Le mois d'Avril 2019 signe un bien triste anniversaire, celui de la fin de Commodore, entraînant avec elle celle de l'Amiga.
Je ne pouvais passer à coté, sans prendre le temps de vous conter l'histoire de ce que fut l'aventure Amiga.
L'entreprise Commodore naît à la fin des années 50, portée par son fondateur, un entrepreneur prolifique, survivant de l'holocauste émigré aux USA, du nom de Jack Tramiel.
Commodore commence par fabriquer de machines à écrire, puis va se tourner vers les calculatrices. Dans les années 70, Commodore commence sa conquête du marché des micro-ordinateurs avec ses premières machines comme les Commodore PET ou un peu plus tard, le VIC-20.
C'est en 82 que le Commodore 64 apparaît (C64 pour les intimes). Il représente a lui seul en pan important de la micro-informatique et reste à ce jour le micro-ordinateur le plus vendu au monde.
Mais en 83, Tramiel est poussé vers la porte. Il va alors racheter une autre société de micro-ordinateurs connue: Atari.
C'est la scission qui amènera Tramiel dans le camp ennemi. Il sera même plus tard considéré comme un traître par certains fans Amiga.
Toujours est-il que Commodore poursuit sa route, désormais sans son fondateur originel...
Amiga naît en 1982, tout d'abord sous la forme d'une petite entreprise portée par Jay Miner, un ingénieur concepteur de circuits.
La société Amiga connait quelques difficulté à partir de 1983. En 84, la société passe un accord empoisonné avec Atari, désormais dans l'ere Tramiel.
Mais c'est finalement Commodore qui rachète Amiga. S'en suivra d'ailleurs une bataille juridique, que certains qualifieront de bataille de clochers entre Atari et Commodore...
C'est en 1985 que l'Amiga 1000 voit le jour, premier ordinateur véritablement multimédia. Mais le succès ne sera que mitigé. Son look trop "pro" joue sans doute en sa défaveur et permet aux 8bits de l'époque, C64, Atari800XL et autres Amstrads de caracoler en tête des ventes.
Il faudra attendre 1987 pour voir l'Amiga 500 et l'Amiga 2000 arriver.
L'Amiga 2000, de la lignée "pro" donnera plus tard les Amiga 3000 et 4000, des machines qui ont longtemps fait rêver les Amigaïstes, mais qui sont restées inaccessibles pour le plupart.
L'Amiga 500 par contre, signe le début de la conquête du grand public.
L’ascension sera fulgurante durant les 2 années suivantes. Malgré l'arrivée la même année de l'Atari 520ST, son grand rival, le 500 tiendra longtemps le haut du podium.
C'est pendant ces années que cette machine multimédia, désormais accessible à tout un chacun, va conquérir le monde, et surtout les cœurs!
L’engouement est général: Consommateur, éditeurs de jeu, artistes, presse, joueurs, créateurs... Tout le monde s'engouffre dans le sillon de l'Amiga.
Il en résulte une formidable emulsion créatrice, jamais vue avant:
Des logiciels comme SoundTracker ou DeluxePaint permettent à chacun d'exprimer sa créativité artistique, presque sans limite pour l'époque!
Il faut dire, du son 8bit sur 4 canaux, 16 couleurs en VGA, 32 couleurs en QVGA, voire 64 ou même 4096 en mode interlace (oui, ce fameux mode insupportable à regarder ;-) ), c'était une argile de qualité qui ne demandait qu'à être façonnée...
Pour les developers (programmeurs à l'époque), l'AMOS permettra à tout un chacun de faire ce qu'il veut. Pour les autres, ce sera le langage C, plus tard le E, et bien sur l'assembleur 68000. Ce processeur, veritable bête de course pour l'époque, allié aux co-processeur graphique et sonore de l'Amiga ouvrent des possibilités jusque là inexplorée...
La période 89-92 fut sans nul doute la plus faste de l'Amiga.
L'AmigaOS et son interface graphique innovante, des jeux qui rivalisent désormais avec l'arcade, sans oublier la scène démo qui deviendra le fleuron de l'Amiga... autant de chose qui ont mis des étoiles dans les yeux des Amigaïstes, comme des gosses devant les cadeaux du sapins de noël.
Ces années verront naître tout un tas de demo et de jeux mythiques qui ont laissé des traces indélébiles...
Parmis eux, quelques chefs d'oeuvres comme la démo "State of the Art" (https://www.youtube.com/watch?v=89wq5EoXy-0), le module "Klisje paa Klisje" tiré d'une démo celèbre (https://www.youtube.com/watch?v=u9S0MC8nKRc), et bien sur, une flopée d'excellents jeux (https://www.youtube.com/watch?v=ldnRci-vKVQ)
Même si internet n'existe pas encore à cette époque, les Amigaïste s'organisent, et se rencontrent dans les démo-parties, les copy-parties, chez les uns, chez les autres... On se passe les dernières démos, on se passe quelques copies pirates backups privés des derniers jeux...
Nul besoin de Facebook, nul besoin d'Internet.
On s’émerveille dans la presse de l'époque, seul moyen de savoir quel sont les nouvelles qu'on a pu rater, quels sont les jeux à paraître, etc...
Des années que j'ai eu la chance de vivre de l’intérieur, en participant à des démos, à des jeux, avec des gens formidables et que pour certains, j'ai toujours la chance de côtoyer.
Fin 92, c'est l'arrivée de l'Amiga 1200.
Avec son nouveau chipset AGA et ses 256 couleurs, il apporte un renouveau certain. Coté hardware aussi, on commence à voir les disques dur arriver, et l'Amiga 1200 semble prêt à passer le cap du lecteur de disquette.
Mais l'année 1993 est plus difficile que prévue. L'Amiga 1200 est un succès en demi-teinte, et les déclinaisons du 500 (les 500+ et 600) ne changeront rien au recul des ventes.
Mauvais choix, gestion interne désastreuse (nous ne le sauront que bien plus tard bien entendu), politique commerciale bancale, marketing douteux... Commodore est en perte de vitesse.
Les Amigaîstes sont toujours là, toujours aussi nombreux et plus déterminés que jamais à ne pas lâcher leurs machines favorites.
Mais nombreux sont ceux qui ne comprennent plus ou Commodore veut en venir. L'arrivée de la CD32, et la politique absurde de Commodore à partir de Noël 1993 commence à semer le doute et parfois la colère des fans...
93, c'est aussi la montée en puissance des compatibles PC. Les 386 et les premières cartes VGA 256 couleurs arrivent...
Il y avait bien quelques signes avant-coureur c'est sur...
Mais personne ne s'y attendait...
Mai 1994, c'est la stupeur et l'incomprehension quand la presse titre, unanime: "Commodore est mort!". La société Commodore a déposé bilan à la fin du mois d'Avril.
Des millions d'Amigaïste, dont je faisait partie, se retrouvent orphelins... Et l'angoisse commence à monter. Que va-t-il advenir d'Amiga? Qui va racheter les droits? Comment cela va-t-il se passer?
Les premières semaines, les premiers mois, l'espoir est encore permis et tout le monde s'y accroche comme à une unique bouée au milieu d'un océan déchaîné. Quelques noms sont avancés... Mais personne ne comprends très bien ce qu'il se passe. Ca commence à parler de racheter l'OS d'un coté, de racheter la marque de l'autre...
Amiga se retrouve démantelé et démembré. Les assets de la sociétés seront revendus individuellement.
Les mois passent, les annonces se font plus rares et l'espoir s'amenuise peu à peu...
Les éditeurs de jeu et de logiciels commencent peu à peu à abandonner la plateforme...
La mort dans l'âme, de plus en plus de passionnés de l'Amiga se tournent vers les PC...
L'année 95 et l'arrivée de Windows 95 signera définitivement le glas d'une époque, que beaucoup considèrent encore comme la plus prolifique et la plus sensationnelle, dans le sens strict du terme.
L'Amiga, c’était les 30 glorieuses de l'informatique.
Fait notable, Jay Miner, père de l'Amiga érigé au rang de Dieu par les fans, s’éteint en juin 1994, des suites d'une maladie qui le poursuit depuis des années.
D'aucuns diront qu'il n'a pas supporté de voir son "fils technologique" disparaître.
R.I.P Jay.
Jack Tramiel, même s'il a fondé Atari, grand rival d'Amiga, a lui aussi posé les première pierres de l'aventure Amiga. Il s'est éteint en 2012.
R.I.P Jack.
Pour une aventure, ce fut une aventure. Un émerveillement de tous les jours devant la technique et la créativité de tout cet écosystème qui a gravité autour de ce nom fédérateur: Amiga.
Ce ne fut pas qu'une simple machine...
Ce fut un univers unique, et une grande aventure humaine.
Bien sur, la passion Amiga n'a jamais complètement disparue. D’irréductibles gaulois se sont dressé ça et là pour que jamais la lumière de l'Amiga ne s'éteigne.
Parmi eux, les concepteur des premiers UAE, qui a donné lieu par la suite à WinUAE, FS-UAE, et d'autres... Amiberry utilisé dans Recalbox est lui aussi un descendant du premier UAE.
Aujourd'hui, même sur un Pi3, on peut émuler des machines haut de gamme Amiga, comme l'A4000. Mais hormis les connaisseurs, je ne suis pas certains que ça attire beaucoup de monde ;-)
Par contre, de l'A500 jusqu'à la CD32 en passant par le 1200, toutes ces machines ont laissé dans l'histoire un nombre incalculable de jeux exceptionnels. Et pour ceux qui veulent découvrir ce que fut la scène démo, on peut en trouver partout sur le net, au format disquette (ADF) ou au format disque dur (WHDL).
Bkg2k.