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PROCEDURE
L ’ affaire a été déférée à la Cour par la Commission européenne des Droits de l ’ Homme ( " la Commission " ) puis par le gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d ’ Irlande du Nord ( " le Gouvernement " ) les 23 et 26 janvier 1995 , dans le délai de trois mois qu ’ ouvrent les articles 32 par . 1 et 47 de la Convention ( art. 32-1 , art. 47 ) .
A son origine se trouve une requête ( no 19380 / 92 ) dirigée contre le Royaume-Uni et dont un citoyen de cet Etat , M. Stephen Andrew Benham , avait saisi la Commission le 20 septembre 1991 en vertu de l ’ article 25 ( art. 25 ) .
La demande de la Commission renvoie aux articles 44 et 48 ( art. 44 , art. 48 ) ainsi qu ’ à la déclaration britannique reconnaissant la juridiction obligatoire de la Cour ( article 46 ) ( art. 46 ) , la requête du Gouvernement à l ’ article 48 ( art. 48 ) .
Elles ont pour objet d ’ obtenir une décision sur le point de savoir si les faits de la cause révèlent un manquement de l ’ Etat défendeur aux exigences des articles 5 et 6 de la Convention ( art. 5 , art. 6 ) .
En réponse à l ’ invitation prévue à l ’ article 33 par . 3 d ) du règlement A , le requérant a manifesté le désir de participer à l ’ instance et désigné son conseil ( article 30 du règlement A ) .
La chambre à constituer comprenait de plein droit Sir John Freeland , juge élu de nationalité britannique ( article 43 de la Convention ) ( art. 43 ) , et M. R. Bernhardt , vice-président de la Cour ( article 21 par . 4 b ) du règlement A ) .
Le 5 mai 1995 , le président de la Cour , M. R. Ryssdal , a tiré au sort , en présence du greffier , le nom des sept autres membres , à savoir M. Thór Vilhjálmsson , M. B. Walsh , M. R. Macdonald , M. I. Foighel , M. L. Wildhaber , M. G. Mifsud Bonnici et M. D. Gotchev ( articles 43 in fine de la Convention et 21 par . 5 du règlement A ) ( art. 43 ) .
En sa qualité de président de la chambre ( article 21 par . 6 du règlement A ) , M. Bernhardt a consulté , par l ’ intermédiaire du greffier , l ’ agent du Gouvernement , le conseil du requérant et la déléguée de la Commission au sujet de l ’ organisation de la procédure ( articles 37 par . 1 et 38 ) .
Conformément à l ’ ordonnance rendue en conséquence , le greffier a reçu les mémoires respectifs du Gouvernement et du requérant les 27 juillet et 7 août 1995 .
Ainsi qu ’ en avait décidé le président , les débats se sont déroulés en public le 22 novembre 1995 , au Palais des Droits de l ’ Homme à Strasbourg .
La Cour avait tenu auparavant une réunion préparatoire .
Ont comparu :
- pour le Gouvernement
MM. M. Eaton , conseiller juridique adjoint ,
ministère des Affaires étrangères et du Commonwealth , agent ,
D. Pannick QC ,
P. Duffy , conseils ,
M. Collon , Lord Chancellor ’ s Department , conseiller ;
- pour la Commission
Mme J. Liddy , déléguée ;
- pour le requérant
MM. B. Emmerson ,
A. Bradley , professeur , conseils ,
J. Wadham , conseiller .
La Cour a entendu en leurs déclarations Mme Liddy , M. Emmerson et M. Pannick .
A la suite des délibérations du 23 novembre 1995 , la chambre s ’ est dessaisie au profit d ’ une grande chambre ( article 51 par . 1 du règlement A ) .
Conformément à l ’ article 51 par . 2 a ) et b ) du règlement A , le président et le vice-président de la Cour , M. Ryssdal et M. Bernhardt , ainsi que les autres membres et juges suppléants ( à savoir M. B. Repik , M. F. Gölcüklü , M. R. Pekkanen et M. K. Jungwiert ) de la chambre originaire sont devenus membres de la grande chambre .
Le 5 décembre 1995 , le président a tiré au sort , en présence du greffier , le nom des sept juges supplémentaires , à savoir M. F. Matscher , M. J. De Meyer , Mme E. Palm , M. A.N. Loizou , M. A.B. Baka , M. M.A. Lopes Rocha et M. P. Jambrek ( article 51 par . 2 c ) du règlement A ) .
Après avoir consulté l ’ agent du Gouvernement , le requérant et la déléguée de la Commission , la grande chambre a décidé le 26 janvier 1996 qu ’ il n ’ y avait pas lieu de rouvrir les débats après le dessaisissement de la chambre ( article 38 combiné avec l ’ article 51 par . 6 du règlement A ) .
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L ’ ESPECE
Le 1er avril 1990 , M. Benham devint assujetti à l ’ impôt de capitation ( community charge ) , d ’ un montant de 325 livres sterling ( GBP ) .
Il ne s ’ en acquitta pas et , le 21 août 1990 , la magistrates ’ court de Poole émit une injonction de payer habilitant le conseil du comté de Poole ( " l ’ organisme de recouvrement " ) à engager une procédure d ’ exécution ( paragraphe 19 ci-dessous , articles 29 et 39 par . 1 du règlement pertinent ) .
M. Benham ne versa pas le montant dû , et des huissiers se rendirent au domicile de ses parents ( où il vivait ) , mais ils s ’ entendirent dire qu ’ il ne possédait là ou ailleurs aucun bien de valeur qu ’ ils pussent saisir et faire vendre pour recouvrer la dette .
D ’ après l ’ article 41 du règlement de 1989 sur la gestion et le recouvrement de l ’ impôt de capitation ( Community Charge ( Administration and Enforcement ) Regulations 1989 , " le règlement " ; paragraphe 19 ci-dessous ) , lorsqu ’ il apparaît qu ’ un contribuable ne dispose pas de biens suffisants pouvant être saisis afin d ’ assurer le paiement de l ’ impôt restant dû , l ’ organisme de recouvrement peut demander à une magistrates ’ court d ’ ordonner la contrainte par corps .
Lors d ’ une telle demande , le tribunal procède , en présence du contribuable défaillant , à une enquête en vue de déterminer quelles sont ses ressources actuelles et si le défaut de paiement ayant entraîné l ’ émission de l ’ injonction de payer à son encontre était dû à un refus délibéré ou à une négligence coupable de sa part .
L ’ organisme de recouvrement sollicita ce mandat de dépôt et , le 25 mars 1991 , M. Benham comparut devant la magistrates ’ court de Poole aux fins de l ’ enquête requise par le règlement .
Il ne fut pas assisté ou représenté par un avocat , bien qu ’ il pût prétendre au bénéfice de conseils et d ’ une assistance juridiques dans le cadre du programme " formule verte " ( " Green Form Scheme " ) avant l ’ audience ( paragraphe 29 ci-dessous ) et , s ’ ils l ’ avaient jugé bon , les magistrats auraient pu ordonner une assistance sous forme de représentation ( Assistance by Way of Representation - " ABWOR " ) ( paragraphe 30 ci-dessous ) .
Les magistrats constatèrent que M. Benham , qui avait validé neuf matières au certificat de fin d ’ études de premier cycle de l ’ enseignement secondaire ( " O " Level General Certificates of Secondary Education ) , avait commencé en septembre 1989 un programme national de formation à l ’ emploi , mais avait abandonné en mars 1990 et n ’ avait plus travaillé depuis .
Il avait sollicité un soutien de revenu , mais s ’ était heurté à un refus parce que les personnes volontairement sans travail ne peuvent percevoir cette prestation , et il n ’ avait ni biens ni revenus personnels .
Sur la foi de ces éléments de preuve , les magistrats conclurent que le défaut de paiement de l ’ impôt de capitation était dû à une négligence coupable de l ’ intéressé , celui-ci " ayant manifestement les capacités de gagner sa vie afin de s ’ acquitter de son obligation de payer " .
Ils ordonnèrent donc son incarcération pour trente jours à défaut de paiement .
M. Benham fut écroué le même jour à la prison de Dorchester .
Le 27 mars 1991 , un solicitor fut commis pour le représenter et invita par écrit la magistrates ’ court à déférer les points de droit soulevés par l ’ affaire à l ’ avis de la juridiction supérieure ( paragraphe 21 ci-dessous ) et réclama la libération provisoire du requérant ( paragraphe 22 ci-dessous ) .
Une aide judiciaire fut octroyée pour l ’ appel , mais non pour la demande de libération car elle n ’ est pas prévue pour une telle procédure .
Pour finir , le solicitor comparut sans rémunération devant les magistrats le 28 mars 1991 pour requérir la libération provisoire , mais en vain .
Le 4 avril 1991 , le solicitor de M. Benham invita la High Court à autoriser une demande de contrôle juridictionnel et la libération provisoire .
Il était tenu de revendiquer le contrôle juridictionnel , bien qu ’ il eût déjà formé appel en réclamant un renvoi sur points de droit , faute de quoi il n ’ aurait pu prier la High Court de prononcer la libération provisoire de son client tant que les magistrats n ’ auraient pas soumis à celle-ci les points de droit ( paragraphe 22 ci-dessous ) .
La libération provisoire fut accordée le 5 avril 1991 et M. Benham fut donc élargi après avoir passé onze jours en détention .
Les 7 et 8 octobre 1991 , la Divisional Court examina les points de droit qui lui étaient soumis et la demande de contrôle juridictionnel ( Regina v. Poole Magistrates , ex parte Benham , 8 octobre 1991 , non publiée ) .
M. Benham avait un représentant et bénéficiait de l ’ aide judiciaire .
La cour releva qu ’ il avait fallu demander le contrôle juridictionnel pour pouvoir obtenir la libération provisoire , mais qu ’ il valait mieux statuer sur les points de droit soumis ; elle ne se prononça donc pas sur la demande de contrôle juridictionnel .
Le juge Potts , de la Divisional Court , estima que les magistrats avaient versé dans l ’ erreur en concluant que M. Benham ne s ’ était pas acquitté de l ’ impôt de capitation en raison d ’ une négligence coupable :
" A mon avis , les éléments dont disposaient les magistratsn ’ autorisaient pas cette conclusion . Dans certaines circonstances , un débiteur qui ne travaille pas et ne tenterien pour gagner de l ’ argent et payer l ’ impôt de capitationpeut être taxé de négligence coupable .
Cependant , à mon sens , pareille conclusion exige pour le moins des preuves patentesque le débiteur s ’ est vu proposer une activité rémunérée qu ’ ilavait l ’ aptitude d ’ exercer , et qu ’ il a refusé ou rejeté cetteoffre .
Une telle preuve n ’ a pas été rapportée en l ’ espèce .
A mon sens , le constat par les magistrats d ’ une négligencecoupable ne saurait s ’ appuyer sur les éléments produits devanteux . "
Il considéra en outre que la décision d ’ écrouer M. Benham aurait été erronée même si pareille preuve avait existé , l ’ intéressé étant dans l ’ incapacité de s ’ acquitter du montant dû le jour de sa comparution , et que " [ p ] areille décision ne peut être prise que si le [ débiteur ] peut payer et qu ’ il n ’ y a pas d ’ autre moyen de l ’ y contraindre " .
En l ’ occurrence , les magistrats auraient dû envisager , au lieu d ’ une peine d ’ emprisonnement immédiate , les autres voies possibles prévues par le règlement .
M. Benham ne pouvait solliciter une réparation pour la durée de sa détention car il ne pouvait démontrer la mauvaise foi dans le chef des magistrats , comme l ’ exigeait l ’ article 108 de la loi de 1990 sur les tribunaux et les services juridiques ( Courts and Legal Services Act 1990 ) ( paragraphe 28 ci-dessous ) .
A son origine se trouve une requête ( no 11581 / 85 ) dirigée contre la Suède et dont un citoyen finlandais , M. Peter Darby , avait saisi la Commission le 20 novembre 1984 en vertu de l ’ article 25 ( art. 25 ) .
La demande de la Commission renvoie aux articles 44 et 48 ( art. 44 , art. 48 ) ainsi qu ’ à la déclaration suédoise reconnaissant la juridiction obligatoire de la Cour ( article 46 ) ( art. 46 ) .
Comme la requête du Gouvernement , elle a pour objet d ’ obtenir une décision sur le point de savoir si les faits de la cause révèlent un manquement de l ’ État défendeur aux exigences des articles 9 et 14 ( art. 14 + 9 ) de la Convention , le second combiné avec le premier et avec l ’ article 1 du Protocole no 1 ( art. 14 + P1-1 ) .
En réponse à l ’ invitation prévue à l ’ article 33 par . 3 d ) du règlement , le requérant a manifesté le désir de participer à l ’ instance et a désigné son conseil ( article 30 ) .
La Chambre à constituer comprenait de plein droit Mme E. Palm , juge élu de nationalité suédoise ( article 43 de la Convention ) ( art. 43 ) , et M. R. Ryssdal , président de la Cour ( article 21 par . 3 b ) du règlement ) .
Le 25 août 1989 , celui-ci en a désigné par tirage au sort les cinq autres membres , à savoir MM. L.-E. Pettiti , C. Russo , A. Spielmann , N. Valticos et I. Foighel , en présence du greffier ( articles 43 in fine de la Convention et 21 par . 4 du règlement ) ( art. 43 ) .
Ayant assumé la présidence de la Chambre ( article 21 par . 5 du règlement ) , M. Ryssdal a consulté par l ’ intermédiaire du greffier l ’ agent du Gouvernement , le délégué de la Commission et le conseil du requérant au sujet de la nécessité d ’ une procédure écrite ( article 37 par . 1 ) .
Il a en outre accueilli la demande d ’ assistance judiciaire de M. Darby ( article 4 de l ’ addendum au règlement de la Cour ) .
Conformément à son ordonnance , le greffier a reçu le mémoire de l ’ intéressé le 28 février 1990 , puis celui du Gouvernement le 6 mars ; par une lettre du 6 avril , le secrétaire de la Commission l ’ a informé que le délégué s ’ exprimerait lors des audiences .
Le 16 janvier 1990 , le président a fixé au 22 mai la date d ’ ouverture de la procédure orale après avoir recueilli l ’ opinion des comparants par les soins du greffier ( article 38 du règlement ) .
Les débats se sont déroulés en public le jour dit , au Palais des Droits de l ’ Homme à Strasbourg .
La Cour avait tenu auparavant une réunion préparatoire .
Ont comparu :
- pour le Gouvernement :
M. H. Corell , ambassadeur ,
sous-secrétaire aux Affaires juridiques et consulaires ,
agent ,
Mme C. Westerling , conseiller juridique
au ministère des Finances ,
M. C.-H. Ehrencrona , conseiller juridique
au ministère des Affaires étrangères , conseillers ;
- pour la Commission
M. J.A. Frowein , délégué ;
- pour le requérant
Me C. Palme , avocat , conseil .
La Cour a entendu en leurs plaidoiries , ainsi qu ’ en leurs réponses à ses questions , M. Corell pour le Gouvernement , M. Frowein pour la Commission et Me Palme pour le requérant .
Ce dernier a fait lui-même une brève déclaration .
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L ’ ESPÈCE
A. Le contexte
Citoyen finlandais d ’ origine britannique né en 1926 ,
M. Peter Darby était en 1977 employé comme médecin par les chemins de fer suédois à Gävle , en Suède .
Il y louait un appartement mais passait ses fins de semaine en famille sur l ’ île de Lemland , dans l ’ archipel finlandais neutre et démilitarisé d ’ Åland , du côté sud du golfe de Botnie .
A partir de la fin de 1981 , il pratiqua sa profession au service de la santé publique de Norrtälje , autre ville suédoise . Depuis le mois d ’ août 1986 , il l ’ exerce dans ledit archipel .
À l ’ époque où il travaillait en Suède il s ’ y trouvait assujetti à l ’ impôt , en vertu du traité finno-suédois contre la double imposition ( paragraphe 18 ci-dessous ) , au titre des ressources que lui procuraient les emplois susvisés .
Il bénéficiait d ’ abattements pour les dépenses découlant de l ’ entretien de deux maisons et pour ses frais de trajet à destination et en provenance des îles Åland .
Considéré en Suède comme non-résident , il fut , jusqu ’ en 1979 , imposé dans le " district commun " ( gemensamma distriktet ) et ne payait qu ’ un impôt municipal réduit ( paragraphe 19 ci-dessous ) .
A la suite d ’ un amendement à la loi , entré en vigueur le 1er janvier 1979 , le requérant fut taxé non plus dans le district commun mais à Gävle , la commune où il habitait ( paragraphe 20 ci-dessous ) .
Il perdit ainsi l ’ avantage des abattements accordés jusque-là et dut acquitter la totalité des impôts municipaux , y compris un impôt spécial destiné à l ’ Église luthérienne de Suède ( " l ’ impôt ecclésial " , paragraphes 21-23 ci-dessous ) .
Les autorités fiscales l ’ informèrent qu ’ il ne pouvait revendiquer une quelconque réduction de ce dernier sans être officiellement enregistré comme résident en Suède ( paragraphe 22 ci-dessous ) .
B. Le recours de M. Darby contre la décision de l ’ imposer à l ’ égal d ’ un résident
M. Darby attaqua devant le tribunal fiscal intermunicipal ( mellankommunala skatterätten ) la décision de le traiter , pour 1979 , comme une personne résidant à Gävle .
Il affirmait que l ’ on devait continuer à l ’ imposer dans le district commun car il ne demeurait pas en Suède .
Le tribunal le débouta le 25 février 1982 .
L ’ intéressé avait obtenu entre temps de l ’ administration nationale des impôts ( riksskatteverket ) , le 19 février 1982 , une décision selon laquelle on l ’ imposerait dans le district commun , au lieu de l ’ assimiler à un résident aux fins de l ’ article 68 de la loi de 1928 sur la fiscalité municipale ( kommunalskattelagen , paragraphe 20 ci-dessous ) , s ’ il se rendait chaque jour de l ’ archipel à son travail en Suède .
Pareille navette quotidienne lui paraissant impraticable dans le cas de Gävle , mais pouvant à la rigueur se réaliser entre Lemland et Norrtälje , il accepta en 1982 un emploi à moindres responsabilités et rémunération dans cette ville .
Il fut donc imposé derechef dans le district commun , où il échappait à l ’ impôt ecclésial .
Contre le jugement du tribunal précité , il forma un appel que la Cour administrative ( kammarrätten ) de Sundsvall rejeta le 22 octobre 1982 .
Le 15 octobre 1984 , la Cour administrative suprême ( regeringsrätten ) lui refusa l ’ autorisation de la saisir .
C. Les plaintes du requérant concernant l ’ obligation d ’ acquitter l ’ intégralité de l ’ impôt ecclésial
Parallèlement à la procédure susvisée , M. Darby recourut devant le tribunal administratif ( länsrätten ) du département de Gävleborg contre la sommation d ’ avoir à verser l ’ intégralité de l ’ impôt ecclésial sur ses revenus de 1979 ; il soulignait qu ’ il n ’ était ni membre de l ’ Église de Suède , ni Suédois , ni résident suédois .
Le tribunal le débouta le 19 mai 1989 : il estima inapplicable en l ’ espèce la loi de 1951 relative à certains dégrèvements d ’ impôt en faveur des personnes n ’ appartenant pas à l ’ Église de Suède ( lag 1951 : 691 om viss lindring i skattskyldigheten för den som icke tillhör svenska kyrkan , " la loi de 1951 " , paragraphe 22 ci-dessous ) .
L ’ intéressé déféra le litige à la Cour d ’ appel administrative de Sundsvall , qui confirma le jugement le 22 octobre 1982 .
La Cour administrative suprême repoussa , le 9 octobre 1984 , sa demande en autorisation de se pourvoir devant elle .
M. Darby s ’ adressa aussi au médiateur parlementaire ( justitieombudsmannen ) , se plaignant de devoir payer un impôt pour les activités religieuses de l ’ Église de Suède .
Dans sa décision du 16 avril 1982 , le médiateur notait que la loi de 1951 avait suscité des controverses , entre autres au Parlement , dans la mesure où elle subordonnait à une inscription officielle de résidence en Suède ( mantalsskriven , au sens du décret relatif à la tenue des actes de l ’ état civil , folkbokföringsförordningen ) , la possibilité de solliciter une exonération de l ’ impôt ecclésial .
Il concluait que malgré sa portée limitée , le problème soulevé par le requérant révélait , dans la législation fiscale , une inconséquence dénuée de justification objective et propre à causer une irritation compréhensible .
Dans une lettre du même jour au Gouvernement , il suggéra d ’ abolir la condition de résidence ;
son initiative aboutit au résultat souhaité par lui ( paragraphe 23 ci-dessous ) .
D. L ’ impôt ecclésial payé par le requérant
Pour les années 1979 , 1980 et 1981 , le requérant versa 1 336 , 1 717 et 1 325 couronnes suédoises au titre de l ’ impôt ecclésial .
Il n ’ aurait eu à en payer que 401 , 515 et 397 s ’ il avait joui de la réduction prévue par la loi de 1951 ( paragraphe 22 ci-dessous ) .
Les requérants , qui ont été admis au bénéfice de l ’ assistance judiciaire , sont représentés par Me E. Abrahamson , avocat à Liverpool .
Le gouvernement britannique ( « le Gouvernement » ) est représenté par son agent , M. J. Grainger , du ministère des Affaires étrangères et du Commonwealth .
Le 8 mars 2005 , la Cour a décidé de communiquer la requête au Gouvernement .
Se prévalant des dispositions de l ’ article 29 § 3 , elle a décidé que seraient examinés en même temps la recevabilité et le bien-fondé de l ’ affaire .
I. LES CIRCONSTANCES DE L ’ ESPÈCE
Les requérants sont nés respectivement en 1972 et 1958 .
Le premier requérant purge une peine d ’ emprisonnement ( prison de Dovergate à Uttoxeter ) et la seconde requérante réside à Hull .
En 1994 , le premier requérant fut condamné pour meurtre à la réclusion à perpétuité , avec un tariff de quinze ans .
Il est détenu dans un établissement pénitentiaire privé et peut espérer être libéré au plus tôt en 2009 .
Il n ’ a pas d ’ enfants .
En 1999 , il rencontra la seconde requérante , alors que celle-ci était également en prison , et entama avec elle une correspondance par l ’ intermédiaire d ’ un réseau de correspondants pour détenus .
La seconde requérante a depuis lors été libérée , à une date qui n ’ a pas été précisée .
En 2001 , les requérants se marièrent .
La seconde requérante a déjà trois enfants d ’ autres relations .
Le couple souhaitant avoir un enfant ensemble , le premier requérant sollicita en octobre 2001 la possibilité de pratiquer une insémination artificielle .
En décembre 2002 , la seconde requérante se joignit à cette demande .
Leurs solicitors présentèrent des conclusions au ministre compétent , invoquant l ’ ancienneté de leur relation et le fait que , eu égard à la date de libération la plus proche du premier requérant et à l ’ âge de la seconde requérante , il était improbable que les intéressés puissent avoir un enfant ensemble sans avoir recours à l ’ insémination artificielle .
Dans une lettre datée du 28 mai 2003 , le ministre refusa leur demande .
Il commença par exposer sa politique générale ( « la politique » ) :
« Les demandes d ’ insémination artificielle présentées par des détenus sont soigneusement examinées au cas par cas et ne sont accueillies que dans des circonstances exceptionnelles .
En vue de la prise de décision , une attention particulière est accordée aux considérations générales suivantes :
– si le recours à l ’ insémination artificielle est le seul moyen par lequel la conception est susceptible de se produire ;
– si la date de libération prévue du détenu est trop lointaine pour que le couple puisse attendre et assez proche pour que le détenu puisse assumer ses responsabilités parentales ;
– si les deux parties veulent s ’ engager dans cette procédure et que les autorités médicales internes et externes à la prison estiment que le couple est médicalement apte à avoir recours à l ’ insémination artificielle ;
– si le couple avait une relation bien établie et stable avant l ’ emprisonnement , qui est susceptible de persister après la libération du détenu ;
– s ’ il existe un quelconque élément suggérant que la situation du couple et les dispositions mises en place pour le bien-être de l ’ enfant sont satisfaisantes , y compris la durée pendant laquelle l ’ enfant peut s ’ attendre à vivre sans père ou sans mère ;
– si , eu égard au passé et aux antécédents du détenu et à d ’ autres facteurs pertinents , certains éléments portent à croire qu ’ il ne serait pas dans l ’ intérêt public de permettre l ’ insémination artificielle dans une affaire donnée . »
Le ministre donna alors les raisons de son refus en l ’ espèce .
D ’ une part , la seconde requérante aurait 51 ans à la date de libération la plus proche du premier requérant , de sorte que la probabilité qu ’ elle puisse concevoir un enfant naturellement était faible .
Les deux requérants étaient en outre totalement d ’ accord quant à leur souhait d ’ avoir recours à la procréation artificielle .
D ’ autre part cependant , et surtout , leur relation avait débuté alors qu ’ ils étaient tous deux en prison et n ’ avait pas été mise à l ’ épreuve dans l ’ environnement normal de la vie quotidienne .
Deuxièmement , le cadre existant était insuffisant pour que les besoins matériels de tout enfant à naître puissent être satisfaits de manière indépendante .
Troisièmement , il n ’ y avait aucun réseau de soutien de proximité déjà établi pour la mère et tout enfant pouvant être conçu était inexistant .
Quatrièmement , l ’ enfant éventuel se retrouverait sans père pendant une partie importante de ses années d ’ enfance .
Cinquièmement , eu égard à la violence du crime commis par le premier requérant , le public pouvait se déclarer légitimement préoccupé par l ’ idée que les éléments de répression et de dissuasion de sa peine de prison soient annihilés si l ’ intéressé était autorisé à concevoir un enfant par insémination artificielle .
Les requérants sollicitèrent l ’ autorisation de demander un contrôle juridictionnel de la décision du ministre .
Le 29 juillet 2003 , la High Court refusa l ’ autorisation à l ’ issue d ’ une procédure écrite .
Les requérants renouvelèrent leur demande et , le 5 septembre 2003 , l ’ autorisation leur fut de nouveau refusée à l ’ issue d ’ une audience .
Le 13 octobre 2003 , les requérants présentèrent une requête à la Cour ( no 34127 / 03 ) , laquelle fut déclarée irrecevable en décembre 2003 au motif qu ’ ils n ’ avaient pas épuisé les voies de recours internes .
Les requérants sollicitèrent alors de la Cour d ’ appel l ’ autorisation d ’ interjeter appel .
Le 30 septembre 2004 , leur demande fut rejetée à l ’ unanimité par la Cour d ’ appel .
Le Lord Justice Auld se fonda en principe sur l ’ arrêt de la Cour d ’ appel dans l ’ affaire R ( Mellor ) v. Secretary of State for the Home Department ( [ 2001 ] , vol. 3 , Weekly Law Reports , p. 533 ) .
Il souligna les similarités des arguments avancés par les requérants en l ’ espèce et ceux présentés dans l ’ affaire Mellor .
Renvoyant à la conclusion de Lord Phillips dans l ’ affaire Mellor ( voir la partie « Droit et pratique internes pertinents » ci-dessous ) , il déclara ce qui suit :
« ( ... ) Lord Phillips avait manifestement à l ’ esprit , et a explicitement évoqué dans son arrêt , les dispositions de l ’ article 8 § 2 de la Convention , qui exposent divers éléments pouvant justifier l ’ ingérence dans le droit au respect de la vie privée et familiale , y compris la protection de la santé et de la morale et la protection des droits et libertés d ’ autrui .
Il me semble que les préoccupations , voire l ’ attitude du public , quant à l ’ exercice en prison par les détenus de certains droits qu ’ ils pourraient prendre pour acquis à l ’ extérieur , et le souci des droits de tout enfant putatif quant à l ’ éducation qu ’ il recevrait en fonction des circonstances et de la durée de l ’ emprisonnement impliqués , sont des circonstances extrêmement pertinentes aux fins de l ’ article 8 § 2 ( ... )
En conséquence , à mon avis , [ les requérants ] n ’ ont pas la possibilité de demander le réexamen de la validité de la politique du ministre , que la présente cour , dans l ’ affaire Mellor , a jugé rationnelle et à tous autres égards légale .
Ainsi que Lord Phillips l ’ a clairement dit dans son jugement dans cette affaire , si la politique prend pour point de départ l ’ idée que l ’ impossibilité d ’ avoir recours à l ’ insémination artificielle peut empêcher complètement la conception , le point d ’ arrivée est l ’ examen de la question de savoir s ’ il y a des circonstances exceptionnelles pour ne pas appliquer la politique ( ... ) »
Le ministre releva qu ’ en certaines occasions il avait « choisi de ne pas appliquer la politique » alors les circonstances l ’ imposaient : il évoqua une lettre du solicitor du Trésor public aux requérants qui démontrait apparemment ce fait et souligna que le conseil du ministre avait informé la cour qu ’ il y avait eu d ’ autres exemples de la sorte .
Le Lord Justice Auld fit ensuite application de la politique en l ’ espèce :
« Dans la mesure où [ les requérants ] suggèrent que le ministre s ’ était montré irrationnel en décidant de ne pas appliquer sa propre politique aux circonstances , ou avait d ’ une autre manière agi de manière disproportionnée en l ’ appliquant , je rejetterais la suggestion .
Rien ne permet d ’ affirmer que l ’ approche du ministre équivaut , comme [ les requérants ] le suggèrent , à l ’ extinction d ’ un droit fondamental .
Il s ’ agissait de mettre en balance le point de départ de la politique avec d ’ autres considérations tenant à la politique elle-même , un exercice de pouvoir discrétionnaire et de proportionnalité pour lequel , à mon avis , rien ne peut être reproché au ministre vu les circonstances qui lui ont été présentées . »
Les autres juges se fondèrent également sur le jugement rendu dans l ’ affaire Mellor ,
le Lord Justice Mance formulant les considérations suivantes :
A son origine se trouve une requête ( no 15058 / 89 ) dirigée contre le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d ’ Irlande du Nord et dont un citoyen britannique , le Dr Royce Darnell , avait saisi la Commission le 2 décembre 1988 en vertu de l ’ article 25 ( art. 25 ) .
La demande de la Commission renvoie aux articles 44 et 48 ( art. 44 , art. 48 ) ainsi qu ’ à la déclaration britannique reconnaissant la juridiction obligatoire de la Cour ( article 46 ) ( art. 46 ) .
Elle a pour objet d ’ obtenir une décision sur le point de savoir si les faits de la cause révèlent un manquement de l ’ État défendeur aux exigences de l ’ article 6 par . 1 ( art. 6-1 ) de la Convention .
En réponse à l ’ invitation prévue à l ’ article 33 par . 3 d ) du règlement , le requérant a manifesté le désir de participer à l ’ instance et a désigné son conseil ( article 30 ) .
La chambre à constituer comprenait de plein droit Sir John Freeland , juge élu de nationalité britannique ( article 43 de la Convention ) ( art. 43 ) , et M. R. Ryssdal , président de la Cour ( article 21 par . 3 b ) du règlement ) .
Le 26 septembre 1992 , celui-ci a tiré au sort le nom des sept autres membres , à savoir M. Thór Vilhjálmsson , M. B. Walsh , M. C. Russo , M. S.K. Martens , Mme E. Palm , M. A.N. Loizou et M. A.B. Baka , en présence du greffier ( articles 43 in fine de la Convention et 21 par . 4 du règlement ) ( art. 43 ) .
Par la suite , M. N. Valticos , suppléant , a remplacé M. Thór Vilhjálmsson , empêché ( articles 22 par . 1 et 24 par . 1 du règlement ) .
En qualité de président de la chambre ( article 21 par . 5 du règlement ) , M. Ryssdal a consulté par l ’ intermédiaire du greffier l ’ agent du gouvernement britannique ( " le Gouvernement " ) , le représentant du requérant et le délégué de la Commission au sujet de l ’ organisation de la procédure ( articles 37 par . 1 et 38 ) .
Conformément à l ’ ordonnance ainsi rendue , le greffier a reçu le mémoire du requérant le 29 janvier 1993 , puis celui du Gouvernement le 1er février .
Le 15 avril 1993 , le secrétariat de la Commission l ’ a informé que le délégué s ’ exprimerait à l ’ audience .
Ainsi qu ’ en avait décidé le président , les débats se sont déroulés en public le 20 avril 1993 , au Palais des Droits de l ’ Homme à Strasbourg .
La Cour avait tenu auparavant une réunion préparatoire .
Ont comparu :
- pour le Gouvernement
Mme A. Glover , conseiller juridique ,
ministère des Affaires étrangères et du Commonwealth , agent ,
MM. M. Baker , Q.C. , conseil ,
G. Berry , ministère de la Santé ,
M. Evans , ministère de la Santé ,
J. Evans , autorité sanitaire régionale de Trent , conseillers ;
- pour la Commission
M. L. Loucaides , délégué ;
- pour le requérant
Mme F. Hampson , maître de conférences
à la Faculté de droit de l ’ Université d ’ Essex , conseil .
La Cour a entendu en leurs déclarations M. Baker pour le Gouvernement , M. Loucaides pour la Commission et Mme Hampson pour le requérant , ainsi que des réponses à ses questions .
EN FAIT
Né en 1929 , le Dr Royce Darnell , requérant , se trouve au chômage depuis que l ’ autorité sanitaire de la région de Trent ( Trent Regional Health Authority , " la RHA " ) l ’ a démis de ses fonctions de microbiologiste-conseil et de directeur du laboratoire de santé publique de Derby .
L ’ affaire concerne la durée des procédures issues de cette décision .
À la suite de changements administratifs au Service national de santé ( National Health Service ) en 1977 , des problèmes de gestion surgirent au sein de nombreuses RHA , dont celle de Trent .
En raison de différends sur le mode de désignation du personnel , l ’ Association des personnels scientifique , technique et d ’ encadrement ( Association of Scientific , Technical and Managerial Staffs ) saisit l ’ autorité sanitaire de district ( Area Health Authority , " l ’ AHA " ) , en octobre 1979 , de ses griefs contre le requérant .
Le service juridique de l ’ Association médicale britannique ( British Medical Association ) estima que l ’ intéressé avait agi dans le cadre des directives gouvernementales figurant dans la circulaire ( IS ) 16 sur le service de santé ; l ’ AHA approuva néanmoins le nouveau système de nomination .
La persistance de désaccords amena l ’ AHA , en décembre 1980 , à porter officiellement plainte auprès de la RHA de Trent , alléguant le non-respect des règles de désignation du personnel de laboratoire .
Une lettre du 19 mars 1981 informa le Dr Darnell qu ’ une sous-commission avait été chargée d ’ examiner la question .
Au terme de diverses enquêtes , la RHA de Trent ouvrit contre lui une procédure disciplinaire , en vertu de la circulaire HM ( 61 ) 112 .
Par une lettre du 25 juin 1982 , elle le suspendit de ses fonctions en attendant .
Après l ’ échec de tentatives de règlement amiable , une commission d ’ enquête siégea trente-deux jours entre juin et août 1983 .
En décembre , elle conclut à une faute de l ’ intéressé sur certains points .
Là-dessus , la RHA de Trent constitua une sous-commission qui recommanda de mettre fin à l ’ emploi de celui-ci en qualité de microbiologiste-conseil .
En conséquence , la RHA de Trent le licencia par une lettre du 16 mai 1984 , moyennant un préavis de trois mois et avec effet au 19 août 1984 .
Le Dr Darnell attaqua cette décision devant le ministre le 23 mai 1984 .
Une commission paritaire fut formée en application du paragraphe 190 du statut des personnels médicaux et dentaires des établissements hospitaliers ( Terms and Conditions of Service of Hospital Medical and Dental Staff ) .
Une procédure introduite depuis lors pour remplacer celle dont il s ’ agit assortit de délais les différentes étapes d ’ un recours au ministre contre un licenciement .
Après avoir tenu audience le 14 mai 1985 , ladite commission adressa son rapport au ministre qui , en septembre 1985 , sollicita un complément d ’ information .
Le ministre prescrivit à la RHA de proposer à l ’ intéressé une nouvelle affectation dans la région , autre qu ’ un poste de direction .
Il avait en effet noté que la commission avait beaucoup critiqué la manière dont l ’ affaire avait été traitée .
La RHA souleva des objections .
Le ministère de la santé et de la sécurité sociale ( Department of Health and Social Security , " le DHSS " ) avisa le requérant que faute d ’ autres postes , la question avait été déférée au ministre ; celui-ci , non lié par la recommandation - favorable au recours - de la commission paritaire , avait résolu de confirmer la cessation des fonctions du Dr Darnell suivant la procédure du paragraphe 190 .
Par la voie d ’ une demande de contrôle judiciaire dont il saisit la High Court le 24 avril 1986 , le requérant contesta le caractère équitable de la procédure ayant débouché sur la décision du ministre .
La High Court annula cette dernière et invita le ministre à reconsidérer le problème .
Il n ’ interjeta pas appel .
Le 25 octobre 1986 , le requérant indiqua au DHSS qu ’ il réclamait une seconde audience selon le paragraphe 190 .
Il y eut entre eux un échange de lettres .
Le DHSS essaya de convoquer une commission ad hoc , mais la réunion n ’ eut pas lieu car le Dr Darnell se refusait à un tel compromis .
Le 29 février 1988 , le ministre confirma le licenciement sur la base du dossier , où figuraient de nouvelles conclusions .
Le 18 mars 1988 , le DHSS écrivit donc à l ’ intéressé pour l ’ informer qu ’ eu égard au rapport de la commission paritaire , du 25 juillet 1985 , et aux observations écrites du Dr Darnell et de la RHA de Trent , il n ’ était pas possible de le réemployer et que la cessation de ses fonctions devenait effective à la date de cette missive .
Le requérant sollicita le contrôle judiciaire de la validité de la directive du ministre et il fut débouté le 3 novembre 1988 .
Dans l ’ intervalle , il avait aussi réclamé devant le tribunal du travail ( Industrial Tribunal ) sa réintégration , son réengagement et des dommages-intérêts .
Il l ’ avait saisi de deux requêtes , la première le 10 août 1984 , après son licenciement en mai de la même année , la seconde en mai 1986 à la suite du rejet initial , par le ministre , de son recours contre cette mesure .
Ces instances avaient connu plusieurs suspensions à la demande de l ’ intéressé , dans l ’ attente du résultat dudit recours et de la procédure de contrôle judiciaire .
La seconde requête fut reprise en novembre 1988 et la première retirée ultérieurement .
Un examen préliminaire eut lieu le 6 février 1989 ; le tribunal y décida qu ’ une audience pouvait se tenir sans entraîner de frais pour le requérant .
Dans son jugement du 23 février 1990 , le tribunal estima le licenciement non abusif .
Il se déclara non persuadé que l ’ intéressé , qui avait perçu son salaire intégral jusqu ’ en mars 1988 , eût subi le moindre préjudice du fait du délai écoulé avant la décision finale .
La cour du travail ( Employment Appeal Tribunal ) repoussa l ’ appel du Dr Darnell le 8 avril 1993 .
Le requérant intenta devant la High Court une action en dommages-intérêts pour avoir été suspendu de ses fonctions en juin 1982 dans l ’ attente de l ’ issue de la procédure disciplinaire ; elle fut rayée du rôle en juin 1988 , faute de laisser apparaître un motif raisonnable d ’ ester en justice .
Un appel contre cette décision fut écarté en 1990 .
PROCÉDURE
À l ’ origine de l ’ affaire se trouve une requête ( no 57592 / 08 ) dirigée contre le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d ’ Irlande du Nord et dont un ressortissant de cet État , M. Arthur Hutchinson ( « le requérant » ) , a saisi la Cour le 10 novembre 2008 en vertu de l ’ article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l ’ homme et des libertés fondamentales ( « la Convention » ) .
Le requérant , qui a été admis au bénéfice de l ’ assistance judiciaire , a été représenté par le cabinet Kyles Legal Practice , de North Shields .
Le gouvernement britannique ( « le Gouvernement » ) a été représenté par son agent , M. P. McKell , du ministère des Affaires étrangères et du Commonwealth .
Le requérant alléguait en particulier que la peine de perpétuité réelle prononcée à son égard était incompatible avec l ’ article 3 de la Convention .
La requête a été attribuée à la quatrième section de la Cour ( article 52 § 1 du règlement de la Cour – « le règlement » ) .
Par un arrêt du 3 février 2015 , une chambre de la quatrième section composée des juges Raimondi , Nicolaou , Bianku , Tsotsoria , Kalaydjieva , Mahoney et Wojtyczek , ainsi que de F. Aracı , greffière adjointe de section , a déclaré recevable , à la majorité , le grief tiré de l ’ article 3 et a conclu , par six voix contre une , à la non-violation de cette disposition .
À l ’ arrêt se trouvait joint l ’ exposé de l ’ opinion dissidente de la juge Kalaydjieva .
Le 1er juin 2015 , faisant droit à la demande formée par le requérant le 5 mars 2015 , le collège de la Grande Chambre a décidé de renvoyer l ’ affaire devant celle-ci en vertu de l ’ article 43 de la Convention .
La composition de la Grande Chambre a été arrêtée conformément aux dispositions des articles 26 § § 4 et 5 de la Convention et 24 du règlement .
Tant le requérant que le Gouvernement ont déposé des observations écrites sur le fond de l ’ affaire ( article 59 § 1 du règlement ) .
Par ailleurs , des observations ont été reçues du European Prison Litigation Network ( « EPLN » ) , que le président de la Grande Chambre avait autorisé à intervenir dans la procédure écrite ( articles 36 § 2 de la Convention et 44 § 3 du règlement ) .
Le Gouvernement y a répondu oralement lors de l ’ audience ( article 44 § 6 du règlement ) .
Une audience s ’ est déroulée en public au Palais des droits de l ’ homme , à Strasbourg , le 21 octobre 2015 ( article 59 § 3 du règlement ) .
Ont comparu :
– pour le Gouvernement
MM. P. McKell , agent ,
J. Wright , QC , Attorney General ,
J. Eadie , QC , conseils ;
Mmes A. Foulds ,
C. Gaskell ,
M. J. Gerard ,
Mme J. Earl , conseillers ;
– pour le requérant
M. J. Bennathan , QC ,
Mme K. Thorne , conseils ,
M. J. Turner , conseiller .
La Cour a entendu MM. Wright et Bennathan en leurs déclarations et en leurs réponses à des questions de juges .
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L ’ ESPÈCE
Le requérant est né en 1941 et est actuellement détenu à la prison de Durham .
En octobre 1983 , il s ’ introduisit au domicile d ’ une famille , tua à coups de poignard le père de famille , son épouse et leur fils adulte , et viola à plusieurs reprises leur fille de 18 ans après l ’ avoir traînée devant le corps de son père .
Il fut arrêté quelques semaines plus tard et accusé de ces infractions .
Au procès , il plaida non coupable , niant les meurtres et affirmant que les rapports sexuels étaient consentis .
Le 14 septembre 1984 , il fut reconnu coupable de trois chefs de meurtre , de viol et de vol aggravé .
Le juge du fond condamna le requérant à une peine d ’ emprisonnement à perpétuité et , conformément aux règles de fixation des peines qui étaient alors en vigueur , recommanda au ministre de l ’ Intérieur d ’ appliquer une période punitive ( tariff ) de dix-huit ans .
Invité le 12 janvier 1988 à donner de nouveau son avis , le juge déclara par écrit qu ’ « aux fins des impératifs de rétribution et de dissuasion , il s ’ agi [ ssai ] t d ’ un cas où la perpétuité réelle s ’ impos [ ait ] » .
Le 15 janvier 1988 , le Lord Chief Justice recommanda que la durée de la période punitive fût fixée pour la vie entière du requérant et s ’ exprima ainsi : « Je ne pense pas que cet homme doive jamais être libéré , indépendamment même du risque qu ’ entraînerait pareille mesure » .
Le 16 décembre 1994 , le ministre informa le requérant qu ’ il avait décidé de lui infliger une peine de perpétuité réelle .
À la suite de l ’ entrée en vigueur de la loi de 2003 sur la justice pénale ( Criminal Justice Act 2003 ) , le requérant saisit la High Court d ’ une demande de réexamen de sa peine , arguant qu ’ il aurait fallu lui appliquer la période punitive de dix-huit ans recommandée à son procès .
Le 16 mai 2008 , la High Court rendit son arrêt dans lequel elle concluait qu ’ il n ’ y avait aucune raison d ’ infirmer la décision du ministre .
Selon la haute juridiction , la gravité des infractions était telle que la peine de référence ne pouvait être qu ’ une peine de perpétuité réelle , et l ’ affaire présentait en outre plusieurs facteurs aggravants très sérieux et aucune circonstance atténuante .
Le 6 octobre 2008 , la Cour d ’ appel débouta le requérant .
PROCÉDURE
A l' origine de l' affaire se trouve une requête ( no 8866 / 04 ) dirigée contre le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d' Irlande du Nord et dont un ressortissant de cet Etat , M. Yassar Hussain ( « le requérant » ) , a saisi la Cour le 1er mars 2004 en vertu de l' article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l' homme et des libertés fondamentales ( « la Convention » ) .
Le requérant est représenté par Me M. Bromley , du cabinet d' avocats Lichfield Reynolds de Stoke-on-Trent .
Le gouvernement britannique ( « le Gouvernement » ) est représenté par son agent , M. J. Grainger , du ministère des Affaires étrangères et du Commonwealth .
Le 16 février 2005 , la Cour a décidé de communiquer la requête au Gouvernement .
En vertu des dispositions de l' article 29 § 3 de la Convention , elle a décidé d' examiner conjointement la recevabilité et le fond de la requête .
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L' ESPÈCE
Le requérant est né en 1981 et réside à Stoke-on-Trent .
Le 14 mai 2002 , il fut arrêté car il était soupçonné d' avoir intimidé des témoins .
Au cours d' une parade d' identification qui se tint l' après-midi même , l' un des deux témoins le reconnut formellement .
Le requérant indique que cette dame a admis dans sa déposition initiale à la police qu' elle consommait de l' héroïne et n' était par nature pas un témoin fiable .
Le requérant fut par la suite inculpé de cinq chefs d' entrave intentionnelle à l' exercice de la justice .
Il plaida non coupable le 2 août 2002 et le procès fut renvoyé au 7 octobre 2002 devant la Crown Court de Stoke-on-Trent .
Aucun juge n' étant disponible à la date prévue , le procès fut reporté au 3 février 2003 .
Le deuxième jour , le témoin qui avait identifié le requérant ne comparut pas et le procès dut être suspendu .
Lorsque celui-ci se tint le 15 septembre 2003 , le ministère public ( Counsel for the Crown ) s' adressa au tribunal en ces termes :
« Lorsque l' affaire est passée en jugement en février , [ L. ] a été présente le premier jour .
Elle n' a pas été appelée à la barre pour témoigner et n' est pas revenue le deuxième jour .
Cela n' a pas manqué de causer quelque préoccupation .
Je pense qu' il est juste de dire que , à différentes étapes du procès , elle a soufflé le chaud et le froid .
[ L. ] a indiqué aux policiers qui ont récemment pris contact avec elle , et elle l' a répété hier encore , qu' elle ne souhaitait pas réellement témoigner .
Elle est venue au tribunal aujourd' hui et , avec la permission de mon éminent collègue , j' ai pu avoir une conversation avec elle .
Votre Honneur , le fait est qu' elle ne veut pas témoigner .
Elle a pour cela des raisons personnelles que je n' entends pas divulguer en public .
Elle s' est engagée dans une nouvelle relation .
Elle a avancé dans la vie .
Elle tente de toutes ses forces de mettre les événements liés à toute cette affaire derrière elle .
Elle a convaincu les policiers qui lui ont parlé hier et les personnes dont je tire mes instructions qu' aucune menace n' a été exercée contre elle en rapport avec la procédure d' aujourd' hui .
Elle insiste sur le fait que ni [ le requérant ] ni d' autres personnes agissant pour le compte de celui-ci ne sont entrés en contact avec elle .
Nous ne pensons pas , en raison de la nature de cette allégation , qu' elle doive être contrainte de témoigner en l' affaire .
Votre Honneur , nous avons eu une discussion très approfondie dont il ressort que , sans le témoignage de [ L. ] , nous ne pouvons à l' évidence pas aller plus loin .
Je n' ai aucun élément de preuve à présenter .
Il y a lieu de rendre le verdict . »
Le requérant fut dûment acquitté .
Son avocat ayant demandé que les dépens de son client lui soient remboursés , le juge refusa en déclarant :
« Pareil remboursement est refusé .
Il y a des éléments de preuve clairs dans les pièces du dossier .
Le ministère public est d' avis qu' il n' entend pas contraindre cette personne à témoigner bien qu' il existe des éléments de preuve convaincants sur ces questions .
Il s' agit d' un pouvoir discrétionnaire que , je le crains , je n' exercerai pas en votre faveur . »
Le requérant interjeta appel et il fut débouté le 14 novembre 2003 avec l' explication suivante : « Pour pouvoir être contestée en appel en tant que sentence , la décision doit faire suite à une condamnation .
Or la décision de rembourser les dépens du défendeur n' étant prise que lorsque l' action publique n' a pas abouti , elle ne constitue pas une sentence et ne peut donc faire l' objet d' un recours devant la chambre criminelle de la Cour d' appel . »