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J_ENTENDS_CHANCE_ABOYER.md

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J’ENTENDS CHANCE ABOYER

J’entends Chance aboyer au fin fond de mon cœur
Qui se soulève avec le refrain aboyeur
De peine et de deuil où sa voix à ma voix jointe
Résonne au fond de moi comme une longue plainte.

Quand je ferme les yeux, je sens cet aboiement
Tel des coups de poignard s’abattre violemment
Sur mon cœur traversé de secousses unies
Aux spasmes cadençant ses longues agonies.

Il vibre et tinte, sonne et résonne en cent sons.
Sa voix glace mon sang, submerge de frissons
Mon être que tout tend, tout afflige et tout pèse :
Ce son me torture et en même temps m’apaise.

Douce, doux animal qui aboie doucement
Et touche avec sa voix d’un seul effleurement
Le cœur que radoucit sa présence apaisante
Et l’œil attendri par sa grâce attendrissante.

Son front est revêtu d’une couleur corail,
Un blanc doré parsème et orne son poitrail,
Une fourrure noire habille et enveloppe
Son corps qui s’embellit quand gaie elle galope.

Chance court, ralentit, descend les escaliers
Ainsi qu’une diva – ses charmes déployés – ,
Tend un pied pour descendre une marche et s’arrête,
Puis descend d’un seul coup, se tourne et se tient prête.

Sur le qui-vive, alerte, elle attend le signal
Pour commencer et prend un plaisir sans égal
À te fixer des yeux, sans ciller, aboyante
Pour te dire qu’elle est ô combien impatiente.

Elle adore jouer, le fait sans se lasser,
Vient se coller à toi, se laisse caresser,
Te montre son amour, te lèche et te dorlote,
Sur ton giron se niche et dans ta main grignote.

Gourmande et, à sa faim, mange avec appétit,
Repue elle se plaît, s’étire et se blottit,
Et badine en mangeant, s’amuse et se rebelle,
Picore sans vouloir manger dans sa gamelle.

Dans l’art de l’illusion, Chance sait exceller :
Après avoir mangé, elle s’en va filer
En toute discrétion, sans se trahir d’un geste,
En catimini, dans un coin, faire une sieste.

Tu la cherches partout, tu tapes dans les mains
Sans réponse et enfin, calme loin des humains,
Dans les bras de Morphée, on la découvre comme
Un bébé tout mignon sommeiller dans son somme.

Chance charge toujours les intrus sans merci
Et déteste les chats (je les déteste aussi),
Elle aboie sans repos et montre ses canines
Pour chasser ceux qui sont de sa confiance indignes.

Mais avec ceux qu’elle aime, elle n’est que douceur
Qui les couvre d’amour, de joie et de bonheur :
Tu vois rien qu’à la voir ton chagrin qui s’émousse
Tant son cœur est immense et tant son âme est douce.

Chance, doux animal que je n’ai pas connu
Mais dont le souvenir en moi est continu.
Yasmine me pressait pour que je la rencontre ;
J’ai manqué d’y œuvrer pourtant loin d’être contre.

Je n’ai pas pris l’avion pour venir te revoir
Quand toi tu me disais l’attendre et le vouloir :
Je me ferais pousser – pour t’atteindre – des ailes
Ne serait-ce que pour prendre de tes nouvelles.

Mais tu ne le veux plus et ne veux rien de moi ;
Ton cœur, après avoir été en plein émoi,
Je l’ai vu devenir sourd, dur, froid et placide,
Et débordant d’amour, il est devenu vide.

Ils peuvent maintenant rester cloués au sol
Les avions, et dans l’air qu’ils arrêtent leur vol :
À quoi bon qu’un avion vole s’il ne peut même
Plus porter l’amoureux jusqu’à celui qu’il aime ?

Tu creuses une tombe à ce temps révolu
Et rejettes le lien après l’avoir voulu.
Les vents changent de sens, et le cœur est docile :
Ce qui t’a plu hier, aujourd’hui t’horripile.

J’ai cru avoir le temps, et sans me dépêcher,
Pouvoir temporiser avant de m’approcher :
À plus tard, on se croit toujours pouvoir remettre,
On comprend que le temps est finalement traître.

Courir derrière l’or, courir après l’argent ;
Ce qui te tient à cœur, c’est ce qui est urgent !
Il faut considérer de la chose l’urgence
À l’aune de son poids et de son importance.

J’ai cru naïvement à trop me disperser
Pouvoir venir à toi sans devoir me presser
Mais l’inflexible temps ne donne point d’avance
Et la peur qu’on dépasse, à la fin, nous devance.

Chance veillait sur nous et s’assurait de tout,
Elle avait l’œil vif et nous protégeait partout,
Elle aboyait toujours avant qu’un mal n’advienne
Et du lien entre nous, Chance était la gardienne.

Sans protecteur, un mal est très vite advenu
Assombrissant le ciel que nous avions connu
Clair, sans aucun nuage et à l’amour propice,
Devenu sombre et gris sans notre protectrice.

J’ai aimé beaucoup trop, je l’ai montré que peu :
Alors qu’on croit qu’aimer c’est aimer comme on peut,
L’amour est une chose absolument fragile
Qui, sans disposition, se dissout et s’effile.

Ou alors ai-je tort ? Tout n’est que distraction,
Mon avis n’est que fruit de cette déception.
Et dois-je m’avouer : « L’amour est une chose
Que je n’ai point connu, et c’est là la vraie cause. »

Ou alors dis-je vrai ? Mon cœur a bien raison
De croire en son vécu et n’est point déraison
Si quelquefois mon cœur se retrouve à redire
Ce que j’ai entendu ce vieux poète dire.

« Vous avez déserté, loin – maintenant heureux
Et nous sommes restés comme avant amoureux :
Notre cœur est de tout mouvement incapable
Et le vôtre se meut comme un amas de sable. »

Tu es un sable chaud chauffé au feu de bois
Qui me brûle la main et coule entre mes doigts :
Je ne sais si je dois souffrir de la brûlure,
De ma main qui se vide ou de notre rupture.

En le voyant filer et dans un sablier,
Le sable s’écouler, je vois se délier
Le lien qui nous liait ; le temps se précipite
Et l’entraînant, le lien s’émiette et se délite.

Yasmine, tu aurais, en restant, pu cacher
Au monde mes mauvais vers et pu m’empêcher
De m’enliser dans mes métaphores sablières
Et de noyer mes mots dans de tristes prières.

On vient me reprocher de composer des vers :
Que ce monde est absurde et qu’il est à l’envers.
On dénigre ma rime, on veut que je la taise :
Partez et laissez-moi rimailler à mon aise.

Yasmine croit que c’est pour elle que j’écris,
Mais je le fais pour moi, pour embellir mes cris.
Je vois en écrivant ma nature profonde
Et je vois à la voir le reflet de ce monde.

Et à travers mes vers mon cœur se laisse voir
Quand je le fais parler dans les règles de l’Art.
Je dis ce qu’autrement je n’aurais pas pu dire :
La contrainte aide à dire et non à l’interdire.

Quand jamais pour la forme un sens n’est sacrifié,
On dit mieux quand on dit dans un vers versifié :
Il n’y a pas de poème en dehors de la forme
Et le vers n’est un vers que quand il s’y conforme.

La forme ne doit pas le fond mettre en suspens,
Elle est à son service et non à ses dépens ;
Mais doit être bien là : nul vrai poète n’ose
Qualifier de poème un tas de mots en prose.

Il faut se dispenser du vers alambiqué,
Un vers complexe et plein, mais jamais compliqué ;
Pas de syllabe en trop, pas de rime gratuite,
Chaque mot à sa place et du sens dans leur suite.

Le sens, le sens, le sens, et le sens avant tout :
Délirer nulle part, garder le sens partout.
Et dans l’Art du poème, il n’y a rien de plus triste
Que de faire des vers comme un surréaliste.

Le propos naturel, non pas embarrassé,
Pas obscur mais limpide, il doit être sensé ;
La terre n'est pas bleue, encor moins une orange :
Le manque de talent pousse au non-sens étrange.

Profond sans être obscur pour permettre au lecteur
Avec des mots non loin de voir la profondeur.
Le bon vers le permet, de même au nageur l'onde :
En surface nager, plonger dans l'eau profonde.

Le vers doit densément viser et signifier,
On ne doit voir pour voir un vers se densifier
Ne serait-ce qu’un mot qui sans but déambule :
L’Art c’est l’Art du Voyant, pas l’art du somnambule.

La densité du vers doit s’élever très haut :
L’abondance du sens, l’économie du mot.
Ton vers doit être vrai, ton émotion intense,
Ton symbole précis, et toujours le sens dense.

Le vers est cent fois fait, et cent autres défait
Jusqu’à ce qu’il soit bon, complètement parfait.
C’est ainsi que je fais, et avec exigence
Je mets en vers le fait qui a de l’importance.

Mes souvenirs me sont chers et si essentiels
Que pour ne pas les perdre et les rendre éternels
Je les immortalise en objets poétiques
Et les garde avec soin auprès d’autres reliques.

J’ai, ma chère, sais-tu, chez moi un t-shirt noir
Qui, encor neuf – froissé, dort au fond d’un tiroir ;
Je l’ai vu par hasard – ravi de ma trouvaille
Et d’offrir à mon cœur un t-shirt à sa taille.

Le maillot était sur son cintre suspendu
Et à ce moment-là, jamais n’aurais-je cru
Que le vêtement quand je l’ai vu en vitrine
Continue à sentir aussi longtemps l’usine.

Je te vois et vois sur ton torse le dessin
Du t-shirt noir qui prend la forme de ton sein
Et qui te va si bien que rien ne pourrait être
Mieux sur toi, mais hélas tu ne pourras le mettre.

Jamais ne sera-t-il tiède par ta chaleur
L’habit, ni son tissu moite de ta sueur ;
Jamais ne pourra-t-il constater ton envie
Et jamais s’animer à travers toi de vie.

Il ne pourra sentir tes deux tétons pointer,
Ni tes frissons l’hiver, ni ta chaleur l’été
Alors qu’il aurait pu en sentant ton cœur battre,
Au grès de ton entrain, se mouvoir et s’ébattre.

Il ne connaîtra pas ton odeur, et ta peau
Restera inconnue aux fibres du maillot.
Il restera sans âme et couvert de poussière
Dans l’armoire, écroué, sans pouvoir s’y soustraire.

Le t-shirt ne pourra ni sur toi se tacher,
Ni se décolorer, ni jamais boulocher :
Il est tristement neuf, à l’abri des lavages,
Exempté de dégâts et d’usants repassages.

Sans opportunité de pouvoir se salir,
Sans chance de s’user, privé de te couvrir,
Je le vois se languir, se sentir inutile,
S’ennuyer, et se voir mort-né l’objet textile.

Dans la sinistre armoire, il – solitaire – attend,
Rêve d’être porté – soit-il pour un instant – :
Le cœur nage – impuissant – dans un tourment horrible,
Nostalgique du temps où ceci fut possible.

Mes yeux ne verront pas le t-shirt sur ton corps
Bien que l’ayant trop vu – conscient ou quand je dors –
Il devient souvenir au fond de ma mémoire
Ce t-shirt qui remplit à lui seul mon armoire.

Questionnant mon cerveau, je crois me souvenir
– Tant j’ai imaginé le t-shirt te couvrir –
Du t-shirt qui te couvre, et, en toute conscience,
L’image du t-shirt convoque ta présence.

Qu’y a-t-il de changé entre aujourd’hui et hier ?
Qu’est devenu le short que je t’avais offert ?
Le portes-tu encore ? A-t-il encor la chance,
Toujours, d’être à ton goût, et à ta convenance ?

Le short et le t-shirt ne pourront se marier
Et jamais notre lien ne pourra se relier :
Nous ne pourrons jamais ni ensemble revivre,
Ni jamais regoûter à ce temps qui enivre.

Sur la plage, l’habit ne peut te protéger
Ni des coups de soleil, ni d’un autre danger ;
Il ne peut te couvrir après une baignade,
Ni te tenir au chaud en sortant de l’eau froide.

Le goût du sel marin sur ta peau restera
Pour lui un grand mystère et sa peine sera
Infinie à ne pas être ton partenaire
Quand tu remplis de vie et la mer et la terre.

Il ne sera jamais par tes mains malmené ;
Jamais, se verra-t-il – soumis et résigné –
Devenir un chiffon qui s’use et se chiffonne
Servant à essuyer l’écran de ton iPhone.

Je t’ai imaginé le porter tant de fois
Et j’en rêve souvent qu’il me semble et je crois
En le humant sentir ton odeur qui m’embaume
Et en le caressant ta peau presser ma paume.

Quand je vois le t-shirt, je crois voir tes contours
Prendre forme et l’habit épouser tes pourtours ;
En le voyant je crois te voir toi-même en face,
Je crois en le serrant que c’est toi que j’enlace.

J’ai aimé beaucoup trop, je l’ai dit peu et mal :
On se prive d’un mot car on le croit banal,
Mais l’oreille sans bruit risque de se méprendre :
Le cœur veut qu’on lui parle et a besoin d’entendre.

Il a besoin de dire et de se confesser ;
Pour les humains les mots sont fait pour caresser
Et l’homme mal-en-point des maux qui le traversent
S’en remet quand les mots sur son cœur se déversent.

Ni trop tôt, ni trop tard, ni trop, ni pas assez ;
Faire au meilleur moment, sans tomber dans l’excès.
Pour garder l’amour vrai et la confiance intacte,
Il faut en disant joindre à la parole l’acte.

Il faut cueillir le fruit sans délai, sans retard,
Au juste moment. Sans le quitter du regard,
Soucieux de ne pas lui porter préjudice,
On attend beaucoup trop – jusqu’à ce qu’il pourrisse.

On regrette le temps passé quand c’est trop tard :
Et à trop calculer, on arrive en retard.
On se voit hésitant de peur que l’on se trompe
Manquant la vie avant qu’elle ne s’interrompe.

Aimez tant c’est possible et laissez déborder
Votre verre de vie avant qu’il soit vidé.
Profitez des moments, cultivez la confiance ;
Soyez toujours présent, chérissez la présence.

Pas assez de câlins, pas assez de baisers ;
Voir ses erreurs est dur, les regrets sont aisés.
On néglige les biens quand on est dans l’aisance,
Puis on pleure les morts de notre négligence.

L’ignorant tourne en rond et remet à demain
Quand sa béatitude est à portée de main ;
Au revirement, pour revenir en arrière,
Il se trouve prêt à remuer ciel et terre.

On est bien insoucieux au moment du bonheur
Qu’on ne voit point le pire au milieu du meilleur,
On découvre à la fin que la peine est régie
Par l’ampleur du regret et par la nostalgie.

Au Palais des Raïs, j’ai adoré te voir
Courir vers la fenêtre (où l’alcôve) t’asseoir,
Les mains sur les genoux, tu étais bien assise,
Rêveuse et frissonnante à la fleur de la brise.

L’air marin traversait le volet ajouré
Et tu fermais les yeux comme pour savourer
Sa fraîcheur sur ton corps, et toi toute frileuse,
Tu frissonnais, et moi, je te voyais heureuse.

J’étais debout, tout près, la mer à l’horizon,
Je te collais jusqu’à devenir ta prison,
Et toi tu t’y plaisais dans cette douce cage :
Deux murs, moi, et la mer après le barreaudage.

Le minaret d’Alger, sans jamais nous blâmer,
Sous son ombre, enflammés, nous a vu nous aimer :
C’est pour attendrir Dieu une occasion manquée
De priver de nous l’œil de la Grande Mosquée.

Chacun des souvenirs qu’avec émoi je dis
M’ébranle et dans ma tête égale un paradis ;
Ils viennent sans arrêt me suivre et rien ne freine
Les instants du passé que dans mon cœur j’égrène.

Tes bras autour de moi, tes lèvres sur mon cou,
Sur le quai d’une gare où nous étions debout,
Ta bouche revenait avec un élan rare
Sur mon cou se presser fort comme pour y boire.

Sur la pointe des pieds, nous deux ne faisant qu’un
Dans notre enlacement que ne troublait aucun,
Tu poussais sur le sol vers moi comme une lierre,
Comme voulant te joindre à moi toi toute entière.

Ta bouche sur mon cou comme pour imprimer
Des mots venait frôler et puis se comprimer
Ainsi qu’un stylo plume. Et tes lèvres pressées
Tenait lieu de scellé à nos deux chairs tressées.

Et alors qu’en silence, on aimait ces instants
Qui nous réunissaient et suspendaient le temps,
Ta lèvre sur mon cou pleine, douce et brillante
Semblait chuchoter dans une langue enivrante.

Nous étions comme ça avant chaque au revoir,
Tristes de nous quitter, pressés de nous revoir :
Aucun n’imaginait de l’autre se déprendre
Et quand nous étions loin, nous ne savions qu’attendre.

Comment est-ce possible après aimer ainsi
Voir le cœur amoureux devenir aminci
Dégorgeant son amour, se vider de sa sève
Se détournant de moi comme la fin d’un rêve ?

J’ai cru voir dans tes yeux un amour éternel,
J’ai cru la fable vraie et le mythe réel
Quand – pris dans ton regard – l’infini de ta vue
A laissé mon esprit noyé dans la cohue.

Tes yeux vifs et profonds comme un océan bleu
Où je me suis noyé – sans le secours de Dieu –
Quand mes yeux ont plongé au fond de tes prunelles,
Belles en apparence et dans les faits mortelles.

Mon cœur se fiant à l’œil, quand tes yeux l’ont piégé,
A couru à sa perte – innocent et léger – :
Sa perte ne voulant arriver à son terme
Je détourne les yeux de toi et je les ferme.

Je sens, les yeux fermés, Chance, vers moi, marcher,
Je sens ses pas venir, le son se rapprocher…
Et quand j’ouvre mes yeux, je crois voir apparaître
Chance – doux animal – que j’aime sans connaître.

Yasmine, en déposant l’animal adoré
Sous terre c’était moi qu’elle avait enterré :
Si vous voulez nous voir, cherchez au cimetière
Et vous trouverez Chance et moi unis sous terre.

J’ai fait, en l’apprenant, mentir le messager :
Il est au mieux farceur, au pire mensonger.
Mon espoir s’en allant a laissé place au doute ;
Toujours le destin verse au cœur ce qu’il redoute.

Chance, ici-bas, n’est plus. Paix à ton âme et paix…
Ces lieux sont mutilés, de ta perte frappés…
Chance, repose en paix. Chance, Ange tutélaire,
Que seras-tu au Ciel, déjà Ange sur Terre ?

En larmes, pas un œil pour consoler un œil ;
Chance, puis ton amour, endeuillé deuil sur deuil,
Je t’ai perdu après Chance, perte après perte,
Ruinant la guérison de ma blessure ouverte.

Après le déni, l’œil de larmes se remplit
Refusant d’accepter mais le fait accompli
S’impose avec constance et jusqu’à te soumettre
À la réalité que tu ne veux admettre.

Tu as pleuré aussi. D’amertume ou d’amour ?
Pourquoi as-tu pleuré ? M’as-tu aimé un jour ?
Ton cœur a-t-il connu avec moi ces délices ?
Étais-je tout seul quand je nous croyais complices ?

Tu as tranché ton choix et comme un couperet,
Il est tombé sur moi le criminel décret :
L’amoureux n’y peut rien quand le couperet tombe,
L’amour est une mort qui le laisse sans tombe.

Tu as, avec un mot, sans même dédaigner
De me dire au revoir avant de t’éloigner,
Enterré notre amour – sans te voir me permettre
Comme craignant le voir, en nous voyant, renaître.

« Le temps peut soulager un cœur martyrisé
Et le lien peut après le conflit s’apaiser :
Pour certaines rancœurs c’est le temps seul qui aide
Et les cœurs dépités y trouvent leur remède. »

Maigre consolation si le cœur aime encor,
Perspective inutile à celui qui est mort :
J’enterre avec ces vers cet amour qui me tue
Et je tais à jamais la flamme que j’ai tue.

Je fais ici mon deuil, mes vers sont un linceul ;
Je me souviens de tout et jouis du meilleur seul.
Mon cœur est maintenant léger comme une plume,
Sain de toute souffrance et de toute amertume.

J’ai aimé tellement et je ne t’aime plus ;
Le cœur sort de la chambre où il était reclus,
Il laisse le temps faire, entre en convalescence,
Et, après un moment, retrouve sa puissance.

Mal, au seuil de la mort, je me suis vu guérir
Et vouloir vivre après avoir voulu mourir.
Je me vois préférer l’exubérance au vide,
L’espoir au défaitisme et la gloire au suicide.

Si de ce grand malheur j’ai pu me dégager,
Je puis mon rêve atteindre et le monde changer :
On apprend à franchir une terrible épreuve
Notre force, et la foi se durcit d’une preuve.

Bien qu’ayant fait mon deuil, tourné vers l’avenir,
Il m’arrive de voir en moi le souvenir
De Chance surgir comme un astre au ciel flamboie,
Et, parfois, dans mon cœur, je l’entends qui aboie.

Paris, avril 2023