On ne dira rien du couvent des religieuses anglaises, ni de la maison des pères de la Doctrine chrétienne, qui sont aussi sur le mesme fossé, parce qu’il n’y a rien de curieux à y remarquer, sinon une des plus belles veues qu’on puisse découvrir, à cause de la situation élevée où ces deux maisons se trouvent.

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Tout proche sur le fossé entre les 269deux portes, on ne doit pas manquer d’aller voir les tableaux du sieur de Troyes, que le roi envoya en Bavière pour faire le portrait de madame la Dauphine. Il est peu de peintres qui réussissent mieux que lui en portraits, ce qui lui attire la pratique de la plupart des personnes de qualité, qui se font tirer de sa main.

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On ne dira rien du couvent des religieuses anglaises, ni de la maison des pères de la Doctrine chrétienne, qui sont aussi sur le mesme fossé, parce qu’il n’y a rien de curieux à y remarquer, sinon une des plus belles veues qu’on puisse découvrir, à cause de la situation élevée où ces deux maisons se trouvent.

- Fin du premier Tome. - -

+ Fin du premier Tome. +

@@ -2767,728 +4996,348 @@
- + Table des choses contenues dans le premier volume.
- + - - , page 1 - - - , 6 - - - , 11 - - - , 15 - - - , 16 - - - , 17 - - - , Ibid - - - , 21 - - - , 22 - - - , 23 - - - , 27 - - - - , 30 - - - , 31 - - - , 32 - - - , 33 - - - , 34 - - - , Ibid. - - - , 35 - - - , 36 - - - , 36 - - - , Ibid. - - - , 40 - - - , Idid. - + , page 1 + , 6 + , 11 + , 15 + , 16 + , 17 + + , Ibid + , 21 + + , 22 + , 23 + , 27 + + , 30 + , 31 + , 32 + , 33 + , 34 + + , Ibid. + , 35 + , 36 + , 36 + , Ibid. + , 40 + , Idid.
- + Le quartier Saint-Honoré - - , page 41 - - - , 42 - - - , 43 - - - , 46 - - - , 48 - - - , Ibid. - - - - , 49 - - - , Ibid. - - - , Ibid. - - - , 50 - - - , Ibid. - - - , 52 - - - , 54 - - - , 55 - - - , Ibid. - - - , Ibid. - - - , Ibid. - + , page 41 + , 42 + , 43 + , 46 + , 48 + , Ibid. + + , 49 + , Ibid. + , Ibid. + , 50 + , Ibid. + , 52 + , 54 + , 55 + , Ibid. + + , Ibid. + , Ibid.
- - Le quartier de la Bute Saint-Roch. + + Le quartier de la Bute Saint-Roch. - - , 57 - - - , 58 - - - , 64 - - - , 65 - - - , 66 - - - , 67 - - - , Ibid. - - - , 68 - - - - , 69 - - - , 70 - - - , Ibid. - - - , 71 - - - , Ibid. - - - , 72 - + , 57 + , 58 + , 64 + , 65 + , 66 + + , 67 + , Ibid. + , 68 + + , 69 + , 70 + , Ibid. + , 71 + , Ibid. + , 72
- + La rue Vivien - - , page 73 - - - , 82 - + , page 73 + , 82
- + La rue des Petits-Champs - - , 85 - - - , 86 - - - , Ibid. - - - , Ibid. - - - , 88 - - - , 89 - - - , 90 - - - , 93 - - - , Ibid. - - - , 94 - + , 85 + , 86 + , Ibid. + , Ibid. + , 88 + , 89 + , 90 + , 93 + , Ibid. + , 94
- +
- + La rue Sainte-Anne - - , pag. 95 - - - , 96 - - - , Ibid. - - - , Ibid. - - - , 97 - - - , 101 - - - , Ibid. - - - , 102 - - - , Ibid. - - - , 103 - - - , 105 - - - , 106 - - - , Ibid. - - - , 108 - - - , 110 - - - , Ibid. - + , pag. 95 + + , 96 + , Ibid. + , Ibid. + , 97 + , 101 + , Ibid. + , 102 + , Ibid. + , 103 + , 105 + , 106 + , Ibid. + , 108 + , 110 + , Ibid.
- + La rue Saint-Denis - - , 111 - - - , Ibid. - - - - , 112 - - - , Ibid. - - - , 113 - - - , 114 - - - , Ibid. - - - , 115 - - - , Ibid. - - - , Ibid. - - - , Ibid. - - - , Ibid. - - - , 119 - - - , Ibid. - - - , 121 - + , 111 + , Ibid. + + + , 112 + , Ibid. + , 113 + , 114 + , Ibid. + , 115 + , Ibid. + , Ibid. + , Ibid. + + , Ibid. + + , 119 + , Ibid. + , 121
- + La rue Saint-Martin - - , 122 - - - , 123 - - - , Ibid. - - - , 124 - - - , Ibid. - - - , Ibid. - - - - , 125 - - - , Ibid. - - - , 128 - - - , Ibid. - - - , Ibid. - - - , 129 - - - , Ibid. - + , 122 + , 123 + , Ibid. + , 124 + , Ibid. + , Ibid. + + , 125 + , Ibid. + , 128 + , Ibid. + , Ibid. + , 129 + , Ibid.
- + La rue Saint-Avoye + , 130 + , 131 + , 132 + , Ibid. - , 130 - - - , 131 - - - , 132 - - - , Ibid. - - - , 133 - - - , Ibid. - - - , 136 - - - , 137 + , 133 + , Ibid. + , 136 + , 137
- + La rue du Grand-Chantier - - , 138 - - - - , 139 - - - , 140 - - - , 141 - - - , 142 - - - , Ibid. - + , 138 + + , 139 + , 140 + , 141 + , 142 + , Ibid. , 143
- + La vieille rue du Temple - - , 144 - - - , Ibid. - - - , 150 - - - , Ibid. - - - , 151 - - - , Ibid. - - - , 152 - - - , Ibid. - - - - , 153 - - - , Ibid. - - - , Ibid. - + , 144 + , Ibid. + , 150 + , Ibid. + , 151 + + , Ibid. + + , 152 + , Ibid. + + , 153 + , Ibid. + , Ibid. , 154
- + La Place royale - - , 156 - - - , 160 - - - , 161 - - - , Ibid. - - - , 162 - - - , 164 - + , 156 + , 160 + , 161 + , Ibid. + , 162 + , 164
- + La rue Saint-Antoine - - , 168 - - - , Ibid. - - - , 171 - - - , 172 - - - - , Ibid. - - - , 173 - - - , 176 - - - , 177 - - - , 178 - - - , 179 - - - , 181 - + , 168 + , Ibid. + , 171 + + , 172 + + , Ibid. + , 173 + , 176 + , 177 + , 178 + , 179 + , 181 , 191
- + La rue de la Culture-Sainte-Catherine - - , Ibid. - - - , 193 - - - , Ibid. - - - , 194 - - - , Ibid. - - - , 195 - - - , 196 - - - , 197 - - - , 202 - - - , Ibid. - - - , 203 - - - - , 205 - - - , 207 - - - , 209 - - - , 210 - - - , Ibid. - - - , 211 - - - , Ibid. - - - , 212 - - - , 213 - - - , 214 - - - , Ibid. - - - , 227 - - - , 228 - - - , Ibid. - - - , 229 - - - , 231 - - - , Ibid. - + , Ibid. + , 193 + , Ibid. + , 194 + , Ibid. + , 195 + , 196 + , 197 + , 202 + , Ibid. + , 203 + + , 205 + , 207 + , 209 + , 210 + , Ibid. + + , 211 + , Ibid. + , 212 + , 213 + , 214 + , Ibid. + , 227 + , 228 + , Ibid. + + , 229 + , 231 + , Ibid.
- + L’isle Nostre-Dame - - , 233 - - - , Ibid. - - - - , 237 - - - , 239 - - - , 240 - - - , Ibid. - - - , 241 - - - , Ibid. - - - , 243 - - - , 246 - - - , 247 - - - , 248 - - - , 249 - - - , 251 - - - , 263 - - - , 264 - - - , 265 - - - , 266 - - - , 268 - - - , 269 + , 233 + , Ibid. + + , 237 + , 239 + , 240 + , Ibid. + , 241 + , Ibid. + , 243 + , 246 + , 247 + + , 248 + , 249 + , 251 + + , 263 + , 264 + , 265 + + , 266 + , 268 + , 269

@@ -3499,1331 +5348,2795 @@ - + - - Description Nouvelle - de ce qu’il y a de plus remarquable - dans la ville de Paris. - + Description Nouvelle + de ce qu’il y a de plus remarquable + dans la ville de Paris. - par M. B*** - + par M. B*** Tome Second. - - - A Paris, + + A Paris, Chez Nicolas le Gras, au troisième Pilier de la Grand’Salle du Palais, à L, couronnée. - M. DC. LXXXIV. - + M. DC. LXXXIV. Avec Privilège du roy

1 - - Description nouvelle de ce qu’il y a de plus remarquable dans la ville de Paris Tome second + + Description nouvelle de ce qu’il y a de plus remarquable dans la ville de Paris Tome second
- - - Le quartier de l’Université - + + Le quartier de l’Université

- Ce quartier est un des plus anciens & des plus peuplez de Paris. Il occupe un très grand espace, qui fait presque une quatrième partie de toute la - 2ville. Philippe Auguste, dans le temps qu’il alla en Palestine contre les Sarrazins avec Richard roi d’Angleterre, donna ordre que pendant son voïage, qui dura un an, l’on enfermât tout ce quartier de murailles, dont on voit encore quelques restes.

+ Ce quartier est un des plus anciens & des plus peuplez de Paris. Il occupe un très grand espace, qui fait presque une quatrième partie de toute la 2ville. Philippe Auguste, dans le temps qu’il alla en Palestine contre les Sarrazins avec Richard roi d’Angleterre, donna ordre que pendant son voïage, qui dura un an, l’on enfermât tout ce quartier de murailles, dont on voit encore quelques restes.

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- - L’Université de Paris est si ancienne que Charlemagne, à ce qu’on tient, en est le fondateur. Cette opinion est fondée sur de vieux titres que l’on conserve soigneusement, quoiqu’il y ait bien des sçavants qui soient d’un sentiment contraire, entre autres monsieur Joli, grand chantre de Nostre-Dame, qui l’a clairement prouvé dans son petit Traité des écoles épiscopales. Mais si l’on peut douter qu’elle ait esté fondée par ce grand empereur, du moins est-il très certain qu’elle a commencé à paroîstre fort peu de temps après son règne, qui fut en France très heureux pour les gens de lettres & pour les sçavans, que ce grand prin - 3ce favorisa en tout ce qu’il pût. Aussi en récompense, ils l’ont fait connoîstre à la postérité non seulement comme le plus sçavant empereur de son siècle, mais encore comme le plus brave & le plus glorieux. L’Université cependant l’a retenu pour son patron & le jour de sa feste les exercices cessent dans tous les collèges. On ne dira rien de son ancienne splendeur, non plus que du crédit & de l’autorité qu’elle avoit autrefois. On sçait bien que la plupart des grandes affaires se faisoient par son conseil & que les rois ne dédaignoient pas de la consulter dans les conjonctures présantes, les papes mesme ont déférés sa ses sentimens & ont souvent brigué ses suffrages pour autoriser leurs élections & pour estre soutenus contre leurs compétiteurs. Monsieur Duboulay, dans l’histoire qu’il a faite de l’Université en trois volumes in-folio - , fait mention de plusieurs illustres qui en sont sortis. Elle a esté si nombreuse & si remplies d’écoliers, - 4qu’on ne doit pas obmettre icy une chose surprenante qui arriva sous Charles VI. Ce prince étant tombé en démence, on résolut de faire des prières & des processions publiques pour sa guérison. Toutes les compagnies & toutes les communautez allèrent à pié en procession à Saint-Denis-en-France, & le Parlement, comme le premier corps du roïaume, commença cette action de piété. L’Université prit aussi son jour pour y aller & Juvénal des Ursins raporte qu’on obligea tous les écoliers à assister avec les supposts & les membres qui en dépendent. Il ajoute qu’il s’y trouva un si grand nombre de personnes, que le commencement de la procession entroit dans l’église de Saint-Denis lorsque le recteur, qui estoit le dernier, n’estoit pas encore sorti de l’église des Mathurins, où l’on avoit marqué le rendez-vous. Le nombre des écoliers & des collèges est beaucoup diminué. Autrefois, on en pouvoit conter jusqu’à - 5cent, à présent à peine en peut-on trouver trente, entre lesquels il y en a seulement neuf où l’on tient exercices des basses classes ; qui sont :

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L’Université de Paris est si ancienne que Charlemagne, à ce qu’on tient, en est le fondateur. Cette opinion est fondée sur de vieux titres que l’on conserve soigneusement, quoiqu’il y ait bien des sçavants qui soient d’un sentiment contraire, entre autres monsieur Joli, grand chantre de Nostre-Dame, qui l’a clairement prouvé dans son petit Traité des écoles épiscopales. Mais si l’on peut douter qu’elle ait esté fondée par ce grand empereur, du moins est-il très certain qu’elle a commencé à paroîstre fort peu de temps après son règne, qui fut en France très heureux pour les gens de lettres & pour les sçavans, que ce grand prin 3ce favorisa en tout ce qu’il pût. Aussi en récompense, ils l’ont fait connoîstre à la postérité non seulement comme le plus sçavant empereur de son siècle, mais encore comme le plus brave & le plus glorieux. L’Université cependant l’a retenu pour son patron & le jour de sa feste les exercices cessent dans tous les collèges. On ne dira rien de son ancienne splendeur, non plus que du crédit & de l’autorité qu’elle avoit autrefois. On sçait bien que la plupart des grandes affaires se faisoient par son conseil & que les rois ne dédaignoient pas de la consulter dans les conjonctures présantes, les papes mesme ont déférés sa ses sentimens & ont souvent brigué ses suffrages pour autoriser leurs élections & pour estre soutenus contre leurs compétiteurs. Monsieur Duboulay, dans l’histoire qu’il a faite de l’Université en trois volumes in-folio + , fait mention de plusieurs illustres qui en sont sortis. Elle a esté si nombreuse & si remplies d’écoliers, 4qu’on ne doit pas obmettre icy une chose surprenante qui arriva sous Charles VI. Ce prince étant tombé en démence, on résolut de faire des prières & des processions publiques pour sa guérison. Toutes les compagnies & toutes les communautez allèrent à pié en procession à Saint-Denis-en-France, & le Parlement, comme le premier corps du roïaume, commença cette action de piété. L’Université prit aussi son jour pour y aller & Juvénal des Ursins raporte qu’on obligea tous les écoliers à assister avec les supposts & les membres qui en dépendent. Il ajoute qu’il s’y trouva un si grand nombre de personnes, que le commencement de la procession entroit dans l’église de Saint-Denis lorsque le recteur, qui estoit le dernier, n’estoit pas encore sorti de l’église des Mathurins, où l’on avoit marqué le rendez-vous. Le nombre des écoliers & des collèges est beaucoup diminué. Autrefois, on en pouvoit conter jusqu’à 5cent, à présent à peine en peut-on trouver trente, entre lesquels il y en a seulement neuf où l’on tient exercices des basses classes ; qui sont :

- + - - Le collège du Plessis ; - - Le collège d’Harcourt ; - - Le collège de Navarre ; - - Le collège de Beauvais ; - - Le collège du cardinal Le Moyne ; - - Le collège de la Marche ; - - Le collège de Lizieux ; - - Le collège des Grassins ; - - Le collège de Clermont, occupé pas les Jésuites, dont on parlera en particulier. + Le collège du Plessis ; + Le collège d’Harcourt ; + Le collège de Navarre ; + Le collège de Beauvais ; + Le collège du cardinal Le Moyne ; + Le collège de la Marche ; + Le collège de Lizieux ; + Le collège des Grassins ; + Le collège de Clermont, occupé pas les Jésuites, dont on parlera en particulier. -

Il est inutile de raporter ici les noms des autres où l’on n’enseigne pas, ils sont fort peu connus & servent seulement de demeure à quelques boursiers qui y vivent des pensions que le collège leur fournit tous les ans. L’Université avoit aussi sa juridiction particulière & si quelques-uns de ses membres avoit com - 6mis quelques crimes, il n’estoit pas permis aux juges publics de les condamner. L’on en voit un exemple dans un épitaphe qui est dans le cloître des Mathurins, de deux écoliers qui aïant fait quelques crimes dignes de mort, furent éxécutez par sentence du prévost de Paris. Mais l’Université, se trouvant blessés par cette sentence, suspendit ses exercices & obligea par ce moïen le prévost de Paris à ramener les corps des deux écoliers aux Mathurins, après les avoir luy-mesme détachez de la potence de Montfaucon où ils avoient esté pendus, & après les avoir baisez à la joue, quoiqu’il y eût plus de quatre mois qu’ils fussent exécutez. Il y a plusieurs exemples de cette sorte. Mais les choses ont bien chargé depuis ce temps-là & à présent, quoiqu’elles soit encore remplie de personnes très sçavantes, son crédit & son autorité son fort diminuez ; surtout depuis environ le milieu du siècle passé, où elle a souffert des dom - 7mages dont elle aura de la peine à se relever. Cependant, cela n’empesche pas que les sciences n’y fleurissent plus qu’en aucun autre endroit de l’Europe & qu’elles n’y soient enseignées avec beaucoup de succès & de fruit. Elle est divisée en quatre facultez, à la teste desquelles est le recteur, que l’on élisoit autrefois de six en six semaines ; mais on a jugé que c’estoit assez de quatre fois par an. Les quatre facultez sont :

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Il est inutile de raporter ici les noms des autres où l’on n’enseigne pas, ils sont fort peu connus & servent seulement de demeure à quelques boursiers qui y vivent des pensions que le collège leur fournit tous les ans. L’Université avoit aussi sa juridiction particulière & si quelques-uns de ses membres avoit com 6mis quelques crimes, il n’estoit pas permis aux juges publics de les condamner. L’on en voit un exemple dans un épitaphe qui est dans le cloître des Mathurins, de deux écoliers qui aïant fait quelques crimes dignes de mort, furent éxécutez par sentence du prévost de Paris. Mais l’Université, se trouvant blessés par cette sentence, suspendit ses exercices & obligea par ce moïen le prévost de Paris à ramener les corps des deux écoliers aux Mathurins, après les avoir luy-mesme détachez de la potence de Montfaucon où ils avoient esté pendus, & après les avoir baisez à la joue, quoiqu’il y eût plus de quatre mois qu’ils fussent exécutez. Il y a plusieurs exemples de cette sorte. Mais les choses ont bien chargé depuis ce temps-là & à présent, quoiqu’elles soit encore remplie de personnes très sçavantes, son crédit & son autorité son fort diminuez ; surtout depuis environ le milieu du siècle passé, où elle a souffert des dom 7mages dont elle aura de la peine à se relever. Cependant, cela n’empesche pas que les sciences n’y fleurissent plus qu’en aucun autre endroit de l’Europe & qu’elles n’y soient enseignées avec beaucoup de succès & de fruit. Elle est divisée en quatre facultez, à la teste desquelles est le recteur, que l’on élisoit autrefois de six en six semaines ; mais on a jugé que c’estoit assez de quatre fois par an. Les quatre facultez sont :

- - La théologie ; - - Le droit ; - - La médecine ; - - Les arts. + La théologie ; + Le droit ; + La médecine ; + Les arts. -

On professe la théologie seulement en Sorbonne & dans le collège de Navarre. Pour le droit, comme il est divisé en droit civil & en droit canon, il y a des professeurs pour l’un & pour l’autre dans un collège qui est dans la rue Saint-Jean-d- - 8-Beauvais. Depuis deux ans, le roi a fondé une nouvelle chaire pour le droit françois, occupée par monsieur de Launay, qui donne ses leçons sans le collège de Cambray, proche la fontaine de Saint-Benoist.

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Il n’y a qu’un collège pour la médecine dans la rue de la Bucherie, où il y a un amphithéâtre, comme disent les affiches de médecine, dans lequel on fait souvent des dissections sur des cadavres humains.

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Pour la faculté des arts, qui est la dernière, elle est divisée en quatre nations :

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On professe la théologie seulement en Sorbonne & dans le collège de Navarre. Pour le droit, comme il est divisé en droit civil & en droit canon, il y a des professeurs pour l’un & pour l’autre dans un collège qui est dans la rue Saint-Jean-d- 8-Beauvais. Depuis deux ans, le roi a fondé une nouvelle chaire pour le droit françois, occupée par monsieur de Launay, qui donne ses leçons sans le collège de Cambray, proche la fontaine de Saint-Benoist.

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Il n’y a qu’un collège pour la médecine dans la rue de la Bucherie, où il y a un amphithéâtre, comme disent les affiches de médecine, dans lequel on fait souvent des dissections sur des cadavres humains.

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Pour la faculté des arts, qui est la dernière, elle est divisée en quatre nations :

- - La nation de France ; - - La nation de Picardie ; - - La nation de Normandie ; - - La nation d’Alemagne. + La nation de France ; + La nation de Picardie ; + La nation de Normandie ; + La nation d’Alemagne. -

La dernière a esté mise à la place de celle d’Angleterre, qui en fut ôtée à cause des cruelles guerres que la France eut contre les Anglois. Ces - 9Nations sont encore divisées en plusieurs autres provinces, qu’il seroit trop long de raporter.

-

Voilà en général ce que l’on peut dire de l’Université, de laquelle on poura encore parler en décrivant les lieux remarquables qui y sont.

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La dernière a esté mise à la place de celle d’Angleterre, qui en fut ôtée à cause des cruelles guerres que la France eut contre les Anglois. Ces 9Nations sont encore divisées en plusieurs autres provinces, qu’il seroit trop long de raporter.

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Voilà en général ce que l’on peut dire de l’Université, de laquelle on poura encore parler en décrivant les lieux remarquables qui y sont.

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- On peut commencer ce quartier par le quay de la Tournelle, ensuite on passera devant une maison que feu monsieur Martin a fait bâtir, où madame de Miramion, si connue des personnes de piété, a logé depuis huit ans une nouvelle communauté de filles qui vivent sous la Règle de saint Augustin, de la congrégation de sainte Geneviève, dont elle est la fondatrice. Cette maison est assez bien bâtie & mérite qu’on l’aille voir. Tout proche est :

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On peut commencer ce quartier par le quay de la Tournelle, ensuite on passera devant une maison que feu monsieur Martin a fait bâtir, où madame de Miramion, si connue des personnes de piété, a logé depuis huit ans une nouvelle communauté de filles qui vivent sous la Règle de saint Augustin, de la congrégation de sainte Geneviève, dont elle est la fondatrice. Cette maison est assez bien bâtie & mérite qu’on l’aille voir. Tout proche est :

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, président à mortier, où l’on verra d’assez beau meubles & surtout une bibliothèque fort bien garnie, que cet illustre magistrat visite souvent. Delà on entrera dans :

- + 10 -

- , qui est à main gauche, où il y a des maisons fort jolies, entre autres une où demeure monsieur du Vaurouy, où il y a quelques peintures du siècle passé qui sont assez estimées. Un peu plus avant on entrera dans :

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, qui est à main gauche, où il y a des maisons fort jolies, entre autres une où demeure monsieur du Vaurouy, où il y a quelques peintures du siècle passé qui sont assez estimées. Un peu plus avant on entrera dans :

-

- , qui sert à tout l’ordre de Cîteaux. Il est d’une anciennes fondation, mais ce qu’il faut y remarquer est le grand dessein qu’avoit le pape Benoist XII, qui avoit esté religieux de cet ordre & qui vouloit rendre son nom illustre en bâtissant ce collège d’une magnificence surprenante. Les murs qui devoient entourer tout l’espace sont d’une épaisseur & d’une solidité merveilleuse, & il semble que ce saint père eut plutost dessein d’enclore une citadelle qu’un collège de religieux. Le chapitre est parfaitement bien voûté & sert à présent de classe. Mais ce qu’il y a de plus beau est l’édifice de l’église, que l’on considère comme une - 11des plus belles gotiques qu’il y ait en France ; dont les voûtes sont d’une hauteur extraordinaire, avec des chapelles de chaque côté. Il est vrai que de tout ce grand ouvrage il n’y en a qu’une partie de faite, à cause que ce saint père mourut un peu trop tost. Cependant sa dernière volonté fut que l’on achevât ce qu’il avoit commencé & mesme il laissa des fonds pour cela ; mais l’argent ayant esté volé en chemin comme on l’apportoit en France dans le temps des troubles du règne de Charles VI, tout demeura imparfait comme on le voit. À côté de la sacristie, il faut demander à voir un petit escalier à vis fort curieusement imaginé, dans lequel deux personnes peuvent monter & descendre en mesme temps sans se voir. Ce sont deux rampes en limaçon sur un seul noyau, ménagées l’une sur l’autre dans un mesme vuide de figure ronde. Les curieux qui ont vu cette pièce l’ont admirée parce qu’on en - 12voit fort peu de pareilles. Lorsque le général de Cîteaux est à Paris, il demeure ordinairement dans cette maison.

-

Il faut observer qu’il y a plusieurs ordres de religieux qui ont le droit d’avoir des collèges dans l’Université & dont les religieux peuvent prendre les degrez & se faire passez docteurs ; mais il y en a aussi d’autres qui ont négligé cet avantage, ou à qui l’Université ne l’a pas voulu accorder pour des raisons particuliers qu’elle a eu.

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En sortant des Bernardins, à main gauche on trouve :

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, qui sert à tout l’ordre de Cîteaux. Il est d’une anciennes fondation, mais ce qu’il faut y remarquer est le grand dessein qu’avoit le pape Benoist XII, qui avoit esté religieux de cet ordre & qui vouloit rendre son nom illustre en bâtissant ce collège d’une magnificence surprenante. Les murs qui devoient entourer tout l’espace sont d’une épaisseur & d’une solidité merveilleuse, & il semble que ce saint père eut plutost dessein d’enclore une citadelle qu’un collège de religieux. Le chapitre est parfaitement bien voûté & sert à présent de classe. Mais ce qu’il y a de plus beau est l’édifice de l’église, que l’on considère comme une 11des plus belles gotiques qu’il y ait en France ; dont les voûtes sont d’une hauteur extraordinaire, avec des chapelles de chaque côté. Il est vrai que de tout ce grand ouvrage il n’y en a qu’une partie de faite, à cause que ce saint père mourut un peu trop tost. Cependant sa dernière volonté fut que l’on achevât ce qu’il avoit commencé & mesme il laissa des fonds pour cela ; mais l’argent ayant esté volé en chemin comme on l’apportoit en France dans le temps des troubles du règne de Charles VI, tout demeura imparfait comme on le voit. À côté de la sacristie, il faut demander à voir un petit escalier à vis fort curieusement imaginé, dans lequel deux personnes peuvent monter & descendre en mesme temps sans se voir. Ce sont deux rampes en limaçon sur un seul noyau, ménagées l’une sur l’autre dans un mesme vuide de figure ronde. Les curieux qui ont vu cette pièce l’ont admirée parce qu’on en 12voit fort peu de pareilles. Lorsque le général de Cîteaux est à Paris, il demeure ordinairement dans cette maison.

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Il faut observer qu’il y a plusieurs ordres de religieux qui ont le droit d’avoir des collèges dans l’Université & dont les religieux peuvent prendre les degrez & se faire passez docteurs ; mais il y en a aussi d’autres qui ont négligé cet avantage, ou à qui l’Université ne l’a pas voulu accorder pour des raisons particuliers qu’elle a eu.

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En sortant des Bernardins, à main gauche on trouve :

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- , nouvellement rebâtie, d’un assez beau dessein. Elle est ainsi nommé à cause qu’elle est dans un lieu autrefois tout plein de chardons, que messieurs de Saint-Victor donnèrent pour y bâtir une paroisse dont ce quartier avoit besoin. L’église n’est pas encore achevée. Tout ce qu’il y a de curieux est une cha - 13elle où monsieur Le Brun a fait commencer de travailler : l’on y voit de son dessein le tombeau de sa mère, exécuté en marbre par le sieur Baptiste, où il y a de très belles figures.

-

Tout ce quartier ne fournit rien de remarquable. Il faut aller delà aux Carmes, qui sont à l’entrée de la montagne Sainte-Geneviève, proche de la place Maubert, qui est un des plus grands marchez de tout Paris.

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, nouvellement rebâtie, d’un assez beau dessein. Elle est ainsi nommé à cause qu’elle est dans un lieu autrefois tout plein de chardons, que messieurs de Saint-Victor donnèrent pour y bâtir une paroisse dont ce quartier avoit besoin. L’église n’est pas encore achevée. Tout ce qu’il y a de curieux est une cha 13elle où monsieur Le Brun a fait commencer de travailler : l’on y voit de son dessein le tombeau de sa mère, exécuté en marbre par le sieur Baptiste, où il y a de très belles figures.

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Tout ce quartier ne fournit rien de remarquable. Il faut aller delà aux Carmes, qui sont à l’entrée de la montagne Sainte-Geneviève, proche de la place Maubert, qui est un des plus grands marchez de tout Paris.

- - Les Carmes de la place Maubert - + Les Carmes de la place Maubert

- En parlant des Célestins, on a dit que les Carmes y avoient esté fondez par saint Louis, qui les avoit amenez de la Palestine, mais à cause de l’éloignement de l’Université & des débordement de la Seine, ils furent obligez de venir se loger en cet endroit sous le règne de Philippe le Long, dont la reine Jeanne, sa femme, leur laissa de grands biens par son te - 14statement qu’elle fit en 1349 ; entre autres choses, elle leur donna sa couronne d’or garnie de pierreries d’un prix considérable ; la fleur de lys aussi d’or qu’elle reçut le jour de son couronnement, sa ceinture garnie de perles & toute sa vaiselle d’argent, avec la somme de quinze cent florins d’or, qui en ce temps-là montoient fort haut. Ils se servirent de toutes ces choses pour bâtir leur église & leur couvent, qui n’ont rien du tout de beau. Il y a dans leur église une grande dévotion à Nostre Dame du Mont-Carmel - , où il vient un grand nombre de personnes dévotes à la Sainte Vierge, pour gagner des indulgences, surtout le second dimanche de chaque mois. Depuis quelques temps, ils ont rebâti leur grand autel d’un dessein fort singulier . Il est soutenu de colonnes de pierres de taille qui sont peintes en marbre, qui font un assez bel effet.

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Sur la montagne Sainte-Geneviè - 15ve, par où l’on doit passer pour aller à l’abbaïe de ce nom, on passera devant

+ En parlant des Célestins, on a dit que les Carmes y avoient esté fondez par saint Louis, qui les avoit amenez de la Palestine, mais à cause de l’éloignement de l’Université & des débordement de la Seine, ils furent obligez de venir se loger en cet endroit sous le règne de Philippe le Long, dont la reine Jeanne, sa femme, leur laissa de grands biens par son te 14statement qu’elle fit en 1349 ; entre autres choses, elle leur donna sa couronne d’or garnie de pierreries d’un prix considérable ; la fleur de lys aussi d’or qu’elle reçut le jour de son couronnement, sa ceinture garnie de perles & toute sa vaiselle d’argent, avec la somme de quinze cent florins d’or, qui en ce temps-là montoient fort haut. Ils se servirent de toutes ces choses pour bâtir leur église & leur couvent, qui n’ont rien du tout de beau. Il y a dans leur église une grande dévotion à Nostre Dame du Mont-Carmel + , où il vient un grand nombre de personnes dévotes à la Sainte Vierge, pour gagner des indulgences, surtout le second dimanche de chaque mois. Depuis quelques temps, ils ont rebâti leur grand autel d’un dessein fort singulier . Il est soutenu de colonnes de pierres de taille qui sont peintes en marbre, qui font un assez bel effet.

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Sur la montagne Sainte-Geneviè 15ve, par où l’on doit passer pour aller à l’abbaïe de ce nom, on passera devant

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- , le plus beau & le plus spacieux de tout Paris, fondé par la reine Jeanne de Navarre, femme de Philippe le Bel, comme il paroît par les incriptions que voici, qui sont sous la statue de ce roi & sous celle de cette reine, aux côtez de la grande porte :

- -

- Philippus pulcher Christiannissimus Hujus Domus fundator.

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Sous celle de la Reine.

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- Joanna Franciæ et Navarræ Regina - Campaniæ Briæque Comes Palatina - Hac ædes fundavit 1304 - .

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Au milieu sont encore des deux vers :

- - - Dextra potens, lex æqua, fides, tria lilia Regum. - Francorum Christo Principe, ad astra ferunt. - - - - +

, le plus beau & le plus spacieux de tout Paris, fondé par la reine Jeanne de Navarre, femme de Philippe le Bel, comme il paroît par les incriptions que voici, qui sont sous la statue de ce roi & sous celle de cette reine, aux côtez de la grande porte :

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Philippus pulcher Christiannissimus Hujus Domus fundator.

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Sous celle de la Reine.

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Joanna Franciæ et Navarræ Regina + Campaniæ Briæque Comes Palatina + Hac ædes fundavit 1304 .

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Au milieu sont encore des deux vers :

+ + Dextra potens, lex æqua, fides, tria lilia Regum. + Francorum Christo Principe, ad astra ferunt. + + 16 -

Autrefois, ce collège estoit le plus célèbre de toute l’Université. On y mettoit en pension des enfans des plus grands seigneurs du roïaume ; & afin que le commerce des écoliers externes ne les dissipât point, on n’en recevoit aucun qui ne fût pensionnaire. Mais cela est changé à présent & on y tient exercice publique indifféremment pour toute sorte d’écoliers. La théologie y est enseignée, comme l’on a dit, & quatre professeurs sont gagez pour donner leçon, deux le matin & deux l’après-midi.

-

- Monsieur l’archevesque d’Auch est proviseur de ce collège. L’on y conserve une bibliothèque qui estoit autrefois en grande réputation avant l’usage de l’impression ; qui a esté donnée par la reine Jeanne de Navarre. Elle contient quelques manuscrits assez curieux. Ce collège a plus fourni qu’aucun autre des personnes illustres dans Lettres, dont le premier est Pierre d’Ailly, cardinal du titre de saint Chrisogon, ar - 17chevêque de Cambrai, qui y fit de grands biens, comme on le voit par une inscription dans la chapelle. Il est enterré à Cambrai. Au milieu de la mesme chapelle est la tombe de l’illustre Thomas de Clamensis, célèbre docteur en théologie, avec cette inscription :

- -

Qui Lampas fuit Eclesiæ, sub Lampade jacet.

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- Jean Textor y est enterré. Les autres sont : Gerson, Joannes Major, Almaïnus de Castro Forti, Papillon, Gelin, de Villers & Pelletier. Le dernier estoit le grand maistre du collège & se trouva au concile de Trente. Depuis peu, on y a vu monsieur de Launoy, célèbre critique, qui a composé plusieurs volumes sur l’histoire ecclésiastique & qui a peut-estre esté celui, dès ce siècle-ci, qui a le mieux entendu les annales de l’Église, comme il paroît par ses ouvrages qui sont fort recherchez des sçavants. Il a aussi fait l’histoire de ce collège.

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Autrefois, ce collège estoit le plus célèbre de toute l’Université. On y mettoit en pension des enfans des plus grands seigneurs du roïaume ; & afin que le commerce des écoliers externes ne les dissipât point, on n’en recevoit aucun qui ne fût pensionnaire. Mais cela est changé à présent & on y tient exercice publique indifféremment pour toute sorte d’écoliers. La théologie y est enseignée, comme l’on a dit, & quatre professeurs sont gagez pour donner leçon, deux le matin & deux l’après-midi.

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Monsieur l’archevesque d’Auch est proviseur de ce collège. L’on y conserve une bibliothèque qui estoit autrefois en grande réputation avant l’usage de l’impression ; qui a esté donnée par la reine Jeanne de Navarre. Elle contient quelques manuscrits assez curieux. Ce collège a plus fourni qu’aucun autre des personnes illustres dans Lettres, dont le premier est Pierre d’Ailly, cardinal du titre de saint Chrisogon, ar 17chevêque de Cambrai, qui y fit de grands biens, comme on le voit par une inscription dans la chapelle. Il est enterré à Cambrai. Au milieu de la mesme chapelle est la tombe de l’illustre Thomas de Clamensis, célèbre docteur en théologie, avec cette inscription :

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Qui Lampas fuit Eclesiæ, sub Lampade jacet.

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Jean Textor y est enterré. Les autres sont : Gerson, Joannes Major, Almaïnus de Castro Forti, Papillon, Gelin, de Villers & Pelletier. Le dernier estoit le grand maistre du collège & se trouva au concile de Trente. Depuis peu, on y a vu monsieur de Launoy, célèbre critique, qui a composé plusieurs volumes sur l’histoire ecclésiastique & qui a peut-estre esté celui, dès ce siècle-ci, qui a le mieux entendu les annales de l’Église, comme il paroît par ses ouvrages qui sont fort recherchez des sçavants. Il a aussi fait l’histoire de ce collège.

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Il faut sçavoir que tout ce quartier estoit autrefois nommé Mons Locutitius, sans que l’on puisse sçavoir certainement la raison. Au plus haut de la montagne, où ce collège est situé, est l’abbaïe de Sainte-Geneviève, & tout proche :

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Il faut sçavoir que tout ce quartier estoit autrefois nommé Mons Locutitius, sans que l’on puisse sçavoir certainement la raison. Au plus haut de la montagne, où ce collège est situé, est l’abbaïe de Sainte-Geneviève, & tout proche :

-

- , qui est une paroisse. Elle est d’une si ancienne fondation qu’on ne sçait pas certainement en quel temps elle a commencé d’estre édifié. Le bâtiment comme on le voit à présent fut entrepris sour le règne de François premier, & après avoir esté longtemps imparfait, il ne fut achevé que sous Henri IV; que la reine Marguerite de Valois, sa première femme, donna une somme d’argent pour faire le portail ; où elle a mis la première pierre en 1610, le 12 aoust. Ce portail est assez curieusement travaillé & on y a prodigué une quantité de sculptures qui feroient un bien plus bel effet si elle avoient esté ménagées avec plus de soin. Le - 19dedans ce cette église est fort propre & fort éclairé. Les voûtes sont élevées & très bien entendues. Il y a des arcades entre les pilliers, qui suportent des galeries de communication qui tournent autour de chaque pilier avec beaucoup d’artifice. La tribune sur la porte du chœur est très hardie, aussi bien que les petits escaliers pour y monter, qui serpentent autour des gros piliers de la croisée. La chapelle de la Sainte Vierge, derrière le grand autel, est aussi bien bâtie.

-

Mais ce que les curieux doivent observer plus soigneusement est la chaire du prédicateur, qui est d’une excellente menuiserie, ornée de sculptures & de bas-reliefs, d’un dessein & d’une exécution merveilleuse. Une statue de Samsom soutient tout le corps de l’ouvrage, autour duquel sont de petites figures des vertues chrétiennes assises. Sur le dais, il y a un grand ange qui tient deux trompettes. Ces choses sont parfaitement bien dessi - 20nées & cette chaire est sans contredit la plus belle de Paris. Il est bon de sçavoir que monsieur Pascal, un des plus beaux esprits que la France ait eu, auteur du livre incomparable des Pensées sur la Religion & de quelques autres de cette beauté & de cette doctrine, est enterré dans cette église. Le Sueur, peintre fameux dont on a déjà parlé plusieurs fois, y est aussi inhumé.

-

Delà, on peut entrer dans l’église de Sainte-Geneviève par une porte de communication derrière la chaire du prédicateur ; mais ce n’est pas le chemin que l’on prend ordinairement. Il faut entrer par la grande porte qui est dans la place devant l’église.

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, qui est une paroisse. Elle est d’une si ancienne fondation qu’on ne sçait pas certainement en quel temps elle a commencé d’estre édifié. Le bâtiment comme on le voit à présent fut entrepris sour le règne de François premier, & après avoir esté longtemps imparfait, il ne fut achevé que sous Henri IV; que la reine Marguerite de Valois, sa première femme, donna une somme d’argent pour faire le portail ; où elle a mis la première pierre en 1610, le 12 aoust. Ce portail est assez curieusement travaillé & on y a prodigué une quantité de sculptures qui feroient un bien plus bel effet si elle avoient esté ménagées avec plus de soin. Le 19dedans ce cette église est fort propre & fort éclairé. Les voûtes sont élevées & très bien entendues. Il y a des arcades entre les pilliers, qui suportent des galeries de communication qui tournent autour de chaque pilier avec beaucoup d’artifice. La tribune sur la porte du chœur est très hardie, aussi bien que les petits escaliers pour y monter, qui serpentent autour des gros piliers de la croisée. La chapelle de la Sainte Vierge, derrière le grand autel, est aussi bien bâtie.

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Mais ce que les curieux doivent observer plus soigneusement est la chaire du prédicateur, qui est d’une excellente menuiserie, ornée de sculptures & de bas-reliefs, d’un dessein & d’une exécution merveilleuse. Une statue de Samsom soutient tout le corps de l’ouvrage, autour duquel sont de petites figures des vertues chrétiennes assises. Sur le dais, il y a un grand ange qui tient deux trompettes. Ces choses sont parfaitement bien dessi 20nées & cette chaire est sans contredit la plus belle de Paris. Il est bon de sçavoir que monsieur Pascal, un des plus beaux esprits que la France ait eu, auteur du livre incomparable des Pensées sur la Religion & de quelques autres de cette beauté & de cette doctrine, est enterré dans cette église. Le Sueur, peintre fameux dont on a déjà parlé plusieurs fois, y est aussi inhumé.

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Delà, on peut entrer dans l’église de Sainte-Geneviève par une porte de communication derrière la chaire du prédicateur ; mais ce n’est pas le chemin que l’on prend ordinairement. Il faut entrer par la grande porte qui est dans la place devant l’église.

- - Sainte-Geneviève-du-Mont - + Sainte-Geneviève-du-Mont

Avant que de décrire les curiositez qui sont dans cette maison, il faut dire quelque chose de sa fondation.

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- Clovis, comme on le croit, en est le premier fondateur, qui la dédia à saint Pierre & à saint Paul, - 21 dont elle a longtemps porté le nom. Il y mit des chanoines séculiers, qui y demeurèrent jusques sous le règne de Louis le Jeune, dans le XI siècle, qui les contraignit de prendre la Règle de saint Augustin & de vivre en communauté à cause de la vie déréglée qu’ils menoient. On fit venir de Saint-Victor des personnes pour établir cette nouvelle réforme, & monsieur de Mézeray raconte ce qui obligea ce roi à en agir ainsi : il dit que de temps immémorial il y avoit des chanoines séculiers dans cette maison, qui avoient esté affranchis de la visite de l’évesque à la solicitation du roi Robert le Religieux pour estre soumis immédiatement au Saint Siège ; mais qu’il arriva que le pape Eugène IV s’estant venu réfugier en France & estant logé dans cette maison, il survint une dispute entre les chanoines & les officiers du saint père sur ce que ces premiers vouloient emporter un tapis de broderie dont le roi avoit - 22fait présent à Sa Sainteté pour couvrir son prie-dieu, prétendant qu’il devoit demeurer à l’église. La dispute s’échauffant, des paroles ils en vinrent aux mains, & les chanoisnes estant les plus forts, chargèrent si vivement les officiers du pape qu’il y en eut de tuez. Le roi mesme estant venu pour appaiser le tumulte, pensa estre blessé dans la mélée, de sorte que pour punir les chanoines de leur insolence, le roi convint avec le saint père de les chasser de cette maison & on donna la charge de la réforme à Suger abbé de Saint-Denis, qui tira douze chanoines réguliers de Saint-Victor, pour les mettre dans cette maison à la place des autres. De cette manière, ce chapitre fut changé en abbaïe, dont le premier abbé se nomma Odo. Depuis ce temps-là, la Règle de saint Augustin s’y est toujours conservées dans toute sa pureté & cette maison est devenue la première de toute la congrégation en France ; dont l’abbé est - 23le chef de tout l’ordre, avec les quatres assistants. Autrefois, elle avoit une juridiction particulière aussi bien que Saint-Germain-des-Prez ; mais comme cela causoit beaucoup de désordre & de confusion, on les a réunies toutes au corps du Châtelet. Plusieurs rois ont fait du bien à cette maison, mais celui qui en a fait le plus a esté Robert, qui avoit fait bâtir le vieux cloîstre que l’on a abatu sous François premier, qui enfermoit dix-sept arpen de terre. Cette abbaïe a esté souvent ruinée par les Normans & par les Danois lorqu’elle estoit hors de la ville. Mais la dévotion que les Parisiens avoient pour sainte Geneviève, qu’ils ont prise pour leur patrone, faisoit que les ruines que ces barbares avoient causées estoient réparées fort peu de temps après. Le corps de sainte Geneviève est dans la chasse que l’on voit derrière le grand autel, qui est soutenue sur quatre colonnes ioniques d’un marbre extraordinaire. Elle est - 24de vermeil doré, enrichie de pierreries d’un très grand prix. Le père du Breuil, qui a fait un volume des antiquitez de Paris, dit que ce fut des libéralitez de plusieurs personnes de piété qu’elle a esté faite & que l’orfèvre y emploïa cent quatre-vingts-treize marcs d’argent & huit marcs & demi d’or pour la dorer. La reine mère deffunte, dont la piété paroîtra longtemps en divers endroits de Paris, l’a enrichie d’un bouquet de pierres précieuses d’un prix considérable. Il y a autour des lampes d’argent & diverses figures de même matière, qui sont autant de vœux que l’on a fait à cette sainte.

-

Tout ce qu’il y a de plus curieux dans cette église est le tombeau de Clovis, premier roi chrétien, qui est au milieu du chœur, & sa figure couchée que l’on voit dessus est la mesme qui a esté faite pour lui après sa mort. Depuis quelques années, on l’a élevée de deux piez & demi pour y placer une inscription que voici :

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Clovis, comme on le croit, en est le premier fondateur, qui la dédia à saint Pierre & à saint Paul, 21 dont elle a longtemps porté le nom. Il y mit des chanoines séculiers, qui y demeurèrent jusques sous le règne de Louis le Jeune, dans le XI siècle, qui les contraignit de prendre la Règle de saint Augustin & de vivre en communauté à cause de la vie déréglée qu’ils menoient. On fit venir de Saint-Victor des personnes pour établir cette nouvelle réforme, & monsieur de Mézeray raconte ce qui obligea ce roi à en agir ainsi : il dit que de temps immémorial il y avoit des chanoines séculiers dans cette maison, qui avoient esté affranchis de la visite de l’évesque à la solicitation du roi Robert le Religieux pour estre soumis immédiatement au Saint Siège ; mais qu’il arriva que le pape Eugène IV s’estant venu réfugier en France & estant logé dans cette maison, il survint une dispute entre les chanoines & les officiers du saint père sur ce que ces premiers vouloient emporter un tapis de broderie dont le roi avoit 22fait présent à Sa Sainteté pour couvrir son prie-dieu, prétendant qu’il devoit demeurer à l’église. La dispute s’échauffant, des paroles ils en vinrent aux mains, & les chanoisnes estant les plus forts, chargèrent si vivement les officiers du pape qu’il y en eut de tuez. Le roi mesme estant venu pour appaiser le tumulte, pensa estre blessé dans la mélée, de sorte que pour punir les chanoines de leur insolence, le roi convint avec le saint père de les chasser de cette maison & on donna la charge de la réforme à Suger abbé de Saint-Denis, qui tira douze chanoines réguliers de Saint-Victor, pour les mettre dans cette maison à la place des autres. De cette manière, ce chapitre fut changé en abbaïe, dont le premier abbé se nomma Odo. Depuis ce temps-là, la Règle de saint Augustin s’y est toujours conservées dans toute sa pureté & cette maison est devenue la première de toute la congrégation en France ; dont l’abbé est 23le chef de tout l’ordre, avec les quatres assistants. Autrefois, elle avoit une juridiction particulière aussi bien que Saint-Germain-des-Prez ; mais comme cela causoit beaucoup de désordre & de confusion, on les a réunies toutes au corps du Châtelet. Plusieurs rois ont fait du bien à cette maison, mais celui qui en a fait le plus a esté Robert, qui avoit fait bâtir le vieux cloîstre que l’on a abatu sous François premier, qui enfermoit dix-sept arpen de terre. Cette abbaïe a esté souvent ruinée par les Normans & par les Danois lorqu’elle estoit hors de la ville. Mais la dévotion que les Parisiens avoient pour sainte Geneviève, qu’ils ont prise pour leur patrone, faisoit que les ruines que ces barbares avoient causées estoient réparées fort peu de temps après. Le corps de sainte Geneviève est dans la chasse que l’on voit derrière le grand autel, qui est soutenue sur quatre colonnes ioniques d’un marbre extraordinaire. Elle est 24de vermeil doré, enrichie de pierreries d’un très grand prix. Le père du Breuil, qui a fait un volume des antiquitez de Paris, dit que ce fut des libéralitez de plusieurs personnes de piété qu’elle a esté faite & que l’orfèvre y emploïa cent quatre-vingts-treize marcs d’argent & huit marcs & demi d’or pour la dorer. La reine mère deffunte, dont la piété paroîtra longtemps en divers endroits de Paris, l’a enrichie d’un bouquet de pierres précieuses d’un prix considérable. Il y a autour des lampes d’argent & diverses figures de même matière, qui sont autant de vœux que l’on a fait à cette sainte.

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Tout ce qu’il y a de plus curieux dans cette église est le tombeau de Clovis, premier roi chrétien, qui est au milieu du chœur, & sa figure couchée que l’on voit dessus est la mesme qui a esté faite pour lui après sa mort. Depuis quelques années, on l’a élevée de deux piez & demi pour y placer une inscription que voici :

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- Clodovæo Magno - Regum francorum primo christianoHujus basilicæ fundator.Sepulchrum vulgari olim lapidestructum,Et longo ævo deformatum :Abbas et Convent. meliori opereCultu et forma renovaverunt.

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Le sceptre qu’il tient & la couronne qu’il a sur la teste paroissent avoir esté ajoutez, & les antiquaires ne douteroient plus de l’antiquité des fleurs-de-lis s’ils pouvoient croire que la couronne qui est sur la teste de ce roi fût de son temps, mais les fleurs-de-lis en sont trop bien formées & elles n’ont point du tout l’air d’antiques. L’autel est isolé, c’est à dire que l’on peut tourner tout autour. Le petit tabernacle est une très belle chose. Il est de marbre blanc, en forme de dôme octogone, avec quatre portiques soutenus sur de petites colonnes corin26thiennes de marbre de Sicile, dont les chapiteaux sont de bronze doré à feu, très bien cizelez & de figures d’anges sur piéz-d’estaux, avec d’autres ornemens de mesme. Le corps de ce tabernacle est raporté de diverses pierreries, comme de lapis, d’agate & de semblables. Tout l’ouvrage est soutenu sur un pié en cul-de-lampe d’un marbre bleu très rare. De chaque côté, il y a deux statues : de saint Pierre & de saint Paul, de saint Denis & de saint Augustin, qui sont d’une matière fort différentes du marbre, à cause de sa légèreté, & qui cependant en imite parfaitement bien la blancheur.

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Dans la nef, il y a quelques chapelles qui sont assez belles, ornées de colonnes de marbre. La porte du chœur sur laquelle est le jubé est de mesme, avec des bas-reliefs sur l’attique. Les orgues sont très beaux & la menuiserie en est parfaitement bien travaillée. Les tombeaux les plus considérables, après celui de Clovis, - 27dont on a parlé, sont celui de Clotilde sa femme, que l’on révère comme une sainte à cause qu’elle a esté la principale cause de la conversion de son mari, comme le raporte Grégoire de Tours. Elle est enterrée assez proche des marches du grand autel. Dans une chapelle à côté de la sacristie est le mausolée du cardinal de La Rochefoucault, dont on voit la figure à genou en marbre blanc sur le devant des armes de l’abbaïe de Sainte-Geneviève, dont il est mort abbé. C’est une pièce des mieux travaillées que l’on puisse voir.

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Clodovæo Magno + Regum francorum primo christianoHujus basilicæ fundator.Sepulchrum vulgari olim lapidestructum,Et longo ævo deformatum :Abbas et Convent. meliori opereCultu et forma renovaverunt.

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Le sceptre qu’il tient & la couronne qu’il a sur la teste paroissent avoir esté ajoutez, & les antiquaires ne douteroient plus de l’antiquité des fleurs-de-lis s’ils pouvoient croire que la couronne qui est sur la teste de ce roi fût de son temps, mais les fleurs-de-lis en sont trop bien formées & elles n’ont point du tout l’air d’antiques. L’autel est isolé, c’est à dire que l’on peut tourner tout autour. Le petit tabernacle est une très belle chose. Il est de marbre blanc, en forme de dôme octogone, avec quatre portiques soutenus sur de petites colonnes corin26thiennes de marbre de Sicile, dont les chapiteaux sont de bronze doré à feu, très bien cizelez & de figures d’anges sur piéz-d’estaux, avec d’autres ornemens de mesme. Le corps de ce tabernacle est raporté de diverses pierreries, comme de lapis, d’agate & de semblables. Tout l’ouvrage est soutenu sur un pié en cul-de-lampe d’un marbre bleu très rare. De chaque côté, il y a deux statues : de saint Pierre & de saint Paul, de saint Denis & de saint Augustin, qui sont d’une matière fort différentes du marbre, à cause de sa légèreté, & qui cependant en imite parfaitement bien la blancheur.

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Dans la nef, il y a quelques chapelles qui sont assez belles, ornées de colonnes de marbre. La porte du chœur sur laquelle est le jubé est de mesme, avec des bas-reliefs sur l’attique. Les orgues sont très beaux & la menuiserie en est parfaitement bien travaillée. Les tombeaux les plus considérables, après celui de Clovis, 27dont on a parlé, sont celui de Clotilde sa femme, que l’on révère comme une sainte à cause qu’elle a esté la principale cause de la conversion de son mari, comme le raporte Grégoire de Tours. Elle est enterrée assez proche des marches du grand autel. Dans une chapelle à côté de la sacristie est le mausolée du cardinal de La Rochefoucault, dont on voit la figure à genou en marbre blanc sur le devant des armes de l’abbaïe de Sainte-Geneviève, dont il est mort abbé. C’est une pièce des mieux travaillées que l’on puisse voir.

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- Dans la nef, les étrangers, & généralement tout ceux qui ont quelque respect ou sentimens d’estime pour les grands hommes, seront ravis de lire l’épitaphe du fameux René Descartes, un des plus sçavans & des plus illustres philosophes de ces derniers siècles, que voici :

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Dans la nef, les étrangers, & généralement tout ceux qui ont quelque respect ou sentimens d’estime pour les grands hommes, seront ravis de lire l’épitaphe du fameux René Descartes, un des plus sçavans & des plus illustres philosophes de ces derniers siècles, que voici :

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- Renatus Descartes - Vir supra titulos omnium retro Philosophorum,Nobilis genere, Armoricus gente, Turonicus origine ; In Gallia, Flexiæ studuit :In Pannonia, miles meruit,In Batavia, Philosophus delituit ; In Suecia, vocatus occubuit.Tanti viri preciosas reliquiasGalliarum percelebris tunc Legatus, Petrus Chanut - - Christinæ, sapientissimæ Reginæ, sapientum amatriciInvidere non potuit, nec vindicare patriæ ; Sed quibus licuit cumulatas honoribusPeregrinæs terræ mandavit invitus ; Anno domini 1650, mense Feb. 10. ætatis 54.Tandem, post septem & decem annos,In gratiam Christianissimi Regis - Ludovici Decimi Quarti : - 29Virorum insignium cultoris, & remuneratoris,Procurante Petro Dalibert,Sepulchri pio & amico violatore,Patriæ redditæ sunt.Et in isto urbis & Artium culmine positæ;Ut qui vivus apud exteros otium & famam quæsierat,Mortuus apud suos cum laude quiesceret,Suis & exteris in exemplum & documentum futurus. - J nunc viator.Et divinitatis, immortalitatisque animæ,Maximum & clarum assertorem,Aut jam crede felicem, aut precibus redde.

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Dans la cave de cette église, on verra le tombeau de sainte Geneviève, où il ne reste plus rien du corps de cette sainte, qui est tout entier dans la chasse, jusques aux planches de sa bière. Ce tombeau est - 30de marbre & sans aucun ornemen. À un des bouts, sur un autel qui est entre deux piliers, il y a une croix garnies de quelques agates avec un Ecce Homo au pié d’une seule pièce de corail très bien travaillé. Ces choses viennent du cabinet du révérend - père du Molinet, qui en a fait présent. Il y a encore deux autres tombeaux très anciens de deux évêques de Paris qui sont morts en odeur de sainteté & que l’on invoque mesme pour quelques maladies particulières.

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En sortant de ce lieu, on poura aller à la sacristie, que l’on trouvera très bien garnies d’ornemens de diverses couleurs, qui sont très riches, & d’un grand nombre de pièces d’argenterie. Il n’est pas d’endroit dans le roïaume, & peut-estre dans l’Europe, où l’office divin se célèbre avec plus de dévotion & plus de majesté que dans cette église. Tous les religieux sont d’une régularité très grande & on est édifié de les voir dans les cérémonies de l’Église.

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Renatus Descartes + Vir supra titulos omnium retro Philosophorum,Nobilis genere, Armoricus gente, Turonicus origine ; In Gallia, Flexiæ studuit :In Pannonia, miles meruit,In Batavia, Philosophus delituit ; In Suecia, vocatus occubuit.Tanti viri preciosas reliquiasGalliarum percelebris tunc Legatus, Petrus Chanut + Christinæ, sapientissimæ Reginæ, sapientum amatriciInvidere non potuit, nec vindicare patriæ ; Sed quibus licuit cumulatas honoribusPeregrinæs terræ mandavit invitus ; Anno domini 1650, mense Feb. 10. ætatis 54.Tandem, post septem & decem annos,In gratiam Christianissimi Regis + Ludovici Decimi Quarti : + 29Virorum insignium cultoris, & remuneratoris,Procurante Petro Dalibert,Sepulchri pio & amico violatore,Patriæ redditæ sunt.Et in isto urbis & Artium culmine positæ;Ut qui vivus apud exteros otium & famam quæsierat,Mortuus apud suos cum laude quiesceret,Suis & exteris in exemplum & documentum futurus. + J nunc viator.Et divinitatis, immortalitatisque animæ,Maximum & clarum assertorem,Aut jam crede felicem, aut precibus redde.

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Dans la cave de cette église, on verra le tombeau de sainte Geneviève, où il ne reste plus rien du corps de cette sainte, qui est tout entier dans la chasse, jusques aux planches de sa bière. Ce tombeau est 30de marbre & sans aucun ornemen. À un des bouts, sur un autel qui est entre deux piliers, il y a une croix garnies de quelques agates avec un Ecce Homo au pié d’une seule pièce de corail très bien travaillé. Ces choses viennent du cabinet du révérend + père du Molinet, qui en a fait présent. Il y a encore deux autres tombeaux très anciens de deux évêques de Paris qui sont morts en odeur de sainteté & que l’on invoque mesme pour quelques maladies particulières.

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En sortant de ce lieu, on poura aller à la sacristie, que l’on trouvera très bien garnies d’ornemens de diverses couleurs, qui sont très riches, & d’un grand nombre de pièces d’argenterie. Il n’est pas d’endroit dans le roïaume, & peut-estre dans l’Europe, où l’office divin se célèbre avec plus de dévotion & plus de majesté que dans cette église. Tous les religieux sont d’une régularité très grande & on est édifié de les voir dans les cérémonies de l’Église.

+ 31 -

Dans l’intérieur de la maison, il y a beaucoup de belles choses ; particulièrement en architecture. Depuis dix ans, on y a fait des réparations considérables. La grande porte estoit très incommode & l’on a bâti une autre à la place en manière de double portique, soutenu sur des colonnes doriques d’une proportion très régulière, avec deux pavillons quarrez aux extrémitez. Vis-à-vis cette porte, il y a une fontaine au pié d’une figure de sainte Geneviève dans une manière de niche ou d’arcade, ornée de deux colonnes ioniques. Ensuite, on entre dans le cloistre, ou plutost sous une espèce de portique, soutenu des deux côtez de colonnes doriques comme celles de la première entrée, mais qui sont d’une bien plus belle ordonnance. Au bout de ce portique, long environ de trente pas, on trouve le grand escalier qui conduit aux dortoir, au fond duquel est une figure de Sainte Vierge qui tient l’enfant Jésus - 32entre ses bras. Elle est d’une très belle manière, comme on le remarquera facilement. Les dortoirs n’ont rien de magnifique. On a eu soin seulement d’y faire paroîstre partout beaucoup de propreté, aussi bien que dans les salles basses, où sont plusieurs tableaux des anciens abbés de cette maison. Le jardin est fort agréable, mesme il est le plus grand de tous ceux qui se trouvent dans l’enceinte des anciens murs de Paris. À côté du portique dont on vient de parler, on peut entrer dans une chapelle dédiée à la Sainte Vierge, autour de laquelle on a mis des tableaux de dévotion qui sont assez bien peints. Au milieu est un tombeau élevé d’un pié, sur lequel la figure en bronze d’un ancien évêque revûtu de ses habits pontificaux est couchée. Après ces choses, on doit aller à l’apothiquairie, qui est extraordinairement propre & où il y a de très belles curiositez pour ceux qui se connoissent en ces sortes de choses. - 33Delà, il faut monter à la bibliothèque, que l’on estime à présent comme une des plus belles & des mieux disposées de Paris. Elle occupe le dessus d’une des quatre grandes ailes qui forment tout le batiment. Elle est, à la vérité, un peu élevée pour sa situation, mais en récompense elle n’en est que plus claire. On y verra une très grande quantité de livres rangez dans des armoires d’une très belle menuiserie, avec des busts de tous les grands hommes de l’antiquité, modelez sur ceux qui sont à Versailles. C’est le révérend Père du Molinet, un des plus sçavans & un des plus habiles hommes qui nous aïons aujourd’huy dans la connoissance des livres & dans la belle recherche de l’antiquité, qui en prend le soin. On y conserve une quantité d’estampes, dont une partie vient d’un nommé M. Hacart, qui en estoit très curieux, qui en mourant laissa tout se qu’il avoit amassé à Saint-Victor, à Saint-Germain-des-Prez & à Sainte-Geneviève, - 34mais il y en beaucoup d’autres qui sont des plus rares & des mieux conservées.

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Au bout, on entrera dans le cabinet de ce père, qui est extraordinairement rempli de curiositez. On y en trouvera de toutes les sortes, mais principalement en médailles d’or, d’argent, de grand & petit bronze, très bien choisies, entre lesquelles il y en a de fort rares. On doit considérer cette suite, que ce père a faite lui-mesme, comme la plus complète & la plus ample qui soit en France, après celle du cabinet du roi. Entre plusieurs choses singulières, dans une petite armoire, on verra des couteaux sacrez, dont les anciens se servoient à égorger les victimes ; une patère sur laquelle ils détrempoient la farine avec l’huile & le vin pour froter les bestes que l’on immoloit ; des sphinx ou des idoles que l’on trouve dans les momies ; des clefs antiques ; des stiles dont les Romains se servoient pour écrire ; une table - 35de cuivre, sur laquelle sont attachés des petites boules de ce mesme métail que l’on place comme on veut, & dont on se servoit pour l’arithmétique ; plusieurs sortes de lacrymatoires, ou de fioles de verre, dans lesquelles les Anciens conservoient les larmes des pleureuses que l’on louoit exprès pour assister aux funérailles, avec des petites cuillières de cuivre qu’elles avoient devant elle exprès pour ce sujet. Dans une autre petite armoire à main droite sont toutes sortes de mesures pour les choses liquides & des poids pour peser les marchandises selon l’usage des Anciens. Dans une autre, il conserve tous les poinçons du Parmezan, avec lesquels ce fameux graveur contrefaisoit si bien les médailles antiques que les plus sçavants dans cette science y estoient trompez & prenoient les médailles faites par cet habile ouvrier pour véritables & frapées du temps de ceux qu’elle re - 36présentent. C’est peut-estre une des plus curieuses choses que l’on puisse désirer, & ceux qui se connoissent en médailles l’estiment beaucoup. Avec cela, on poura remarquer plusieurs pièces d’optique de l’invention du père Niseron, minime, dont on a parlé ; le pié d’une petite momie très bien conservée ; quelques poissons extraordinaires ; mais une autre rareté, qui dans les siècles passez auroit esté estimée un trésor tout entier, est une grande corne de licorne, blanche comme de l’yvoire, haute de cinq ou six piez & d’une grosseur très considérable, qui n’est pas moins belle que celle du trésor de Saint-Denis, pour laquelle on dit que la république de Venise envoya offrir autrefois la somme de cent mille écus pour en faire présent à un roi de Perse. Dans un autre petit cabinet, il y a de toutes sortes de pierreries, de coquilles, de pierres de mines très rares & d’autres choses semblables. Vis-à-vis la porte en entrant sont - 37différens habits de plume de péroquet & d’autres oiseaux travaillez avec beaucoup d’artifice, qui viennent de l’Amérique ; une cuirasse & un corselet du Japon, d’une espèce de vernix & d’une forme particulière ; un bouclier de soie apparemment du mesme païs & que l’on trouve guère ailleurs ; un grand nombre de souliers de presque toutes les nations du Levant, qui sont fort différens des nôtres. Il y a une chaîne d’un bois très léger et fort longue, d’une seule pièce ; des pétrifications très curieuses & une pierre composée de diverses pièces, de telle façon qu’on ne peut juger si elle est un ouvrage de l’art ou de la nature. Il y a beaucoup d’autres singularitez à remarquer, comme une mâchoire de poisson d’une grandeur extraordinaire, qui a plusieurs rangs de dents aiguës ; quelques tableaux assez bons & diverses autres choses rares fort bien choisies. Ce révérend père ne se connoît pas seulement en ces sor - 38tes de choses, on voit plusieurs pièces savantes de lui ; comme une défense de Thomas de Kempis, un discours sur la teste de bronze que l’on a trouvée chez monsieur Berrier ; l’histoire des papes par leur médailles ; les ouvrages d’Estienne de Tournay augmentez très considérablement de diverses pièces qui n’avoient pas encore paru, avec un sçavant commentaire qui éclaircit bien des choses, que l’on auroit de la peine à entendre sans son secours ; & enfin l’histoire des lettres romaines établie & justifiée par plusieurs belles antiquitez qu’il a donné cette année 1684 - . Il y a eu beaucoup d’habiles gens dans cette abbaïe, mais entre autres le père Lalleman, qui vivoit il n’y a pas longtemps & qui s’estoit acquis beaucoup de réputation par les livres de dévotion qu’il a composez ; à sçavoir, La mort des Justes, & les saints désirs de la mort, dont la lecture est très touchante. le révérend - père de Creil, qui vit encore, passe pour un - 39des plus sçavant en architecture, & les desseins qu’il a donnez ont esté suivis avec succès ; entre autres ceux des nouveaux embellissemens de cette maison.

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Dans tout le quartier il n’y a rien de curieux, estant presque tout rempli de collèges qui sont de vieilles maisons fort mal bâties.

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Dans l’intérieur de la maison, il y a beaucoup de belles choses ; particulièrement en architecture. Depuis dix ans, on y a fait des réparations considérables. La grande porte estoit très incommode & l’on a bâti une autre à la place en manière de double portique, soutenu sur des colonnes doriques d’une proportion très régulière, avec deux pavillons quarrez aux extrémitez. Vis-à-vis cette porte, il y a une fontaine au pié d’une figure de sainte Geneviève dans une manière de niche ou d’arcade, ornée de deux colonnes ioniques. Ensuite, on entre dans le cloistre, ou plutost sous une espèce de portique, soutenu des deux côtez de colonnes doriques comme celles de la première entrée, mais qui sont d’une bien plus belle ordonnance. Au bout de ce portique, long environ de trente pas, on trouve le grand escalier qui conduit aux dortoir, au fond duquel est une figure de Sainte Vierge qui tient l’enfant Jésus 32entre ses bras. Elle est d’une très belle manière, comme on le remarquera facilement. Les dortoirs n’ont rien de magnifique. On a eu soin seulement d’y faire paroîstre partout beaucoup de propreté, aussi bien que dans les salles basses, où sont plusieurs tableaux des anciens abbés de cette maison. Le jardin est fort agréable, mesme il est le plus grand de tous ceux qui se trouvent dans l’enceinte des anciens murs de Paris. À côté du portique dont on vient de parler, on peut entrer dans une chapelle dédiée à la Sainte Vierge, autour de laquelle on a mis des tableaux de dévotion qui sont assez bien peints. Au milieu est un tombeau élevé d’un pié, sur lequel la figure en bronze d’un ancien évêque revûtu de ses habits pontificaux est couchée. Après ces choses, on doit aller à l’apothiquairie, qui est extraordinairement propre & où il y a de très belles curiositez pour ceux qui se connoissent en ces sortes de choses. 33Delà, il faut monter à la bibliothèque, que l’on estime à présent comme une des plus belles & des mieux disposées de Paris. Elle occupe le dessus d’une des quatre grandes ailes qui forment tout le batiment. Elle est, à la vérité, un peu élevée pour sa situation, mais en récompense elle n’en est que plus claire. On y verra une très grande quantité de livres rangez dans des armoires d’une très belle menuiserie, avec des busts de tous les grands hommes de l’antiquité, modelez sur ceux qui sont à Versailles. C’est le révérend Père du Molinet, un des plus sçavans & un des plus habiles hommes qui nous aïons aujourd’huy dans la connoissance des livres & dans la belle recherche de l’antiquité, qui en prend le soin. On y conserve une quantité d’estampes, dont une partie vient d’un nommé M. Hacart, qui en estoit très curieux, qui en mourant laissa tout se qu’il avoit amassé à Saint-Victor, à Saint-Germain-des-Prez & à Sainte-Geneviève, 34mais il y en beaucoup d’autres qui sont des plus rares & des mieux conservées.

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Au bout, on entrera dans le cabinet de ce père, qui est extraordinairement rempli de curiositez. On y en trouvera de toutes les sortes, mais principalement en médailles d’or, d’argent, de grand & petit bronze, très bien choisies, entre lesquelles il y en a de fort rares. On doit considérer cette suite, que ce père a faite lui-mesme, comme la plus complète & la plus ample qui soit en France, après celle du cabinet du roi. Entre plusieurs choses singulières, dans une petite armoire, on verra des couteaux sacrez, dont les anciens se servoient à égorger les victimes ; une patère sur laquelle ils détrempoient la farine avec l’huile & le vin pour froter les bestes que l’on immoloit ; des sphinx ou des idoles que l’on trouve dans les momies ; des clefs antiques ; des stiles dont les Romains se servoient pour écrire ; une table 35de cuivre, sur laquelle sont attachés des petites boules de ce mesme métail que l’on place comme on veut, & dont on se servoit pour l’arithmétique ; plusieurs sortes de lacrymatoires, ou de fioles de verre, dans lesquelles les Anciens conservoient les larmes des pleureuses que l’on louoit exprès pour assister aux funérailles, avec des petites cuillières de cuivre qu’elles avoient devant elle exprès pour ce sujet. Dans une autre petite armoire à main droite sont toutes sortes de mesures pour les choses liquides & des poids pour peser les marchandises selon l’usage des Anciens. Dans une autre, il conserve tous les poinçons du Parmezan, avec lesquels ce fameux graveur contrefaisoit si bien les médailles antiques que les plus sçavants dans cette science y estoient trompez & prenoient les médailles faites par cet habile ouvrier pour véritables & frapées du temps de ceux qu’elle re 36présentent. C’est peut-estre une des plus curieuses choses que l’on puisse désirer, & ceux qui se connoissent en médailles l’estiment beaucoup. Avec cela, on poura remarquer plusieurs pièces d’optique de l’invention du père Niseron, minime, dont on a parlé ; le pié d’une petite momie très bien conservée ; quelques poissons extraordinaires ; mais une autre rareté, qui dans les siècles passez auroit esté estimée un trésor tout entier, est une grande corne de licorne, blanche comme de l’yvoire, haute de cinq ou six piez & d’une grosseur très considérable, qui n’est pas moins belle que celle du trésor de Saint-Denis, pour laquelle on dit que la république de Venise envoya offrir autrefois la somme de cent mille écus pour en faire présent à un roi de Perse. Dans un autre petit cabinet, il y a de toutes sortes de pierreries, de coquilles, de pierres de mines très rares & d’autres choses semblables. Vis-à-vis la porte en entrant sont 37différens habits de plume de péroquet & d’autres oiseaux travaillez avec beaucoup d’artifice, qui viennent de l’Amérique ; une cuirasse & un corselet du Japon, d’une espèce de vernix & d’une forme particulière ; un bouclier de soie apparemment du mesme païs & que l’on trouve guère ailleurs ; un grand nombre de souliers de presque toutes les nations du Levant, qui sont fort différens des nôtres. Il y a une chaîne d’un bois très léger et fort longue, d’une seule pièce ; des pétrifications très curieuses & une pierre composée de diverses pièces, de telle façon qu’on ne peut juger si elle est un ouvrage de l’art ou de la nature. Il y a beaucoup d’autres singularitez à remarquer, comme une mâchoire de poisson d’une grandeur extraordinaire, qui a plusieurs rangs de dents aiguës ; quelques tableaux assez bons & diverses autres choses rares fort bien choisies. Ce révérend père ne se connoît pas seulement en ces sor 38tes de choses, on voit plusieurs pièces savantes de lui ; comme une défense de Thomas de Kempis, un discours sur la teste de bronze que l’on a trouvée chez monsieur Berrier ; l’histoire des papes par leur médailles ; les ouvrages d’Estienne de Tournay augmentez très considérablement de diverses pièces qui n’avoient pas encore paru, avec un sçavant commentaire qui éclaircit bien des choses, que l’on auroit de la peine à entendre sans son secours ; & enfin l’histoire des lettres romaines établie & justifiée par plusieurs belles antiquitez qu’il a donné cette année 1684 + . Il y a eu beaucoup d’habiles gens dans cette abbaïe, mais entre autres le père Lalleman, qui vivoit il n’y a pas longtemps & qui s’estoit acquis beaucoup de réputation par les livres de dévotion qu’il a composez ; à sçavoir, La mort des Justes, & les saints désirs de la mort, dont la lecture est très touchante. le révérend + père de Creil, qui vit encore, passe pour un 39des plus sçavant en architecture, & les desseins qu’il a donnez ont esté suivis avec succès ; entre autres ceux des nouveaux embellissemens de cette maison.

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Dans tout le quartier il n’y a rien de curieux, estant presque tout rempli de collèges qui sont de vieilles maisons fort mal bâties.

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- est fort proche. Le chapitre de Nostres-Dame & les pères Chartreux en sont les administrateurs. Autrefois, on y entretenoit de pauvres écoliers qui estoient obligez de vivre sous une discipline très rigoureuse, mais à présent elle est changée. Il est bon de sçavoir que le fameux Érasme de Roterdam y a demeuré quelques temps.

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De ce quartier, on doit aller dans la rue Saint-Jacques, qui commence au Petit Châtelet au bout du Petit Pont.

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est fort proche. Le chapitre de Nostres-Dame & les pères Chartreux en sont les administrateurs. Autrefois, on y entretenoit de pauvres écoliers qui estoient obligez de vivre sous une discipline très rigoureuse, mais à présent elle est changée. Il est bon de sçavoir que le fameux Érasme de Roterdam y a demeuré quelques temps.

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De ce quartier, on doit aller dans la rue Saint-Jacques, qui commence au Petit Châtelet au bout du Petit Pont.

- - Le Petit Châtelet - + Le Petit Châtelet

- C’est une manière de forteresse antique, composée d’une grosse - 40masse de bâtimens ouverte au milieu ; qui servoit autrefois de porte à la ville, aussi bien que le Grand Châtelet, du temps que Paris n’avoit que l’étendue de l’isle du Palais. Ce bâtiment a esté réparé par le roi Robert, sous qui la France jouit d’une paix de quarante deux ans, pendant laquelle ce bon prince eut le temps d’amasser de fort grands trésors, qu’il renferma dans cette forteresse, nonobstant les grandes largesses qu’il fit aux églises & les grandes charitez dont il secourut les pauvres. Quelques antiquaires veulent qu’il ne soit pas si ancien & disent qu’il a esté élevé par Aubriot, prévost de Paris, celui-là mesme qui avoit fait construire la Bastille, & que c’estoit pour réprimer l’insolence des écoliers de l’Université qui venoient souvent faire des courses sur les bourgeois & qui causoient de très grand désordres.

- + C’est une manière de forteresse antique, composée d’une grosse 40masse de bâtimens ouverte au milieu ; qui servoit autrefois de porte à la ville, aussi bien que le Grand Châtelet, du temps que Paris n’avoit que l’étendue de l’isle du Palais. Ce bâtiment a esté réparé par le roi Robert, sous qui la France jouit d’une paix de quarante deux ans, pendant laquelle ce bon prince eut le temps d’amasser de fort grands trésors, qu’il renferma dans cette forteresse, nonobstant les grandes largesses qu’il fit aux églises & les grandes charitez dont il secourut les pauvres. Quelques antiquaires veulent qu’il ne soit pas si ancien & disent qu’il a esté élevé par Aubriot, prévost de Paris, celui-là mesme qui avoit fait construire la Bastille, & que c’estoit pour réprimer l’insolence des écoliers de l’Université qui venoient souvent faire des courses sur les bourgeois & qui causoient de très grand désordres.

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- - - La rue Saint-Jacques - + + La rue Saint-Jacques

- Cette rue est presque toute occupée par les libraires, à cause de la proximité de l’Université. La première chose que l’on y trouvera est :

+ Cette rue est presque toute occupée par les libraires, à cause de la proximité de l’Université. La première chose que l’on y trouvera est :

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- , qui est fort ancienne. On le juge ainsi parce que le patron en est lui-mesme le fondateur, qui vivoit sous le grand Clovis, qui le fit venir de Savoie, où il estoit solitaire, pour le guérir d’une fièvre mortelle dont il estoit attaqué & dont il fut délivré par ses prières. Pendant le séjour qu’il fit à Paris, il demeura en cet endroit, qui pour lors estoit une solitude, où il y avoit déjà une petite chapelle dans un bois, dédiée à saint Clément ; où après avoir resté quelques temps, - 42il prit résolution de s’en retourner à sa première demeure. Mais en passant par Château-Landon, une petite ville du Gatinois, où il y avait deux prestres qui vivoient en sainteté, il s’y arrêta & enfin il y mourut deux ans après. Childebert lui fit bâtir une église dans le mesme lieu, qui est à présent une abbaïe de l’ordre de saint Augustin, de la congrégation de sainte Geneviève. L’on ne sçait pas en quel temps l’église de cette paroisse a esté bâtie, mais selon les apparences il n’y a pas plus de deux cent ans. L’on n’y verra rien de curieux, à cause que ce n’est qu’une gottique qui n’est pas des plus régulières & qui est fort obscure en certains endroits. Il y a fort peu de temps que le grand autel est achevé. Il est composé de huit petites colonnes de marbre disposées sur un demi cercle, qui soutiennent un dôme coupé par la moitié, avec quelques ornemens de bronze doré qui font un fort bel effet. Il est de M. Le Brun. Dans le cimetière à côté - 43de l’église est un tombeau élevé sur lequel est la figure à demi couchée d’un jeune seigneur de la Frise orientale, qui mourut estant écolier de l’Université. Il se nommoit Embda. Voici les deux épitaphes qui y sont. Il a esté bâti par les soins de sa mère, qui fut extraordinairement touchée de sa mort parce qu’il estoit fils unique & présomptif héritier de la principauté de Frise.

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, qui est fort ancienne. On le juge ainsi parce que le patron en est lui-mesme le fondateur, qui vivoit sous le grand Clovis, qui le fit venir de Savoie, où il estoit solitaire, pour le guérir d’une fièvre mortelle dont il estoit attaqué & dont il fut délivré par ses prières. Pendant le séjour qu’il fit à Paris, il demeura en cet endroit, qui pour lors estoit une solitude, où il y avoit déjà une petite chapelle dans un bois, dédiée à saint Clément ; où après avoir resté quelques temps, 42il prit résolution de s’en retourner à sa première demeure. Mais en passant par Château-Landon, une petite ville du Gatinois, où il y avait deux prestres qui vivoient en sainteté, il s’y arrêta & enfin il y mourut deux ans après. Childebert lui fit bâtir une église dans le mesme lieu, qui est à présent une abbaïe de l’ordre de saint Augustin, de la congrégation de sainte Geneviève. L’on ne sçait pas en quel temps l’église de cette paroisse a esté bâtie, mais selon les apparences il n’y a pas plus de deux cent ans. L’on n’y verra rien de curieux, à cause que ce n’est qu’une gottique qui n’est pas des plus régulières & qui est fort obscure en certains endroits. Il y a fort peu de temps que le grand autel est achevé. Il est composé de huit petites colonnes de marbre disposées sur un demi cercle, qui soutiennent un dôme coupé par la moitié, avec quelques ornemens de bronze doré qui font un fort bel effet. Il est de M. Le Brun. Dans le cimetière à côté 43de l’église est un tombeau élevé sur lequel est la figure à demi couchée d’un jeune seigneur de la Frise orientale, qui mourut estant écolier de l’Université. Il se nommoit Embda. Voici les deux épitaphes qui y sont. Il a esté bâti par les soins de sa mère, qui fut extraordinairement touchée de sa mort parce qu’il estoit fils unique & présomptif héritier de la principauté de Frise.

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Nobilitate generis Comitum Orientalis Phrisiæ & animi corporisque dotibus præclaro, D. Ennoni de Embda, civitatis Embdensis Præposito, ac electo Satrapæ, propter certam hujus corporis resurrecturi spem, ac in amoris sinceri testimonium, avia, materque pia unico suo filio, qui hic ex studiorum cursu patriæ ac amicis omnibus magno cum luctu, anno ætatis suæ XXIII. morte præceptus est, hoc monumentum statuerunt.

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- - Anno Domini 1545. 18. Juli - .

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Nobilitate generis Comitum Orientalis Phrisiæ & animi corporisque dotibus præclaro, D. Ennoni de Embda, civitatis Embdensis Præposito, ac electo Satrapæ, propter certam hujus corporis resurrecturi spem, ac in amoris sinceri testimonium, avia, materque pia unico suo filio, qui hic ex studiorum cursu patriæ ac amicis omnibus magno cum luctu, anno ætatis suæ XXIII. morte præceptus est, hoc monumentum statuerunt.

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Anno Domini 1545. 18. Juli .

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De l’autre côté sont ces vers.

- - - Quid fuerint nostra, hæc recubans commonstrat imago, - Quid sim, quam teneo, putrida calva docet. - Peccati hanc pœnam nobis ingenuere parentes, - Cujus sed Christus solvere vincla venit. - Hunc mihi viventi spes, qui fuit & morienti, - Æternum corpus, quale habet ille, dabit. - Peccati, fidei, Christique hinc perspice vires, - Ut te mortifices, vivificetque Deus. - - -

De l’autre côté de la rue Saint-Jacques, à l’entrée de la rue Galande qui y vient aboutir, il y a une fort ancienne église nommée :

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De l’autre côté sont ces vers.

+ + Quid fuerint nostra, hæc recubans commonstrat imago, + Quid sim, quam teneo, putrida calva docet. + Peccati hanc pœnam nobis ingenuere parentes, + Cujus sed Christus solvere vincla venit. + Hunc mihi viventi spes, qui fuit & morienti, + Æternum corpus, quale habet ille, dabit. + Peccati, fidei, Christique hinc perspice vires, + Ut te mortifices, vivificetque Deus. + +

De l’autre côté de la rue Saint-Jacques, à l’entrée de la rue Galande qui y vient aboutir, il y a une fort ancienne église nommée :

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- , qui sans doute estoit autrefois un hôpital. Grégoire de Tours en parle au livre 9 chapitre 9 de ses œuvres, & - 45dit que venant à Paris pour quelques affaires particulières, il logea en cet endroit dans le mesme temps qu’on prit un fourbe insigne qui se vantoit d’avoir apporté d’Espagne des reliques précieuses, entres autres de saint Vincent & de saint Félix, avec lesquelles il vouloit sans doute abuser de la bonne foi des Parisiens. Mais quand on vint à examiner ses prétendues reliques, on ne trouva dans son sac que des racines de diverses plantes, des dents de taupes, des os de souris, de la graisse & des ongles d’ours. Comme on appréhendoit que toutes ces choses ne lui servissent à faire de la magie, on les jetta dans la rivière. Ce fourbe fut mis dans une étroite prison où il fut chargé de chaînes, selon la coutume de ce temps-là. Ces choses arrivèrent sous le règne de Chilpéric, qui fut malheureusement tué en entrant dans son palais à Chelles comme il revenoit de la chasse, vers l’année 584.

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En avançant plus avant est :

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, qui sans doute estoit autrefois un hôpital. Grégoire de Tours en parle au livre 9 chapitre 9 de ses œuvres, & 45dit que venant à Paris pour quelques affaires particulières, il logea en cet endroit dans le mesme temps qu’on prit un fourbe insigne qui se vantoit d’avoir apporté d’Espagne des reliques précieuses, entres autres de saint Vincent & de saint Félix, avec lesquelles il vouloit sans doute abuser de la bonne foi des Parisiens. Mais quand on vint à examiner ses prétendues reliques, on ne trouva dans son sac que des racines de diverses plantes, des dents de taupes, des os de souris, de la graisse & des ongles d’ours. Comme on appréhendoit que toutes ces choses ne lui servissent à faire de la magie, on les jetta dans la rivière. Ce fourbe fut mis dans une étroite prison où il fut chargé de chaînes, selon la coutume de ce temps-là. Ces choses arrivèrent sous le règne de Chilpéric, qui fut malheureusement tué en entrant dans son palais à Chelles comme il revenoit de la chasse, vers l’année 584.

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En avançant plus avant est :

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- , bâtie en 1347 par les soins d’une célèbre confrérie de bretons qui estoit pour lors à Paris & qui faisoit faire le service divin tous les jours par des ecclésiastiques gagez. À côté de cette chapelle est :

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, bâtie en 1347 par les soins d’une célèbre confrérie de bretons qui estoit pour lors à Paris & qui faisoit faire le service divin tous les jours par des ecclésiastiques gagez. À côté de cette chapelle est :

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, que l’on a élargie depuis peu ; ce qui la rend plus commode qu’elle n’estoit auparavant.

- - Les Mathurins - + Les Mathurins

- Le couvent de ces pères est un peu plus haut, de l’autre côté de la rue. Saint Louis en est le fondateur. Ils sont de l’ordre de la Sainte Trinité de la Rédemption des captifs, & leur principal institut est d’aller en Barbarie racheter des esclaves chrétiens des mains des infidèles & de leur procurer la liberté. De temps en temps, il y font des voïages par le secours des personnes pieuses, qui contribuent aux dépences qu’ils sont obligez de faire, & il n’y a pas long - 47temps qu’ils en ont ramené un bon nombre que l’on a vu ici avec beaucoup d’édification. Leur église est fort claire, quoiqu’elle ne soit pas d’un dessein moderne. Elle a esté bâtie comme on la voit par les soins de Robert Gaguin, ministre & général de tout l’ordre, qui estoit un illustre de son temps & qui a composé plusieurs livres, entre autres l’Histoire de Louis XII. On croit pourtant que cette église estoit déjà commencée avant lui & que c’est par ses soins qu’elle a esté achevée. Il est enterré au milieu du chœur. Autrefois on y voïoit son épitaphe, mais comme cette église a esté rehaussée il n’est plus dans le mesme endroit. Le voici :

- -

Illustris Gallo nutuit qui splendor in orbe Hic sua Robertus membra Gaguinus habet. Si tanto non sæva viro Libitina pepercit, Quid speret docti cætera turbachori ? - Anno a natali Christi millesimo - 48Quingentesimo primo, vigesima secunda Maii. -

-
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Dans le cloîstre, il y a aussi quelques tombeaux, entre autres celui de Sacro-Bosco, très célèbre mathématicien. Voici son épitaphe :

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- De Sacro Bosco, qui compotista Joannes - Tempora discrevit, jacet hic à tempore raptus ; Tempore qui sequeris memor esto quod morieris ; Si miser es plora ; miserans pro me precor ora.

-
-

Tout proche est encore l’épitaphe d’un célèbre jurisconsulte, qui avoit esté le maître de Papirius Masson.

- -

- Cujaci ! -

-

- Balduinus hic jacet, hoc tecum reputa & vale. Mortuis vobis Jurisprudentiam corripiet gravis sopor.

-

- Franciscus Balduinus Jurisconsultus obiit, anno ætatis suæ 53. 9 Kalend. - 49Novemb. Anno à partu Virginis 1573 Papirius Massonius Jurisconsultus, Balduini Auditore, Tumulum posuit.

-
-

Enfin, celui de deux écoliers nommez Léger Moussel & Olivier Bourgeois, qui furent pendus à Montfaucon en 1408, le dix-sept de may, par sentence du prévost de Paris, sans avoir égard aux privilège de l’Université, qui demanda cette célèbre satisfaction dont on a parlé dans la page 6 de ce volumes. Mais depuis quelques années, on a fait beaucoup d’embellissemens très considérables dans cette église. Le grand autel est orné de colonnes de marbre d’une couleur rougeâtre, fort rare ; le petit tabernacle qui est dessus est aussi très beau ; les deux petits autels qui sont aux côtéz du grand sont de mesme, ornés de colonnes très bien travaillées. Le chœur de cette église est séparé de la nef par une espèce de balustrade, ou plutost par six colonnes ioniques de marbre, qui soutiennent une corniche - 50sur laquelle il y a des figures de petits anges très bien dessinées. Le reste de l’église est revêtu d’une menuiserie chargée de sculpture où il y a quantité de grenades, qui sont les armes du général d’à présent, qui a fait la dépence de toutes ces nouvelles réparations. C’est dans le chapitre de ce couvent que s’assemble l’Université lorsqu’elle doit faire ses processions ; ce qui arrive ordinairement tous les trois mois. Le recteur ne manque jamais de s’y trouver. Il est mesme obligé de donner une somme à tous ceux qui y assistent. C’est une chose que les étrangers doivent voir & qui est digne de leur curiosité, parce que cette procession est très nombreuse & qu’elle marche dans un fort bel ordre : Les quatre facultéz sont obligées de s’y trouver dans l’habit qui leur est particulier. L’argent que le recteur débourse dans ce rencontre est pris sur les revenus de l’Université, qui sont de cinquante mille francs affectez sur les message - 51ries de quelques villes du roïaume & sur des maisons situées en divers endroits de Paris. Autrefois, elle possédoit de bien plus grands revenus, mais elle les a perdus par la négligence de ceux qui en ont eu l’administration dans les derniers temps.

+ Le couvent de ces pères est un peu plus haut, de l’autre côté de la rue. Saint Louis en est le fondateur. Ils sont de l’ordre de la Sainte Trinité de la Rédemption des captifs, & leur principal institut est d’aller en Barbarie racheter des esclaves chrétiens des mains des infidèles & de leur procurer la liberté. De temps en temps, il y font des voïages par le secours des personnes pieuses, qui contribuent aux dépences qu’ils sont obligez de faire, & il n’y a pas long 47temps qu’ils en ont ramené un bon nombre que l’on a vu ici avec beaucoup d’édification. Leur église est fort claire, quoiqu’elle ne soit pas d’un dessein moderne. Elle a esté bâtie comme on la voit par les soins de Robert Gaguin, ministre & général de tout l’ordre, qui estoit un illustre de son temps & qui a composé plusieurs livres, entre autres l’Histoire de Louis XII. On croit pourtant que cette église estoit déjà commencée avant lui & que c’est par ses soins qu’elle a esté achevée. Il est enterré au milieu du chœur. Autrefois on y voïoit son épitaphe, mais comme cette église a esté rehaussée il n’est plus dans le mesme endroit. Le voici :

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Illustris Gallo nutuit qui splendor in orbe Hic sua Robertus membra Gaguinus habet. Si tanto non sæva viro Libitina pepercit, Quid speret docti cætera turbachori ? + Anno a natali Christi millesimo + 48Quingentesimo primo, vigesima secunda Maii.

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Dans le cloîstre, il y a aussi quelques tombeaux, entre autres celui de Sacro-Bosco, très célèbre mathématicien. Voici son épitaphe :

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De Sacro Bosco, qui compotista Joannes + Tempora discrevit, jacet hic à tempore raptus ; Tempore qui sequeris memor esto quod morieris ; Si miser es plora ; miserans pro me precor ora.

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Tout proche est encore l’épitaphe d’un célèbre jurisconsulte, qui avoit esté le maître de Papirius Masson.

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Cujaci !

+ Balduinus hic jacet, hoc tecum reputa & vale. Mortuis vobis Jurisprudentiam corripiet gravis sopor.

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Franciscus Balduinus Jurisconsultus obiit, anno ætatis suæ 53. 9 Kalend. 49Novemb. Anno à partu Virginis 1573 Papirius Massonius Jurisconsultus, Balduini Auditore, Tumulum posuit.

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Enfin, celui de deux écoliers nommez Léger Moussel & Olivier Bourgeois, qui furent pendus à Montfaucon en 1408, le dix-sept de may, par sentence du prévost de Paris, sans avoir égard aux privilège de l’Université, qui demanda cette célèbre satisfaction dont on a parlé dans la page 6 de ce volumes. Mais depuis quelques années, on a fait beaucoup d’embellissemens très considérables dans cette église. Le grand autel est orné de colonnes de marbre d’une couleur rougeâtre, fort rare ; le petit tabernacle qui est dessus est aussi très beau ; les deux petits autels qui sont aux côtéz du grand sont de mesme, ornés de colonnes très bien travaillées. Le chœur de cette église est séparé de la nef par une espèce de balustrade, ou plutost par six colonnes ioniques de marbre, qui soutiennent une corniche 50sur laquelle il y a des figures de petits anges très bien dessinées. Le reste de l’église est revêtu d’une menuiserie chargée de sculpture où il y a quantité de grenades, qui sont les armes du général d’à présent, qui a fait la dépence de toutes ces nouvelles réparations. C’est dans le chapitre de ce couvent que s’assemble l’Université lorsqu’elle doit faire ses processions ; ce qui arrive ordinairement tous les trois mois. Le recteur ne manque jamais de s’y trouver. Il est mesme obligé de donner une somme à tous ceux qui y assistent. C’est une chose que les étrangers doivent voir & qui est digne de leur curiosité, parce que cette procession est très nombreuse & qu’elle marche dans un fort bel ordre : Les quatre facultéz sont obligées de s’y trouver dans l’habit qui leur est particulier. L’argent que le recteur débourse dans ce rencontre est pris sur les revenus de l’Université, qui sont de cinquante mille francs affectez sur les message 51ries de quelques villes du roïaume & sur des maisons situées en divers endroits de Paris. Autrefois, elle possédoit de bien plus grands revenus, mais elle les a perdus par la négligence de ceux qui en ont eu l’administration dans les derniers temps.

Après, on passera devant :

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- , que l’on tient avoir esté fondée par saint Denis, qui la dédia à la Sainte Trinité. Si cela est, l’on ne peut douter qu’elle ne soit d’une très haute antiquité. Elle est occupée par des chanoines séculiers qui sont obligez les jours des grandes festes de venir en corps accompagner les chanoines de Nostre-Dame lorsqu’ils font les grandes processions. L’édifice n’a rien de beau ; il a esté élevé à diverses reprises. La nef fut bâtie sous François premier, & depuis quatre ans le chœur a esté refait tout de neuf, assez proprement. En dedans, il est embelli de pilastres corinthiens qui soutiennent une corniche d’un assez - 52bon goûst. Cette église est fort claire & n’a pas le deffaut qu’elle avoit autrefois, qui estoit que le grand autel estoit tourné du côté de l’occident. Lorsque dans le siècle passé l’on commença à la rebâtir, on changea entièrement cette disposition, ce qui fit qu’on la nomma Saint-Benoist-le-Bien-Tourné ; car en ce temps-là on estoit fort exact à tourner les églises du côté de l’orient, & mesme on s’en faisoit une espèce de scrupule.

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, que l’on tient avoir esté fondée par saint Denis, qui la dédia à la Sainte Trinité. Si cela est, l’on ne peut douter qu’elle ne soit d’une très haute antiquité. Elle est occupée par des chanoines séculiers qui sont obligez les jours des grandes festes de venir en corps accompagner les chanoines de Nostre-Dame lorsqu’ils font les grandes processions. L’édifice n’a rien de beau ; il a esté élevé à diverses reprises. La nef fut bâtie sous François premier, & depuis quatre ans le chœur a esté refait tout de neuf, assez proprement. En dedans, il est embelli de pilastres corinthiens qui soutiennent une corniche d’un assez 52bon goûst. Cette église est fort claire & n’a pas le deffaut qu’elle avoit autrefois, qui estoit que le grand autel estoit tourné du côté de l’occident. Lorsque dans le siècle passé l’on commença à la rebâtir, on changea entièrement cette disposition, ce qui fit qu’on la nomma Saint-Benoist-le-Bien-Tourné ; car en ce temps-là on estoit fort exact à tourner les églises du côté de l’orient, & mesme on s’en faisoit une espèce de scrupule.

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- De l’autre côté de la rue Saint-Jacques, vis-à-vis le derrière du chœur de cette église, est une petite place à l’entrée de laquelle il y a une fontaine qui en porte le nom. On nomme cette place La terre de Cambray, à cause d’un collège du mesme nom qui y est. L’on y voit aussi :

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De l’autre côté de la rue Saint-Jacques, vis-à-vis le derrière du chœur de cette église, est une petite place à l’entrée de laquelle il y a une fontaine qui en porte le nom. On nomme cette place La terre de Cambray, à cause d’un collège du mesme nom qui y est. L’on y voit aussi :

- , dont le premier fondateur a esté François premier, le père & le restaurateur des lettres en France. C’est lui qui institua la plupart des lecteurs en droit & en médecine qui y sont, & - 53qui fit venir les plus habiles gens qu’il put trouver pour y enseigner les mathématiques, la philosophie, la langue grecque, la latine, la syriaque & l’hébraïque. Il avoit résolu d’y faire élever un grand bâtiment, mais son dessein n’ayant pas esté exécuté à cause des grandes dépences qu’il fut obligé de faire pour soutenir les guerres qu’il avoit sur toutes les frontières du roïaume, & principalement en Italie, il laissa cet ouvrage à achever à son fils, Henry second, qui le négligea, ou du moins qui n’eut pas la commodité de le faire. Les professeurs, pendant tout ce temps-là, donnoient leçon dans le collège de Cambray & demeurèrent en cet état jusques sous Henri le Grand, qui en l’année 1609, le 13 novembre, envoïa le cardinal du Perron ; le duc de Suilly, premier ministre ; le président de Thou ; & un conseiller du Parlement nommé monsieur Gillot, pour voir la situation du lieu & s’il y avoit assez de place pour élever le bâtiment que l’on - 54avoit projetté. Il devoit estre composé d’un corps de logis acompagné de deux ailes avec une cour, au milieu de laquelle il y devoit avoir une fontaine. Le bas étoit destiné pour les classes, & le premier étage, d’un côté pour y mettre la Bibliotèque roïale, qui estoit pour lors à Fontainebleau & qui est à présent dans la rue Vivien ; les professeurs y devoient aussi estre logez, ce qui eut esté d’une très grande commodité. Mais ces beaux projets ne purent estre exécutez à cause de la mort tragique de ce grand roi, qui fut enlevé à la France dans le temps que l’on y pensoit le moins. La reine Marie de Médicis, son illustre épouse, pour seconder le zèle du roi son mari, voulut achever ce qu’il avoit commencé ; & elle-mesme, avec Louis XIII son fils, qui n’avoit à lors que neuf ans, se transporta sur le lieu. Le jeune roi y mit la première pierre & l’on travailla à cet ouvrage avec chaleur. Mais enfin il fut encore interrompu & il est resté comme on le - 55voit, sans que l’on ait songé depuis ce temps-là à le continuer. II n’y a qu’un côté de fait, qui est dans le mesme endroit où estoit autrefois le collège de Tréguier. Les professeurs sont gagez du roi & sont une espèce de corps séparé de l’Université, à laquelle ils sont cependant soumis. Ils ont les mesmes privilèges que les officiers de la maison du roi & il n’est pas permis au recteur de les déposer ny de leur défendre la chaire ; ce qu’il peut faire à tous les autres. Il y a toujours eu des personnes choisies & d’un extraordinaire mérite.

-

En langue greque, les plus illustres ont esté Adrien Turnebe, natif d’Andeli en Normandie, qui mourut en 1565 âgé seulement de cinquante-trois ans ; Denis Lambin lui succéda, qui a laissé de très beaux ouvrages.

-

En langue hébraïque, François Vatable, picard d’origine, qui a fait plusieurs commentaires sur divers auteurs, qui sont fort estimez ; Gilbert - 56Genebrard, docteur en théologie, de l’ordre de saint Benoist & prieur de Saint-Denis-de-la-Chartre, proche le pont Nostre-Dame. II fut choisi pour estre archevêque d’Aix-en-Provence & mourut dans le mois de mars de l’année 1597. On voit de lui un grand nombre d’ouvrages, dont le catalogue est à la fin du livre intitulé : la Liturgie sainte. Le nommé Calignon, pour la mesme langue, dont on a une grammaire qui est fort estimée ; Raoul de Bayne - , anglois qui a laissé trois livres de commentaires sur Salomon, selon la phrase hébraïque, qu’il dédia à Henri second + , dont le premier fondateur a esté François premier, le père & le restaurateur des lettres en France. C’est lui qui institua la plupart des lecteurs en droit & en médecine qui y sont, & 53qui fit venir les plus habiles gens qu’il put trouver pour y enseigner les mathématiques, la philosophie, la langue grecque, la latine, la syriaque & l’hébraïque. Il avoit résolu d’y faire élever un grand bâtiment, mais son dessein n’ayant pas esté exécuté à cause des grandes dépences qu’il fut obligé de faire pour soutenir les guerres qu’il avoit sur toutes les frontières du roïaume, & principalement en Italie, il laissa cet ouvrage à achever à son fils, Henry second, qui le négligea, ou du moins qui n’eut pas la commodité de le faire. Les professeurs, pendant tout ce temps-là, donnoient leçon dans le collège de Cambray & demeurèrent en cet état jusques sous Henri le Grand, qui en l’année 1609, le 13 novembre, envoïa le cardinal du Perron ; le duc de Suilly, premier ministre ; le président de Thou ; & un conseiller du Parlement nommé monsieur Gillot, pour voir la situation du lieu & s’il y avoit assez de place pour élever le bâtiment que l’on 54avoit projetté. Il devoit estre composé d’un corps de logis acompagné de deux ailes avec une cour, au milieu de laquelle il y devoit avoir une fontaine. Le bas étoit destiné pour les classes, & le premier étage, d’un côté pour y mettre la Bibliotèque roïale, qui estoit pour lors à Fontainebleau & qui est à présent dans la rue Vivien ; les professeurs y devoient aussi estre logez, ce qui eut esté d’une très grande commodité. Mais ces beaux projets ne purent estre exécutez à cause de la mort tragique de ce grand roi, qui fut enlevé à la France dans le temps que l’on y pensoit le moins. La reine Marie de Médicis, son illustre épouse, pour seconder le zèle du roi son mari, voulut achever ce qu’il avoit commencé ; & elle-mesme, avec Louis XIII son fils, qui n’avoit à lors que neuf ans, se transporta sur le lieu. Le jeune roi y mit la première pierre & l’on travailla à cet ouvrage avec chaleur. Mais enfin il fut encore interrompu & il est resté comme on le 55voit, sans que l’on ait songé depuis ce temps-là à le continuer. II n’y a qu’un côté de fait, qui est dans le mesme endroit où estoit autrefois le collège de Tréguier. Les professeurs sont gagez du roi & sont une espèce de corps séparé de l’Université, à laquelle ils sont cependant soumis. Ils ont les mesmes privilèges que les officiers de la maison du roi & il n’est pas permis au recteur de les déposer ny de leur défendre la chaire ; ce qu’il peut faire à tous les autres. Il y a toujours eu des personnes choisies & d’un extraordinaire mérite.

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En langue greque, les plus illustres ont esté Adrien Turnebe, natif d’Andeli en Normandie, qui mourut en 1565 âgé seulement de cinquante-trois ans ; Denis Lambin lui succéda, qui a laissé de très beaux ouvrages.

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En langue hébraïque, François Vatable, picard d’origine, qui a fait plusieurs commentaires sur divers auteurs, qui sont fort estimez ; Gilbert + 56Genebrard, docteur en théologie, de l’ordre de saint Benoist & prieur de Saint-Denis-de-la-Chartre, proche le pont Nostre-Dame. II fut choisi pour estre archevêque d’Aix-en-Provence & mourut dans le mois de mars de l’année 1597. On voit de lui un grand nombre d’ouvrages, dont le catalogue est à la fin du livre intitulé : la Liturgie sainte. Le nommé Calignon, pour la mesme langue, dont on a une grammaire qui est fort estimée ; Raoul de Bayne + , anglois qui a laissé trois livres de commentaires sur Salomon, selon la phrase hébraïque, qu’il dédia à Henri second .

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Pour les mathématiques, Oronce Finé, de la ville de Briançon en Dauphiné, & Paschal du Hamel qui lui succéda.

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Dans l’éloquence latine, Barthélemy Latomus & Jean Passerat.

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- François Vicomereat, originaire de Vérone, & Pierre de La Ramée, de Cuth en Vermandois, ont esté les - 57deux plus célèbres de ceux qui y ont enseigné la philosophie qui vivoient en 1568.

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Enfin, ceux qui ont le plus excellé en médecine sont Vidus Vidius ; Jacques Silvius, d’Amiens ; & Jean Rioland. Voila ceux dont les noms sont les plus connus à cause des ouvrages qu’ils ont laissez. On auroit de la peine sans doute à trouver un collège où y ait eu plus de sçavans que dans celui-ci, quoiqu’il ne soit pas d’une fort grande antiquité. Vis- à-vis est :

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Pour les mathématiques, Oronce Finé, de la ville de Briançon en Dauphiné, & Paschal du Hamel qui lui succéda.

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Dans l’éloquence latine, Barthélemy Latomus & Jean Passerat.

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François Vicomereat, originaire de Vérone, & Pierre de La Ramée, de Cuth en Vermandois, ont esté les 57deux plus célèbres de ceux qui y ont enseigné la philosophie qui vivoient en 1568.

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Enfin, ceux qui ont le plus excellé en médecine sont Vidus Vidius ; Jacques Silvius, d’Amiens ; & Jean Rioland. Voila ceux dont les noms sont les plus connus à cause des ouvrages qu’ils ont laissez. On auroit de la peine sans doute à trouver un collège où y ait eu plus de sçavans que dans celui-ci, quoiqu’il ne soit pas d’une fort grande antiquité. Vis- à-vis est :

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- , qui dépend de l’ordre de Malte. C’est un grand espace rempli de maisons mal bâties, où logent toutes sortes d’ouvriers qui ne sont pas maîtres & qui peuvent travailler sans estre inquiétez par les jurez de la ville. Ce qu’il faut y voir est le tombeau de monsieur de Souvré, celui-là mesme qui est mort grand prieur de France & qui a fait bâtir la belle maison qui est au Tem58ple quelques années avant sa mort ; & n’estant encore que commandeur de Saint-Jean-de-Latran, il fit faire le tombeau que l’on verra dans l’église, qui est tout de marbre, où son effigie est couchée sur une grande urne de mesme, acompagnée de deux termes sortans de leurs guènes, qui sont canelées & très bien travaillées. Tout cet ouvrage est parfaitement beau & d’un dessein fort singulier. Il est de M. Anguerre, un des plus habiles sculpteurs que la France ait jamais eu. Le corps de monsieur de Souvré n’a point esté enterré en cet endroit, on y a seulement mis son cœur. Tout le reste n’a rien de remarquable. L’église où est ce monument est très ancienne & fort mal bâtie.

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En sortant de ce lieu, il faut reprendre le chemin de la rue Saint-Jacques, on y trouvera ensuite :

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, qui dépend de l’ordre de Malte. C’est un grand espace rempli de maisons mal bâties, où logent toutes sortes d’ouvriers qui ne sont pas maîtres & qui peuvent travailler sans estre inquiétez par les jurez de la ville. Ce qu’il faut y voir est le tombeau de monsieur de Souvré, celui-là mesme qui est mort grand prieur de France & qui a fait bâtir la belle maison qui est au Tem 58ple quelques années avant sa mort ; & n’estant encore que commandeur de Saint-Jean-de-Latran, il fit faire le tombeau que l’on verra dans l’église, qui est tout de marbre, où son effigie est couchée sur une grande urne de mesme, acompagnée de deux termes sortans de leurs guènes, qui sont canelées & très bien travaillées. Tout cet ouvrage est parfaitement beau & d’un dessein fort singulier. Il est de M. Anguerre, un des plus habiles sculpteurs que la France ait jamais eu. Le corps de monsieur de Souvré n’a point esté enterré en cet endroit, on y a seulement mis son cœur. Tout le reste n’a rien de remarquable. L’église où est ce monument est très ancienne & fort mal bâtie.

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En sortant de ce lieu, il faut reprendre le chemin de la rue Saint-Jacques, on y trouvera ensuite :

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- , que l’on nommoit autrefois le collège de Saint-Martin à cause que son - 59premier fondateur, nommé Geoffroy du Plessis, secrétaire du pape Jean XXII, avoit une très grande dévotion à ce saint ; mais le cardinal de Richelieu, pour éterniser sa mémoire, lui a fait restituer son non & l’a fait nommer le collège du Plessis-de-Richelieu, après l’avoir fait rebâtir magnifiquement. Il est celui de l’Université dont les logemens soient les plus beaux & les mieux ordonnez.

-

II est aussi le plus rempli de pensionnaires & d’écoliers. Messieurs de Sorbonne en ont la direction & ce sont eux qui y mettent le principal & les régens. Un peu plus haut est :

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, que l’on nommoit autrefois le collège de Saint-Martin à cause que son 59premier fondateur, nommé Geoffroy du Plessis, secrétaire du pape Jean XXII, avoit une très grande dévotion à ce saint ; mais le cardinal de Richelieu, pour éterniser sa mémoire, lui a fait restituer son non & l’a fait nommer le collège du Plessis-de-Richelieu, après l’avoir fait rebâtir magnifiquement. Il est celui de l’Université dont les logemens soient les plus beaux & les mieux ordonnez.

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II est aussi le plus rempli de pensionnaires & d’écoliers. Messieurs de Sorbonne en ont la direction & ce sont eux qui y mettent le principal & les régens. Un peu plus haut est :

- - Le collège des Jésuites - + Le collège des Jésuites

Sur la porte duquel on voit cette belle inscription :

- -

- Collegium Ludovici Magni.

-
-

Autrefois on le nommoit le collège de Clermont, ayant esté fondé pour les écoliers de cette ville à l’imitation de quelques autres de l’Univer - 60sité. Dans le siècle passé, messire Guillaume Duprat, évêque de la même ville, s’estant trouvé au concile de Trente de la part de la France, fit une particulière liaison avec quelques pères jésuites qu’il trouva à cette célèbre assemblé. Il conçut une si haute estime de leur sçavoir & de leur piété qu’il les fit venir en France pour instruire la Jeunesse dans les lettres humaines, & surtout dans la pureté de la religion romaine, qui pour lors estoit troublée de l’hérésie de Luther & de Calvin. Ce prélat amena avec lui à Paris le père Paquier Broüet, avec quelques autres de la mesme société, qu’il logea pendant son vivant dans sa maison. Mais estant venu a ̀mourir, il leur laissa par testament trois mille livres de rente & une somme d’argent très considérable, dont ils achetèrent une place vuide dans la rue Saint-Jacques, qui est le lieu où ils sont, que l’on nommoit pour lors la cour de Langres & qu’ils appellèrent le collège de Clermont, - 61à cause que leur bienfaicteur étoit évêque de cette ville. Henri III voulut y mettre la première pierre, sur laquelle on avoit gravé cette inscription :

- -

Religionis amplificandæ studio, Henricus III Christianiss. Rex Franciæ atque Poloniæ, in augustiss. Jesu Nonem pietatis suæ monumentum hunc primum lapidem, in ejus Templi fundamentum conjecit.

-

Anno Domini 1582, die 20 Aprilis.

-
-

On ne remarque rien de singulier dans tout le bâtiment de ce collège, cependant il y a bien des choses à y observer que l’on ne trouvera point ailleurs. Premièrement, la quantité de logemens & de chambres qui y sont remplies jusques aux moindres endroits & qui sont ménagées avec une très grande industrie. Le grand nombre de pensionnaires, qui la plupart sont de qualité, outre la multitude d’écoliers - 62externes, qui monte quelquefois jusqu’à deux ou trois mille, qui étudient tous ensemble dans un ordre & dans une discipline la plus régulière du monde. Les classes sont partagées en six, sans comprendre celles qui sont destinées pour la philosophie, la théologie & pour les mathématiques ; mais ces dernières ne sont fréquentées que des jeunes jésuites qui étudient encore, ou du moins par quelques pensionnaires qui ne se soucient pas d’obtenir des degrez dans l’Université, car ceux qui veulent estre maîtres ès arts ou devenir docteurs doivent étudier la philosophie dans les collèges de l’Université. Une chose qui est fort louable chez ces pères est que les écoliers sont obligez d’aller tous les mois à confesse, en sorte qu’en mesme temps les parens sont déchargez du soin de la conscience & des études de leurs enfans. La chapelle de ce collège est petite & obscure. Elle est à main droite en entrant. Il - 63n’y a rien à voir, que les jours de festes que l’autel est des plus riches & des mieux garnis. Il y a un devant d’autel tout d’argent, & un autre d’une riche broderie d’or, fort élevé sur un fond d’argent. Les appartemens qui sont sur le derrière de la maison sont plus commodes que ceux du devant. Les armes de monsieur Fouquet qui sont dans le fronton font connoîstre que c’est lui qui les a fait bâtir, aussi bien que le gros corps de logis qui est au fond du jardin, assez proche du petit collège de Marmoutier, qui a esté joint a celui-ci pour l’augmenter. C’est dans cet appartement que la bibliotèque est placée, qui sans contredit est une des plus nombreuses & des plus belles de Paris par la quantité & par la qualité de livres qui s’y trouvent. Il y a mesme un assez bon nombre d’anciens manuscrits & de livres hérétiques, principalement des sociniens, qui remplissent presque un petit cabinet tout entier. On y voit - 64outre cela une très belle suite d’historiens d’Espagne, généraux & particuliers de diverses provinces de ce roïaume, & des personnes illustres qui y ont vécu, qui sont en espagnol ou en latin. Il y a aussi une grande quantité de mathématiciens & d’humanistes qui occupent une petite galerie que l’on a pratiquée sur les armoires ; car quoique ce lieu soit composé de deux ailes assez longues, cependant il estoit trop petit & il a falu ménager cette galerie pour y mettre les petits volumes. Il y a un tableau du Bassan à un des bouts qui représente le combat des centaures & des lapites, que monsieur Fouquet donna après avoir fait bâtir cette bibliotèque, à laquelle il a laissé mille livres de rente pour son augmentation & pour son entretien. On y conserve une belle suite de médailles antiques très rares, mais n’estant pas arrangées comme elles doivent estre, l’on ne les montre pas volontiers. II y a dans ce collège - 65des personnes très habiles, entre lesquels on peut conter un nombre considérable d’auteurs, & ceux qui sont encore vivans sont le père Bouhours, auteur des Entretiens d’Ariste & d’Eugène, dans lesquels il y a tant de délicatesse & de pureté de langage qu’il semble que pour parler comme les honnestes gens doivent faire, on doit imiter son stile. Les autres ouvrages que l’on a de lui sont Les doutes & les remarques sur la langue françoise ; l’Histoire de Pierre d’Aubusson, grand maistre de Rhodes ; la Vie de saint Ignace & la Vie de saint François-Xavier, apostres des Indes ; & quelques livres de dévotion. Le père Rapin a fait l’Esprit du christianisme ; l’Importance du salut ; la Foy des derniers siècle ; & de très belles instruction pour l’histoire avec quelques poésies latines, entre autres sur les fleurs, qui sont tout à fait belles. Le père de La Rue a commenté quelques auteurs anciens pour monseigneur le Dauphin, & les tra - 66gédies que l’on représente sur le théâtre de ce collège sont fort souvent de lui. On peut dire qu’il est également habile en diverses choses, car les vers françois qui ont paru de sa façon ont esté fort estiméz. Le père d’Aroüy, avant qu’il fût en Bretagne où il est à présent, se faisoit admirer par les machines qu’il inventoit au sujet des mathématiques, & l’on en voïoit il n’y a pas longtemps une qui faisoit connoîstre le mouvement des astres, digne de la curiosité des plus éclairez dans cette science. Il se fait quelquefois dans ce collège des actions publiques qui attirent un nombre prodigieux de personnes. Au carnaval, on représente une petite tragédie latine. Après Pasques, on expose des énigmes à expliquer, pour lesquelles il y a des prix. L’on y soutient aussi des thèses où viennent des personnes de considération. Mais ce qui est de plus beau est la grande tragédie que l’on représente au mois d’août, sur un théâtre élevé - 67exprès, qui occupe tout le fond de la cour. Ce sont toujours des pensionnaires & des jeunes enfans de qualité qui en font les acteurs. Ce qui est de plus beau sont les balets de la composition du sieur de Beauchamp que l’on dance dans les intermèdes. À la fin de la pièce, l’on fait la distribution des prix aux écoliers qui les ont méritez, sans aucun égard à la qualité ; ce qui donne beaucoup d’émulation à cette jeunesse qui fait un effort très grand pour remportée à la veuee de tant de personnes les prix dont le roi veut bien faire la dépence.

-

Au sortir de ce lieu, on doit monter un peu plus haut & l’on trouvera :

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Collegium Ludovici Magni.

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Autrefois on le nommoit le collège de Clermont, ayant esté fondé pour les écoliers de cette ville à l’imitation de quelques autres de l’Univer 60sité. Dans le siècle passé, messire Guillaume Duprat, évêque de la même ville, s’estant trouvé au concile de Trente de la part de la France, fit une particulière liaison avec quelques pères jésuites qu’il trouva à cette célèbre assemblé. Il conçut une si haute estime de leur sçavoir & de leur piété qu’il les fit venir en France pour instruire la Jeunesse dans les lettres humaines, & surtout dans la pureté de la religion romaine, qui pour lors estoit troublée de l’hérésie de Luther & de Calvin. Ce prélat amena avec lui à Paris le père Paquier Broüet, avec quelques autres de la mesme société, qu’il logea pendant son vivant dans sa maison. Mais estant venu a ̀mourir, il leur laissa par testament trois mille livres de rente & une somme d’argent très considérable, dont ils achetèrent une place vuide dans la rue Saint-Jacques, qui est le lieu où ils sont, que l’on nommoit pour lors la cour de Langres & qu’ils appellèrent le collège de Clermont, 61à cause que leur bienfaicteur étoit évêque de cette ville. Henri III voulut y mettre la première pierre, sur laquelle on avoit gravé cette inscription :

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Religionis amplificandæ studio, Henricus III Christianiss. Rex Franciæ atque Poloniæ, in augustiss. Jesu Nonem pietatis suæ monumentum hunc primum lapidem, in ejus Templi fundamentum conjecit.

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Anno Domini 1582, die 20 Aprilis.

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On ne remarque rien de singulier dans tout le bâtiment de ce collège, cependant il y a bien des choses à y observer que l’on ne trouvera point ailleurs. Premièrement, la quantité de logemens & de chambres qui y sont remplies jusques aux moindres endroits & qui sont ménagées avec une très grande industrie. Le grand nombre de pensionnaires, qui la plupart sont de qualité, outre la multitude d’écoliers 62externes, qui monte quelquefois jusqu’à deux ou trois mille, qui étudient tous ensemble dans un ordre & dans une discipline la plus régulière du monde. Les classes sont partagées en six, sans comprendre celles qui sont destinées pour la philosophie, la théologie & pour les mathématiques ; mais ces dernières ne sont fréquentées que des jeunes jésuites qui étudient encore, ou du moins par quelques pensionnaires qui ne se soucient pas d’obtenir des degrez dans l’Université, car ceux qui veulent estre maîtres ès arts ou devenir docteurs doivent étudier la philosophie dans les collèges de l’Université. Une chose qui est fort louable chez ces pères est que les écoliers sont obligez d’aller tous les mois à confesse, en sorte qu’en mesme temps les parens sont déchargez du soin de la conscience & des études de leurs enfans. La chapelle de ce collège est petite & obscure. Elle est à main droite en entrant. Il 63n’y a rien à voir, que les jours de festes que l’autel est des plus riches & des mieux garnis. Il y a un devant d’autel tout d’argent, & un autre d’une riche broderie d’or, fort élevé sur un fond d’argent. Les appartemens qui sont sur le derrière de la maison sont plus commodes que ceux du devant. Les armes de monsieur Fouquet qui sont dans le fronton font connoîstre que c’est lui qui les a fait bâtir, aussi bien que le gros corps de logis qui est au fond du jardin, assez proche du petit collège de Marmoutier, qui a esté joint a celui-ci pour l’augmenter. C’est dans cet appartement que la bibliotèque est placée, qui sans contredit est une des plus nombreuses & des plus belles de Paris par la quantité & par la qualité de livres qui s’y trouvent. Il y a mesme un assez bon nombre d’anciens manuscrits & de livres hérétiques, principalement des sociniens, qui remplissent presque un petit cabinet tout entier. On y voit 64outre cela une très belle suite d’historiens d’Espagne, généraux & particuliers de diverses provinces de ce roïaume, & des personnes illustres qui y ont vécu, qui sont en espagnol ou en latin. Il y a aussi une grande quantité de mathématiciens & d’humanistes qui occupent une petite galerie que l’on a pratiquée sur les armoires ; car quoique ce lieu soit composé de deux ailes assez longues, cependant il estoit trop petit & il a falu ménager cette galerie pour y mettre les petits volumes. Il y a un tableau du Bassan à un des bouts qui représente le combat des centaures & des lapites, que monsieur Fouquet donna après avoir fait bâtir cette bibliotèque, à laquelle il a laissé mille livres de rente pour son augmentation & pour son entretien. On y conserve une belle suite de médailles antiques très rares, mais n’estant pas arrangées comme elles doivent estre, l’on ne les montre pas volontiers. II y a dans ce collège 65des personnes très habiles, entre lesquels on peut conter un nombre considérable d’auteurs, & ceux qui sont encore vivans sont le père Bouhours, auteur des Entretiens d’Ariste & d’Eugène, dans lesquels il y a tant de délicatesse & de pureté de langage qu’il semble que pour parler comme les honnestes gens doivent faire, on doit imiter son stile. Les autres ouvrages que l’on a de lui sont Les doutes & les remarques sur la langue françoise ; l’Histoire de Pierre d’Aubusson, grand maistre de Rhodes ; la Vie de saint Ignace & la Vie de saint François-Xavier, apostres des Indes ; & quelques livres de dévotion. Le père Rapin a fait l’Esprit du christianisme ; l’Importance du salut ; la Foy des derniers siècle ; & de très belles instruction pour l’histoire avec quelques poésies latines, entre autres sur les fleurs, qui sont tout à fait belles. Le père de La Rue a commenté quelques auteurs anciens pour monseigneur le Dauphin, & les tra 66gédies que l’on représente sur le théâtre de ce collège sont fort souvent de lui. On peut dire qu’il est également habile en diverses choses, car les vers françois qui ont paru de sa façon ont esté fort estiméz. Le père d’Aroüy, avant qu’il fût en Bretagne où il est à présent, se faisoit admirer par les machines qu’il inventoit au sujet des mathématiques, & l’on en voïoit il n’y a pas longtemps une qui faisoit connoîstre le mouvement des astres, digne de la curiosité des plus éclairez dans cette science. Il se fait quelquefois dans ce collège des actions publiques qui attirent un nombre prodigieux de personnes. Au carnaval, on représente une petite tragédie latine. Après Pasques, on expose des énigmes à expliquer, pour lesquelles il y a des prix. L’on y soutient aussi des thèses où viennent des personnes de considération. Mais ce qui est de plus beau est la grande tragédie que l’on représente au mois d’août, sur un théâtre élevé 67exprès, qui occupe tout le fond de la cour. Ce sont toujours des pensionnaires & des jeunes enfans de qualité qui en font les acteurs. Ce qui est de plus beau sont les balets de la composition du sieur de Beauchamp que l’on dance dans les intermèdes. À la fin de la pièce, l’on fait la distribution des prix aux écoliers qui les ont méritez, sans aucun égard à la qualité ; ce qui donne beaucoup d’émulation à cette jeunesse qui fait un effort très grand pour remportée à la veuee de tant de personnes les prix dont le roi veut bien faire la dépence.

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Au sortir de ce lieu, on doit monter un peu plus haut & l’on trouvera :

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- , la première & la plus ancienne de Paris. Saint Denis évêque de cette ville, à ce qu’on croit, en est le fondateur, & n’est considérable que par son antiquité. On dit que saint François de Sales, évêque & prince de Genève, y fit ses vœux de chasteté & de - 68pauvreté devant la chapelle de Notre-Dame-de-Bonne-Délivrance qui y est, & où il y a une grande dévotion. Vis-à-vis est :

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, la première & la plus ancienne de Paris. Saint Denis évêque de cette ville, à ce qu’on croit, en est le fondateur, & n’est considérable que par son antiquité. On dit que saint François de Sales, évêque & prince de Genève, y fit ses vœux de chasteté & de 68pauvreté devant la chapelle de Notre-Dame-de-Bonne-Délivrance qui y est, & où il y a une grande dévotion. Vis-à-vis est :

-

- , autrement nomméz les Frères Prêcheurs de l’ordre de saint Dominique, dont la première fondation est raportée au temps mesme de ce saint, qui vivoit en l’année 1217, sous le pontificat d’Honoré III & sous le règne de Philippes Auguste. Ce saint travailla avec beaucoup de chaleur, comme l’histoire le raporte, à l’extirpation de l’hérésie des Albigeois, qui faisoit de grands désordres dans le Languedoc. Dans le mesme temps, il envoïa deux de ses religieux à Paris, qui se logèrent dans une place nommée le parloir aux Bourgeois, qui est le mesme lieu où est à présent ce couvent. Ils ont esté appellez Jacobins à cause de la rue Saint-Jacques. Leur église, comme on la voit, a esté bâtie par les soins de saint Louis si on en croit Belle69forest, historien assez fidèle. On y poura voir les tombeaux de plusieurs grands seigneurs, qui pour la plupart ont esté princes du sang roïal de France. Comme on n’a pas entrepris de faire la recherche des antiquitez, on s’exemtera de raporter ici leurs noms, que l’on peut trouver dans le père du Breuil. Il faut seulement sçavoir que parmi ces tombeaux illustres est celui de Humbert, dernier prince souverain du Dauphiné, sous le titre de dauphin de Viennois. Il est devant le grand autel. L’histoire raporte que se voïant sans enfans, il vendit cette province à Philippes de Valois une très petite somme d’argent & qu’il embrassa à Lyon la vie religieuse sous l’ordre de saint Dominique, où il vécut dans une très grande estime des gens de bien, & mesme il fut choisi pour estre prieur de ce couvent & ensuite pour estre patriarche d’Alexandrie. Voici son épitaphe :

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, autrement nomméz les Frères Prêcheurs de l’ordre de saint Dominique, dont la première fondation est raportée au temps mesme de ce saint, qui vivoit en l’année 1217, sous le pontificat d’Honoré III & sous le règne de Philippes Auguste. Ce saint travailla avec beaucoup de chaleur, comme l’histoire le raporte, à l’extirpation de l’hérésie des Albigeois, qui faisoit de grands désordres dans le Languedoc. Dans le mesme temps, il envoïa deux de ses religieux à Paris, qui se logèrent dans une place nommée le parloir aux Bourgeois, qui est le mesme lieu où est à présent ce couvent. Ils ont esté appellez Jacobins à cause de la rue Saint-Jacques. Leur église, comme on la voit, a esté bâtie par les soins de saint Louis si on en croit Belle + 69forest, historien assez fidèle. On y poura voir les tombeaux de plusieurs grands seigneurs, qui pour la plupart ont esté princes du sang roïal de France. Comme on n’a pas entrepris de faire la recherche des antiquitez, on s’exemtera de raporter ici leurs noms, que l’on peut trouver dans le père du Breuil. Il faut seulement sçavoir que parmi ces tombeaux illustres est celui de Humbert, dernier prince souverain du Dauphiné, sous le titre de dauphin de Viennois. Il est devant le grand autel. L’histoire raporte que se voïant sans enfans, il vendit cette province à Philippes de Valois une très petite somme d’argent & qu’il embrassa à Lyon la vie religieuse sous l’ordre de saint Dominique, où il vécut dans une très grande estime des gens de bien, & mesme il fut choisi pour estre prieur de ce couvent & ensuite pour estre patriarche d’Alexandrie. Voici son épitaphe :

+ 70 -

Hic jacet R. Pater & Dominus amplissimus Humbertus, primò Vienna Delphinus, deinde relicto Principatu, Frater nostri Ordinis, Prior in hoc Conventu Parisiensi, ac demùm Patriarcha Alexandrinus, & perpetuus Ecclesiæ Rhemensis Administrator, & præcipuus hujus Conventus Benefactor. Obiit anno Domini 1345; Maij 22.

-
-

Cette église n’a rien que de fort simple, mais cependant le grand autel est d’une assez bonne disposition. Il est orné de marbre noir & les armes du cardinal de Sainte-Cécile, frère du cardinal Mazarin, qui y sont font connoître que c’est lui qui l’a fait bâtir, à cause qu’il estoit de cet ordre. Au dessus de la porte de la sacristie, il y a un grand tableau qui représente la naissance de la Sainte Vierge, qui est de Valentin, que le cardinal Mazarin donna pour mettre sur le grand autel ; mais comme il se trouva trop petit, il le laissa à - 71l’église, où il a toujours resté depuis ce temps. C’est un des plus beaux tableaux qu’il y ait en France & les curieux en font beaucoup d’estat. Monsieur Félibien en parle comme d’une pièce des plus belles qui ait passé d’Italie en France dans le livre qu’il a composé sur la vie & sur les ouvrages des plus célèbres peintres. À côté du grand autel est la chapelle de Nostre-Dame-du-Rosaire, dont la menuiserie est assez belle. Il y a une très grande dévotion à cause des indulgences qu’on peut gagner tous les premiers dimanches du mois. Dans le cloître on poura remarquer quelques peintures, mais qui sont de fort peu de conséquence ; aussi bien que la bibliotèque, qui n’est pas des plus nombreuses, quoiqu’elle ait servi à de très célèbres docteurs. On y conserve une chose extraordinairement curieuse, qui est la chaire du grand saint Thomas d’Aquin, l’Ange de l’école, qui est de bois, enfermée dans une autre de - 72mesme pour empescher que le temps ne la détruise. Un général de l’ordre a fait la dépence de celle dans laquelle elle est enfermée. Depuis quelque temps, ces pères ont fait faire un petit cabinet au bout de la bibliothèque, où elle est assez bien exposée en veuë. On sçait que saint Thomas d’Aquin a professé la théologie à Paris dans ce couvent, & la grande classe que l’on verra lui a servi à donner ses leçons. Elle a esté rebâtie au commencement de ce siècle des aumônes que ces pères reçurent pendant un jubilé. Quelques prédicateurs de cette maison se sont acquis de la réputation dans le monde ; entre autres le père Chaussemer, qui est estimé un des plus profonds & des plus éloquens que nous aïons à présent, & qui a prêché ce Caresme à Nostre-Dame après avoir prêché au Louvre ; deffunt monsieur Coëffeteau, qui a composé une très belle histoire romaine, y a passé une bonne partie de sa vie ; & plu - 73sieurs autres encore dont il seroit trop long de parler.

-

Avant que de sortir de la rue Saint-Jacques, il faut sçavoir qu’il y a plusieurs libraires qui vendent presque tous les livres de messieurs du Port-Roïal, & tous les ouvrages de monsieur Arnault, qui sont généralement estimez de tout ce qu’il y a de sçavans. On y trouve les pièces de messieurs de l’Académie françoise, beaucoup de livres étrangers, les pièces qui concernent l’Église gallicane, Il y a tout ce que monsieur Mainbourg a fait. On y vend aussi les livres du père Bouhours ; du père Rapin ; de monsieur l’évêsque de Meaux ; de monsieur l’abbé Fléchier, aumônier de madame la Dauphine, qui a traduit la vie du cardinal Commendon & qui a composé pour monseigneur le Dauphin l’histoire de Théodose le 74 Grand, & quatre oraisons funèbres. On y trouve aussi plusieurs autres livres où les sçavans trouveront de quoi se satisfaire. Dans cette mesme rue, il y a plusieurs graveurs & marchands de tailles-douces qui vendent quantité de cartes de géographie & estampes. On n’en dira pas davantage en cet endroit. À la fin de ce volume, on pourra donner un catalogue des livres les mieux écrits en nostre langue pour servir aux étrangers qui achètent fort souvent de très méchans livres, faute de connoître les bons & ceux qui peuvent leur servir dans l’étude particulière qu’ils font de la langue françoise.

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Hors la porte Saint-Jacques, dans le faux-bourg qui porte le mesme nom, on verra beaucoup de belles choses & en plus grand nombre qu’en aucun autre faux-bourg de cette ville. À main gauche, presque à l’entrée, est :

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Hic jacet R. Pater & Dominus amplissimus Humbertus, primò Vienna Delphinus, deinde relicto Principatu, Frater nostri Ordinis, Prior in hoc Conventu Parisiensi, ac demùm Patriarcha Alexandrinus, & perpetuus Ecclesiæ Rhemensis Administrator, & præcipuus hujus Conventus Benefactor. Obiit anno Domini 1345; Maij 22.

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Cette église n’a rien que de fort simple, mais cependant le grand autel est d’une assez bonne disposition. Il est orné de marbre noir & les armes du cardinal de Sainte-Cécile, frère du cardinal Mazarin, qui y sont font connoître que c’est lui qui l’a fait bâtir, à cause qu’il estoit de cet ordre. Au dessus de la porte de la sacristie, il y a un grand tableau qui représente la naissance de la Sainte Vierge, qui est de Valentin, que le cardinal Mazarin donna pour mettre sur le grand autel ; mais comme il se trouva trop petit, il le laissa à 71l’église, où il a toujours resté depuis ce temps. C’est un des plus beaux tableaux qu’il y ait en France & les curieux en font beaucoup d’estat. Monsieur Félibien en parle comme d’une pièce des plus belles qui ait passé d’Italie en France dans le livre qu’il a composé sur la vie & sur les ouvrages des plus célèbres peintres. À côté du grand autel est la chapelle de Nostre-Dame-du-Rosaire, dont la menuiserie est assez belle. Il y a une très grande dévotion à cause des indulgences qu’on peut gagner tous les premiers dimanches du mois. Dans le cloître on poura remarquer quelques peintures, mais qui sont de fort peu de conséquence ; aussi bien que la bibliotèque, qui n’est pas des plus nombreuses, quoiqu’elle ait servi à de très célèbres docteurs. On y conserve une chose extraordinairement curieuse, qui est la chaire du grand saint Thomas d’Aquin, l’Ange de l’école, qui est de bois, enfermée dans une autre de 72mesme pour empescher que le temps ne la détruise. Un général de l’ordre a fait la dépence de celle dans laquelle elle est enfermée. Depuis quelque temps, ces pères ont fait faire un petit cabinet au bout de la bibliothèque, où elle est assez bien exposée en veuë. On sçait que saint Thomas d’Aquin a professé la théologie à Paris dans ce couvent, & la grande classe que l’on verra lui a servi à donner ses leçons. Elle a esté rebâtie au commencement de ce siècle des aumônes que ces pères reçurent pendant un jubilé. Quelques prédicateurs de cette maison se sont acquis de la réputation dans le monde ; entre autres le père Chaussemer, qui est estimé un des plus profonds & des plus éloquens que nous aïons à présent, & qui a prêché ce Caresme à Nostre-Dame après avoir prêché au Louvre ; deffunt monsieur Coëffeteau, qui a composé une très belle histoire romaine, y a passé une bonne partie de sa vie ; & plu 73sieurs autres encore dont il seroit trop long de parler.

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Avant que de sortir de la rue Saint-Jacques, il faut sçavoir qu’il y a plusieurs libraires qui vendent presque tous les livres de messieurs du Port-Roïal, & tous les ouvrages de monsieur Arnault, qui sont généralement estimez de tout ce qu’il y a de sçavans. On y trouve les pièces de messieurs de l’Académie françoise, beaucoup de livres étrangers, les pièces qui concernent l’Église gallicane, Il y a tout ce que monsieur Mainbourg a fait. On y vend aussi les livres du père Bouhours ; du père Rapin ; de monsieur l’évêsque de Meaux ; de monsieur l’abbé Fléchier, aumônier de madame la Dauphine, qui a traduit la vie du cardinal Commendon & qui a composé pour monseigneur le Dauphin l’histoire de Théodose le 74 Grand, & quatre oraisons funèbres. On y trouve aussi plusieurs autres livres où les sçavans trouveront de quoi se satisfaire. Dans cette mesme rue, il y a plusieurs graveurs & marchands de tailles-douces qui vendent quantité de cartes de géographie & estampes. On n’en dira pas davantage en cet endroit. À la fin de ce volume, on pourra donner un catalogue des livres les mieux écrits en nostre langue pour servir aux étrangers qui achètent fort souvent de très méchans livres, faute de connoître les bons & ceux qui peuvent leur servir dans l’étude particulière qu’ils font de la langue françoise.

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Hors la porte Saint-Jacques, dans le faux-bourg qui porte le mesme nom, on verra beaucoup de belles choses & en plus grand nombre qu’en aucun autre faux-bourg de cette ville. À main gauche, presque à l’entrée, est :

75 - +
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- , qui n’a aucune belle apparence. L’église mesme n’est guère plus grande qu’une salle, cependant l’autel est un des plus riches que l’on puisse voir les jours des fêtes ; car ces religieuses n’épargnent rien pour l’orner de chandeliers, de lampes, de vases, de figures & de mille autres choses de cette sorte, qui sont toutes d’argent & la plupart fort pesantes. Mais ce lieu n’estant pas des mieux disposez, toutes ces belles choses ne paroîssent pas comme elles pouroient faire ailleurs. En suivant toujours le mesme chemin, on passera devant :

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, qui n’a aucune belle apparence. L’église mesme n’est guère plus grande qu’une salle, cependant l’autel est un des plus riches que l’on puisse voir les jours des fêtes ; car ces religieuses n’épargnent rien pour l’orner de chandeliers, de lampes, de vases, de figures & de mille autres choses de cette sorte, qui sont toutes d’argent & la plupart fort pesantes. Mais ce lieu n’estant pas des mieux disposez, toutes ces belles choses ne paroîssent pas comme elles pouroient faire ailleurs. En suivant toujours le mesme chemin, on passera devant :

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- , dont tout ce quartier reçoit le nom. Feu madame la duchesse de Longueville, sœur de monsieur le Prince, une des plus pieuses & des plus charitables princesse de ce siècle, l’a fait réparer comme l’on la voit. La porte est d’un ordre dorique assez bien exécuté, & si cette - 76vertueuse princesse eût vécut plus longtemps, elle auroit sans doute donné de quoi achever le reste de l’ouvrage ; mais elle est morte depuis quatre ans, dans le couvent des Carmélites, au regret de quantité de pauvres qui vivoient des aumônes qu’elle leur faisoit.

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, dont tout ce quartier reçoit le nom. Feu madame la duchesse de Longueville, sœur de monsieur le Prince, une des plus pieuses & des plus charitables princesse de ce siècle, l’a fait réparer comme l’on la voit. La porte est d’un ordre dorique assez bien exécuté, & si cette 76vertueuse princesse eût vécut plus longtemps, elle auroit sans doute donné de quoi achever le reste de l’ouvrage ; mais elle est morte depuis quatre ans, dans le couvent des Carmélites, au regret de quantité de pauvres qui vivoient des aumônes qu’elle leur faisoit.

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- est tout proche. C’estoit autrefois une abbaïe de l’ordre de saint Benoist, qui avoit esté fondée à l’endroit où est à présent Saint-Barthélemi, proche le Palais. Mais les bons religieux de ce temps-là, estant importunez du bruit qu’il y avoit en ce lieu, changèrent en 1138 & vinrent occuper cette place, qui estoit bien avant hors la ville, où il y avoit déjà une petite chapelle dédiée à saint Georges. Enfin en l’année 1549, les religieux de saint Benoist quittèrent tout à fait cette maison & furent transférez dans d’autres du mesme ordre, & le revenu fut affecté à l’archevêque de Paris. L’on mit en leur place - 77des filles Pénitentes, qui n’y ont pas demeuré longtemps. Mais enfin les prestres de l’Oratoire y ont esté introduits au commencement de ce siècle, dont l’institut est d’instruire les jeunes ecclésiastiques dans les fonctions de leur ministère.

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est tout proche. C’estoit autrefois une abbaïe de l’ordre de saint Benoist, qui avoit esté fondée à l’endroit où est à présent Saint-Barthélemi, proche le Palais. Mais les bons religieux de ce temps-là, estant importunez du bruit qu’il y avoit en ce lieu, changèrent en 1138 & vinrent occuper cette place, qui estoit bien avant hors la ville, où il y avoit déjà une petite chapelle dédiée à saint Georges. Enfin en l’année 1549, les religieux de saint Benoist quittèrent tout à fait cette maison & furent transférez dans d’autres du mesme ordre, & le revenu fut affecté à l’archevêque de Paris. L’on mit en leur place 77des filles Pénitentes, qui n’y ont pas demeuré longtemps. Mais enfin les prestres de l’Oratoire y ont esté introduits au commencement de ce siècle, dont l’institut est d’instruire les jeunes ecclésiastiques dans les fonctions de leur ministère.

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- sont un peu plus avant. Leur église est petite, cependant l’autel est d’un dessein assez beau, orné de colonnes de marbre noir. Ces religieuses enseignent gratuitement les jeunes filles & leur apprennent non seulement à lire & à écrire, mais encore à faire des ouvrages qui leur conviennent ; ce qui est d’une très grande utilité pour le public. Elles ont esté fondées en 1607 par mademoiselle de Sainte-Beuve, qui estoit d’une extraordinaire piété, & la reine Anne d’Autriche mit la première pierre à leur église en 1610, le 22 de juin.

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sont un peu plus avant. Leur église est petite, cependant l’autel est d’un dessein assez beau, orné de colonnes de marbre noir. Ces religieuses enseignent gratuitement les jeunes filles & leur apprennent non seulement à lire & à écrire, mais encore à faire des ouvrages qui leur conviennent ; ce qui est d’une très grande utilité pour le public. Elles ont esté fondées en 1607 par mademoiselle de Sainte-Beuve, qui estoit d’une extraordinaire piété, & la reine Anne d’Autriche mit la première pierre à leur église en 1610, le 22 de juin.

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- sont du mesme côté. Elles sont de l’ordre de saint Bernard, de la reforme du bien - 78heureux Jean de La Barrière. Elles furent établies à Paris en 1622 à la sollicitation de la reine Anne d’Austriche. Leur église a esté rebâtie de neuf depuis quelques années, & mesme avec dépence. Elle est fort claire & le portail n’est pas mal entendu. C’est le sieur Marot qui en a donné le dessein. Une de leurs bienfaictrices a beaucoup contribué à la dépence. Sur leur grand autel, on voit une très bonne copie de la Sainte Famille de Raphaël, dont l’original est dans le cabinet du roi. La grille du chœur est belle & ornée de cuivre doré. Tout proche sont :

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sont du mesme côté. Elles sont de l’ordre de saint Bernard, de la reforme du bien 78heureux Jean de La Barrière. Elles furent établies à Paris en 1622 à la sollicitation de la reine Anne d’Austriche. Leur église a esté rebâtie de neuf depuis quelques années, & mesme avec dépence. Elle est fort claire & le portail n’est pas mal entendu. C’est le sieur Marot qui en a donné le dessein. Une de leurs bienfaictrices a beaucoup contribué à la dépence. Sur leur grand autel, on voit une très bonne copie de la Sainte Famille de Raphaël, dont l’original est dans le cabinet du roi. La grille du chœur est belle & ornée de cuivre doré. Tout proche sont :

-

- , qui ont aussi fait bâtir une nouvelle église, à la vérité fort petite, mais en récompense qui a beaucoup d’embellissemens. Elle est ornée de pilastres & l’autel est acompagné de colonnes & de figures qui font un assez bel effet. La menuiserie des chaises des religieux est fort jolie & la petite chapelle de la Sainte-Vierge vis-à-vis la - 79porte est fort propre. Les religieux qui occupent cette maison sont anglois d’origine, qui se sont réfugiez en France à cause de la religion. La reine mère défunte leur a fait de grandes aumônes, aussi bien que plusieurs personnes de piété & mesme des anglois. Ils en ont un enterré chez eux, d’une famille considérable qui leur a laissé quelque chose, comme on le voit par son épitaphe. Vis-à-vis sont :

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, qui ont aussi fait bâtir une nouvelle église, à la vérité fort petite, mais en récompense qui a beaucoup d’embellissemens. Elle est ornée de pilastres & l’autel est acompagné de colonnes & de figures qui font un assez bel effet. La menuiserie des chaises des religieux est fort jolie & la petite chapelle de la Sainte-Vierge vis-à-vis la 79porte est fort propre. Les religieux qui occupent cette maison sont anglois d’origine, qui se sont réfugiez en France à cause de la religion. La reine mère défunte leur a fait de grandes aumônes, aussi bien que plusieurs personnes de piété & mesme des anglois. Ils en ont un enterré chez eux, d’une famille considérable qui leur a laissé quelque chose, comme on le voit par son épitaphe. Vis-à-vis sont :

- - Les Carmélites - -

, Autrement dites, Nostre-Dame-des-Champs. L’église de ces religieuses est une des plus anciennes qu’il y ait à Paris, & mesme la plupart des antiquaires croient qu’elle est une de celles que saint Denis a fondées. Quelques auteurs modernes ont écrit qu’elle avoit servi de temple à la déesse Cérès ou à Mars, mais sans beaucoup de fondement car l’on ne trouve rien dans les vieux historiens - 80qui autorise cette opinion. Ce qui est de plus certain est qu’elle a très longtemps appartenu à l’ordre de saint Benoist & qu’elle a esté un prieuré dépendant de la grande abbaïe de Marmoutier, proche la ville de Tours. Le titre mesme s’est encore conservé & monsieur l’évêque d’Orléans, qui en est pourvu, en reçoit quatre ou cinq mille livres par an. En l’année 1604, on y mit les Carmélites de la réforme de sainte Thérèse, que le cardinal de Bérulle alla lui-mesme chercher en Espagne dans le temps que cette réforme faisoit un grand bruit dans la chrétienté à cause de son austérité. Cette maison a esté la première du roïaume qui a suivi la Règle de sainte Thérèse, de laquelle tous les autres couvens de Paris & des autres endroits de la France ont pris leur origine. À présent cette communauté est fort nombreuse. Il y a beaucoup de personnes de la première qualité qui quitent le monde pour y aller finir leurs jours.

- + Les Carmélites +

, Autrement dites, Nostre-Dame-des-Champs. L’église de ces religieuses est une des plus anciennes qu’il y ait à Paris, & mesme la plupart des antiquaires croient qu’elle est une de celles que saint Denis a fondées. Quelques auteurs modernes ont écrit qu’elle avoit servi de temple à la déesse Cérès ou à Mars, mais sans beaucoup de fondement car l’on ne trouve rien dans les vieux historiens 80qui autorise cette opinion. Ce qui est de plus certain est qu’elle a très longtemps appartenu à l’ordre de saint Benoist & qu’elle a esté un prieuré dépendant de la grande abbaïe de Marmoutier, proche la ville de Tours. Le titre mesme s’est encore conservé & monsieur l’évêque d’Orléans, qui en est pourvu, en reçoit quatre ou cinq mille livres par an. En l’année 1604, on y mit les Carmélites de la réforme de sainte Thérèse, que le cardinal de Bérulle alla lui-mesme chercher en Espagne dans le temps que cette réforme faisoit un grand bruit dans la chrétienté à cause de son austérité. Cette maison a esté la première du roïaume qui a suivi la Règle de sainte Thérèse, de laquelle tous les autres couvens de Paris & des autres endroits de la France ont pris leur origine. À présent cette communauté est fort nombreuse. Il y a beaucoup de personnes de la première qualité qui quitent le monde pour y aller finir leurs jours.

+ 81 -

Leur église est une des plus belles & des plus magnifiques que l’on puisse voir. Le corps du bâtiment est, à la vérité, très antique, mais les embellissmens modernes du dedans réparent avantageusement ce défaut. En entrant, on remarquera que tout y est peint en marbre noir veiné de blanc & que les balustrades ou les clostures des chapelles sont d’une menuiserie dorée extraordinairement belle. Mais ce qui est de plus curieux sont les grands tableaux qui sont placez sous chaque fenestre, dont les bordures sont enrichies d’une sculpture des mieux dorées. Il y a six de ces tableaux de chaque côté, qui représentent quelques points principaux du Nouveau Testament. Ils sont des plus fameux peintres de ce siècle-ci. Le premier à main gauche en entrant, qui représente le miracle des cinq pains, est de Stella. Le second est le festin de Simon le Lépreux, où la Magdelaine parfume les piez de Nostre Seigneur, qui 82 est de monsieur Le Brun. Le troisième, qui représente l’entrée triomphante de Nostre Seigneur dans la ville de Jérusalem, est de La Hire. Le quatrième, qui marque l’histoire de la Samaritaine, est encore de Stella ; le coloris & les draperies de ce tableau sont très bien entendues. Le cinquième est encore de monsieur Le Brun, et le sixième, qui représente la Transfiguration, est de La Hire. De l’autre côté, tous ceux qu’on y voit sont de Champagne & cet habile peintre n’a guère fait de pièces plus belles que celles-ci, comme il est aisé de le remarquer. L’autel de cette église est fort élevé & tout de marbre ; le corps de l’ouvrage aussi bien que les colonnes qui sont corinthiennes, dont des chapiteaux sont de bronze doré à feu. Le tabernacle est tout d’argent, il représente l’Arche d’Alliance. Sur le devant, il y a un grand bas-relief fort bien cizelé. Les jours de festes, cet autel est orné de va - 83ses, de chandeliers & de diverses choses de cette sorte sans confusion, qui font un très bel effet. Vis-à-vis la grille du chœur où chantent les religieuses, est un grand tableau du Guide qui représente la salutation angélique, que l’on doit regarder comme un des plus beaux que l’on puisse voir, mesme en Italie. Les chapelles répondent à la magnificence de cette église, surtout celle qui est dédiée à la Madelaine, où il y a un excellent tableau de cette sainte de monsieur Le Brun, un des plus beaux peut-estre qu’il ait jamais fait. Cette sainte est représentée pleurante sous un rocher, qui arrache ses ornemens de teste & ses parures, & qui les foule aux piez. Elle a les yeux baignez de pleurs, dont l’éclat de son teint paroît obscurci. Enfin, on ne peut s’imaginer une disposition plus touchante & l’on a de la peine à ne pas avoir de la compassion en voïant cette pénitente. Vis-à-vis l’autel de cette petite cha - 84pelle est la statue à genou du cardinal de Bérulle, instituteur des pères de l’Oratoire, à qui ces religieuses ont de très grandes obligations, comme on a dit. Cette statue est de marbre blanc, faite par Sarazin en 1657. Elle est élevée sur un pié-d’estail, aux quatre faces duquel sont de très beaux bas-reliefs d’un nommé Tocart, très habile sculpteur ; le mesme qui a fait la belle chaire de Saint-Estienne dont on a parlé dans la page 19 de ce 2 volume. De chaque côté sont deux colonnes de marbre noir, sur lesquelles il y a des flames de bronze doré, aussi bien que les chapiteaux qui sont ioniques & très bien fondus. Le reste de la chapelle est orné de peintures de M. Le Brun qui représentent la vie de la Madelaine. Cette inscription est au milieu, sur un carreau de marbre blanc, sous lequel monsieur l’abbé Le Camus est enterré, qui a fait toutes les dépences des embellissemens de cette église.

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Leur église est une des plus belles & des plus magnifiques que l’on puisse voir. Le corps du bâtiment est, à la vérité, très antique, mais les embellissmens modernes du dedans réparent avantageusement ce défaut. En entrant, on remarquera que tout y est peint en marbre noir veiné de blanc & que les balustrades ou les clostures des chapelles sont d’une menuiserie dorée extraordinairement belle. Mais ce qui est de plus curieux sont les grands tableaux qui sont placez sous chaque fenestre, dont les bordures sont enrichies d’une sculpture des mieux dorées. Il y a six de ces tableaux de chaque côté, qui représentent quelques points principaux du Nouveau Testament. Ils sont des plus fameux peintres de ce siècle-ci. Le premier à main gauche en entrant, qui représente le miracle des cinq pains, est de Stella. Le second est le festin de Simon le Lépreux, où la Magdelaine parfume les piez de Nostre Seigneur, qui 82 est de monsieur Le Brun. Le troisième, qui représente l’entrée triomphante de Nostre Seigneur dans la ville de Jérusalem, est de La Hire. Le quatrième, qui marque l’histoire de la Samaritaine, est encore de Stella ; le coloris & les draperies de ce tableau sont très bien entendues. Le cinquième est encore de monsieur Le Brun, et le sixième, qui représente la Transfiguration, est de La Hire. De l’autre côté, tous ceux qu’on y voit sont de Champagne & cet habile peintre n’a guère fait de pièces plus belles que celles-ci, comme il est aisé de le remarquer. L’autel de cette église est fort élevé & tout de marbre ; le corps de l’ouvrage aussi bien que les colonnes qui sont corinthiennes, dont des chapiteaux sont de bronze doré à feu. Le tabernacle est tout d’argent, il représente l’Arche d’Alliance. Sur le devant, il y a un grand bas-relief fort bien cizelé. Les jours de festes, cet autel est orné de va 83ses, de chandeliers & de diverses choses de cette sorte sans confusion, qui font un très bel effet. Vis-à-vis la grille du chœur où chantent les religieuses, est un grand tableau du Guide qui représente la salutation angélique, que l’on doit regarder comme un des plus beaux que l’on puisse voir, mesme en Italie. Les chapelles répondent à la magnificence de cette église, surtout celle qui est dédiée à la Madelaine, où il y a un excellent tableau de cette sainte de monsieur Le Brun, un des plus beaux peut-estre qu’il ait jamais fait. Cette sainte est représentée pleurante sous un rocher, qui arrache ses ornemens de teste & ses parures, & qui les foule aux piez. Elle a les yeux baignez de pleurs, dont l’éclat de son teint paroît obscurci. Enfin, on ne peut s’imaginer une disposition plus touchante & l’on a de la peine à ne pas avoir de la compassion en voïant cette pénitente. Vis-à-vis l’autel de cette petite cha 84pelle est la statue à genou du cardinal de Bérulle, instituteur des pères de l’Oratoire, à qui ces religieuses ont de très grandes obligations, comme on a dit. Cette statue est de marbre blanc, faite par Sarazin en 1657. Elle est élevée sur un pié-d’estail, aux quatre faces duquel sont de très beaux bas-reliefs d’un nommé Tocart, très habile sculpteur ; le mesme qui a fait la belle chaire de Saint-Estienne dont on a parlé dans la page 19 de ce 2 volume. De chaque côté sont deux colonnes de marbre noir, sur lesquelles il y a des flames de bronze doré, aussi bien que les chapiteaux qui sont ioniques & très bien fondus. Le reste de la chapelle est orné de peintures de M. Le Brun qui représentent la vie de la Madelaine. Cette inscription est au milieu, sur un carreau de marbre blanc, sous lequel monsieur l’abbé Le Camus est enterré, qui a fait toutes les dépences des embellissemens de cette église.

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In spem Resurrectionis. Hic Jacet - Eduarduc Le Camus, Sacerdos Christi et Dei. Obiit anno salutis 1674 die 24 feb. - Sit in pace - - Locus ejus.

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Les autres chapelles sont à peu prés de la mesme beauté. Le fond de l’église est borné par une grande tribune dont les fenestres sont grillées, où les religieuses peuvent venir entendre le sermon lorsque l’on prêche dans la nef. Sur le devant, il y a deux statues de saint Pierre & de saint Paul, & sur le haut saint Michel qui précipite le démon & qui est d’une très belle invention. Il est aussi de Stella dont on a parlé. Toute la voûte est fort bien peinte en cartouches. Entre les cordons, on y doit - 86remarquer un crucifix accompagné de la Sainte Vierge & de saint Jean, qui sont dessinez avec tant d’industrie & d’artifice qu’il semble que les figures soient sur un plan droit ; ce qui trompe fort agréablement ceux qui les regardent. Enfin, la dernière chose qu’il faut observer dans cette église est le crucifix de bronze sur la balustrade qui sépare le chœur de la nef. Tous les curieux l’estiment beaucoup. Il est de Sarazin, qui avoit la réputation d’estre un des plus habiles hommes de son temps.

-

En repassant pour sortir de la cour, l’on verra une petite maison bâtie à l’italienne, composée de deux pavillons, qui est tout à fait jolie, avec le jardin qui lui sert de cour, au travers duquel il faut passer pour y entrer. Elle a aussi esté bâtie par les soins de monsieur l’abbé Le Camus dont on a parlé.

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In spem Resurrectionis. Hic Jacet Eduarduc Le Camus, Sacerdos Christi et Dei. Obiit anno salutis 1674 die 24 feb. + Sit in pace Locus ejus.

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Les autres chapelles sont à peu prés de la mesme beauté. Le fond de l’église est borné par une grande tribune dont les fenestres sont grillées, où les religieuses peuvent venir entendre le sermon lorsque l’on prêche dans la nef. Sur le devant, il y a deux statues de saint Pierre & de saint Paul, & sur le haut saint Michel qui précipite le démon & qui est d’une très belle invention. Il est aussi de Stella dont on a parlé. Toute la voûte est fort bien peinte en cartouches. Entre les cordons, on y doit 86remarquer un crucifix accompagné de la Sainte Vierge & de saint Jean, qui sont dessinez avec tant d’industrie & d’artifice qu’il semble que les figures soient sur un plan droit ; ce qui trompe fort agréablement ceux qui les regardent. Enfin, la dernière chose qu’il faut observer dans cette église est le crucifix de bronze sur la balustrade qui sépare le chœur de la nef. Tous les curieux l’estiment beaucoup. Il est de Sarazin, qui avoit la réputation d’estre un des plus habiles hommes de son temps.

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En repassant pour sortir de la cour, l’on verra une petite maison bâtie à l’italienne, composée de deux pavillons, qui est tout à fait jolie, avec le jardin qui lui sert de cour, au travers duquel il faut passer pour y entrer. Elle a aussi esté bâtie par les soins de monsieur l’abbé Le Camus dont on a parlé.

Delà on doit aller voir :

- + 87
- - Le Val-de-Grâce - + Le Val-de-Grâce

- Il faut ici que les étrangers demeurent d’accord qu’on peut faire des choses en France aussi belles & aussi régulières que celles que l’on va admirer en Italie. Aussi peut-on dire sans exagération que cette magnifique maison, si on la considère dans toutes ses parties, est un des plus beaux ouvrages de ce siècle.

-

II est bon de sçavoir que les religieuses du Val-de-Grâce estoient autrefois fondées proche le village de Bierre, à trois lieues de Paris, dans un lieu fort incommode à cause des marécages, nommé le Val profond. Comme elles estoient très mal en cet endroit, elles demandèrent la permission à Louis XIII de venir s’habituer à Paris. La reine Anne d’Autriche, son illustre épouse, aïant connu leur mérite, principalement d’une d’entre elles, nommée Marguerite d’Arbouse, pour laquelle elle prit une - 88affection toute particulière, se déclara leur fondatrice & les fit loger en 1621 au faux-bourg Saint-Jacques, dans une vieille maison que l’on nommoit l’hostel de Valois, qui fut abatue pour faire place aux ouvrages que l’on a exécuté depuis. Quelques années après cette illustre reine, en action de grâces pour l’heureuse naissance du roi que Dieu donna à la France après vingt deux ans d’attente, fit jetter les premiers fondemens du superbe édifice que l’on voit. M. Mansard, dont on a déjà parlé si souvent, qui estoit pour lors le plus estimé de tous les architectes de France, fut choisi d’abord, & les desseins qu’il donna furent admirez de tout le monde. Il conduisit l’ouvrage jusqu’au rez-de-chaussée, mais enfin pour des raisons particulières il fut changé & l’on mit en sa place d’autres architectes, sçavoir : Le Duc, Le Muet & du Val, qui ne firent rien qui pût faire regréter un si grand maître. De dépit qu’il eut d’avoir esté ainsi traité, - 89il entreprit la chapelle du château de Fresne, à sept lieues de Paris, pour monsieur de Guénégaud, secrétaire d’Estat, où il exécuta en petit le superbe dessein qu’il avoit imaginé pour le Val-de-Grâce, & il la rendit la plus belle chose du roïaume ; comme en conviennent tous ceux qui l’ont esté voir. Mais si l’édifice du Val-de-Grâce est merveilleux en l’estat où il est, il a falu aussi des peines & des dépences excessives, principalement à jetter les fondemens, à cause des carrières qui se sont trouvées quand on à creusé la terre. Voici de quelle disposition il se trouve.

-

D’abord on entre dans une grande cour devant la principale entrée, qui est séparée de la rue par une palissade de fer, aux extrémitez de laquelle sont deux pavillons quarrez. À droite & à gauche elle est bornée d’un ouvrage de maçonnerie orné de colonnes rustiques qui font un fort bel effet. Au fond de cette cour le grande portail est élevé sur seize degrez, - 90mais ce qui le rend plus remarquable est qu’il est en portique, composé de quatre grosses colonnes corinthiennes, avec des niches de chaque côté où l’on a mis saint Benoist & sainte Scolastique en marbre blanc. Sur la frise, cette inscription est en grosses lettres d’or :

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Jesu nascenti, virginique matri.

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-

La face de ce portail est de deux ordres de colonnes, corinthiennes & composites, avec tous les ornemens qui peuvent leur convenir. Si ces dehors sont d’une grande apparence, les dedans sont encore infiniment plus magnifiques. Toute l’église est pavée de marbre de diverses couleurs, dont les compartimens répondent aux cartouches de sculpture & aux guillochis qui sont à la voûte, où il y a des basses-tailles d’un ouvrage admirable. Cette voûte est d’une pierre blanche comme le marbre & partout elle est enrichie d’ornemens des mieux exécutez, où M. Anguerre s’est sur - 91passé. De chaque côté de la nef il se trouve trois chapelles séparées l’une de l’autre par deux grands pilastres qui soutiennent la corniche qui règne tout autour de l’église, sur laquelle posent les arcs de la voûte. Le chœur est directement sous le dôme, à l’extrémité de la nef, de laquelle il n’est séparé que par une grille de fer doré. Quatre grandes arcades soutiennent le dôme, & le grand autel est placé sous celle du fond. II est d’un dessein tout à fait singulier, composé de six grosses colonnes torses composites de marbre noir veiné de blanc, presque les seules qu’il y ait en Europe de cette sorte. Elles sont élevées sur des piez-d’estaux aussi de marbre, & partout enrichies de palmes & de feuillages de bronze doré qui font un effet merveilleux. On peut dire que la disposition de ces colonnes a quelque chose de plus magnifique que n’ont pas celles qui composent le grand autel de Saint-Pierre à Rome, dont le cavalier Bernin a - 92donné le dessein. Celles-ci les surpassent en nombre & en beauté de travail. Elles sont sur un grand rond élevé environ de deux piez, & soutiennent une manière de pavillon ouvert de tous côtez, que forment six consonnes - , aux piez desquelles sont des anges qui tiennent des encensoirs. Ces colonnes sont jointes les unes aux autres par de grands festons de palmes, autour desquelles de petits anges tiennent des rouleaux où sont écrits des versets du Gloria in excelsis Deo. Tout cet ouvrage est d’une dorure matte sans aucune couleur. Sur l’autel qui est entre ces colonnes, l’Enfant Jésus est représenté en marbre blanc dans la crèche, acompagné de la Sainte Vierge & de saint Joseph, qui sont des plus beaux ouvrages de M. Anguerre. Derrière le grand autel, on verra une grille dans une espèce de pavillon aussi de marbre, où les religieuses viennent faire leurs prières lorsque le Saint Sacrement est exposé. L’intérieur de ce - 93lieu est très beau, mais comme il est difficile de le voir on n’en dira rien. Ce qu’il faut regarder soigneusement sont les quatre évangélistes en sculpture dans les entre-voûtes, qui soutiennent le dôme ; & un peu plus bas, autant de balcons dorez qui se trouvent sur des petites chapelles pratiquées dans l’épaisseur de l’ouvrage. Mais quoi que toutes ces choses soient dignes d’admiration, ce n’est pas sur quoi on s’arrestera le plus longtemps. La peinture du dôme donnera bien plus de plaisir à ceux qui aiment & qui connoissent les belles choses. Elle représente la gloire des bienheureux dans le ciel, qui sont disposez par groupes : les Apôtres, les Prophètes, les Martyrs, les Vierges & les Confesseurs, chacun s’y fait reconnoître par une marque particulière ; les Rois, les Patriarches, les Chefs d’ordre, les Pères de l’Église, saint Benoist & sainte Scolastique, dans les parties les plus bastes, l’autel & le chandelier à sept branches : en un mot, tout ce que les - 94saintes écritures ont pu faire connoître du paradis. Au plus haut, la veue se perd dans les espaces infinis qui ne font paroître que des objets confus & mal formez à cause de l’éloignement & d’une grande lumière qui en sort. Toute cette belle peinture est à fresque & de la manière de M. Mignard, qui a fait le salon & la galerie de Saint-Cloud. Dans la frise qui est au bas on lit cette inscription :

- -

- Anna Austria. D. G. francorum Regina, Regniq. Rectrix, cui subjecit Deus omnes Hostes, ut conderet Domum in nomine suo, Ecc. A. M. D. C. L.

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À droite & à gauche du grand autel sont les deux grilles qui occupent les vuides des arcades. Elles sont d’une grandeur tout à fait extraordinaire & jamais on n’en a fait de pareilles ; outre qu’elles sont travaillées avec autant de délicatesse que - 95si le fer eût esté maniable comme le plomb. Celle qui est à droit sépare le chœur des religieuses de l’église, qui est grand & revêtu d’une belle menuiserie. II y a un petit jeu d’orgues qui leur sert lorsqu’elles chantent en musique les jours de festes ; ce qui est fort agréable à entendre parce que parmi elles il s’en trouve qui ont la voix très belle. De l’autre côté, c’est une grande chapelle tendue de deuil, au milieu de laquelle est un lit de velours noir, élevé sur quatre ou cinq degrez, où reposent le chœur de la reine mère, leur illustre bienfaitrice ; celui de la reine que nous venons de perdre ; & ceux de quelques princesses du sang roïal, entre autres de madame la duchesse d’Orléans.

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Avant que de sortir de ce lieu, il faut remarquer le chiffre qui est au bas des degrez de l’autel, composé seulement de deux lettres, L. & A., qui sont entourées de palmes & d’autres feuillage de marbre blanc. Il y - 96a encore beaucoup de choses à observer qu’il seroit fort difficile de décrire & que les yeux des curieux découvriront très aisément. L’intérieur du couvent correspond parfaitement bien à la magnificence de cette église. Les cellules & les offices en sont régulièrement ordonnées & bâties avec solidité ; particulièrement l’appartement de la reine mère, disposé à la capucine. Les religieuses sont très austères parce qu’elles suivent la règle reformée de saint Benoist. Elles élisent entre elles une abbesse du corps de la communauté, dont l’autorité ne dure que trois ans. Les principaux revenus qu’elles ont sont sur l’abbaïe de Sainte-Corneille de Compiègne, qui a esté affectée à leur maison.

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En sortant, il ne faut pas oublier de jetter les yeux sur les dehors de l’église & sur les ornemens qui sont autour du dôme, qui paroît d’une grande hauteur. II est couvert de plomb avec de grandes bandes do - 97rées ; & sur le plus haut, une balustrade de fer autour de la petite lanterne ouverte de tous cotez, sur laquelle est la grosse boule & la croix au-dessus. Toutes ces choses éclatent de la dorure qui y est, & par quelque endroit que l’on puisse entrer à Paris, ce dôme est si gros & si élevé qu’on l’apperçoit facilement de très loin.

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Après le Val-de-Grâce, on poura aller voir ensuite :

+ Il faut ici que les étrangers demeurent d’accord qu’on peut faire des choses en France aussi belles & aussi régulières que celles que l’on va admirer en Italie. Aussi peut-on dire sans exagération que cette magnifique maison, si on la considère dans toutes ses parties, est un des plus beaux ouvrages de ce siècle.

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II est bon de sçavoir que les religieuses du Val-de-Grâce estoient autrefois fondées proche le village de Bierre, à trois lieues de Paris, dans un lieu fort incommode à cause des marécages, nommé le Val profond. Comme elles estoient très mal en cet endroit, elles demandèrent la permission à Louis XIII de venir s’habituer à Paris. La reine Anne d’Autriche, son illustre épouse, aïant connu leur mérite, principalement d’une d’entre elles, nommée Marguerite d’Arbouse, pour laquelle elle prit une 88affection toute particulière, se déclara leur fondatrice & les fit loger en 1621 au faux-bourg Saint-Jacques, dans une vieille maison que l’on nommoit l’hostel de Valois, qui fut abatue pour faire place aux ouvrages que l’on a exécuté depuis. Quelques années après cette illustre reine, en action de grâces pour l’heureuse naissance du roi que Dieu donna à la France après vingt deux ans d’attente, fit jetter les premiers fondemens du superbe édifice que l’on voit. M. Mansard, dont on a déjà parlé si souvent, qui estoit pour lors le plus estimé de tous les architectes de France, fut choisi d’abord, & les desseins qu’il donna furent admirez de tout le monde. Il conduisit l’ouvrage jusqu’au rez-de-chaussée, mais enfin pour des raisons particulières il fut changé & l’on mit en sa place d’autres architectes, sçavoir : Le Duc, Le Muet & du Val, qui ne firent rien qui pût faire regréter un si grand maître. De dépit qu’il eut d’avoir esté ainsi traité, 89il entreprit la chapelle du château de Fresne, à sept lieues de Paris, pour monsieur de Guénégaud, secrétaire d’Estat, où il exécuta en petit le superbe dessein qu’il avoit imaginé pour le Val-de-Grâce, & il la rendit la plus belle chose du roïaume ; comme en conviennent tous ceux qui l’ont esté voir. Mais si l’édifice du Val-de-Grâce est merveilleux en l’estat où il est, il a falu aussi des peines & des dépences excessives, principalement à jetter les fondemens, à cause des carrières qui se sont trouvées quand on à creusé la terre. Voici de quelle disposition il se trouve.

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D’abord on entre dans une grande cour devant la principale entrée, qui est séparée de la rue par une palissade de fer, aux extrémitez de laquelle sont deux pavillons quarrez. À droite & à gauche elle est bornée d’un ouvrage de maçonnerie orné de colonnes rustiques qui font un fort bel effet. Au fond de cette cour le grande portail est élevé sur seize degrez, 90mais ce qui le rend plus remarquable est qu’il est en portique, composé de quatre grosses colonnes corinthiennes, avec des niches de chaque côté où l’on a mis saint Benoist & sainte Scolastique en marbre blanc. Sur la frise, cette inscription est en grosses lettres d’or :

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Jesu nascenti, virginique matri.

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La face de ce portail est de deux ordres de colonnes, corinthiennes & composites, avec tous les ornemens qui peuvent leur convenir. Si ces dehors sont d’une grande apparence, les dedans sont encore infiniment plus magnifiques. Toute l’église est pavée de marbre de diverses couleurs, dont les compartimens répondent aux cartouches de sculpture & aux guillochis qui sont à la voûte, où il y a des basses-tailles d’un ouvrage admirable. Cette voûte est d’une pierre blanche comme le marbre & partout elle est enrichie d’ornemens des mieux exécutez, où M. Anguerre s’est sur 91passé. De chaque côté de la nef il se trouve trois chapelles séparées l’une de l’autre par deux grands pilastres qui soutiennent la corniche qui règne tout autour de l’église, sur laquelle posent les arcs de la voûte. Le chœur est directement sous le dôme, à l’extrémité de la nef, de laquelle il n’est séparé que par une grille de fer doré. Quatre grandes arcades soutiennent le dôme, & le grand autel est placé sous celle du fond. II est d’un dessein tout à fait singulier, composé de six grosses colonnes torses composites de marbre noir veiné de blanc, presque les seules qu’il y ait en Europe de cette sorte. Elles sont élevées sur des piez-d’estaux aussi de marbre, & partout enrichies de palmes & de feuillages de bronze doré qui font un effet merveilleux. On peut dire que la disposition de ces colonnes a quelque chose de plus magnifique que n’ont pas celles qui composent le grand autel de Saint-Pierre à Rome, dont le cavalier Bernin a 92donné le dessein. Celles-ci les surpassent en nombre & en beauté de travail. Elles sont sur un grand rond élevé environ de deux piez, & soutiennent une manière de pavillon ouvert de tous côtez, que forment six consonnes + , aux piez desquelles sont des anges qui tiennent des encensoirs. Ces colonnes sont jointes les unes aux autres par de grands festons de palmes, autour desquelles de petits anges tiennent des rouleaux où sont écrits des versets du Gloria in excelsis Deo. Tout cet ouvrage est d’une dorure matte sans aucune couleur. Sur l’autel qui est entre ces colonnes, l’Enfant Jésus est représenté en marbre blanc dans la crèche, acompagné de la Sainte Vierge & de saint Joseph, qui sont des plus beaux ouvrages de M. Anguerre. Derrière le grand autel, on verra une grille dans une espèce de pavillon aussi de marbre, où les religieuses viennent faire leurs prières lorsque le Saint Sacrement est exposé. L’intérieur de ce 93lieu est très beau, mais comme il est difficile de le voir on n’en dira rien. Ce qu’il faut regarder soigneusement sont les quatre évangélistes en sculpture dans les entre-voûtes, qui soutiennent le dôme ; & un peu plus bas, autant de balcons dorez qui se trouvent sur des petites chapelles pratiquées dans l’épaisseur de l’ouvrage. Mais quoi que toutes ces choses soient dignes d’admiration, ce n’est pas sur quoi on s’arrestera le plus longtemps. La peinture du dôme donnera bien plus de plaisir à ceux qui aiment & qui connoissent les belles choses. Elle représente la gloire des bienheureux dans le ciel, qui sont disposez par groupes : les Apôtres, les Prophètes, les Martyrs, les Vierges & les Confesseurs, chacun s’y fait reconnoître par une marque particulière ; les Rois, les Patriarches, les Chefs d’ordre, les Pères de l’Église, saint Benoist & sainte Scolastique, dans les parties les plus bastes, l’autel & le chandelier à sept branches : en un mot, tout ce que les 94saintes écritures ont pu faire connoître du paradis. Au plus haut, la veue se perd dans les espaces infinis qui ne font paroître que des objets confus & mal formez à cause de l’éloignement & d’une grande lumière qui en sort. Toute cette belle peinture est à fresque & de la manière de M. Mignard, qui a fait le salon & la galerie de Saint-Cloud. Dans la frise qui est au bas on lit cette inscription :

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Anna Austria. D. G. francorum Regina, Regniq. Rectrix, cui subjecit Deus omnes Hostes, ut conderet Domum in nomine suo, Ecc. A. M. D. C. L.

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À droite & à gauche du grand autel sont les deux grilles qui occupent les vuides des arcades. Elles sont d’une grandeur tout à fait extraordinaire & jamais on n’en a fait de pareilles ; outre qu’elles sont travaillées avec autant de délicatesse que 95si le fer eût esté maniable comme le plomb. Celle qui est à droit sépare le chœur des religieuses de l’église, qui est grand & revêtu d’une belle menuiserie. II y a un petit jeu d’orgues qui leur sert lorsqu’elles chantent en musique les jours de festes ; ce qui est fort agréable à entendre parce que parmi elles il s’en trouve qui ont la voix très belle. De l’autre côté, c’est une grande chapelle tendue de deuil, au milieu de laquelle est un lit de velours noir, élevé sur quatre ou cinq degrez, où reposent le chœur de la reine mère, leur illustre bienfaitrice ; celui de la reine que nous venons de perdre ; & ceux de quelques princesses du sang roïal, entre autres de madame la duchesse d’Orléans.

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Avant que de sortir de ce lieu, il faut remarquer le chiffre qui est au bas des degrez de l’autel, composé seulement de deux lettres, L. & A., qui sont entourées de palmes & d’autres feuillage de marbre blanc. Il y 96a encore beaucoup de choses à observer qu’il seroit fort difficile de décrire & que les yeux des curieux découvriront très aisément. L’intérieur du couvent correspond parfaitement bien à la magnificence de cette église. Les cellules & les offices en sont régulièrement ordonnées & bâties avec solidité ; particulièrement l’appartement de la reine mère, disposé à la capucine. Les religieuses sont très austères parce qu’elles suivent la règle reformée de saint Benoist. Elles élisent entre elles une abbesse du corps de la communauté, dont l’autorité ne dure que trois ans. Les principaux revenus qu’elles ont sont sur l’abbaïe de Sainte-Corneille de Compiègne, qui a esté affectée à leur maison.

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En sortant, il ne faut pas oublier de jetter les yeux sur les dehors de l’église & sur les ornemens qui sont autour du dôme, qui paroît d’une grande hauteur. II est couvert de plomb avec de grandes bandes do 97rées ; & sur le plus haut, une balustrade de fer autour de la petite lanterne ouverte de tous cotez, sur laquelle est la grosse boule & la croix au-dessus. Toutes ces choses éclatent de la dorure qui y est, & par quelque endroit que l’on puisse entrer à Paris, ce dôme est si gros & si élevé qu’on l’apperçoit facilement de très loin.

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Après le Val-de-Grâce, on poura aller voir ensuite :

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, derrière lequel il y a un fort grand clos qui s’étend assez avant dans la campagne & qui sert en esté d’une agréable promenade. Leur cloître est petit, selon la manière de bâtir de ces bons religieux. Ils y ont écrit des inscriptions en vers françois sur les murailles pour exciter à la dévotion ceux qui s’y promènent.

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Dans une rue vis-à-vis les Capucins & qui perce à la rue d’Enfer, est :

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Dans une rue vis-à-vis les Capucins & qui perce à la rue d’Enfer, est :

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- , réformées du Port-Roïal, dont l’église est fort jolie. Elle est du dessein du sieur Le Pautre. Quoiqu’elle soit petite, elle a des beautez que l’on ne trouve pas dans de plus grandes. La reine mère défunte fit venir ces religieuses de la fameuse abbaïe du Port-Roïal des Champs, proche Versailles, en l’année 1625, où̀ elles estoient en fort grand nombre & en grande réputation ; & les mit dans ce lieu que l’on nommoit pour lors l’hostel de Clagni. Il y a dans leur église une grande dévotion à cause d’une sainte épine de la couronne de Notre Seigneur, en faveur de laquelle il s’est fait de très grands miracles. Le tableau de leur autel, qui représente une cène, est de M. Champagne. Il y a aussi dans le mesme lieu une hidrie, ou amphore antique, qui a servi, à ce que l’on prétend, au miracle des noces de Cana.

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Dans tout le reste du faux-bourg, il n’y a rien de remarquable que :

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, réformées du Port-Roïal, dont l’église est fort jolie. Elle est du dessein du sieur Le Pautre. Quoiqu’elle soit petite, elle a des beautez que l’on ne trouve pas dans de plus grandes. La reine mère défunte fit venir ces religieuses de la fameuse abbaïe du Port-Roïal des Champs, proche Versailles, en l’année 1625, où̀ elles estoient en fort grand nombre & en grande réputation ; & les mit dans ce lieu que l’on nommoit pour lors l’hostel de Clagni. Il y a dans leur église une grande dévotion à cause d’une sainte épine de la couronne de Notre Seigneur, en faveur de laquelle il s’est fait de très grands miracles. Le tableau de leur autel, qui représente une cène, est de M. Champagne. Il y a aussi dans le mesme lieu une hidrie, ou amphore antique, qui a servi, à ce que l’on prétend, au miracle des noces de Cana.

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Dans tout le reste du faux-bourg, il n’y a rien de remarquable que :

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- - L’Observatoir roïal - + L’Observatoir roïal

- Le roi, qui ne prend pas moins de soin à faire fleurir les beaux arts qu’à étendre les bornes de son roïaume, a fait élever cet édifice en 1667 pour loger les mathématiciens. Ce bâtiment est un grand corps de maçonnerie à deux étages, dont les fenestres sont rondes par en haut, élevé environ de quatorze toises. Le devant est terminé par deux tours octogones de la mesme hauteur, avec une grande esplanade relevée en terrasse, qui fait face à tout le bâtiment. La tour orientale est sans toit ny couverture, afin que du fond on puisse voir plus à découvert. Dans le milieu sont de grandes salles qui ne sont pas encore embellies des ornemens que l’on y doit mettre. Mais ce qui est de plus singulier dans la structure de tout l’ouvrage est qu’il n’y a ni fer ni bois, & que tout est voûté d’une solidité tout à fait extraordi - 100naire. L’escalier est la plus belle chose que l’on puisse imaginer. Il est tout de pierre, d’un trait extrêmement hardi depuis le haut jusques en bas, & la rampe de fer qui règne tout du long est parfaitement bien travaillée. Il est de cent cinquante-six degrez & mène à la terrasse. Comme ce bâtiment est à plusieurs étages, il s’y trouve aussi trois voûtes l’une sur l’autre & la dernière est d’un arc fort étendu. Le comble est en plate-forme, au lieu de toit, que l’on a pavé de cailloux taillez & liez avec du ciment, de peur que l’eau du ciel ne pénètre & ne gaste la liaison des pierres qui font les voûtes du dessous. Les curieux peuvent encore descendre dans les caves, qui sont très profondes, puisque l’escalier qui sert pour y aller a cent soixante & onze degrez, au milieu duquel on a laissé un espace vuide en manière de noyau, qui perce toutes les voûtes & qui a une issue par en haut sur la terrasse, en sorte que du plus profond de la - 101cave on peut voir la lumière par ce trou. On dit qu’il a esté fait exprès pour voir les astres en plein jour. Cependant, on ne s’en est pas encore apperçu & personne ne les a vu jusqu’à présent, quoique l’on y ait souvent regardé. Cet espace que l’on nomme ordinairement le puits a vingt-huit toises depuis le fond de la cave jusqu’à son issue.

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Dans les appartemens particuliers, surtout chez M. Cassini, il y a des instrumens de mathématique très curieux, des globes, des pendules & principalement des lunettes fort grandes avec lesquelles ces sçavans observent les astres. Il y a seulement quatre mathématiciens logez dans l’Observatoire, qui sont une partie de ceux qui composent l’Académie des sciences établie au cabinet du roi, comme l’on a dit ; à sçavoir :

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- M. Cassini, italien d’origine, qui étoit autrefois de l’Académie du grand duc de Toscane à Florence, où il estoit en grande réputation, qui travaille - 102ici avec beaucoup de succès dans l’astronomie, où mesme il fait assez souvent des découvertes ; ce qui fait que le roi lui donne une pension considérable. M. de La Hire, M. Couplet, qui enseignent les mathématiques aux pages de la Grande Écurie. Deffunt M. l’abbé Picard en estoit aussi, mais la place n’est pas encore remplie. M. Hugens, hollandois, y a un appartement quoiqu’il n’y demeure pas ordinairement. Ces messieurs s’assemblent à certains jours, où ils se communiquent les observations qu’ils font en particulier, & quelquefois mesme ils les font imprimer pour la satisfaction du public. Tous les ans, M. Cassini donne au commencement de l’année un petit volume intitulé : la Connoissance des temps, dans lequel on peut voir le cours des planètes & d’autres choses curieuses de cette sorte, beaucoup plus exactement & d’une manière plus régulière que tout ce qu’on a pu voir sur ce sujet jusqu’à présent. II y a une petite cham - 103bre quarrée sur le devant de la terrasse où ceux qui se parlent dans les angles opposez peuvent facilement s’entendre sans que ceux qui sont au milieu s’en apperçoivent, cela se fait ainsi à cause qu’elle est voûtée & que les angles rentrans sont perpétuez dans la voûte d’un côté à l’autre sans aucun empeschement.

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Après l’Observatoire on doit en sortant voir :

+ Le roi, qui ne prend pas moins de soin à faire fleurir les beaux arts qu’à étendre les bornes de son roïaume, a fait élever cet édifice en 1667 pour loger les mathématiciens. Ce bâtiment est un grand corps de maçonnerie à deux étages, dont les fenestres sont rondes par en haut, élevé environ de quatorze toises. Le devant est terminé par deux tours octogones de la mesme hauteur, avec une grande esplanade relevée en terrasse, qui fait face à tout le bâtiment. La tour orientale est sans toit ny couverture, afin que du fond on puisse voir plus à découvert. Dans le milieu sont de grandes salles qui ne sont pas encore embellies des ornemens que l’on y doit mettre. Mais ce qui est de plus singulier dans la structure de tout l’ouvrage est qu’il n’y a ni fer ni bois, & que tout est voûté d’une solidité tout à fait extraordi 100naire. L’escalier est la plus belle chose que l’on puisse imaginer. Il est tout de pierre, d’un trait extrêmement hardi depuis le haut jusques en bas, & la rampe de fer qui règne tout du long est parfaitement bien travaillée. Il est de cent cinquante-six degrez & mène à la terrasse. Comme ce bâtiment est à plusieurs étages, il s’y trouve aussi trois voûtes l’une sur l’autre & la dernière est d’un arc fort étendu. Le comble est en plate-forme, au lieu de toit, que l’on a pavé de cailloux taillez & liez avec du ciment, de peur que l’eau du ciel ne pénètre & ne gaste la liaison des pierres qui font les voûtes du dessous. Les curieux peuvent encore descendre dans les caves, qui sont très profondes, puisque l’escalier qui sert pour y aller a cent soixante & onze degrez, au milieu duquel on a laissé un espace vuide en manière de noyau, qui perce toutes les voûtes & qui a une issue par en haut sur la terrasse, en sorte que du plus profond de la 101cave on peut voir la lumière par ce trou. On dit qu’il a esté fait exprès pour voir les astres en plein jour. Cependant, on ne s’en est pas encore apperçu & personne ne les a vu jusqu’à présent, quoique l’on y ait souvent regardé. Cet espace que l’on nomme ordinairement le puits a vingt-huit toises depuis le fond de la cave jusqu’à son issue.

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Dans les appartemens particuliers, surtout chez M. Cassini, il y a des instrumens de mathématique très curieux, des globes, des pendules & principalement des lunettes fort grandes avec lesquelles ces sçavans observent les astres. Il y a seulement quatre mathématiciens logez dans l’Observatoire, qui sont une partie de ceux qui composent l’Académie des sciences établie au cabinet du roi, comme l’on a dit ; à sçavoir :

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M. Cassini, italien d’origine, qui étoit autrefois de l’Académie du grand duc de Toscane à Florence, où il estoit en grande réputation, qui travaille 102ici avec beaucoup de succès dans l’astronomie, où mesme il fait assez souvent des découvertes ; ce qui fait que le roi lui donne une pension considérable. M. de La Hire, M. Couplet, qui enseignent les mathématiques aux pages de la Grande Écurie. Deffunt M. l’abbé Picard en estoit aussi, mais la place n’est pas encore remplie. M. Hugens, hollandois, y a un appartement quoiqu’il n’y demeure pas ordinairement. Ces messieurs s’assemblent à certains jours, où ils se communiquent les observations qu’ils font en particulier, & quelquefois mesme ils les font imprimer pour la satisfaction du public. Tous les ans, M. Cassini donne au commencement de l’année un petit volume intitulé : la Connoissance des temps, dans lequel on peut voir le cours des planètes & d’autres choses curieuses de cette sorte, beaucoup plus exactement & d’une manière plus régulière que tout ce qu’on a pu voir sur ce sujet jusqu’à présent. II y a une petite cham 103bre quarrée sur le devant de la terrasse où ceux qui se parlent dans les angles opposez peuvent facilement s’entendre sans que ceux qui sont au milieu s’en apperçoivent, cela se fait ainsi à cause qu’elle est voûtée & que les angles rentrans sont perpétuez dans la voûte d’un côté à l’autre sans aucun empeschement.

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Après l’Observatoire on doit en sortant voir :

- , qui est proche la porte par laquelle il faut sortir pour venir dans la rue d’Enfer. Cette maison a esté bâtie pour recevoir toutes les eaux qui viennent du village de Rongis par le bel aqueduc que Marie de Médicis a fait bâtir à Arcueil & que les curieux ne doivent pas négliger d’aller voir comme un des plus beaux qu’il y ait en France. Il faut seulement sçavoir que la plupart des fontaines de Paris viennent de ce réservoir, qui a sa première décharge à Luxembourg, d’où après les eaux se di - 104visent dans tous les quartiers de la ville.

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En rentrant dans la ville par la rue d’Enfer, on trouvera d’abord :

+ , qui est proche la porte par laquelle il faut sortir pour venir dans la rue d’Enfer. Cette maison a esté bâtie pour recevoir toutes les eaux qui viennent du village de Rongis par le bel aqueduc que Marie de Médicis a fait bâtir à Arcueil & que les curieux ne doivent pas négliger d’aller voir comme un des plus beaux qu’il y ait en France. Il faut seulement sçavoir que la plupart des fontaines de Paris viennent de ce réservoir, qui a sa première décharge à Luxembourg, d’où après les eaux se di 104visent dans tous les quartiers de la ville.

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En rentrant dans la ville par la rue d’Enfer, on trouvera d’abord :

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- , que l’on nomme l’Institution, qui leur sert de noviciat. L’église en est assez bien bâtie, mais il n’y a rien de singulier.

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Ensuite il faut aller voir :

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, que l’on nomme l’Institution, qui leur sert de noviciat. L’église en est assez bien bâtie, mais il n’y a rien de singulier.

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Ensuite il faut aller voir :

- - Le couvent des Chartreux - + Le couvent des Chartreux

- Ce monastère a esté fondé par le roi saint Louis, qui donna aux religieux de Saint-Bruno le vieux château de Vauvert, où les diables habitoient à ce que disent les historiens de ce temps-là, qui faisoient mesme de si grands désordres que la porte qui conduit pour y aller fut bouchée par arrest du Parlement. La rue qui est devant en a encore retenu le nom & c’est pour cette raison qu’elle - 105est appellée la rue d’Enfer. Dès que ces bons pères y furent établis, ils en chassèrent bientost les malins esprits, & saint Louis, touché de la vie austère & toute sainte qu’ils y menoient, les vint visiter avec toute sa cour & leur donna des terres & du domaine qui suffisoit pour leur entretien. Plusieurs personnes mesme contribuèrent à la fabrique de leur maison, qui occupe à présent un plus grand terrain que pas une autre qui soit dans toute l’étendue de la ville & des faux-bourgs de Paris. Outre que les cellules sont grandes & qu’elles ont un jardin séparé, il y a encore un fort grand clos qui contient plusieurs arpens de terre qui entoure toute la maison. L’église n’a rien de beau que les chaises des religieux que l’on a fait faire depuis deux ans, qui sont les mieux travaillées que l’on aie encore vu. La menuiserie en est tout à fait belle, ornée de sculptures qui font un bel effet. Ce sont de petits - 106pilastres corinthiens qui soutiennent une corniche. Un frère de la maison les a dessinées & a conduit tout l’ouvrage. On commence à mettre des tableaux sur les tremeaux entre les croisées. Le premier qui est déjà posé est de M. Audran, le deuxième de M. Coipel, & avec le temps tout le chœur en sera garni, ce qui embellira considérablement cette église.

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Le petit cloistre qui est à côté est tout ce qu’il y a de plus rare & de plus singulier chez ces pères. Il est orné d’une architecture dorique en pilastre, avec des tableaux dans les arcades qui représentent la vie de saint Bruno, leur fondateur, & des cartouches entre deux, où cette mesme vie est décrite en vers latins. Les tableaux qui se trouvent dans les angles représentent des veuës de quelques lieux remarquables : entre autres de la ville de Rome, de la grande chartreuse proche la ville de Grenoble, celle de Paris du 107 côté du Louvre, comme elle estoit avant qu’on eût abatu la vieille tour & la porte neuve, qui n’estoit pas loin du pont Rouge ; les autres sont des caprices du peintre. Toute la peinture de ce cloistre est de Le Sueur, qui n’a rien fait de plus beau que ces pièces-cy. Aussi pour les conserver l’on y a fait mettre depuis quelque temps des volets de bois qui les cachent & qui empeschent que l’on ne les gaste, comme quelques jaloux du mérite & de la réputation de cet homme incomparable avoient commencé à faire. On ne découvre ces tableaux que dans de certains jours, ou bien lorsque quelques curieux demandent à les voir. Il est constant qu’on ne peut pas voir de plus belles peintures que celles-ci, & l’on eut encore vu des choses infiniment plus parfaites si ce peintre eût vécu davantage, mais son destin a esté pareil à celui de Raphaël, qui mourut dans un âge où son admirable génie commençoit à se faire connoîstre. Ce - 108qu’il y a encore dans cette maison est le réfectoire, qui est fort clair, où ces religieux ne mangent que les festes, les dimanches & les jeudis. Les autres jours, ils prennent leurs repas en particulier dans leurs cellules, qui sont disposées en quarré autour du cimetière. Elles sont composées de quatre ou cinq petites chambres de plein-pié, boisées partout & fort simplement meublées. Chez quelques-uns de ces pères, il y a des bibliotèques assez curieuses, & le père vicaire en a une que l’on estime beaucoup. Quelques-uns d’entre eux travaillent à des ouvrages industrieux pour passer plus doucement le temps de leur solitude, qui est très rigoureuse, puisqu’il ne leur est pas permis de sortir de la maison & qu’ils ne peuvent recevoir de visites qu’à certaines heures ; aussi un de nos historiens a-t-il très judicieusement remarqué que la principale raison qui a fait que ces bons religieux ont mieux conservé la pu - 109reté de leur premier institut que les autres, est qu’ils ont évité avec un soin extrême le grand commerce du monde & les visites des femmes, qui sont deux écueils dangereux pour la vie monastique.

+ Ce monastère a esté fondé par le roi saint Louis, qui donna aux religieux de Saint-Bruno le vieux château de Vauvert, où les diables habitoient à ce que disent les historiens de ce temps-là, qui faisoient mesme de si grands désordres que la porte qui conduit pour y aller fut bouchée par arrest du Parlement. La rue qui est devant en a encore retenu le nom & c’est pour cette raison qu’elle 105est appellée la rue d’Enfer. Dès que ces bons pères y furent établis, ils en chassèrent bientost les malins esprits, & saint Louis, touché de la vie austère & toute sainte qu’ils y menoient, les vint visiter avec toute sa cour & leur donna des terres & du domaine qui suffisoit pour leur entretien. Plusieurs personnes mesme contribuèrent à la fabrique de leur maison, qui occupe à présent un plus grand terrain que pas une autre qui soit dans toute l’étendue de la ville & des faux-bourgs de Paris. Outre que les cellules sont grandes & qu’elles ont un jardin séparé, il y a encore un fort grand clos qui contient plusieurs arpens de terre qui entoure toute la maison. L’église n’a rien de beau que les chaises des religieux que l’on a fait faire depuis deux ans, qui sont les mieux travaillées que l’on aie encore vu. La menuiserie en est tout à fait belle, ornée de sculptures qui font un bel effet. Ce sont de petits 106pilastres corinthiens qui soutiennent une corniche. Un frère de la maison les a dessinées & a conduit tout l’ouvrage. On commence à mettre des tableaux sur les tremeaux entre les croisées. Le premier qui est déjà posé est de M. Audran, le deuxième de M. Coipel, & avec le temps tout le chœur en sera garni, ce qui embellira considérablement cette église.

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Le petit cloistre qui est à côté est tout ce qu’il y a de plus rare & de plus singulier chez ces pères. Il est orné d’une architecture dorique en pilastre, avec des tableaux dans les arcades qui représentent la vie de saint Bruno, leur fondateur, & des cartouches entre deux, où cette mesme vie est décrite en vers latins. Les tableaux qui se trouvent dans les angles représentent des veuës de quelques lieux remarquables : entre autres de la ville de Rome, de la grande chartreuse proche la ville de Grenoble, celle de Paris du 107 côté du Louvre, comme elle estoit avant qu’on eût abatu la vieille tour & la porte neuve, qui n’estoit pas loin du pont Rouge ; les autres sont des caprices du peintre. Toute la peinture de ce cloistre est de Le Sueur, qui n’a rien fait de plus beau que ces pièces-cy. Aussi pour les conserver l’on y a fait mettre depuis quelque temps des volets de bois qui les cachent & qui empeschent que l’on ne les gaste, comme quelques jaloux du mérite & de la réputation de cet homme incomparable avoient commencé à faire. On ne découvre ces tableaux que dans de certains jours, ou bien lorsque quelques curieux demandent à les voir. Il est constant qu’on ne peut pas voir de plus belles peintures que celles-ci, & l’on eut encore vu des choses infiniment plus parfaites si ce peintre eût vécu davantage, mais son destin a esté pareil à celui de Raphaël, qui mourut dans un âge où son admirable génie commençoit à se faire connoîstre. Ce 108qu’il y a encore dans cette maison est le réfectoire, qui est fort clair, où ces religieux ne mangent que les festes, les dimanches & les jeudis. Les autres jours, ils prennent leurs repas en particulier dans leurs cellules, qui sont disposées en quarré autour du cimetière. Elles sont composées de quatre ou cinq petites chambres de plein-pié, boisées partout & fort simplement meublées. Chez quelques-uns de ces pères, il y a des bibliotèques assez curieuses, & le père vicaire en a une que l’on estime beaucoup. Quelques-uns d’entre eux travaillent à des ouvrages industrieux pour passer plus doucement le temps de leur solitude, qui est très rigoureuse, puisqu’il ne leur est pas permis de sortir de la maison & qu’ils ne peuvent recevoir de visites qu’à certaines heures ; aussi un de nos historiens a-t-il très judicieusement remarqué que la principale raison qui a fait que ces bons religieux ont mieux conservé la pu 109reté de leur premier institut que les autres, est qu’ils ont évité avec un soin extrême le grand commerce du monde & les visites des femmes, qui sont deux écueils dangereux pour la vie monastique.

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- Tout proche les Chartreux est un petit couvent de Feuillans qui n’a rien d’extraordinaire, mais dans une maison voisine, chez M. ***, il y a un jardin très propre du dessein de M. Le Nostre.

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Delà, on doit descendre vers la porte Saint-Michel, qui a esté abatue depuis deux ans pour donner plus d’ouverture à ce quartier qui estoit fort serré auparavant.

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Tout proche les Chartreux est un petit couvent de Feuillans qui n’a rien d’extraordinaire, mais dans une maison voisine, chez M. ***, il y a un jardin très propre du dessein de M. Le Nostre.

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Delà, on doit descendre vers la porte Saint-Michel, qui a esté abatue depuis deux ans pour donner plus d’ouverture à ce quartier qui estoit fort serré auparavant.

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- Dans le lieu où estoit la porte, on a bâti une fontaine sous une grande arcade en manière de niche, avec un petit portique d’ordre dorique dessous dont les ornemens ne sont pas encore achevez. La rue de la Harpe se trouve en cet endroit & tout d’une mesme suite on peut aller à :

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Dans le lieu où estoit la porte, on a bâti une fontaine sous une grande arcade en manière de niche, avec un petit portique d’ordre dorique dessous dont les ornemens ne sont pas encore achevez. La rue de la Harpe se trouve en cet endroit & tout d’une mesme suite on peut aller à :

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- - La Sorbonne - + La Sorbonne

- Cette belle maison demande pour estre examinée une application particulière, puisqu’elle fait un des principaux ornemens de Paris ; soit à cause de la réputation des sçavans qui en sortent, ou soit enfin par la beauté de l’architecture dont elle est bâtie. Le cardinal de Richelieu l’a fait embellir comme elle est à présent. Auparavant ce n’estoit qu’un vieux collège dont la structure estoit fort simple, quoique le lieu fut déjà en fort grande réputation. Elle a esté premièrement fondée par Robert de Sorbonne, aumônier du roi saint Louis, qui mesme lui fournit de quoi faire la fondation ; comme il paroît par cette inscription dans l’église, gravée sur une lame de cuivre :

- + Cette belle maison demande pour estre examinée une application particulière, puisqu’elle fait un des principaux ornemens de Paris ; soit à cause de la réputation des sçavans qui en sortent, ou soit enfin par la beauté de l’architecture dont elle est bâtie. Le cardinal de Richelieu l’a fait embellir comme elle est à présent. Auparavant ce n’estoit qu’un vieux collège dont la structure estoit fort simple, quoique le lieu fut déjà en fort grande réputation. Elle a esté premièrement fondée par Robert de Sorbonne, aumônier du roi saint Louis, qui mesme lui fournit de quoi faire la fondation ; comme il paroît par cette inscription dans l’église, gravée sur une lame de cuivre :

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- Ludovicus rex francorum, sub quo fundata fuit domus Sorbonæ. Circa annum domini.

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M CCLII.

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- Le cardinal de Richelieu, qui ne cherchoit qu’à immortaliser son nom, fit rebâtir ce collège & n’épargna rien pour le rendre magnifique. II se servit pour cela du sieur Mercier, habile architecte, qui conduisit l’ouvrage, après quelques années de travail, au point de perfection où l’on le voit à présent. Cependant, il ne fut pas entièrement achevé, à cause de la mort qui ne lui permit pas d’y mettre la dernière main. Ce que l’on doit remarquer d’abord est la place quarrée devant la porte de l’église, qui a une issue dans la rue de la Harpe, par le moïen de quelques maisons que l’on a abatues du collège des Trésoriers. Cette place n’est pas des plus grandes à la vérité, mais cependant elle n’en est pas moins belle. - 112À droite & à gauche, elle est bornée d’assez belles maisons. D’un côté elle a un grand corps de logis de maçonnerie en bossage rustique à deux étages, où est la classe de théologie pour les écoliers externes, qui viennent prendre leçon le matin & l’après-midi de six docteurs qui changent d’heure en heure : trois le matin & trois l’après-midi. Cette classe est grande & élevée, & quelquefois on s’en sert lorsqu’il y a quelque thèse à soutenir par une personne de qualité. À main droite de cette place est la chapelle du collège de Cluni, qui ne laisse pas de faire un bon effet quoiqu’elle soit gottique, en occupant presque une face entière de cette place & en disposant les yeux à remarquer avec plaisir la différence grossière & rustique de bâtir des siècles passez, d’avec la manière régulière & étudiée de celui-ci. À l’entrée de cette place, si l’on jette les yeux sur le portail de l’église, l’on ne trouvera rien qui satisfasse - 113davantage. Les proportions sont si justes & les points de veues si bien ménagez, que les parties les plus éloignées de cet édifice semblent estre placées sur le portail & estre mises à l’endroit où elles sont pour lui servir d’ornemens particuliers. Le dôme n’est pas des plus élevez. Il est accompagné, comme celui du Val-de-Grâce, de quatre autres petits, de statues avec des bandes de plomb doré, & d’une balustrade de fer sur le plus haut, autour de la petite lanterne qui fait le comble de tout l’ouvrage. Toutes ces choses différentes se raportent si bien les unes aux autres que l’on ne peut désirer une plus belle ordonnance. Le portail de l’église est à deux ordres de colonnes, corinthiennes & composites, & le second rang est seulement en pilastre. En haut & en bas, dans les entre-colonnemens, il y a des niches où l’on a placé des statues d’une très bonne manière, aussi bien que celles qui se trouvent sur les dehors de l’é - 114glise & dans l’intérieur, entre les pilastres corinthiens qui soutiennent la voûte. Le dedans est petit & n’a pas toute la clarté qu’il pouroit avoir, cependant tout y est bien disposé. Le pavé est de marbre & le dôme est fort bien peint, aussi bien que les quatre pères de l’Église qui sont entre les arcades qui le soutiennent, qui sont à fresque & d’un coloris fort rembruni. Le grand autel n’est pas encore commencé & sans doute il sera magnifique si l’on suit les desseins que l’on a veu. Il doit estre tout de marbre, composé de six grandes colonnes jaspées avec leurs chapiteaux & tous les autres ornemens de bronze doré à feu. Les petits autels qui sont déjà faits font juger que si le grand autel est du mesme goût, on ne poura guères rien voir de plus beau. L’autel de la Vierge est achevé depuis peu. Il est aussi de marbre blanc, avec des ornemens de bronze doré qui font un effet admirable. Delà, on doit aller dans l’intérieur de la maison, - 115au milieu de laquelle est une cour quarrée tout entourée de bâtimens, dont une partie est plus élevée que l’autre, ce qui donne un air de grandeur & de majesté au portique de l’église. Si on le regarde de ce côté-là, il est difficile de rien voir qui satisfasse davantage la veue. Il paroît au fond de cette cour, élevé sur quinze degrez, composé de dix grosses colonnes corinthiennes détachées du corps du bâtiment de plus de six piez, qui soutiennent un fronton dans lequel sont les armes du cardinal de Richelieu, avec deux statues à chaque côté. Sur la frise, cette inscription est gravée :

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- Armandus Joannes card. dux de Richelieu, sorbonæ provisor, ædificavit domum et exaltavit templum sanctum domino.

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M DC XLII.

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Sous ce beau portique on trouve - 116la porte de l’église, qui est de la mesme disposition que celle de la rotonde à Rome, que l’architecte a tâché d’imiter autant qu’il a pu. Tous les appartemens qui sont autour de cette cour sont occupez par des docteurs de la maison, qui ont un droit particulier d’y estre logez. Quelques-uns de ces messieurs ont des bibliotèques très jolies, mais que l’on ne voit pas commodément comme la grande qui est commune à toute la maison, où les docteurs peuvent venir travailler. Elle est fort longue & fort élevée, & occupe le dessus des deux grandes salles basses dans lesquelles on soutient les thèses & les sorboniques. M. Le Masle, prieur des Roches, chantre de Nostre-Dame & secrétaire du cardinal de Richelieu, a donné la plus grande partie des livres qu’on y voit, qui sont très bien conditionnez. Monsieur le Cardinal y fit mettre aussi les siens, entre lesquels il y avoit de très rares manuscrits que l’on peut distinguer - 117des autres à cause de ses armes qui sont dessus. II y en a un entre autres de Tite-Live en deux grands volumes in-folio sur du vélin, d’une vieille traduction françoise environ du règne de Charles V, enrichi de miniatures au commencement de chaque chapitre & de vignettes sur les marges, qui sont très bien peintes avec de ce bel or couleur dont on a perdu le secret depuis deux siècles, qui s’emploïoit comme les couleurs ordinaires & qui estoit d’un brillant admirable sans se casser. Il y en a encore plusieurs très rares dans une des armoires du bout, à côté de la cheminée, reliez la plupart en marroquin rouge. Il se trouve dans cette bibliotèque un plus grand nombre de livres de théologie que d’aucune autre sorte. On y verra encore une quantité de bibles différentes que l’on a recherchées avec un très grand soin. À chaque bout, il y a deux cheminées sur lesquelles sont les portraits de monsieur le Cardinal en habit de - 118cérémonie & de monsieur Le Masle, peints tous deux de leur grandeur. Sur celle qui est proche de la porte, il y a un bust de bronze du premier, de l’ouvrage du sieur Varin, qui vient de la succession de la duchesse d’Aiguillon, qui après sa mort l’a laissé à cette maison avec d’autres biens dont elle avoit la jouissance sa vie durant, selon le testament du cardinal de Richelieu, son oncle. Il y a encore une autre petite bibliotèque dans un endroit particulier de la maison, mais qui n’est remplie que des livres doubles de la grande, ou de ceux qui n’y ont pu tenir à cause que tous les jours le nombre en augmente par les présens que la plupart des auteurs font de leurs ouvrages. Le roi mesme a donné toutes les belles estampes qu’il a fait graver, dont il y a quatre ou cinq grands volumes in-folio reliez très proprement, qui sont le carouzel, les tapisseries, les dissections curieuses que l’on a fait à l’Académie des sciences & quelques - 119autres. Ainsi, l’on doit considérer cette bibliotèque comme une des plus nombreuses & des plus belles que l’on puisse voir, quoiqu’elle ne soit pas encore parfaite, mais elle a cela de commun avec celles qui ont esté en plus grande estime, estant presque impossible de rendre une bibliotèque complète à cause de la difficulté qu’il y a de recouvrer de certains livres rares, qui souvent en font la principale beauté & que l’on ne trouve qu’avec une très grande peine ; outre que depuis l’impression le nombre des livres est si fort augmenté, & l’on en a fait de tant de sortes dans tous les endroits du monde, que l’on ne peut absolument les avoir tous.

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Sur la porte de l’église du côté de la place est encore cette inscription :

- -

Deo opt. max. - Armandus cardinalis -

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de Richelieu.

-
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Après avoir vu ce qu’il y a de - 120plus beau dans la Sorbonne, l’on prendra le chemin de la rue de la Harpe en passant une seconde fois à travers la place qui est devant l’église & l’on viendra au :

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Ludovicus rex francorum, sub quo fundata fuit domus Sorbonæ. Circa annum domini.

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M CCLII.

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Le cardinal de Richelieu, qui ne cherchoit qu’à immortaliser son nom, fit rebâtir ce collège & n’épargna rien pour le rendre magnifique. II se servit pour cela du sieur Mercier, habile architecte, qui conduisit l’ouvrage, après quelques années de travail, au point de perfection où l’on le voit à présent. Cependant, il ne fut pas entièrement achevé, à cause de la mort qui ne lui permit pas d’y mettre la dernière main. Ce que l’on doit remarquer d’abord est la place quarrée devant la porte de l’église, qui a une issue dans la rue de la Harpe, par le moïen de quelques maisons que l’on a abatues du collège des Trésoriers. Cette place n’est pas des plus grandes à la vérité, mais cependant elle n’en est pas moins belle. 112À droite & à gauche, elle est bornée d’assez belles maisons. D’un côté elle a un grand corps de logis de maçonnerie en bossage rustique à deux étages, où est la classe de théologie pour les écoliers externes, qui viennent prendre leçon le matin & l’après-midi de six docteurs qui changent d’heure en heure : trois le matin & trois l’après-midi. Cette classe est grande & élevée, & quelquefois on s’en sert lorsqu’il y a quelque thèse à soutenir par une personne de qualité. À main droite de cette place est la chapelle du collège de Cluni, qui ne laisse pas de faire un bon effet quoiqu’elle soit gottique, en occupant presque une face entière de cette place & en disposant les yeux à remarquer avec plaisir la différence grossière & rustique de bâtir des siècles passez, d’avec la manière régulière & étudiée de celui-ci. À l’entrée de cette place, si l’on jette les yeux sur le portail de l’église, l’on ne trouvera rien qui satisfasse 113davantage. Les proportions sont si justes & les points de veues si bien ménagez, que les parties les plus éloignées de cet édifice semblent estre placées sur le portail & estre mises à l’endroit où elles sont pour lui servir d’ornemens particuliers. Le dôme n’est pas des plus élevez. Il est accompagné, comme celui du Val-de-Grâce, de quatre autres petits, de statues avec des bandes de plomb doré, & d’une balustrade de fer sur le plus haut, autour de la petite lanterne qui fait le comble de tout l’ouvrage. Toutes ces choses différentes se raportent si bien les unes aux autres que l’on ne peut désirer une plus belle ordonnance. Le portail de l’église est à deux ordres de colonnes, corinthiennes & composites, & le second rang est seulement en pilastre. En haut & en bas, dans les entre-colonnemens, il y a des niches où l’on a placé des statues d’une très bonne manière, aussi bien que celles qui se trouvent sur les dehors de l’é 114glise & dans l’intérieur, entre les pilastres corinthiens qui soutiennent la voûte. Le dedans est petit & n’a pas toute la clarté qu’il pouroit avoir, cependant tout y est bien disposé. Le pavé est de marbre & le dôme est fort bien peint, aussi bien que les quatre pères de l’Église qui sont entre les arcades qui le soutiennent, qui sont à fresque & d’un coloris fort rembruni. Le grand autel n’est pas encore commencé & sans doute il sera magnifique si l’on suit les desseins que l’on a veu. Il doit estre tout de marbre, composé de six grandes colonnes jaspées avec leurs chapiteaux & tous les autres ornemens de bronze doré à feu. Les petits autels qui sont déjà faits font juger que si le grand autel est du mesme goût, on ne poura guères rien voir de plus beau. L’autel de la Vierge est achevé depuis peu. Il est aussi de marbre blanc, avec des ornemens de bronze doré qui font un effet admirable. Delà, on doit aller dans l’intérieur de la maison, 115au milieu de laquelle est une cour quarrée tout entourée de bâtimens, dont une partie est plus élevée que l’autre, ce qui donne un air de grandeur & de majesté au portique de l’église. Si on le regarde de ce côté-là, il est difficile de rien voir qui satisfasse davantage la veue. Il paroît au fond de cette cour, élevé sur quinze degrez, composé de dix grosses colonnes corinthiennes détachées du corps du bâtiment de plus de six piez, qui soutiennent un fronton dans lequel sont les armes du cardinal de Richelieu, avec deux statues à chaque côté. Sur la frise, cette inscription est gravée :

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Armandus Joannes card. dux de Richelieu, sorbonæ provisor, ædificavit domum et exaltavit templum sanctum domino.

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M DC XLII.

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Sous ce beau portique on trouve 116la porte de l’église, qui est de la mesme disposition que celle de la rotonde à Rome, que l’architecte a tâché d’imiter autant qu’il a pu. Tous les appartemens qui sont autour de cette cour sont occupez par des docteurs de la maison, qui ont un droit particulier d’y estre logez. Quelques-uns de ces messieurs ont des bibliotèques très jolies, mais que l’on ne voit pas commodément comme la grande qui est commune à toute la maison, où les docteurs peuvent venir travailler. Elle est fort longue & fort élevée, & occupe le dessus des deux grandes salles basses dans lesquelles on soutient les thèses & les sorboniques. M. Le Masle, prieur des Roches, chantre de Nostre-Dame & secrétaire du cardinal de Richelieu, a donné la plus grande partie des livres qu’on y voit, qui sont très bien conditionnez. Monsieur le Cardinal y fit mettre aussi les siens, entre lesquels il y avoit de très rares manuscrits que l’on peut distinguer 117des autres à cause de ses armes qui sont dessus. II y en a un entre autres de Tite-Live en deux grands volumes in-folio sur du vélin, d’une vieille traduction françoise environ du règne de Charles V, enrichi de miniatures au commencement de chaque chapitre & de vignettes sur les marges, qui sont très bien peintes avec de ce bel or couleur dont on a perdu le secret depuis deux siècles, qui s’emploïoit comme les couleurs ordinaires & qui estoit d’un brillant admirable sans se casser. Il y en a encore plusieurs très rares dans une des armoires du bout, à côté de la cheminée, reliez la plupart en marroquin rouge. Il se trouve dans cette bibliotèque un plus grand nombre de livres de théologie que d’aucune autre sorte. On y verra encore une quantité de bibles différentes que l’on a recherchées avec un très grand soin. À chaque bout, il y a deux cheminées sur lesquelles sont les portraits de monsieur le Cardinal en habit de 118cérémonie & de monsieur Le Masle, peints tous deux de leur grandeur. Sur celle qui est proche de la porte, il y a un bust de bronze du premier, de l’ouvrage du sieur Varin, qui vient de la succession de la duchesse d’Aiguillon, qui après sa mort l’a laissé à cette maison avec d’autres biens dont elle avoit la jouissance sa vie durant, selon le testament du cardinal de Richelieu, son oncle. Il y a encore une autre petite bibliotèque dans un endroit particulier de la maison, mais qui n’est remplie que des livres doubles de la grande, ou de ceux qui n’y ont pu tenir à cause que tous les jours le nombre en augmente par les présens que la plupart des auteurs font de leurs ouvrages. Le roi mesme a donné toutes les belles estampes qu’il a fait graver, dont il y a quatre ou cinq grands volumes in-folio reliez très proprement, qui sont le carouzel, les tapisseries, les dissections curieuses que l’on a fait à l’Académie des sciences & quelques 119autres. Ainsi, l’on doit considérer cette bibliotèque comme une des plus nombreuses & des plus belles que l’on puisse voir, quoiqu’elle ne soit pas encore parfaite, mais elle a cela de commun avec celles qui ont esté en plus grande estime, estant presque impossible de rendre une bibliotèque complète à cause de la difficulté qu’il y a de recouvrer de certains livres rares, qui souvent en font la principale beauté & que l’on ne trouve qu’avec une très grande peine ; outre que depuis l’impression le nombre des livres est si fort augmenté, & l’on en a fait de tant de sortes dans tous les endroits du monde, que l’on ne peut absolument les avoir tous.

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Sur la porte de l’église du côté de la place est encore cette inscription :

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Deo opt. max. Armandus cardinalis

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de Richelieu.

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Après avoir vu ce qu’il y a de 120plus beau dans la Sorbonne, l’on prendra le chemin de la rue de la Harpe en passant une seconde fois à travers la place qui est devant l’église & l’on viendra au :

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- , un des plus beaux de l’Université & où l’on tient exercice pour les basses classes, qui sont assez bien remplies de pensionnaires & d’externes. La porte en est belle & d’un dessein assez régulier. Elle est en voussure ornée de bossages, avec un grand entablement & un attique au-dessus. Si on avoit fait une place devant, elle paroistroit beaucoup davantage.

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, un des plus beaux de l’Université & où l’on tient exercice pour les basses classes, qui sont assez bien remplies de pensionnaires & d’externes. La porte en est belle & d’un dessein assez régulier. Elle est en voussure ornée de bossages, avec un grand entablement & un attique au-dessus. Si on avoit fait une place devant, elle paroistroit beaucoup davantage.

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- En descendant plus bas, on passera devant les collèges de Justice, de Baïeux, de Narbonne & devant celui de Séez, où les écoles ont cessé depuis quelques années.

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En descendant plus bas, on passera devant les collèges de Justice, de Baïeux, de Narbonne & devant celui de Séez, où les écoles ont cessé depuis quelques années.

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- Plus bas est l’église de Saint-Cosme, où il n’y a rien de remarquable si ce n’est l’épitaphe de monsieur Dupuy, si connu des gens de lettres.

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Plus bas est l’église de Saint-Cosme, où il n’y a rien de remarquable si ce n’est l’épitaphe de monsieur Dupuy, si connu des gens de lettres.

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- est tout - 121proche. C’est-là où les chirurgiens s’assemblent ordinairement pour faire des dissections anatomiques sur des cadavres humains & sur lesquels ils font souvent des discours fort sçavans.

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Vis-à-vis la rue de Sorbonne, dans la rue des Mathurins, est  :

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est tout 121proche. C’est-là où les chirurgiens s’assemblent ordinairement pour faire des dissections anatomiques sur des cadavres humains & sur lesquels ils font souvent des discours fort sçavans.

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Vis-à-vis la rue de Sorbonne, dans la rue des Mathurins, est  :

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- , qui appartient à l’abbaïe de ce nom. Cet hôtel se nommoit autrefois le palais des Termes, à cause de quelques ruines qui sont restées, à ce que l’on croit, des termes de l’empereur Julien l’Apostat, & mesme il ne faut pas négliger d’aller dans une maison de la rue de la Harpe, à l’enseigne de la croix de fer - , où logent le messager de Chartres, dans laquelle on verra plusieurs vieilles arcades qui marquent une haute antiquité, & dans le fonds une espèce de salle dont la voûte sans cordons est fort élevée, qui pouroit bien avoir servi de quelque temple profane. Les trois niches qui sont dans le mur meridio - 122nal pouroient encore soutenir cette conjecture, parce qu’il paroît qu’elles ont esté faites ainsi pour des statues, mais on ne peut rien déterminer là-dessus & le silence des historiens donne la liberté de former tel jugement qu’il plaira. Ces restes sont parfaitement bien bâtis & font juger que c’estoit autrefois un grand édifice. La voûte en est si solide que l’on a porté dessus assez de terre pour en faire un petit jardin où il y a des fleurs & des petits arbres qui y croissent, & ceux qui demeurent dans l’hôtel de Cluni s’y viennent promener comme sur une terrasse que l’on auroit bâtie exprès.

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, qui appartient à l’abbaïe de ce nom. Cet hôtel se nommoit autrefois le palais des Termes, à cause de quelques ruines qui sont restées, à ce que l’on croit, des termes de l’empereur Julien l’Apostat, & mesme il ne faut pas négliger d’aller dans une maison de la rue de la Harpe, à l’enseigne de la croix de fer + , où logent le messager de Chartres, dans laquelle on verra plusieurs vieilles arcades qui marquent une haute antiquité, & dans le fonds une espèce de salle dont la voûte sans cordons est fort élevée, qui pouroit bien avoir servi de quelque temple profane. Les trois niches qui sont dans le mur meridio 122nal pouroient encore soutenir cette conjecture, parce qu’il paroît qu’elles ont esté faites ainsi pour des statues, mais on ne peut rien déterminer là-dessus & le silence des historiens donne la liberté de former tel jugement qu’il plaira. Ces restes sont parfaitement bien bâtis & font juger que c’estoit autrefois un grand édifice. La voûte en est si solide que l’on a porté dessus assez de terre pour en faire un petit jardin où il y a des fleurs & des petits arbres qui y croissent, & ceux qui demeurent dans l’hôtel de Cluni s’y viennent promener comme sur une terrasse que l’on auroit bâtie exprès.

-

- Voilà tout ce que l’on poura voir dans cette rue. Plus avant & au bout de la rue de la Vieille-Bouclerie, qui se termine à la petite place à l’entrée du pont Saint-Michel, proche une maison qui fait presque le coin, on trouve une grosse pierre qui sert de borne, sur laquelle est la figure - 123assez mal formée d’un homme, mais dont on peut cependant facilement distinguer la teste. Les historiens disent que c’est la représentation d’un certain Jean Le Clerc, serrurier de profession & portier de la porte de Bussi, qui dans le temps des troubles du règne de Charles VI, après que les Parisiens eurent chassé les Bourguignons de la ville où ils faisoient mille désordres, eut la perfidie de leur ouvrir la porte une nuit, ce qui mit tous les bourgeois en allarme. Ensuite de tant de désordres, les Parisiens aïant voulu poursuivre celui qui en estoit l’auteur, & n’aïant pu le prendre à cause qu’il avoit pris la fuite, ils firent faire son effigie en pierre & par sentence du prévost de Paris il fut ordonné que tous les habitans iroient luy jetter quelque chose au visage en détestation de sa perfidie, ce qui fut exécuté. L’on plaça depuis cette statue en cet endroit pour empescher que les roues des carrosses ou des charrettes n’endom - 124mageassent la maison contre laquelle elle est appuïée. À main gauche en tournant on entrera dans :

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Voilà tout ce que l’on poura voir dans cette rue. Plus avant & au bout de la rue de la Vieille-Bouclerie, qui se termine à la petite place à l’entrée du pont Saint-Michel, proche une maison qui fait presque le coin, on trouve une grosse pierre qui sert de borne, sur laquelle est la figure 123assez mal formée d’un homme, mais dont on peut cependant facilement distinguer la teste. Les historiens disent que c’est la représentation d’un certain Jean Le Clerc, serrurier de profession & portier de la porte de Bussi, qui dans le temps des troubles du règne de Charles VI, après que les Parisiens eurent chassé les Bourguignons de la ville où ils faisoient mille désordres, eut la perfidie de leur ouvrir la porte une nuit, ce qui mit tous les bourgeois en allarme. Ensuite de tant de désordres, les Parisiens aïant voulu poursuivre celui qui en estoit l’auteur, & n’aïant pu le prendre à cause qu’il avoit pris la fuite, ils firent faire son effigie en pierre & par sentence du prévost de Paris il fut ordonné que tous les habitans iroient luy jetter quelque chose au visage en détestation de sa perfidie, ce qui fut exécuté. L’on plaça depuis cette statue en cet endroit pour empescher que les roues des carrosses ou des charrettes n’endom 124mageassent la maison contre laquelle elle est appuïée. À main gauche en tournant on entrera dans :

-

- . L’église paroissiale qui lui donne le nom est considérable pour bien des choses que les curieux y verront. Ce n’estoit autrefois qu’une petite chapelle qui estoit au milieu d’un champ planté de vignes ou d’arbres fruitiers qui appartenoient aux religieux de l’abbaïe de Saint-Germain-des-Prez. Mais il y a longtemps que toutes ces choses sont changées. On croit que cette église est nommée Saint-André-des-Arcs à cause qu’il y avoit quelques vieilles arcades qui en estoient proche. Le bâtiment n’a rien du tout de singulier, mais cependant il ne faut pas négliger d’y aller voir les tombeaux de quelques personnes illustres, comme sont messieurs de Thou, que l’on voit dans la chapelle de Saint-Christophe, dont ils sont les fondateurs. Le nom de ces grands hommes est dans une si haute vénéra - 125tion parmi les sçavans que la plupart ne font pas de difficulté de dire que la France n’a pas produit de plus illustres personnages, & on regarde l’histoire que l’on a d’eux comme le modèle & comme la plus belle chose de ces derniers siècles. Elle est écrite en latin, ce qui a donné occasion aux étrangers de la lire & d’en concevoir une si grande estime, que de tous les livres d’histoire c’est celui auquel ils s’attachent avec plus d’assiduité. Dans cette chapelle, on voit le bust en marbre de monsieur de Thou avec son épitaphe qui explique au long les grands emplois qu’il a eu.

- -

- D. O. M. -

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- Christophoro Thuano Augus. F. Jac. Equiti, qui omnib. togæ munerib. summa cùm eruditionis, integritatis, prudentiæ, laude perfunctus, amplissimosque honores sub Franc. I, Henric. II Regib. consecutus, Senatus Paris. Præses, deinde Princeps sacri Consistorii Consi - 126liarius, mox Henr. tunc Aurel. ac demùm Franc. Andeg. D. Cancellarius : Tandem cum de Judiciario ordine emendando, questura Regno fraudib. ac rapinis vindicando, & Scholar. disciplina restituenda cogitaret, nulla inclinatæ ætatis incommoda anteà expertus, ex improvisa febri decessit.

-

- Uxor, liberique mœrentes P. -

-

- Vixit ann. LXXIV d. 5.

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- Obiit anno salutis 1582, calend. Novemb.

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On peut aussi voir dans cette mesme chapelle l’épitaphe de son fils aîné & d’autres personnes de cette illustre famille qui y sont enterrées.

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Dans la chapelle de Saint-Antoine qui est proche sont les tombeaux des ancestres du chancelier Séguier, à qui les belles lettres doivent en France une très grande partie de leur éclat. Ces illustres pères d’un fils qui ne les a point démenti se nommoient comme lui Pierre Séguier & occupoient dans leurs - 127temps les premiers charges du Parlement, comme l’on le connoît par les inscriptions qui sont dans cette chapelle.

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On poura lire dans cette même église l’épitaphe de la princesse de Conti, décédée en 1668, dont la piété est encore en vénération à tout le monde. Il est dans le chœur à côté du grand autel. On a mis dessus une belle figure de marbre blanc qui représente une Espérance affligée. Elle est de M. Girardon. Au-dessous est cette inscription :

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- À la gloire de Dieu - - et à l’éternelle mémoire - d’Anne-Marie Martinozzi, - princesse de Conti.

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Qui détrompée du monde dès l’âge de dix-neuf ans, vendit toutes ses pierreries pour nourrir pendant la famine de 1662, les pauvres de Berry, de Champagne & de Picardie, pratiqua toutes les austéritez que sa santé put souffir, demeura veuve à l’âge de XXIX ans ; - 128consacra le reste de sa vie à élever en princes chrétiens les princes ses enfans, & à maintenir les loix temporelles & ecclésiastiques dans ses terres ; se réduisit à une dépense très modeste, restitua tous les biens dont l’acquisition lui étoit suspecte, jusqu’à la somme de D. CCC. mille livres, distribua toute son épargne aux pauvres dans ses terres & dans toutes les parties du monde, & passa soudainement à l’éternité, après XVI ans de persévérance, le IV février M DC LXXII, âgée de XXXVI ans.

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Priez Dieu pour elle.

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- Louis Armand de Bourbon, prince de Conti, et François-Louis de Bourbon, prince de la Roche-sur-Yon, ses enfans, ont posé ce monument.

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Dans tout ce quartier il n’y a rien de considérable que :

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. L’église paroissiale qui lui donne le nom est considérable pour bien des choses que les curieux y verront. Ce n’estoit autrefois qu’une petite chapelle qui estoit au milieu d’un champ planté de vignes ou d’arbres fruitiers qui appartenoient aux religieux de l’abbaïe de Saint-Germain-des-Prez. Mais il y a longtemps que toutes ces choses sont changées. On croit que cette église est nommée Saint-André-des-Arcs à cause qu’il y avoit quelques vieilles arcades qui en estoient proche. Le bâtiment n’a rien du tout de singulier, mais cependant il ne faut pas négliger d’y aller voir les tombeaux de quelques personnes illustres, comme sont messieurs de Thou, que l’on voit dans la chapelle de Saint-Christophe, dont ils sont les fondateurs. Le nom de ces grands hommes est dans une si haute vénéra 125tion parmi les sçavans que la plupart ne font pas de difficulté de dire que la France n’a pas produit de plus illustres personnages, & on regarde l’histoire que l’on a d’eux comme le modèle & comme la plus belle chose de ces derniers siècles. Elle est écrite en latin, ce qui a donné occasion aux étrangers de la lire & d’en concevoir une si grande estime, que de tous les livres d’histoire c’est celui auquel ils s’attachent avec plus d’assiduité. Dans cette chapelle, on voit le bust en marbre de monsieur de Thou avec son épitaphe qui explique au long les grands emplois qu’il a eu.

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D. O. M.

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Christophoro Thuano Augus. F. Jac. Equiti, qui omnib. togæ munerib. summa cùm eruditionis, integritatis, prudentiæ, laude perfunctus, amplissimosque honores sub Franc. I, Henric. II Regib. consecutus, Senatus Paris. Præses, deinde Princeps sacri Consistorii Consi 126liarius, mox Henr. tunc Aurel. ac demùm Franc. Andeg. D. Cancellarius : Tandem cum de Judiciario ordine emendando, questura Regno fraudib. ac rapinis vindicando, & Scholar. disciplina restituenda cogitaret, nulla inclinatæ ætatis incommoda anteà expertus, ex improvisa febri decessit.

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Uxor, liberique mœrentes P.

+ Vixit ann. LXXIV d. 5.

+ Obiit anno salutis 1582, calend. Novemb.

+

On peut aussi voir dans cette mesme chapelle l’épitaphe de son fils aîné & d’autres personnes de cette illustre famille qui y sont enterrées.

+

Dans la chapelle de Saint-Antoine qui est proche sont les tombeaux des ancestres du chancelier Séguier, à qui les belles lettres doivent en France une très grande partie de leur éclat. Ces illustres pères d’un fils qui ne les a point démenti se nommoient comme lui Pierre Séguier & occupoient dans leurs 127temps les premiers charges du Parlement, comme l’on le connoît par les inscriptions qui sont dans cette chapelle.

+

On poura lire dans cette même église l’épitaphe de la princesse de Conti, décédée en 1668, dont la piété est encore en vénération à tout le monde. Il est dans le chœur à côté du grand autel. On a mis dessus une belle figure de marbre blanc qui représente une Espérance affligée. Elle est de M. Girardon. Au-dessous est cette inscription :

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À la gloire de Dieu + et à l’éternelle mémoire d’Anne-Marie Martinozzi, + princesse de Conti.

+

Qui détrompée du monde dès l’âge de dix-neuf ans, vendit toutes ses pierreries pour nourrir pendant la famine de 1662, les pauvres de Berry, de Champagne & de Picardie, pratiqua toutes les austéritez que sa santé put souffir, demeura veuve à l’âge de XXIX ans ; 128consacra le reste de sa vie à élever en princes chrétiens les princes ses enfans, & à maintenir les loix temporelles & ecclésiastiques dans ses terres ; se réduisit à une dépense très modeste, restitua tous les biens dont l’acquisition lui étoit suspecte, jusqu’à la somme de D. CCC. mille livres, distribua toute son épargne aux pauvres dans ses terres & dans toutes les parties du monde, & passa soudainement à l’éternité, après XVI ans de persévérance, le IV février M DC LXXII, âgée de XXXVI ans.

+

Priez Dieu pour elle.

Louis Armand de Bourbon, prince de Conti, et François-Louis de Bourbon, prince de la Roche-sur-Yon, ses enfans, ont posé ce monument.

+

Dans tout ce quartier il n’y a rien de considérable que :

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- , où demeu - 129roient autrefois les illustres de ce nom qui l’ont fait bâtir. La fameuse bibliotèque dont on a parlé, que monsieur de Menars a achetée depuis quelques années, y a longtemps esté gardée.

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, où demeu 129roient autrefois les illustres de ce nom qui l’ont fait bâtir. La fameuse bibliotèque dont on a parlé, que monsieur de Menars a achetée depuis quelques années, y a longtemps esté gardée.

-

- n’en est pas éloigné, c’est aussi dans la rue des Poitevins. Ce dernier est bâti avec beaucoup de régularité, & quoique les appartemens n’en soient pas fort spacieux, ils ne laissent pas d’estre commodes.

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Dans la rue Hautefeuille, à l’extrémité du côté des Cordeliers, est :

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n’en est pas éloigné, c’est aussi dans la rue des Poitevins. Ce dernier est bâti avec beaucoup de régularité, & quoique les appartemens n’en soient pas fort spacieux, ils ne laissent pas d’estre commodes.

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Dans la rue Hautefeuille, à l’extrémité du côté des Cordeliers, est :

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- , ou ̀les religieux de cet ordre peuvent venir étudier pour obtenir des degrez dans l’Université. L’église a esté considérablement réparée depuis quelques années par les soins de monsieur Colbert, abbé & général de tout l’ordre, qui l’a fait revêtir partout d’une fort jolie menuiserie.

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, ou ̀les religieux de cet ordre peuvent venir étudier pour obtenir des degrez dans l’Université. L’église a esté considérablement réparée depuis quelques années par les soins de monsieur Colbert, abbé & général de tout l’ordre, qui l’a fait revêtir partout d’une fort jolie menuiserie.

- + 130
- - Le couvent des Cordeliers - + Le couvent des Cordeliers

- Ce monastère fut bâti environ l’année 1217 sous le pontificat du pape Honoré III, lorsque saint François vivoit encore à Assise en Italie. Il vint en France quelques religieux du nouvel ordre, dont ce grand saint estoit instituteur. Les premiers qui arrivèrent à Paris furent logez chez des bourgeois, mais ensuite à la solicitation du mesme pape, qui écrivit en leur faveur à Guillaume évêque de cette ville, ils se firent connoître & en l’année 1130 - Eudes abbé de Saint-Germain-des-Prez leur donna le lieu où ils sont à présent. Les rois de France leur firent ensuite de grands biens. Saint Louis leur donna plus que les autres. Il fit bâtir l’église, non pas comme elle est à présent, mais comme elle estoit avant l’incendie qui arriva en 1580, qui la réduisit toute - 131en cendres avec une partie du couvent, & qui ruina plusieurs tombeaux de marbre des princes & des princesses du sang roïal qui estoient dans le chœur, dont à peine a-t-on la mémoire. Cependant, au raport de Gilles Corozet, voici les principaux : celui de Marie reine de France & femme de Philippes le Hardi, fils de saint Louis ; de Jeanne reine de France & de Navarre, femme de Philippes le Bel, fondatrice du collège de Navarre dont on a parlé ; le chœur de Philippes le Long ; & d’autres qu’il seroit hors de propos de nommer. La communauté des Cordeliers est une des plus nombreuses de Paris. Il y a toujours un grand nombre d’étudians qui viennent de divers endroits du roïaume se faire passer docteurs en théologie ; ce qui les met en considération parmi eux. On a vu sortir de très grands hommes de cette maison, entre autres Nicolas de Lira, estimé le plus sçavant de son siècle dans les langues & surtout - 132en théologie, & Jean Scot, surnommé le docteur subtile, qui par sa profonde science a donné lieu à une opinion particulière que l’on enseigne & que l’on suit dans leurs écoles, qui est néanmoins fondée sur les principes d’Aristote. Tout ce qu’il y a de curieux à voir chez ces pères est le nouveau cloître qu’ils ont fait bâtir, qui contient près de cent chambres ; toutes très propres & très claires. Il est en quarré. Au milieu, il a un petit jardin orné d’un parterre avec une fontaine. Les quatre coridors qui le composent sont voûtez & ornez des armes des personnes pieuses qui ont contribué à la dépence de ce bâtiment, qui n’a pas esté petite. Le réfectoire, le chapitre & la bibliotèque méritent aussi que l’on se donne la peine d’y aller. Pour l’église, elle n’a rien de curieux. Il y a deux célèbres confrairies, une pour les pèlerins de Jérusalem & l’autre du Tiers-ordre de saint François, qui ont leurs chapelles séparées. Il - 133faut remarquer en sortant la statue de saint Louis qui est sur la porte. Elle est estimée par les antiquaires comme une des plus ressemblantes que l’on ait de ce grand roi.

-

Ce quartier a esté fort embelli depuis quelque temps. On a percé deux rues qui vont sur les fossez de l’hôtel de Condé. Dans celle qui est la plus proche du couvent des Cordeliers, l’on a ménagé une petite place devant la porte de l’église qui n’est pas inutile. Elle se nomme la rue de l’Observance, & l’autre, la rue de Touraine à cause de l’hôtel de Tours qui n’en est pas éloigné.

+ Ce monastère fut bâti environ l’année 1217 sous le pontificat du pape Honoré III, lorsque saint François vivoit encore à Assise en Italie. Il vint en France quelques religieux du nouvel ordre, dont ce grand saint estoit instituteur. Les premiers qui arrivèrent à Paris furent logez chez des bourgeois, mais ensuite à la solicitation du mesme pape, qui écrivit en leur faveur à Guillaume évêque de cette ville, ils se firent connoître & en l’année 1130 Eudes abbé de Saint-Germain-des-Prez leur donna le lieu où ils sont à présent. Les rois de France leur firent ensuite de grands biens. Saint Louis leur donna plus que les autres. Il fit bâtir l’église, non pas comme elle est à présent, mais comme elle estoit avant l’incendie qui arriva en 1580, qui la réduisit toute 131en cendres avec une partie du couvent, & qui ruina plusieurs tombeaux de marbre des princes & des princesses du sang roïal qui estoient dans le chœur, dont à peine a-t-on la mémoire. Cependant, au raport de Gilles Corozet, voici les principaux : celui de Marie reine de France & femme de Philippes le Hardi, fils de saint Louis ; de Jeanne reine de France & de Navarre, femme de Philippes le Bel, fondatrice du collège de Navarre dont on a parlé ; le chœur de Philippes le Long ; & d’autres qu’il seroit hors de propos de nommer. La communauté des Cordeliers est une des plus nombreuses de Paris. Il y a toujours un grand nombre d’étudians qui viennent de divers endroits du roïaume se faire passer docteurs en théologie ; ce qui les met en considération parmi eux. On a vu sortir de très grands hommes de cette maison, entre autres Nicolas de Lira, estimé le plus sçavant de son siècle dans les langues & surtout 132en théologie, & Jean Scot, surnommé le docteur subtile, qui par sa profonde science a donné lieu à une opinion particulière que l’on enseigne & que l’on suit dans leurs écoles, qui est néanmoins fondée sur les principes d’Aristote. Tout ce qu’il y a de curieux à voir chez ces pères est le nouveau cloître qu’ils ont fait bâtir, qui contient près de cent chambres ; toutes très propres & très claires. Il est en quarré. Au milieu, il a un petit jardin orné d’un parterre avec une fontaine. Les quatre coridors qui le composent sont voûtez & ornez des armes des personnes pieuses qui ont contribué à la dépence de ce bâtiment, qui n’a pas esté petite. Le réfectoire, le chapitre & la bibliotèque méritent aussi que l’on se donne la peine d’y aller. Pour l’église, elle n’a rien de curieux. Il y a deux célèbres confrairies, une pour les pèlerins de Jérusalem & l’autre du Tiers-ordre de saint François, qui ont leurs chapelles séparées. Il 133faut remarquer en sortant la statue de saint Louis qui est sur la porte. Elle est estimée par les antiquaires comme une des plus ressemblantes que l’on ait de ce grand roi.

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Ce quartier a esté fort embelli depuis quelque temps. On a percé deux rues qui vont sur les fossez de l’hôtel de Condé. Dans celle qui est la plus proche du couvent des Cordeliers, l’on a ménagé une petite place devant la porte de l’église qui n’est pas inutile. Elle se nomme la rue de l’Observance, & l’autre, la rue de Touraine à cause de l’hôtel de Tours qui n’en est pas éloigné.

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, que l’on a abatue depuis quelques années, estoit assez proche. On a bâti une fontaine à la place, sur laquelle est cette inscription :

- - - Urnam nympha gerens dominam tendebat in urbem, - Hic stetit, et largas læta profudit aquas. - - + + Urnam nympha gerens dominam tendebat in urbem, + Hic stetit, et largas læta profudit aquas. +
- + 134
- - - Le faux-bourg Saint-Germain - + + Le faux-bourg Saint-Germain

- Depuis que l’on a abatu quatre portes qui séparoient ce faux-bourg du reste de la ville, on le nomme le quartier Saint-Germain.

+ Depuis que l’on a abatu quatre portes qui séparoient ce faux-bourg du reste de la ville, on le nomme le quartier Saint-Germain.

-

- Est sans contredit plus beau & plus grand que les autres à cause de son étendue, du nombre de ses belles maisons & de la quantité du peuple qui s’y trouve ; ce qui fait que l’on peut le comparer à quelques grandes villes qui font du bruit dans l’Europe, selon mesme le sentiment des étrangers, à qui la demeure en paroît si agréable qu’ils l’ont préférée à toutes les autres de la ville. Ce n’est pas sans raison, puisque toutes les commoditez y abondent & que l’air y est très pur ; les maisons estant sé - 135parées par plusieurs jardins. Outre ces avantages, tous les exercices s’y enseignent & il n’est peut-estre aucune ville dans le monde où l’on puisse conter six académies comme dans ce quartier ; remplies la plupart de tout ce qu’il y a d’illustre jeunesse de France & d’Allemagne, qui y viennent apprendre toutes les choses qui rendent un gentilhomme accompli & capable d’acquérir de la réputation dans le monde. On a quelquefois conté dans un hyver douze princes étrangers & plus de trois cens comtes ou barons, sans un bien plus grand nombre de simples gentilshommes, que la réputation de la France attiroit pour apprendre nostre langue avec un soin extrême & pour faire des exercices que l’on n’enseigne point chez eux dans la mesme perfection. Les six académies portent le nom des principaux écuïers qui y montrent, qui sont :

-

- M. Coulon, proche Saint-Sulpice ;

- +

Est sans contredit plus beau & plus grand que les autres à cause de son étendue, du nombre de ses belles maisons & de la quantité du peuple qui s’y trouve ; ce qui fait que l’on peut le comparer à quelques grandes villes qui font du bruit dans l’Europe, selon mesme le sentiment des étrangers, à qui la demeure en paroît si agréable qu’ils l’ont préférée à toutes les autres de la ville. Ce n’est pas sans raison, puisque toutes les commoditez y abondent & que l’air y est très pur ; les maisons estant sé 135parées par plusieurs jardins. Outre ces avantages, tous les exercices s’y enseignent & il n’est peut-estre aucune ville dans le monde où l’on puisse conter six académies comme dans ce quartier ; remplies la plupart de tout ce qu’il y a d’illustre jeunesse de France & d’Allemagne, qui y viennent apprendre toutes les choses qui rendent un gentilhomme accompli & capable d’acquérir de la réputation dans le monde. On a quelquefois conté dans un hyver douze princes étrangers & plus de trois cens comtes ou barons, sans un bien plus grand nombre de simples gentilshommes, que la réputation de la France attiroit pour apprendre nostre langue avec un soin extrême & pour faire des exercices que l’on n’enseigne point chez eux dans la mesme perfection. Les six académies portent le nom des principaux écuïers qui y montrent, qui sont :

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M. Coulon, proche Saint-Sulpice ;

+ 136 - - M. Bernardi, proche l’hôtel de Condé. - - M. de Long-Prect, au bout de la rue de Sainte-Marguerite. - - M. de Rocfort, dans la rue de l’Université. - - M. de Vandeuil, dans la rue de Seine. + M. Bernardi, proche l’hôtel de Condé. + M. de Long-Prect, au bout de la rue de Sainte-Marguerite. + M. de Rocfort, dans la rue de l’Université. + M. de Vandeuil, dans la rue de Seine. - - M. ***, sur les fossez de monsieur le Prince. + M. ***, sur les fossez de monsieur le Prince. -

Ce quartier prend son nom de l’abbaïe roïale de Saint-Germain-des-Prez, placée au milieu, qui est une des plus anciennes & des plus riches du roïaume, dont il faut parler en particulier.

+

Ce quartier prend son nom de l’abbaïe roïale de Saint-Germain-des-Prez, placée au milieu, qui est une des plus anciennes & des plus riches du roïaume, dont il faut parler en particulier.

- - L’abbaïe Saint-Germain-des-Prez - -

- - Le roi Childebert, fils du grand Clovis, en est le fondateur. M. de Mezeray raporte les particularitez de cette fondation. Il dit que ce roi estant allé en Espagne en l’année 543 - - 137pour faire la guerre aux Visigots, il assiégea la ville de Sarragosse où ils s’estoient réfugiez. Les habitans se voïant fort pressez par les François, voulurent, à limitation des anciens romains, les toucher par quelque chose de surprenant. Ils s’avisèrent de faire une procession autour de leurs murailles, où ils portèrent la tunique & les reliques de saint Vincent. Ce spectacle effectivement toucha Childebert & le fléchit, en telle forte qu’il se contenta de quelques présens que l’évêque lui fit ; entre autres de la tunique & des reliques de ce saint, qu’il apporta à Paris, à l’honneur duquel il fit bâtir l’église dont on va parler

-

Cette abbaïe a eu plusieurs noms. Elle a esté autrefois appellée Sainte-Croix à cause d’une portion de ce bois sacré que Childebert y mit aussi avec les autres choses qu’il avoit apportées. Maintenant, elle porte le nom de saint Germain, qui en a esté abbé, & évêque de Paris, & qui y est en - 138terré. L’on y expose sa chasse le jour de sa feste, qui arrive le vingt-huitième de may, laquelle est d’argent doré, ornée de quantité de pierreries. Elle est d’un ouvrage gottique des plus curieux & des plus beaux que l’on puisse voir. Ce qui reste du bâtiment de Childebert est la porte principale au bout de l’église & le gros clocher qui est dessus, qui paroissent fort antiques. Les statues des rois & des reines qui sont aux côtez de cette porte sont d’un dessein qui fait juger que dans ce siècle-là le goûst de la belle sculpture n’estoit pas encore connu, car à peine peut-on distinguer les sexes des personnes qui sont représentées. Le tombeau de ce roi est au milieu du chœur, élevé environ de deux piez & demi, avec des inscriptions qui y ont esté ajoutées lorsqu’on le transféra en cet endroit de la chapelle de Saint-Germain, où il estoit derrière le chœur. Cette translation se fit il y a trente ou quarante ans, lorsque l’église fut réparée - 139& embellie comme elle est. On y fit une voûte à la place d’un lambris qui y estoit & l’on orna de chapiteaux corinthiens les piliers qui la soutiennent. Cette église ne doit pas estre regardée à présent comme une chose fort curieuse, cependant la disposition où elle se trouve est assez singulière. Le grand autel est au milieu de la croisée & isolé, en sorte que l’on peut tournée tout autour. Sur le devant est la table d’argent vermeil doré qui sert de parement, que l’on découvre les jours de festes. Elle est ornée de figures d’apôtres avec un crucifix au milieu, d’un travail antique qui n’est pas méchant. C’est un présent de Guillaume, abbé de cette maison, dont le corps fut trouvé tout entier il n’y a pas longtemps, quoiqu’il y ait plusieurs siècles qu’il soit mort. Le chœur où chantent les religieux est derrière, dont les chaires sont d’une très belle menuiserie. Aux piez du tombeau de Childebert, on lira l’épitaphe qui suit, de monsieur le duc de Verneuil, fils - 140naturel de Henri IV, qui avant que d’estre marié à madame la duchesse de Sully, avoit esté évêque de Metz & abbé de Saint-Germain. Cet épitaphe est du sçavant dom Jean Mabillon.

- -

Serenissimo Principi - Henrico Borbonio, duci Vernoliensi, Cujus cor hoc loco positum est, optimo quondam patrono suo Benedictina Religio, quam vivens semper in corde habuit, cui moriens cor suum commendavit, hunc titulum P.Anno CIƆ 1ƆƆ LXXXII.

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Depuis quelque temps, on a aussi enterré assez proche de ce monument monsieur le comte du Vexin, fils naturalisé de France, sur le corps duquel est cette autre inscription :

- + L’abbaïe Saint-Germain-des-Prez +

+ Le roi Childebert, fils du grand Clovis, en est le fondateur. M. de Mezeray raporte les particularitez de cette fondation. Il dit que ce roi estant allé en Espagne en l’année 543 137pour faire la guerre aux Visigots, il assiégea la ville de Sarragosse où ils s’estoient réfugiez. Les habitans se voïant fort pressez par les François, voulurent, à limitation des anciens romains, les toucher par quelque chose de surprenant. Ils s’avisèrent de faire une procession autour de leurs murailles, où ils portèrent la tunique & les reliques de saint Vincent. Ce spectacle effectivement toucha Childebert & le fléchit, en telle forte qu’il se contenta de quelques présens que l’évêque lui fit ; entre autres de la tunique & des reliques de ce saint, qu’il apporta à Paris, à l’honneur duquel il fit bâtir l’église dont on va parler

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Cette abbaïe a eu plusieurs noms. Elle a esté autrefois appellée Sainte-Croix à cause d’une portion de ce bois sacré que Childebert y mit aussi avec les autres choses qu’il avoit apportées. Maintenant, elle porte le nom de saint Germain, qui en a esté abbé, & évêque de Paris, & qui y est en 138terré. L’on y expose sa chasse le jour de sa feste, qui arrive le vingt-huitième de may, laquelle est d’argent doré, ornée de quantité de pierreries. Elle est d’un ouvrage gottique des plus curieux & des plus beaux que l’on puisse voir. Ce qui reste du bâtiment de Childebert est la porte principale au bout de l’église & le gros clocher qui est dessus, qui paroissent fort antiques. Les statues des rois & des reines qui sont aux côtez de cette porte sont d’un dessein qui fait juger que dans ce siècle-là le goûst de la belle sculpture n’estoit pas encore connu, car à peine peut-on distinguer les sexes des personnes qui sont représentées. Le tombeau de ce roi est au milieu du chœur, élevé environ de deux piez & demi, avec des inscriptions qui y ont esté ajoutées lorsqu’on le transféra en cet endroit de la chapelle de Saint-Germain, où il estoit derrière le chœur. Cette translation se fit il y a trente ou quarante ans, lorsque l’église fut réparée 139& embellie comme elle est. On y fit une voûte à la place d’un lambris qui y estoit & l’on orna de chapiteaux corinthiens les piliers qui la soutiennent. Cette église ne doit pas estre regardée à présent comme une chose fort curieuse, cependant la disposition où elle se trouve est assez singulière. Le grand autel est au milieu de la croisée & isolé, en sorte que l’on peut tournée tout autour. Sur le devant est la table d’argent vermeil doré qui sert de parement, que l’on découvre les jours de festes. Elle est ornée de figures d’apôtres avec un crucifix au milieu, d’un travail antique qui n’est pas méchant. C’est un présent de Guillaume, abbé de cette maison, dont le corps fut trouvé tout entier il n’y a pas longtemps, quoiqu’il y ait plusieurs siècles qu’il soit mort. Le chœur où chantent les religieux est derrière, dont les chaires sont d’une très belle menuiserie. Aux piez du tombeau de Childebert, on lira l’épitaphe qui suit, de monsieur le duc de Verneuil, fils 140naturel de Henri IV, qui avant que d’estre marié à madame la duchesse de Sully, avoit esté évêque de Metz & abbé de Saint-Germain. Cet épitaphe est du sçavant dom Jean Mabillon.

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Serenissimo Principi + Henrico Borbonio, duci Vernoliensi, Cujus cor hoc loco positum est, optimo quondam patrono suo Benedictina Religio, quam vivens semper in corde habuit, cui moriens cor suum commendavit, hunc titulum P.Anno CIƆ 1ƆƆ LXXXII.

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Depuis quelque temps, on a aussi enterré assez proche de ce monument monsieur le comte du Vexin, fils naturalisé de France, sur le corps duquel est cette autre inscription :

+ 141 - -

D. O. M. Expectat Resurrectionem, quam firma supra ætatem fide speravit, serenissimus Princeps - Ludovicus Cæsar - Borbonius, comes Veliocassium, - Ludovici Magni filius, qui consummatus in brevi explevit tempora multa. Vixitannos X, menses VI, dies XXII, obiit die X Januarii anni M DC LXXXIII. raptus est ne malitia mutaret intellectum ejus, ut vero amantissimi filii perennet memoria, Ludovicus Magnus anniversarium solemne cum privatis m ssis decem instituit.

-
- +

D. O. M. Expectat Resurrectionem, quam firma supra ætatem fide speravit, serenissimus Princeps + Ludovicus Cæsar + Borbonius, comes Veliocassium, Ludovici Magni filius, qui consummatus in brevi explevit tempora multa. Vixitannos X, menses VI, dies XXII, obiit die X Januarii anni M DC LXXXIII. raptus est ne malitia mutaret intellectum ejus, ut vero amantissimi filii perennet memoria, Ludovicus Magnus anniversarium solemne cum privatis m ssis decem instituit.

+ 142 -

À chaque côté du grand autel, il se trouve trois tombeaux, qui sont ceux de quelques rois de la première race, comme de Chilpéric, avec cette inscription sur le bord, en lettres antiques :

- -

- Rex Chilpericus hoc tegitur lapide.

-
-

- Celui de la reine Frédégonde, qui est d’une espèce de mosaïque de pièces rapportées avec des veines de cuivre coulées dans la pierre. Cette reine y est représentée qui tient dans sa main un sceptre dont le bout est terminé en double fleur de lis ; ce qui pouroit faire croire que dans ce temps-là ces fleurs n’estoient pas inconnues. La couronne qu’elle a sur la teste pouroit encore autoriser cette pensée. Elle décéda à Paris en 601. Clotaire, second fils de Chilpéric & de Frédégonde, & sa femme Bertrude y sont aussi ; de mesme que Childéric second & sa femme. Ce roi estoit fils de Clovis second, qui fut assassiné à la chasse dans le bois de Bondis - - 143par un gentilhomme de Liège, nommé Bodile, qu’il avoit fait indignement fouetter sans respecter sa noblesse.

-

Avant que les Normans & les Danois eussent ruiné cette église, on voïoit beaucoup d’autres tombeaux de personnes illustres dont la mémoire est perdue. Les rois de la première race affectoient d’y estre inhumez, comme ceux de la seconde & de la troisième ont choisi Saint-Denis. Depuis peu de temps, on a bâti deux très jolies chapelles d’une mesme symétrie dans les deux ailes. Elles sont ornées de colonnes composites de marbre veiné, avec des piez-d’estaux garnis de mesme, aussi bien que la frise. Celle qui est à droite est dédiée à sainte Marguerite, dont ces pères ont la ceinture que l’on met autour des femmes enceintes, qui y ont une très grande dévotion. Le tombeau de messieurs de Castelan est vis-à-vis. II est de marbre & du dessein de M. Girardon.

- +

À chaque côté du grand autel, il se trouve trois tombeaux, qui sont ceux de quelques rois de la première race, comme de Chilpéric, avec cette inscription sur le bord, en lettres antiques :

+

Rex Chilpericus hoc tegitur lapide.

+

Celui de la reine Frédégonde, qui est d’une espèce de mosaïque de pièces rapportées avec des veines de cuivre coulées dans la pierre. Cette reine y est représentée qui tient dans sa main un sceptre dont le bout est terminé en double fleur de lis ; ce qui pouroit faire croire que dans ce temps-là ces fleurs n’estoient pas inconnues. La couronne qu’elle a sur la teste pouroit encore autoriser cette pensée. Elle décéda à Paris en 601. Clotaire, second fils de Chilpéric & de Frédégonde, & sa femme Bertrude y sont aussi ; de mesme que Childéric second & sa femme. Ce roi estoit fils de Clovis second, qui fut assassiné à la chasse dans le bois de Bondis 143par un gentilhomme de Liège, nommé Bodile, qu’il avoit fait indignement fouetter sans respecter sa noblesse.

+

Avant que les Normans & les Danois eussent ruiné cette église, on voïoit beaucoup d’autres tombeaux de personnes illustres dont la mémoire est perdue. Les rois de la première race affectoient d’y estre inhumez, comme ceux de la seconde & de la troisième ont choisi Saint-Denis. Depuis peu de temps, on a bâti deux très jolies chapelles d’une mesme symétrie dans les deux ailes. Elles sont ornées de colonnes composites de marbre veiné, avec des piez-d’estaux garnis de mesme, aussi bien que la frise. Celle qui est à droite est dédiée à sainte Marguerite, dont ces pères ont la ceinture que l’on met autour des femmes enceintes, qui y ont une très grande dévotion. Le tombeau de messieurs de Castelan est vis-à-vis. II est de marbre & du dessein de M. Girardon.

+ 144 -

- L’autre chapelle est dédiée à saint Casimir roi de Pologne, patron du roi Casimir mort en France abbé de cette abbaïe, dont le cœur est sous le monument qui est à côté de cette chapelle. Ce roi y est représenté à genou, en marbre blanc, revêtu de ses habits roïaux, offrant à Dieu son sceptre & sa couronne, sur un tombeau de marbre noir soutenu d’un grand pié-d’estail, au devant duquel est un bas-relief de bronze qui représente une victoire qu’il a remportée sur les Turcs. Il est un des plus beaux que l’on puisse voir & l’on n’en trouve guère de semblable. Un nommé frère Jean Thibaut, convers de cette maison, l’a fondu, qui passe pour un des plus habiles hommes qu’il y ait à présent dans ces sortes d’ouvrages. De chaque côté sont des captifs turcs enchaînez sur des armes en manière de trophée. Voici l’épitaphe que l’on y lit, qui est du père Delsau, religieux de cette abbaïe :

- +

L’autre chapelle est dédiée à saint Casimir roi de Pologne, patron du roi Casimir mort en France abbé de cette abbaïe, dont le cœur est sous le monument qui est à côté de cette chapelle. Ce roi y est représenté à genou, en marbre blanc, revêtu de ses habits roïaux, offrant à Dieu son sceptre & sa couronne, sur un tombeau de marbre noir soutenu d’un grand pié-d’estail, au devant duquel est un bas-relief de bronze qui représente une victoire qu’il a remportée sur les Turcs. Il est un des plus beaux que l’on puisse voir & l’on n’en trouve guère de semblable. Un nommé frère Jean Thibaut, convers de cette maison, l’a fondu, qui passe pour un des plus habiles hommes qu’il y ait à présent dans ces sortes d’ouvrages. De chaque côté sont des captifs turcs enchaînez sur des armes en manière de trophée. Voici l’épitaphe que l’on y lit, qui est du père Delsau, religieux de cette abbaïe :

+ 145 - -

Æternæ Memoriæ Regis orthodoxi. Heic post emensos virtutis ac gloriæ gradus omnes quiescit nobili sui parte - Johannes Casimirus - Poloniæ ac sueciæ rex ; alto e Jagellonidum sanguine, familia Vasatensi Postremus, quia summus litteris, armis, pietate. multarum gentium linguas addidicit, quo illas propensius sibi devinciret.septemdecim proeliis collatis cum hoste signis, totidem uno minus vicit, Semper invictus.Moscovitas, suecos, Brande-burgenses, Tartaros, Germanos - 146armis ; cosacos, aliosque rebelles gratia, ac beneficiis Expugnavit, victoria Regem eis se præbens, clementia patrem. Denique totis viginti imperii annis, fortunam virtute vincens, aulam habuit in castris, palatia in tentoris, spectacula in triumphis. Liberos ex legitimo connubio suscepit, queis postea orbatus est, ne si se majorem reliquisset, non esset ipse maximus ; sin minorem, stirps degeneraret. Par ei ad fortitudinem religio fuit, nec segnius cælo militavit, quam solo. Hinc exstructa monasteria et nosocomia Varsaviæ, - 147calvinianorum fana in Lithuania excisa, Sociniani regno pulsi, ne Casimirum haberent Regem, qui Christum Deum non haberent. Senatus a variis sectis ad Catholicæ fidei communionem adductus, ut Ecclesiæ legibus continerentur, qui Jura populis dicerent. Unde illi preclarum orthodoxi nomen ab Alexandro VII - inditum. Humanæ denique gloriæ fastigium prætergressus, cum nihil præclarius agere posset, Imperium sponte abdicavit anno M DC LXVIII. Tum porro lacrymæ quas nulli regnans excusserat, omnium oculis manarunt, - 148qui abeuntem Regem, non secus atque obeuntem patrem, Luxere. Vitæ reliquum in pietatis officiis cum exegisset, tandem audita Kameneciæ expugnatione, ne tantæ cladi superesset, Caritate patriæ vulneratus occubuit XVII kal. Jan. M DC LXXII. Regium cor monachis hujus coenobii, cui abbas præfuerat, amoris pignus reliquit : quod illi isthoc tumulo mærentes condiderunt.

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-

Dans une des chapelles qui sont derrière le chœur, on remarque encore deux tombeaux de marbre de messieurs Duglas - , d’une des plus illustres familles d’Écosse.

-

Après ces choses, il n’y a rien de singulier dans l’église. Les jours de festes, l’office divin s’y fait avec beaucoup de pompe & de majesté, & il - 149n’est guère de communauté régulière où l’on s’en acquite mieux. L’ordre de saint Benoist est en possession de cette maison depuis qu’elle a esté fondée par le roi Childebert, & l’église, selon quelques historiens, est dans le mesme endroit où estoit autrefois un temple dédié à la déesse Isis, dont on voïoit encore la statue dans le siècle passé, qui fut ôtée de l’église & brisée par l’ordre des supérieurs à cause que l’on trouva devant une vieille femme qui faisoit ses prières.

-

Dans l’intérieur du couvent on doit aller voir le réfectoir, qui est grand & un des plus beaux du roïaume. Il est percé des deux côtez de grandes fenestres, dont les vitres antiques sont très belles. Au bout, on a fait un écalier qui conduit au grand dortoir, d’une structure assez hardie. Il ne faut pas non plus négliger d’aller à la chapelle de Notre-Dame sur le derrière. Elle est à peu près du dessein de la Sainte-Chapelle 150du Palais. On dit qu’elle a esté bâtie par le mesme architecte qui est enterré dans ce lieu.

-

Mais sans trop s’arrester à toutes ces choses, il faut aller à la bibliotèque, qui occupe le dessus de l’aile du cloître qui règne le long de l’église. Elle n’est pas, à la vérité, des plus nombreuses, mais en récompense tous les livres sont des mieux choisis & des meilleures éditions que l’on puisse trouver. Dans le siècle passé, où il n’y avoit pas un si grand nombre de bibliotèques qu’il y en a à présent, elle estoit estimée la première de toutes celles de Paris. À présent, si ce n’est plus tout à fait la mesme chose pour les livres imprimez, au moins en manuscrits est-il très certain qu’aucune ne lui dispute, & en nul endroit on n’en verra point une plus grande quantité & de plus rares ; si ce n’est à la Bibliotèque du roi. Ils sont au bout, dans une petite chambre séparée qui en est toute remplie depuis le haut jusqu’en bas. - 151Il s’en trouve sur toutes sortes de matières, & principalement concernant la religion, desquels mesme l’on a tiré de fort grandes lumières pour éclaircir des choses que les copistes & les imprimeurs avoient tronquées ou mal copiées. Dans une petite armoire de la grande bibliothèque, l’on conserve quelques volumes plus rares que les autres, parmi lesquels il y en a un nommé le psautier de saint Germain - , à cause que l’on croit qu’il a servi à ce saint qui vivoit en 560, sous le règne de Childebert roi de France & de l’empereur Justinien en Orient. Autrefois ce livre estoit dans la sacristie avec les reliques, mais comme l’on estoit obligé pour satisfaire les curieux de le faire voir souvent, on l’a mis en ce lieu. Il est en lettres d’or & d’argent sur un velin de couleur de pourpre & contient tous les pseaumes de David. Il y a encore dans le mesme endroit un missel très ancien, qui selon toutes les apparences a plus de neuf cens - 152ans ; des tablettes à l’usage des Anciens, faites de petites planches de bois de cèdre avec une espèce de cire ou de vernix très fin coulé dessus, sur lesquelles par le moïen du stile on écrivoit fort facilement ; & quelques autres singularisez de cette sorte qui méritent d’estre considérées, surtout un fort grand volume plein d’attestations de la croïance de plusieurs évesques grecs touchant la transsubstantiation, que le sçavant M. Arnauld a fait venir de Constantinople avec beaucoup de peine, par le moïen de monsieur de Nointel, ambassadeur de France à la Porte, pour lui servir d’autorité contre messieurs de la R. P. R., qui soutenoient que l’Église grecque estoit de leur opinion.

-

Après avoir parlé de la bibliotèque, le lecteur ne sera pas fâché que l’on l’entretienne des beaux ouvrages que les doctes religieux de cette maison ont depuis peu mis au jour, dont les plus utiles & les plus considérables sont les œuvres du grand - 153 - saint Augustin, qu’ils ont entrepris de corriger sur les plus anciens & les plus fidèles manuscrits de toutes les bibliotèques de l’Europe dont ils ont eu communication. On en a déjà veu cinq grands volumes qui ont esté receus du public avec un applaudissement universel, & ils travaillent continuellement à donner le reste dans la mesme pureté. On peut dire que l’on n’a pas de ce siècle entrepris rien qui fut plus important & plus utile à la Religion, parce que depuis quelques années presque toutes les disputes qui sont survenues entre les théologiens sur les matières de la grâce ont esté sur l’interprétation de ce père ; & l’Église en aura l’obligation à ces doctes religieux, qui ne méritent pas moins de gloire de ce travail, qu’ils ont eu de peine à l’exécuter & à le mettre en l’état où il est. Le père dom Luc d’Archery, religieux de la mesme maison, a mis en lumière le Spicilegium, qu’il a conduit jusqu’au 13 volume in-quarto, dans lequel il a - 154assemblé plusieurs pièces antiques cachées dans les bibliotèques de son ordre, qui auroient esté ensevelies dans l’oubli sans le soin qu’il a eu de leur faire voir le jour, avec de très sçavantes préfaces qui sont d’un grand secours pour les curieux.

-

Mais après le livre incomparable que le père dom Jean Mabillon a fait paroître depuis deux ans, l’on ne peut rien désirer davantage. Il est intitulé De Re Diplomatica, in-folio, avec un grand nombre de figures de chartres antiques que ce sçavant auteur a déchifrées le plus heureusement du monde, & sur lesquelles il donne des remarques très instructives pour connoîstre lorsqu’elles sont contrefaites ; ce qui sera aisé à remarquer après la lecture de ce beau livre. Ceux qui le lisent ne peuvent assez admirer la peine & la patience que l’auteur a eu pour faire les sçavantes recherches qui y sont, & il n’est guère d’ouvrage où il paroisse un jugement plus solide que dans - 155celui-ci ; ce qui fait que du petit nombre d’auteurs que l’on conte à présent entre les sçavans, il est un de ceux que l’on estime davantage & qui a le plus de réputation. On a aussi de lui quelques volumes d’Analectes, in-octavo +

Æternæ Memoriæ Regis orthodoxi. Heic post emensos virtutis ac gloriæ gradus omnes quiescit nobili sui parte + Johannes Casimirus + Poloniæ ac sueciæ rex ; alto e Jagellonidum sanguine, familia Vasatensi Postremus, quia summus litteris, armis, pietate. multarum gentium linguas addidicit, quo illas propensius sibi devinciret.septemdecim proeliis collatis cum hoste signis, totidem uno minus vicit, Semper invictus.Moscovitas, suecos, Brande-burgenses, Tartaros, Germanos 146armis ; cosacos, aliosque rebelles gratia, ac beneficiis Expugnavit, victoria Regem eis se præbens, clementia patrem. Denique totis viginti imperii annis, fortunam virtute vincens, aulam habuit in castris, palatia in tentoris, spectacula in triumphis. Liberos ex legitimo connubio suscepit, queis postea orbatus est, ne si se majorem reliquisset, non esset ipse maximus ; sin minorem, stirps degeneraret. Par ei ad fortitudinem religio fuit, nec segnius cælo militavit, quam solo. Hinc exstructa monasteria et nosocomia Varsaviæ, 147calvinianorum fana in Lithuania excisa, Sociniani regno pulsi, ne Casimirum haberent Regem, qui Christum Deum non haberent. Senatus a variis sectis ad Catholicæ fidei communionem adductus, ut Ecclesiæ legibus continerentur, qui Jura populis dicerent. Unde illi preclarum orthodoxi nomen ab Alexandro VII + inditum. Humanæ denique gloriæ fastigium prætergressus, cum nihil præclarius agere posset, Imperium sponte abdicavit anno M DC LXVIII. Tum porro lacrymæ quas nulli regnans excusserat, omnium oculis manarunt, 148qui abeuntem Regem, non secus atque obeuntem patrem, Luxere. Vitæ reliquum in pietatis officiis cum exegisset, tandem audita Kameneciæ expugnatione, ne tantæ cladi superesset, Caritate patriæ vulneratus occubuit XVII kal. Jan. M DC LXXII. Regium cor monachis hujus coenobii, cui abbas præfuerat, amoris pignus reliquit : quod illi isthoc tumulo mærentes condiderunt.

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Dans une des chapelles qui sont derrière le chœur, on remarque encore deux tombeaux de marbre de messieurs Duglas + , d’une des plus illustres familles d’Écosse.

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Après ces choses, il n’y a rien de singulier dans l’église. Les jours de festes, l’office divin s’y fait avec beaucoup de pompe & de majesté, & il 149n’est guère de communauté régulière où l’on s’en acquite mieux. L’ordre de saint Benoist est en possession de cette maison depuis qu’elle a esté fondée par le roi Childebert, & l’église, selon quelques historiens, est dans le mesme endroit où estoit autrefois un temple dédié à la déesse Isis, dont on voïoit encore la statue dans le siècle passé, qui fut ôtée de l’église & brisée par l’ordre des supérieurs à cause que l’on trouva devant une vieille femme qui faisoit ses prières.

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Dans l’intérieur du couvent on doit aller voir le réfectoir, qui est grand & un des plus beaux du roïaume. Il est percé des deux côtez de grandes fenestres, dont les vitres antiques sont très belles. Au bout, on a fait un écalier qui conduit au grand dortoir, d’une structure assez hardie. Il ne faut pas non plus négliger d’aller à la chapelle de Notre-Dame sur le derrière. Elle est à peu près du dessein de la Sainte-Chapelle 150du Palais. On dit qu’elle a esté bâtie par le mesme architecte qui est enterré dans ce lieu.

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Mais sans trop s’arrester à toutes ces choses, il faut aller à la bibliotèque, qui occupe le dessus de l’aile du cloître qui règne le long de l’église. Elle n’est pas, à la vérité, des plus nombreuses, mais en récompense tous les livres sont des mieux choisis & des meilleures éditions que l’on puisse trouver. Dans le siècle passé, où il n’y avoit pas un si grand nombre de bibliotèques qu’il y en a à présent, elle estoit estimée la première de toutes celles de Paris. À présent, si ce n’est plus tout à fait la mesme chose pour les livres imprimez, au moins en manuscrits est-il très certain qu’aucune ne lui dispute, & en nul endroit on n’en verra point une plus grande quantité & de plus rares ; si ce n’est à la Bibliotèque du roi. Ils sont au bout, dans une petite chambre séparée qui en est toute remplie depuis le haut jusqu’en bas. 151Il s’en trouve sur toutes sortes de matières, & principalement concernant la religion, desquels mesme l’on a tiré de fort grandes lumières pour éclaircir des choses que les copistes & les imprimeurs avoient tronquées ou mal copiées. Dans une petite armoire de la grande bibliothèque, l’on conserve quelques volumes plus rares que les autres, parmi lesquels il y en a un nommé le psautier de saint Germain + , à cause que l’on croit qu’il a servi à ce saint qui vivoit en 560, sous le règne de Childebert roi de France & de l’empereur Justinien en Orient. Autrefois ce livre estoit dans la sacristie avec les reliques, mais comme l’on estoit obligé pour satisfaire les curieux de le faire voir souvent, on l’a mis en ce lieu. Il est en lettres d’or & d’argent sur un velin de couleur de pourpre & contient tous les pseaumes de David. Il y a encore dans le mesme endroit un missel très ancien, qui selon toutes les apparences a plus de neuf cens 152ans ; des tablettes à l’usage des Anciens, faites de petites planches de bois de cèdre avec une espèce de cire ou de vernix très fin coulé dessus, sur lesquelles par le moïen du stile on écrivoit fort facilement ; & quelques autres singularisez de cette sorte qui méritent d’estre considérées, surtout un fort grand volume plein d’attestations de la croïance de plusieurs évesques grecs touchant la transsubstantiation, que le sçavant M. Arnauld a fait venir de Constantinople avec beaucoup de peine, par le moïen de monsieur de Nointel, ambassadeur de France à la Porte, pour lui servir d’autorité contre messieurs de la R. P. R., qui soutenoient que l’Église grecque estoit de leur opinion.

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Après avoir parlé de la bibliotèque, le lecteur ne sera pas fâché que l’on l’entretienne des beaux ouvrages que les doctes religieux de cette maison ont depuis peu mis au jour, dont les plus utiles & les plus considérables sont les œuvres du grand 153 saint Augustin, qu’ils ont entrepris de corriger sur les plus anciens & les plus fidèles manuscrits de toutes les bibliotèques de l’Europe dont ils ont eu communication. On en a déjà veu cinq grands volumes qui ont esté receus du public avec un applaudissement universel, & ils travaillent continuellement à donner le reste dans la mesme pureté. On peut dire que l’on n’a pas de ce siècle entrepris rien qui fut plus important & plus utile à la Religion, parce que depuis quelques années presque toutes les disputes qui sont survenues entre les théologiens sur les matières de la grâce ont esté sur l’interprétation de ce père ; & l’Église en aura l’obligation à ces doctes religieux, qui ne méritent pas moins de gloire de ce travail, qu’ils ont eu de peine à l’exécuter & à le mettre en l’état où il est. Le père dom Luc d’Archery, religieux de la mesme maison, a mis en lumière le Spicilegium, qu’il a conduit jusqu’au 13 volume in-quarto, dans lequel il a 154assemblé plusieurs pièces antiques cachées dans les bibliotèques de son ordre, qui auroient esté ensevelies dans l’oubli sans le soin qu’il a eu de leur faire voir le jour, avec de très sçavantes préfaces qui sont d’un grand secours pour les curieux.

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Mais après le livre incomparable que le père dom Jean Mabillon a fait paroître depuis deux ans, l’on ne peut rien désirer davantage. Il est intitulé De Re Diplomatica, in-folio, avec un grand nombre de figures de chartres antiques que ce sçavant auteur a déchifrées le plus heureusement du monde, & sur lesquelles il donne des remarques très instructives pour connoîstre lorsqu’elles sont contrefaites ; ce qui sera aisé à remarquer après la lecture de ce beau livre. Ceux qui le lisent ne peuvent assez admirer la peine & la patience que l’auteur a eu pour faire les sçavantes recherches qui y sont, & il n’est guère d’ouvrage où il paroisse un jugement plus solide que dans 155celui-ci ; ce qui fait que du petit nombre d’auteurs que l’on conte à présent entre les sçavans, il est un de ceux que l’on estime davantage & qui a le plus de réputation. On a aussi de lui quelques volumes d’Analectes, in-octavo , qu’il continue tous les jours avec beaucoup de soin.

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II y a encore dans cette communauté plusieurs autres sçavans qui travaillent sans relâche sur diverses matières, & l’on verra dans peu de jours les ouvrages de - saint Ambroise sortir de leurs mains. On peut dire encore à leur louange qu’il n’est point de maison religieuse ou l’oisiveté soit plus soigneusement bannie que dans celle-ci.

-

II est bon de sçavoir que cette abbaïe a esté souvent autrefois ruinée, parce qu’elle estoit exposée hors la ville aux incursions des Barbares. Les Normans & les Danois l’ont pillée & brûlée trois ou quatre fois, & elle a soutenu des sièges comme une ville fortifiée. Elle estoit pour lors en - 156tourée de fossez profonds & d’épaisses murailles, qui d’espace en espace estoient soutenues de tours rondes, que l’on a esté obligé d’abatre pour bâtir les maisons qui sont autour & dont il n’est resté que deux sur la porte, du côté de la rue Saint-Benoist.

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Comme il est difficile de suivre les rues dans le quartier de Saint-Germain à cause que les choses ne s’y trouvent pas de suite, comme dans quelques autres endroits de la ville, on prendra en particulier ce qui mérite d’estre considéré, en tâchant pourtant de faire voir aux curieux, autant qu’il se poura faire, plusieurs choses dans une mesme course, afin de leur épargner de la peine.

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II y a encore dans cette communauté plusieurs autres sçavans qui travaillent sans relâche sur diverses matières, & l’on verra dans peu de jours les ouvrages de + saint Ambroise sortir de leurs mains. On peut dire encore à leur louange qu’il n’est point de maison religieuse ou l’oisiveté soit plus soigneusement bannie que dans celle-ci.

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II est bon de sçavoir que cette abbaïe a esté souvent autrefois ruinée, parce qu’elle estoit exposée hors la ville aux incursions des Barbares. Les Normans & les Danois l’ont pillée & brûlée trois ou quatre fois, & elle a soutenu des sièges comme une ville fortifiée. Elle estoit pour lors en 156tourée de fossez profonds & d’épaisses murailles, qui d’espace en espace estoient soutenues de tours rondes, que l’on a esté obligé d’abatre pour bâtir les maisons qui sont autour & dont il n’est resté que deux sur la porte, du côté de la rue Saint-Benoist.

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Comme il est difficile de suivre les rues dans le quartier de Saint-Germain à cause que les choses ne s’y trouvent pas de suite, comme dans quelques autres endroits de la ville, on prendra en particulier ce qui mérite d’estre considéré, en tâchant pourtant de faire voir aux curieux, autant qu’il se poura faire, plusieurs choses dans une mesme course, afin de leur épargner de la peine.

- - Le palais d’Orléans - + Le palais d’Orléans

- Autrement nommé le palais de Luxembourg, à cause qu’il est dans le lieu où estoit autrefois un vieil hôtel de ce nom.

- + Autrement nommé le palais de Luxembourg, à cause qu’il est dans le lieu où estoit autrefois un vieil hôtel de ce nom.

+ 157 -

De tout ce que l’on voit à Paris & mesme dans le Roïaume, il n’est rien de plus régulier & de mieux entendu pour l’architecture que ce magnifique palais. Marie de Médicis, veuve de Henri IV, l’a fait bâtir & se servit du plus habile architecte de son temps, qui se nommoit Jacques de Brosse, celui-là mesme qui a donné le dessein du portail de Saint-Gervais, dont on a fait la description. Cette grande reine n’épargna rien pour laisser à la postérité un monument qui fit connoître sa magnificence. Tout ce qu’il y a de voïageurs curieux conviennent que dans toute l’Italie l’on ne voit rien où l’art soit observé avec plus d’exactitude, & où il paroisse plus de grandeur & plus de majesté que dans ce bâtiment. Il est composé d’une grande cour quarrée, au fond de laquelle est le gros corps de logis, accompagné aux extrémitez de quatre pavillons & d’une avant-corps au milieu qui en fait un cinquième orné de colonnes. La - 158cour des deux côtez est bornée par deux longues galeries un peu plus basses que le reste du bâtiment, soutenues sur neuf arcades, à la faveur desquelles on peut aller à couvert tout autour. La face de tout ce palais est en galerie découverte avec une manière de dôme, au milieu revêtu de colonnes, sous lequel est la grande porte vis-à-vis la rue de Tournon, au plus haut de laquelle ce palais se trouve placé ; ce qui lui donne une très belle avenue. À chaque bout des galeries & des deux terrasses qui sont sur le devant, il y a encore deux gros pavillons qui font une mesme ligne avec toute la face du bâtiment. L’architecture de tout ce palais est en pilastres, excepté autour de la grande porte & du côté du jardin, sur le devant du petit dôme qui sert de chapelle, où il y a des colonnes hors d’œuvre. Les ordres qui s’y trouvent font le rustique & le dorique, avec un attique au-dessus ; & du côté du jardin, sur le rustique & le dorique on a - 159mis encore un ionique, qui forme un troisième ordre complet, avec des balustrades tout autour des combles & des frontons aux faces, sur lesquels il y a de grandes statues couchées qui soutiennent des couronnes. Ce qui enrichit cette belle architecture est le bossage, qui est partout, & il n’y a point d’autres ornemens que ceux qui sont nécessaires. Tout ce qu’on y voit est dans la disposition simple des règles de l’art, ce qui fait que ceux qui se connoissent un peu en ouvrages d’architecture s’attachent à observer ce palais & y trouvent plus de beautez que ceux qui regardent seulement les choses sans en connoître le véritable prix. Il est à présent occupé par deux illustres princesses, filles de feu monsieur le duc d’Orléans, frère unique de Louis XIII.

-

À main gauche en entrant sont les appartemens de mademoiselle d’Orléans, & à droite ceux de madame la duchesse de Guise sa sœur. - 160Dans les premiers, il y a de très beaux plafons & des meubles très riches ; & dans les derniers, entre autres choses on y doit aller voir la galerie peinte par le fameux Rubens de la ville d’Anvers, que l’on fit venir exprès de Flandre pour la faire. Ce font des grands tableaux qui sont sur les tremeaux entre les croisées, où sont représentées les principales actions de Henri IV, surtout celles où Marie de Médicis a eu quelque part. L’on ne peut rien désirer de plus exactement dessiné & de mieux entendu, mais ce que l’on doit admirer est le beau coloris dont ce fameux maître se servoit & en quoi il a surpassé tous les autres. Souvent les jeunes peintres vont étudier dans cette galerie, & comme elle est toute de sa manière, ils peuvent y prendre aisément des idées de la belle peinture. Le jardin estoit autrefois très beau & rempli de petits bois d’allées couvertes très agréables, mais les grands hyvers aïant ruiné une - 161partie des arbres, on a esté obligé de les abatre pour en mettre d’autres en leur place, que l’on a déjà commencé à planter. Au bout de la grande allée qui est devant le parterre, on avoit dessein de faire une fontaine : ce qui est commencé est d’une très bonne manière d’architecture. C’est une espèce de niche ornée sur le devant de quatre grosses colonnes rustiques chargées de congellations, sur lesquelles il y a des dieux marins qui tiennent des vases avec un grand cartouche où sont les armes de France & de Médicis acolées ensemble.

-

Dans tout le reste, il ne paroîtra rien de fort remarquable, si ce n’est la balustrade de marbre blanc qui est sur le devant des terrasses qui entourent le parterre, mais qui n’est pas achevée. Delà, on doit aller voir :

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De tout ce que l’on voit à Paris & mesme dans le Roïaume, il n’est rien de plus régulier & de mieux entendu pour l’architecture que ce magnifique palais. Marie de Médicis, veuve de Henri IV, l’a fait bâtir & se servit du plus habile architecte de son temps, qui se nommoit Jacques de Brosse, celui-là mesme qui a donné le dessein du portail de Saint-Gervais, dont on a fait la description. Cette grande reine n’épargna rien pour laisser à la postérité un monument qui fit connoître sa magnificence. Tout ce qu’il y a de voïageurs curieux conviennent que dans toute l’Italie l’on ne voit rien où l’art soit observé avec plus d’exactitude, & où il paroisse plus de grandeur & plus de majesté que dans ce bâtiment. Il est composé d’une grande cour quarrée, au fond de laquelle est le gros corps de logis, accompagné aux extrémitez de quatre pavillons & d’une avant-corps au milieu qui en fait un cinquième orné de colonnes. La 158cour des deux côtez est bornée par deux longues galeries un peu plus basses que le reste du bâtiment, soutenues sur neuf arcades, à la faveur desquelles on peut aller à couvert tout autour. La face de tout ce palais est en galerie découverte avec une manière de dôme, au milieu revêtu de colonnes, sous lequel est la grande porte vis-à-vis la rue de Tournon, au plus haut de laquelle ce palais se trouve placé ; ce qui lui donne une très belle avenue. À chaque bout des galeries & des deux terrasses qui sont sur le devant, il y a encore deux gros pavillons qui font une mesme ligne avec toute la face du bâtiment. L’architecture de tout ce palais est en pilastres, excepté autour de la grande porte & du côté du jardin, sur le devant du petit dôme qui sert de chapelle, où il y a des colonnes hors d’œuvre. Les ordres qui s’y trouvent font le rustique & le dorique, avec un attique au-dessus ; & du côté du jardin, sur le rustique & le dorique on a 159mis encore un ionique, qui forme un troisième ordre complet, avec des balustrades tout autour des combles & des frontons aux faces, sur lesquels il y a de grandes statues couchées qui soutiennent des couronnes. Ce qui enrichit cette belle architecture est le bossage, qui est partout, & il n’y a point d’autres ornemens que ceux qui sont nécessaires. Tout ce qu’on y voit est dans la disposition simple des règles de l’art, ce qui fait que ceux qui se connoissent un peu en ouvrages d’architecture s’attachent à observer ce palais & y trouvent plus de beautez que ceux qui regardent seulement les choses sans en connoître le véritable prix. Il est à présent occupé par deux illustres princesses, filles de feu monsieur le duc d’Orléans, frère unique de Louis XIII.

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À main gauche en entrant sont les appartemens de mademoiselle d’Orléans, & à droite ceux de madame la duchesse de Guise sa sœur. 160Dans les premiers, il y a de très beaux plafons & des meubles très riches ; & dans les derniers, entre autres choses on y doit aller voir la galerie peinte par le fameux Rubens de la ville d’Anvers, que l’on fit venir exprès de Flandre pour la faire. Ce font des grands tableaux qui sont sur les tremeaux entre les croisées, où sont représentées les principales actions de Henri IV, surtout celles où Marie de Médicis a eu quelque part. L’on ne peut rien désirer de plus exactement dessiné & de mieux entendu, mais ce que l’on doit admirer est le beau coloris dont ce fameux maître se servoit & en quoi il a surpassé tous les autres. Souvent les jeunes peintres vont étudier dans cette galerie, & comme elle est toute de sa manière, ils peuvent y prendre aisément des idées de la belle peinture. Le jardin estoit autrefois très beau & rempli de petits bois d’allées couvertes très agréables, mais les grands hyvers aïant ruiné une 161partie des arbres, on a esté obligé de les abatre pour en mettre d’autres en leur place, que l’on a déjà commencé à planter. Au bout de la grande allée qui est devant le parterre, on avoit dessein de faire une fontaine : ce qui est commencé est d’une très bonne manière d’architecture. C’est une espèce de niche ornée sur le devant de quatre grosses colonnes rustiques chargées de congellations, sur lesquelles il y a des dieux marins qui tiennent des vases avec un grand cartouche où sont les armes de France & de Médicis acolées ensemble.

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Dans tout le reste, il ne paroîtra rien de fort remarquable, si ce n’est la balustrade de marbre blanc qui est sur le devant des terrasses qui entourent le parterre, mais qui n’est pas achevée. Delà, on doit aller voir :

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- - L’hostel de Condé - + L’hostel de Condé

- C’est où demeure monsieur le Prince, premier prince du sang, avec toute son illustre famille. Le bâtiment n’est pas d’une structure extraordinaire. C’estoit autrefois l’hôtel de Retz & comme il a esté bâti à diverses reprises poux la commodité, la symétrie n’a pu estre gardée avec beaucoup de soin, mais pour les meubles il est difficile d’en voir de plus magnifiques & en plus grande quantité. Il y a des tableaux de tous les excellens maistres, des tapisseries extraordinaires qui ont appartenu autrefois à l’illustre maison de Montmorenci & des pierreries plus belles qu’en aucune maison de l’Europe. Il y a aussi une bibliotèque très nombreuse, où il se trouve des livres fort curieux & des cartes à la main très rares. Mais ce qu’il faut tâcher devoir est le jardin, qui dans une étendue assez me - 163diocre fait remarquer tout ce que l’art & la nature peuvent ensemble produire de beau & de singulier. Il y a des cabinets ou des tonnelles de l’ouvrage des Hollandois, qui sont faits avec beaucoup d’industrie. Il paroît à l’entrée de chaque allée un petit arc de triomphe du mesme travail. En esté ce jardin est rempli d’orangers & de jasmins, qui en rendent la promenade du soir fort agréable.

-

Dans la rue Vaugirad qui passe devant le palais de Luxembourg est :

+ C’est où demeure monsieur le Prince, premier prince du sang, avec toute son illustre famille. Le bâtiment n’est pas d’une structure extraordinaire. C’estoit autrefois l’hôtel de Retz & comme il a esté bâti à diverses reprises poux la commodité, la symétrie n’a pu estre gardée avec beaucoup de soin, mais pour les meubles il est difficile d’en voir de plus magnifiques & en plus grande quantité. Il y a des tableaux de tous les excellens maistres, des tapisseries extraordinaires qui ont appartenu autrefois à l’illustre maison de Montmorenci & des pierreries plus belles qu’en aucune maison de l’Europe. Il y a aussi une bibliotèque très nombreuse, où il se trouve des livres fort curieux & des cartes à la main très rares. Mais ce qu’il faut tâcher devoir est le jardin, qui dans une étendue assez me 163diocre fait remarquer tout ce que l’art & la nature peuvent ensemble produire de beau & de singulier. Il y a des cabinets ou des tonnelles de l’ouvrage des Hollandois, qui sont faits avec beaucoup d’industrie. Il paroît à l’entrée de chaque allée un petit arc de triomphe du mesme travail. En esté ce jardin est rempli d’orangers & de jasmins, qui en rendent la promenade du soir fort agréable.

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Dans la rue Vaugirad qui passe devant le palais de Luxembourg est :

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- , où demeure monsieur le duc de Bourbon, autrefois l’hôtel d’Aiguillon, autrement le Petit Luxembourg, que le cardinal de Richelieu avoit fait embellir pour la duchesse d’Aiguillon, sa nièce ; où il avoit fait de très grandes dépences, comme on le peut voir par les beaux plafons, & surtout par celui de la grande salle, qui a coûté beaucoup. II y avoit en ce temps-là - 164des meubles magnifiques & de toutes sortes de curiositez extrêmement rares qui ont esté dissipées par la mort de cette duchesse.

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, où demeure monsieur le duc de Bourbon, autrefois l’hôtel d’Aiguillon, autrement le Petit Luxembourg, que le cardinal de Richelieu avoit fait embellir pour la duchesse d’Aiguillon, sa nièce ; où il avoit fait de très grandes dépences, comme on le peut voir par les beaux plafons, & surtout par celui de la grande salle, qui a coûté beaucoup. II y avoit en ce temps-là 164des meubles magnifiques & de toutes sortes de curiositez extrêmement rares qui ont esté dissipées par la mort de cette duchesse.

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Tout proche & du mesme côté sont , de l’ordre de saint Benoist, qui ont esté fondées en 1620 par Marie de Médicis. L’église & le couvent n’ont rien de singulier, non plus que la maison des :

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Tout proche & du mesme côté sont , de l’ordre de saint Benoist, qui ont esté fondées en 1620 par Marie de Médicis. L’église & le couvent n’ont rien de singulier, non plus que la maison des :

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, qui est dans la mesme rue. Un peu plus haut est :

- - Le couvent des Carmes déchaussez - + Le couvent des Carmes déchaussez

- Ce monastère a esté fondé vers le commencement de ce siècle des libéralitez de quelques bourgeois de Paris, qui donnèrent une petite maison située en cet endroit à des Carmes venus d’Espagne pour apporter en France la reforme que - sainte - - Thérèse avoit faite de l’ordre du Mont-Carmel. Ce fut en l’année 1613 qu’on en jetta les premiers - 165fondemens, & Marie de Médicis voulut mettre la première pierre à leur église, comme on le peut voir par cette inscription qui estoit dessus :

- -

- Maria Medicæ a mater fundamentum hujus ecclesiæ posuit.

-

- 1613.

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- Le chancelier Séguier se déclara leur protecteur & leur fit de grands biens. Il leur donna entre autres choses de quoi bâtir leur grand autel, qui est d’un dessein assez beau, orné de colonnes corinthiennes de marbre noir & de quelques figures qui représentent les principaux saints de l’ordre de ces pères. Tout l’ouvrage de l’église est d’ordre rustique ou toscan, qui n’est pas mesme des plus réguliers. Au milieu, il y a un dôme peint dans le fond par un nommé Bertolet, chanoine de l’Église de Liège, qui n’estoit pas un mal-habile peintre comme on le peut juger par cet ouvrage qui représente l’enleve - 166ment d’Élie dans un chariot de feu, laissant tomber son manteau à Élisée, son disciple, qui étend les bras pour le recevoir.

-

Il y a dans cette église deux chapelles qu’il faut particulièrement considérer. La première, à main gauche sous le dôme, est dédiée à la Sainte Vierge, dont il y a une statue en marbre blanc des plus belles que l’on puisse voir, d’un nommé ***, disciple du fameux cavalier Bernin, qui l’a faite à Rome, d’où elle a esté amenée avec beaucoup de dépence. Il est difficile de rien désirer de plus beau que cette figure qui représente la Sainte Vierge assise tenant sur ses genoux son enfant qui la caresse & qui la veut embrasser. Tout ce que l’on demande dans une statue achevée se trouve dans celle-ci & on la doit considérer comme la plus belle pièce du roïaume. La niche où elle est au-dessus de l’autel est du dessein du cavalier Bernin. Elle est ornée de quatre colonnes corinthiennes de marbre veiné.

- + Ce monastère a esté fondé vers le commencement de ce siècle des libéralitez de quelques bourgeois de Paris, qui donnèrent une petite maison située en cet endroit à des Carmes venus d’Espagne pour apporter en France la reforme que + sainte + Thérèse avoit faite de l’ordre du Mont-Carmel. Ce fut en l’année 1613 qu’on en jetta les premiers 165fondemens, & Marie de Médicis voulut mettre la première pierre à leur église, comme on le peut voir par cette inscription qui estoit dessus :

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Maria Medicæ a mater fundamentum hujus ecclesiæ posuit.

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1613.

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Le chancelier Séguier se déclara leur protecteur & leur fit de grands biens. Il leur donna entre autres choses de quoi bâtir leur grand autel, qui est d’un dessein assez beau, orné de colonnes corinthiennes de marbre noir & de quelques figures qui représentent les principaux saints de l’ordre de ces pères. Tout l’ouvrage de l’église est d’ordre rustique ou toscan, qui n’est pas mesme des plus réguliers. Au milieu, il y a un dôme peint dans le fond par un nommé Bertolet, chanoine de l’Église de Liège, qui n’estoit pas un mal-habile peintre comme on le peut juger par cet ouvrage qui représente l’enleve + 166ment d’Élie dans un chariot de feu, laissant tomber son manteau à Élisée, son disciple, qui étend les bras pour le recevoir.

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Il y a dans cette église deux chapelles qu’il faut particulièrement considérer. La première, à main gauche sous le dôme, est dédiée à la Sainte Vierge, dont il y a une statue en marbre blanc des plus belles que l’on puisse voir, d’un nommé ***, disciple du fameux cavalier Bernin, qui l’a faite à Rome, d’où elle a esté amenée avec beaucoup de dépence. Il est difficile de rien désirer de plus beau que cette figure qui représente la Sainte Vierge assise tenant sur ses genoux son enfant qui la caresse & qui la veut embrasser. Tout ce que l’on demande dans une statue achevée se trouve dans celle-ci & on la doit considérer comme la plus belle pièce du roïaume. La niche où elle est au-dessus de l’autel est du dessein du cavalier Bernin. Elle est ornée de quatre colonnes corinthiennes de marbre veiné.

+ 167 -

- L’autre, vis-à-vis celle-ci, est dédiée à sainte Thérèse, comme il paroît par le tableau qui est au milieu. ûlle est embellie de colonnes de marbre d’un ordre composé tout à fait singulier, chargé de festons sur la frise, qui sont du caprice de l’architecte & dont on voit peu d’exemples. Cependant, le tout en est fort beau & fort agréable à la veue. Les balustrades de ces deux autels, aussi bien que du grand qui est au milieu, sont d’un marbre choisi avec beaucoup de soin. Le reste de l’église n’a rien du tout d’extraordinaire, si ce n’est la peinture blanche dont elle est enduite, qui est luisante comme si c’étoit du marbre. On dit que ces pères ont un secret pour la faire si belle & mesme qu’ils font mystère de l’enseigner aux autres.

-

Dans l’intérieur de la maison, il n’y a rien autre chose que la bibliotèque, qui est petite & fort peu nombreuse. Cependant, il faut y aller pour jouir de la belle veue qu’elle a sur la cam - 168pagne voisine. Ces pères ont les plus beaux jardins & les mieux entretenus de Paris ; ce qui ne leur procure pas peu de douceur, parce que ne mangeant jamais de viande, ils en tirent des légumes en quantité dont ils vivent, sans qu’ils aient besoin d’en acheter.

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L’autre, vis-à-vis celle-ci, est dédiée à sainte Thérèse, comme il paroît par le tableau qui est au milieu. ûlle est embellie de colonnes de marbre d’un ordre composé tout à fait singulier, chargé de festons sur la frise, qui sont du caprice de l’architecte & dont on voit peu d’exemples. Cependant, le tout en est fort beau & fort agréable à la veue. Les balustrades de ces deux autels, aussi bien que du grand qui est au milieu, sont d’un marbre choisi avec beaucoup de soin. Le reste de l’église n’a rien du tout d’extraordinaire, si ce n’est la peinture blanche dont elle est enduite, qui est luisante comme si c’étoit du marbre. On dit que ces pères ont un secret pour la faire si belle & mesme qu’ils font mystère de l’enseigner aux autres.

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Dans l’intérieur de la maison, il n’y a rien autre chose que la bibliotèque, qui est petite & fort peu nombreuse. Cependant, il faut y aller pour jouir de la belle veue qu’elle a sur la cam 168pagne voisine. Ces pères ont les plus beaux jardins & les mieux entretenus de Paris ; ce qui ne leur procure pas peu de douceur, parce que ne mangeant jamais de viande, ils en tirent des légumes en quantité dont ils vivent, sans qu’ils aient besoin d’en acheter.

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- Dans une rue qui est au bout, que l’on nomme la rue du Regard à cause qu’autrefois il y en avoit un pour les fontaines voisines ; il y a une petite maison nouvellement bâtie dont les veues sont sur les jardins d’alentour, qui est fort jolie & fort propre.

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Dans une rue qui est au bout, que l’on nomme la rue du Regard à cause qu’autrefois il y en avoit un pour les fontaines voisines ; il y a une petite maison nouvellement bâtie dont les veues sont sur les jardins d’alentour, qui est fort jolie & fort propre.

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- Le fort où les académistes de M. Bernardi vont s’exercer n’en est pas éloigné. II est proche les murs du palais d’Orléans, enclos dans un petit espace qui ne sert qu’à cet usage. Il s’y fait des attaques aussi réglées qu’à la prise d’une place d’importance.

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Dans la rue Cassette, proche les Carmes dont on vient de parler, est :

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Le fort où les académistes de M. Bernardi vont s’exercer n’en est pas éloigné. II est proche les murs du palais d’Orléans, enclos dans un petit espace qui ne sert qu’à cet usage. Il s’y fait des attaques aussi réglées qu’à la prise d’une place d’importance.

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Dans la rue Cassette, proche les Carmes dont on vient de parler, est :

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- , qui doivent leur fondation à feue madame la duchesse d’Orléans, seconde femme de monsieur Gaston de France, duc d’Orleans, fils de Henri IV & frère de Louis XIII. Cette illustre princesse, qui estoit d’une piété tout à fait exemplaire, leur a fait de très grands biens & leur a donné surtout de quoi bâtir leur église & leur grand autel, qui est d’une fort jolie menuiserie peinte en marbre avec des ornemens dorez qui font un bel effet ; mais c’est tout ce qu’il y a à voir. Tous les jeudis on y chante un salut du Saint Sacrement, où grand nombre de personnes dévotes assistent pour y faire leurs prières.

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Dans la rue du Pot-de-Fer, qui aboutit aussi dans la rue Vaugirard, est :

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, qui doivent leur fondation à feue madame la duchesse d’Orléans, seconde femme de monsieur Gaston de France, duc d’Orleans, fils de Henri IV & frère de Louis XIII. Cette illustre princesse, qui estoit d’une piété tout à fait exemplaire, leur a fait de très grands biens & leur a donné surtout de quoi bâtir leur église & leur grand autel, qui est d’une fort jolie menuiserie peinte en marbre avec des ornemens dorez qui font un bel effet ; mais c’est tout ce qu’il y a à voir. Tous les jeudis on y chante un salut du Saint Sacrement, où grand nombre de personnes dévotes assistent pour y faire leurs prières.

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Dans la rue du Pot-de-Fer, qui aboutit aussi dans la rue Vaugirard, est :

- - Le noviciat des Jésuites - + Le noviciat des Jésuites

- L’église de ces pères est petite, mais en récompence elle est une des plus belles & des mieux entendues pour l’architecture. On dit que c’est un - 170frère de leur compagnie, nommé le frère Matlange, qui en donna le dessein après avoir remarqué les défauts de celle de la rue Saint-Antoine, que le père de Rant avoit élevée sur ses desseins, mais qui avoit beaucoup changé de choses. Ce mesme frère, estant consulté sur l’ouvrage de cette église, ne voulut rien commencer que le général ne lui eut donné une permission de faire tout ce qu’il trouveroit à propos, sans estre obligé de suivre les ordres de qui ce fût de la compagnie. Ensuite il entreprit ce bâtiment, qui n’est pas d’une si grande étendue que l’autre, mais cependant qui ne laisse pas de le surpasser infiniment en régularité. Le portail est d’ordre dorique en pilastres, avec un ionique au-dessus de mesme. Le dedans est aussi en pilastres doriques, qui soutiennent une corniche entre les triglifes de laquelle sont des ornemens qui représentent les instrumens de la Passion de Nostre Seigneur. Le grand - 171autel est fort simple & n’est que de menuiserie ornée de deux colonnes corinthiennes.

-

Mais ce qui le relève infiniment au-dessus les plus beaux du roïaume est le grand tableau que l’on y voit du fameux Poussin, un des plus beaux que cet habile peintre ait jamais fait. Tous les curieux estiment infiniment cette pièce & la regardent comme la plus belle de France pour l’exactitude du dessein, nonobstant ce qu’en disent quelques critiques qui soutiennent qu’il a fait une trop grande oreille a saint François Xavier, qui y est représenté à genoux, faisant un miracle.

-

Après avoir vu cette église, il faut demander à voir la chapelle de la Congrégation, à côté de la porte en entrant à main gauche. Elle est ornée d’une menuiserie dorée avec des tableaux d’espace en espace & d’un plafon qui est assez bien peint. Les jours de feste, l’autel est garni d’une riche argenterie, que les messieurs qui sont de cette congrégation ont - 172donné. Toute la maison est fort commode, quoiqu’elle ne soit pas d’une grande étendue, à cause de quatre rues qui la bornent de tous côtez. Voici l’inscription qui est sur la première pierre de leur église, que feu monsieur le duc de Verneuil mit :

- -

D. O. M.

-

- S. Francisco Xaverio - indiarum apostolo. anno christi m dc xxx.

-

Pontificatus Urbani octavi anno septimo.

-

Regni Ludovici decimi Tertii Anno vigesimo.

+ L’église de ces pères est petite, mais en récompence elle est une des plus belles & des mieux entendues pour l’architecture. On dit que c’est un 170frère de leur compagnie, nommé le frère Matlange, qui en donna le dessein après avoir remarqué les défauts de celle de la rue Saint-Antoine, que le père de Rant avoit élevée sur ses desseins, mais qui avoit beaucoup changé de choses. Ce mesme frère, estant consulté sur l’ouvrage de cette église, ne voulut rien commencer que le général ne lui eut donné une permission de faire tout ce qu’il trouveroit à propos, sans estre obligé de suivre les ordres de qui ce fût de la compagnie. Ensuite il entreprit ce bâtiment, qui n’est pas d’une si grande étendue que l’autre, mais cependant qui ne laisse pas de le surpasser infiniment en régularité. Le portail est d’ordre dorique en pilastres, avec un ionique au-dessus de mesme. Le dedans est aussi en pilastres doriques, qui soutiennent une corniche entre les triglifes de laquelle sont des ornemens qui représentent les instrumens de la Passion de Nostre Seigneur. Le grand + 171autel est fort simple & n’est que de menuiserie ornée de deux colonnes corinthiennes.

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Mais ce qui le relève infiniment au-dessus les plus beaux du roïaume est le grand tableau que l’on y voit du fameux Poussin, un des plus beaux que cet habile peintre ait jamais fait. Tous les curieux estiment infiniment cette pièce & la regardent comme la plus belle de France pour l’exactitude du dessein, nonobstant ce qu’en disent quelques critiques qui soutiennent qu’il a fait une trop grande oreille a saint François Xavier, qui y est représenté à genoux, faisant un miracle.

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Après avoir vu cette église, il faut demander à voir la chapelle de la Congrégation, à côté de la porte en entrant à main gauche. Elle est ornée d’une menuiserie dorée avec des tableaux d’espace en espace & d’un plafon qui est assez bien peint. Les jours de feste, l’autel est garni d’une riche argenterie, que les messieurs qui sont de cette congrégation ont 172donné. Toute la maison est fort commode, quoiqu’elle ne soit pas d’une grande étendue, à cause de quatre rues qui la bornent de tous côtez. Voici l’inscription qui est sur la première pierre de leur église, que feu monsieur le duc de Verneuil mit :

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D. O. M.

S. Francisco Xaverio + indiarum apostolo. anno christi m dc xxx.

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Pontificatus Urbani octavi anno septimo.

Regni Ludovici decimi Tertii Anno vigesimo.

Generalatus R. P. Mutii Viteleschi Anno decimo quarto

-

Ædis faciendæ primum lapidem posuit S. P. Henricus de Bourbon, Episcopus Metensis, S. R. I. Princeps, Abbas S. Germani, decimo Aprilis.

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II est bon de sçavoir que c’est - 173 - monsieur Desnoïers, secrétaire d’État, qui a fait bâtir cette église à ses propres dépens.

-

Ce qu’il y a de plus proche est :

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Ædis faciendæ primum lapidem posuit S. P. Henricus de Bourbon, Episcopus Metensis, S. R. I. Princeps, Abbas S. Germani, decimo Aprilis.

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II est bon de sçavoir que c’est 173 monsieur Desnoïers, secrétaire d’État, qui a fait bâtir cette église à ses propres dépens.

+

Ce qu’il y a de plus proche est :

-

- , la seule paroisse qu’il y ait dans tout le quartier de Saint-Germain, ce qui fait qu’elle est la plus grande de Paris. Autrefois ce n’estoit qu’un très petit bâtiment, comme on le peut remarquer par ce qui est resté de la nef, que l’on n’a pas encore achevé d’abatre, & qui estoit si petite que la dixième partie des paroissiens n’y pouvoient pas tenir, ce qui a fait que l’on a entrepris il y a vingt-cinq ou trente ans le nouvel édifice que l’on voit à présens, qui est d’une si grande dépence & d’une si vaste grandeur qu’à peine on a pu achever le chœur avec toutes les libéralitez que les paroissiens ont fait. Ce qui est commencé est le chœur entier, d’un grand dessein. Le dedans est soutenu de hautes arcades, entre lesquelles sont des pilastres corinthiens sur - 174lesquels règne une corniche où posent les ceintres de la voûte, qui est parfaitement bien faite & très solide, quoiqu’elle soit fort élevée. Tout autour, entre les chapelles & le chœur, il y a un large corridor dans lequel il peut tenir un grand nombre de personnes, qui peuvent delà voir tout ce qui se passe au grand autel, où l’office divin se fait avec beaucoup d’édification, surtout les jours de festes.

-

À un des pilastres entre deux chapelles est l’épitaphe du fameux monsieur de Marolles, abbé de Villeloin, le plus grand traducteur que nostre langue ait jamais eu, & qui l’a enrichie d’un grand nombre d’auteurs qui n’avoient point esté mis en françois. M. l’abbé de La Chambre, son intime ami & son exécuteur testamentaire, l’a fait mettre en cet endroit pour en conserver la mémoire. C’est une médaille de marbre blanc où est son portrait, sur lequel un amour pleurant est appuïé, qui tient son flambeau renversé. Voici ce qui est au bas :

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, la seule paroisse qu’il y ait dans tout le quartier de Saint-Germain, ce qui fait qu’elle est la plus grande de Paris. Autrefois ce n’estoit qu’un très petit bâtiment, comme on le peut remarquer par ce qui est resté de la nef, que l’on n’a pas encore achevé d’abatre, & qui estoit si petite que la dixième partie des paroissiens n’y pouvoient pas tenir, ce qui a fait que l’on a entrepris il y a vingt-cinq ou trente ans le nouvel édifice que l’on voit à présens, qui est d’une si grande dépence & d’une si vaste grandeur qu’à peine on a pu achever le chœur avec toutes les libéralitez que les paroissiens ont fait. Ce qui est commencé est le chœur entier, d’un grand dessein. Le dedans est soutenu de hautes arcades, entre lesquelles sont des pilastres corinthiens sur 174lesquels règne une corniche où posent les ceintres de la voûte, qui est parfaitement bien faite & très solide, quoiqu’elle soit fort élevée. Tout autour, entre les chapelles & le chœur, il y a un large corridor dans lequel il peut tenir un grand nombre de personnes, qui peuvent delà voir tout ce qui se passe au grand autel, où l’office divin se fait avec beaucoup d’édification, surtout les jours de festes.

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À un des pilastres entre deux chapelles est l’épitaphe du fameux monsieur de Marolles, abbé de Villeloin, le plus grand traducteur que nostre langue ait jamais eu, & qui l’a enrichie d’un grand nombre d’auteurs qui n’avoient point esté mis en françois. M. l’abbé de La Chambre, son intime ami & son exécuteur testamentaire, l’a fait mettre en cet endroit pour en conserver la mémoire. C’est une médaille de marbre blanc où est son portrait, sur lequel un amour pleurant est appuïé, qui tient son flambeau renversé. Voici ce qui est au bas :

+ 175 - -

- Michaeli de Marolles, Abbati de Villeloin, generis nobllitate, morum candore, religione sincera, varia eruditione clarissimo, qui obiit octogenario major, prid. Non. Mar. An. 1681.

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- Petrus de La Chambre Marini filius testamenti curator Amico optimo monumentum posuit.

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-

C’estoit peut-estre le plus habile homme de ce siècle dans la connoissance des estampes. Il en avoit recueilli un fort grand nombre, que l’on voit à présent dans le cabinet du roi. Amian Marcellin est le dernier auteur qu’il a traduit, à la fin duquel on a mis le catalogue de tous les livres qui sont sous son nom.

-

Dans tout le reste de cette église il n’y a rien de rare, si ce n’est un petit escalier d’un seul trait tourné en limaçon depuis le haut jusqu’en bas. Il est - 176de pierre de taille & fort haut, puisqu’il conduit aux voûtes de l’église.

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Michaeli de Marolles, Abbati de Villeloin, generis nobllitate, morum candore, religione sincera, varia eruditione clarissimo, qui obiit octogenario major, prid. Non. Mar. An. 1681.

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Petrus de La Chambre Marini filius testamenti curator Amico optimo monumentum posuit.

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C’estoit peut-estre le plus habile homme de ce siècle dans la connoissance des estampes. Il en avoit recueilli un fort grand nombre, que l’on voit à présent dans le cabinet du roi. Amian Marcellin est le dernier auteur qu’il a traduit, à la fin duquel on a mis le catalogue de tous les livres qui sont sous son nom.

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Dans tout le reste de cette église il n’y a rien de rare, si ce n’est un petit escalier d’un seul trait tourné en limaçon depuis le haut jusqu’en bas. Il est 176de pierre de taille & fort haut, puisqu’il conduit aux voûtes de l’église.

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- est tout proche. Le bâtiment est grand & spatieux, & a esté élevé par les soins de monsieur de Bretonvilliers, qui a fournit lui seul à la dépence. Il faut voir surtout la chapelle, dont le plafon est de M. Le Brun, dans lequel il a représente une Assomption qui est une des plus belles choses qu’il ait jamais faite.

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est tout proche. Le bâtiment est grand & spatieux, & a esté élevé par les soins de monsieur de Bretonvilliers, qui a fournit lui seul à la dépence. Il faut voir surtout la chapelle, dont le plafon est de M. Le Brun, dans lequel il a représente une Assomption qui est une des plus belles choses qu’il ait jamais faite.

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- est proche Saint-Sulpice, au bout de la rue de Tournon. Elle est ouverte depuis la feste de la Purification, qui arrive le second de février, jusqu’au premier jour du Caresme ; mais souvent on la continue jusqu’à Pasques. Le lieu n’a rien de remarquable, ce sont plusieurs allées couvertes, disposées en quarré, qui se traversent les unes les autres, où les boutiques des marchands sont placées. On y vend généralement de toutes sortes de choses & les marchands ont le - 177le privilège d’y venir de toutes sortes d’endroits. Il y a quelques boutiques remplies de riches marchandises & de curiositez, & dans celle de M. Herot on y trouve des tableaux d’un très grand prix.

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est proche Saint-Sulpice, au bout de la rue de Tournon. Elle est ouverte depuis la feste de la Purification, qui arrive le second de février, jusqu’au premier jour du Caresme ; mais souvent on la continue jusqu’à Pasques. Le lieu n’a rien de remarquable, ce sont plusieurs allées couvertes, disposées en quarré, qui se traversent les unes les autres, où les boutiques des marchands sont placées. On y vend généralement de toutes sortes de choses & les marchands ont le 177le privilège d’y venir de toutes sortes d’endroits. Il y a quelques boutiques remplies de riches marchandises & de curiositez, & dans celle de M. Herot on y trouve des tableaux d’un très grand prix.

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- - M. l’abbé Bourdelot demeure dans la rue de Tournon. Son profond sçavoir lui a acquis une très grande réputation. Il tient chez lui des conférérences les mercredis, dont la physique fait les entretiens principaux.

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+ M. l’abbé Bourdelot demeure dans la rue de Tournon. Son profond sçavoir lui a acquis une très grande réputation. Il tient chez lui des conférérences les mercredis, dont la physique fait les entretiens principaux.

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Dans la rue Garance, derrière Saint-Sulpice, est , qui appartient à M. le marquis de Sourdiac, qui l’a fait bâtir sur les desseins du sieur Robellini. Mais comme il n’est pas achevé, l’on ne voit qu’une petite partie des beautez qui y auroient esté s’il avoit esté continué.

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Dans la rue Garance, derrière Saint-Sulpice, est , qui appartient à M. le marquis de Sourdiac, qui l’a fait bâtir sur les desseins du sieur Robellini. Mais comme il n’est pas achevé, l’on ne voit qu’une petite partie des beautez qui y auroient esté s’il avoit esté continué.

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De ce quartier il faut aller voir , qui sont dans un carrefour à l’entrée de la rue de Sève où six rues viennent se terminer. Leur église est petite & le portail est du sieur Dorbay. La reine - 178mère a donné de quoi l’élever & ces pères doivent leur établissement à cette pieuse princesse.

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De ce quartier il faut aller voir , qui sont dans un carrefour à l’entrée de la rue de Sève où six rues viennent se terminer. Leur église est petite & le portail est du sieur Dorbay. La reine 178mère a donné de quoi l’élever & ces pères doivent leur établissement à cette pieuse princesse.

Plus avant est , de l’ordre de Cîsteaux, qui a esté transférée de Picardie en cette ville il y a environ soixante ans. Tout proche est :

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- , où l’on renferme les foux. On voit dans cette maison un crucifix que l’on estime beaucoup & qui est d’un excellent maître.

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Dans la mesme rue est aussi :

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, où l’on renferme les foux. On voit dans cette maison un crucifix que l’on estime beaucoup & qui est d’un excellent maître.

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Dans la mesme rue est aussi :

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, dont les salles sont fort bien voûtées & où les malades sont traitez avec beaucoup de soin. L’église n’a rien d’extraordinaire. Elle est au milieu des appartemens, en sorte que les hommes & les femmes en sont également éloignez. L’on ne reçoit dans cette maison que ceux qui sont affligez de maladies qui ne se peuvent guérir.

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De la rue de Sève on peut aller dans la rue de Grenelle, qui com - 179mence au carrefour de la Croix-Rouge, proche les Prémontrez.

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La première chose que l’on y voit est :

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De la rue de Sève on peut aller dans la rue de Grenelle, qui com 179mence au carrefour de la Croix-Rouge, proche les Prémontrez.

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La première chose que l’on y voit est :

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- , autrefois l’hôtel de Beauvais, où demeure à présent monsieur le comte d’Auvergne, colonel général de la cavalerie légère de France, frère de monsieur le duc de Bouillon & neveu du fameux monsieur de Turenne. Cet hôtel n’est pas extraordinairement bien bâti, mais le jardin est fort grand & fort agréable.

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, autrefois l’hôtel de Beauvais, où demeure à présent monsieur le comte d’Auvergne, colonel général de la cavalerie légère de France, frère de monsieur le duc de Bouillon & neveu du fameux monsieur de Turenne. Cet hôtel n’est pas extraordinairement bien bâti, mais le jardin est fort grand & fort agréable.

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- Plus avant est une grande maison qui fait le coin de la rue du Bacq, où a demeuré l’ambassadeur d’Espagne, qui est assez commode. II y a un sculpteur tout proche, chez lequel on voit des bas-reliefs qui ne sont pas d’un méchant dessein, qui sont de la manière d’un nommé Vanobstal, originaire de Bruxelles, qui le premier a donné le goût des bas-reliefs en France qu’il apporta d’Italie. II y en a à Versailles de lui - 180que l’on estime beaucoup & surtout ceux qui sont sur les portes de la grotte. Plus avant est :

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Plus avant est une grande maison qui fait le coin de la rue du Bacq, où a demeuré l’ambassadeur d’Espagne, qui est assez commode. II y a un sculpteur tout proche, chez lequel on voit des bas-reliefs qui ne sont pas d’un méchant dessein, qui sont de la manière d’un nommé Vanobstal, originaire de Bruxelles, qui le premier a donné le goût des bas-reliefs en France qu’il apporta d’Italie. II y en a à Versailles de lui 180que l’on estime beaucoup & surtout ceux qui sont sur les portes de la grotte. Plus avant est :

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- , qui est très bien bâti. C’est un gros pavillon quarré, assez élevé, qui domine sur les jardins d’alentour ; ce qui en rend la demeure très agréable. C’estoit où demeuroit autrefois feu monsieur Le Cogneux, qui l’avoit fait bâtir. De suite est :

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, qui est très bien bâti. C’est un gros pavillon quarré, assez élevé, qui domine sur les jardins d’alentour ; ce qui en rend la demeure très agréable. C’estoit où demeuroit autrefois feu monsieur Le Cogneux, qui l’avoit fait bâtir. De suite est :

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, un des hommes de Paris le plus curieux en bâtimens. Elle est à voir, aussi bien que le jardin, qui a tous les agrémens que l’on peut désirer. II s’y trouve des fontaines, des berceaux, des perspectives & des parterres des mieux dressez. Les appartemens sont proprement meublez & tout y est beau ; particulièrement l’escalier, qui est d’un dessein singulier, que les curieux ne mépriseront pas.

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Au bout de cette rue & dans la campagne qui se trouve à l’extrémité, on découvre :

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Au bout de cette rue & dans la campagne qui se trouve à l’extrémité, on découvre :

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- - L’hôtel roïal des Invalides - + L’hôtel roïal des Invalides

De tous les bâtimens que le roi a fait élever, il n’y en a point ou il paroisse plus de magnificence & plus de piété tout ensemble que dans celle-ci, parce que la dépence prodigieuse que l’on y a faite a esté seulement pour l’entretien & pour la nourriture des soldats estropiez, qui n’estant plus en estat de servir dans les armées auroient mené une vie languissante & misérable sans le secours qu’ils trouvent dans cette maison, où ils sont entretenus de toutes choses & où ils peuvent achever le cours de leur vie dans l’exercice de la piété chrétienne. Ce qui n’est pas peu surprenant est que tout ce grand édifice a esté fait, comme on le voit, en moins de huit ans & dans le fort de la guerre.

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Ce fut environ en l’année 16* que l’on vit jetter les premiers fondemens de ce - 182bel édifice, qui fait à présent un des principaux ornemens de la ville de Paris. II est parfaitement quarré, & dans sa capacité intérieure il se trouve cinq cours de mesme figure : une grande au milieu & deux médiocres de chaque côté, qui sont entourées d’appartemens où logent les soldats. Celle du milieu est plus grande que les autres & les bâtimens d’autour sont d’une belle symétrie. Ce sont deux rangs d’arcades l’une sur l’autre qui forment des corridors ou des galeries, à la faveur desquelles on peut aller à couvert tout autour. Les combles sont enrichis de divers ornemens qui représentent des trophées d’armes & de semblables choses qui font un bel effet. Dans le fond de la cour, vis-à-vis la principale entrée, est la porte de l’église à deux rangs de colonnes, dont celles d’embas sont composites & les secondes corinthiennes. Delà, l’on peut entrer dans la partie de l’église destinée pour ceux de la - 183maison, à cause que pour les gens du dehors on en bâtie une autre qui est mesme déjà un peu avancée, qui sera incomparablement plus magnifique ; dont on voit un modèle en petit dans un pavillon bâti exprès. Si on l’exécute, l’on ne verra rien de plus superbe & d’un plus grand dessein. Ce sera un dôme fort élevé, sous lequel l’autel doit estre placé, enrichi de tous les plus beaux ornemens que l’architecture la plus étudiée peut produire. Les toits en seront dorez comme ceux du Val-de-Grâce, mais cependant on prétend faire quelque chose de plus régulier & de mieux entendu, soit pour la disposition ou pour les ornemens. Il faut aussi aller aux infirmeries, qui sont séparées du reste de la maison sans estre éloignées. Les lits y sont propres & les malades y reçoivent tous les secours qui leur sont nécessaires. Ils sont servis par les sœurs de la Charité de Saint-Lazare, qui font une particulière profession de servir les malades - 184dans le reste de la ville aussi bien que dans cette maison. Mais les choses que les étrangers doivent remarquer sont les quatre grands réfectoires qui sont de chaque côté de la cour du milieu, où l’on a peint à fresque les principaux sièges que l’on a formez & les batailles que la France a gagnées sur ses ennemis. II y a peu de peintures plus exactement dessinées & où il paroisse plus de vérité & de nature que dans celles-ci ; ce qui donne un très grand plaisir à ceux qui ont assisté aux actions qui y sont représentées. Il y a dans cette maison quelque soldat qui travaille en tapisseries qu’il ne faut pas négliger d’aller voir. En sortant on doit regarder la face du bâtiment avec la grande place qui est devant, entourée d’un fossé sec, revêtu d’une maçonnerie de pierre de taille, de laquelle on découvre une très belle veuu. On fait la garde aux portes comme dans une citadelle, afin de tenir les soldats en haleine & de leur ôter l’oc - 185casion de devenir fainéans. L’ordre & la discipline que l’on fait observer dans cette maison est d’une exactitude admirable, & les pères de la Mission qui en prennent le soin s’en acquittent fort dignement.

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Ce qu’il y a encore à voir dans ce quartier, après avoir observé tout ce qui est aux Invalides, est :

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Ce fut environ en l’année 16* que l’on vit jetter les premiers fondemens de ce 182bel édifice, qui fait à présent un des principaux ornemens de la ville de Paris. II est parfaitement quarré, & dans sa capacité intérieure il se trouve cinq cours de mesme figure : une grande au milieu & deux médiocres de chaque côté, qui sont entourées d’appartemens où logent les soldats. Celle du milieu est plus grande que les autres & les bâtimens d’autour sont d’une belle symétrie. Ce sont deux rangs d’arcades l’une sur l’autre qui forment des corridors ou des galeries, à la faveur desquelles on peut aller à couvert tout autour. Les combles sont enrichis de divers ornemens qui représentent des trophées d’armes & de semblables choses qui font un bel effet. Dans le fond de la cour, vis-à-vis la principale entrée, est la porte de l’église à deux rangs de colonnes, dont celles d’embas sont composites & les secondes corinthiennes. Delà, l’on peut entrer dans la partie de l’église destinée pour ceux de la 183maison, à cause que pour les gens du dehors on en bâtie une autre qui est mesme déjà un peu avancée, qui sera incomparablement plus magnifique ; dont on voit un modèle en petit dans un pavillon bâti exprès. Si on l’exécute, l’on ne verra rien de plus superbe & d’un plus grand dessein. Ce sera un dôme fort élevé, sous lequel l’autel doit estre placé, enrichi de tous les plus beaux ornemens que l’architecture la plus étudiée peut produire. Les toits en seront dorez comme ceux du Val-de-Grâce, mais cependant on prétend faire quelque chose de plus régulier & de mieux entendu, soit pour la disposition ou pour les ornemens. Il faut aussi aller aux infirmeries, qui sont séparées du reste de la maison sans estre éloignées. Les lits y sont propres & les malades y reçoivent tous les secours qui leur sont nécessaires. Ils sont servis par les sœurs de la Charité de Saint-Lazare, qui font une particulière profession de servir les malades 184dans le reste de la ville aussi bien que dans cette maison. Mais les choses que les étrangers doivent remarquer sont les quatre grands réfectoires qui sont de chaque côté de la cour du milieu, où l’on a peint à fresque les principaux sièges que l’on a formez & les batailles que la France a gagnées sur ses ennemis. II y a peu de peintures plus exactement dessinées & où il paroisse plus de vérité & de nature que dans celles-ci ; ce qui donne un très grand plaisir à ceux qui ont assisté aux actions qui y sont représentées. Il y a dans cette maison quelque soldat qui travaille en tapisseries qu’il ne faut pas négliger d’aller voir. En sortant on doit regarder la face du bâtiment avec la grande place qui est devant, entourée d’un fossé sec, revêtu d’une maçonnerie de pierre de taille, de laquelle on découvre une très belle veuu. On fait la garde aux portes comme dans une citadelle, afin de tenir les soldats en haleine & de leur ôter l’oc 185casion de devenir fainéans. L’ordre & la discipline que l’on fait observer dans cette maison est d’une exactitude admirable, & les pères de la Mission qui en prennent le soin s’en acquittent fort dignement.

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Ce qu’il y a encore à voir dans ce quartier, après avoir observé tout ce qui est aux Invalides, est :

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- , ambassadeur de Malte, dans une rue derrière les Petites-Maisons, où il y a quantité de très beaux tableaux, avec plusieurs rares curiositez que l’on auroit de la peine à trouver dans un autre endroit.

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, ambassadeur de Malte, dans une rue derrière les Petites-Maisons, où il y a quantité de très beaux tableaux, avec plusieurs rares curiositez que l’on auroit de la peine à trouver dans un autre endroit.

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Dans la rue du Bac fort proche, est , où l’on a bâti depuis peu de temps une église dont la voûte est tout à fait surprenante. Elle est basse, à la vérité, parce que l’on a dessein d’élever une seconde église sur celle-ci. Elle est de l’invention du sieur du Buisson, habile architecte. - 186C’est de cette maison que l’on envoie dans les Indes des missionnaires pour prêcher l’Évangile aux infidelles, qui s’en acquittent avec un zèle très grand, suivi d’un merveilleux succès, comme on l’apprend des relations de monsieur l’évêque d’Heliopolis, & de tous les autres voïageurs qui reviennent de ces païs éloignez, lesquels en racontent des choses tout à fait surprenantes.

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Dans la rue Saint-Dominique est :

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Dans la rue du Bac fort proche, est , où l’on a bâti depuis peu de temps une église dont la voûte est tout à fait surprenante. Elle est basse, à la vérité, parce que l’on a dessein d’élever une seconde église sur celle-ci. Elle est de l’invention du sieur du Buisson, habile architecte. 186C’est de cette maison que l’on envoie dans les Indes des missionnaires pour prêcher l’Évangile aux infidelles, qui s’en acquittent avec un zèle très grand, suivi d’un merveilleux succès, comme on l’apprend des relations de monsieur l’évêque d’Heliopolis, & de tous les autres voïageurs qui reviennent de ces païs éloignez, lesquels en racontent des choses tout à fait surprenantes.

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Dans la rue Saint-Dominique est :

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- , dont on bâtit l’église, qui ne sera pas une des moins belles de Paris. C’est le sieur Bulet, architecte de la ville, qui en conduit l’ouvrage, aussi bien que de toutes les maisons que ces pères font élever autour, qui leur raportent un revenu considérable & qui sont assez bien bâties. Vis-à-vis est :

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, dont on bâtit l’église, qui ne sera pas une des moins belles de Paris. C’est le sieur Bulet, architecte de la ville, qui en conduit l’ouvrage, aussi bien que de toutes les maisons que ces pères font élever autour, qui leur raportent un revenu considérable & qui sont assez bien bâties. Vis-à-vis est :

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- , que l’on nommoit auparavant l’hôtel de Chevreuse, qui a changé de nom après la mort de la duchesse de Chevreuse, pour laquelle il avoit esté bâti. - 187Les appartements sont très beaux & très commodes, & le sieur Le Muet en a donné le dessein.

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, que l’on nommoit auparavant l’hôtel de Chevreuse, qui a changé de nom après la mort de la duchesse de Chevreuse, pour laquelle il avoit esté bâti. 187Les appartements sont très beaux & très commodes, & le sieur Le Muet en a donné le dessein.

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- Dans la rue Saint-Dominique, où ces choses se trouvent, on distinguera une maison neuve que l’hôtel-Dieu a fait bâtir, dont le vestibule est fort joli. Il est au fond de la cour, soutenu sur des colonnes doriques qui font un très bel effet en entrant. Toute cette maison est du dessein du sieur Le Duc.

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Dans la rue Saint-Dominique, où ces choses se trouvent, on distinguera une maison neuve que l’hôtel-Dieu a fait bâtir, dont le vestibule est fort joli. Il est au fond de la cour, soutenu sur des colonnes doriques qui font un très bel effet en entrant. Toute cette maison est du dessein du sieur Le Duc.

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- Dans la petite rue Guillaume fort proche, est une grande maison ou demeure monsieur Talon, avocat général, dont la structure est tout à fait belle. Les appartemens sont très agréables, aïant les veues tournées sur les jardins des maisons voisines. La cour est grande, & enfin il paroît que cette maison a esté élevée avec beaucoup de dépence. Mais ce qui lui donne un merveilleux ornement est l’excellente bibliotèque qui y est, composée de tout ce qu’il y a de plus rare & de plus recherché, - 188soit pour les manuscrits ou pour les livres imprimez.

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Dans la petite rue Guillaume fort proche, est une grande maison ou demeure monsieur Talon, avocat général, dont la structure est tout à fait belle. Les appartemens sont très agréables, aïant les veues tournées sur les jardins des maisons voisines. La cour est grande, & enfin il paroît que cette maison a esté élevée avec beaucoup de dépence. Mais ce qui lui donne un merveilleux ornement est l’excellente bibliotèque qui y est, composée de tout ce qu’il y a de plus rare & de plus recherché, 188soit pour les manuscrits ou pour les livres imprimez.

- - L’hôpital de la Charité - + L’hôpital de la Charité

- À l’extrémité de cette ville est cet hôpital où les curieux ne trouveront rien qui les satisfasse, que des pauvres malades qui sont servis fort proprement par des frères religieux de l’ordre de saint Jean de Dieu, qui ne s’attachent à autre chose qu’à les consoler & à leur procurer gratuitement toutes les choses dont ils ont besoin. Il y a trois ou quatre grandes salles pleines de lits rangez de chaque côté. Dans leur église est le tombeau du père Bernard, qui est mort en odeur de sainteté. L’on y voit sa statue à genou qui le représente au naturel.

+ À l’extrémité de cette ville est cet hôpital où les curieux ne trouveront rien qui les satisfasse, que des pauvres malades qui sont servis fort proprement par des frères religieux de l’ordre de saint Jean de Dieu, qui ne s’attachent à autre chose qu’à les consoler & à leur procurer gratuitement toutes les choses dont ils ont besoin. Il y a trois ou quatre grandes salles pleines de lits rangez de chaque côté. Dans leur église est le tombeau du père Bernard, qui est mort en odeur de sainteté. L’on y voit sa statue à genou qui le représente au naturel.

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- Proche la porte de cette église, du côté de la rue Tarane, il y a une fontaine nouvellement bâtie, d’un fort joli dessein, où ces vers de M. de Santeuil sont gravez :

- - - 981 - - - - Quem pietas aperit miserorum in commoda fontem, - Instar aquæ largas fundere monstrat opes. - -

M DC LXXV.

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Dans la rue des Saints-Pères qui est fort proche est :

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Proche la porte de cette église, du côté de la rue Tarane, il y a une fontaine nouvellement bâtie, d’un fort joli dessein, où ces vers de M. de Santeuil sont gravez :

+ + 981 + + Quem pietas aperit miserorum in commoda fontem, + Instar aquæ largas fundere monstrat opes. +

M DC LXXV.

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Dans la rue des Saints-Pères qui est fort proche est :

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, dont le bâtiment est fort régulier, où il y a une galerie avec des appartemens fort agréables.

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- est dans la mesme rue. Il est fort bien placé, aïant la grande rue Tarane vis-à-vis qui lui donne une belle veue. Il a esté bâti par M. Salvois, qui se servit des desseins du sieur Gittar.

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est dans la mesme rue. Il est fort bien placé, aïant la grande rue Tarane vis-à-vis qui lui donne une belle veue. Il a esté bâti par M. Salvois, qui se servit des desseins du sieur Gittar.

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n’en est pas éloignée. Le jardin qui est derrière lui donne un fort bon air.

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- Presque vis-à-vis, dans une maison qui a fort peu d’apparence, on poura voir une perspective au fond de la - 190cour assez bien peinte, où il y a dans l’éloignement un arc de triomphe à l’antique qui fait un fort bel effet quand on le regarde de loin.

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Presque vis-à-vis, dans une maison qui a fort peu d’apparence, on poura voir une perspective au fond de la 190cour assez bien peinte, où il y a dans l’éloignement un arc de triomphe à l’antique qui fait un fort bel effet quand on le regarde de loin.

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- - La rue de l’Université - + La rue de l’Université

Il faut remarquer que cette rue change de nom en trois endroits différens.

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Le long des murs du jardin de l’abbaïe Saint-Germain, on l’appelle la rue du Colombier ; plus haut & au milieu, la rue Jacob ; & à son extrémité, la rue de l’Université. Elle est remplie de très belles maisons, qui la plupart sont nouvellement bâties. Mais ce qui est de plus singulier & de plus curieux à y voir est :

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Le long des murs du jardin de l’abbaïe Saint-Germain, on l’appelle la rue du Colombier ; plus haut & au milieu, la rue Jacob ; & à son extrémité, la rue de l’Université. Elle est remplie de très belles maisons, qui la plupart sont nouvellement bâties. Mais ce qui est de plus singulier & de plus curieux à y voir est :

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- - Le cabinet de monsieur Blondel - + Le cabinet de monsieur Blondel

- Avant que de rien dire des choses qui composent ce riche cabinet, il est bon de parler des beaux ouvrages qui sont sortis des mains de M. Blondel. Ce sçavant homme est si connu des gens de lettres qu’il seroit très difficile de rien publier à son avantage que l’on ne sçache déjà. Il suffit de dire, pour donner une grande idée de son mérite & de son profond sçavoir, que le roi l’a choisi pour enseigner les mathématiques à monseigneur le Dauphin & qu’il l’a nommé directeur de l’Académie roïale d’architecture, établie au palais Brion, composée comme tout la monde sçait des plus habiles du roïaume en cette science. Voici les noms de ceux qui en sont à présent :

+ Avant que de rien dire des choses qui composent ce riche cabinet, il est bon de parler des beaux ouvrages qui sont sortis des mains de M. Blondel. Ce sçavant homme est si connu des gens de lettres qu’il seroit très difficile de rien publier à son avantage que l’on ne sçache déjà. Il suffit de dire, pour donner une grande idée de son mérite & de son profond sçavoir, que le roi l’a choisi pour enseigner les mathématiques à monseigneur le Dauphin & qu’il l’a nommé directeur de l’Académie roïale d’architecture, établie au palais Brion, composée comme tout la monde sçait des plus habiles du roïaume en cette science. Voici les noms de ceux qui en sont à présent :

- - M. Blondel, directeur, maréchal de camp aux armées du roi & - 192maître de mathématique de monseigneur le Dauphin ; - - M. Perault ; - - M. Le Vau l’Aîné ; - - M. Le Pautre ; - - M. Gittard ; - - M. Bruan ; - - M. d’Orbay ; - - M. Mansard ; - - M. Félibien, qui en est le secrétaire & duquel on voit de très beaux ouvrages, comme l’on a dit dans la page 65 du premier volume, en parlant des statues antiques du roi qui sont au palais Brion. - - M. Perault, de cette mesme académie, a donné une sçavante traduction de Vitruve enrichie d’un grand nombre de figures, & depuis peu de jours un autre livre d’architecture intitulé l’Ordonnance des cinq espèces de colonnes des Anciens, que les curieux estiment beaucoup. + M. Blondel, directeur, maréchal de camp aux armées du roi & 192maître de mathématique de monseigneur le Dauphin ; + M. Perault ; + M. Le Vau l’Aîné ; + M. Le Pautre ; + M. Gittard ; + M. Bruan ; + M. d’Orbay ; + M. Mansard ; + M. Félibien, qui en est le secrétaire & duquel on voit de très beaux ouvrages, comme l’on a dit dans la page 65 du premier volume, en parlant des statues antiques du roi qui sont au palais Brion. + M. Perault, de cette mesme académie, a donné une sçavante traduction de Vitruve enrichie d’un grand nombre de figures, & depuis peu de jours un autre livre d’architecture intitulé l’Ordonnance des cinq espèces de colonnes des Anciens, que les curieux estiment beaucoup. -

Mais pour revenir à monsieur Blondel, c’est à lui à qui l’on est obligé du nouveau plan de Paris, - 193& par les soins duquel il a esté levé, suivant l’ordre exprès que le roi avoit donné à messieurs de la ville de n’en permettre l’entreprise à personne qu’à lui, à cause que l’on sçavoit bien qu’il estoit difficile que personne y pût réussir aussi heureusement qu’il a fait. C’est chez lui seulement que l’on le trouve. Il est en douze feuilles. Les nouveaux embellissems, aussi bien que les portes qui ont esté élevées & dont il a donné les desseins, sont gravées sur les coins. On a aussi du mesme auteur un traité d’architecture en trois volumes in-folio +

Mais pour revenir à monsieur Blondel, c’est à lui à qui l’on est obligé du nouveau plan de Paris, 193& par les soins duquel il a esté levé, suivant l’ordre exprès que le roi avoit donné à messieurs de la ville de n’en permettre l’entreprise à personne qu’à lui, à cause que l’on sçavoit bien qu’il estoit difficile que personne y pût réussir aussi heureusement qu’il a fait. C’est chez lui seulement que l’on le trouve. Il est en douze feuilles. Les nouveaux embellissems, aussi bien que les portes qui ont esté élevées & dont il a donné les desseins, sont gravées sur les coins. On a aussi du mesme auteur un traité d’architecture en trois volumes in-folio , qu’il a donné par leçons dans l’Académie, dont la préface est très éloquente & très instructive ; un traité de Géométrie spéculative & pratique en deux volumes in-quarto ; & un autre d’arithmétique - , de mesme qu’il les a enseignez à monseigneur le Dauphin ; aussi bien que La manière de fortifier les places, où il a fait graver des plans très curieux des plus belles fortifications - 194qui soient au monde ; La comparaison de Pindare & d’Horace, dédiée à M. le premier président de Lamoignon ; la Résolution des quatre principaux problèmes d’architecture, de l’impression roïale du Louvre, in-folio, ornée de figures ; l’Art de jetter les bombes, in-quarto ; & un autre enfin qui n’a paru qu’au commencement de l’année passée, intitulé l’Histoire du calendrier romain, dans laquelle on voit non seulement toutes les manières dont les Anciens se sont servis pour conter le temps, mais aussi où il raporte tout ce qui s’est passé pour le réduire sur le pié où il se trouve, & les difficultez qu’il y a eu à le régler comme il est à présent. Ce livre est plein d’une si belle érudition qu’il n’est guère de personnes à qui il ne soit agréable. Il en fait encore espérer quelques autres, que l’on poura voir & qui sont prests à mettre sous la presse, dont voici les titres :

+ , de mesme qu’il les a enseignez à monseigneur le Dauphin ; aussi bien que La manière de fortifier les places, où il a fait graver des plans très curieux des plus belles fortifications 194qui soient au monde ; La comparaison de Pindare & d’Horace, dédiée à M. le premier président de Lamoignon ; la Résolution des quatre principaux problèmes d’architecture, de l’impression roïale du Louvre, in-folio, ornée de figures ; l’Art de jetter les bombes, in-quarto ; & un autre enfin qui n’a paru qu’au commencement de l’année passée, intitulé l’Histoire du calendrier romain, dans laquelle on voit non seulement toutes les manières dont les Anciens se sont servis pour conter le temps, mais aussi où il raporte tout ce qui s’est passé pour le réduire sur le pié où il se trouve, & les difficultez qu’il y a eu à le régler comme il est à présent. Ce livre est plein d’une si belle érudition qu’il n’est guère de personnes à qui il ne soit agréable. Il en fait encore espérer quelques autres, que l’on poura voir & qui sont prests à mettre sous la presse, dont voici les titres :

Galileus prometus de resistentia solido rum<!--Q° MCLB solidorum ?--> ; - + 195 Élemens géométriques, des Medietés ; Traité de l’algèbre ; @@ -4833,871 +8146,1780 @@ Traité des proptiétez des poulies ; Traité de l’attaque & défence des places ; Mélanges de diverses pièces de mathématique & de physique ; - Traduction du 5 & du 6 livre d’architecture de Scamotsi ; - Seconde édition du livre d’architecture françoise de François Savot, augmentée d’un grand nombre de notes. + Traduction du 5 & du 6 livre d’architecture de Scamotsi ; + Seconde édition du livre d’architecture françoise de François Savot, augmentée d’un grand nombre de notes. -

Mais les livres ne sont pas les seules choses qui ont rendu M. Blondel illustre dans le monde. Les grands emplois qu’il a eus à la guerre, tant sur mer que sur terre, les négociations où il a esté emploïé auprès des princes étrangers & enfin les longs voïages qu’il a faits dans les quatre - 196parties du monde, où il a vu tout ce qu’il y a de plus remarquable, lui ont acquis une connoissance si parfaite de toutes choses, que la réputation de son expérience & de son habileté lui a mérité la qualité de conseiller d’État.

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On peut voir chez lui un des plus curieux cabinets qu’il y ait à présent à Paris, dans lequel il y a des raretez de toutes les espèces des mieux choisies, & conservées avec un très grand soin. Entre autres choses, il y a plusieurs tableaux originaux, du Palme, de Paul Veronese, du Guide & du fameux Poussin. Il y a des païsages de Paul Bril, de Corneille, de Breugle, de Fouquière, de Lucas & de divers autres ; des fruits de Labrador, de Sommes ; & des fleurs de Picard, de Mario Delfiori &c de quelques autres ; un grand nombre de miniatures d’après les plus excellens peintres, comme Raphaël, Carache & Poussin. Il y a aussi deux cens feuilles du mesme ouvrage qui représentent des oiseaux ; outre cela, des - 197animaux, de ceux que l’on faisoit à Limoges dans la siècle passé & que l’on achetoit très cher, faits sur l’or ou sur l’argent, dont le secret est perdu. Il y a des peintures de bois de raport, dont les couleurs sont aussi belles que si elles avoient esté appliquées avec le pinceau.

-

Mais ce qui est infiniment plus curieux que toutes ces choses est le grand nombre d’agates, entre lesquelles il y en a quarante plus grandes que les autres, la plupart antiques, qui représentent des deïtés, des testes d’empereurs & des sacrifices, qui sont parfaitement bien taillées. Celles qui sont modernes ont esté gravées par le Coldoré, célèbre lapidaire, & par quelques autres aussi habiles que lui ; avec cela, une petite chaîne de six gros grains aussi d’agate.

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Cependant, ce ne sont pas là les plus précieuses pièces de ce cabinets. On estime bien davantage douze bracelets composez d’agates, de cornalines, d’onix, de jaspe & de pri - 198me d’émeraudes garnis d’or, qui font ensemble cent cinquante gravures antiques qui représentent des deïtez romaines & tous les empereurs depuis Jules César jusques à Labienus Posthumus, avec trente-six impératrices. Entre les empereurs, les testes de Pescenius Niger & des deux africains se trouvent gravées sur de très belles onix. On doit regarder cette suite comme une des plus singulières raretez qu’il y ait à présent, & elle est sans contredit l’unique qui soit au monde de cette sorte, car on ne sçait point encore que personne se soit avisé de faire une suite de pierres antiques gravées comme l’on fait ordinairement de médailles, & celle-ci est l’ouvrage des quatre plus fameux curieux qui aient jamais paru en France, qui ont travaillé plus de cinquante ans à la rendre complète comme elle est à présent.

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Il y a encore avec cela quatre autres agates aussi antiques, gravées en creux, qui représentent l’histoire du Trium - 199virat. Les testes de César, de Marc-Antoine & de Lepidus sont sur les trois principales, & Cléopâtre sur celle d’en bas. Sur un jaspe verd oriental de figure ovale qui est au milieu, une colonne est représentée, au pié de laquelle un soldat lève la pointe de son poignard, qui estoit nommée par les Anciens Columna execrata, parce que le Sénat & M. Antoine l’avoient fait ériger à la mémoire de Jules César afin que tous les soldats vinsent devant faire serment de vanger la mort de ce grand empereur. Elle fut abatue par Dolabella. Cette inscription est gravée autour de cette belle agate, qui en explique toute l’histoire :

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Mart. vl. Aux. d. Jul. Lacri.

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C’est à dire : Marti, ultori, auxiliatori Divo Julio Lacrimæ.

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Il y a une urne sur cette colonne & le Sidus Julium à côté, qui parut après la mort de César, à ce que disent les historiens.

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Mais les livres ne sont pas les seules choses qui ont rendu M. Blondel illustre dans le monde. Les grands emplois qu’il a eus à la guerre, tant sur mer que sur terre, les négociations où il a esté emploïé auprès des princes étrangers & enfin les longs voïages qu’il a faits dans les quatre 196parties du monde, où il a vu tout ce qu’il y a de plus remarquable, lui ont acquis une connoissance si parfaite de toutes choses, que la réputation de son expérience & de son habileté lui a mérité la qualité de conseiller d’État.

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On peut voir chez lui un des plus curieux cabinets qu’il y ait à présent à Paris, dans lequel il y a des raretez de toutes les espèces des mieux choisies, & conservées avec un très grand soin. Entre autres choses, il y a plusieurs tableaux originaux, du Palme, de Paul Veronese, du Guide & du fameux Poussin. Il y a des païsages de Paul Bril, de Corneille, de Breugle, de Fouquière, de Lucas & de divers autres ; des fruits de Labrador, de Sommes ; & des fleurs de Picard, de Mario Delfiori &c de quelques autres ; un grand nombre de miniatures d’après les plus excellens peintres, comme Raphaël, Carache & Poussin. Il y a aussi deux cens feuilles du mesme ouvrage qui représentent des oiseaux ; outre cela, des 197animaux, de ceux que l’on faisoit à Limoges dans la siècle passé & que l’on achetoit très cher, faits sur l’or ou sur l’argent, dont le secret est perdu. Il y a des peintures de bois de raport, dont les couleurs sont aussi belles que si elles avoient esté appliquées avec le pinceau.

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Mais ce qui est infiniment plus curieux que toutes ces choses est le grand nombre d’agates, entre lesquelles il y en a quarante plus grandes que les autres, la plupart antiques, qui représentent des deïtés, des testes d’empereurs & des sacrifices, qui sont parfaitement bien taillées. Celles qui sont modernes ont esté gravées par le Coldoré, célèbre lapidaire, & par quelques autres aussi habiles que lui ; avec cela, une petite chaîne de six gros grains aussi d’agate.

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Cependant, ce ne sont pas là les plus précieuses pièces de ce cabinets. On estime bien davantage douze bracelets composez d’agates, de cornalines, d’onix, de jaspe & de pri 198me d’émeraudes garnis d’or, qui font ensemble cent cinquante gravures antiques qui représentent des deïtez romaines & tous les empereurs depuis Jules César jusques à Labienus Posthumus, avec trente-six impératrices. Entre les empereurs, les testes de Pescenius Niger & des deux africains se trouvent gravées sur de très belles onix. On doit regarder cette suite comme une des plus singulières raretez qu’il y ait à présent, & elle est sans contredit l’unique qui soit au monde de cette sorte, car on ne sçait point encore que personne se soit avisé de faire une suite de pierres antiques gravées comme l’on fait ordinairement de médailles, & celle-ci est l’ouvrage des quatre plus fameux curieux qui aient jamais paru en France, qui ont travaillé plus de cinquante ans à la rendre complète comme elle est à présent.

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Il y a encore avec cela quatre autres agates aussi antiques, gravées en creux, qui représentent l’histoire du Trium 199virat. Les testes de César, de Marc-Antoine & de Lepidus sont sur les trois principales, & Cléopâtre sur celle d’en bas. Sur un jaspe verd oriental de figure ovale qui est au milieu, une colonne est représentée, au pié de laquelle un soldat lève la pointe de son poignard, qui estoit nommée par les Anciens Columna execrata, parce que le Sénat & M. Antoine l’avoient fait ériger à la mémoire de Jules César afin que tous les soldats vinsent devant faire serment de vanger la mort de ce grand empereur. Elle fut abatue par Dolabella. Cette inscription est gravée autour de cette belle agate, qui en explique toute l’histoire :

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Mart. vl. Aux. d. Jul. Lacri.

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C’est à dire : Marti, ultori, auxiliatori Divo Julio Lacrimæ.

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Il y a une urne sur cette colonne & le Sidus Julium à côté, qui parut après la mort de César, à ce que disent les historiens.

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Les autres choses sont des anneaux d’or garnis de pierres précieuses, de rubis, d’émeraudes, de topases d’orient ; un grand diamant en bouton très parfait ; un autre d’un jaune très vif ; un aigue-marin oriental ; un gros rubis violet de vingt-huit grains ; une opale orientale de la figure d’un petit lion ; trois grands boëtiers remplis de pierres gravées antiques, tant en creux qu’en reliefs, des coquilles des plus bizares & des plus rares ; une suite de cent médailles d’argent impériales & cent autres grecques & romaines des mieux choisies, du Padouan.

-

Comme rien ne manque à ce riche cabinet, l’on y trouvera aussi des armes de Perse & de Turquie, des cimetères, des poignards & des couteaux d’acier de Damas, dont les poignées sont de pierreries raportées d’or & garnies de pierres précieuses. Il y a avec cela des vernix du Japon & des plus belles porcelaines, des - 201livres curieux & des morceaux d’yvoire travaillez en sculpture, avec quantité de chapelets d’agate ; enfin mille autres choses de cette sorte qui demenderoient une longue description s’il faloit les expliquer toutes. Ce que l’on voit dans ce cabinet est d’une beauté que l’on ne trouve point ailleurs, parce que celui qui l’a assemblé s’y connoissoit parfaitement & qu’il n’épargnoit rien pour avoir une chose de quelque prix qu’elle pût etre, quand une fois elle lui plaisoit. Ainsi, on aura dans cette maison de quoi se satisfaire, & personne n’en sort qui ne soit content. La civilité que l’on fait à ceux qui y viennent, donnant autant de satisfaction que les belles choses que l’on a vu causent d’admiration.

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Plus avant & du mesme côté dans la rue de l’Université est :

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Les autres choses sont des anneaux d’or garnis de pierres précieuses, de rubis, d’émeraudes, de topases d’orient ; un grand diamant en bouton très parfait ; un autre d’un jaune très vif ; un aigue-marin oriental ; un gros rubis violet de vingt-huit grains ; une opale orientale de la figure d’un petit lion ; trois grands boëtiers remplis de pierres gravées antiques, tant en creux qu’en reliefs, des coquilles des plus bizares & des plus rares ; une suite de cent médailles d’argent impériales & cent autres grecques & romaines des mieux choisies, du Padouan.

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Comme rien ne manque à ce riche cabinet, l’on y trouvera aussi des armes de Perse & de Turquie, des cimetères, des poignards & des couteaux d’acier de Damas, dont les poignées sont de pierreries raportées d’or & garnies de pierres précieuses. Il y a avec cela des vernix du Japon & des plus belles porcelaines, des 201livres curieux & des morceaux d’yvoire travaillez en sculpture, avec quantité de chapelets d’agate ; enfin mille autres choses de cette sorte qui demenderoient une longue description s’il faloit les expliquer toutes. Ce que l’on voit dans ce cabinet est d’une beauté que l’on ne trouve point ailleurs, parce que celui qui l’a assemblé s’y connoissoit parfaitement & qu’il n’épargnoit rien pour avoir une chose de quelque prix qu’elle pût etre, quand une fois elle lui plaisoit. Ainsi, on aura dans cette maison de quoi se satisfaire, & personne n’en sort qui ne soit content. La civilité que l’on fait à ceux qui y viennent, donnant autant de satisfaction que les belles choses que l’on a vu causent d’admiration.

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Plus avant & du mesme côté dans la rue de l’Université est :

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- , qui est parfaitement bien bâti. Il est du dessein du sieur Le Veau.

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Le reste de cette rue ne mérite - 202pas que l’on se donne trop de peine a l’examiner, quoiqu’il y ait quelques maisons assez logeables. Entre autre celles où demeure monsieur le grand prévost.

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, qui est parfaitement bien bâti. Il est du dessein du sieur Le Veau.

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Le reste de cette rue ne mérite 202pas que l’on se donne trop de peine a l’examiner, quoiqu’il y ait quelques maisons assez logeables. Entre autre celles où demeure monsieur le grand prévost.

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- , autrement nommé le marquis d’Imbercour, un des fermiers généraux des cinq grosses fermes, en fait bâtir une qui sera grande & commode, & qui lui coûtera plus de quatre vingts mille écus avant qu’elle soit achevée.

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, autrement nommé le marquis d’Imbercour, un des fermiers généraux des cinq grosses fermes, en fait bâtir une qui sera grande & commode, & qui lui coûtera plus de quatre vingts mille écus avant qu’elle soit achevée.

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Vis-à-vis l’hôtel Tambonneau, il ne faut pas oublier d’aller voir

Vis-à-vis l’hôtel Tambonneau, il ne faut pas oublier d’aller voir , qui est le plus habile émailleur qui soit en Europe. C’est lui qui fait ces beaux portraits en émail que l’on enchâsse dans des bordures de diamans, dont on fait des présens aux ambassadeurs, ou des bracelets qui ne sont pas ordinairement plus grands qu’une pièce de quinze sous & qui souvent sont beaucoup plus petits. On peut dire hardiment que personne n’a jamais mieux entendu cette sorte d’ouvrage que lui & n’a mieux attrapé la ressemblance qu’il fait.

- + 203
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- Au bout de cette rue, dans une maison qui est assez proche de l’hôtel des Mousquetaires, on va voir un miroir d’acier qui fait des effets surprenans quand il est exposé au soleil, en dissolvant les corps les plus durs & les plus incombustibles. Il est beaucoup plus grand que ceux que l’on a vu jusqu’à présent. Le pié sur lequel il est n’est pas moins singulier, estant aussi d’acier, travaillé avec beaucoup d’art & de patience.

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Au bout de cette rue, dans une maison qui est assez proche de l’hôtel des Mousquetaires, on va voir un miroir d’acier qui fait des effets surprenans quand il est exposé au soleil, en dissolvant les corps les plus durs & les plus incombustibles. Il est beaucoup plus grand que ceux que l’on a vu jusqu’à présent. Le pié sur lequel il est n’est pas moins singulier, estant aussi d’acier, travaillé avec beaucoup d’art & de patience.

- - Les Petits Augustins - + Les Petits Augustins

- Le couvent de ces pères est dans la rue qui porte leur nom & qui conduit de la rue du Colombier au bord de la Seine. Leur maison n’a rien d’extraordinaire non plus que leur église. Le grand autel est d’une menuiserie assez bien travaillée, peinte en marbre, ornée de statues qui sont fort estimées, surtout celle de l’Agonisant. Elles sont de terre cuite, faite par un nommé Biardeau - 204 d’Anjou, aussi bien que toutes les autres, qui sont d’une fort bonne manière. M. Varin estimoit la teste de cet agonisant au poids de l’or. Marguerite de Valois, femme de Henri IV & sœur de Henri III, a esté une de leurs principales bien-faictrices, & par testament elle leur laissa une partie de sa vaisselle d’argent, dont ils se sont servis pour faire la belle argenterie qu’ils exposent les jours de festes. Cette reine a particulièrement fait bâtir la chapelle à main droite, à côté du grand autel, qui est en dôme & la première que l’on ait élevée à Paris de cette manière. Cette inscription y est gravée sur un marbre noir :

- -

- Le 21 mars mil six cens huit, la reine Marguerite, duchesse de Valois, petite fille du grand roi François, sœur de trois rois & seule restée de la race des Valois ; aïant esté visitée et secourue de Dieu, comme Job et - 205 - Jacob, et lors lui aïant voué le vœu de Jacob, et Dieu l’aïant exaucée ; elle a bâti et fondé ce monastère pour tenir lieu de l’autel de Jacob, où elle veut que perpétuellement soient rendues actions de grâces en reconnoissance de celles qu’elle a receues de sa divine bonté. Elle a nommé ce monastère de la Sainte Trinité, et cette chapelle des Louanges, où elle a logé les pères augustins déchaussez.

-
-

On connoist par là que ces pères estoient autrefois plus austères qu’ils ne sont pas à présent, puisqu’ils estoient déchaussez. Cette reine fit cette fondation en faveur de son confesseur, qui estoit de cet ordre, qui se nommoit François Amet, originaire de la ville de Montargis. On doit aller voir leur bibliotèque, qui est assez jolie. Ils ont parmi eux le père Lubin, qui passe pour un des plus sçavans géographes que nous - 206aïons. C’est lui qui traduit la relation de la Laponie que l’on vend chez la veuve de Varennes au Palais.

-

Dans la rue de Seine, derrière le collège des Quatre-Nations, est :

+ Le couvent de ces pères est dans la rue qui porte leur nom & qui conduit de la rue du Colombier au bord de la Seine. Leur maison n’a rien d’extraordinaire non plus que leur église. Le grand autel est d’une menuiserie assez bien travaillée, peinte en marbre, ornée de statues qui sont fort estimées, surtout celle de l’Agonisant. Elles sont de terre cuite, faite par un nommé Biardeau + 204 d’Anjou, aussi bien que toutes les autres, qui sont d’une fort bonne manière. M. Varin estimoit la teste de cet agonisant au poids de l’or. Marguerite de Valois, femme de Henri IV & sœur de Henri III, a esté une de leurs principales bien-faictrices, & par testament elle leur laissa une partie de sa vaisselle d’argent, dont ils se sont servis pour faire la belle argenterie qu’ils exposent les jours de festes. Cette reine a particulièrement fait bâtir la chapelle à main droite, à côté du grand autel, qui est en dôme & la première que l’on ait élevée à Paris de cette manière. Cette inscription y est gravée sur un marbre noir :

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Le 21 mars mil six cens huit, la reine Marguerite, duchesse de Valois, petite fille du grand roi François, sœur de trois rois & seule restée de la race des Valois ; aïant esté visitée et secourue de Dieu, comme Job et 205 Jacob, et lors lui aïant voué le vœu de Jacob, et Dieu l’aïant exaucée ; elle a bâti et fondé ce monastère pour tenir lieu de l’autel de Jacob, où elle veut que perpétuellement soient rendues actions de grâces en reconnoissance de celles qu’elle a receues de sa divine bonté. Elle a nommé ce monastère de la Sainte Trinité, et cette chapelle des Louanges, où elle a logé les pères augustins déchaussez.

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On connoist par là que ces pères estoient autrefois plus austères qu’ils ne sont pas à présent, puisqu’ils estoient déchaussez. Cette reine fit cette fondation en faveur de son confesseur, qui estoit de cet ordre, qui se nommoit François Amet, originaire de la ville de Montargis. On doit aller voir leur bibliotèque, qui est assez jolie. Ils ont parmi eux le père Lubin, qui passe pour un des plus sçavans géographes que nous 206aïons. C’est lui qui traduit la relation de la Laponie que l’on vend chez la veuve de Varennes au Palais.

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Dans la rue de Seine, derrière le collège des Quatre-Nations, est :

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- , que l’on nommoit autrefois l’hôtel de Liancourt, dont le bâtiment est fort régulier & d’une ordonnance assez belle. On y voïoit autrefois de fort beaux tableaux, mais ils ont esté dispersez depuis la mort de monsieur le duc de Liancourt qui les avoit assemblez.

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, que l’on nommoit autrefois l’hôtel de Liancourt, dont le bâtiment est fort régulier & d’une ordonnance assez belle. On y voïoit autrefois de fort beaux tableaux, mais ils ont esté dispersez depuis la mort de monsieur le duc de Liancourt qui les avoit assemblez.

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- est parallèle à celle-ci. Elle est ainsi nommée depuis que l’on a bâti le collège des Quatre-Nations, qui en occupe une partie, dont le cardinal Mazarin a esté le fondateur.

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est parallèle à celle-ci. Elle est ainsi nommée depuis que l’on a bâti le collège des Quatre-Nations, qui en occupe une partie, dont le cardinal Mazarin a esté le fondateur.

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- Au milieu de cette rue est le théâtre de la Comédie françoise, vis-à-vis la rue de Guénégaud, & seul endroit où l’on représente à présent des pièces françoises. Autrefois, il y en avoit trois à Paris où ces spe - 207stacles se donnoient : au Palais-Roïal, au Marais du Temple & à l’hôtel de Bourgogne, mais depuis l’invention des opéra ces choses ont esté changées & la troupe qui représente sur le théâtre de Guénégaud est restée seule. On y représente souvent des pièces nouvelles qui sont fort agréables, mais qui ne sont pas de la beauté de celles de M. Corneille ni de M. Racine pour le sérieux, non plus que de celles du fameux Molière pour le comique. Tous les étrangers conviennent cependant que la scène françoise est la plus belle & la plus magnifique de l’Europe, soit pour la décoration du théâtre, soit pour la beauté des pièces que l’on y représente ; les comédiens n’épargnant rien d’ailleurs pour satisfaire les spectateurs par la richesse des habits dont ils se parent. Il y en a mesme quelques-uns d’entre eux qui composent des pièces, ce qui fait qu’ils en sont beaucoup plus habiles & qu’ils entrent bien mieux dans le caractère qu’ils représentent.

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Au milieu de cette rue est le théâtre de la Comédie françoise, vis-à-vis la rue de Guénégaud, & seul endroit où l’on représente à présent des pièces françoises. Autrefois, il y en avoit trois à Paris où ces spe 207stacles se donnoient : au Palais-Roïal, au Marais du Temple & à l’hôtel de Bourgogne, mais depuis l’invention des opéra ces choses ont esté changées & la troupe qui représente sur le théâtre de Guénégaud est restée seule. On y représente souvent des pièces nouvelles qui sont fort agréables, mais qui ne sont pas de la beauté de celles de M. Corneille ni de M. Racine pour le sérieux, non plus que de celles du fameux Molière pour le comique. Tous les étrangers conviennent cependant que la scène françoise est la plus belle & la plus magnifique de l’Europe, soit pour la décoration du théâtre, soit pour la beauté des pièces que l’on y représente ; les comédiens n’épargnant rien d’ailleurs pour satisfaire les spectateurs par la richesse des habits dont ils se parent. Il y en a mesme quelques-uns d’entre eux qui composent des pièces, ce qui fait qu’ils en sont beaucoup plus habiles & qu’ils entrent bien mieux dans le caractère qu’ils représentent.

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De la rue Mazarin, l’on peut entrer dans la rue de Guénégaud, où demeure , auteur du Journal des sçavans, qui le donne tous les quinze jours & que les curieux reçoivent avec un extrême plaisir, à cause des belles choses dont ce sçavant auteur a soin de l’enrichir. M. de Salo, conseiller du Parlement, a esté le premier qui a commencé ce journal en 1665, & mesme c’est lui qui en a donné l’idée aux étrangers, qui en ont trouvé l’invention si utile & si belle qu’à son imitation on en a fait en divers endroits de l’Europe. M. l’abbé Gallois continua le journal quelques années après, depuis 1666 jusques en 1674, que M. l’abbé de La Roque l’entreprit, qui y a toujours travaillé depuis ce temps-là avec un succès qui lui a acquis une très grande réputation dans le monde.

-

Il tient chez lui des conférences les jeudis, où se trouvent ordinairement plusieurs scavans qui viennent - 209proposer les découvertes qu’ils ont faites dans les arts ou dans les sciences.

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De cette rue, on peut aller sur le quay des Augustins, qui commence au pont Saint-Michel & qui va tout du long de la rivière jusqu’au pont Neuf.

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De la rue Mazarin, l’on peut entrer dans la rue de Guénégaud, où demeure , auteur du Journal des sçavans, qui le donne tous les quinze jours & que les curieux reçoivent avec un extrême plaisir, à cause des belles choses dont ce sçavant auteur a soin de l’enrichir. M. de Salo, conseiller du Parlement, a esté le premier qui a commencé ce journal en 1665, & mesme c’est lui qui en a donné l’idée aux étrangers, qui en ont trouvé l’invention si utile & si belle qu’à son imitation on en a fait en divers endroits de l’Europe. M. l’abbé Gallois continua le journal quelques années après, depuis 1666 jusques en 1674, que M. l’abbé de La Roque l’entreprit, qui y a toujours travaillé depuis ce temps-là avec un succès qui lui a acquis une très grande réputation dans le monde.

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Il tient chez lui des conférences les jeudis, où se trouvent ordinairement plusieurs scavans qui viennent 209proposer les découvertes qu’ils ont faites dans les arts ou dans les sciences.

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De cette rue, on peut aller sur le quay des Augustins, qui commence au pont Saint-Michel & qui va tout du long de la rivière jusqu’au pont Neuf.

- - Le couvent des Grands Augustins - + Le couvent des Grands Augustins

- La maison de ces pères n’est pas d’une plus haute antiquité que celle des autres mendians dont on a parlé. Les historiens disent qu’ils vinrent à Paris environ l’année 1270 & que l’on les nommoit pour lors Hermites de saint Augustin. La première maison qu’ils habitèrent fut proche la porte de Montmartre, dans la rue des Vieux-Augustins, qui en a retenu le nom ; & l’église de Sainte-Marie-Égyptienne que l’on y voit encore leur a servi pendant le temps qu’ils ont demeuré dans ce - 210quartier. Ils changèrent quelques années après & vinrent dans la rue des Bernardins, où est à présent Saint-Nicolas-du-Chardonnet. Mais enfin ne trouvant pas plus de commodité en cet endroit que dans le premier, ils se résolurent de changer encore une fois & s’associèrent peu de temps après avec des pénitens nommez Sachets, vêtus d’une manière de sacs, que saint Louis avoit logez sur le bord de la Seine dans le mesme lieu où est à présent ce couvent, qui leur cédèrent enfin la place & furent dispersez en divers lieux. L’église de ces pères ne fut bâtie que sous Charles V, surnommé le Sage, comme on le peut remarquer par l’inscription que l’on lit au bas de sa statue, placée à l’entrée de la grande porte en entrant à main droite :

+ La maison de ces pères n’est pas d’une plus haute antiquité que celle des autres mendians dont on a parlé. Les historiens disent qu’ils vinrent à Paris environ l’année 1270 & que l’on les nommoit pour lors Hermites de saint Augustin. La première maison qu’ils habitèrent fut proche la porte de Montmartre, dans la rue des Vieux-Augustins, qui en a retenu le nom ; & l’église de Sainte-Marie-Égyptienne que l’on y voit encore leur a servi pendant le temps qu’ils ont demeuré dans ce 210quartier. Ils changèrent quelques années après & vinrent dans la rue des Bernardins, où est à présent Saint-Nicolas-du-Chardonnet. Mais enfin ne trouvant pas plus de commodité en cet endroit que dans le premier, ils se résolurent de changer encore une fois & s’associèrent peu de temps après avec des pénitens nommez Sachets, vêtus d’une manière de sacs, que saint Louis avoit logez sur le bord de la Seine dans le mesme lieu où est à présent ce couvent, qui leur cédèrent enfin la place & furent dispersez en divers lieux. L’église de ces pères ne fut bâtie que sous Charles V, surnommé le Sage, comme on le peut remarquer par l’inscription que l’on lit au bas de sa statue, placée à l’entrée de la grande porte en entrant à main droite :

+ + Primus francorum Rex Delphinus fuit iste, + Exemplar morum Carolus dictus, bone Christe, + + 211 + Merces justorum dilexit fortiter iste, + Hic patet exemplum, tibinam complevit honore, + Hox præsens templum Deo ditetur honore. + +

Elle fut dédiée par Guillaume Chartier, évêque de Paris, en l’année 1453, assisté d’un grand nombre de prélats qui firent cette cérémonie avec beaucoup d’appareil. Le grand autel est un ouvrage des plus modernes. Il n’y a pas deux ans qu’il est achevé. M. Le Brun en a donné le dessein, qui ne s’est pas fort éloigné de celui de Saint-Séverin. On remarquera que la menuiserie du chœur est une des plus belles de Paris, aussi bien que la tribune qui est entre le chœur & la nef, ornée de colonnes de marbre noir, selon l’ordre corinthien. De chaque côté de la porte qui est dessous, il y a deux chapelles : une dédiée à la Sainte Vierge & l’autre à saint Nicolas de Tolentin. La chaire du prédicateur a aussi esté embellie de quelques menuiseries dorées & on a conservé 212 les bas-reliefs qui sont autour, à cause qu’ils sont de Germain Pilon ; que ces pères cependant se sont avisez depuis peu de faire dorer.

+

Il y a dans cette église quelques tombeaux de personnes illustres, dont Philippes de Commines est le plus connu & le plus renommé, qui vivoit sous Louis XI, dont il estoit premier secrétaire. Les mémoires qu’il a laissez sont si beaux & si utiles qu’ils ont esté traduits en latin avec des commentaires & des notes, & M. Godefroy, historiographe de France, en a fait imprimer une édition françoise au Louvre sur l’original en langue du temps qu’il a illustrée d’une quantité de remarques curieuses. Ce sçavant homme est enterré avec sa femme dans une petite chapelle basse, derrière l’autel des Chevaliers du Saint-Esprit, & l’on ne peut voir son tombeau si le sacristain n’ouvre la porte du lieu où il est, qui ne paroît point au dehors. II ne faut pas oublier de regarder le grand tableau qui est dans cette 213 + chappelle, qui représente la descente du Saint Esprit sur la Sainte Vierge & sur les Apôtres. Il est du ***, fameux peintre. Il y en a encore un de la mesme grandeur à côté, où Louis XIII est peint en habit de cérémonie, donnant le collier du Saint Esprit à un seigneur, assisté des principaux officiers de l’ordre, aussi habillez de la mesme manière. C’est dans cette chapelle que se font les cérémonies des grandes promotions, & Henri III la choisit lorsqu’il institua l’ordre du Saint-Esprit + le dernier jour du mois de décembre 1579, comme on le voit par une inscription que l’on a ôtée depuis peu, dont voici la copie :

- - Primus francorum Rex Delphinus fuit iste, - Exemplar morum Carolus dictus, bone Christe, - - 211 - Merces justorum dilexit fortiter iste, - Hic patet exemplum, tibinam complevit honore, - Hox præsens templum Deo ditetur honore. - - -

Elle fut dédiée par Guillaume Chartier, évêque de Paris, en l’année 1453, assisté d’un grand nombre de prélats qui firent cette cérémonie avec beaucoup d’appareil. Le grand autel est un ouvrage des plus modernes. Il n’y a pas deux ans qu’il est achevé. M. Le Brun en a donné le dessein, qui ne s’est pas fort éloigné de celui de Saint-Séverin. On remarquera que la menuiserie du chœur est une des plus belles de Paris, aussi bien que la tribune qui est entre le chœur & la nef, ornée de colonnes de marbre noir, selon l’ordre corinthien. De chaque côté de la porte qui est dessous, il y a deux chapelles : une dédiée à la Sainte Vierge & l’autre à saint Nicolas de Tolentin. La chaire du prédicateur a aussi esté embellie de quelques menuiseries dorées & on a conservé - 212 - les bas-reliefs qui sont autour, à cause qu’ils sont de Germain Pilon ; que ces pères cependant se sont avisez depuis peu de faire dorer.

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Il y a dans cette église quelques tombeaux de personnes illustres, dont Philippes de Commines est le plus connu & le plus renommé, qui vivoit sous Louis XI, dont il estoit premier secrétaire. Les mémoires qu’il a laissez sont si beaux & si utiles qu’ils ont esté traduits en latin avec des commentaires & des notes, & M. Godefroy, historiographe de France, en a fait imprimer une édition françoise au Louvre sur l’original en langue du temps qu’il a illustrée d’une quantité de remarques curieuses. Ce sçavant homme est enterré avec sa femme dans une petite chapelle basse, derrière l’autel des Chevaliers du Saint-Esprit, & l’on ne peut voir son tombeau si le sacristain n’ouvre la porte du lieu où il est, qui ne paroît point au dehors. II ne faut pas oublier de regarder le grand tableau qui est dans cette - 213 - chappelle, qui représente la descente du Saint Esprit sur la Sainte Vierge & sur les Apôtres. Il est du ***, fameux peintre. Il y en a encore un de la mesme grandeur à côté, où Louis XIII est peint en habit de cérémonie, donnant le collier du Saint Esprit à un seigneur, assisté des principaux officiers de l’ordre, aussi habillez de la mesme manière. C’est dans cette chapelle que se font les cérémonies des grandes promotions, & Henri III la choisit lorsqu’il institua l’ordre du Saint-Esprit - le dernier jour du mois de décembre 1579, comme on le voit par une inscription que l’on a ôtée depuis peu, dont voici la copie :

- -

Fortissimis & prudentissi utriusque militiæ Equitib. priscæ nobilitatis bello & pace optimè de Rep. meritis Henricus III, Galliæ & Poloniæ Rex augustus, divini Spiritus apud Christianos Symbolum pro equestri Stemmate esse voluit, jussit, decrevit, plaudente, venerante populo & vota pro salute - 214Principis nuncupante ob singularem ipsius pietatem.

-

- Lutetiæ Parisiorum - - Kal. Januar. CIƆ IC LXXIX.

-
-

Il ne faut pas négliger de lire l’épitaphe du sçavant M. de Sainte-Beuve, parisien, docteur de Sorbonne & très renommé à cause de son profond sçavoir & de sa probité extraordinaire, qui lui acquirent l’une & l’autre l’estime & la confidence des plus illustres prélats de son temps. Cet épitaphe est de M. son frère, on l’a mis à côté du grand autel sur une table de marbre noir. En voici la copie :

- -

- Hic situs est Jacobus de Sainte-Beuve, Parisinus, Presbyter Doctor, ac Socius Sorbonicus, & Regius S. Theologiæ Professor. Qui vixdum XXVIII transgressus annum, à Clero Ecclesiæ Gallicanæ anno M DC XLI. Meduntæ congregato - 215Cum aliquot viris eruditis ad componendum Theologiæ Moralis corpus est delectus : Et biennio post in Schola Sorbonæ Theologiam docuit magnâ famâ, studiosorum frequentiâ. Doctrinam ejus eximiam cum singulari pietate sapientiaque conjunctam Testantur nonnullarum Galliæ Ecclesiarum Breviaria ac Ritualia diligentissimè emendata ; Plurimi hæretici ad Catholicam Religionem felicissimè adducti ; Multæ controversiæ privatorum, qui ipsum ultro arbitrum elegerant, compositæ ; Complures omnium ordinum ad emendationem morum prudentissimis admonitionibus consiliisque compulsi. Cùm idem undique non à Civibus & Popularibus modò, sed etiam ab ExterisDe rebus ad disciplinam Ecclesiasticam & ad mores pertinentibus quotidie consuleretur, cunctisque indefessus satisfaceret : - 216Antistites, qui ex omnibus Regni Francici Provinciis anno Domini M DC LXX apud Pontem Isaræ Conventum habebant, Virum optimè de Ecclesia meritum honorario donavere. Vixit annos LXIV. Obiit XVIII. Kalendas Junuarias anno M DC LXXVII.

-

- Hieronimus de Sainte-Beuve - - Prior Montis Aureoli, - Fratri optimo atque carissimo - - mœrens posuit.

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Dans leur cloître il y a une statue de saint François à genou, qui le représente dans l’estat où il pouvoit estre lorsqu’il reçut les stigmates. On estime beaucoup cette statue à cause qu’elle est de Germain Pilon, qui en fit présent à ces pères en 1588.

-

Les assemblées du clergé se tiennent ordinairement dans ce couvent, comme on l’a vu dans ces dernières années.

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Fortissimis & prudentissi utriusque militiæ Equitib. priscæ nobilitatis bello & pace optimè de Rep. meritis Henricus III, Galliæ & Poloniæ Rex augustus, divini Spiritus apud Christianos Symbolum pro equestri Stemmate esse voluit, jussit, decrevit, plaudente, venerante populo & vota pro salute 214Principis nuncupante ob singularem ipsius pietatem.

Lutetiæ Parisiorum + Kal. Januar. CIƆ IC LXXIX.

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Il ne faut pas négliger de lire l’épitaphe du sçavant M. de Sainte-Beuve, parisien, docteur de Sorbonne & très renommé à cause de son profond sçavoir & de sa probité extraordinaire, qui lui acquirent l’une & l’autre l’estime & la confidence des plus illustres prélats de son temps. Cet épitaphe est de M. son frère, on l’a mis à côté du grand autel sur une table de marbre noir. En voici la copie :

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+ Hic situs est Jacobus de Sainte-Beuve, Parisinus, Presbyter Doctor, ac Socius Sorbonicus, & Regius S. Theologiæ Professor. Qui vixdum XXVIII transgressus annum, à Clero Ecclesiæ Gallicanæ anno M DC XLI. Meduntæ congregato 215Cum aliquot viris eruditis ad componendum Theologiæ Moralis corpus est delectus : Et biennio post in Schola Sorbonæ Theologiam docuit magnâ famâ, studiosorum frequentiâ. Doctrinam ejus eximiam cum singulari pietate sapientiaque conjunctam Testantur nonnullarum Galliæ Ecclesiarum Breviaria ac Ritualia diligentissimè emendata ; Plurimi hæretici ad Catholicam Religionem felicissimè adducti ; Multæ controversiæ privatorum, qui ipsum ultro arbitrum elegerant, compositæ ; Complures omnium ordinum ad emendationem morum prudentissimis admonitionibus consiliisque compulsi. Cùm idem undique non à Civibus & Popularibus modò, sed etiam ab ExterisDe rebus ad disciplinam Ecclesiasticam & ad mores pertinentibus quotidie consuleretur, cunctisque indefessus satisfaceret : 216Antistites, qui ex omnibus Regni Francici Provinciis anno Domini M DC LXX apud Pontem Isaræ Conventum habebant, Virum optimè de Ecclesia meritum honorario donavere. Vixit annos LXIV. Obiit XVIII. Kalendas Junuarias anno M DC LXXVII.

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Hieronimus de Sainte-Beuve + Prior Montis Aureoli, + Fratri optimo atque carissimo + mœrens posuit.

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Dans leur cloître il y a une statue de saint François à genou, qui le représente dans l’estat où il pouvoit estre lorsqu’il reçut les stigmates. On estime beaucoup cette statue à cause qu’elle est de Germain Pilon, qui en fit présent à ces pères en 1588.

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Les assemblées du clergé se tiennent ordinairement dans ce couvent, comme on l’a vu dans ces dernières années.

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- est fort proche. Elle a esté ainsi nommée à cause qu’on la bâtissoit lorsque Louis XIII vint au monde. Ce n’estoit autrefois que de vieux jardins remplis de mazures fort incommodes, au travers desquels on perça cette rue au bout du pont Neuf. Il y avoit à l’extrémité une porte du mesme nom, que l’on a abatue il y a dix ou douze ans pour unir le faux-bourg à la ville. Après cette rue, en suivant toujours le cours de la rivière, est :

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est fort proche. Elle a esté ainsi nommée à cause qu’on la bâtissoit lorsque Louis XIII vint au monde. Ce n’estoit autrefois que de vieux jardins remplis de mazures fort incommodes, au travers desquels on perça cette rue au bout du pont Neuf. Il y avoit à l’extrémité une porte du mesme nom, que l’on a abatue il y a dix ou douze ans pour unir le faux-bourg à la ville. Après cette rue, en suivant toujours le cours de la rivière, est :

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- . C’estoit autrefois l’hôtel de Nevers, mais cette maison aïant manqué en France après le mariage de deux princesses qui en estoient restées, dont l’une fut mariée à Casimir roi de Pologne & l’autre au prince Édouard de la maison palatine, l’hôtel de Nevers passa en d’autres mains. Monsieur de Guénégaud, secrétaire d’État, l’acheta & y fit faire des augmentations très considérables. Comme c’estoit un homme des plus riches & des plus ma - 218gnifiques, il n’épargna rien pour l’embellir au dehors & au dedans, & fit élever plusieurs maisons dans la rue qui est derrière les murs du jardin, que l’on nomme de son nom, qu’elle conserve encore à présent. L’entrée de cet hôtel est d’une grande apparence. Les dedans y correspondent très bien. Il faut demander à voir la chapelle qui est tout à fait jolie, ornée de colonnes corinthiennes & d’autres ornemens d’un très bon goûst. Elle est de Mansard, aussi bien que le grand escalier que l’on estime fort. Le jardin est assez agréable. Il est planté d’une allée d’arbres, avec un grand parterre. Les appartemens y ont leurs veues, ce qui les rend fort gais en esté. Madame la princesse de Conti défunte, une des plus sages & des plus vertueuses de ce siècle, en fit un échange avec M. de Guénégaud contre sa belle maison du Bouchet, qu’elle lui donna avec le vieil hôtel de Conti, où demeure à présent monsieur le duc de Créqui. Dans le recoin de - 219cet hôtel est une grande maison qui ne paroît point en dehors & qui dépend aussi de cet hôtel. On ne peut guères désirer de bâtiment mieux entendu & plus propre que celui-ci. Monsieur le prince de la Roche-sur-Yon y demeure à présent, afin de n’estre pas éloigné de monsieur le prince de Conti son frère.

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. C’estoit autrefois l’hôtel de Nevers, mais cette maison aïant manqué en France après le mariage de deux princesses qui en estoient restées, dont l’une fut mariée à Casimir roi de Pologne & l’autre au prince Édouard de la maison palatine, l’hôtel de Nevers passa en d’autres mains. Monsieur de Guénégaud, secrétaire d’État, l’acheta & y fit faire des augmentations très considérables. Comme c’estoit un homme des plus riches & des plus ma 218gnifiques, il n’épargna rien pour l’embellir au dehors & au dedans, & fit élever plusieurs maisons dans la rue qui est derrière les murs du jardin, que l’on nomme de son nom, qu’elle conserve encore à présent. L’entrée de cet hôtel est d’une grande apparence. Les dedans y correspondent très bien. Il faut demander à voir la chapelle qui est tout à fait jolie, ornée de colonnes corinthiennes & d’autres ornemens d’un très bon goûst. Elle est de Mansard, aussi bien que le grand escalier que l’on estime fort. Le jardin est assez agréable. Il est planté d’une allée d’arbres, avec un grand parterre. Les appartemens y ont leurs veues, ce qui les rend fort gais en esté. Madame la princesse de Conti défunte, une des plus sages & des plus vertueuses de ce siècle, en fit un échange avec M. de Guénégaud contre sa belle maison du Bouchet, qu’elle lui donna avec le vieil hôtel de Conti, où demeure à présent monsieur le duc de Créqui. Dans le recoin de 219cet hôtel est une grande maison qui ne paroît point en dehors & qui dépend aussi de cet hôtel. On ne peut guères désirer de bâtiment mieux entendu & plus propre que celui-ci. Monsieur le prince de la Roche-sur-Yon y demeure à présent, afin de n’estre pas éloigné de monsieur le prince de Conti son frère.

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Dans les maisons qui se trouvent entre cet hôtel & le collège des Quatre-Nations, , de l’Académie françoise, a pris un logement. On verra chez lui de belles curiositez. Il a un très grand nombre de toutes sortes d’excellens livres, entre lesquels on en trouve quantité d’estampes & d’architecture. Mais ce qui est de plus rare est le bust en marbre du fameux cavalier Bernin fait à Rome peu de temps avant sa mort, & un bust du Christ du mesme maître, avec un autre de M. de La Chambre son père, dont le nom est si illustre entre les gens de lettres par tant de beaux ouvrages - 220qu’il a donnez au public, & par le caractère particulier qu’il avoit de traiter les matières les plus sçavantes avec beaucoup de netteté & de politesse. On peut voir encore chez monsieur l’abbé de La Chambre des copies des plus belles pièces de Poussin & des modelles en cire de quelques statues de Bernin. Tout proche est :

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Dans les maisons qui se trouvent entre cet hôtel & le collège des Quatre-Nations, , de l’Académie françoise, a pris un logement. On verra chez lui de belles curiositez. Il a un très grand nombre de toutes sortes d’excellens livres, entre lesquels on en trouve quantité d’estampes & d’architecture. Mais ce qui est de plus rare est le bust en marbre du fameux cavalier Bernin fait à Rome peu de temps avant sa mort, & un bust du Christ du mesme maître, avec un autre de M. de La Chambre son père, dont le nom est si illustre entre les gens de lettres par tant de beaux ouvrages 220qu’il a donnez au public, & par le caractère particulier qu’il avoit de traiter les matières les plus sçavantes avec beaucoup de netteté & de politesse. On peut voir encore chez monsieur l’abbé de La Chambre des copies des plus belles pièces de Poussin & des modelles en cire de quelques statues de Bernin. Tout proche est :

- - Le collège des Quatre-Nations - + Le collège des Quatre-Nations

- Il y avoit autrefois en cet endroit la vieille porte de Nesle, avec une tour fort élevée qui embarassoit beaucoup ce quartier. Les héritiers du cardinal Mazarin, qui a fondé ce collège par son testament, pour exécuter son dessein, achetèrent cette place & firent renverser ce qui embarassoit le plan que ce cardinal avoit lui-mesme imaginé. Ce quay qui estoit interrompu en cet endroit fut continué jusqu’au pont Rouge, & - 221enfin on éleva les bâtimens tels que l’on les voit à présent, qui sont d’une très belle ordonnance au dehors. Ce sont deux gros pavillons quarrez fort avancez, ornez de pilastres corinthiens, qui dans un demi-cercle qui se trouve entre deux, font une petite place au fond de laquelle est la porte de la chapelle, élevée sur quelques degrez & ornez de six colonnes corinthiennes qui forment une manière de portique. Sur tout l’ouvrage qui avance un peu plus que les ailes, on y a placé douze statues qui représentent les quatre Évangélistes, les pères de l’Église greque & les pères de l’Église latine, qui servent d’accompagnement au dôme qui est dessus, enrichi au dehors de tous les ornemens que l’on peut demander, de plombs dorez, en festons & en feuillages sur l’ardoise, taillée en écaille de poisson. Le dedans de l’église n’est pas dans l’état où il doit estre quelque jour, & le tombeau du cardinal Mazarin que - 222l’on y doit mettre n’est pas encore commencé. Cette inscription est sur la frise du portail :

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- Jul. Mazarin. S. R. E. Card. - Basilicam et Gymnas. F. C. A. M. D. C. LXI.

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Le dedans de ce collège est très spatieux. Il est composé de deux cours, dont la première, & la plus petite, est ornée de chaque côté de deux portiques : l’un qui conduit à l’église & l’autre qui sert d’escalier pour monter aux appartemens du devant. La seconde est très grande & tout le bâtiment règne d’un côté seulement. Il y a pour loger un très grand nombre de personnes fort commodément. Les classes sont en bas, dans les salles qui sont de plein pié avec la cour, mais ce n’est pas où il faut longtemps s’arrester. On doit aller voir la bibliotèque, composée de trente-cinq mille volumes que le cardinal Mazarin avoit amassez avec - 223beaucoup de soin & de dépence. Elle est très bien disposée & les armoires sont d’une menuiserie ornée de colonnes & de sculptures. Comme elle a une grande longueur, elle occupe un des pavillons qui avance sur le quay. M. de La Potrie, qui est un des hommes du roïaume qui se connoît le mieux en livres, en a le soin & la fait voir aux curieux fort obligeamment. On prétend qu’elle sera publique & que l’on poura y aller étudier à certains jours de la semaine, comme l’on fait à celle de Saint-Victor, mais l’on ne sçait pas encore quand cela se fera. Les fonds affectez pour l’entretien de ce collège sont considérables. Outre l’abbaïe de Saint-Michel-en-Herme qui est d’un grand revenu, il y a encore plusieurs maisons qui sont dans la rue Mazarin, dont on tire une très grande somme d’argent. Le dessein du cardinal Mazarin a esté que l’on entretienne des gentilshommes de quatre nations différentes, dont le païs a esté - 224si longtemps le théâtre de la guerre, & qu’ils soient instruits dans tous les exercices qui conviennent à des gens de qualité. Il doit y en avoir soixante en tout, quinze des environs de Pignerol pour l’Italie ; autant d’Alsace pour l’Allemagne ; vingt des Païs-Bas catholiques ; & dix du Roussillon ; afin que ces gens-là, goûtant les manières de France, aïent de l’affection pour la nation qui leur a fait tant de bien. Messieurs les docteurs de Sorbonne doivent en estre les directeurs & y enseigner les humanitez. On y apprendra à monter à cheval & il y a déjà un lieu destiné pour y faire un manège. On leur montrera à danser, à faire des armes, à voltiger, les mathématiques, les belles lettres, & ces gentilshommes seront entretenus gratuitement de toutes choses, sans qu’il leur en coûte rien ; ce qui fait estimer cette fondation comme une des plus utiles & des plus belles que l’on puisse faire.

- + Il y avoit autrefois en cet endroit la vieille porte de Nesle, avec une tour fort élevée qui embarassoit beaucoup ce quartier. Les héritiers du cardinal Mazarin, qui a fondé ce collège par son testament, pour exécuter son dessein, achetèrent cette place & firent renverser ce qui embarassoit le plan que ce cardinal avoit lui-mesme imaginé. Ce quay qui estoit interrompu en cet endroit fut continué jusqu’au pont Rouge, & 221enfin on éleva les bâtimens tels que l’on les voit à présent, qui sont d’une très belle ordonnance au dehors. Ce sont deux gros pavillons quarrez fort avancez, ornez de pilastres corinthiens, qui dans un demi-cercle qui se trouve entre deux, font une petite place au fond de laquelle est la porte de la chapelle, élevée sur quelques degrez & ornez de six colonnes corinthiennes qui forment une manière de portique. Sur tout l’ouvrage qui avance un peu plus que les ailes, on y a placé douze statues qui représentent les quatre Évangélistes, les pères de l’Église greque & les pères de l’Église latine, qui servent d’accompagnement au dôme qui est dessus, enrichi au dehors de tous les ornemens que l’on peut demander, de plombs dorez, en festons & en feuillages sur l’ardoise, taillée en écaille de poisson. Le dedans de l’église n’est pas dans l’état où il doit estre quelque jour, & le tombeau du cardinal Mazarin que 222l’on y doit mettre n’est pas encore commencé. Cette inscription est sur la frise du portail :

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Jul. Mazarin. S. R. E. Card. + Basilicam et Gymnas. F. C. A. M. D. C. LXI.

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Le dedans de ce collège est très spatieux. Il est composé de deux cours, dont la première, & la plus petite, est ornée de chaque côté de deux portiques : l’un qui conduit à l’église & l’autre qui sert d’escalier pour monter aux appartemens du devant. La seconde est très grande & tout le bâtiment règne d’un côté seulement. Il y a pour loger un très grand nombre de personnes fort commodément. Les classes sont en bas, dans les salles qui sont de plein pié avec la cour, mais ce n’est pas où il faut longtemps s’arrester. On doit aller voir la bibliotèque, composée de trente-cinq mille volumes que le cardinal Mazarin avoit amassez avec 223beaucoup de soin & de dépence. Elle est très bien disposée & les armoires sont d’une menuiserie ornée de colonnes & de sculptures. Comme elle a une grande longueur, elle occupe un des pavillons qui avance sur le quay. M. de La Potrie, qui est un des hommes du roïaume qui se connoît le mieux en livres, en a le soin & la fait voir aux curieux fort obligeamment. On prétend qu’elle sera publique & que l’on poura y aller étudier à certains jours de la semaine, comme l’on fait à celle de Saint-Victor, mais l’on ne sçait pas encore quand cela se fera. Les fonds affectez pour l’entretien de ce collège sont considérables. Outre l’abbaïe de Saint-Michel-en-Herme qui est d’un grand revenu, il y a encore plusieurs maisons qui sont dans la rue Mazarin, dont on tire une très grande somme d’argent. Le dessein du cardinal Mazarin a esté que l’on entretienne des gentilshommes de quatre nations différentes, dont le païs a esté 224si longtemps le théâtre de la guerre, & qu’ils soient instruits dans tous les exercices qui conviennent à des gens de qualité. Il doit y en avoir soixante en tout, quinze des environs de Pignerol pour l’Italie ; autant d’Alsace pour l’Allemagne ; vingt des Païs-Bas catholiques ; & dix du Roussillon ; afin que ces gens-là, goûtant les manières de France, aïent de l’affection pour la nation qui leur a fait tant de bien. Messieurs les docteurs de Sorbonne doivent en estre les directeurs & y enseigner les humanitez. On y apprendra à monter à cheval & il y a déjà un lieu destiné pour y faire un manège. On leur montrera à danser, à faire des armes, à voltiger, les mathématiques, les belles lettres, & ces gentilshommes seront entretenus gratuitement de toutes choses, sans qu’il leur en coûte rien ; ce qui fait estimer cette fondation comme une des plus utiles & des plus belles que l’on puisse faire.

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- Sur quay qui règne le long de la rivière, on a mis cette inscription sur un marbre noir qui regarde le Louvre. Elle est de M. Blondel :

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- Ludovico Magno - ripam hanc ut ripæ alterius dignitati responderet quadro saxo co. Præf. Ædil. Ann. M DC LXIX & M DC LXX.

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Sur quay qui règne le long de la rivière, on a mis cette inscription sur un marbre noir qui regarde le Louvre. Elle est de M. Blondel :

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Ludovico Magno + ripam hanc ut ripæ alterius dignitati responderet quadro saxo co. Præf. Ædil. Ann. M DC LXIX & M DC LXX.

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- est du mesme côté. Monsieur le duc de Créqui, gouverneur de Paris & l’un des quatre premiers gentilshommes de la chambre, y demeure. On y voie des tableaux très curieux & des meubles tout à fait riches.

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est du mesme côté. Monsieur le duc de Créqui, gouverneur de Paris & l’un des quatre premiers gentilshommes de la chambre, y demeure. On y voie des tableaux très curieux & des meubles tout à fait riches.

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est ensuite, dont les appartemens sont magnifiques & ornez de plafons où les plus beaux ornemens n’ont pas esté épargnez.

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- , à présent occupée par monsieur le ma - 226réchal d’Humières, gouverneur de Flandres. Elle est bâtie fort régulièrement & il n’y manque rien qu’un peu plus d’espace pour la rendre plus claire.

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, à présent occupée par monsieur le ma 226réchal d’Humières, gouverneur de Flandres. Elle est bâtie fort régulièrement & il n’y manque rien qu’un peu plus d’espace pour la rendre plus claire.

Plus avant est , intendant de monsieur le Prince, qui a esté bâtie avec beaucoup de dépence. Il faut voir surtout la galerie qui donne sur la rivière, percée des deux cotez également & ornée de divers tableaux qui représentent les premières personnes de la famille roïale de France, avec une longue carte généalogique en vélin de la maison de Bourbon où sont tous les portraits de ces princes en mignatures, depuis saint Louis jusqu’au règne d’à présent. Dans le jardin, il y a quelques statues assez belles, deux gladiateurs en couleur de bronze, la Venus Médicis & un jeune Bacchus de mesme, avec quelques autres assez bien moulées sur les antiques de Rome - . Le grand - 227berceau de fer est remarquable à cause de sa hauteur & qu’il est le premier que l’on ait fait de cette sorte. Il ne faut pas oublier la chapelle, où il y a un tableau d’Albert Durer que l’on estime beaucoup, & quelques copies des sacremens du fameux Poussin. Voilà en gros ce qu’il y a de remarquable, sans parler des meubles qui estoient fort propres pendant la vie du maître, qui passoit pour un des hommes du royaume des plus curieux & du meilleur discernement.

+ la maison de feu monsieur le président Perault + , intendant de monsieur le Prince, qui a esté bâtie avec beaucoup de dépence. Il faut voir surtout la galerie qui donne sur la rivière, percée des deux cotez également & ornée de divers tableaux qui représentent les premières personnes de la famille roïale de France, avec une longue carte généalogique en vélin de la maison de Bourbon où sont tous les portraits de ces princes en mignatures, depuis saint Louis jusqu’au règne d’à présent. Dans le jardin, il y a quelques statues assez belles, deux gladiateurs en couleur de bronze, la Venus Médicis & un jeune Bacchus de mesme, avec quelques autres assez bien moulées sur les antiques de Rome + . Le grand 227berceau de fer est remarquable à cause de sa hauteur & qu’il est le premier que l’on ait fait de cette sorte. Il ne faut pas oublier la chapelle, où il y a un tableau d’Albert Durer que l’on estime beaucoup, & quelques copies des sacremens du fameux Poussin. Voilà en gros ce qu’il y a de remarquable, sans parler des meubles qui estoient fort propres pendant la vie du maître, qui passoit pour un des hommes du royaume des plus curieux & du meilleur discernement.

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- sont ensuite. Le cardinal Mazarin en a esté le principal fondateur, leur aïant laissé en mourant une grosse somme d’argent pour bâtir leur église, qui a esté commencée avec beaucoup de dépence, mais qui est demeurée imparfaite à cause que l’entreprise alloit bien plus haut que le legs que l’on leur avoit fait. Ces pères sont les seuls de cet ordre qu’il y ait en France, & le cardinal Mazarin a esté le premier qui les a fait venir d’Italie. -

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sont ensuite. Le cardinal Mazarin en a esté le principal fondateur, leur aïant laissé en mourant une grosse somme d’argent pour bâtir leur église, qui a esté commencée avec beaucoup de dépence, mais qui est demeurée imparfaite à cause que l’entreprise alloit bien plus haut que le legs que l’on leur avoit fait. Ces pères sont les seuls de cet ordre qu’il y ait en France, & le cardinal Mazarin a esté le premier qui les a fait venir d’Italie.

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La dernière maison que l’on a à voir dans cette suite, aussi sur le bord de l’eau, est :

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La dernière maison que l’on a à voir dans cette suite, aussi sur le bord de l’eau, est :

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- , que l’on bâtit encore, qui sera très commode & très agréable puisque les veues en sont étendues sur les Tuilleries & sur le cours de la Reine, qui sont les plus belles promenades de Paris.

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, que l’on bâtit encore, qui sera très commode & très agréable puisque les veues en sont étendues sur les Tuilleries & sur le cours de la Reine, qui sont les plus belles promenades de Paris.

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- est de l’autre côté de la rivière, au bout des Tuilleries. Il a esté planté de quatre rangées d’arbres comme il est par les soins de Marie de Médicis, qui donna au public cette agréable promenade. Le maréchal de Bassompierre a fait revêtir de pierre de taille toute la longueur du côté de la rivière. Il est long d’un stade romain & à ses extrémitez il y a des portes de fer soutenues de quelques ouvrages de maçonnerie rustique qui font un très bel effet. Cette promenade est d’autant plus agréable qu’elle est située sur le bord de la rivière, qui lui donne une fraîcheur qui attire - 229en esté tout ce qu’il y a de beau monde dans Paris. On y conte souvent jusqu’à sept ou huit cens carosses qui se promènent dans le plus bel ordre du monde & sans s’embarrasser l’un l’autre en aucune manière.

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Voilà les principales choses que l’on peut remarquer dans le quartier du faux-bourg Saint-Germain. Il y peut encore avoir quelques autres raretez assez singulières, mais comme elles se trouvent chez des particuliers qui ne se soucient pas que l’on le sçache, l’on a jugé à propos de n’en rien dire, pour les obliger & pour épargner la peine aux curieux d’aller demander à les voir, avec le hazard peut-estre d’estre refusez.

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est de l’autre côté de la rivière, au bout des Tuilleries. Il a esté planté de quatre rangées d’arbres comme il est par les soins de Marie de Médicis, qui donna au public cette agréable promenade. Le maréchal de Bassompierre a fait revêtir de pierre de taille toute la longueur du côté de la rivière. Il est long d’un stade romain & à ses extrémitez il y a des portes de fer soutenues de quelques ouvrages de maçonnerie rustique qui font un très bel effet. Cette promenade est d’autant plus agréable qu’elle est située sur le bord de la rivière, qui lui donne une fraîcheur qui attire 229en esté tout ce qu’il y a de beau monde dans Paris. On y conte souvent jusqu’à sept ou huit cens carosses qui se promènent dans le plus bel ordre du monde & sans s’embarrasser l’un l’autre en aucune manière.

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Voilà les principales choses que l’on peut remarquer dans le quartier du faux-bourg Saint-Germain. Il y peut encore avoir quelques autres raretez assez singulières, mais comme elles se trouvent chez des particuliers qui ne se soucient pas que l’on le sçache, l’on a jugé à propos de n’en rien dire, pour les obliger & pour épargner la peine aux curieux d’aller demander à les voir, avec le hazard peut-estre d’estre refusez.

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- - - L’isle du Palais - + + L’isle du Palais

- Voici enfin le dernier quartier qui nous reste à décrire, quoique selon l’histoire & selon l’antiquité ce fût le premier dont on devoit parler ; mais on n’a pas jugé à propos de le faire pour des raisons que l’on a alléguées au commencement de ce livre. Autrefois, toute la ville de Paris consistoit seulement dans l’espace qui se trouve entre les deux bras de la Seine. Aussi a-t-il encore retenu son ancien nom de Cité. C’est le quartier le plus peuplé & en mesme temps le plus incommode, à cause de la confusion des maisons fort hautes, la plupart - 231qui rendent les rues étroites & obscures.

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Ce qu’il y a de plus remarquable sont quelques églises & le Palais, où le Parlement tient son siège.

+ Voici enfin le dernier quartier qui nous reste à décrire, quoique selon l’histoire & selon l’antiquité ce fût le premier dont on devoit parler ; mais on n’a pas jugé à propos de le faire pour des raisons que l’on a alléguées au commencement de ce livre. Autrefois, toute la ville de Paris consistoit seulement dans l’espace qui se trouve entre les deux bras de la Seine. Aussi a-t-il encore retenu son ancien nom de Cité. C’est le quartier le plus peuplé & en mesme temps le plus incommode, à cause de la confusion des maisons fort hautes, la plupart 231qui rendent les rues étroites & obscures.

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Ce qu’il y a de plus remarquable sont quelques églises & le Palais, où le Parlement tient son siège.

- - L’église de Notre-Dame - + L’église de Notre-Dame

- Cette église est la cathédrale de Paris & le siège d’un archevêché qui a esté érigé sous le pontificat du pape Urbain VIII en l’année 1622. Ce n’estoit auparavant qu’un évêché, mais très ancien, puisque saint Denis, qui vivoit peu de temps après les Apôtres, en a esté le fondateur. Cette église, dans les premiers siècles catholiques, fut nommée par les Chrétiens du nom de ce saint, son fondateur. Mais aïant esté rebâtie sous le règne de Childebert, premier fils de Clovis, environ vers l’année 522, elle fut dédiée à la Sainte Vierge, dont elle a toujours conservé le nom. Le roi Robert, un des plus pieux & des plus sages que la - 232France ait eu, voïant que l’ancien bâtiment n’avoit pas toute la beauté & toute la magnificence qu’il pouvoit avoir, en entreprit un nouveau. Mais comme le dessein estoit d’une fort grande entreprise, l’on n’en pût voir la fin que plusieurs années après. Il falut que Henri premier, son fils ; Philippes premier ; Louis le Gros ; Louis le Jeune ; & Philippe Auguste, ses successeurs, y donnassent leurs soins ; si bien qu’elle fut achevée sous le règne glorieux de ce dernier, comme il le faut présumer à cause qu’il est représenté le dernier des vingt-quatre qui sont dans la suite sur le grand frontispice.

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L’ouvrage de cette église est d’une manière gotique des plus belles & des mieux entendues qu’il y ait en France. Elle est très remarquable à cause de sa grandeur & de sa solidité. Les voûtes sont fort élevées & ont dix-sept toises de hauteur. La largeur est de vingt-quatre & la longueur de soixante & cinq. Les - 233deux grosses tours quarrées qui sont sur le devant sont de trente-quatre toises, dont le dessus est en terrasse, ce qui fait que de ce lieu-là on peut commodément découvrir tout Paris. Les cloches qui sont dans ces tours sont fort belles & depuis peu la grosse a esté fondue, pour laquelle le chapitre a fait une dépence très considérable, quoiqu’elle n’ait pas pour cela le son fort agréable. Tout le corps de l’église est couvert de plomb & il est aisé de juger quelle prodigieuse quantité il en a falu pour couvrir un si grand toit.

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Pour ce qui est du dedans de l’église, les curieux qui aiment la peinture trouveront de quoi se satisfaire, en considérant les grands tableaux dont tous les piliers sont garnis. Ceux qui sont dans le chœur sont beaucoup plus beaux que les autres. Il y en a deux de M. Le Brun, un qui représente le crucifiment de saint Pierre & l’autre le martyre de saint Estienne ; un de Le Sueur, qui - 234fait voir saint Paul au milieu d’une place publique faisant mettre au feu des livres de magie devant la porte du Temple, dont le portique est soutenu de colonnes. On doit regarder ce tableau comme une des plus belles choses que l’on puisse voir, à cause qu’il est de la meilleure manière de cet excellent maître, qui au sentiment de quelques habiles, est estimé le second des peintres françois de ce siècle-ci, après le fameux Poussin. Tous les ans, le premier jour du mois de may, les Orfèvres en font présent d’un, & l’on se sert de quelque peintre renommé, qui est bien aise de se faire connoître & d’acquérir de la réputation. Mais cette année cette coutume a esté interrompue, quoique cependant on espère que dans la suite ce sera la mesme chose. Il est peu d’églises cathédrales en Europe où le service divin se fasse avec plus d’exactitude & plus de révérence. Le chapitre est composé de cinquante chanoines, entre les - 235quels il y en a d’illustres par leur mérite.

+ Cette église est la cathédrale de Paris & le siège d’un archevêché qui a esté érigé sous le pontificat du pape Urbain VIII en l’année 1622. Ce n’estoit auparavant qu’un évêché, mais très ancien, puisque saint Denis, qui vivoit peu de temps après les Apôtres, en a esté le fondateur. Cette église, dans les premiers siècles catholiques, fut nommée par les Chrétiens du nom de ce saint, son fondateur. Mais aïant esté rebâtie sous le règne de Childebert, premier fils de Clovis, environ vers l’année 522, elle fut dédiée à la Sainte Vierge, dont elle a toujours conservé le nom. Le roi Robert, un des plus pieux & des plus sages que la 232France ait eu, voïant que l’ancien bâtiment n’avoit pas toute la beauté & toute la magnificence qu’il pouvoit avoir, en entreprit un nouveau. Mais comme le dessein estoit d’une fort grande entreprise, l’on n’en pût voir la fin que plusieurs années après. Il falut que Henri premier, son fils ; Philippes premier ; Louis le Gros ; Louis le Jeune ; & Philippe Auguste, ses successeurs, y donnassent leurs soins ; si bien qu’elle fut achevée sous le règne glorieux de ce dernier, comme il le faut présumer à cause qu’il est représenté le dernier des vingt-quatre qui sont dans la suite sur le grand frontispice.

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L’ouvrage de cette église est d’une manière gotique des plus belles & des mieux entendues qu’il y ait en France. Elle est très remarquable à cause de sa grandeur & de sa solidité. Les voûtes sont fort élevées & ont dix-sept toises de hauteur. La largeur est de vingt-quatre & la longueur de soixante & cinq. Les 233deux grosses tours quarrées qui sont sur le devant sont de trente-quatre toises, dont le dessus est en terrasse, ce qui fait que de ce lieu-là on peut commodément découvrir tout Paris. Les cloches qui sont dans ces tours sont fort belles & depuis peu la grosse a esté fondue, pour laquelle le chapitre a fait une dépence très considérable, quoiqu’elle n’ait pas pour cela le son fort agréable. Tout le corps de l’église est couvert de plomb & il est aisé de juger quelle prodigieuse quantité il en a falu pour couvrir un si grand toit.

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Pour ce qui est du dedans de l’église, les curieux qui aiment la peinture trouveront de quoi se satisfaire, en considérant les grands tableaux dont tous les piliers sont garnis. Ceux qui sont dans le chœur sont beaucoup plus beaux que les autres. Il y en a deux de M. Le Brun, un qui représente le crucifiment de saint Pierre & l’autre le martyre de saint Estienne ; un de Le Sueur, qui 234fait voir saint Paul au milieu d’une place publique faisant mettre au feu des livres de magie devant la porte du Temple, dont le portique est soutenu de colonnes. On doit regarder ce tableau comme une des plus belles choses que l’on puisse voir, à cause qu’il est de la meilleure manière de cet excellent maître, qui au sentiment de quelques habiles, est estimé le second des peintres françois de ce siècle-ci, après le fameux Poussin. Tous les ans, le premier jour du mois de may, les Orfèvres en font présent d’un, & l’on se sert de quelque peintre renommé, qui est bien aise de se faire connoître & d’acquérir de la réputation. Mais cette année cette coutume a esté interrompue, quoique cependant on espère que dans la suite ce sera la mesme chose. Il est peu d’églises cathédrales en Europe où le service divin se fasse avec plus d’exactitude & plus de révérence. Le chapitre est composé de cinquante chanoines, entre les 235quels il y en a d’illustres par leur mérite.

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, chantre & chanoine, est connu entre les autres pour un homme d’une probité & d’une exactitude à l’office tout à fait extraordinaire, & qui joint un très rare mérite à un sçavoir tout à fait profond. Il a mis au jour plusieurs ouvrages, dont quelques uns sont déjà fort rares. Voici les principaux :

+ Traité historique des écoles épiscopales, 1678 ; - Traité historique des écoles épiscopales, 1678 ; - - Propositions chrétiennes pour le soulagement des pauvres, 1652 ; + Propositions chrétiennes pour le soulagement des pauvres, 1652 ; Voyage fait à <placeName xml:id="gdpBrice1684d1e17052">Munster</placeName> en 1646 ; Traduction des deux livres de l’état du mariage, composez par <persName xml:id="gdpBrice1684d1e17059">François Barbaro</persName>, noble vénitien ; - Instruction chrétienne pour les Financiers, 1667 ; + Instruction chrétienne pour les Financiers, 1667 ; Avis chrétiens & moraux pour l’institution des enfans ; La veuve chrétienne dédiée a la reine mère défunte ; - + 236 Divers opuscules tirez des mémoires de <persName xml:id="gdpBrice1684d1e17084">M. Antoine Loisel</persName>, avocat en parlement, son ayeul maternel ; - De Verbis Usuardi quæ in Martyrologio Ecclesiæ Parisiensis referuntur in Festo Assumptionis B. Mariæ Virginis, in-12, 1662 ; + De Verbis Usuardi quæ in Martyrologio Ecclesiæ Parisiensis referuntur in Festo Assumptionis B. Mariæ Virginis, in-12, 1662 ; - Traditio antiqua Ecclesiarum Franciæ seu totius Imperii Occidentalis, quæ in ipsius Martyrologio ad Festum Assumptionis B. Mariæ Virginis referuntur vindicata, 1672. + Traditio antiqua Ecclesiarum Franciæ seu totius Imperii Occidentalis, quæ in ipsius Martyrologio ad Festum Assumptionis B. Mariæ Virginis referuntur vindicata, 1672. -

On lui en attribue encore quelques autres dont voici les titres :

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On lui en attribue encore quelques autres dont voici les titres :

Recueil de maximes véritables & importantes pour l’institution du roi ; - Codicille d’or ou petit recueil tiré de l’institution du prince chrétien, composé par <persName xml:id="gdpBrice1684d1e17116">Érasme</persName>, mis en françois sous <persName xml:id="gdpBrice1684d1e17119">le roi François I</persName>, & à présent pour la deuxième fois, avec d’autres petites pièces, 1665, in-12 ; + Codicille d’or ou petit recueil tiré de l’institution du prince chrétien, composé par <persName xml:id="gdpBrice1684d1e17116">Érasme</persName>, mis en françois sous <persName xml:id="gdpBrice1684d1e17119">le roi François I</persName>, & à présent pour la deuxième fois, avec d’autres petites pièces, 1665, in-12 ; - Traité de la restitution des Grands, précédé d’une lettre touchant quelques points de la morale chrétienne, 1665, in-12 ; - + Traité de la restitution des Grands, précédé d’une lettre touchant quelques points de la morale chrétienne, 1665, in-12 ; + 237 - De reformandis Horis Canonicis, & ritè constituendis Clericorum muneribus, Consultatio, 1643, in-12. + De reformandis Horis Canonicis, & ritè constituendis Clericorum muneribus, Consultatio, 1643, in-12. -

Ce dernier volume est tout à fait curieux.

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Il a compilé les œuvres de messire Guy Coquille, qui contiennent plusieurs traitez très curieux touchant les libertez de l’Église gallicane, en deux volumes in-folio.

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Il avoit une nombreuse bibliotèque qu’il a donnée au chapitre depuis deux ans, à condition qu’elle seroit publique & que toutes sortes de personnes y pourroient venir étudier librement. Elle est à présent dans une maison du cloître, derrière le puits à côté de l’église, & dans quelque temps on pourra la voir considérablement augmentée, parce qu’il y a d’autres chanoines qui promettent de donner leurs livres.

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II faut remarquer que les chanoines se levent à minuit pour aller à matines, qui se disent encore à cette heure selon l’ancien usage de l’Église. Il y a - 238des anciens parmi ces messieurs qui depuis trente ou quarante ans n’y ont pas manqué une seule fois, & cette église est presque la seule du roïaume qui ait conservé religieusement cette pieuse coutume ; quelque pénible qu’elle soit, surtout en hyver. Les canonicats ne sont pas d’un fort gros revenu, cependant ils sont fort courus à cause qu’ils sont honorables.

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L’on y peut voir les jours des festes des ornemens assez beaux. La grande argenterie est des mieux travaillée. Elle est composée de six grands chandeliers & d’une croix de l’ouvrage de monsieur Baslin. Sur les colonnes de cuivre derrière le grand autel est la châsse de saint Marcel, un des premiers évêques de Paris. Elle est de vermeil doré, garnie de pierreries & d’émaux d’une très belle couleur. Le jour de la Pentecoste, on expose un ornement de satin cramoisi, dont toute la broderie est de perles, parmi lesquelles il y en a de fort grosses. C’est un présent de la - 239reine Isabeau de Bavière, femme de Charles VI, qui le fit pour obtenir de Dieu la guérison de son mari, qui estoit affligé d’une fâcheuse maladie. La belle tapisserie que l’on tend les jours de grandes festes, qui représente la vie de la Sainte Vierge, est un présent de M. Le Masle, prieur des Roches, chantre de cette église & secrétaire du cardinal de Richelieu ; le mesme qui a donné sa bibliotèque à la Sorbonne. La statue que l’on voit sur un pilier à côté du grand autel à main gauche est celle de Philippe Auguste, dont la femme est enterrée dans le chœur ; aussi bien qu’un fils de Louis le Gros, qui ne voulut point estre évêque de cette église pour ne point empescher par sa promotion que le fameux Pierre Lombard ne fût élu en sa place. La tombe de cuivre proche la porte du chœur, élevée environ d’un pié, est d’un nommé Odo de Sulli, évêque de Paris, qui mourut en 1208 pendant le pontificat duquel l’église fut achevée, & - 240qui vivoit sous le règne de Philippe Auguste.

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Dans les chapelles derrière le chœur il y a encore quelques tombeaux, dont les plus considérables sont de messieurs de Gondi, originaires d’Italie, qui vinrent en France avec Catherine de Médicis ; le cardinal de Retz, mort depuis trois ans, abbé de Saint-Denis, qui avoit esté archevêque de Paris, estoit le deuxième cardinal de cette famille. La chapelle de la Vierge qui est à côté de la porte du chœur est ornée de plusieurs lampes d’argent & de quantité d’autres belles offrandes que l’on y a faites. Depuis quelques années, on a mis devant le grand autel la grosse lampe d’argent que la feue reine mère a donnée, qui pèse six vingt marcs, & qui a cinq piez de diamètre. Cette chapelle de la Vierge estoit autrefois nommée la chapelle des Paresseux à cause que l’on y disoit des messes fort tard pour la commodité de ceux - 241qui ont de la peine à se lever matin. Elle estoit la seule de Paris qui eust ce privilège, contre la coutume des siècles passez qui défendoit de la dire dix heures passées. Vis-à-vis est la statue à cheval de Philippe de Valois, armé & caparassonné comme l’on l’estoit de son temps. Il est representé tel qu’il estoit lorsqu’il entra dans cette église pour y venir rendre grâces à la Sainte Vierge du succès d’une bataille qu’il gagna contre les Flamands proche de Castel, qui fut si sanglante qu’il y eut vingt-deux mille ennemis morts sur la place. Le grand tableau tout proche, qui représente Louis XIII à genou en manteau roïal, aux piez d’un Christ détaché de la croix, est un vœu que ce roi fit dans une dangereuse maladie qu’il eut. On ne dira rien en particulier des chapelles qui règnent tout autour de la nef, qui sont toutes très bien boisées & assez bien peintes ; non plus que des galeries qui sont sur les ailes, où il - 242peut tenir un grand nombre de personnes. Ce seroit s’engager dans un trop grand détail. On dira seulement que Paul Æmile, fameux historien, est enterré en cette église du côté du septentrion, mais on ne sçait pas précisément l’endroit. Voici cependant son épitaphe que l’on pouvoit lire il n’y a pas longtemps :

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- Paulus Æmilius Veronensis, hujus Ecclesiæ Canonicus, qui præter eximiam vitæ sanctitatem, quantâ quoque doctrinâ præstiterit, judex atque testis erit Historia de rebus gestis Francorum, posteris ab eadem edita.

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- Obiit A. P. 1529 die 5 mensis Maii.

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Ce dernier volume est tout à fait curieux.

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Il a compilé les œuvres de messire Guy Coquille, qui contiennent plusieurs traitez très curieux touchant les libertez de l’Église gallicane, en deux volumes in-folio.

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Il avoit une nombreuse bibliotèque qu’il a donnée au chapitre depuis deux ans, à condition qu’elle seroit publique & que toutes sortes de personnes y pourroient venir étudier librement. Elle est à présent dans une maison du cloître, derrière le puits à côté de l’église, & dans quelque temps on pourra la voir considérablement augmentée, parce qu’il y a d’autres chanoines qui promettent de donner leurs livres.

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II faut remarquer que les chanoines se levent à minuit pour aller à matines, qui se disent encore à cette heure selon l’ancien usage de l’Église. Il y a 238des anciens parmi ces messieurs qui depuis trente ou quarante ans n’y ont pas manqué une seule fois, & cette église est presque la seule du roïaume qui ait conservé religieusement cette pieuse coutume ; quelque pénible qu’elle soit, surtout en hyver. Les canonicats ne sont pas d’un fort gros revenu, cependant ils sont fort courus à cause qu’ils sont honorables.

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L’on y peut voir les jours des festes des ornemens assez beaux. La grande argenterie est des mieux travaillée. Elle est composée de six grands chandeliers & d’une croix de l’ouvrage de monsieur Baslin. Sur les colonnes de cuivre derrière le grand autel est la châsse de saint Marcel, un des premiers évêques de Paris. Elle est de vermeil doré, garnie de pierreries & d’émaux d’une très belle couleur. Le jour de la Pentecoste, on expose un ornement de satin cramoisi, dont toute la broderie est de perles, parmi lesquelles il y en a de fort grosses. C’est un présent de la 239reine Isabeau de Bavière, femme de Charles VI, qui le fit pour obtenir de Dieu la guérison de son mari, qui estoit affligé d’une fâcheuse maladie. La belle tapisserie que l’on tend les jours de grandes festes, qui représente la vie de la Sainte Vierge, est un présent de M. Le Masle, prieur des Roches, chantre de cette église & secrétaire du cardinal de Richelieu ; le mesme qui a donné sa bibliotèque à la Sorbonne. La statue que l’on voit sur un pilier à côté du grand autel à main gauche est celle de Philippe Auguste, dont la femme est enterrée dans le chœur ; aussi bien qu’un fils de Louis le Gros, qui ne voulut point estre évêque de cette église pour ne point empescher par sa promotion que le fameux Pierre Lombard ne fût élu en sa place. La tombe de cuivre proche la porte du chœur, élevée environ d’un pié, est d’un nommé Odo de Sulli, évêque de Paris, qui mourut en 1208 pendant le pontificat duquel l’église fut achevée, & 240qui vivoit sous le règne de Philippe Auguste.

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Dans les chapelles derrière le chœur il y a encore quelques tombeaux, dont les plus considérables sont de messieurs de Gondi, originaires d’Italie, qui vinrent en France avec Catherine de Médicis ; le cardinal de Retz, mort depuis trois ans, abbé de Saint-Denis, qui avoit esté archevêque de Paris, estoit le deuxième cardinal de cette famille. La chapelle de la Vierge qui est à côté de la porte du chœur est ornée de plusieurs lampes d’argent & de quantité d’autres belles offrandes que l’on y a faites. Depuis quelques années, on a mis devant le grand autel la grosse lampe d’argent que la feue reine mère a donnée, qui pèse six vingt marcs, & qui a cinq piez de diamètre. Cette chapelle de la Vierge estoit autrefois nommée la chapelle des Paresseux à cause que l’on y disoit des messes fort tard pour la commodité de ceux 241qui ont de la peine à se lever matin. Elle estoit la seule de Paris qui eust ce privilège, contre la coutume des siècles passez qui défendoit de la dire dix heures passées. Vis-à-vis est la statue à cheval de Philippe de Valois, armé & caparassonné comme l’on l’estoit de son temps. Il est representé tel qu’il estoit lorsqu’il entra dans cette église pour y venir rendre grâces à la Sainte Vierge du succès d’une bataille qu’il gagna contre les Flamands proche de Castel, qui fut si sanglante qu’il y eut vingt-deux mille ennemis morts sur la place. Le grand tableau tout proche, qui représente Louis XIII à genou en manteau roïal, aux piez d’un Christ détaché de la croix, est un vœu que ce roi fit dans une dangereuse maladie qu’il eut. On ne dira rien en particulier des chapelles qui règnent tout autour de la nef, qui sont toutes très bien boisées & assez bien peintes ; non plus que des galeries qui sont sur les ailes, où il 242peut tenir un grand nombre de personnes. Ce seroit s’engager dans un trop grand détail. On dira seulement que Paul Æmile, fameux historien, est enterré en cette église du côté du septentrion, mais on ne sçait pas précisément l’endroit. Voici cependant son épitaphe que l’on pouvoit lire il n’y a pas longtemps :

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Paulus Æmilius Veronensis, hujus Ecclesiæ Canonicus, qui præter eximiam vitæ sanctitatem, quantâ quoque doctrinâ præstiterit, judex atque testis erit Historia de rebus gestis Francorum, posteris ab eadem edita.

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Obiit A. P. 1529 die 5 mensis Maii.

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- Dans la sacristie on voit un très beau bust du cardinal de Richelieu fait par le cavalier Bernin, que la duchesse d’Aiguillon a donné par testament.

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Dans la sacristie on voit un très beau bust du cardinal de Richelieu fait par le cavalier Bernin, que la duchesse d’Aiguillon a donné par testament.

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- est au côté méridional de l’église & sur le bord de la Seine. La maison n’est pas des plus belles au dehors, mais les dedans en sont fort commodes & fort - 243propres. Il y a de très beaux meubles & un cabinet de livres qui sont des mieux choisis. Le jardin est petit & il ne consiste qu’en une ou deux allées le long de la rivière.

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est au côté méridional de l’église & sur le bord de la Seine. La maison n’est pas des plus belles au dehors, mais les dedans en sont fort commodes & fort 243propres. Il y a de très beaux meubles & un cabinet de livres qui sont des mieux choisis. Le jardin est petit & il ne consiste qu’en une ou deux allées le long de la rivière.

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Derrière l’église de Nostre-Dame, il y en a une petite fort ancienne que l’on nomme

Derrière l’église de Nostre-Dame, il y en a une petite fort ancienne que l’on nomme , à cause du premier martyre que l’on y fit souffrir à ce saint, qui fut mis en cet endroit dans un four chaud, dont il fut délivré miraculeusement.

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où demeurent les chanoines est enfermé dans une enceinte de murailles antiques où ces chanoines ont leurs logemens particuliers. Autrefois, lorsqu’ils vivoient en communauté comme des religieux, il n’estoit pas permis aux femmes d’y demeurer, mais depuis aïant esté sécularisez, ils se sont logez séparément & il a esté permis à ceux qui en avoient de reste d’en relouer, ce qui a introduit toutes sortes de personnes dans ce lieu.

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- , si connu des gens de lettres par tous les beaux - 244ouvrages qu’il a composez, demeure en cet endroit. Tous les mercredis, on s’assemble chez lui pour discourir des sciences & sa maison est ouverte à tous ceux qui font profession des lettres.

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Voilà tout ce qu’il y a de plus remarquable dans ce cloître qui est joint à l’iste Nostre-Dame par un pont de bois qui lui en donne la communication. Delà on passe devant :

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, si connu des gens de lettres par tous les beaux 244ouvrages qu’il a composez, demeure en cet endroit. Tous les mercredis, on s’assemble chez lui pour discourir des sciences & sa maison est ouverte à tous ceux qui font profession des lettres.

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Voilà tout ce qu’il y a de plus remarquable dans ce cloître qui est joint à l’iste Nostre-Dame par un pont de bois qui lui en donne la communication. Delà on passe devant :

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- . Cet hôpital est le premier & le plus grand de tout Paris. On y reçoit indifféremment tous les pauvres malades & l’on en conte quelquefois jusqu’à quatre mille, qui sont traitez & nourris avec un très grand soin. Ils sont servis par des religieuses de l’ordre de saint Augustin, dont la règle est d’autant plus austère qu’elles passent toute leur vie dans cet exercice, qui ne se peut soutenir que par une vertu & une patience admirable, à cause de toutes les incommoditez qu’il - 245leur faut essuyer auprès de ces pauvres malades, que la misère & les maux qu’ils souffrent rendent également chagrins & insuportables. Cet hôpital possède de très grands revenus & tous les ans ils augmentent à cause des dons que l’on y fait. Le bâtiment n’a rien de beau & mesme il est fort incommode, à cause qu’il est fort reserré & que l’espace où il se trouve est borné de tous les côtez. On a mesme esté obligé de l’étendre sur la rivière & de bâtir une grande salle sur une voûte fort longue, sous laquelle l’eau coule. Quoiqu’il y ait un très grand nombre de lits, ils ne suffisent pas à la quantité des malades que l’on y porte tous les jours, & souvent on est obligé d’en mettre trois ou quatre dans un mesme. II y a des salles séparées où l’on met ceux qui sont attaquez de pareilles maladies, afin d’empescher que le mal ne se communique. La salle qui est du côté du Petit Pont, dont le dehors est orné de figu - 246res, a esté fondée par le cardinal Antoine du Prat, chancelier de France & légat du Saint Siège, environ l’an 1535. On croit que la première fondation de ce grand hôpital a esté faite par saint Landri, vingt-huitième évêque de Paris, qui vivoit sous Clovis second en l’année 660. Dans les premiers siècles, par une louable coutume, les évêques estoient obligez de nourrir & de loger les pauvres, comme estant les dispensateurs & dépositaires de leurs biens. C’est pour cela que l’on bâtissoit les hôpitaux proche de leurs églises cathédrales, afin qu’ils en fussent les principaux administrateurs. Mesme encore à présent monsieur l’archevêque est le chef de la direction de l’Hôtel-Dieu, avec monsieur le premier président & monsieur le procureur général. Les chanoines de Nostre-Dame en ont conservé la direction pour le spirituel.

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- Saint Louis, au raport de Guillaume de Nangis, qui a composé une hi - 247stoire de France que l’on estime assez, fit de très grands biens à cet hôpital & en augmenta considérablement les revenus. Henri IV en a fait autant, aïant donné de quoi bâtir une des plus belles salles, qui est celle de Saint-Thomas, élevée sur un pont de pierres très solides, qui fut achevé en 1602. C’est une curiosité très édifiante de voir de quelle manière les pauvres sont servis. On y a trouvé quelquefois des princesses faire l’office des plus viles servantes, & de nos jours l’on en a vu une +

. Cet hôpital est le premier & le plus grand de tout Paris. On y reçoit indifféremment tous les pauvres malades & l’on en conte quelquefois jusqu’à quatre mille, qui sont traitez & nourris avec un très grand soin. Ils sont servis par des religieuses de l’ordre de saint Augustin, dont la règle est d’autant plus austère qu’elles passent toute leur vie dans cet exercice, qui ne se peut soutenir que par une vertu & une patience admirable, à cause de toutes les incommoditez qu’il 245leur faut essuyer auprès de ces pauvres malades, que la misère & les maux qu’ils souffrent rendent également chagrins & insuportables. Cet hôpital possède de très grands revenus & tous les ans ils augmentent à cause des dons que l’on y fait. Le bâtiment n’a rien de beau & mesme il est fort incommode, à cause qu’il est fort reserré & que l’espace où il se trouve est borné de tous les côtez. On a mesme esté obligé de l’étendre sur la rivière & de bâtir une grande salle sur une voûte fort longue, sous laquelle l’eau coule. Quoiqu’il y ait un très grand nombre de lits, ils ne suffisent pas à la quantité des malades que l’on y porte tous les jours, & souvent on est obligé d’en mettre trois ou quatre dans un mesme. II y a des salles séparées où l’on met ceux qui sont attaquez de pareilles maladies, afin d’empescher que le mal ne se communique. La salle qui est du côté du Petit Pont, dont le dehors est orné de figu 246res, a esté fondée par le cardinal Antoine du Prat, chancelier de France & légat du Saint Siège, environ l’an 1535. On croit que la première fondation de ce grand hôpital a esté faite par saint Landri, vingt-huitième évêque de Paris, qui vivoit sous Clovis second en l’année 660. Dans les premiers siècles, par une louable coutume, les évêques estoient obligez de nourrir & de loger les pauvres, comme estant les dispensateurs & dépositaires de leurs biens. C’est pour cela que l’on bâtissoit les hôpitaux proche de leurs églises cathédrales, afin qu’ils en fussent les principaux administrateurs. Mesme encore à présent monsieur l’archevêque est le chef de la direction de l’Hôtel-Dieu, avec monsieur le premier président & monsieur le procureur général. Les chanoines de Nostre-Dame en ont conservé la direction pour le spirituel.

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Saint Louis, au raport de Guillaume de Nangis, qui a composé une hi 247stoire de France que l’on estime assez, fit de très grands biens à cet hôpital & en augmenta considérablement les revenus. Henri IV en a fait autant, aïant donné de quoi bâtir une des plus belles salles, qui est celle de Saint-Thomas, élevée sur un pont de pierres très solides, qui fut achevé en 1602. C’est une curiosité très édifiante de voir de quelle manière les pauvres sont servis. On y a trouvé quelquefois des princesses faire l’office des plus viles servantes, & de nos jours l’on en a vu une La duchesse de Nemours, mère de Madame Roïale & de la reine de Portugal défunte. mourir d’une maladie qu’elle y avoit gagnée en donnant un bouillon à un pauvre malade de la petite vérole.

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- On voit, vis-à-vis la principale porte à l’entrée du parvis de Nostre-Dame, une grande statue de pierre fort haute qui représente un homme tenant une boëte à sa main & un serpent à côté de lui. On croit que c’est la statue d’Esculape, dieu des - 248Médecins, que l’on présume avoir eu quelque temple en cet endroit.

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On voit, vis-à-vis la principale porte à l’entrée du parvis de Nostre-Dame, une grande statue de pierre fort haute qui représente un homme tenant une boëte à sa main & un serpent à côté de lui. On croit que c’est la statue d’Esculape, dieu des 248Médecins, que l’on présume avoir eu quelque temple en cet endroit.

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Sur la fontaine qui est derrière cette statue, ces vers sont gravés :

- - - Qui sitis, huc tendas desunt si forte liquores, - Progredere, Æternas Diva paravit aquas. - - -

Tout ce quartier est rempli d’églises qui, à la vérité, sont petites mais très anciennes. En voici les noms :

+ + Qui sitis, huc tendas desunt si forte liquores, + Progredere, Æternas Diva paravit aquas. + +

Tout ce quartier est rempli d’églises qui, à la vérité, sont petites mais très anciennes. En voici les noms :

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- , à côté de l’église de Nostre-Dame, qui est la paroisse du cloître.

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, à côté de l’église de Nostre-Dame, qui est la paroisse du cloître.

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, vis-à-vis la mesme église.

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- , que l’on nomme ainsi à cause d’un miracle fameux qui se fit par l’intercession de cette sainte, dans une procession où l’on portoit sa châsse à Nostre-Dame pour obtenir la gué - 249rison d’une maladie épidémique que l’on nommoit les ardens, à cause que ceux qui en estoient affligez se sentoient enflâmez d’une ardeur qu’aucun remède ne pouvoir éteindre. Ce miracle arriva pendant le règne de Louis VI, en l’année 1130, sous le pontificat du pape Innocent II. Pour en conserver une mémoire perpétuelle on bâtit cette église, qui n’estoit au commencement qu’une fort petite chapelle & qui par la suite des temps est devenue une paroisse qui a fort peu d’étendue.

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, que l’on nomme ainsi à cause d’un miracle fameux qui se fit par l’intercession de cette sainte, dans une procession où l’on portoit sa châsse à Nostre-Dame pour obtenir la gué 249rison d’une maladie épidémique que l’on nommoit les ardens, à cause que ceux qui en estoient affligez se sentoient enflâmez d’une ardeur qu’aucun remède ne pouvoir éteindre. Ce miracle arriva pendant le règne de Louis VI, en l’année 1130, sous le pontificat du pape Innocent II. Pour en conserver une mémoire perpétuelle on bâtit cette église, qui n’estoit au commencement qu’une fort petite chapelle & qui par la suite des temps est devenue une paroisse qui a fort peu d’étendue.

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, où l’on fait toucher les bestes d’une clef ardente pour empescher qu’elles ne deviennent enragées.

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, la paroisse de l’archevêché, au curé de laquelle on renvoie les mariages par sentence de l’officialité.

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- , où ce grand apôtre de la France, se - 250lon quelque opinion particulière, chargé de chaînes, fut mis autrefois dans un cachot obscur, lorsqu’il vint apporter la foy & la lumière de l’Évangile en France. La reine mère défunte, dont la piété s’étendoit en divers lieux, en a fait réparer l’autel & a fait mettre les figures qui y sont, qui représentent un miracle arrivé à ce saint lorsqu’il estoit enfermé dans ce lieu. Elles sont de M. Anguerre. Cette église est un prieuré de l’ordre de saint Benoist possédé par M. l’abbé Testu de l’Académie françoise. Fort proche est l’église de :

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, où ce grand apôtre de la France, se 250lon quelque opinion particulière, chargé de chaînes, fut mis autrefois dans un cachot obscur, lorsqu’il vint apporter la foy & la lumière de l’Évangile en France. La reine mère défunte, dont la piété s’étendoit en divers lieux, en a fait réparer l’autel & a fait mettre les figures qui y sont, qui représentent un miracle arrivé à ce saint lorsqu’il estoit enfermé dans ce lieu. Elles sont de M. Anguerre. Cette église est un prieuré de l’ordre de saint Benoist possédé par M. l’abbé Testu de l’Académie françoise. Fort proche est l’église de :

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. On prétend que cette église est une des anciennes de Paris & que pour cette raison elle est exemte de faire des processions comme les autres. Il y a une confrairie qui estoit autrefois en si grande réputation que les plus grands seigneurs s’en mettoient, à l’exemple des rois & des princes du sang. Les autres paroisses sont :

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- , dont le grand autel est d’une belle menuiserie ornée de colonnes corinthiennes de marbre noir, avec un tableau qui représente le baptême de Nostre Seigneur peint par Stella, qui estoit un excellent maître. Cette église estoit autrefois dédiée à saint Jean Baptiste avant que l’on y mît en dépôt les reliques de saint Germain sous le règne du roi Pépin, de crainte qu’elles ne fussent pillées par les Barbares dans l’abbaïe qui porte son nom, laquelle pour lors estoit hors la ville. Ce roi lui-mesme aida à porter sur ses épaules la châsse de ce saint depuis cet endroit jusqu’à l’abbaïe. En mémoire d’un miracle qui se fit en passant sous le Petit Châtelet, il donna à Saint-Germain la terre de Palaiseau, à six lieues de Paris.

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Plus bas, proche le Palais, sont :

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, dont le grand autel est d’une belle menuiserie ornée de colonnes corinthiennes de marbre noir, avec un tableau qui représente le baptême de Nostre Seigneur peint par Stella, qui estoit un excellent maître. Cette église estoit autrefois dédiée à saint Jean Baptiste avant que l’on y mît en dépôt les reliques de saint Germain sous le règne du roi Pépin, de crainte qu’elles ne fussent pillées par les Barbares dans l’abbaïe qui porte son nom, laquelle pour lors estoit hors la ville. Ce roi lui-mesme aida à porter sur ses épaules la châsse de ce saint depuis cet endroit jusqu’à l’abbaïe. En mémoire d’un miracle qui se fit en passant sous le Petit Châtelet, il donna à Saint-Germain la terre de Palaiseau, à six lieues de Paris.

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Plus bas, proche le Palais, sont :

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- . Ces religieux sont en possession de ce prieuré de - 252puis le commencement de ce siècle. Il appartenoit auparavant à l’ordre de saint Benoist, sous le titre de Saint-Éloy, & les revenus en ont esté réunis à l’archevêché de Paris. Leur église est demeurée imparfaite. La maison qu’ils ont fait élever depuis quatre ou cinq ans leur a coûté plus de cinquante mille écus, mais elle leur estoit très nécessaire car ils n’avoient presque point de logement.

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. Ces religieux sont en possession de ce prieuré de 252puis le commencement de ce siècle. Il appartenoit auparavant à l’ordre de saint Benoist, sous le titre de Saint-Éloy, & les revenus en ont esté réunis à l’archevêché de Paris. Leur église est demeurée imparfaite. La maison qu’ils ont fait élever depuis quatre ou cinq ans leur a coûté plus de cinquante mille écus, mais elle leur estoit très nécessaire car ils n’avoient presque point de logement.

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- , qui est aussi vis-à-vis le Palais, dont elle est la paroisse aussi bien que de tout ce quartier, estoit autrefois de mesme un prieuré de l’ordre de saint Benoist dédié à saint Magloire, que les religieux abandonnèrent pour éviter le tumulte & le bruit, & s’allèrent établir au faux-bourg Saint-Jacques, proche la petite chapelle de Saint-Georges qui leur appartenoit. Cette translation se fit, comme on a déjà dit, sous Louis le Jeune en l’année 1138. Ce bénéfice a esté réuni depuis à l’archevêché & l’église a esté érigée - - 25 - en paroisse, dont le territoire s’étendoit autrefois jusques dans la rue Saint-Denis, & - Saint-Leu-Saint-Gilles en estoit une annexe. L’on a veu un curé qui estoit titulaire de ces deux bénéfices qui depuis ont esté séparez à cause de la grande distance.

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L’église est obscure & mal bâtie. Le grand autel est d’une menuiserie d’un assez joli dessein. Il y a une chapelle à main droite où l’on voit deux tableaux de M. Hérault, l’un représente saint Guillaume & l’autre saint Charles Borromée. Celui qui est à l’autel est de monsieur Loir, c’est une sainte Catherine à genou qui reçoit de la main de l’enfant Jésus un anneau qu’il lui met au doigt. Le reste est peu remarquable.

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, qui est aussi vis-à-vis le Palais, dont elle est la paroisse aussi bien que de tout ce quartier, estoit autrefois de mesme un prieuré de l’ordre de saint Benoist dédié à saint Magloire, que les religieux abandonnèrent pour éviter le tumulte & le bruit, & s’allèrent établir au faux-bourg Saint-Jacques, proche la petite chapelle de Saint-Georges qui leur appartenoit. Cette translation se fit, comme on a déjà dit, sous Louis le Jeune en l’année 1138. Ce bénéfice a esté réuni depuis à l’archevêché & l’église a esté érigée 25 + en paroisse, dont le territoire s’étendoit autrefois jusques dans la rue Saint-Denis, & + Saint-Leu-Saint-Gilles en estoit une annexe. L’on a veu un curé qui estoit titulaire de ces deux bénéfices qui depuis ont esté séparez à cause de la grande distance.

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L’église est obscure & mal bâtie. Le grand autel est d’une menuiserie d’un assez joli dessein. Il y a une chapelle à main droite où l’on voit deux tableaux de M. Hérault, l’un représente saint Guillaume & l’autre saint Charles Borromée. Celui qui est à l’autel est de monsieur Loir, c’est une sainte Catherine à genou qui reçoit de la main de l’enfant Jésus un anneau qu’il lui met au doigt. Le reste est peu remarquable.

- - - Le Palais - + + Le Palais

- Si l’on s’estoit engagé dans ce recueil de parler de l’antiquité des choses qui sont à Paris, on auroit occasion de dire ici bien des particularitez ; mais après tout, l’on ne feroit que répéter ce que - 254plusieurs auteurs en ont déjà dit. Ceux qui auront la curiosité de les apprendre pouront consulter du Tillet, Gilles Corrozet, le père du Breuil dans son Théâtre des antiquités de Paris, M. du Chesne dans ses Antiquitéz des villes, & quelques autres qui ont écrit sur l’histoire de France. Je diray seulement à l’honneur de ceux qui composent ce grand corps, que Pépin, père de Charlemagne, a esté le premier qui l’a institué & qu’il a esté ambulatoire jusques sous le règne de Philippes le Bel qui, au raport de Belleforest, fut le premier qui le rendit sédentaire en abandonnant son propre palais aux officiers de justice. Pour le rendre plus spacieux, il y fit bâtir la plupart des chambres & tout l’ouvrage fut achevé en l’année 1313. Cependant, il est certain qu’il y avoit de grands bâtimens avant ce temps-là, puisque plusieurs rois y avoient demeuré. Clovis mesme y a tenu sa cour, mais saint Louis y fit un plus long séjour que les autres, car trouvant ce lieu - 255commode au milieu de Paris, il y fit faire de grands ouvrages, & principalement la Sainte-chapelle, comme l’on le dira dans la suite.

+ Si l’on s’estoit engagé dans ce recueil de parler de l’antiquité des choses qui sont à Paris, on auroit occasion de dire ici bien des particularitez ; mais après tout, l’on ne feroit que répéter ce que 254plusieurs auteurs en ont déjà dit. Ceux qui auront la curiosité de les apprendre pouront consulter du Tillet, Gilles Corrozet, le père du Breuil dans son Théâtre des antiquités de Paris, M. du Chesne dans ses Antiquitéz des villes, & quelques autres qui ont écrit sur l’histoire de France. Je diray seulement à l’honneur de ceux qui composent ce grand corps, que Pépin, père de Charlemagne, a esté le premier qui l’a institué & qu’il a esté ambulatoire jusques sous le règne de Philippes le Bel qui, au raport de Belleforest, fut le premier qui le rendit sédentaire en abandonnant son propre palais aux officiers de justice. Pour le rendre plus spacieux, il y fit bâtir la plupart des chambres & tout l’ouvrage fut achevé en l’année 1313. Cependant, il est certain qu’il y avoit de grands bâtimens avant ce temps-là, puisque plusieurs rois y avoient demeuré. Clovis mesme y a tenu sa cour, mais saint Louis y fit un plus long séjour que les autres, car trouvant ce lieu 255commode au milieu de Paris, il y fit faire de grands ouvrages, & principalement la Sainte-chapelle, comme l’on le dira dans la suite.

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- Ce qu’on doit remarquer dans ce grand bâtiment est premièrement la grande salle, que le cavalier Bernin admira comme une des plus belles choses de France. Elle est bâtie sur le plan d’une autre très ancienne, qui fut réduite en cendres au commencement de ce siècle & dans laquelle les statues de nos rois, de grandeur naturelle, estoient placez tout autour. C’estoit dans cette salle où les rois recevoient les ambassadeurs, où ils donnoient des festins publics à certains jours de l’année & où mesme se faisoient les noces des enfans de France. Au mariage d’Isabelle de France avec Richard second, roi d’Angleterre, il y eut un si grand concours de peuple que plusieurs personnes y furent étoufées. Charles VI, qui regnoit en ce temps-là, y courut risque de la vie.

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Ce qu’on doit remarquer dans ce grand bâtiment est premièrement la grande salle, que le cavalier Bernin admira comme une des plus belles choses de France. Elle est bâtie sur le plan d’une autre très ancienne, qui fut réduite en cendres au commencement de ce siècle & dans laquelle les statues de nos rois, de grandeur naturelle, estoient placez tout autour. C’estoit dans cette salle où les rois recevoient les ambassadeurs, où ils donnoient des festins publics à certains jours de l’année & où mesme se faisoient les noces des enfans de France. Au mariage d’Isabelle de France avec Richard second, roi d’Angleterre, il y eut un si grand concours de peuple que plusieurs personnes y furent étoufées. Charles VI, qui regnoit en ce temps-là, y courut risque de la vie.

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Cette salle est toute voûtée de pierres de taille, avec une suite d’arcades au milieu qui sont soutenues de gros piliers, autour desquels il y a des boutiques occupées par plusieurs marchands. L’ordre dorique règne tout autour en pilastres. À un des bouts, il y a une chapelle où l’on dit des messes tous les jours. Les procureurs à qui elle appartient ont fait depuis un an quarante mille francs de dépence pour l’embellir comme elle est.

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Au dessus est l’horloge sur laquelle on règle les audiances. Au bas du quadran on a mis ce beau vers de M. de Montmort de l’Académie françoise.

- - Sacra Themis mores ut Pendula dirigit horas. - -

Les environs de cette chapelle sont ornez de dorures & peints en marbre de diverses couleurs, ce qui rend cet endroit fort beau.

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Au dessus est l’horloge sur laquelle on règle les audiances. Au bas du quadran on a mis ce beau vers de M. de Montmort de l’Académie françoise.

+ Sacra Themis mores ut Pendula dirigit horas. +

Les environs de cette chapelle sont ornez de dorures & peints en marbre de diverses couleurs, ce qui rend cet endroit fort beau.

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- Il ne faut pas manquer d’aller voir les chambres particulières dans lesquelles on plaide. La Grande Chambre est à côté de la grande salle. Elle a esté bâtie sous saint Louis, qui y donnoit les audiances publiques ; où lui-mesme, avec la bonté d’un père & la majesté d’un grand roi, travailloit à pacifier les désordres qui naissoient entre ses sujets, ou à recevoir les ambassadeurs que les princes ses voisins lui envoïoient. Louis XII l’a fait réparer comme elle est. Le plafon, composé de culs de lampe, qui y est a passé autrefois pour une très belle chose, mais le temps lui a ôté une fort grande partie de ce qui le faisoit estimer. C’est dans ce lieu où tout le Parlement s’assemble lorsque le roi y vient tenir son lit de justice, ou bien lorsqu’il y a quelque grande affaire sur laquelle on doit délibérer. C’est dans ce mesme lieu où les ducs & pairs de France viennent demander l’enregistrement des lettres d’érection de leur dignité que le roi leur donne. Les - 258autres chambres sont beaucoup plus belles, & mesme dans quelques-unes il y a des plafons dorez & peints avec beaucoup de dépence. La seconde & la troisième des enquestes, & les chambres des requestes sont les mieux ornées.

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Il ne faut pas manquer d’aller voir les chambres particulières dans lesquelles on plaide. La Grande Chambre est à côté de la grande salle. Elle a esté bâtie sous saint Louis, qui y donnoit les audiances publiques ; où lui-mesme, avec la bonté d’un père & la majesté d’un grand roi, travailloit à pacifier les désordres qui naissoient entre ses sujets, ou à recevoir les ambassadeurs que les princes ses voisins lui envoïoient. Louis XII l’a fait réparer comme elle est. Le plafon, composé de culs de lampe, qui y est a passé autrefois pour une très belle chose, mais le temps lui a ôté une fort grande partie de ce qui le faisoit estimer. C’est dans ce lieu où tout le Parlement s’assemble lorsque le roi y vient tenir son lit de justice, ou bien lorsqu’il y a quelque grande affaire sur laquelle on doit délibérer. C’est dans ce mesme lieu où les ducs & pairs de France viennent demander l’enregistrement des lettres d’érection de leur dignité que le roi leur donne. Les 258autres chambres sont beaucoup plus belles, & mesme dans quelques-unes il y a des plafons dorez & peints avec beaucoup de dépence. La seconde & la troisième des enquestes, & les chambres des requestes sont les mieux ornées.

- - La Cour des aides - + La Cour des aides

C’est une jurisdiction séparée du Parlement, qui y tient ses scéances dans trois chambres séparées, qui sont ornées de plafons qui ont beaucoup coûté.

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La face du bâtiment qui donne du côté du perron du may est d’une maçonnerie enrichie de sculptures d’un assez bon dessein.

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- La chancellerie, dont l’entrée est dans la galerie des Prisonniers, a esté réparée depuis quelques années.

-

Le lendemain de la Saint-Martin, qui est le jour où se fait l’ouverture du Parlement, il y a une cérémonie - 259que les étrangers ne doivent pas négliger d’aller voir. Messieurs du Parlement, vêtus de robes rouges, assistent ce jour-là à une messe qui se dit solemnellement dans la grande salle. Les présidens à mortier sont distinguez par leur doublure de menu vair ou d’une espèce de fourrure mouchetée. Lorsque ces derniers vont à l’offrande, ils font des révérences que l’on faisoit autrefois, qui ne sont plus en usage que dans cette occasion. Après que la messe est dite, on va entendre les harangues qui sont ordinairement prononcées par le premier président, par le procureur général & par les avocats généraux, qui ne se distinguent pas moins par leur éloquence que par leurs dignitez.

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La face du bâtiment qui donne du côté du perron du may est d’une maçonnerie enrichie de sculptures d’un assez bon dessein.

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La chancellerie, dont l’entrée est dans la galerie des Prisonniers, a esté réparée depuis quelques années.

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Le lendemain de la Saint-Martin, qui est le jour où se fait l’ouverture du Parlement, il y a une cérémonie 259que les étrangers ne doivent pas négliger d’aller voir. Messieurs du Parlement, vêtus de robes rouges, assistent ce jour-là à une messe qui se dit solemnellement dans la grande salle. Les présidens à mortier sont distinguez par leur doublure de menu vair ou d’une espèce de fourrure mouchetée. Lorsque ces derniers vont à l’offrande, ils font des révérences que l’on faisoit autrefois, qui ne sont plus en usage que dans cette occasion. Après que la messe est dite, on va entendre les harangues qui sont ordinairement prononcées par le premier président, par le procureur général & par les avocats généraux, qui ne se distinguent pas moins par leur éloquence que par leurs dignitez.

- - La Sainte-Chapelle - + La Sainte-Chapelle

- De tous les monumens de piété que saint Louis a fait élever, il n’en est point de plus beau ny de plus magnifique que celui- - 260ci. Comme il faisoit sa demeure ordinaire dans le Palais, il fit bâtir cette chapelle pour satisfaire plus commodément à sa dévotion. Dans le lieu où elle est située, il y avoit auparavant une petite église fondée par le roi Hugues Capet, sous le titre de l’Adoration-des-Trois-Rois, dans laquelle Robert, son fils, institua un ordre de chevaliers dont ceux qui en estoient se nommoient les chevaliers de l’Étoile.

-

Cet ordre estoit fort honorable dans le commencement de son institution & les plus grands seigneurs en prirent le collier. Mais par succession de temps, il s’est avili de telle sorte qu’il est demeuré en partage aux gens du guet, qui vont la nuit par la ville pour empescher que les voleurs & les filoux ne causent du désordre dans les rues. D’où vient que l’on nomme encore à présent le capitaine qui les commande le chevalier du guet. Cette petite chapelle demeura en cet état jusques sous - 261le règne de saint Louis, qui fit élever le bel édifice que l’on voit, qui est d’une délicatesse surprenante. Les voûtes en sont tout à fait élevées & les vitres qui y sont passent pour les plus belles que l’on puisse voir, à cause de leur grandeur & de la variété presque infinie des couleurs qui s’y trouvent, qui représentent en particulier quelque histoire de l’Ancien & du Nouveau Testament, & qui sont d’une telle épaisseur qu’elles ont résisté jusques à présent à toutes les injures du temps. On ne fut que cinq ans à travailler à ce bel ouvrage, qui fut achevé en 1247. Peu de temps après, on y apporta les reliques qui y sont, que ce saint roi avoit tirées des mains des Vénitiens à qui Baudouin, empereur de Constantinople, les avoit engagées pour une somme d’argent fort considérable qu’il leur avoir empruntée pour faire la guerre aux Bulgares. Ce fut du consentement de cet empereur que saint Louis dégagea ce précieux dé - 262post, en rendant aux Vénitiens l’argent pour lequel ces saintes reliques avoient esté engagées. C’estoit une grande portion de bois de la vraie croix, la couronne d’épines de Notre seigneur & quelques goûtes de son sang précieux, des drapeaux de son enfance, une autre portion de la vraie croix, du sang découlé miraculeusement d’une image de Notre Seigneur frapée par un infidelle, un anneau de fer de la chaîne dont il fut lié, la nappe ou la serviette dont il essuïa les piez aux Apostres, une partie de la pierre de son sépulchre, - la Sainte Vierge, le fer de la lance dont le côté de Notre Seigneur fut percé, la robe de pourpre dont on le vêtit, le roseau que l’on lui mit dans la main, l’éponge dont on se servit pour lui faire boire le fiel & le vinaigre, une partie du suaire dans lequel il fut envelopé. Avec ces choses, il y a dans le mesme trésor une croix que nos Anciens portoient avec l’oriflame qui estoit à Saint-De - 263nis, lorsqu’ils alloient à des guerres de conséquence, que l’on nommoit pour ce sujet la Croix de triomphe, & plusieurs autres choses encore, comme la verge de Moïse, la partie supérieure du chef de - saint - - Jean-Baptiste, qui toutes sont enfermées dans la grande châsse de cuivre doré que l’on voit élevée sur quatre piliers qui soutiennent une petite voûte derrière le grand autel ; mais on ne peut satisfaire sa curiosité sur ce sujet, car ces précieuses reliques ne sont presque jamais exposées, à moins que quelque reine ne le demande, ce qui n’arrive que très rarement. Sur le grand autel, dans une manière d’étui de bois doré semé de fleurs de lis, est le modèle de la Sainte-Chapelle en petit volume de vermeil doré, d’un très excellent travail & mesme enrichi de pierreries de valeur considérable. On le découvre seulement les jours de festes. Il y a encore des choses dans la sacristie qui sont très curieuses à voir, surtout - 264un grand nombre de reliquaires d’or & d’argent, une grande croix toute d’or dans laquelle est un morceau du bois de la vraie croix, que l’on expose tous les vendredis de Caresme. On y peut voir aussi le bâton du chantre, au haut duquel est une grosse agate qui représente saint Louis à demi-corps, tenant d’une main une petite croix & de l’autre la couronne d’épines de Notre Seigneur. Il y a avec cela des livres dont les couvertures sont enrichies de grosses perles & de pierres précieuses.

-

Mais ce qui est extraordinairement rare est une grande agate orientale antique, très fine, de figure presque ovale, un peu plus grande qu’une assiète ordinaire, taillée en bas-relief, qui représente l’apothéose d’Auguste, d’un travail tout à fait admirable à cause des couleurs naturelles de la pierre qui sont conservées dans les endroits où elles dévoient estre, & qui font le mesme effet que si elles avoient esté appliquées au pinceau. - 265 - Monsieur de Saint-Amant, fameux antiquaire, a expliqué toutes les figures qui y sont & en a dit des choses tout à fait curieuses, que l’on peut lire dans son grand Traité de médailles. Cette belle pièce est un présent fait à Charles VI par un empereur de Constantinople, qui la lui envoïa pour obtenir de lui du secours contre les Turcs, qui ne lui pût estre accordé à cause des troubles que les Anglois & le duc de Bourgogne causoient dans le roïaume.

-

Les ornemens d’autel de cette église sont magnifiques, & principalement ceux que l’on expose à la feste de Saint-Louis, dont on voit le chef de vermeil doré, soutenu par quatre grands anges de mesme matière, qui estoit autrefois dans le trésor de Saint-Denis. Il faut encore remarquer en sortant une belle figure de Notre Dame de Pitié, placée sous les orgues à main gauche en entrant. C’est un ouvrage du fameux Germain Pilon, que l’on estime un de ses plus - 266beaux & qui est enterré dans la basse Sainte-chapelle. Le chapitre de cette église n’est pas nombreux, cependant les canonicats sont d’un assez bon revenu & ont de beaux privilèges. Les chanoines ont pour chef un trésorier, qui a le double du revenu des chanoines. L’abbaïe de Saint-Nicaise à Reims, qui raporte trois mille écus par an, est affectée à ce chapitre, avec plusieurs maisons qui sont autour du Palais.

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Dans la cour vis-à-vis la Sainte-Chapelle est la :

+ De tous les monumens de piété que saint Louis a fait élever, il n’en est point de plus beau ny de plus magnifique que celui- 260ci. Comme il faisoit sa demeure ordinaire dans le Palais, il fit bâtir cette chapelle pour satisfaire plus commodément à sa dévotion. Dans le lieu où elle est située, il y avoit auparavant une petite église fondée par le roi Hugues Capet, sous le titre de l’Adoration-des-Trois-Rois, dans laquelle Robert, son fils, institua un ordre de chevaliers dont ceux qui en estoient se nommoient les chevaliers de l’Étoile.

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Cet ordre estoit fort honorable dans le commencement de son institution & les plus grands seigneurs en prirent le collier. Mais par succession de temps, il s’est avili de telle sorte qu’il est demeuré en partage aux gens du guet, qui vont la nuit par la ville pour empescher que les voleurs & les filoux ne causent du désordre dans les rues. D’où vient que l’on nomme encore à présent le capitaine qui les commande le chevalier du guet. Cette petite chapelle demeura en cet état jusques sous 261le règne de saint Louis, qui fit élever le bel édifice que l’on voit, qui est d’une délicatesse surprenante. Les voûtes en sont tout à fait élevées & les vitres qui y sont passent pour les plus belles que l’on puisse voir, à cause de leur grandeur & de la variété presque infinie des couleurs qui s’y trouvent, qui représentent en particulier quelque histoire de l’Ancien & du Nouveau Testament, & qui sont d’une telle épaisseur qu’elles ont résisté jusques à présent à toutes les injures du temps. On ne fut que cinq ans à travailler à ce bel ouvrage, qui fut achevé en 1247. Peu de temps après, on y apporta les reliques qui y sont, que ce saint roi avoit tirées des mains des Vénitiens à qui Baudouin, empereur de Constantinople, les avoit engagées pour une somme d’argent fort considérable qu’il leur avoir empruntée pour faire la guerre aux Bulgares. Ce fut du consentement de cet empereur que saint Louis dégagea ce précieux dé 262post, en rendant aux Vénitiens l’argent pour lequel ces saintes reliques avoient esté engagées. C’estoit une grande portion de bois de la vraie croix, la couronne d’épines de Notre seigneur & quelques goûtes de son sang précieux, des drapeaux de son enfance, une autre portion de la vraie croix, du sang découlé miraculeusement d’une image de Notre Seigneur frapée par un infidelle, un anneau de fer de la chaîne dont il fut lié, la nappe ou la serviette dont il essuïa les piez aux Apostres, une partie de la pierre de son sépulchre, + la Sainte Vierge, le fer de la lance dont le côté de Notre Seigneur fut percé, la robe de pourpre dont on le vêtit, le roseau que l’on lui mit dans la main, l’éponge dont on se servit pour lui faire boire le fiel & le vinaigre, une partie du suaire dans lequel il fut envelopé. Avec ces choses, il y a dans le mesme trésor une croix que nos Anciens portoient avec l’oriflame qui estoit à Saint-De + 263nis, lorsqu’ils alloient à des guerres de conséquence, que l’on nommoit pour ce sujet la Croix de triomphe, & plusieurs autres choses encore, comme la verge de Moïse, la partie supérieure du chef de saint Jean-Baptiste, qui toutes sont enfermées dans la grande châsse de cuivre doré que l’on voit élevée sur quatre piliers qui soutiennent une petite voûte derrière le grand autel ; mais on ne peut satisfaire sa curiosité sur ce sujet, car ces précieuses reliques ne sont presque jamais exposées, à moins que quelque reine ne le demande, ce qui n’arrive que très rarement. Sur le grand autel, dans une manière d’étui de bois doré semé de fleurs de lis, est le modèle de la Sainte-Chapelle en petit volume de vermeil doré, d’un très excellent travail & mesme enrichi de pierreries de valeur considérable. On le découvre seulement les jours de festes. Il y a encore des choses dans la sacristie qui sont très curieuses à voir, surtout 264un grand nombre de reliquaires d’or & d’argent, une grande croix toute d’or dans laquelle est un morceau du bois de la vraie croix, que l’on expose tous les vendredis de Caresme. On y peut voir aussi le bâton du chantre, au haut duquel est une grosse agate qui représente saint Louis à demi-corps, tenant d’une main une petite croix & de l’autre la couronne d’épines de Notre Seigneur. Il y a avec cela des livres dont les couvertures sont enrichies de grosses perles & de pierres précieuses.

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Mais ce qui est extraordinairement rare est une grande agate orientale antique, très fine, de figure presque ovale, un peu plus grande qu’une assiète ordinaire, taillée en bas-relief, qui représente l’apothéose d’Auguste, d’un travail tout à fait admirable à cause des couleurs naturelles de la pierre qui sont conservées dans les endroits où elles dévoient estre, & qui font le mesme effet que si elles avoient esté appliquées au pinceau. 265 Monsieur de Saint-Amant, fameux antiquaire, a expliqué toutes les figures qui y sont & en a dit des choses tout à fait curieuses, que l’on peut lire dans son grand Traité de médailles. Cette belle pièce est un présent fait à Charles VI par un empereur de Constantinople, qui la lui envoïa pour obtenir de lui du secours contre les Turcs, qui ne lui pût estre accordé à cause des troubles que les Anglois & le duc de Bourgogne causoient dans le roïaume.

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Les ornemens d’autel de cette église sont magnifiques, & principalement ceux que l’on expose à la feste de Saint-Louis, dont on voit le chef de vermeil doré, soutenu par quatre grands anges de mesme matière, qui estoit autrefois dans le trésor de Saint-Denis. Il faut encore remarquer en sortant une belle figure de Notre Dame de Pitié, placée sous les orgues à main gauche en entrant. C’est un ouvrage du fameux Germain Pilon, que l’on estime un de ses plus 266beaux & qui est enterré dans la basse Sainte-chapelle. Le chapitre de cette église n’est pas nombreux, cependant les canonicats sont d’un assez bon revenu & ont de beaux privilèges. Les chanoines ont pour chef un trésorier, qui a le double du revenu des chanoines. L’abbaïe de Saint-Nicaise à Reims, qui raporte trois mille écus par an, est affectée à ce chapitre, avec plusieurs maisons qui sont autour du Palais.

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Dans la cour vis-à-vis la Sainte-Chapelle est la :

- - La Chambre des comptes - + La Chambre des comptes

- Dans l’enclos du Palais se trouve encore cette jurisdiction souveraine séparée du Parlement. C’est là où se rendent les comptes de toutes les recèptes des finances & où ceux qui ont eu quelque maniment de l’argent du roi doivent justifier ce qu’ils en ont fait. C’est aussi où l’on conserve les archives & les - 267anciennes chartres de la couronne, entre lesquelles il y en a grand nombre qui ont servi à nos historiens.

+ Dans l’enclos du Palais se trouve encore cette jurisdiction souveraine séparée du Parlement. C’est là où se rendent les comptes de toutes les recèptes des finances & où ceux qui ont eu quelque maniment de l’argent du roi doivent justifier ce qu’ils en ont fait. C’est aussi où l’on conserve les archives & les 267anciennes chartres de la couronne, entre lesquelles il y en a grand nombre qui ont servi à nos historiens.

Le fameux , entre les autres, en a tiré un grand nombre de mémoires qui lui ont servi à commenter les anciens historiens, que l’on voit de lui, dont la lecture suffit pour concevoir une haute idée de son profond sçavoir. Les principaux sont :

- L’histoire de Constantinople, sous les empereurs françois, écrite par Geoffroy de Ville-Hardouin & par Philippes de Mouskes, en langage du temps, in-folio ; - - L’histoire de saint Louis, par le sire de Joinville ; + L’histoire de Constantinople, sous les empereurs françois, écrite par Geoffroy de Ville-Hardouin & par Philippes de Mouskes, en langage du temps, in-folio ; + L’histoire de saint Louis, par le sire de Joinville ; -

On a encore de ce sçavant auteur :

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On a encore de ce sçavant auteur :

Historia Bysantina duplici Commentario illustrata ; prior continens familias ac stemmata Imp. Constant. &c. alter descriptionem urbis Constant. qualis extitit sub Imperatorib. Christia, in-folio ; - + 268 Glossarium mediæ atque infimæ Latinitatis, 3 vol. in-folio. -

Ce dernier livre est celui qui lui a acquis une plus grande réputation dans les païs étrangers, aussi bien qu’en France, & ce n’est pas sans raison puisque cet ouvrage est considéré comme un des plus grands que l’on ait entrepris de ce siècle, & où l’auteur a eu besoin d’une application & d’une attache de plusieurs années pour traiter avec autant d’érudition qu’il a fait toutes les choses différentes qui y sont contenues.

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On pourroit nommer ici beaucoup d’autres sçavans qui ont tiré de la Chambre des comptes des éclaircissemens pour l’histoire ; entre les autres messieurs Godefroy, qui ont mis au jour une très grande partie de nos vieux historiens, qui ont esté imprimez à l’Imprimerie roïale du Louvre, avec de très beaux commentaires à la fin. Monsieur d’Hérouval, auditeur des comptes, est celui qui leur a le plus servi & qui - 269leur a procuré tous les secours qui dépendoient de lui, comme on le voit dans les ouvrages de ces messieurs, qui marquent en termes exprès l’obligation qu’ils lui ont, de la peine qu’il a bien voulu prendre pour leur chercher lui-mesme les pièces qui pouvoient leur servir, & l’on peut dire que sans lui la plupart des plus beaux monumens de nostre histoire seroient inconnus & ensevelis dans la poussière.

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Le bâtiment de la Chambre des comptes a esté estimé en son temps comme une très belle chose. Il fut élevé par les soins de Louis XII, dont on voit la devise en divers endroits, qui est un porc-épic, avec ces paroles :

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Cominus et eminus.

-
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Dans une des chambres, il y a quelques tableaux antiques très curieux qui représentent au naturel des princes & des princesses du sang roïal de la cour de Charles V, & de quelques autres rois dont on ne voit point ailleurs les portraits. Le père - 270Ménétrier les a trouvez si curieux & si singuliers qu’il les a fait graver, & l’on en voit des estampes entre les mains de quelques personnes avec les explications historiques que ce père a données des personnes & des blasons qui y sont représentez.

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Ce dernier livre est celui qui lui a acquis une plus grande réputation dans les païs étrangers, aussi bien qu’en France, & ce n’est pas sans raison puisque cet ouvrage est considéré comme un des plus grands que l’on ait entrepris de ce siècle, & où l’auteur a eu besoin d’une application & d’une attache de plusieurs années pour traiter avec autant d’érudition qu’il a fait toutes les choses différentes qui y sont contenues.

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On pourroit nommer ici beaucoup d’autres sçavans qui ont tiré de la Chambre des comptes des éclaircissemens pour l’histoire ; entre les autres messieurs Godefroy, qui ont mis au jour une très grande partie de nos vieux historiens, qui ont esté imprimez à l’Imprimerie roïale du Louvre, avec de très beaux commentaires à la fin. Monsieur d’Hérouval, auditeur des comptes, est celui qui leur a le plus servi & qui 269leur a procuré tous les secours qui dépendoient de lui, comme on le voit dans les ouvrages de ces messieurs, qui marquent en termes exprès l’obligation qu’ils lui ont, de la peine qu’il a bien voulu prendre pour leur chercher lui-mesme les pièces qui pouvoient leur servir, & l’on peut dire que sans lui la plupart des plus beaux monumens de nostre histoire seroient inconnus & ensevelis dans la poussière.

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Le bâtiment de la Chambre des comptes a esté estimé en son temps comme une très belle chose. Il fut élevé par les soins de Louis XII, dont on voit la devise en divers endroits, qui est un porc-épic, avec ces paroles :

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Cominus et eminus.

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Dans une des chambres, il y a quelques tableaux antiques très curieux qui représentent au naturel des princes & des princesses du sang roïal de la cour de Charles V, & de quelques autres rois dont on ne voit point ailleurs les portraits. Le père + 270Ménétrier les a trouvez si curieux & si singuliers qu’il les a fait graver, & l’on en voit des estampes entre les mains de quelques personnes avec les explications historiques que ce père a données des personnes & des blasons qui y sont représentez.

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- est au-dessus de la Chambre des comptes. Il n’y a rien de singulier à y remarquer.

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est au-dessus de la Chambre des comptes. Il n’y a rien de singulier à y remarquer.

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- est un des présidens à la louange duquel on peut dire que personne n’a travaillé avec plus d’utilité pour la langue françoise. Il a traduit du grec tous les auteurs qui ont écrit sur l’histoire de Constantinople, au commencement desquels il a ajouté des préfaces très sçavantes pour éclaircir ces historiens, qui la plupart sont si obscurs & si embrouillez que l’on auroit de la peine à y entendre quelque chose sans leur secours. Personne n’avoit encore osé entreprendre ce grand ouvrage à cause de la difficulté d’y - 271réussir, parce que l’on les avoit regardez comme à demi barbares. Mais à présent, par le secours de ce scavant homme, on les peut lire en nostre langue, traduits avec toute la délicatesse & toute la fidélité que l’on demanderoit dans une pièce faite exprès pour le beau langage. Ils commencent à l’ancien Justin & continuent jusques à Constantin Paléologue, sous qui l’Empire d’orient finit. Ils font ensemble 9 volumes in-quarto +

est un des présidens à la louange duquel on peut dire que personne n’a travaillé avec plus d’utilité pour la langue françoise. Il a traduit du grec tous les auteurs qui ont écrit sur l’histoire de Constantinople, au commencement desquels il a ajouté des préfaces très sçavantes pour éclaircir ces historiens, qui la plupart sont si obscurs & si embrouillez que l’on auroit de la peine à y entendre quelque chose sans leur secours. Personne n’avoit encore osé entreprendre ce grand ouvrage à cause de la difficulté d’y 271réussir, parce que l’on les avoit regardez comme à demi barbares. Mais à présent, par le secours de ce scavant homme, on les peut lire en nostre langue, traduits avec toute la délicatesse & toute la fidélité que l’on demanderoit dans une pièce faite exprès pour le beau langage. Ils commencent à l’ancien Justin & continuent jusques à Constantin Paléologue, sous qui l’Empire d’orient finit. Ils font ensemble 9 volumes in-quarto .

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II a aussi traduit l’histoire romaine de Xiphilin, de Zonare & de Zosime.

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L’histoire de l’église d’Eusèbe, de Socrate Sozomme, de Théodoret & d’Evagre en ***, in-quarto - . Quelques pratiques de dévotion du cardinal Bona. Et enfin l’histoire de l’Empire d’occident d’Éginard & des autres auteurs qu’il a donnez au commencement de cette année.

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II a aussi traduit l’histoire romaine de Xiphilin, de Zonare & de Zosime.

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L’histoire de l’église d’Eusèbe, de Socrate Sozomme, de Théodoret & d’Evagre en ***, in-quarto + . Quelques pratiques de dévotion du cardinal Bona. Et enfin l’histoire de l’Empire d’occident d’Éginard & des autres auteurs qu’il a donnez au commencement de cette année.

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- , qui est - 272derrière la Chambre des comptes, n’a rien de remarquable.

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, qui est 272derrière la Chambre des comptes, n’a rien de remarquable.

- - La place Dauphine - + La place Dauphine

- Cette place se trouve à la pointe de l’isle du Palais, du côté du pont Neuf. Elle est en figure pyramidale & les maisons qui la forment sont bâties de brique avec des cordons de pierres de taille & toutes d’une mesme symétrie. Elles ont esté élevées en 1606, quatre ou cinq ans après la naissance de Louis XIII, ce qui fut cause que l’on lui donna le nom qu’elle porte.

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Depuis quelques années, on a ouvert un chemin de ce côté-là qui conduit au Palais, & l’on a fait de grands bâtimens dans le jardin de l’hôtel de monsieur le premier président, avec une longue galerie où plusieurs marchands ont leurs boutiques, comme dans le reste des salles du Palais ; ce qui abrège le grand détour que ceux qui venoient - 273du pont Neuf estoient obligez de faire.

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On nomme la rue de Lamoignon la petite rue qui est derrière, à cause que c’estoit du temps de l’illustre premier président de ce nom que ces bâtimens furent élevez, & que lui-mesme contribua de tous ses soins à procurer au public la commodité de ce passage.

+ Cette place se trouve à la pointe de l’isle du Palais, du côté du pont Neuf. Elle est en figure pyramidale & les maisons qui la forment sont bâties de brique avec des cordons de pierres de taille & toutes d’une mesme symétrie. Elles ont esté élevées en 1606, quatre ou cinq ans après la naissance de Louis XIII, ce qui fut cause que l’on lui donna le nom qu’elle porte.

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Depuis quelques années, on a ouvert un chemin de ce côté-là qui conduit au Palais, & l’on a fait de grands bâtimens dans le jardin de l’hôtel de monsieur le premier président, avec une longue galerie où plusieurs marchands ont leurs boutiques, comme dans le reste des salles du Palais ; ce qui abrège le grand détour que ceux qui venoient 273du pont Neuf estoient obligez de faire.

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On nomme la rue de Lamoignon la petite rue qui est derrière, à cause que c’estoit du temps de l’illustre premier président de ce nom que ces bâtimens furent élevez, & que lui-mesme contribua de tous ses soins à procurer au public la commodité de ce passage.

- + Les ponts de Paris

Comme les ponts de Paris sont une partie considérable des beautez de cette grande ville, l’on a jugé à propos d’en faire un article particulier pour avoir une plus grande liberté d’en expliquer ce qu’il y a de plus singulier.

- + 274
- - Le pont Nostre-Dame - + Le pont Nostre-Dame

- Le plus ancien & le premier qui ait esté bâti de pierre est celui-ci. II fut achevé comme l’on le voit à présent en l’année 1507. Ce fut un cordelier originaire de Vérone qui en entreprit l’ouvrage aux frais de l’hôtel de ville. Les historiens disent qu’il se nommoit Joannes Jucundus & qu’il estoit d’une grande réputation, à cause de son merveilleux sçavoir dans les belles lettres, & mesme ils ajoutent encore qu’il fut maître du fameux Jules Scaliger. On lit ces vers gravez à sa louange sur une pierre des arcades :

- - - Jucundus geminos posuit tibi Sequana pontes, - Hunc tu jure potes dicere pontificem. - - -

Ce pont est chargé de maisons des deux côtez, mais qui ne sont pas si - 275élevées que celles des autres ponts. Elles sont ornées sur le devant de grands termes d’hommes & de femmes qui portent des corbeilles pleines de fruits sur leurs testes. Entre deux, il y a des médailles où sont représentez tous les rois de France, qui ont chacun un vers latin qui leur convient. Mais le temps endommage fort ces choses que l’on avoit très bien réparées pour l’entrée de la reine, qui passa par cet endroit pour aller au Louvre. Et depuis longtemps, ç’a esté la coutume d’y faire passer les reines dans leurs premières entrées à Paris, pour lors on l’ornoit magnifiquement. On raconte que quand Isabeau de Bavière fit la sienne, on le couvrit d’un bout à l’autre d’une espèce de pavillon de taffetas bleu, semé de fleurs de lis d’or, & l’on ajoute que par le moïen d’une machine tout à fait surprenante un ange luy apporta une couronne d’or sur la teste, qui avoit pris son vol des tours de l’église de Nostre- - 276Dame. Mais quoique ce fait soit raporté par un historien du temps, il me semble que l’on en peut douter raisonnablement.

+ Le plus ancien & le premier qui ait esté bâti de pierre est celui-ci. II fut achevé comme l’on le voit à présent en l’année 1507. Ce fut un cordelier originaire de Vérone qui en entreprit l’ouvrage aux frais de l’hôtel de ville. Les historiens disent qu’il se nommoit Joannes Jucundus & qu’il estoit d’une grande réputation, à cause de son merveilleux sçavoir dans les belles lettres, & mesme ils ajoutent encore qu’il fut maître du fameux Jules Scaliger. On lit ces vers gravez à sa louange sur une pierre des arcades :

+ + Jucundus geminos posuit tibi Sequana pontes, + Hunc tu jure potes dicere pontificem. + +

Ce pont est chargé de maisons des deux côtez, mais qui ne sont pas si 275élevées que celles des autres ponts. Elles sont ornées sur le devant de grands termes d’hommes & de femmes qui portent des corbeilles pleines de fruits sur leurs testes. Entre deux, il y a des médailles où sont représentez tous les rois de France, qui ont chacun un vers latin qui leur convient. Mais le temps endommage fort ces choses que l’on avoit très bien réparées pour l’entrée de la reine, qui passa par cet endroit pour aller au Louvre. Et depuis longtemps, ç’a esté la coutume d’y faire passer les reines dans leurs premières entrées à Paris, pour lors on l’ornoit magnifiquement. On raconte que quand Isabeau de Bavière fit la sienne, on le couvrit d’un bout à l’autre d’une espèce de pavillon de taffetas bleu, semé de fleurs de lis d’or, & l’on ajoute que par le moïen d’une machine tout à fait surprenante un ange luy apporta une couronne d’or sur la teste, qui avoit pris son vol des tours de l’église de Nostre- 276Dame. Mais quoique ce fait soit raporté par un historien du temps, il me semble que l’on en peut douter raisonnablement.

-

- Au milieu de ce pont on a élevé deux machines qui élèvent de l’eau de la rivière pour la commodité des quartiers de la ville qui en sont éloignez. La porte que l’on a bâtie pour y aller est d’ordre ionique, ornée de quelques ornemens qui ne font pas un méchant effet. Ces vers de monsieur de Santeuil, dont on a déjà parlé si souvent, sont gravez en lettres d’or sur un marbre noir :

- - - Sequana cum primum Reginæ allabitur urbi, - Tardat præcipites ambitiosus aquas. - Captus amore loci, cursum obliviscitur anceps, - Quo fluat, et dulces nectit in urbe moras. - Hinc varios implens fluctu subeunte canales, - - 277 - Fons fieri gaudet qui modo flumen erat. - -

- Anno M DC LXXVI.

-
-

Celle de ces deux machines qui donne quatre-vingt pouces d’eau est de l’invention de monsieur Mance, & l’autre qui n’en fournit que la moitié est de M. Joli. À côté de ce pont & sur le mesme canal de la rivière, on trouve :

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Au milieu de ce pont on a élevé deux machines qui élèvent de l’eau de la rivière pour la commodité des quartiers de la ville qui en sont éloignez. La porte que l’on a bâtie pour y aller est d’ordre ionique, ornée de quelques ornemens qui ne font pas un méchant effet. Ces vers de monsieur de Santeuil, dont on a déjà parlé si souvent, sont gravez en lettres d’or sur un marbre noir :

+ + Sequana cum primum Reginæ allabitur urbi, + Tardat præcipites ambitiosus aquas. + Captus amore loci, cursum obliviscitur anceps, + Quo fluat, et dulces nectit in urbe moras. + Hinc varios implens fluctu subeunte canales, + + 277 + Fons fieri gaudet qui modo flumen erat. +

Anno M DC LXXVI.

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Celle de ces deux machines qui donne quatre-vingt pouces d’eau est de l’invention de monsieur Mance, & l’autre qui n’en fournit que la moitié est de M. Joli. À côté de ce pont & sur le mesme canal de la rivière, on trouve :

- - Le pont au Change - + Le pont au Change

- Le premier qui se présente à la veue après le pont Neuf est celui ci. II est ainsi nommé à cause qu’autrefois il y avoit un grand nombre de changes ou de changeurs qui habitoient les maisons qui estoient dessus & qui faisoient une manière de bource en cet endroit. Il a aussi autrefois esté appellé le pont aux Oiseaux, parce que sans doute il y avoit des oiseliers. Mais en 1629, aïant esté consumé par un embrasement extra - 278dinaire, de bois qu’il estoit auparavant, on le rebâtit de pierre de taille comme il est, avec tant de solidité que l’on éleva dessus deux rangs de maisons doubles à quatre étages, toutes cintrées de pierre de taille, qui sont occupées par des marchands qui ont leurs magazins du côté de l’eau & leurs boutiques sur le devant. Ce pont est un des plus passans de Paris, à cause du Palais qui est à l’extrémité.

-

À un des bouts, sur une maison qui fait face à tout le pont, l’on voit la statue du roi environ à l’âge de dix ans, couronné de laurier par les mains d’une Victoire. Cette figure est élevée sur un petit pié-d’estail, à chaque côté duquel Louis XIII & Anne d’Autriche sont représentez en bronze de grandeur naturelle. Ces statues sont fort bien dessinées & fort ressemblantes.

+ Le premier qui se présente à la veue après le pont Neuf est celui ci. II est ainsi nommé à cause qu’autrefois il y avoit un grand nombre de changes ou de changeurs qui habitoient les maisons qui estoient dessus & qui faisoient une manière de bource en cet endroit. Il a aussi autrefois esté appellé le pont aux Oiseaux, parce que sans doute il y avoit des oiseliers. Mais en 1629, aïant esté consumé par un embrasement extra 278dinaire, de bois qu’il estoit auparavant, on le rebâtit de pierre de taille comme il est, avec tant de solidité que l’on éleva dessus deux rangs de maisons doubles à quatre étages, toutes cintrées de pierre de taille, qui sont occupées par des marchands qui ont leurs magazins du côté de l’eau & leurs boutiques sur le devant. Ce pont est un des plus passans de Paris, à cause du Palais qui est à l’extrémité.

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À un des bouts, sur une maison qui fait face à tout le pont, l’on voit la statue du roi environ à l’âge de dix ans, couronné de laurier par les mains d’une Victoire. Cette figure est élevée sur un petit pié-d’estail, à chaque côté duquel Louis XIII & Anne d’Autriche sont représentez en bronze de grandeur naturelle. Ces statues sont fort bien dessinées & fort ressemblantes.

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- conduit à couvert de ce pont au pont Nostre-Dame. II est soutenu sur - 279des voûtes prises dans le lit de la rivière, dont le trait est d’une hardiesse extraordinaire. Ceux qui aiment ces sortes d’ouvrages ne doivent pas négliger de descendre pour les voir.

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conduit à couvert de ce pont au pont Nostre-Dame. II est soutenu sur 279des voûtes prises dans le lit de la rivière, dont le trait est d’une hardiesse extraordinaire. Ceux qui aiment ces sortes d’ouvrages ne doivent pas négliger de descendre pour les voir.

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- À l’autre bout du pont au Change, au coin du quay des Morfondus, est l’horloge du Palais, dont le cadran est orné de quelques figures d’un des plus célèbres sculpteurs du siècle passé. Comme ce fut sous le règne de Henri III que ce cadran fut embelli, les armes de France & de Pologne sont au-dessus, avec ce vers que l’on y lit encore, qui servoit de devise à ce roi :

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À l’autre bout du pont au Change, au coin du quay des Morfondus, est l’horloge du Palais, dont le cadran est orné de quelques figures d’un des plus célèbres sculpteurs du siècle passé. Comme ce fut sous le règne de Henri III que ce cadran fut embelli, les armes de France & de Pologne sont au-dessus, avec ce vers que l’on y lit encore, qui servoit de devise à ce roi :

- Qui dedit ante duas, triplicem dabit ille coronam. - -

C’est cet horloge qui règle les séances du Parlement, & lorsqu’il y a quelque réjouissance publique on ne manque pas de sonner la grosse cloche pendant plusieurs heures.

+ Qui dedit ante duas, triplicem dabit ille coronam. +

C’est cet horloge qui règle les séances du Parlement, & lorsqu’il y a quelque réjouissance publique on ne manque pas de sonner la grosse cloche pendant plusieurs heures.

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- est aussi proche le Palais, & à l’op - 280posite du pont au Change. Il prend son nom de la petite église de Saint-Michel qui est dans l’enclos de la cour du Palais, ou bien parce qu’il conduit à la porte de ce nom, qui estoit au haut de la rue de la Harpe, abatue depuis peu comme on l’a dit dans la page 109 de ce 2 volume. Il est aussi chargé de maisons bâties de briques & de pierres de taille. Autrefois il n’estoit que de bois, aussi bien que ceux dont on a déjà parlé, mais aïant esté emporté par un débordement au commencement du règne de Louis XIII, on le rebâtit peu de temps après comme l’on le voit.

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est aussi proche le Palais, & à l’op + 280posite du pont au Change. Il prend son nom de la petite église de Saint-Michel qui est dans l’enclos de la cour du Palais, ou bien parce qu’il conduit à la porte de ce nom, qui estoit au haut de la rue de la Harpe, abatue depuis peu comme on l’a dit dans la page 109 de ce 2 volume. Il est aussi chargé de maisons bâties de briques & de pierres de taille. Autrefois il n’estoit que de bois, aussi bien que ceux dont on a déjà parlé, mais aïant esté emporté par un débordement au commencement du règne de Louis XIII, on le rebâtit peu de temps après comme l’on le voit.

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- , qui est un des plus anciens de Paris, est sur le mesme bras de la rivière qui coule sous le pont Saint-Michel. Les maisons dont il est bordé de chaque côté, avec le Petit Châtelet qui est au bout, font qu’il est difficile de s’appercevoir que l’on a l’eau sous les piez lorsque l’on y passe. Dans - 281l’enceinte de l’Hôtel-Dieu, l’on en a bâti deux : un qui est tout à fait dans l’intérieur de cet hôpital & un autre dont une partie est réservée pour la commodité du passage des gens de pié qui vont à l’église de Nostre-Dame, qui paient un double pour y passer. L’un & l’autre sont de pierre & très bien bâtis.On ne dira rien en cet endroit du pont Marie ni du pont de la Tournelle, parce que l’on en a parlé au sujet de l’isle de Nostre-Dame, aussi bien que du petit pont de bois qui conduit de l’isle du Palais dans le mesme quartier.

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, qui est un des plus anciens de Paris, est sur le mesme bras de la rivière qui coule sous le pont Saint-Michel. Les maisons dont il est bordé de chaque côté, avec le Petit Châtelet qui est au bout, font qu’il est difficile de s’appercevoir que l’on a l’eau sous les piez lorsque l’on y passe. Dans 281l’enceinte de l’Hôtel-Dieu, l’on en a bâti deux : un qui est tout à fait dans l’intérieur de cet hôpital & un autre dont une partie est réservée pour la commodité du passage des gens de pié qui vont à l’église de Nostre-Dame, qui paient un double pour y passer. L’un & l’autre sont de pierre & très bien bâtis.On ne dira rien en cet endroit du pont Marie ni du pont de la Tournelle, parce que l’on en a parlé au sujet de l’isle de Nostre-Dame, aussi bien que du petit pont de bois qui conduit de l’isle du Palais dans le mesme quartier.

- - Le pont Neuf - + Le pont Neuf

- Enfin, nous voici arrivez au dernier article de cette description, qui ne peut mieux finir que par le pont Neuf, duquel on peut voir une partie de tout ce que Paris a de plus magnifique & de plus beau.

-

- Le pont Neuf fut entrepris par - 282 - Henri III, qui en fit jetter les premiers fondemens en l’année 1578 sous la conduite d’un fameux architecte nommé du Cerceau. Ce roi, accompagné de Catherine de Médicis, sa mère, qui la première, dit-on, avoit conçeu l’idée de ce grand ouvrage ; de la reine sa femme ; & de tout ce qu’il y avoit d’illustre à la cour en ce temps-là, mit la première pierre avec beaucoup d’appareil & de cérémonie, sur laquelle cette inscription est gravée :

- -

- Henr. III F. et Pol. R. -

-

Potentis. ausp. Cath. Mat. Lud. coniv. August. ob. c. util. pub. eund. pon. Jac. S. et diver. Urb. nobilis Par. Mag. viat. comp. M. rer. om. Q. Imp. et ex com. per diu. or. æq. con. Prid. Calend. Jun. 1578.

-
-

On commença à travailler avec un fort grand empressement par le bout le plus proche des Grands Au - 183gustins, mais les troubles de son règne empeschèrent que cette grande entreprise ne fut achevée de son temps ; en sorte qu’il demeura imparfait depuis le commencement de l’entreprise, qui fut en l’année 1578, comme on a déjà dit, jusqu’en 1604, que Henri le Grand, d’heureuse mémoire, y fit mettre la dernière main par Guillaume Marchand.

-

II faut remarquer que ce pont est un des plus beaux que l’on puisse voir à cause de sa longueur, qui s’étend sur les deux bras de la Seine, qui en cet endroit se réunifient ensemble ; à cause de sa largeur, qui est divisée en trois parties : une au milieu pour les carosses & pour les grosses voitures, & deux levées pour les gens de pié ; enfin à cause de là structure, qui est d’une solidité & d’une ordonnance qui ont peu de pareilles.

-

On peut encore conter entre ces avantages la belle veue que l’on y découvre, qui passe pour une des plus agréables & des plus riches qu’il y ait - 284au monde, s’il l’on en croit ceux qui ont veu les païs éloignez ; & le rapport d’un des plus grands voïageurs de ce siècle nous fait connoître qu’il n’a rien observé de plus magnifique, la mettant pour la troisième de celles qu’il avoit remarquées, à sçavoir : celle de l’entrée du port de Constantinople, celle du port de Goa dans les Indes & enfin celle du pont Neuf de Paris, qui s’étend d’un côté sur le Louvre, qui fait une longue suite de bâtimens magnifiques sur la Seine, & de l’autre côté sur l’hôtel de Conti, le collège des Quatre-Nations, qui est fort remarquable par son dôme & par les deux gros pavillons quarrez qui avancent ; & enfin sur plusieurs grandes maisons qui s’étendent fort loin, avec le cours de la Reine qui borne cette veue & le mont Valérien qui s’élève au-dessus, qui forme ensemble une très belle perspective dans l’éloignement. Sans parler de la presse continuelle qui se trouve incessamment sur ce - 285pont, par laquelle on peut juger du nombre infini de peuple qui est à Paris.

+ Enfin, nous voici arrivez au dernier article de cette description, qui ne peut mieux finir que par le pont Neuf, duquel on peut voir une partie de tout ce que Paris a de plus magnifique & de plus beau.

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Le pont Neuf fut entrepris par 282 Henri III, qui en fit jetter les premiers fondemens en l’année 1578 sous la conduite d’un fameux architecte nommé du Cerceau. Ce roi, accompagné de Catherine de Médicis, sa mère, qui la première, dit-on, avoit conçeu l’idée de ce grand ouvrage ; de la reine sa femme ; & de tout ce qu’il y avoit d’illustre à la cour en ce temps-là, mit la première pierre avec beaucoup d’appareil & de cérémonie, sur laquelle cette inscription est gravée :

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Henr. III F. et Pol. R.

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Potentis. ausp. Cath. Mat. Lud. coniv. August. ob. c. util. pub. eund. pon. Jac. S. et diver. Urb. nobilis Par. Mag. viat. comp. M. rer. om. Q. Imp. et ex com. per diu. or. æq. con. Prid. Calend. Jun. 1578.

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On commença à travailler avec un fort grand empressement par le bout le plus proche des Grands Au + 183gustins, mais les troubles de son règne empeschèrent que cette grande entreprise ne fut achevée de son temps ; en sorte qu’il demeura imparfait depuis le commencement de l’entreprise, qui fut en l’année 1578, comme on a déjà dit, jusqu’en 1604, que Henri le Grand, d’heureuse mémoire, y fit mettre la dernière main par Guillaume Marchand.

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II faut remarquer que ce pont est un des plus beaux que l’on puisse voir à cause de sa longueur, qui s’étend sur les deux bras de la Seine, qui en cet endroit se réunifient ensemble ; à cause de sa largeur, qui est divisée en trois parties : une au milieu pour les carosses & pour les grosses voitures, & deux levées pour les gens de pié ; enfin à cause de là structure, qui est d’une solidité & d’une ordonnance qui ont peu de pareilles.

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On peut encore conter entre ces avantages la belle veue que l’on y découvre, qui passe pour une des plus agréables & des plus riches qu’il y ait 284au monde, s’il l’on en croit ceux qui ont veu les païs éloignez ; & le rapport d’un des plus grands voïageurs de ce siècle nous fait connoître qu’il n’a rien observé de plus magnifique, la mettant pour la troisième de celles qu’il avoit remarquées, à sçavoir : celle de l’entrée du port de Constantinople, celle du port de Goa dans les Indes & enfin celle du pont Neuf de Paris, qui s’étend d’un côté sur le Louvre, qui fait une longue suite de bâtimens magnifiques sur la Seine, & de l’autre côté sur l’hôtel de Conti, le collège des Quatre-Nations, qui est fort remarquable par son dôme & par les deux gros pavillons quarrez qui avancent ; & enfin sur plusieurs grandes maisons qui s’étendent fort loin, avec le cours de la Reine qui borne cette veue & le mont Valérien qui s’élève au-dessus, qui forme ensemble une très belle perspective dans l’éloignement. Sans parler de la presse continuelle qui se trouve incessamment sur ce 285pont, par laquelle on peut juger du nombre infini de peuple qui est à Paris.

- - La statue de Henri IV - + La statue de Henri IV

- Ce monument est au milieu du pont Neuf, à la pointe de l’isle du Palais. Il a esté élevé en l’année 1635 par les soins de Louis XIII à la mémoire de Henri IV, qui y est représenté en bronze de grandeur naturelle à cheval, élevé sur un pié-d’estail de marbre blanc, où les principales actions de ce grand roi sont représentées en bas-reliefs, aussi de mesme métail, qui sont disposez deux à deux de chaque côté. Aux quatre coins du pié-d’estail sont attachez quatre esclaves aussi de bronze qui foulent aux piez des armes antiques. Toutes ces pièces, exceptez le cheval, ont esté dessinées & jettées en fonte par un nommé Francheville, originaire de Cambray, qui passoit pour un des premiers hommes de son temps en - 286sculpture, duquel mesme on voit quelques ouvrages qui sont fort estimez, entre autres : la statue de marbre qui représente la Vérité dans les Tuilleries.

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Mais les curieux ne seront peut-estre pas fâchez que l’on leur rapporte ici l’histoire particulière du cheval, qui est un ouvrage d’Italie du fameux Jean de Boulogne, ou Bolognese, comme les peintres le nommoient ordinairement. Cosme second, grand duc de Toscane, en fit un présent à Marie de Médicis pendant qu’elle estoit régente, Louis XIII estant encore en bas âge.

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- Le chevalier Pescholini, agent du grand duc Cosme second, fut marqué pour venir en France présenter ce cheval. II eut le soin de le faire embarquer à Livorne, mais il eut de grands accidens sur la mer à cause d’une horrible tempeste qui porta le vaisseau où il estoit avec tant d’impétuosité contre un banc de sable, qu’il fit naufrage où tout l’équipage - 287périt. Cette statue cependant fut tirée de la mer avec beaucoup de peine & de dépense, & on la mit sur un autre vaisseau qui eut quelques mauvaises rencontres de Pirates sur les costes d’Espagne. Enfin, après tant de travaux & de peine, le vaisseau arriva au Havres de grâce au commencement du mois de may de l’année 1615, & le deuxième juin suivant - le roi Louis XIII mit la première pierre du pié-d’estail, accompagné de monsieur de Liancourt, gouverneur de Paris, & de plusieurs autres personnes de considération. Cependant, tous les ornemens & tout l’ouvrage ne furent entièrement achevés qu’en 1635.

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Mais afin d’instruire la postérité de tout ce qui se passa, l’on ne se contenta pas des inscriptions qui sont sur les faces du pié-d’estail, l’on en mit encore une autre écrite sur du vélain enfermée dans un tuyau de plomb dans le ventre du cheval, que l’on remplit de poudre de charbon afin de la mieux conserver contre - 288l’humidité. En voici la copie :

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À la glorieuse et immortelle mémoire du très auguste et très invincible - Henri le Grand, quatrième du nom, roi de France et de Navarre.

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- Le sérénissime grand duc de Toscane Ferdinand, meu d’un bon zèle pour la postérité, fit faire & jetter en bronze par l’excellent sculpteur Jean de Boulogne cette statue représentant à cheval Sa Majesté très chrétienne, que le sérénissime grand duc Cosme second du nom, a fait élabourer par le sieur Pietro Toca, son sculpteur, & l’envoya en très digne présent sous la conduite du chevalier Pescholini, agent du Son Altesse Sérénissime, à la très auguste Marie de Médicis, reine régente en France, après le decèds de ce grand roi, sous le règne du très auguste Louis XIII du - 289nom, roi de France & de Navarre, par le commandement très exprès duquel & de ladite dame reine sa mère, estant messieur de Verdun, premier président en la cour de Parlement de Paris ; Nicolai, premier président en la Chambre des comptes ; de Bélièvre, procureur général de Sa Majesté ; de Mesme, lieutenant civil, Le Fèvre, président ; du Moulin, de Gaumont, Gaudefroy, Vallée, Hotman, Almeras de Donon & Legras, trésoriers généraux de France audit Paris ; Miron, président au requestes, prévost des marchands, des Neaux, Clapisson, Huot, Pasquier, eschevins ; Perot, procureur du roi de la ville ; tous commissaires ayant l’intendance de la construction du pont Neuf de Paris, ont au milieu d’icelui, présent le sieur de Pierre de Francheville, premier sculpteur de Leurs Majestez, fait dresser & poser avec solemnité ladite statue sur le pié-d’estail à cette fin érigé. Assistans à ce messieurs de Liancourt, gouverneur de - 290Paris, de Saint Brisson Séguier, prevost de Paris, lesdits de Mesme, lieutenant civil, le prevost des marchands & les eschevins de ladite ville.

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- L’an mille six cens quatorze le vingt-troisième jour d’aoust.

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Cette inscription peut suffire pour sçavoir tout ce qui se passa au sujet du cheval de bronze, sans qu’il soit besoin d’en rien dire davantage.

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Voici les inscriptions que l’on lit autour du pié-d’estail, qui sont en lettres dorées de relief sur des tables de bronze. Elles sont de M. Millotet, avocat général au parlement de Bourgogne.

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Sur la face du devant est celle-ci :

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- Errico IIII - Galliarum Imperatori Navar. R - Ludovicus XIII filius ejus opus incho. et intermissum pro dignitate pietatis et Imperii plenius et amplius absolvit. - 291Emin. C. D. Richelius - commune votum populi promovit super illust. Viri de Bullion, Boutillier. P Æerarii F. faciendum curaverunt M VI XXXV.

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+ Ce monument est au milieu du pont Neuf, à la pointe de l’isle du Palais. Il a esté élevé en l’année 1635 par les soins de Louis XIII à la mémoire de Henri IV, qui y est représenté en bronze de grandeur naturelle à cheval, élevé sur un pié-d’estail de marbre blanc, où les principales actions de ce grand roi sont représentées en bas-reliefs, aussi de mesme métail, qui sont disposez deux à deux de chaque côté. Aux quatre coins du pié-d’estail sont attachez quatre esclaves aussi de bronze qui foulent aux piez des armes antiques. Toutes ces pièces, exceptez le cheval, ont esté dessinées & jettées en fonte par un nommé Francheville, originaire de Cambray, qui passoit pour un des premiers hommes de son temps en 286sculpture, duquel mesme on voit quelques ouvrages qui sont fort estimez, entre autres : la statue de marbre qui représente la Vérité dans les Tuilleries.

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Mais les curieux ne seront peut-estre pas fâchez que l’on leur rapporte ici l’histoire particulière du cheval, qui est un ouvrage d’Italie du fameux Jean de Boulogne, ou Bolognese, comme les peintres le nommoient ordinairement. Cosme second, grand duc de Toscane, en fit un présent à Marie de Médicis pendant qu’elle estoit régente, Louis XIII estant encore en bas âge.

+

Le chevalier Pescholini, agent du grand duc Cosme second, fut marqué pour venir en France présenter ce cheval. II eut le soin de le faire embarquer à Livorne, mais il eut de grands accidens sur la mer à cause d’une horrible tempeste qui porta le vaisseau où il estoit avec tant d’impétuosité contre un banc de sable, qu’il fit naufrage où tout l’équipage 287périt. Cette statue cependant fut tirée de la mer avec beaucoup de peine & de dépense, & on la mit sur un autre vaisseau qui eut quelques mauvaises rencontres de Pirates sur les costes d’Espagne. Enfin, après tant de travaux & de peine, le vaisseau arriva au Havres de grâce au commencement du mois de may de l’année 1615, & le deuxième juin suivant le roi Louis XIII mit la première pierre du pié-d’estail, accompagné de monsieur de Liancourt, gouverneur de Paris, & de plusieurs autres personnes de considération. Cependant, tous les ornemens & tout l’ouvrage ne furent entièrement achevés qu’en 1635.

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Mais afin d’instruire la postérité de tout ce qui se passa, l’on ne se contenta pas des inscriptions qui sont sur les faces du pié-d’estail, l’on en mit encore une autre écrite sur du vélain enfermée dans un tuyau de plomb dans le ventre du cheval, que l’on remplit de poudre de charbon afin de la mieux conserver contre 288l’humidité. En voici la copie :

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À la glorieuse et immortelle mémoire du très auguste et très invincible + Henri le Grand, quatrième du nom, roi de France et de Navarre.

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Le sérénissime grand duc de Toscane Ferdinand, meu d’un bon zèle pour la postérité, fit faire & jetter en bronze par l’excellent sculpteur Jean de Boulogne cette statue représentant à cheval Sa Majesté très chrétienne, que le sérénissime grand duc Cosme second du nom, a fait élabourer par le sieur Pietro Toca, son sculpteur, & l’envoya en très digne présent sous la conduite du chevalier Pescholini, agent du Son Altesse Sérénissime, à la très auguste Marie de Médicis, reine régente en France, après le decèds de ce grand roi, sous le règne du très auguste Louis XIII du 289nom, roi de France & de Navarre, par le commandement très exprès duquel & de ladite dame reine sa mère, estant messieur de Verdun, premier président en la cour de Parlement de Paris ; Nicolai, premier président en la Chambre des comptes ; de Bélièvre, procureur général de Sa Majesté ; de Mesme, lieutenant civil, Le Fèvre, président ; du Moulin, de Gaumont, Gaudefroy, Vallée, Hotman, Almeras de Donon & Legras, trésoriers généraux de France audit Paris ; Miron, président au requestes, prévost des marchands, des Neaux, Clapisson, Huot, Pasquier, eschevins ; Perot, procureur du roi de la ville ; tous commissaires ayant l’intendance de la construction du pont Neuf de Paris, ont au milieu d’icelui, présent le sieur de Pierre de Francheville, premier sculpteur de Leurs Majestez, fait dresser & poser avec solemnité ladite statue sur le pié-d’estail à cette fin érigé. Assistans à ce messieurs de Liancourt, gouverneur de 290Paris, de Saint Brisson Séguier, prevost de Paris, lesdits de Mesme, lieutenant civil, le prevost des marchands & les eschevins de ladite ville.

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L’an mille six cens quatorze le vingt-troisième jour d’aoust.

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Cette inscription peut suffire pour sçavoir tout ce qui se passa au sujet du cheval de bronze, sans qu’il soit besoin d’en rien dire davantage.

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Voici les inscriptions que l’on lit autour du pié-d’estail, qui sont en lettres dorées de relief sur des tables de bronze. Elles sont de M. Millotet, avocat général au parlement de Bourgogne.

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Sur la face du devant est celle-ci :

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Errico IIII Galliarum Imperatori Navar. R + Ludovicus XIII filius ejus opus incho. et intermissum pro dignitate pietatis et Imperii plenius et amplius absolvit. 291Emin. C. D. Richelius + commune votum populi promovit super illust. Viri de Bullion, Boutillier. P Æerarii F. faciendum curaverunt M VI XXXV.

Au-dessus est cette autre :

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Quis quis hæc leges, ita legito Uti optimo regi precaberis Exercitum fortem, populum fidelem Imperium securum Et annos de nostris B. B. F.

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Les deux qui suivent sont sous les bas-reliefs qui regardent le collège des Quatre-Nations, dont un représente la bataille d’Arques, gagnée par Henri quatrième ; & l’autre, la victoire d’Yvry.

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Quis quis hæc leges, ita legito Uti optimo regi precaberis Exercitum fortem, populum fidelem Imperium securum Et annos de nostris B. B. F.

+

Les deux qui suivent sont sous les bas-reliefs qui regardent le collège des Quatre-Nations, dont un représente la bataille d’Arques, gagnée par Henri quatrième ; & l’autre, la victoire d’Yvry.

Pour la bataille d’Arques :

- + 292 -

Genio Galliarum S. et invictissimo R. Qui Arquens prælio magnas Conjuratorum Copias parva Manu fudit.

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Genio Galliarum S. et invictissimo R. Qui Arquens prælio magnas Conjuratorum Copias parva Manu fudit.

Pour la victoire d’Yvry :

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Victori Triumphatori Feretrio Perduelles ad Evariacum cæsi malis vicinis indignantibus, et faventibus Clementiss. Imper. Hispano Duci opima reliquit.

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- Son entrée triomphante dans Paris est marquée par cette inscription qui est sur la face du côté de la rivière.

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N. M. Regis. Rerum humanarum Optimi Qui sine cæde urbem ingressus Vindicata rebellione Exstinctis Factionibus Gallias optata Pace composuit.

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Victori Triumphatori Feretrio Perduelles ad Evariacum cæsi malis vicinis indignantibus, et faventibus Clementiss. Imper. Hispano Duci opima reliquit.

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Son entrée triomphante dans Paris est marquée par cette inscription qui est sur la face du côté de la rivière.

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N. M. Regis. Rerum humanarum Optimi Qui sine cæde urbem ingressus Vindicata rebellione Exstinctis Factionibus Gallias optata Pace composuit.

+ 293 -

- La prise d’Amiens sur les Espagnols :

+

La prise d’Amiens sur les Espagnols :

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Ambianum Hispanorum Fraude Intercepta Erici M. Virtute Asserta - Ludovicus XIII M. P. F. Iisdem ab hostibus sæpius fraude Ac scelere tentatus Semper Justitia et fortitudine Superior fuit.

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- La prise de Montmelian en Savoie :

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MonsOmnibus ante se Ducibus Regibusque Frustra petitus, -

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- Errici M. felicitate sub Imperium redactus, Ad æternam securitatem ac Gloriam Gallici nominis.

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Les deux dernières sont sous les bas-reliefs du côté de la Samaritaine.

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Sur la grille de fer qui enferme tout - 294cet ouvrage est encore celle-ci, qui fait connoître que ce monument a esté élevé par les soins de Louis XIII & que le cardinal de Richelieu l’a fait achever :

- -

- Ludovicus XIII P. F. F. Imperii virtutis, et fortunæ Obsequensiss. Hæres I. L. D. D. - Richelius C. - Vir supra titulos et consilia omniumRetro principum opus absolvendum censuitNN. II. VV. de Bullion et Bouthillier,S. A. P. Dignitati et regno pares. Ære, ingenio, cura. Difficillimis temporibus P. P.

+

Ambianum Hispanorum Fraude Intercepta Erici M. Virtute Asserta + Ludovicus XIII M. P. F. Iisdem ab hostibus sæpius fraude Ac scelere tentatus Semper Justitia et fortitudine Superior fuit.

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La prise de Montmelian en Savoie :

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MonsOmnibus ante se Ducibus Regibusque Frustra petitus, +

Errici M. felicitate sub Imperium redactus, Ad æternam securitatem ac Gloriam Gallici nominis.

+

Les deux dernières sont sous les bas-reliefs du côté de la Samaritaine.

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Sur la grille de fer qui enferme tout + 294cet ouvrage est encore celle-ci, qui fait connoître que ce monument a esté élevé par les soins de Louis XIII & que le cardinal de Richelieu l’a fait achever :

+

Ludovicus XIII P. F. F. Imperii virtutis, et fortunæ Obsequensiss. Hæres I. L. D. D. + Richelius C. + Vir supra titulos et consilia omniumRetro principum opus absolvendum censuitNN. II. VV. de Bullion et Bouthillier,S. A. P. Dignitati et regno pares. Ære, ingenio, cura. Difficillimis temporibus P. P.

- - La Samaritaine - -

À la seconde arche du pont Neuf, du côté du Louvre, on éleva sous se règne de Henri III une petite - 295maison pour y mettre une pompe qui servoit à élever l’eau de la rivière pour la conduire au Louvre. On y voïoit autrefois quelques machines assez jolies que le temps a détruites. Cette eau alloit dans un réservoir proche le cloître de Saint-Germain-l’Auxerrois, où l’on voit encore quelques arcades du côté de la rivière, qui ne sont pas d’un méchant dessein ; mais toutes ces choses ne sont plus dans l’état où elles ont esté, non plus que l’horloge qui ne fait plus le carillon qu’elle faisoit autrefois. La statue de Nostre Seigneur & de la Samaritaine que l’on voit a côté du bassin ne sont que des copies de celles qui y estoient autrefois, qui estoient de Germain Pillon.

+ La Samaritaine +

À la seconde arche du pont Neuf, du côté du Louvre, on éleva sous se règne de Henri III une petite 295maison pour y mettre une pompe qui servoit à élever l’eau de la rivière pour la conduire au Louvre. On y voïoit autrefois quelques machines assez jolies que le temps a détruites. Cette eau alloit dans un réservoir proche le cloître de Saint-Germain-l’Auxerrois, où l’on voit encore quelques arcades du côté de la rivière, qui ne sont pas d’un méchant dessein ; mais toutes ces choses ne sont plus dans l’état où elles ont esté, non plus que l’horloge qui ne fait plus le carillon qu’elle faisoit autrefois. La statue de Nostre Seigneur & de la Samaritaine que l’on voit a côté du bassin ne sont que des copies de celles qui y estoient autrefois, qui estoient de Germain Pillon.

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- est vis-à-vis le Louvre, mais n’estant que de bois il est à présumer pour la beauté & pour la majesté du lieu qu’il ne restera pas longtemps en cette manière, & que l’on en bâtira un autre de - 296pierre de taille pour éviter les fâcheux inconvéniens où il est exposé tous les hyvers d’estre emporté par les glaces ; ce qui lui est arrivé plusieurs fois & mesme cette année 1684. On le nomme ainsi parce qu’il estoit peint de rouge autrefois.

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est vis-à-vis le Louvre, mais n’estant que de bois il est à présumer pour la beauté & pour la majesté du lieu qu’il ne restera pas longtemps en cette manière, & que l’on en bâtira un autre de 296pierre de taille pour éviter les fâcheux inconvéniens où il est exposé tous les hyvers d’estre emporté par les glaces ; ce qui lui est arrivé plusieurs fois & mesme cette année 1684. On le nomme ainsi parce qu’il estoit peint de rouge autrefois.

Fin du second tome.

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- + Addition page 252 du second volume -

- - Messire Louis Servin, avocat général au Parlement de Paris, est enterré à Saint-Barthélemi. Il s’etoit acquis par son mérite extraordinaire le respect & l’amitié de tous ceux qui le connoissoient, & sa réputation estoit si grande dans toute l’Europe que les plus illustres sçavans de son temps se faisoient une très grande gloire d’avoir commerce de lettres avec lui ; comme on le voit encore dans leurs ouvrages, où il y en a quelques unes de lui qui font juger de son génie merveilleux. Sa fidélité inviolable pour le bon parti lui acquit la confiance de Henri III, qui le choisit pour la charge d’avocat général après la démission de messire Jacques Faye Despesses, & qu’il exerça avec une intégrité exemplaire jusqu’en l’année 1616, qu’il mourut en haranguant Louis XIII - tenant son lit de justice au Parlement. L’Université, a qui il avoit rendu de grands services, lui fit une pompe funèbre aux Mathurins, où son éloge fut prononcé en latin.

-

Voici deux vers qui peuvent lui servir d’épitaphe :

- - - Est satis in titulo Servinus proh ! Jacet ingens, - In mundo scivit scibile quidquid erat. - - +

+ Messire Louis Servin, avocat général au Parlement de Paris, est enterré à Saint-Barthélemi. Il s’etoit acquis par son mérite extraordinaire le respect & l’amitié de tous ceux qui le connoissoient, & sa réputation estoit si grande dans toute l’Europe que les plus illustres sçavans de son temps se faisoient une très grande gloire d’avoir commerce de lettres avec lui ; comme on le voit encore dans leurs ouvrages, où il y en a quelques unes de lui qui font juger de son génie merveilleux. Sa fidélité inviolable pour le bon parti lui acquit la confiance de Henri III, qui le choisit pour la charge d’avocat général après la démission de messire Jacques Faye Despesses, & qu’il exerça avec une intégrité exemplaire jusqu’en l’année 1616, qu’il mourut en haranguant Louis XIII tenant son lit de justice au Parlement. L’Université, a qui il avoit rendu de grands services, lui fit une pompe funèbre aux Mathurins, où son éloge fut prononcé en latin.

+

Voici deux vers qui peuvent lui servir d’épitaphe :

+ + Est satis in titulo Servinus proh ! Jacet ingens, + In mundo scivit scibile quidquid erat. +
- + Table des choses contenues dans le second volume. - +
- + Le quartier de l’Université - - , page 1 - - - , 5 - - - , 9 - - - , ibid. - - - , ibid. - - - , 10 - - - , ibid. - - - , 12 - - - - , 13 - - - , 15 - - - , 18 - - - , 18 - - - , 28 - - - , 39 - - - , ibid. - + , page 1 + + , 5 + , 9 + + , ibid. + , ibid. + , 10 + , ibid. + , 12 + + , 13 + , 15 + + , 18 + , 18 + , 28 + , 39 + , ibid.
- + La rue Saint-Jacques - - , page 4 - - - - , 44 - - - , 46 - - - , ibid. - - - , ibid. - - - , 51 - - - , 52 - - - , ibid. - - - , 57 - - - , 58 - - - , 59 - - - , 67 - - - , 68 - - - , 75 - - - - , ibid. - - - , 76 - - - , 77 - - - , ibid. - - - , 78 - - - , 79 - - - , 87 - - - , 97 - - - , 98 - - - , 99 - - - , 103 - - - , 104 - - - , ibid. - - - , 109 - - - , ibid. - - - , 110 - - - , 120 - - - , ibid. - - - , ibid. - - - , 122 - - - , 123 - - - , 124 - - - , 128 - - - , 129 - - - , ibid. - - - , 130 - - - , 133 - + , page 4 + + , 44 + , 46 + , ibid. + , ibid. + , 51 + , 52 + , ibid. + , 57 + , 58 + , 59 + + , 67 + , 68 + , 75 + + + , ibid. + , 76 + , 77 + , ibid. + , 78 + , 79 + , 87 + , 97 + , 98 + , 99 + , 103 + , 104 + , ibid. + , 109 + , ibid. + , 110 + , 120 + , ibid. + , ibid. + + , 122 + , 123 + + , 124 + , 128 + , 129 + , ibid. + , 130 + , 133 , ibid.
- - Le faux-bourg ou le quartier Saint-Germain + + Le faux-bourg ou le quartier Saint-Germain - - , page 135 - - - , 136 - - - , 156 - - - , 162 - - - , 163 - - - , 164 - - - , ibis. - - - - , 168 - - - , ibid. - - - , 169 - - - , 173 - - - - , 169 - - - , 175 - - - , 176 - - - , ibid. - - - , 177 - - - , ibid. - - - , ibid. - - - , 178 - - - , ibid. - - - , ibid. - - - , - 127 - - - - , ibid. - - - , 180 - - - , ibid. - - - , 181 - - - - , 185 - - - , ibid. - - - , 186 - - - , ibid. - - - , 187 - - - , ibid. - - - , 188 - - - , - 109 - - - - , ibid. - - - , ibid. - - - , ibid. - + , page 135 + , 136 + + , 156 + , 162 + , 163 + , 164 + , ibis. + + , 168 + , ibid. + + , 169 + , 173 + + , 169 + , 175 + + , 176 + , ibid. + , 177 + , ibid. + , ibid. + , 178 + , ibid. + , ibid. + , 127 + + , ibid. + , 180 + , ibid. + , 181 + + , 185 + , ibid. + , 186 + , ibid. + + , 187 + + , ibid. + , 188 + , + 109 + , ibid. + , ibid. + + , ibid. , ibid. - +
- + La rue de l’Université - - , page 190 - - - , 192 - - - , 201 - - - , 202 - - - , ibid. - - - , 203 - - - , ibid. - - - , 206 - - - , ibid. - - - , 208 - - - , 209 - - - , 214 - - - , 217 - - - , ibid. - - - , 219 - - - - , 220 - - - , 225 - - - , ibid. - - - , ibid. - - - , ibid. - - - , 226 - - - , 227 - - - , 228 - - - , ibid. - + , page 190 + + , 192 + , 201 + , 202 + , ibid. + , 203 + , ibid. + , 206 + , ibid. + + , 208 + , 209 + , 214 + , 217 + , ibid. + , 219 + + , 220 + + , 225 + , ibid. + , ibid. + + , ibid. + , 226 + , 227 + , 228 + , ibid.
- + L’isle du Palais - - , page 231 - - - , 235 - - - , 242 - - - , ibid. - - - , 243 - - - , ibid. - - - , ibid. - - - , 244 - - - - , 247 - - - , 248 - - - , ibid. - - - , ibid. - - - , ibid. - - - , 249 - - - , ibid. - - - , ibid. - - - , ibid. - - - , ibid. - - - , 250 - - - , ibid. - - - , 251 - - - , ibid. - - - , ibid. - - - , ibid. - - - , 252 - + , page 231 + , 235 + , 242 + , ibid. + , 243 + , ibid. + , ibid. + , 244 + + + , 247 + + , 248 + , ibid. + , ibid. + , ibid. + , 249 + , ibid. + , ibid. + , ibid. + , ibid. + , 250 + , ibid. + , 251 + , ibid. + , ibid. + , ibid. + , 252 - +
- + Le Palais - - , page 255 - - - , 256 - - - , 257 - - - , 258 - - - , 259 - - - , 266 - - - , 267 - - - , 270 - - - , ibid. - - - , 271 - - - , 272 - + , page 255 + + , 256 + , 257 + , 258 + , 259 + , 266 + , 267 + , 270 + + , ibid. + , 271 + , 272
- + Les ponts de Paris - - , page 274 - - - , 276 - - - , 277 - - - , 278 - - - , 279 - - - , ibid. - - - , 280 - - - , - 181 - - - - , 284 - - - , - 190 - - - - , - 194 - - - - , 295 - + , page 274 + , 276 + , 277 + , 278 + , 279 + , ibid. + , 280 + , 181 + , 284 + , + 190 + , 194 + , 295 -

Fin de la table du second volume.

+

Fin de la table du second volume.

- + Extrait du privilège du roy -

Par grâce & privilège du roy, donné à Versailles - le 15 novembre 1683. Signé Langlois. Il est permis au sieur B**** de faire imprimer un livre intitulé, Description nouvelle de ce qu’il y a de plus remarquable dans le ville de Paris, en un ou plusieurs volumes, pendant le temps & espace de dix années, à compter du jour qu’il sera achevé d’imprimer pour la première fois ; avec défenses à qui que ce soit d’imprimer, vendre ny débiter ledit livre sans son consentement, ou de ceux qui auront droit de luy, à peine de trois mil livres d’amende & de tous dépens, dommages & interests, ainsi qu’il est porté plus au long par ledit privilège.

-

Et ledit sieur B**** a cédé son droit de privilège Nicolas Le Gras, marchand libraire à Paris, suivant l’accord fait entr’eux. Et ledit Nicolas Le Gras a associé avec luy, pour moitié dudit livre, la veuve Audinet.

+

Par grâce & privilège du roy, donné à Versailles le 15 novembre 1683. Signé Langlois. Il est permis au sieur B**** de faire imprimer un livre intitulé, Description nouvelle de ce qu’il y a de plus remarquable dans le ville de Paris, en un ou plusieurs volumes, pendant le temps & espace de dix années, à compter du jour qu’il sera achevé d’imprimer pour la première fois ; avec défenses à qui que ce soit d’imprimer, vendre ny débiter ledit livre sans son consentement, ou de ceux qui auront droit de luy, à peine de trois mil livres d’amende & de tous dépens, dommages & interests, ainsi qu’il est porté plus au long par ledit privilège.

+

Et ledit sieur B**** a cédé son droit de privilège Nicolas Le Gras, marchand libraire à Paris, suivant l’accord fait entr’eux. Et ledit Nicolas Le Gras a associé avec luy, pour moitié dudit livre, la veuve Audinet.

- Registré sur le livre de la communauté des Libraires & Imprimeurs de Paris le 29 jour de novembre 1683 - .

-

Signé, Angot, syndic.

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Achevé d’imprimer pour la première fois le 30 mars 1684.

+ Registré sur le livre de la communauté des Libraires & Imprimeurs de Paris le 29 jour de novembre 1683 .

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Signé, Angot, syndic.

+

Achevé d’imprimer pour la première fois le 30 mars 1684.